De l’image de la Suisse à ses réseaux commerciaux : la réception des livres suisses en pays tchèques à la fin des Lumières
Claire MADL
CEFRES – USR 3138 CNRS-MAEE
NdA. : Initiée dans le cadre de la conférence « Orbis Helveticorum. Le livre suisse et l’Europe centrale » organisée par l’Académie des sciences de Slovaquie à Smolenice (Slovaquie), du 24 au 26 avril 2007, cette étude a été remaniée et complétée dans le cadre d’un projet de recherche de la Grant Agency de l’Académie des sciences de République tchèque (GAAV IAA801010903, 2009-2011).
Rendre compte de la réception des livres suisses en pays tchèques est aussi complexe que synthétiser la question du livre suisse au XVIIIe siècle. Les historiens suisses eux-mêmes semblent avoir renoncé à cette synthèse1, et c’est bien à de multiples contrastes et ruptures que l’on est confronté en abordant ce sujet. Rupture confessionnelle tout d’abord. Après avoir fourni l’Europe en ouvrages protestants, il fallut aux imprimeurs suisses s’affirmer aussi comme fournisseurs de livres auprès des pays catholiques et, plus largement, procurer à leurs clients les livres les plus demandés, sans autre égard que celui dû à leur succès. Outre imprimeurs, ils se firent revendeurs2. Les contrastes entre différentes communautés linguistiques sont tout aussi déterminants. Après avoir conquis une place sur un marché européen du livre en latin, la Suisse dut se repositionner, au XVIIIe siècle, sur les marchés dominants des livres francophones et germanophones, bénéficiant pour ce faire de sa double appartenance linguistique. Pour les libraires de la Suisse lémanique, la France représentait un marché moteur tandis que ceux de suisse alémanique, portés par une production intellectuelle de premier plan, étaient totalement intégrés au marché des pays germaniques3. Ainsi, l’impératif économique avait imposé aux puissantes maisons de la librairie suisse un pragmatisme qui la préparait au marché du livre tel qu’il se présente au XVIIIe siècle. Celui-ci est marqué en particulier par une demande de plus en plus libérée du facteur confessionnel, le livre de religion jouant un rôle qui s’amenuise.
Du côté des pays tchèques, le XVIIIe siècle est marqué par la grande ouverture du commerce du livre. L’importation y domine dans un marché en expansion à partir des années 1760 et de façon accrue dans les années 17804. Les livres en latin puis en allemand y sont les plus nombreux, et la librairie fait partie des réseaux de la librairie allemande. En effet, les libraires de Bavière, de Saxe ou d’Autriche se rendent ou s’installent à Prague et à Brno, et les libraires pragois participent aux foires de Leipzig pour y former leurs assortiments mais aussi peu à peu pour y proposer une partie de leur production. Le livre en français connaît une grande popularité auprès des classes les plus fortunées, c’est-à-dire la noblesse, qui forme elle aussi une clientèle recherchée par les libraires5. Ainsi, la production des Suisses est-elle susceptible de pénétrer jusqu’aux pays tchèques même s’il est vrai que les pays allemands ne représentent qu’une faible part de la clientèle des éditeurs suisses francophones – 8 % pour les libraires genevois Cramer par exemple6.
Afin de tester la présence du livre suisse dans les pays tchèques à l’époque des Lumières, nous travaillons sur deux ensembles principaux de sources. D’une part sur une des grandes bibliothèques particulières pragoises de cette époque, qui se trouve être analysée en détail : celle des comtes de Hartig7. Le fonds de livres anciens est majoritairement constitué d’ouvrages postérieurs à 1760 dont la moitié est en français, l’autre moitié en allemand avec 5 % de livres en latin8. Une seconde source est constituée par les catalogues de libraires dont nous disposons pour cette période9. Cependant, un travail de dépouillement approfondi et de vérification bibliographique n’a pas été possible dans le cadre de la présente étude. Nous utiliserons enfin ce que nous savons des relations d’un des libraires pragois actifs à Prague dans les années 1770 et 1780, Wolfgang Gerle, avec une maison d’édition suisse : la Société typographique de Neuchâtel10 (S.T.N.).
LA RÉCEPTION DU LIVRE SUISSE DANS LES PAYS TCHÈQUES, UN PHÉNOMÈNE MARGINAL ?
Un aperçu global statistique donne la mesure de la place du livre suisse diffusé en pays tchèques. Les livres suisses représentent 3 % des nouveautés présentées vers 1780 à la foire de Leipzig11. Il s’agit principalement de livres allemands et, dans une mesure bien moindre, de livres latins. Les libraires de la Suisse lémanique abandonnant les foires allemandes vers le milieu du siècle, le livre en français venant de Suisse n’est pas représenté. Nous avons donc affaire à un phénomène minoritaire qui reflète mal l’engouement pour la Suisse que connut la fin des Lumières. En comparaison des catalogues de foire de Leipzig, les différents catalogues des libraires pragois donnent des chiffres plus contrastés. Leurs catalogues de livres allemands et latins permettent certes, d’après un premier sondage, de confirmer ce chiffre de 3 %. Le livre latin est marginal dans l’assortiment des libraires (5 % à 10 %) mais la part des livres suisses y est plus importante que pour le livre allemand : 10 % dans l’ensemble. Il est cependant difficile de travailler sur des échantillons aussi réduits : au sein d’un catalogue on trouve un ou deux livres en latin provenant de Suisse.
Parmi les livres français en revanche, la part de livres suisses varie sensiblement : de 3 % à 33 %, selon les libraires et selon les années, pour une moyenne de 7 %12. Dans la bibliothèque des Hartig, cette différenciation au sein des livres suisses entre les ouvrages en français et ceux en allemand existe aussi. En effet, 3 % de l’ensemble de la bibliothèque (c’est-à-dire 283 volumes) portent des adresses suisses mais parmi ces ouvrages suisses, seuls 5 % sont en latin et 18 % sont en allemand. La Suisse a fourni près de 6 % du fonds français de la bibliothèque pour seulement 1 % du fonds allemand. Le fait semble paradoxal, car il eut été logique que les libraires suisses germanophones, mieux introduits sur le marché que représente la monarchie des Habsbourg, aient vendu en priorité leurs propres éditions et que l’on retrouve leurs livres plus souvent que ceux de leurs confrères de la Suisse lémanique. Or les chiffres semblent remettre en cause cette hypothèse et placer les éditeurs de livres allemands en retrait par rapport aux éditeurs de livres francophones. Plus qu’une réponse aux interrogations multiples concernant les réseaux de la librairie suisse dans leur dimension « orientale », nous souhaiterions, dans le cadre de cette étude, préciser les termes des questions que soulève notre sujet qui n’est réduit que dans son apparence.
