Mme de Fourqueux (1728-1798), femme du monde et écrivain
Laurence CROQ
Université Paris Ouest Nanterre, CHISCO
En 1817, le libraire Marandan publie les Confessions de Madame***. Principes de morale pour se conduire dans le monde, avec une préface de Jean-Baptiste-Antoine Suard1. L’ouvrage, qui comprend deux volumes, est attribué à Mme de Fourqueux, Marie-Louise Auget de Monthyon, épouse de Michel Bouvard de Fourqueux (1719-1789) dont la carrière a atteint son apogée en 1787 avec sa nomination comme contrôleur général des finances. Deux personnes contestent cette attribution, le frère de Mme de Fourqueux, le baron de Monthyon, et la marquise de Villeneuve-Arifat, née Aimardine Aglaé Louise Gabrielle de Nicolaï (1773-1862). Celle-ci est issue de la dynastie des présidents de la chambre des comptes, elle a connu personnellement Mme de Fourqueux dans la société de son grand-père vers 1785-1789. Elle témoigne ainsi de ses doutes et de ceux de Monthyon :
M. de Montyon (...) était le frère de Mme de Fourqueux dont il venait de paraître un ouvrage posthume (...) Lorsqu’on [lui] en parla, il assura que jamais sa sœur n’avait rien écrit et qu’on s’était servi de quelques circonstances de sa vie et de son genre sentimental pour composer ce livre sous son nom. Il est bien certain que l’excellente et roucoulante Mme de Fourqueux n’avait rien, à l’âge où je l’ai connue, qui lui donnât l’air d’un auteur, et elle n’avait pas eu le temps de l’être, étant toujours dans le monde ou en recevant chez elle2...
Mme de Fourqueux est pourtant bien l’auteur des Confessions de Madame*** et de deux romans, Julie de Saint-Olmont et Amélie de Treville. En combinant les données tirées des Confessions avec celles des actes notariés et de la littérature de témoignage, on esquissera les grandes étapes de sa vie et de sa sociabilité, avant de présenter ses consommations et productions littéraires et les étapes de la publication de ses manuscrits.
Mme DE FOURQUEUX FEMME DU MONDE
Marie-Louise Auget de Monthyon est née en 1728, fille de Jean Auget (1695-1741), chevalier seigneur de Boissy, baron de Monthyon, maître ordinaire de la chambre des comptes et de sa première épouse, Catherine Marie Françoise Surirey de Saint-Rémy. Sa mère étant morte peu après sa naissance, son père se remarie en 1732 avec Marie Anne Pajot Du Bouchet, qui mettra au monde le baron de Monthyon, déjà cité, et Auget de Chambry. La famille vit alors dans le quartier du Marais, rue Sainte-Croix-de-La-Bretonnerie. La petite fille n’y fait que de rares apparitions, elle ne va pas non plus au couvent3. Elle est prise en charge par une de ses tantes paternelles qui lui tient lieu de mère et lui donne une éducation surtout religieuse. Mlle de Monthyon joue « dans les champs avec les filles du village » :
Je n’apprenois rien et j’étois parfaitement heureuse (...) Le maître d’école me montroit un peu à lire, quand je le voulois bien ; mais je crois que je ne l’aurois jamais appris, sans la passion qui me vint pour les romans... (I, 8-9).
Son père, qui souffre d’une « maladie longue et très-douloureuse » (I, 3) et qui mourra le 9 février 1741, rédige son testament le 5 novembre 1740. Il lui lègue 120 000 livres et confie officiellement l’enfant à sa sœur jusqu’à son mariage4. Pourtant, dès le mois suivant, la jeune fille est mariée à Michel Bouvard de Fourqueux (1719-1789), procureur général de la chambre des comptes en survivance de son père. Le contrat de mariage est signé le 11 décembre 1740, et le mariage est célébré le 16, sans respect du temps clos de l’Avent5. Le marié reçoit 648 202 livres mais, selon un schéma classique dans les familles de la robe, son père garde la jouissance et les revenus de son office et de ses seigneuries6. Mlle de Monthyon est dotée de 380 853 livres ; mais 110 000 livres ne seront versés qu’après la mort de son père et de sa sœur, et le reste de la dot est acquitté par des rentes montant environ à 10 000 livres7.
Marie-Louise a alors 12 ans. Son mariage précoce, qu’elle rappelle très souvent dans ses Confessions, marque une première rupture dans sa vie : il apparaît comme la chute après le paradis, l’âge d’airain après l’âge d’or8. La vie dans la maison de la rue des Francs-Bourgeois porte Saint-Michel, paroisse Saint-Sulpice, qui appartient à la famille de Fourqueux depuis 1658, n’est pas douce. Pendant treize ans, elle subit le « caractère un peu violent », « la colère », « l’injustice » de son beau-père, traits de caractère que Mme de Graffigny et ses correspondants confirment. Sous leur toit vit aussi « l’abbé de F*** oncle de mon mari », en fait un grand-oncle, Michel-Jérôme Bouvard (1700-1762), doyen de l’église de Sens, vicaire général de cet archevêché, qui est très épris de sa petitenièce. Mme de Fourqueux est la seule femme de la famille, indépendamment des domestiques.
1740 voit aussi l’entrée de Mme de Fourqueux dans le monde. Elle fréquente Mme de Graffigny9, romancière, dramaturge, épistolière, qui tient aussi un salon réputé. Françoise de Graffigny est liée à la famille du magistrat des comptes par l’intermédiaire de son ami Léopold Desmarest (1708-1747), que M. de Fourqueux traite comme son cousin10 mais dont la conversation ne fait pas toujours le bonheur de la jeune femme11. Les relations entre Mme de Graffigny et les Fourqueux semblent devenir plus distantes après 1743.
L’arrivée dans un univers très codé d’une femme si jolie et si jeune12, avec son « désir de plaire », inspire les auteurs d’historiettes. Une anecdote, qui apparaît d’abord dans une lettre du 10 mai 1741, présente Mme de Fourqueux comme une jeune femme énurésique que son mari veut fouetter, mais qu’elle trompe avec Desmarest. Le ragot remonte jusqu’au roi13, il est rapporté dans plusieurs correspondances14, il est publié sous diverses formes15.
Les jeunes gens se desolent (...) La pauvre petite femme est si neuve en point d’honneur qu’elle est bien plus affligée de la pisserie que du reste16...
La trame de l’histoire reprend un scénario traditionnel de la comédie, où une bourgeoise prend pour amant un militaire auquel son mari ou son père fait aveuglément confiance. Mais ni Devaux, ni le comte de Tessin n’ont été dupes de la fable17, le public est habitué à exercer discrètement son esprit critique. L’historiette coïncide en tout cas avec les débuts précoces de la vie sexuelle de la jeune femme : enceinte à 13 ans et demi, elle regrette de ne pas avoir été mise au couvent (I, 14). La jeune femme revient peu après sur le devant de la scène : avec Mme Thiroux d’Arconville18 (1720-1805)
elle hante les Porcherons, mène grand bruit devant les parades et commande même un soir (...) qu’on rouvre après souper le théâtre de Polichinelle à l’intention de la bande dont elle est le boute-entrain.
La robe reproche au lieutenant général de police la publicité faite à ces gamineries19.
La mort de sa tante20 et la naissance de ses filles mettent un terme à sa première jeunesse, M. de Fourqueux « la rendit mère, deux fois en deux ans »21 : Adélaïde Agnès Élisabeth, qui épousera M. d’Invault, naît le 9 février 1745, Anne Marie Rosalie, future Mme Trudaine, est probablement née en 1744. Mme de Fourqueux allaite ses filles et se charge de leur instruction22. L’allaitement est, selon elle, un devoir naturel :
Il reste à la femelle un dépôt à conserver, des petits à mettre au jour, qu’il faudra allaiter, nourrir et soigner jusqu’au temps où ils auront acquis la force nécessaire pour vaquer à leur subsistance (II, 5).
Ce choix n’est pas conforme à deux topoi de l’histoire de l’allaitement maternel : celui-ci ne serait pas pratiqué dans les élites avant la publication de l’Émile en 176223 ; la mère qui place son enfant en nourrice serait « incapable de renoncer à la vie mondaine »24. L’attitude maternante de Mme de Fourqueux a peut-être servi de modèle à son amie, Mme de Monthullé, qui prend soin de l’éducation de ses enfants, nés entre 1751 et 175725. Dans ces années, Mme de Fourqueux est aussi liée à Dufort de Cheverny, elle est invitée au bal qu’il organise pour fêter sa réception comme introducteur des ambassadeurs en 175226.
