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Le malheur privé fait le bonheur public Histoire d’Antoine Moriau (13 novembre 1699 – 20 mai 1759), un homme qui aimait les livres

Robert DESCIMON

CRH – LaDéHiS [Ehess]). Etude ANRfree

NdA. : Je remercie les auditeurs de mon séminaire qui ne m’ont pas ménagé leurs critiques quand je leur ai exposé cette recherche, ce qui m’a rappelé heureusement la liberté de parole qui régnait dans le séminaire auquel Daniel Roche m’avait jadis généreusement associé.

En mai 1759, Antoine Moriau donna par testament à la ville de Paris sa bibliothèque à la condition qu’elle soit ouverte au public1. Geste inaugural d’un évergétisme culturel qui n’a finalement pas tant fait d’émules dans l’histoire de France2. On sait les vicissitudes de ce précieux fonds qui est maintenant conservé par la bibliothèque de l’Institut de France3.

Moriau a laissé un nom comme bibliophile et comme érudit, mais le titre qu’il mérite le mieux serait celui de philanthrope, une philanthropie de l’otium, rêvant à une démocratisation des pratiques culturelles des élites, à un partage socialement élargi de la lecture, un républicain militant des Lettres, en somme4. Le don de sa bibliothèque à la ville fut une action longuement préméditée. Et l’histoire de sa personnalité sociale éclaire une singulière aventure dont l’issue, heureuse pour le public, fut l’aboutissement de malheureux concours de circonstances privées. Sans que ces pages prétendent nullement, malgré leur titre en forme d’adage ironique, établir un lien de cause à effet entre les échecs que Moriau essuya au cours de sa vie et sa générosité philanthropique.

UN BEL OFFICE, SUBSTRAT SOLIDE D’UNE FORTUNE FAMILIALE

Antoine Moriau était procureur du roi et de la ville, comme son père, Nicolas Guillaume, qui avait acquis cette charge en 17015 et l’avait cédée en 1722 à son fils (âgé de vingt-trois ans), en en fixant le prix à la somme considérable de 300 000 livres tournois. La fonction occupait et nourrissait son homme ; Antoine n’en exerça jamais d’autre. Le père lui avait fait obligation de faire raison de leur part à ses cinq sœurs au prix de l’ordonnance, c’est-à-dire au denier 20, soit 5 % par an6. La raison de cette solution successorale délicate était simple : la charge était censée rapporter 15 000 livres par an. Une fratrie « bourgeoise » pouvait vivre sur un tel pactole en respectant l’égalité successorale qui était le cœur de la coutume parisienne. Les Moriau, purs bourgeois malgré le titre d’écuyer qu’ils portaient pour honorer l’édit de Louis XIV anoblissant l’échevinage en 1704, gravitaient autour du Châtelet et de l’Hôtel de ville et pourraient se caractériser socialement comme des gratte-papier en chef tentés par la ploutocratie7 (cf. ill. 1 et 2). La quasi-absence de biens nobles dans une fortune née du greffe de l’audience civile du Châtelet8, est frappante.

La situation économique d’Antoine Moriau n’était pas simple, ou plutôt elle l’était trop : la charge de procureur de la ville occupait tout. Le père avait dû consacrer ses disponibilités à se désendetter à la faveur de la crise financière de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence. Or les quatre sœurs survivantes de Moriau se marièrent9 et, conformément à la volonté paternelle, il leur servait des rentes (3 000 livres) à concurrence de leur part dans l’office (60 000 livres chacune) : cet office, sorte de société en commandite, restait donc commun, provisoirement, comme on va le voir. Pour marier les filles selon leur condition, à peu près tous les biens, y compris une partie des meubles contenus en l’inventaire de la succession, furent vendus : ils comportaient une maison de plaisance cédée 33 500 livres10 (mais obérée de 1 000 livres de pension viagère qu’Antoine Moriau s’engageait à payer à une ancienne propriétaire), le fief de La Planquette (les Moriau n’en portaient pas le nom) à Bacquencourt, au terroir d’Hombleux, commune de l’actuel département de la Somme, mouvant de l’évêché de Noyon (dont un grand-oncle avait été chanoine), attribué à Antoine comme aîné et qu’il vendit pour 1 200 livres (qui était déjà l’estimation portée en 1694 lors du mariage de Nicolas Guillaume, avec un revenu de 60 livres tournois11), une maison, rue du Figuier paroisse Saint-Paul, adjugée par licitation aux requêtes du palais en octobre 1730 20 000 livres, une maison et propriété au faubourg Saint-Denis (maison adjugée à Moriau père pour 18 100 livres en 1692, à laquelle s’ajoutaient des acquisitions ultérieures), venant des Brillon et rapportant selon divers baux 1 250 livres par an (un capital de 25 000 livres au denier 20 ?), ainsi que des rentes sur l’Hôtel de ville pour un peu plus de 30 000 livres, si la capitalisation a ici un sens, et une action et sept dixièmes de la Compagnie des Indes vendue 2 431 livres12.

Illustration n° 1 – Généalogie Moriau.