LA SUISSE À LA POINTE DES SCIENCES ET DES LETTRES
S’il l’on en restait à l’approche quantitative ici ébauchée, l’on serait bien en peine de saisir la dimension de l’engouement pour la Suisse que connurent les Lumières finissantes dans le monde allemand en particulier13. Parmi des facteurs multiples, l’image de la Suisse doit beaucoup à un groupe d’auteurs très célèbres que l’on trouve de façon récurrente dans les bibliothèques de leur époque. Parmi ces auteurs, Albrecht Haller se trouve bien représenté dans notre bibliothèque témoin ainsi que chez les libraires, en premier lieu comme auteur d’un genre : le poème patriotique où le paysage joue le rôle d’identificateur14. De même, les idylles de Salomon Gessner se trouvent dans toutes les bibliothèques et à l’esprit de tous les amateurs de littérature. Les Hartig les possèdent aussi bien en français qu’en allemand15. Cependant, des auteurs moins universellement connus bien que fondamentaux pour l’Aufklärung suisse et germanique, comme Johann Jakob Bodmer16 ou Johann Jakob Breitinger, ne sont pas présents dans la bibliothèque. Ce dernier auteur, il est vrai, fut peu réédité dans la seconde moitié du siècle, point fort de cette bibliothèque et période où ont été imprimés les catalogues ici étudiés.
Dans le domaine juridique de même, certains auteurs, peut-être un peu anciens au vu du fonds étudié, sont absents17 (Barbeyrac ou Burlamaqui principalement). Vattel est en revanche représenté, avec un traité en français sur le droit naturel18. Dans le domaine de l’histoire naturelle et des sciences, les auteurs suisses sont mieux représentés. On y retrouve Haller, en particulier dans les catalogues de libraires19. La figure de Johann Kaspar Lavater est fort célèbre20, même si elle n’est pas forcément reconnue au point de vue scientifique. Ainsi, lors de son voyage en Suisse, en 1786, le botaniste de Bohême Kaspar Sternberg se présenta chez lui et assista à une séance où Lavater montrait comment une de ses patientes était capable de lire n’importe quelle langue lors de ses crises de somnambulisme. Sternberg présenta une lettre en tchèque... que la somnambule ne lut pas21. Moins anecdotique, la célébrité des érudits suisses valut à Jean Bernoulli (1744-1807) d’être nommé en 1784 membre correspondant de la Société des sciences de Bohême22. Le comte de Hartig possède un volume de Bernoulli23 ainsi que quelques publications de sociétés savantes suisses24. Les auteurs de sciences naturelles seraient plus fréquents dans la bibliothèque d’un érudit que chez Hartig25. Néanmoins, celui-ci s’étant particulièrement intéressé aux sciences médicales, les grandes figures de la médecine suisse sont chez lui bien présentes : Haller26 toujours, mais surtout Tissot27, l’auteur le mieux représenté dans ce domaine. L’on trouve en outre des livres de médecine pratique d’auteurs moins prestigieux28. À l’opposé, Johann Georg Zimmermann29 n’est pas représenté dans le domaine de la médecine. D’ailleurs, le comte de Hartig eut l’opportunité de le consulter et il en livre un témoignage qui met en doute ses qualités de praticien en dépit de sa renommée littéraire et scientifique.
Le ci-devant fameux Zimmermann n’est point en état de raisonner aussi juste ; ou bien cet homme s’est fait une Réputation non méritée par quelques ouvrages d’un stile brillant, ou bien son âme est morte avant son corps. Presque personne ne s’en sert à Hanovre et vous savés tous les ridicules et sarcasmes que son ouvrage sur ses entretiens avec Frédérick le Grand lui ont valus30.
Au final, la vue sur les « Lumières suisses » n’est pas très approfondie en Bohême, et il manque notamment les auteurs et théologiens protestants porteurs des idées de l’helvétisme. L’offre en livres de religion est en effet mineure au vu des catalogues de nos libraires, et la bibliothèque de Hartig occupe une position extrême dans ce mouvement de sécularisation des lectures. L’absence de Johann Jakob Breitinger, de Jean-Frédéric Ostervald, par exemple, mais aussi l’absence de journaux suisses indique que certaines idées ne pénètrent que de façon indirecte.
Rousseau est le représentant le plus prestigieux des auteurs dont la renommée est rattachée à la Suisse, même si, comme on le sait, il ne faisait pas imprimer ses œuvres en Suisse même mais chez Marc Michel Rey, un émigré suisse installé à Amsterdam31. Désormais, les lecteurs de Rousseau sont plus enclins à visiter les Alpes et leur regard est empreint des impressions de leurs lectures. Ils retrouvent les mots de La Nouvelle Héloïse et éprouvent l’exaltation du chevalier de Saint-Preux à la vue des paysages alpestres. Le comte de Hartig parle lui-même de sa visite au rocher de La Meillerie dans les termes d’un pèlerinage.
Peut-être trouverez-vous que j’ai donné trop d’étendue à la description de cette petite tournée : mais outre que peu de Voyageurs l’ont entreprise, mon imagination est vivement frappée, & sans doute que mon admiration pour La Nouvelle Héloïse a servi à me rendre plus enthousiaste encore32.
Les ouvrages de description des paysages alpestres sont d’ailleurs une des spécialités de la Suisse des années 178033. Ils amplifient le mouvement amorcé d’une nouvelle perception de la montagne.