Pendant ce temps, M. de Fourqueux protège le peintre Jean-Baptiste Perronneau : il est témoin de son mariage le 3 novembre 175427, et poursuit leurs relations au moins jusqu’à la fin du règne de Louis XV28. Les années qui suivent le décès de Bouvard père en juillet 1754 inaugurent un développement de la sociabilité de M. et de Mme de Fourqueux en couple. Ils apparaissent ainsi dans l’entourage amical de l’intendant des finances Trudaine où ils côtoient le mathématicien Alexis-Claude Clairaut (1713-1765), un des « adorateurs » de Mme de Fourqueux. C’est par son intermédiaire que le mathématicien Ferrner, de passage à Paris, est invité à partager les repas des Fourqueux en avril et en juin 176129. À la mort de Clairaut en 1765, Grimm et Diderot lui consacrent une notice nécrologique qui rappelle ses talents et, de façon indiscrète, sa passion pour Mme de Fourqueux30. Celle-ci évoque avec nostalgie dans ses Confessions cet amour platonique (I, 108-109).
Dès cette époque, M. et Mme de Fourqueux ont noué des relations amicales avec Louis-Paul Abeille31 (1719-1807) et avec Charles Pinot Duclos32 (1704-1772), qui sont eux-mêmes proches de Quesnay : l’intégration de M. de Fourqueux dans le milieu des économistes date probablement des années 1750. Une lettre écrite à Rome le 1er avril 1767 par Duclos à Abeille rappelle les liens qui les unissent à M. et Mme de Fourqueux :
Vous serez peut-être à Fourqueux en recevant [cette lettre] ; mais là ou ailleurs vous savez ma vénération pour le mari et la femme, et mon dévouement pour tout ce qui leur appartient au centième degré33.
Duclos choisira Abeille comme exécuteur testamentaire en 1769. Le beau-frère d’Abeille, Louis-Félix Guynement de Keralio (1731-1793), est par ailleurs un adorateur de Mme de Fourqueux34. Keralio est un militaire et un homme de lettres reconnu en Suède, un traducteur de la littérature allemande. Par son intermédiaire, Ramond prend contact avec Malesherbes pour obtenir les notes qu’il a prises pendant son voyage en Suisse. Il est aussi au service du cardinal de Rohan avant sa disgrâce en 1785.
Pendant ce temps, Mlles de Fourqueux ont grandi. En janvier 1762, Anne-Marie-Rosalie épouse Jean Charles Philibert Trudaine de Montigny. Le marié a suivi les traces de son père, il n’a pas encore 40 ans, mais il est déjà intendant des finances (en survivance depuis 1754) et conseiller d’État35 (depuis 1754). La jeune femme est maigrement dotée de 120 000 livres payés par une rente annuelle de 6 000 livres. Les années qui suivent ce mariage ne semblent pas bouleverser la vie de Mme de Fourqueux, qui reste proche de ses filles. Le jeune Dupont de Nemours, qui a fait connaissance avec M. de Fourqueux par l’intermédiaire de Trudaine et de Quesnay36, présente le salon de son épouse vers 1764 :
Madame de Fourqueux avait inventé une manière très agréable de donner à souper ; on appelait cette espèce de souper, un café. La salle à manger et le salon étaient remplis d’une multitude de petites tables. La maîtresse de maison et ses deux filles en grand tablier blanc en faisaient les honneurs. La compagnie était choisie, elle n’était cependant point invitée. On avait fait une liste de trente-six personnes qui ne venaient pas toujours toutes, mais quand ils leur plaisaient et à l’heure qu’elles jugeaient convenable depuis huit heures du soir. Elles se promenaient ou s’asseyaient à leur volonté à la table et avec le compagnon qui leur agréait le plus, elles en changeaient à leur fantaisie. On leur servait sur leur demande, principalement des rafraîchissements, des compotes et des fruits, et aussi des aliments plus solides lorsqu’elles le désiraient. Le souper sous cette forme était à la fois brillant, gai, libre et peu dispendieux. Le café se terminait souvent par de petits jeux et quelquefois par des contredanses (...) On les aurait pris pour les trois sœurs. Mais on veillait chez elles extrêmement tard37...
Dupont a été sensible à la formule économique inventée pour tenir salon sans donner à souper38. Les conversations sont libres, personne n’anime la soirée en orientant les propos ou en lisant ses œuvres. L’accès au salon se fait sur invitation, mais Mme de Fourqueux n’a pas un jour précis pour recevoir. À la différence des salons aristocratiques39, la société de Mme de Fourqueux est sans doute une des
maisons de robe et de finance (...) où l’on trouve, non pas le ton de la bonne compagnie, que l’on nomme par excellence le bon ton, mais certainement le ton le plus naturel et le plus raisonnable [où l’on] rencontre aussi plus de gens éclairés, une conversation plus sage et instructive, des manières douces, prévenantes et sociables40.
C’est à cette époque que Dupont fait la connaissance d’un autre adorateur de Mme de Fourqueux, le parlementaire dijonnais Jean-Louis Malteste. Ils auraient rédigé ensemble la remontrance du parlement de Dijon au roi sur la déclaration du 28 mars 176441. Malteste est un magistrat lettré, ami du président de Brosses, et auteur de L’Esprit de l’Esprit des lois (1749) et des Œuvres diverses d’un ancien magistrat (1784). Il aurait aussi écrit un « chapitre n° 6 bis, intitulé des Magistrats » ajouté à quelques exemplaires des premières éditions des Considérations sur les mœurs de ce siècle de Duclos42.
Mme Trudaine donne bientôt naissance à deux fils, Charles-Louis en 1765 et Charles-Michel en 1766. Elle semble dès lors créer son propre salon43. Avec elle et son gendre, Mme de Fourqueux fréquente le salon du baron d’Holbach44, elle y rencontre Morellet, Grimm, Galiani et Suard. Les correspondants des membres du salon ne manquent pas de la saluer45. Lors des tensions entre Voltaire et l’éditeur genevois Cramer en 1765, ce dernier souhaite qu’elle fasse partie des arbitres46, mais « la société du baron d’Holbach, notamment M. et Mme de Montigny, Mme de Fourqueux, exprima très vivement son mécontentement »47. En 1766, Mme de Fourqueux est aussi présente lors des débats autour de la querelle Hume-Rousseau48.
1768-1789, UNE ASCENCION SOCIALE TARDIVE
En octobre 1768, le mariage de la fille cadette des Fourqueux et de Maynon d’Invault, contrôleur général des finances depuis un mois, semble imminent.
Une telle alliance feroit d’autant plus plaisir au public que toute cette cotterie est composée d’hommes & de femmes philosophes, de spéculateurs économistes49...
Maynon est parent et ami de Malesherbes50, comme son frère le président de Farcheville. Le contrat de mariage est signé le 3 décembre par quelques proches parents, la cérémonie religieuse est célébrée le 7 à Fourqueux, sans respect pour l’interdit de l’Avent et avec dispense de parenté51 (Maynon est l’oncle à la mode de Bretagne de la future). L’alliance n’est pas pour autant endogame. Maynon se fait donner du « très haut et très puissant seigneur », comme son beau-frère Trudaine, alors que M. et Mme de Fourqueux se contentent de titulatures plus modestes52 (« haut et puissant seigneur »). Le déséquilibre est aussi économique, la dot de Mlle de Fourqueux, payée par une rente annuelle de 4 500 livres, est inférieure à celle du promis.
Mais les bénéfices sociaux du mariage sont importants pour les Fourqueux : Monsieur devient conseiller d’État semestre et rejoint ses deux gendres dans la robe du conseil53. Sa promotion tardive (à 49 ans) n’est pas seulement une conséquence de la propension des élites à confondre liens de parenté et relations professionnelles, elle apporte la consécration à un économiste54 dont l’intelligence et la modestie sont reconnues par ses amis, Dupont55 et Turgot, mais aussi par Hue de Miromesnil. M. de Fourqueux est l’auteur d’un Essai sur l’Economie politique qui est resté manuscrit56, on ignore si son talent de plume, qui n’est pas exceptionnel parmi les économistes57, lui a donné envie d’écrire Zély, ou La difficulté d’être heureux, roman indien, suivi de Zima, qui sont publiés de façon anonyme en 1775.
Dans ces années, les Fourqueux et les Trudaine semblent avoir renoué avec Mme d’Epinay58. C’est probablement par son intermédiaire que Mme d’Houdetot est invitée à Fourqueux, séjour qui lui inspire un poème très connu vers 1778. On ignore tout des autres amies de Mme de Fourqueux : peut-être Mme de Malesherbes, qui s’est suicidée en janvier 1771 dans la propriété du frère aîné de M. d’Invault ; sans doute Mme Douet, amie de Malesherbes et de Turgot et mère du jeune Douet de Saint-Alire, qui accompagnera les frères Trudaine en Suisse en 178459 ; sûrement Mme de Keralio, née Marie-Françoise Abeille60.
Pendant les années Maupeou, rien ne perce des relations des Fourqueux. On les retrouve au début du règne de Louis XVI, dans leur maison de campagne, lors de la visite d’un négociant breton : Mme d’Invault, Trudaine et l’abbé de Saint-Rémy
y dînaient aussi, ainsi que Monsieur de Mornon, Monsieur de Pomereu et Madame61 et un Monsieur auteur qui compose des livres62...
Maynon est absent, brouillé avec sa belle-famille. Il a quitté le contrôle général dès décembre 1769 et cessé de servir le roi après la disgrâce de Choiseul. Mais son beau-père poursuit sa carrière : Trudaine étant malade, Bouvard lui est adjoint comme intendant des finances en février 1775. Il engage alors Jean-Baptiste Moheau comme secrétaire, avant que celui-ci ne passe au service de Monthyon, nommé au Conseil d’État le 8 novembre 177563.
Le rapprochement de Fourqueux et de Monthyon n’est pas seulement professionnel, puisqu’à partir du printemps 1776 ils demeurent ensemble dans le Marais64. M. et Mme de Fourqueux ont vendu la maison de la rue des Francs-Bourgeois Saint-Michel65, sans doute pour payer quelques créanciers pressants. Pour un loyer annuel de 10 700 livres, ils louent désormais deux hôtels dans la rue des Francs-Bourgeois paroisse Saint-Gervais, non loin des Trudaine, établis rue des Vieilles-Haudriettes. Le 26 septembre 1776, Mme Trudaine décède, regrettée du « parti philosophique » qui a perdu un de ses « points de ralliements »66.
L’année suivante, Mme de Fourqueux s’engage en faveur de la libération d’un homme de lettres, Delisle de Sales. Après la publication de la Philosophie de la nature, Delisle a été jugé par le Châtelet, emprisonné et banni à perpétuité, et ses biens ont été confisqués67. Mme de Fourqueux écrit personnellement au procureur général Joly de Fleury68 : en 1803, Delisle rendra publiquement hommage à son soutien, ainsi qu’à celui du comte de Tressan, autre passionné de romans69. Mme de Fourqueux incite aussi M. de Malteste à prendre la plume pour soutenir cette cause70, confirmant que « sa société lui formait une petite cour où ses adorateurs étaient à ses ordres »71. Delisle est libéré, les Fourqueux et les Nicolaï lui ouvrent leur bourse72, Gabriel-Henri Gaillard (1726-1806) lui donne ses économies73. En 1785, Mme de Fourqueux est un des témoins du mariage de Delisle74, aux côtés du président de Nicolaï (1747-1794), « fort lié avec Mme de Fourqueux » dont le portrait ornait son salon75. M. de Fourqueux est quant à lui reconnu comme un protecteur de Delisle76.
En août 1777, les Fourqueux perdent leur gendre Trudaine, dont ils prennent en charge les deux fils orphelins. La maison, où vit aussi M. de Fremeur, cousin de Madame, est ouverte à de nombreux amis. Ils reçoivent Morellet et lord Fitzmaurice77, le poète et historien Rulhière78, mais aussi Malesherbes79, dont Delisle et Gaillard rédigeront la biographie : Mme de Fourqueux qualifiait alors Malesherbes de « prophète » quand son style devenait « figuré »80.
Les relations du couple sont difficiles à saisir. D’un côté, Malesherbes disait « qu’il n’avoit jamais vu une maîtresse de maison contrariée chez elle comme je le suis en effet » (I, 36). D’un autre, le couple paraît uni.
Monsieur de Fourqueux, magistrat distingué (...) avait habituellement une bonne maison, dont le ménage faisait les honneurs avec cette grâce un peu doucereuse que la dame du logis, vraie tourterelle, mettait à tout. Le mari et la femme ne s’adressaient pas la parole sans une épithète caressante81.
Et M. de Fourqueux, déclare, dans son testament rédigé en mars 1781 :
Je lui dois le bonheur dont j’ai joui dans le cours de ma vie qui a été très inégal. Elle a partagé longtems ma mauvaise fortune avec la vertu, le courage et la douceur qui rendent les malheurs suportables.
M. et Mme de Fourqueux fréquentent les Nicolaï, ils adhèrent à la même loge aristocratique, La Candeur. L’appartenance de Monsieur est attestée en 177582, celle de Madame l’est en 1779, seulement comme « compagnonne » (la présidente de Nicolaï est première inspectrice Sublime Écossaise83). Mme de Fourqueux est la dernière de la liste des sœurs, et l’une des rares sœurs non titrées. Mais elle est seule quand elle s’intéresse au mesmérisme, reçoit et fait débattre les acteurs et les auteurs importants de l’illuminisme :
Les autres [fautes] furent chez Madame de St-Martin la magnétiseuse, chez qui arriva Madame de Fourqueux dont je voulois eviter les questions et les conversations philosophiques, pour en avoir eu déjà plusieurs fois avec elle très inutilement. C’etoit ma faute, si elle etoit si ardente. Mes premiers ecrits en étoient la cause [Des erreurs et de la vérité] ; car comme ils ont eté faits sans ordre, je ne dois pas me flatter qu’ils ayent eté toujours selon la mesure. Cette dame de Fourqueux, s’addressoit, en effet, à tout le monde, à l’abbé Rozier, Willermoz, Cazotte, d’Hauterive, les Luzignan, et nous mettoit sans cesse en panne les uns devant les autres, ou plustot sembloit devant chacun se plaindre de tous, afin d’exciter la confiance ou l’envie de parler dans celui avec qui elle causoit le dernier84...
M. de Fourqueux nommé conseiller d’État ordinaire en 1784, conseiller au conseil des dépêches en 1785, devient contrôleur général des finances le 10 avril 1787. La plupart des chroniqueurs opposent ses qualités intellectuelles et son honnêteté à sa fragilité physique, et soulignent sa réticence à accepter la charge.
Pour Madame, les commentaires sont moins tendres85, la brièveté du ministère (trois semaines) semblant confirmer la vanité de ses prétentions.
1789-1798 : LE TEMPS DES ÉPREUVES
M. de Fourqueux meurt le 3 avril 1789. Son décès intervient à un moment où la cohabitation de la famille élargie allait cesser. M. et Mme de Fourqueux avaient pris à bail une grande maison rue du Cherche-Midi moyennant 8 000 livres de loyer86, tandis que Monthyon s’installait dans le faubourg Saint-Germain87. En juin, Charles-Louis Trudaine épouse Mlle Micault de Courbeton, fille d’un magistrat du parlement de Bourgogne.
Mme de Fourqueux s’installe alors au château de Fourqueux. La vieille femme y reçoit la visite de Gaillard88. Le 3 août 1790, Dupont demande à l’Assemblée nationale « que les veuves des ministres morts en activité, [soient] traitées comme celles des maréchaux de France », : sa demande est faite en faveur de
la veuve de Monsieur Fourqueux [qui] est mort pour avoir voulu plusieurs fois se rendre au conseil avec des accès de goutte, afin d’y défendre la double représentation du tiers89.
La requête a dû paraître saugrenue aux députés.