Si la renommée acquise par la Suisse grâce à un Rousseau ne doit pas grand chose aux imprimeurs suisses, ces derniers participèrent cependant à la constitution de l’image d’une Suisse, pays de liberté et de progrès, grâce aux services, bien rémunérés, qu’ils rendirent à des auteurs de renom mis dans l’impossibilité de publier chez eux34. Il s’agit principalement d’auteurs francophones et donc d’éditeurs de la Suisse lémanique. Le plus célèbre d’entre eux est Voltaire. Voltaire en s’installant à Ferney, se rapproche en effet de ses éditeurs genevois les Cramer. La ferme « modèle » de Ferney est visitée par tous les « beaux esprits affranchis »35 de l’Europe. Or Voltaire est un phénomène commercial de l’Europe des Lumières, tant il est proposé jusque dans les catalogues des libraires approvisionnant les pays tchèques36. Ainsi Genève devient le symbole d’une littérature française prestigieuse au cœur de l’Europe des lettrés. Deux aristocrates de la monarchie des Habsbourg, en Bohême Franz Anton Hartig (1758-1797), propriétaire de la bibliothèque ici prise à témoin, et en Hongrie János Fekete37 (1741-1803) utilisèrent la renommée de Genève pour se présenter à leurs lecteurs au sein de l’Europe des lettres. Ils firent inscrire en effet de façon tout à fait fictive l’adresse de Genève sur certains de leurs ouvrages, imprimés, pour ce qui est de Hartig, à Liège et dans le cas de Fekete à Vienne38. Auprès de Genève, ces deux villes n’étaient en effet pas assez prestigieuses, quand le nom de Genève leur apporte une légitimité accrue. On trouve même des livres qui utilisent comme adresse le nom de la « Suisse » comme dans notre échantillon le livre de Rétif de la Bretonne Le Nouvel Abeilard – édité conjointement par la Société typographique de Neuchâtel et celle de Berne39. Le titre du livre fait bien évidemment référence directement à La Nouvelle Héloïse de Rousseau. Ainsi, l’ouvrage fait appel à plusieurs niveaux à une représentation partagée de la Suisse.
L’image de la Suisse comme pays où l’on imprime des livres interdits semble fondée au vu de la bibliothèque des Hartig où figurent un certain nombre d’ouvrages soit interdits, soit pour lesquels il n’était pas question d’obtenir un privilège, comme Candide40 ou La Religion naturelle41 de Voltaire, mais aussi des rééditions ou contrefaçons comme Le Diable boiteux de Lesage42 ou encore les œuvres de Rousseau43. Cette réputation vaut à Genève d’être utilisée comme fausse adresse par des imprimeurs de toute origine, désireux de faire passer certains ouvrages pour affranchis. Sur les cinquante occurrences de l’adresse de Genève dans la bibliothèque des Hartig, quatorze se sont révélées être fausses44. Lorsqu’on publie à propos de Voltaire, par exemple, on imprime l’adresse de Genève sur la page de titre45. C’est aussi le cas, mais beaucoup plus rarement, de Lausanne (deux fois) ou de Neuchâtel.
Les fausses adresses jouent de la réputation de la Suisse comme lieu de liberté pour l’édition et servent parfois à couvrir des éditeurs parisiens. Ainsi, tandis que le Nouvel Abeilard de Rétif de La Bretonne est effectivement imprimé en partie à Neuchâtel en 1779, deux ouvrages du même auteur (La Femme infidèle et Les Parisiennes), prennent sur la page de titre l’adresse de Neuchâtel conjointement à l’adresse véritable : Paris46.
La Suisse a pu sembler à certains lettrés le lieu où une collaboration entre auteur et éditeur était possible alors que celle-ci est partout marquée par les tensions induites, d’un côté, par un marché en pleine expansion, de l’autre, par l’inexistence du droit d’auteur47. Les relations établies entre Voltaire et la maison Cramer ou bien entre Wieland et ses éditeurs zurichois sont un modèle aussi envié qu’exceptionnel48.
LA SUISSE COMME LIEU INTERMÉDIAIRE
La participation de la Suisse aux deux principales sphères linguistiques du monde intellectuel du XVIIIe siècle mérite que soit interrogée sa fonction de médiateur. Le seul dictionnaire franco-allemand que l’on trouve aujourd’hui dans la bibliothèque majoritairement bilingue des Hartig a été imprimé à Genève49. Des traductions en français de Gessner et de Wieland ont été très tôt éditées en Suisse. On estima, à Neuchâtel par exemple, que Gessner avait plus de chance d’être lu en français qu’en allemand par la clientèle aristocratique50. Et en effet, chez Hartig, Gessner se trouve dans deux éditions en français51, dont l’une de Zurich, qui précèdent d’une année l’édition en allemand52. L’importance du français comme langue des apprentissages, chez la noblesse, est encore montrée par un des ouvrages les mieux diffusés en milieu allemand, vendu par la Société typographique de Neuchâtel : une traduction d’un manuel de géographie d’Anton Friedrich Büsching53. Les Hartig possèdent cependant les ouvrages de Büsching plutôt en allemand, sauf un ouvrage consacré à Frédéric II54.
On doit aux Suisses, de plus, quelques célèbres traductions de l’anglais dont certaines se trouvent chez les Hartig : les traductions des pièces de Shakespeare par Wieland, éditées chez Orell, Gessner, Füssli & Co. à Zurich, par exemple55. Quelques éditions suisses très célèbres mais qui ne sont pas originales sont aussi diffusées jusqu’à Prague comme les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith56 ou des romans comme Rasselas de Samuel Johnson57.
Il semble, cependant, que le rôle d’intermédiaire de la Suisse soit en deçà des potentialités qu’on lui attribuerait de prime abord. Peu de traductions allemandes d’ouvrages français sortent de Suisse. On sait même qu’elles sont perçues par les éditeurs comme une concurrence58 et non comme une nouvelle opportunité ; phénomène qui montre que les deux sphères linguistiques fonctionnaient de façon cloisonnée. Seules les presses de Bâle et de Berne ont fourni aux Hartig des ouvrages dans les deux langues mais il ne s’agit par de traductions. Les autres centres de librairie se spécialisent dans leur langue respective – outre le latin. En fin de compte, certains centres semblent avoir joué un rôle d’intermédiaire plus important que la Suisse. C’est le cas de Strasbourg par exemple. La Société typographique de Neuchâtel dispose de correspondants bien placés pour proposer des ouvrages allemands susceptibles d’être traduits en français avec profit : l’un deux est situé à Strasbourg59. Les pays tchèques sont particulièrement ouverts à cette production des centres intermédiaires, plus éloignés qu’ils sont des libraires parisiens. Tandis que les comtes de Hartig, par exemple, achetaient leurs livres français auprès d’un libraire strasbourgeois60, le prince de Fürstenberg est client, entre autres, de Fontaine à Mannheim ; les particuliers entretenant des relations directes et suivies avec les libraires parisiens semblent très rares en Bohême61.