Sans doute infirme, Mme de Fourqueux achète en viager une maison à Marly-la-Machine le 12 avril 1792, non loin du château du Verduron acquis par Charles-Michel Trudaine90. Pendant treize mois, elle y héberge son demi-frère, Auget de Chambry, et sa belle-sœur, qui ont la réputation d’être des contrerévolutionnaires. M. et Mme d’Invault sont arrêtés et emprisonnés du 10 au 30 octobre 1793 à Versailles. Le jour de leur libération, Mme de Fourqueux est incarcérée avant d’être élargie le 11 novembre pour raison de santé91. Dix jours plus tard, elle est à nouveau arrêtée et emprisonnée à la Conciergerie, essentiellement pour avoir hébergé Auget de Chambry. Elle est remise en liberté le 20 janvier 179492, comme la moitié des individus jugés par le Tribunal révolutionnaire entre avril 1793 et février-mars 179493. Les amis et parents de la famille incarcérés à Paris pendant la Grande Terreur n’auront pas cette chance : Malesherbes et sa famille sont guillotinés en avril 1794, les frères Trudaine sont exécutés le 28 juillet. Mme de Fourqueux est très affectée, la compagnie de Gaillard, qui n’est interrompue que par ses courts séjours à Fourqueux chez Mme d’Invault, ne suffit pas à la consoler94. Elle meurt le 1er octobre 1798.
LECTURES, ÉCRITURE ET PUBLICATION
À cette date, aucun de ses ouvrages n’a encore été publié. « Sous la menace de la satire »95, elle n’a pas assumé le statut de femme savante. Le refus de publier n’est pas alors une attitude spécifiquement féminine, « il y a quantité d’auteurs qui ne veulent pas être connus, quoique leur ouvrage ne contienne rien de répréhensible »96. Mme de Fourqueux ne peut donc être considérée comme une femme de lettres au sens plein du terme97. On ne sait rien de sa correspondance, mais on dispose de quelques informations sur ses lectures, et on sait quels acteurs ont permis à ses manuscrits de passer à la postérité.
Ses lectures sont connues grâce aux ouvrages cités dans les Confessions et à l’inventaire réalisé après le décès de son époux en 178998. Les Confessions mentionnent de nombreuses références : les livres de philosophie de l’Antiquité à l’époque contemporaine (La République et les Dialogues de Platon ; Hiéroclès sur les Vers dorés de Pythagore ; Montaigne ; Bacon ; M. Helvétius [De l’esprit] ; Des erreurs et de la vérité ; « Madame du Châtelet, dans son Traité du bonheur » ; Charron, La Sagesse ; le Système social ) et les livres de morale (M. Tissot ; M. Boulanger ; Traité de l’opinion ; Moncrif, Essai des moyens de plaire) sont les plus nombreux. La littérature est représentée par des romans (La Princesse de Clèves, La Nouvelle Héloïse) et par des pièces de théâtre (Les Fâcheux, L’Oracle). Les œuvres religieuses ne sont pas absentes, puisqu’elle cite plusieurs fois l’Evangile et ponctuellement les Œuvres de sainte Thérèse.
On retrouve les Essais de Montaigne et la Nouvelle Héloïse dans l’inventaire des bibliothèques de M. et de Mme de Fourqueux qui est rédigé en 178999 (3 428 volumes évalués 5 400 livres). À Paris, Monsieur a 1 505 volumes valant 3 745 livres100, Madame n’en a que 180, évalués 194 livres, dont le notaire note quatre titres : Amadis de Gaule, l’Histoire littéraire des femmes françaises (1769), l’Histoire de la rivalité de la France et de l’Angleterre, œuvre de l’ami Gaillard (1771) et les Œuvres de Lucien. À Fourqueux, les deux bibliothèques sont inventoriées ensemble sous trente-six cotes (1 743 volumes, 1 461 livres). On en retiendra une École du jardin potager et une Vie des peintres (qui appartiennent probablement à Monsieur), quelques ouvrages d’auteurs antiques (Sénèque, Plutarque, Horace), d’écrivains de la Renaissance (le Roland furieux, Rabelais et Montaigne), du XVIIe siècle (Molière, Dancourt, Fables de La Fontaine). Les livres contemporains sont, mise à part l’Histoire de l’Angleterre de Hume (1768), des livres de fiction : les Œuvres de Voltaire, L’Espion turc (1741), les Mémoires d’un homme de qualité (1728), les Contes persans, les Contes des fées (de Mme Leprince de Beaumont ?), l’Histoire de Cleveland de l’abbé Prévost (1739), la Nouvelle Marianne (1740), des livres de Du Belloy (1727-1775), la Fable des abeilles (1740), Clarisse [Lettres angloises ou Histoire de Miss Clarisse Harlove, 1751]. S’y ajoutent des volumes de la Bibliothèque des romans101, publication à laquelle étaient aussi abonnées d’autres « personnes de la haute société, souvent de l’aristocratie »102.
La culture de Mme de Fourqueux est bien ancrée dans son siècle, mais elle n’est marquée ni par l’anglomanie103 ni par le goût des voyages. Sa passion pour les romans est banale, la valeur éducative qu’elle attache à cette littérature l’est moins : « je puis dire que ce sont les romans qui ont formé mon esprit et ma raison » (I, 8-9). Elle partage avec Mme de Tencin cette idée originale que les romans contribuent à la formation morale104, à rebours de Rousseau105 et de l’idéologie dominante. Elle conforte l’hypothèse de Drohr Wahrman et d’autres historiens et philosophes selon lesquels « l’invention du “soi” moderne, c’est-à-dire un soi “profond”, stable et unique », date de la fin du XVIIIe siècle, et que « cette émergence du “soi” est liée à la littérature, [aux] romans de l’époque »106.
Ces lectures ont donc nourri l’écriture des Confessions, mais aussi de deux romans. Les Confessions sont le livre d’une femme mûre (« entre la jeunesse et la vieillesse ») rédigé en deux temps qui ne sont pas précisés mais qu’on peut repérer en se fondant sur les années de parution des ouvrages cités et sur quelques éléments du récit qui sont datables107. Les deux premiers chapitres (jusqu’à la 05) ont été écrits vers 1766-1767, après la mort de Clairaut, après aussi qu’elle est devenue grand-mère. Mme de Fourqueux rappelle alors le bon souvenir que son père a laissé dans ses seigneuries « quoiqu’il y ait plus de vingt ans qu’il est mort » (I, 2). La rédaction de la seconde partie (des chapitres trois à onze) a été commencée « huit à neuf ans après » (I, 106). Entre les deux périodes, « pendant l’espace où je suis restée sans écrire », elle a acquis
la persuasion d’un Dieu qui veille sur tout ce qui existe, qui nous voit, nous entend, nous soutient et nous console quand nous avons recours à lui » (I, 108).
La conversion religieuse d’une femme qui se souvient de sa beauté perdue n’est pas originale, si l’on en croit Laurence Sterne108. Mme de Fourqueux reprend la plume bien après le mariage de sa seconde fille, vers 1776, peut-être à la suite du décès de sa fille aînée. Elle lit ses textes au moins à une personne, Gabriel Henri Gaillard :
Elle lui lisoit son ouvrage à mesure qu’elle le composoit. Il la pressoit souvent de le livrer à l’impression, mais elle s’y refusa constamment ; elle consentit seulement à ce qu’on le publiât après sa mort (Suard).
L’ouvrage ne se situe pas dans une perspective généalogique ni lignagère, mais se veut le reflet d’une âme sincère qui ne cache pas ses joies et ses peines. Il peut être rattaché aux écrits du for privé109 et appartient au genre autobiographique110. Il commence par un récit d’enfance qui met l’accent sur la genèse de la personnalité111. Il n’est pas écrit seulement dans une perspective rétrospective, il est aussi tourné vers l’avenir. La démarche est celle de l’« examen de conscience » (Suard), elle est inspirée par la confession religieuse112. Elle est cependant adaptée aux Lumières, puisque Mme de Fourqueux confesse non les péchés qui l’empêchent de faire son salut, mais ses défauts qui la privent du bonheur ici bas113 : « Je n’écris pas pour qu’on me lise, mais pour me rendre meilleure et plus heureuse » (I, 33).
Elle oppose les chagrins de sa vie familiale à son bien-être dans le monde. Le contraste est fort, entre son espace domestique où elle manque d’autorité sur ses domestiques et où elle est critiquée par sa famille, et la sphère de ses amis masculins, où elle tient une position dominante :
Pénétrée de ces idées sur l’usage que les femmes doivent faire de leur pouvoir [faire aimer la vertu], je me suis toujours occupée de porter au bien les hommes sur lesquels j’ai eu quelque empire (I, 189).
Elle réfléchit sur les rapports de genre, elle explique, voire justifie, l’adultère, bref elle invente une morale adaptée au contexte social. On est aux antipodes de l’idéologie du « bon mari »114.
Les Confessions présentent aussi des débats qui ont agité les hommes et les femmes du XVIIIe siècle. La perception fortement hiérarchique de la société (I, 82-83) n’est pas incompatible avec une vision plus égalitaire. Dans la querelle du luxe, Mme de Fourqueux vante la redistribution des richesses (les beaux jardins font travailler les journaliers – I, 182), tout en dénonçant les sommes extravagantes dépensées par les gens du beau monde dans les loges, ce qui la rapproche de Rousseau115. Elle défend une morale rattachée à la religion, à l’opposé du matérialisme de certains philosophes (I, 229). Les développements sur la bienfaisance116 comme devoir d’État ne sont pas convenus, car ils descendent dans le détail des pratiques individuelles. Elle conteste la délégation des gestes du don aux domestiques (I, 152-153). Elle encourage le mariage des serviteurs d’une maison et l’établissement des jeunes gens (I, 176, 179, 196) alors que, traditionnellement, la charité se porte uniquement vers les personnes âgées, les malades et les bons pauvres, c’est-à-dire les bourgeois ruinés. Dans son testament rédigé en 1793, elle lègue des rentes viagères à ses vieux domestiques et à la fille de sa nourrice117 ; elle demande que les petites pensions soient payées par mois ou par quartier « avec une grande exactitude » ; et elle « prie Mad. Dinvau qui a plus de mémoire de veiller sur ces petits objets les pauvres n’ont pas le temps d’attendre »118.
Les Confessions de Mme de Fourqueux restituent des bribes de sa vie qui sont rarement situés dans le temps et dans l’espace, elles ne disent mot de la plupart de ses parents, ses adorateurs sont mentionnés, rarement nommés. On comprend que l’ouvrage dérouta ceux qui attendaient des révélations croustillantes. La marquise de Villeneuve-Arifat et la marquise de Montcalm furent déçues119.
La publication tardive des Confessions n’a probablement pas favorisé leur réception. En 1793, Mme de Fourqueux a désigné Gaillard comme son exécuteur testamentaire. Elle lui a donné sa petite bibliothèque, son portrait, et deux casserolles d’argent « pour qu’il songe à moi à son diner et à son souper » et elle a précisé :
Je prie qu’on lui remette tout ce qu’on trouvera de manuscrits écrits de ma main, je crois que cela ne merite que d’être brulé il en jugera, j’ajoute à toutes mes autres confiances celle du sacrifice de mon amour propre120.
Mme de Fourqueux a dû faire connaissance avec Gaillard en même temps qu’elle a rencontré Clairaut. Gaillard121 a été « introduit très jeune encore dans le monde par M. de Trudaine, évêque de Senlis »122 et frère de Trudaine le père. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et de pièces de circonstance123. Il intègre l’Académie française en 1771 parce qu’« il a été appuyé par la cabale des encyclopédistes »124. Il est censeur royal pour la littérature, comme Suard : le 1er novembre 1780, il est à Fourqueux quand il approuve la publication des Métamorphoses d’Ovide125. Le 2 octobre 1798, il déclare le décès de Mme de Fourqueux126, avant de déposer son testament : sans doute l’a t-il assistée dans ses derniers instants. Il lui survit de quelques années, ce qui lui permet de publier ses deux romans. Julie de Saint-Olmont sort en 1805, et Gaillard le présente comme :
l’ouvrage d’une femme qui a tenu un rang distingué dans la société à Paris, et dont le mari et le frère ont occupé de grandes places. Elle a légué ses manuscrits à un ami de trente ans, membre distingué de l’ancienne académie française, le rendant arbitre de leur sort. Après l’avoir long-tems et souvent examiné, avoir consulté d’autres juges, l’ami dépositaire vient de livrer le roman de Julie de S. Olmont à la presse, en conservant, sous le voile de l’anonyme, l’auteur, et s’y plaçant lui-même (...) C’est par condescendance pour le préjugé ancien, qui semblait interdire l’exercice du talent d’écrire aux personnes d’un certain rang, préjugé qui n’est pas entièrement éteint, sur-tout dans la famille de l’auteur, et aussi par égard pour l’anathème de Molière contre les femmes savantes, que le digne légataire a été si scrupuleusement discret127...
Amélie de Tréville, ou la Solitaire paraît l’année suivante avec un avertissement qui met l’accent sur les qualités humaines et littéraires de l’auteur128.
Gaillard n’a probablement pas vu l’ouvrage imprimé puisqu’il est mort le 13 février 1806. Suard se charge des Confessions, qui sont publiées en 1817. Il présente ainsi l’auteur et l’ouvrage :
Ce n’est point un roman (...), ce n’est pas non plus la production d’un auteur qui, en publiant ses propres idées sous le masque d’une femme, a cru pouvoir exciter plus sûrement la curiosité ou obtenir plus d’indulgence de la part de ses lecteurs. C’est réellement l’ouvrage d’une femme qu’on va lire, et les gens de goût s’en apercevront à chaque page du livre (...). Je n’ai pas eu l’avantage d’être lié d’amitié avec Mme *** ; je l’ai seulement rencontrée dans des sociétés communes (...). Elle aimoit avec passion la littérature et la société des hommes instruits, mais elle n’avoit aucun goût pour la réputation littéraire. Il est aisé de voir qu’en écrivant ses Confessions, elle ne songeoit pas à les rendre publiques. Un homme de lettres, aussi distingué par son noble caractère que par son esprit, son goût et ses lumières, étoit, depuis long-temps, un de ses amis les plus intimes. Elle (...) en légua le manuscrit à cet homme de lettres. Elle mourut ; son ami ne lui survécut pas long-temps. Il étoit aussi le mien ; il me chargea de remplir une mission qu’il regardoit comme un devoir, et j’acceptois le dépôt avec la condition de ne faire connoître ni l’auteur, ni le légataire de l’ouvrage (...). Le manuscrit resta égaré pendant plusieurs années ; il s’est retrouvé...
Cette introduction a dû souvent être lue comme un récit mythique des origines du livre dans lequel l’auteur a introduit des éléments vraisemblables.
Mme de Fourqueux a alimenté la tradition mondaine, faite d’anecdotes et de citations incertaines129, jusqu’au début du XIXe siècle130. Elle a laissé le souvenir d’une femme du monde crédule après sa mystification par un faux chevalier d’Éon en 1778131. On a oublié le cercle de ses adorateurs : Clairaut, Keralio, M. de Malteste et le président de Nicolaï. La salonnière est restée mal connue, et elle a éclipsé l’écrivain, l’amie de Delisle et de Gaillard, mais aussi la mère. Car Mme de Fourqueux s’intègre dans un portrait de groupe avec dames, qui comprend aussi Mme Trudaine, dont le salon était un des « principaux bureaux » des philosophes132, et Mme d’Invault, un des trois artisans de la libération de Latude en 1784.
Les Fourqueux s’intéressent à la philosophie, aux belles-lettres, aux sciences, à l’agronomie, mais le théâtre, les sciences et la musique n’apparaissent jamais, même si Mme de Fourqueux mentionne la location de loges. Le contraste est grand avec leur fille et leur gendre Trudaine qui faisaient jouer du théâtre, qui accueillaient des expériences scientifiques à Montigny133, qui recevaient des aristocrates et des ambassadeurs étrangers. M. et Mme de Fourqueux soutiennent Delisle de Sales et Gaillard, tandis que Mme Trudaine reçoit Rousseau. Leurs réseaux, particulièrement tournés vers la Bretagne (Keralio, Abeille, Duclos, Delisle de Sales), coïncident partiellement avec les relations professionnelles de Monsieur, ils semblent moins ouverts et leurs loisirs moins variés que ceux des Trudaine et de Monthyon. Les Fourqueux et leurs amis sont des personnages secondaires mais pas négligeables dans la sphère des économistes comme dans celle des philosophes et de leurs amis. Ils forment une des cellules de l’espace public134 dans sa composante extérieure à la cour, laquelle reste bien mal connue.
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1 Pour éviter d’alourdir les notes, les références des citations seront indiquées entre parenthèses.
2 Henri Courteault, « Souvenirs d’enfance et de jeunesse de la marquise de Villeneuve-Arifat », dans Revue des études historiques, n° 67, 1901, pp. 141-142. La notice consacrée par la Biographie universelle à Monthyon (t. XXX, Paris, Michaud, 1821, p. 47) précise que « M. de Monthyon désavouait ces ouvrages, et il voulut nommément rendre plainte contre l’impression des prétendues Confessions de Mme de Fourqueux ».