LE LIVRE SUISSE, UN PHÉNOMÈNE COMMERCIAL
En fin de compte, le livre suisse, outre les œuvres des grands auteurs des Lumières helvétiques, est tout d’abord un livre célèbre, qui se diffuse bien. C’est souvent un best-seller contrefait ou un ouvrage fondamental pour la culture livresque contemporaine : un abrégé de L’Histoire ecclésiastique de Fleury62, le Dictionnaire historique de dom Calmet63, le Droit public de l’Europe de Mably64 ou l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal65, mais aussi les œuvres de Molière66, les romans de Mme Riccoboni, et bien sûr les réimpressions de Rousseau ou de Voltaire. Un auteur comme Louis Sébastien Mercier est édité en Suisse aussi bien dans des éditions originales que par des copies67. De langue allemande, on trouve en pays tchèques des œuvres de Gellert ou de Hagedorn68, les Satires de Rabener69, et en latin les intemporels que sont Hippocrate70 ou Owen71. Les ouvrages interdits les plus célèbres sont aussi publiés en Suisse, dont, par exemple, Le Diable boiteux72.
Les éditions qui ne sont pas originales forment une grosse part de la production suisse, comme ailleurs en Europe. Du point de vue de la réception il s’agit plus souvent de livres en français73. Les Sociétés typographiques comme celle d’Yverdon ou de Neuchâtel avaient justement pour objectif d’imprimer les livres les plus demandés, quel que soit leur sujet, à bon marché, c’est-à-dire avec de petits formats, parfois sans illustration et sur un papier courant. Les rééditions en format in-4o et in-8o de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert entrent dans cette logique commerciale74. Le marché visé est principalement la France, qui représente la moitié du débouché d’une maison comme Cramer à Genève75 et la plus grande part de celui de la Société typographique de Neuchâtel76. Il s’agit de saisir les opportunités créées par la sclérose du système de librairie français, fondé sur le privilège, sur la fermeture du métier de libraire et sur les contraintes du régime de censure.
Ainsi, le livre suisse est en première ligne un phénomène commercial, bien que les contrefacteurs de toute l’Europe aiment à se présenter comme les bienfaiteurs de l’Europe éclairée, travaillant à la diffusion des Lumières auprès du public le plus large77.
Si la librairie suisse germanophone est intégrée au marché allemand, puisque les libraires suisses participent aux foires allemandes, le livre suisse en français appartient, avec les Pays-Bas en particulier, à la galaxie du livre français imprimé hors de France. Chez ces imprimeurs se fournissent les libraires allemands diffuseurs de livres français en contournant les libraires français qui ne participent pas aux foires78. À la fin du siècle, le marché du livre français est un marché dynamique mais qui enregistre un certain recul79, ou peut-être une saturation relativement à l’essor des belles-lettres allemandes. Il s’agit ainsi d’un marché fortement concurrentiel. La pénétration du livre en français venant de Suisse témoigne non seulement de la faveur dont jouit cette littérature, mais aussi du dynamisme des entrepreneurs de la librairie suisse et de leurs limites. Les éléments sur lesquels se joue la concurrence, dans un espace ouvert depuis les Provinces-Unies jusqu’à Berlin en passant par la Rhénanie, où l’on publie aussi en français, sont la réactivité au marché dans le choix des œuvres, ainsi que la maîtrise du prix du livre et des conditions de transports permettant d’assurer des livraisons rapides. Une première analyse des catalogues des libraires pragois et de notre bibliothèque-témoin montre que, du point de vue des pays tchèques, les diverses sources d’approvisionnement en livres suisses sont très irrégulièrement représentées. Tandis qu’en 1775 Wolfgang Gerle présente dans son catalogue allemand et latin huit titres de Zurich, sept de Berne et deux de Bâle, en 1785, nous trouvons six titres de Saint-Gall, trois de Zurich, trois de Wintherthur et un seul de Berne puis un de Bâle. Chez Johann Ferdinand Schönfeld, la majorité des livres vient de Bâle – un des centres les moins bien représentés chez Gerle –, quatre de Berne, quatre de Saint-Gall et un seul de Zurich. Dans la mesure où ces catalogues présentent en majorité des nouveautés, ils témoignent de l’irrégularité et de l’éclectisme de nos libraires pragois quant à leur approvisionnement. Certes, leurs fonds dans leur ensemble doivent être plus équilibrés mais les achats ne sont pas réguliers. Les centres approvisionnant en littérature française sont tout aussi variés. Les principaux fournisseurs sont les imprimeurs de Genève et de Lausanne, comme dans la bibliothèque du comte de Hartig. Mais chez Gerle, Yverdon est aussi bien placé que ces deux places principales tandis que chez Hartig il n’atteint qu’un rang mineur comparable à celui de Neuchâtel.
La difficulté à synthétiser ces données provient en premier lieu d’un phénomène majeur de l’ensemble de la librairie d’Ancien Régime : la multiplicité des centres producteurs de livres qui publient les mêmes titres en nombre d’exemplaires relativement réduit. Cet éparpillement témoigne ensuite de l’absence de système dans les réseaux d’approvisionnement des libraires pragois.
On sait que la S.T.N. avait, à ses débuts, contacté les libraires de toute l’Europe, même si sa cible privilégiée était le marché français80. Gerle a entretenu avec elle une correspondance qui couvre une longue période. Or, au vu de ses catalogues, les livres de la S.T.N. ne forment qu’une faible part de son assortiment, de sorte qu’il devait être en contact avec de nombreux autres fournisseurs : à Genève, à Lausanne, à Bâle, à Yverdon, à Berne ; hors de Suisse à Paris et Liège, tout au moins. Toute une série de questions surgit alors sur la place relative de la Suisse par rapport aux autres fournisseurs bien représentés dans les catalogues pragois, principalement les Provinces-Unies (17 % des livres français proposés par les libraires en Bohême) et l’Allemagne du Nord81 (8,5 %). De quels atouts les uns disposaient-ils par rapport aux autres dans un contexte de concurrence généralisée, à l’échelle de l’Europe entière ? Pourquoi Gerle a-t-il considéré comme nécessaire de diversifier extrêmement ses approvisionnements pour une frange minime de son assortiment malgré les surcoûts que cela lui imposait ? Son circuit s’organisait-il autour d’intermédiaires, allemands ou non ? Le marché était-il si porteur, la demande si spécifique qu’elle justifiait un tel investissement ? Cette dernière hypothèse témoignerait du bon niveau d’information du lecteur tchèque et de son intégration, malgré son éloignement physique, dans la vie intellectuelle européenne.