3 Martine Sonnet, L’Éducation des filles au temps des Lumières, Paris, Cerf, 1987, p. 79.
4 Archives de l’Assistance publique, fonds Monthyon, 50-5, 5 novembre 1740, testament de Jean-Baptiste Robert Auget de Monthyon.
5 Jacques Houdaille, « Un indicateur de pratique religieuse : la célébration saisonnière des mariages avant, pendant et après la Révolution française (1740-1829) », Population, n° 2, mars-avril 1978, pp. 367-380.
6 Jean-François Solnon, Les Ormesson au plaisir de l’État, Paris, Fayard, 1992, pp. 231-232.
7 AN, MCNP, notaire Bronod, 11 décembre 1740, mariage Michel Bouvard de Fourqueux-Marie-Louise Auget de Monthyon.
8 Les Confessions de Rousseau sont aussi construites sur cette opposition. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1996, pp. 87-90.
9 Françoise de Graffigny, femme de lettres : écriture et réception, Jonathan Mallinson (éd.), Oxford, The Voltaire Foundation, 2004 (SVEC 2004, 12).
10 Correspondance de Madame de Graffigny : 1er octobre 1740-27 novembre 1742, lettres 309-490, Oxford, The Voltaire Foundation, 1992, p. 94. Id., 30 novembre 1742-2 janvier 1744, lettres 491-635, ibid., 1996, pp. 185, 201 et 271.
11 Correspondance de Madame de Graffigny : 1er octobre 1740-27 novembre 1742, ouvr. cité, p. 99.
12 Dans les romans français du XVIIIe siècle, l’entrée des femmes dans le monde s’échelonne entre 14 et 23 ans, « l’âge le plus courant étant de quinze à seize ans ». Isabelle Journeaux, « L’entrée dans le monde à travers les romanciers français et anglais du dix-huitième siècle », dans Histoire, économie & Société, 12-2, 1993, p. 276.
13 Correspondance de Madame de Graffigny : 1er octobre 1740-27 novembre 1742, ouvr. cité, pp. 200-201.
14 Jacques-Élie Gastelier, Lettres sur les affaires du temps : 1738-1741, Henri Duranton (éd.), Paris, Genève, Champion-Slatkine, 1993, p. 560 ; Carl-Gustaf Tessin, Tableaux de Paris et de la cour de France : 1739-1742. Lettres inédites, Gunnar von Proschwitz (éd.), Göteborg, Paris, Acta Universitatis Gothoburgensis, 1983, p. 272 (janv. 1742).
15 Correspondance de Madame de Graffigny : 30 novembre 1742-2 janvier 1744, ouvr. cité, p. 17, n. 26. Recueil dit de Maurepas : pièces libres, chansons, épigrammes, t. IV, Leyde, 1865, p. 142.
16 Correspondance de Madame de Graffigny : 1er octobre 1740-27 novembre 1742, ouvr. cité, pp. 200-201.
17 Ibid., n. 4, p. 212. Carl-Gustaf Tessin, ouvr. cité, p. 272 (janv. 1742).
18 « Marie Geneviève Charlotte Thiroux d’Arconville née d’Arlus (1720-1805). Femme de lettres et chimiste », dans Jean-Pierre Poirier, Histoire des femmes de science en France : du Moyen Age à la Révolution, Paris, Pygmalion, 2002, pp. 265-272.
19 Edmond Jean-François Barbier, Chronique de la régence et du règne de Louis XV (1718-1763), Paris, Charpentier, 1857, 8e série, pp. 255-256 (7 et 9 avril 1743).
20 Le testament d’Élisabeth-Louise Auget de Monthyon, dame de Montal, est enregistré au bailliage de Meaux entre 1745 et 1747. Côme Lemaire, Inventaire-sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Seine-et-Marne, Archives civiles. Complément des séries A à E, Fontainebleau, 1875, p. 53.
21 Louis Guimbaud, Auget de Monthyon, 1733-1820, d’après des documents inédits, Paris, Émile Paul, 1909, p. 46.
22 Ibid.
23 La présidente du Bourg, qui met au monde vingt enfants, n’allaite que son petit dernier, Bruno, né en 1761. Christine Dousset, « La présidente du Bourg : diffuser et mettre en pratique ses lectures. Réflexion à partir d’un exemple toulousain », dans Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.), Femmes éducatrices au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 81.
24 Marie-Françoise Morel, « Théories et pratiques de l’allaitement en France au XVIIIe siècle », dans Annales de Démographie Historique, 1976, p. 396.
25 Marmontel, Œuvres, t. I, 1re partie, Paris, Belin, 1819, pp. 229-230.
26 Mémoires de Dufort de Cheverny. La Cour de Louis XV, Jean-Pierre Guicciardi (éd.), Paris, Perrin, 1990, pp. 88-89 et 340.
27 Léandre Vaillat et Paul Ratouis de Limay, J. B. Perronneau (1715-1783) : sa vie et son œuvre, Paris, Librairie nationale d’art et d’histoire, G. van Oest et Cie éd., 1923, p. 60.
28 Ibid., pp. 83-84 et 115-117.
29 Ake Grafström, « Un Suédois traverse la France au XVIIIe siècle. (Le journal de voyage de Bengt Ferrner) », dans Acta Universitatis Stockholmiensis, NS, volume 2, 1964, p. 18.
30 Correspondance littéraire, philosophique et critique, Paris, Furne et Ladrange, 1829, pp. 281-285.
31 Serge Chassagne, Oberkampf, un entrepreneur capitaliste au Siècle des lumières, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, p. 131.
32 Correspondance de Charles Duclos (1704-1772), Rennes, Presses universitaires Bretagne, 1970, p. 227 ; Paul Meister, Charles Duclos. 1704-1772, Genève, Droz, 1956, p. 99. La Bretagne littéraire au XVIIIe siècle, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 83, 1976, n° 4.
33 Correspondance de Charles Duclos, ouvr. cité, p. 227 ; cf. aussi Paul Meister, Charles Duclos. 1704-1772, ouvr. cité, 1956, p. 239.
34 Cuthbert Morton Girdlestone, Louis-François Ramond, 1755-1827, sa vie, son œuvre littéraire et politique, Paris, Lettres modernes, p. 174 ; Jean Sgard, « Louis Félix Guynement de Keralio traducteur, académicien, journaliste, intermédiaire », dans Dix-huitième siècle, la République des sciences, 40, 2008/1, pp. 43-52 ; Annie Geffroy, « Les cinq frères Keralio », dans ibid., pp. 69-77.
35 Suzanne Delorme, « Une famille de grands commis de l’État : Les Trudaine », dans Revue d’histoire des sciences, n° 3, 1950, pp. 101-109 ; Françoise Mosser, Les Intendants des finances au XVIIIe siècle, les Lefèvre d’Ormesson et le « Département des impositions » (1715-1777), Genève, Droz, 1978.
36 L’Enfance et la jeunesse de Du Pont de Nemours, racontées par lui-même, Paris, Plon-Nourrit, 1906, p. 273.
37 Ibid ., pp. 276-277.
38 Denis Fonvizine, Lettres de France (1777-1778), Henri Grosse, Jacques Proust et Piotr Zaborov (éd.), Paris, CNRS ; Oxford, The Voltaire Foundation, 1995, p. 85.
39 Antoine Lilti, Le Monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2005.
40 Louis Dutens, Mémoires d’un voyageur qui se repose : contenant des anecdotes historiques, politiques et littéraires, relatives à plusieurs des principaux personnages de ce siècle, Paris, Bossange, Masson et Besson, 1806, p. 29 ; Pierre Grosclaude, Malesherbes, témoin et interprète de son temps, Paris, Fischbacher, 1961, t. I, pp. 380-386.
41 Keith Michael Baker, « Politique et opinion sous l’Ancien Régime », dans Annales ESC, n° 42, 1987, n. 7, p. 65. L’Enfance et la jeunesse de Du Pont de Nemours racontée par lui-même, ouvr. cité, p. 272.
42 « Duclos », dans Joseph Marie Quérard, La France littéraire, t. II, Paris, Firmin Didot, 1828, p. 628.
43 Louis Dutens, ouvr. cité, pp. 30-34.
44 Daniel Roche, « Salons, Lumières et engagement politique : la coterie d’Holbach dévoilée », dans Annales E.S.C., n° 33, 1978, pp. 720-728, republié dans Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988, pp. 242-253. Alan Charles Kors, D’Holbach’s Coterie : An Enlightenment in Paris, Princeton, Princeton University Press, 1976.
45 Correspondance de Voltaire, Theodore Besterman (éd.), Paris, Gallimard, t. LVIII, 1965, p. 274 ; lettre du 15 déc. 1770 à Suard, Ferdinando Galiani, Correspondance inédite de l’abbé Ferdinand Galiani, conseiller du roi, pendant les années 1765 à 1783..., Paris, Dentu, 1818, t. I, p. 188.
46 Lettre de Cramer à Grimm, 6 août 1765, dans Correspondance de Voltaire, ouvr. cité, t. XXIX, pp. 246-249.
47 Émile Lizé, Voltaire, Grimm et la correspondance littéraire, Oxford, The Voltaire Foundation, 1979 (SVEC, 180), p. 42.
48 Henri Guillemin, « Cette affaire infernale » : l’affaire J.-J. Rousseau-Hume-1766, Paris, Plon, 1942, p. 255. Lord Brougham, Voltaire et Rousseau, Paris, Librairie d’Amyot, 1845, pp. 349-350.
49 Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres, t. XIX, Londres, 1783, pp. 34-35 ; Charles Georges Fenouillot de Falbaire de Quingey, Œuvres, 1, Paris, Vve Duchesne, 1787, pp. 362-363.
50 Pierre-Étienne Bourgeois de Boynes, Journal inédit 1765-1766 : suivi du Mémoire remis par le duc de Choiseul au roi Louis XV, Marion F. Godfroy (éd.), Paris, Champion, 2008, p. 346.
51 A.D. Yvelines, B.M.S. Fourqueux, 1135633, 7 déc. 1768, mariage Maynon-Bouvard.
52 Fanny Cosandey (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S., 2005.
53 Michel Antoine, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Genève, Droz, 1970.
54 Dupont de Nemours, « Éloge de Gournay », reproduit dans Turgot, Œuvres, Eugène Daire (éd.), Paris, Guillaumin, 1844, p. 260.
55 L’Enfance et la jeunesse de Du Pont de Nemours, racontées par lui-même, ouvr. cité, pp. 273-274.
56 Ms. autogr. de Bouvard de Fourqueux, d’une écriture très soignée et à ses armes, in-4o ; Catalogue des livres et manuscrits précieux provenant de la bibliothèque de Charles-Louis Trudaine, après le décès de M me sa veuve, 16 janvier 1804, n° 258.
57 Liana Vardi, « Rewriting the Lives of Eighteenth-Century Economists », dans American Historical Review, juin 2009, pp. 632-661.
58 Lucien Perey et Gaston Maugras, Une Femme du monde au XVIIIe siècle : dernières années de Madame d’Epinay, son salon et ses amis, d’après des lettres et des documents inédits, Paris, Calmann-Lévy, 1894, p. 387.
59 Paul Dimoff, « André Chenier : le voyage en Suisse », dans Revue d’histoire littéraire de la France, n° 4, 1971, pp. 588-589.
60 « Marie-Françoise de Keralio, Lettres de Mademoiselle D*K*** (1792) », dans Huguette Krief, Vivre libre et écrire : anthologie des romancières de la période révolutionnaire (1789-1800), Oxford, The Voltaire Foundation ; Paris, Pr. de l’université Paris-Sorbonne, 2005, p. 79.
61 Jacques Alexandre de Pomereu de La Brosse a épousé Agnès Bouvard de Fourqueux (1716-1799) le 18 juillet 1735. En août 1799, Mme d’Invault fait transférer le corps de Mme de Pomereu, qui vient de décéder à Paris Vieille-Rue-du-Temple, et la fait inhumer à Fourqueux (A.D. Yvelines, B.M.S. Fourqueux, 1135634, 1793-1814, 28 thermidor an VII).
62 Léon Dubreuil, Un Révolutionnaire de Basse-Bretagne, Nicolas Armez (1754-1825), Paris, Éditions Rieder, 1929, p. 6-10.
63 « Notes brèves », dans Annales de démographie historique, 1967, p. 211 ; Recherches et considérations sur la population de la France (1778), Eric Vilquin (éd.), Paris, INED, 1994.
64 Laurence Croq, « La noblesse de robe, la modernité et le Marais dans le Paris des Lumières », dans É preuves de noblesse, Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVIe-XVIIIe siècle), Robert Descimon et Élie Haddad (éd.), Paris, Les Belles-Lettres, 2010, pp. 257-275.
65 Arthur Hustin, Le Luxembourg : son histoire domaniale, architecturale, décorative et anecdotique, Paris, Imprimerie du Sénat, 1910, p. 164.
66 Correspondance littéraire, philosophique et critique, t. XII, Paris, Garnier Frères, 1880, p. 206.
67 Ibid., t. IX, Paris, 1830, pp. 311-315, février 1777.
68 Pierre Malandain, Delisle de Sales, philosophe de la nature (1741-1816), Oxford, The Voltaire Foundation, 1982 (SVEC, 203-204), p. 182.
69 Delisle de Sales, Malesherbes. Vie publique et privée de ce grand homme, Paris, L. Duprat-Letellier et Cie, 1803, p. lxxxiv. Roger Poirier, La Bibliothèque universelle des romans. Rédacteurs, Textes, Public, Genève, Librairie Droz, 1977, pp. 15-17.
70 Pierre Malandain, ouvr. cité.
71 Henri Courteault, art. cité, p. 142.
72 Delisle de Sales, ouvr. cité, p. cxxxvii.
73 Ibid., p. lxxxv.
74 Pierre Malandain, ouvr. cité, p. 542.
75 Henri Courteault, art. cité, p. 142.
76 « Correspondance du minéralogiste Monnet, XVIIIe siècle », dans Nouvelle revue rétrospective. Recueil de pièces intéressantes et de citations curieuses, 1903-1904, pp. 381-382.
77 Lettres d’André Morellet, ouvr. cité, p. 527 (lettre 242).
78 Discours de M. de l’Isle de Sales sur l’Histoire de l’Anarchie de Pologne. Rapports et discussions de toutes les classes de l’institut de France, Paris, 1810, pp. 73 et 78.
79 Delisle de Sales, ouvr. cité, pp. XXXVIII-XXXIX.
80 Ibid., p. 70.
81 Henri Courteault, art. cité, p. 142.
82 Alain Le Bihan, Francs-maçons et ateliers parisiens de la Grande loge de France au XVIIIe siècle, 1760-1795), Paris, Bibliothèque nationale, 1973, p. 93.
83 Jean Palou, La Franc-maçonnerie, Paris, Payot, 1964, pp. 331-333.
84 Louis-Claude de Saint-Martin, Mon portrait historique et philosophique (1789-1803), Robert Amadou (éd.), Paris, Julliard, 1961, p. 112.
85 Journal de l’Assemblée des notables de 1787, Pierre Chevallier (éd.), Paris, Klincksieck, 1960, p. 71 (20 avr. 1787) ; Louis Petit de Bachaumont, ouvr. cité, p. 89.
86 MCNP, CXII 813A, 11 avril 1789, inventaire après décès de Michel Bouvard de Fourqueux.
87 Renée Caroline de Froulay, marquise de Créquy, Lettres inédites de la marquise de Créqui à Sénac de Meilhan (1782-1789), Paris, Potier libraire, 1866, pp. 243-244 (lettre du 1er avril 1789).
88 Maurice Henriet, « Thomas et ses amis. Lettres inédites », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1921, p. 82.
89 Réimpression de l’Ancien Moniteur depuis la réunion des états généraux jusqu’au consulat (mai 1789-novembre 1789), t. V, Paris, 1841, p. 296.
90 Michel de Gouberville, Les Fantômes de Fourqueux, [s. l., s. n.], 2005, p. 66.
91 A.D. Yvelines, L2 Versailles 194, état de ce qui est dû au concierge de la maison de détention du département du 1er vendémiaire jusqu’au 11 floréal an II.
92 A.N., W 123, dossiers 2-86 et 87 ; W 131, 84 ; W 135, dossier 1-27 ; W 313, dossier 425.
93 Anne Simonin, « Les acquittés de la Grande Terreur. Réflexions sur l’amitié dans la République », dans Michel Biard (dir.), Les Politiques de la Terreur 1793-1794, actes du colloque international de Rouen (11-13 janvier 2007), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, pp. 182-205.