CONCLUSION
La Suisse fait indéniablement partie de l’horizon intellectuel accessible aux lecteurs des pays tchèques. La présence du livre suisse en Bohême et les relations de Wolfgang Gerle avec les libraires suisses témoignent de la grande ouverture du marché du livre en pays tchèques et de sa participation active à un marché européen. Le « livre suisse », à l’époque des Lumières, n’est cependant pas seulement un ensemble de représentations de la Suisse portées par un groupe d’intellectuels éminents. Il pourrait faire aussi figure de modèle pour les pratiques commerciales de la librairie des Lumières : adaptation au marché, pragmatisme, rôle accordé aux auteurs dans la constitution d’un fonds, combativité face à la concurrence, respect des catégories culturelles sans grande innovation intellectuelle. Ces constations ouvrent des perspectives d’analyse d’un phénomène commercial dont l’étude d’ensemble reste à faire82.
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1 C’est ce que constate Jean-Daniel Candaux, « Imprimeurs et libraires dans la Suisse des Lumières » dans Le Rayonnement d’une maison d’édition dans l’Europe des Lumières : la Société typographique de Neuchâtel 1769-1789. Actes du colloque, Neuchâtel, 31 octobre-2 novembre 2002, Neuchâtel, BPU/Hauterive, Ed. Gilles Attinger, 2005, pp. 51-68.
2 Georges Bonnant, « La librairie genevoise en Allemagne jusqu’à la fin du XVIIIe siècle », dans Genava, n. s., t. XXV, 1977, p. 121-151, p. 138
3 Ulrich Im Hof, Aufklärung in der Schweiz, Bern, Franke Verlag, 1970.
4 Les questions principales du commerce de librairie à Prague sont posées par Zdeněk Šimček, « Některé otázky knižního obchodu v Praze 18. století » [Quelques questions sur le marché du livre à Prague au XVIIIe siècle], dans Documenta pragensia, vol. X, 2 (1990), pp. 315-326 ; mais aussi Michael Wögerbauer, Die Ausdifferenzierung des Sozialsystems Literatur in Prag von 1760 bis 1820, thèse de doctorat, université de Vienne [dactyl.] 2006, 450 p., ici pp. 283 et suiv. (passim).
5 Claire Madl, « L’aristocrate client, complice et concurrent des libraires. Quelques traits de l’approvisionnement des bibliothèques nobiliaires de Bohême dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », dans Johannes Frimmel et Michael Wögerbauer (dir.), Kommunikation und Information in 18. Jahrhundert. Das Beispiel der Habsburgermonarchie, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2009, pp. 173-187.
6 Les chiffres sont récapitulés par Bernard Lescaze, « Commerce d’assortiment et livres interdits : Genève », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l’édition française. Vol. II, Le livre triomphant, 2e éd., Paris, Fayard-Éd. du Cercle de la libraire, 1990 (1re édition 1984), pp. 418-428. Il faut voir, plus en détail : Georges Bonnant, « La librairie genevoise en Allemagne jusqu’à la fin du XVIIIe siècle », art. cité.
7 Pour une présentation succincte de la bibliothèque, cf. Petr Mašek (dir.), Handbuch deutscher historischer Buchbestände in Europa. Band 2., Tschechische Republik Schlossbibliotheken unter der Verwaltung des Nationalmuseum in Prag, Hildesheim, etc., Olms-Weidman, 1997, pp. 140-141 (aujourd’hui numérisé et en libre accès : http://www.b2i.de/fabian).
8 Pour l’analyse détaillée de la bibliothèque, nous nous permettons de renvoyer à Claire Madl, L’Écrit, le livre et la publicité. Les engagements d’un aristocrate éclairé de Bohême : François Anton Hartig (1758-1797), thèse de doctorat de l’École pratique des hautes études (Paris), 2007, 1 vol. 564 p., 1 CD-ROM, en particulier le chap. III., pp. 141-176 ; ou encore id., « Reconstruction des pratiques plurilingues d’un aristocrate des Lumières à partir de sa bibliothèque et de ses écrits », dans Histoire et civilisation du livre, no 5, 2009, pp. 269-295.
9 Nous avons travaillé, pour cette étude, sur les catalogues de deux libraires, Wolfgang Gerle et Johann Ferdinand Schönfeld : Catalogue des livres françois qui se trouvent chez Wolfgang Gerle, [Prague, 1775, cca], conservé à la bibliothèque du Musée national, département des bibliothèques de châteaux, Prague, cote : Křivoklát XII h 88/9675) ; Verzeichniss neuer deutschund lateinischer Büchern welche um beygesezte Preise zu haben sind bey Wolfgang Gerle, Buchhändler, Prag, 1775 (Ibid. Křivoklát XII h 88/9667) ; Catalogue de livres françois nouveaux, ou nouvellement arrivés, avec quelques Anglois, qui se trouvent chez Wolfgang Gerle libraire, Prague, 1786 (Ibid. Křivoklát XII h 88/9676) ; Verzeichniss neuer deutschund lateinischer Bücher, welche seit der Leipziger Osterund Michaelimesse 1785 und 1786 neu angekommen, und um beygesezte Preise zu haben sind bey Wolfgang Gerle, Buchhändler, Prag, 1786 (Křivoklát XII h 88/9672) ; et Verzeichniss der Bücher, welche aus der Frankfurter und Leipziger Ostermesse vom Jahr 1784 auf das neue Angeschaft, und nebst andern um beygesetzte billige Preise in der von Schönfeldischen Buchhandlung, Prag, 1784 (conservé à la bibliothèque du couvent des prémontrés de Strahov, à Prague, cote EA IX 11/h). Les catalogues de libraires pragois antérieurs à 1760 sont rares. Pour une présentation plus ample de ces catalogues : Claire Madl, « Les importations de livres français en Bohême à la fin du XVIIIe siècle », dans Frédéric Barbier (dir.), Est-Ouest : transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe. Actes du colloque de Lyon des 6-8 décembre 2001, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2005, pp. 61-75.