94 Lettre du 29 novembre [s. d.], écrite à Marly. Maurice Henriet, art. cité, pp. 88-89.
95 Antoine Lilti, « La femme du monde est-elle une intellectuelle ? Les salons parisiens au XVIIIe siècle », dans Nicole Racine et Michel Trebitsch (dir.), Intellectuelles. Du genre en histoire des intellectuelles, Paris, Éd. Complexe, 2004, p. 92.
96 Malesherbes, Mémoires sur la librairie (Paris, 1809, Genève, 1969, p. 37, cité par Françoise Weil, « L’auteur dans l’ombre. Réflexions sur l’anonymat », dans Henri Duranton et Daniel Roche (dir.), Le Pauvre Diable : destins de l’homme de lettres au XVIIIe siècle, actes du colloque international tenu à Saint-Étienne les 15, 16 et 17 septembre 2005, Saint-Étienne, Pr. de l’université de Saint-Étienne, 2006, p. 40.
97 Isabelle Brouard-Arends, « Qui peut définir la femme de lettres ? De la salonnière à la femme de lettres, intégration et exclusion, une dialectique complexe... », dans Roger Marchal (dir), Vie des salons et activités littéraires, de Marguerite de Valois à M me de Staël, Nancy, Pr. universitaires de Nancy, 2001, pp. 95-106 ; id., « De l’auteur à l’auteure, comment être femme de lettres au siècle des Lumières ? », dans Intellectuelles, ouvr. cité, pp. 73-84.
98 Au moment de son décès en 1798, le notaire note simplement qu’elle a, « dans une armoire grillée servant de bibliothèque », 280 volumes de livres de différents formats et de différentes reliures traitant de plusieurs sujets de littérature, histoire et autres, évalués 150 francs. A.D. Yvelines, 3E37-29, 21 vendémiaire an VII, inventaire après décès de Marie Louise Auget veuve Michel Bouvard.
99 Michel Marion, Recherches sur les bibliothèques privées à Paris au milieu du XVIIIe siècle (1750-1759), Paris, Bibliothèque nationale, 1978.
100 Par comparaison, la bibliothèque de Turgot, qui est célibataire, comporte près de 5 000 titres. Daniel Roche, « Les lectures de la noblesse dans la France du XVIIIe siècle », dans Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 89.
101 Roger Poirier, ouvr. cité ; Angus Martin, La Bibliothèque universelle des romans 1775-1789, Oxford, The Voltaire Foundation, 1985.
102 Anne Sauvy, « Les souscriptions à la Bibliothèque universelle des romans (1776-1780) », dans Frédéric Barbier, Sabine Juratic et Dominique Varry (dir.), L’Europe et le livre : réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVIe-XIXe siècle, Paris, Klincksieck, 1996, p. 380.
103 Pour une comparaison, voir Martine Sonnet, « Geneviève Randon de Malboissière et ses livres : lectures et sociabilité culturelle féminines dans le Paris des Lumières », dans Isabelle Brouard-Arends (dir.), Lectrices d’Ancien Régime, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, pp. 131-142.
104 Rotraud von Kulessa, « Le code de la sensibilité et l’éducation morale chez les femmes éducatrices au XVIIIe siècle », dans Femmes éducatrices au siècle des Lumières, ouvr. cité, p. 143.
105 La lecture des romans par Rousseau serait responsable de son inadaptation à la vie sociale. Philippe Le jeune, ouvr. cité, p. 106.
106 Denise Davidson, « L’identité politique et sociale au quotidien 1795-1815 », dans Annales historiques de la Révolution française, n° 359, janv-mars 2010, pp. 161-180. Sur ce thème, cf. aussi François-Joseph Ruggiu, « Les notions d’identité, d’individu et de self et leur utilisation en histoire sociale », dans Marc Bélissa et al. (dir.), Identités, appartenances, revendications identitaires, Paris, Nolin, 2005, pp. 395-406.
107 Mme de Fourqueux a probablement lu une version manuscrite du Traité du Bonheur de Mme Du Châtelet, décédée en 1749, bien avant sa première publication en 1779 sous le titre Réflexions sur le bonheur.
108 Laurence Sterne, Voyage sentimental, Paris, 1769, p. 181.
109 Sur cette approche, voir les publications dirigées par Jean-Pierre Bardet et François-Joseph Ruggiu.
110 Philippe Lejeune, ouvr. cité, p. 14.
111 Ibid., p. 323.
112 Sur les liens entre l’autobiographie et les confessions religieuses, ibid, p. 317.
113 Robert Mauzi, L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1960.
114 Anne Verjus, Le Bon mari. Une histoire politique des hommes et des femmes à l’époque révolutionnaire, Paris, Fayard, 2010.
115 Daniel Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, pp. 507-519.
116 Catherine Duprat, Le Temps des philanthropes : la philanthropie parisienne des Lumières à la monarchie de Juillet, Paris, CTHS, 1993.
117 La famille de Victorine de Chastenay est aussi particulièrement attachée à la nourrice de sa mère. « Deux révolutions pour une seule vie ». Mémoires, 1771-1855, Raymond Trousson (éd.), Paris, Taillandier, 2009, p. 88.
118 A.D. Yvelines, 3E-37 29, 19 vendémiaire an VII, dépôt du testament olographe de Marie Louise Auget veuve Michel Bouvard.
119 Henri Courteault, art. cité, p. 141. Armande Marie Antoinette Du Plessis, marquise de Montcalm-Gozon, Mon journal, 1815-1818 : pendant le premier ministère de mon frère, Paris, Grasset, 1936, p. 219.
120 A.D. Yvelines„ 3E-37/29, 19 vendémiaire an VII, dépôt du testament olographe de Marie Louise Auget veuve Michel Bouvard.
121 M. Bouchel, « Contribution à l’histoire d’Ostel », III « Gabriel-Henri Gaillard », dans Bulletin de la société historique et scientifique de Soissons, 1907, pp. 487-494.
122 Joseph Dacier, « Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Gaillard », dans Gabriel Henri Gaillard, Histoire de la rivalité de la France et de l’Angleterre, Paris, J. J. Blaise, 1817, t. I, p. 18.
123 Grimm, Correspondance littéraire, Paris, F. Buisson, 1813, t. IV, p. 443 (février 1788).
124 Charles Collé, Journal historique ou mémoires critiques et littéraires, Paris, Imprimerie bibliographique, 1807, t. III, p. 518.
125 M. de Saint-Ange, Métamorphoses d’Ovide, Paris, Valleyre l’aîné, t. I, 1783.
126 A.D. Yvelines, B.M.S. Marly-le-Roi, 1135622.
127 Julie de Saint-Olmont, ou les premières illusions de l’amour, par Madame ***, Paris, Dentu, 1805 (aussitôt publié dans la Nouvelle bibliothèque des romans, vol. 13 à 14, t. XIII, Paris, 1805, pp. 74-157).
128 « J’espère qu’on retrouvera dans Amélie de Treville, le même talent de peindre les caractères et les passions (...). Quant au caractère aimable et bienfaisant de cette héroïne, on pourra y voir le portrait du peintre, comme on a pu le voir dans madame de Saint-Géran et dans Julie de Saint-Olmont. » Amélie de Treville ou la Solitaire, Paris, Dentu, 1806, t. I, avertissement pp. I-III.
129 Antoine Lilti, ouvr. cité, p. 41.
130 André de Maricourt, Madame de Souza et sa famille : les Marigny, les Flahaut, Auguste de Morny (1761-1836), Paris, Émile Paul, 1907, p. 341 (5 juillet 1822, lettre de Mme de Souza à M. Le Roi).
131 Lettre d’Éon au comte de Vergennes, février 1778, citée par Pierre Pinsseau, L’Étrange destinée du chevalier d’Éon (1728-1810), Paris, Raymond Clavreuil, 1945, p. 222. Mémoires secrets, t. XI, Londres, 1780, pp. 128-129 (2 mars 1778). L’anecdote est aussi rapportée par Brissot, dans les mémoires de Mme Du Hausset, reprise par les Goncourt...
132 Correspondance littéraire, philosophique et critique, t. XII, Paris, Garnier Frères, 1880, p. 206 (octobre 1776).
133 Menetra a travaillé au château de Montigny, il s’en est enfui quand Trudaine a voulu lui faire porter la livrée. Jacques-Louis Menetra, Journal de ma vie, Daniel Roche (éd.), Paris, Albin Michel, 1998, p. 163.
134 Jürgen Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1978.