10 Une étude fait un état sommaire de cette correspondance : Éric Berthoud, « Un commerce de librairie entre Neuchâtel et Prague de 1777 à 1789 », dans Musée neuchâtelois, 1969, pp. 134-139. Elle est aussi utilisée par Jeffrey Freedman, The Process of Cultural exchange. Publishing between France and Germany (1769-1789), thèse de l’université de Princeton, 1991, 514 p., en particulier pp. 235 et suiv.
11 Reinhard Wittmann, « Der deutsche Buchmarkt in Osteuropa im 18. Jahrhunder », dans Buchmarkt und Lektüre im 18. und 19. Jahrhundert: Beiträge zum literarischen Leben 1750- 1880, Tübingen, Niemayer, 1982, pp. 93-110, ici p. 97. Les chiffres donnés correspondent aux années 1780-1782.
12 Ces chiffres proviennent d’une étude antérieure, qui prenait en compte un échantillon de quinze catalogues de libraires actifs à Prague de 1764 à 1797 : Claire Madl : « Les importations de livres français en Bohême à la fin du XVIIIe siècle », art. cité note 9.
13 Eduard Ziehen, Die Deutsche Schweizerbegeisterung in den Jahren 1750-1815, Frankfurt a/Main, M. Diesterweg, 1922, et, plus récemment, Uwe Hentschel, « „Lasst euch nie durch Neuerungssucht auf Abwege leiten“ : das Bild der Schweiz in der deutschen Literatur während der Französischen Revolution », dans Francia, no 29 (2), 2002, pp. 3-74.
14 Albrecht Haller, Versuch schweizerischer Gedichte, Zürich, Füssli, 1768 (bibliothèque du Musée national, bibliothèques de châteaux, cote Mimoň 3 – nous n’indiquerons désormais que la cote où Mimoň est le nom du fonds) et aussi dans une édition antérieure de Göttingen de 1762. De Haller, se trouve aussi ses romans utopiques Usong (Bern, Neue Buchhandlung, 1771 – Mimoň 511) ou encore Fabius und Caton, Bern, Göttingen, Emmanuel Haller, 1774 (Mimoň 1004) et Alfred König der Engel-Sachsen, Frankfurt, Leipzig, 1771 (Mimoň 954).
15 Salomon Gessner, Œuvres choisies et poésies diverses, Paris, 1774 (Mimoň 3085) et en allemand : Sämmtliche Schriften, Carlsruhe, 1775 (Mimoň 3480).
16 On trouve des ouvrages de cet auteur dans la bibliothèque de la famille Kolowrat, aujourd’hui au sein de la bibliothèque du Musée national, à Prague : Der Noah, Zürich, 1752, (cote 97A3) ou Gedichte in gereimten Versen, Zürich, 1754 (ibid., cote 97A40).
17 Pour la réception de ces juristes dans les pays tchèques : Jiří Klabouch, Osvícenské právní nauky v č eských zemích [La science juridique dans les pays tchèques], Prague, Nakl. Čsl. Akademie věd, 1958, 356 p., en particulier p. 263-268.
18 Emmer de Vattel, Questions de droit naturel, Berne, 1767 (Mimoň 3298).
19 Notamment dans les catalogues de Gerle aussi bien en français qu’en allemand, en 1775 et 1786.
20 Les Hartig possèdent de lui : Vermischte unphysiognomische Regeln zur Selbstund Menschenkenntniss, [Zürich, s. n.], 1787 (Mimoň 513 et 2557 duppl.), mais aussi un écrit plus circonstanciel : Briefe von J. C. Lavater und an Ihn und seine Freunde ; Betreffend Lavaters Ruf nach Bremen (...) nebst einem (...) Briefe J. C. Lavaters an den (...) Teufelsbanner Joseph Gassner (...) 1777, [Bremen, 1777] (Mimoň 333 et 2490).
21 Kaspar Sternberg, Leben des Grafen Kaspar Sternberg von ihm selbst geschrieben, František Palacký (éd.), Prague, Friedrich Tempsky, 1868, p. 24.
22 Jaroslav Prokeš, Počátky české společnosti nauk do konce XVIII. stol. I. 1774-1789 [Les Débuts de la Société des sciences de Bohême jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. I. 1774-1789], Prague, Jubilejní Fond KČSN, 1938, p. 184.
23 Lettres sur différens sujets écrites pendant le cours d’un voyage par l’Allemagne, la Suisse, la France méridionale et l’Italie, Berlin, Decker, 1777 (Mimoň 2295).
24 Neue Sammlung physisch-ökonomischer Schriften herausgegeben von der ökonomischen Gesellschaft in Bern, Bern, Zürich, bey der typographischen Gesellschaft, 1779-1785, 3 vol. (Mimoň 687). Ou encore : Mémoires de la Société des sciences physiques de Lausanne, Lausanne, 1784-1789, 2 vol. (Mimoň 3817).
25 On trouve par exemple des éditions anciennes des œuvres de Léonard Euler et Jean Bernoulli à la bibliothèque du Musée national, dont les fonds se constituèrent à partir de collections particulières.
26 Albrecht von Haller, Anfangsgründe der Phisiologie des menschlichen Körpers, Berlin, Voss, 1759-1762 (Mimoň 1828). Hartig ne possède que deux volumes sur les huit parus.
27 On trouve neuf titres de Tissot, six en français : L’Onanisme. 3e éd. (...) augm., Paris, Didot le jeune, 1765, (Mimoň 904) ; Avis au peuple sur sa santé, 3e éd. originale ; augm. d’un Indice Alphabétique, & d’un Avis des Libraires aux Lecteurs. Tome I-II., Lausanne, Grasset ; Genève, Duvillard, 1766 (Mimoň 1282) ; De la santé des gens de lettres, Lausanne, Grasset, 1768 (Mimoň 697) ; Traité de l’épilepsie, Faisant le Tomme III. du Traité des nerfs, Paris, Didot, 1770 (Mimoň 949) ; Essai sur les maladies des gens du monde, Lausanne, Grasset, 1770 (Mimoň 2717). Trois sont des traductions allemandes : Von den Krankheiten vornehmer und reicher Personen an Höfen und in grossen Stadten, Vienne, Trattner, 1770 (Mimoň 125) ; Die Erzeugung der Menschen,und Heimlichkeiten der Frauenzimmer, Offenbach, 1774 (Mimoň 2191) et une autre édition du même titre : Entdeckungen und besondere Heimlichkeiten der Mannspersonen und Frauenzimmer (Francfort, 1775 : Mimoň 623).
28 Jean-André Venel, Essai sur la santé et sur l’éducation médicinale des filles destinées au mariage, Lausanne, chez Jules Henri Pott et Comp., 1782 (Mimoň 388) ou encore de Bourdet, Soins faciles pour la propreté de la bouche, Lausanne, Grasset, 1760 (Mimoň 2520) et enfin un guide curieux : Briefe über jezt lebende Ärzte von einem reisenden Arzt aus der Schweiz, [s. l., s. n.], 1794 (Mimoň 2232).
29 Vom Nationalstolze. 4. um die Halftevermehret, und durchaus verbesserte Auflage, Zürich, Orell, Gessner & Co., 1768 (Mimoň 1456). Versuch in anmuthigen und lehrreichen Erzählungen, Göttingen, 1779 (Mimoň 824).
30 Archives particulières de Limbourg, fasc. 202, Lettre de Franz Anton Hartig à Jean-Philippe de Limbourg (1er janvier 1795, de Hanovre). L’ouvrage auquel il est fait allusion sont des Fragmente über Friedrich den Grossen zur Geschichte seines Lebens, seiner Regierung, und seines Charakters, Francfort, [s. n.], 1790.
31 On ne trouve, dans la bibliothèque des Hartig, aucune édition de Rousseau effectuée par Marc-Michel Rey.
32 [Franz von Hartig], Lettres sur la France, l’Angleterre et l’Italie par le C te F. d. H., à Genève [Liège, Desoer], 1785, p. 155.
33 Johann Ludwig Ambühl, Die Brieftasche aus den Alpen, Zürich, Orell, Gessner, & Co., 1780 (Mimoň 1388) ; François Vernes, Le Voyageur sentimental ou Ma promenade à Yverdun, Neuchâtel, 1786 (1re éd., 1782 selon le catalogue de la Bibliothèque nationale de France). L. C. Bordier, Voyage pitoresque aux glaciers de Savoye. Fait en 1772 par Mr. B., Genève, Caille, 1773 (Mimoň 786) ; ou des variations sur le sujet : Louis A. Liomin, Les Deux solitaires des Alpes, Lausanne, Lacombe, 1791 (Mimoň 2342).
34 Jean-Daniel Candaux parle de la « vocation compensatrice » de l’imprimerie helvétique : « Imprimeurs et libraires dans la Suisse des Lumières », art. cité. n. 1, p. 58.
35 Louis Réau, L’Europe française au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 1971 (1re édition 1938), p. 270.
36 Claire Madl, « Les importations de livres français en Bohême à la fin du XVIIIe siècle », art. cité, p. 70.
37 Claude Michaud, « Lumières, franc-maçonnerie et politique dans les États des Habsbourg. Les correspondants du comte Fekete », dans id., Entre croisades et révolutions. Princes, noblesse et nations au centre de l’Europe XVI-XVIII e siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, p. 73-117 (1re édition de l’article : 1980).
38 [Franz von Hartig] Le Temple de la mort. Poëme traduit de l’anglais par le comte Fr : de H***** Imprimé à Genève, 1776 (Mimoň 1791) et Lettres sur la France, l’Angleterre et l’Italie par le C te F. d. H., à Genève [Liège, Desoer], 1785 ; de János Fekete von Galatha, Mes rapsodies ou Recueil des différens essais de vers et de prose du Comte de ***, Genève [Vienne], 1781. Fekete y publie d’ailleurs une partie de sa correspondance avec Voltaire.
39 Mimoň 3179. Cf. Michel Schlup (dir.), L’Édition neuchâteloise au siècle des Lumières. La Société typographique de Neuchâtel (1769-1789), Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 2002, p. 263.
40 [Genève, Cramer,] 1759. Cf. Georges Bengesco, Voltaire : bibliographie de ses œuvres, Nendeln, Kraus, 1977-1979, 4 vol. (disponible en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France), no 1434 : les Hartig avaient en effet une édition princeps de Candide.
41 Genève, 1756, (Mimoň 1356) et une édition des Confessions suivies des Rêveries du promeneur solitaire de Lausanne, Grasset, 1782 (Mimoň 595).
42 Bâle, chez Jean Schweighauser, 1766 (Mimov 1464).
43 La bibliothèque des Hartig a deux volumes d’une édition de Genève (sans adresse) et de 1789 (Mimoň 587).
44 Certaines sont le fait de libraires français comme une édition de la Henriade de Voltaire, imprimée à Lille mais portant l’adresse de Genève (1773). Cf. Georges Bengesco, no 386 (Mimoň 352), ou cet ouvrage faussement attribué par son titre à Voltaire : Voltaire peint par lui-même, imprimé à Rouen en 1772 mais portant l’adresse de Lausanne (Mimoň 3362). Les adresses doubles du type « Genève et Paris » où seul le nom d’un libraire parisien est indiqué sont aussi susceptibles d’être le fait du seul éditeur parisien : Saint-Clair, Les Égaremens d’un philosophe, Genève, Paris, Regnault, 1786, (2 vol.) (Mimoň 2318 et 2687). Œuvres de Monsieur de Saint-Marc, Genève, Paris, Monory, 1775 (Mimoň 4226).
45 Par exemple, [Jacques Lacombe], Poétique de M. de Voltaire ou Observations recueillies de ses ouvrages. Partie I [II], Genève, et se vend à Paris chez Lacombe, 1766 (Mimoň 1293).
46 La Femme infidèle par Maribert-Courtenay [pseud.], Neuchâtel et se trouve à Paris chez la veuve Duchesne, 1786, 4 t. (Mimoň 705) ; Les Parisiennes, ou XL caractères généraux pris dans les mœurs actuelles, Propres à servir d’instruction, Neuchâtel et se trouve à Paris chez Guillot, 1787, 4 t. (Mimoň 404)
47 Frédéric Barbier, « De la république des auteurs à la république des libraires : statut de l’auteur, fonctions et pratiques de la librairie en Allemagne au XVIIIe siècle », dans Frédéric Barbier, Dominique Varry et Sabine Juratic (dir.), L’Europe et le livre. Réseaux et pratiques du négoce de librairie XVI e -XIX e siècle, Paris, Klincksieck, 1996, pp. 415-449.
48 Ainsi, les éditions de Wieland sorties de la maison Orell, Gessner, Füssli & Co. sont présentes chez les Hartig, par exemple des Poetische Schriften de 1770-1772 (Mimoň 3844).
49 Nouveau dictionaire François-Aleman et Aleman-François, Genève, 1683 (Mimoň 3253).
50 Jeffrey Freedman, The Process of Cultural exchange, ouvr. cité, n. 10, p. 6.
51 Œuvres choisies et poésies diverses, Paris, 1774 (Mimoň 3085). Hartig possédait une autre édition de la traduction de Gessner éditée à Zurich en 1774 mais qui ne se trouve plus aujourd’hui dans la bibliothèque. C’est ce que nous apprend le volume du catalogue manuscrit de la bibliothèque intitulé Poésie française, Mimoň R73/XLII.
52 Sämmtliche Schriften, Carlsruhe, 1775 (Mimoň 3480).
53 Il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’une impression de la S.T.N., cf. le catalogue des impressions de la S.T.N. établi dans L’Édition neuchâteloise au siècle des Lumières, ouvr. cité, n. 39, p. 284, qui mentionne l’ouvrage mais avec la note « non trouvé ou examiné ».
54 Caractère de Frédéric II, roi de Prusse, Berne, Haller, 1784 (Mimoň 3579).
55 Schauspiele, ici éditées de 1775 à 1782 en 13 vol. (Mimoň 4139).
56 Éditées par De Felice à Yverdon en 1781 en 6 vol. (Mimoň 1281). Une version allemande entrera dans la bibliothèque à la toute fin du siècle (Francfort, 1796-1799 : Mimoň 1669).
57 Lausanne, Jean Mouret et Guillaume De Bure l’aîné, 1788.
58 Georges Bonnant, « La librairie genevoise en Allemagne », art. cité, n. 2, p. 125, souligne qu’on ne publie pas à Genève de traduction du français vers l’allemand au XVIIIe siècle.
59 Jeffrey Freedman, The Process of Cultural exchange, ouvr. cité, n. 10, p. 50 et suiv. : de Strasbourg, Jean de Turkheim proposa en vain à la S.T.N. de traduire certains ouvrages de droit pénal et concernant la sécularisation du théoricien politique Joseph von Sonnenfels.
60 Auprès de la librairie académique, en particulier cf. Claire Madl, L’Écrit, le livre et la publicité, ouvr. cité, n. 9, p. 157.
61 Claire Madl, « Les aristocrates clients, complices et concurrents des libraires », art. cité, n. 5.
62 Berne, 1766 (Mimoň 2172).
63 Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, Genève, Marc-Michel Bousquet, 1730, (Mimoň 3737).
64 Genève, Cie des libraires, 1764 (Mimoň 793).
65 Guillaume Thomas Raynal, Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, Genève, Pellet, 1780 (Mimoň 1690).
66 Neuchâtel, S.T.N., 1775 (Mimoň 4222).
67 Le fait que Mercier fait imprimer à partir de 1781 ses ouvrages à Neuchâtel n’est qu’indirectement décelable à partir de la bibliothèque des Hartig, car elle ne possède que des contrefaçons des éditions neuchâteloises : L’An deux mille quatre cent quarante, Neuchâtel, 1772 (Mimoň 179) ; Bonnet de nuit, Neuchâtel, 1784 (Mimoň 572). Il s’agit sans doute de fausses adresses car le nom de l’auteur ne figure pas sur la page de titre, alors que la S.T.N. avait apposé le nom de Mercier. Les vignettes en revanche sont semblables selon la liste des impressions connues de la S.T.N. : L’Édition neuchâteloise au siècle des Lumières, ouvr. cité, n. 39, pp. 276-277, et dans cet ouvrage le chapitre de Michel Schlup, « Les querelles et les intrigues autour de l’édition du Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier (1781-1783) », pp. 130-141.
68 Poetische Werke, Bern, Wagner, 1766 (Mimoň 3637).
69 Bern, B. Ludwig Walthard, 1766 (Mimoň 671).
70 Medicorum omnium, Genève, Choüet, 1647 (Mimoň 3592).
71 Epigrammata. Editio postrema et correctissima, Basel, Jo. Schweignauser, 1766 (Mimoň 756).
72 Bâle, Jean Schweighauser, 1766 (Mimoň 1488).
73 Cf. Robert Darnton, « La science de la contrefaçon », dans Le Rayonnement d’une maison d’édition, ouvr. cité, n. 1, pp. 89-113.
74 L’édition d’Yverdon, dirigée par De Felice, allie un remaniement du fonds au changement de format. Cf. Jean-Daniel Candaux, Alain Cernuschi, Clorinda Donato et Jens Häseler (dir.), L’Encyclopédie d’Yverdon et sa résonance européenne. Contextes – contenus – continuités, Genève, Slatkine, 2005, 504 p. Cette encyclopédie, diffusée principalement aux Pays-Bas et a priori destinée aux pays protestants, est proposée par Wolfgang Gerle dans son catalogue de 1775.
75 Bernard Lescaze, « Commerce d’assortiment et livres interdits : Genève », art. cité, n. 6.
76 Michel Schlup, « La Société typographique de Neuchâtel (1769-1789) : points de repère », dans L’Édition neuchâteloise, ouvr. cité, n. 39, pp. 61-105.
77 Reinhard Wittmann, « Der gerechtfertigte Nachdrucker ? Nachdruck und literarisches Leben im achtzehnten Jahrhundert » dans Giles Barber et Bernhard Fabian (dir.), Buch und Buchhandel in Europa im achtzehnten Jahrhundert, Hamburg, Haswedell, 1981, pp. 293-320 (aussi disponible dans R. Wittmann, Buchmarkt und Lektüre im 18. und 19. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 1982, pp. 69-92).
78 Frédéric Barbier, Le Commerce de livres français en Allemagne au XVIII e siècle. Des catalogues de foires aux catalogues de bibliothèques privées, 1998 [dactyl.], 42 p., ici p. 18.
79 Ibid.
80 Cf. Michel Schlup, « La Société typographique de Neuchâtel (1769-1789) : points de repère », dans L’Édition neuchâteloise, ouvr. cité, n. 39, p. 61.
81 Cf. Claire Madl, « Les importations de livres français en Bohême », art. cité, p. 71.
82 C’est aussi la conclusion que tire Jean-Daniel Candaux dans sa postface à L’Encyclopédie d’Yverdon et sa résonance européenne, ouvr. cité n. 74, p. 482.