Pour désintéresser ses sœurs, Moriau se maria l’année même de la liquidation de la succession de ses père et mère et, trois mois après, il donna en mariage sa seconde sœur au frère de sa propre femme. Il avait reçu 60 000 livres d’argent comptant en dot, dont 40 000 devaient être employées au rachat des parts que possédaient ses sœurs dans la charge de procureur de la Ville. Moriau rendit ainsi à son beau-frère 40 000 livres sur ce qu’il venait de recevoir théoriquement en dot13. Les Dionis appartenaient à un milieu social parfaitement « bourgeois » lié à la gestion de l’Hôtel de ville (échevins, notaires, payeurs des rentes…), assez comparable à celui des Moriau ou de la famille maternelle d’Antoine, les Brillon, marchands et échevins14, avec, sans doute, chez les Dionis, plus de fortune15 (la succession de François Jean Dionis, le beau-père de Moriau, secrétaire du roi, ancien notaire et ancien échevin de Paris, et de Nicole Chaud, sa femme, montait à plus de 700 000 livres). Mais on va voir qu’il n’y a pas de raison d’insister trop sur cette union. Ce qui est important, c’est qu’Antoine Moriau réussit à désintéresser ses sœurs en leur rachetant leur part de son office en moins de dix ans16.

La fortune d’Antoine Moriau à sa mort fait l’objet de calculs infinis de la part des hommes de l’art, l’art de la chicane. La liquidation des droits de sa veuve, devenue comtesse de La Hitte, montait, toutes déductions faites, à 55 387 livres 10 sous 11 deniers pour le remploi des propres aliénés, arrérages de douaire, préciput, deuil, et à 53 720 livres pour les deniers dont l’emploi avait été fait à son profit sur le prix de l’office de procureur de la ville, soit presque 110 000 livres17. Le compte de l’exécution testamentaire indique un total de recettes de 126 732 livres 15 sous 7 deniers, pour une dépense de 13 287 livres 9 sous 9 deniers18. Le partage de sa succession entre ses donataires repose sur une masse successorale de 258 247 livres 9 deniers et sur un revenu de 20 148 livres 12 sols 2 deniers par an, les charges s’établissant à 5 300 livres de pension viagère19 (le douaire de l’épouse de 2 500 livres, et les pensions à ses deux principaux secrétaires et bibliothécaires, 2 000 livres par an à Claude Lambert, et 800 livres à Jean Mulatier, alias Mutatier). Les donations d’Antoine Moriau à la ville, qui avait d’ailleurs renoncé au don de l’argent comptant, par égard pour les légataires20, n’avaient donc nullement ruiné le magistrat bibliophile. Il n’est pas aisé d’estimer la valeur de la bibliothèque et des collections, ni l’investissement que leur constitution avait représenté pour Moriau au cours de sa vie. Il est à noter que, si les héritiers renoncèrent à la succession de leur oncle et s’en tinrent à leurs legs, ce fut pour respecter globalement ses volontés testamentaires et donc entériner le don de la bibliothèque au public. Le projet philanthropique de Moriau ne suscitait donc pas d’opposition au sein de sa famille.

Illustration n° 2 – Généalogie Dionis

L’ÉCHEC D’UNE VIE : UN PROJET DE PERPÉTUATION OBLIQUE

Moriau n’avait peut-être pas souhaité être procureur de la ville de Paris. Après un legs aux prêtres habitués de sa paroisse, il écrit dans son testament :

Et à l’égard de mrs les clercs, je n’oublierai jamais que j’ai été de leur corps, ce changement n’auroit pas dû arriver si, de ma part, [si] (répétition par inadvertance) j’avois agi suivant l’ordre de Dieu.

À l’article de la mort, il semblait donc regretter de ne pas avoir suivi une vocation ecclésiastique21. Il quitta ce bas monde non sans éprouver des remords quant à son genre de vie.

Moriau avait connu quelques mécomptes avec sa jeune épouse. Elle partit aux débuts des années 1730 avec l’homme qu’elle aimait, et il resta avec les livres qu’il aimait. Puisque, après tout, le mariage était une raison sociale, elle signait « M. F. Dionis Moriau ». Il ne fit pas scandale plus que de raison. Le couple était séparé de corps et d’habitation, par une sentence des requêtes de l’hôtel du 1er octobre 1737, mais non pas de biens et la communauté entre les époux subsistait donc (il n’avait pas ainsi à restituer à son épouse ce qu’elle avait apporté en mariage, vengeance dont il tirait sans doute quelques revenus). Un romancier imaginera qu’il achetait ses chers livres avec les intérêts des rentes appartenant à sa femme ; il pourrait même suggérer que tous ces livres ne faisaient pas de Moriau le mari idéal (« elle n’est mariée qu’avec une figure qui sort d’un cabinet, qui vient à table, et qui fait expirer de langueur, de froid et d’ennui tout ce qui l’environne », Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, acte I, scène I, 23 janvier 1730). L’épouse fugitive se contentait d’envoyer des certificats de vie depuis Toulouse22 où elle vivait vraisemblablement avec « messire Joseph Marie Ducos, comte de La Hitte, chevalier d’ancienne et illustre extraction »23, disait-elle avec satisfaction et exactitude, après l’avoir épousé à peine veuve. Femme sans doute malheureuse, mais qui connut une éclatante réussite à un âge déjà avancé.

Moriau n’aurait pas d’enfant, soit. Mais il avait des sœurs. Celles-ci connurent un destin tragique, trois moururent très jeunes en couches, et Moriau enterra aussi les deux autres ; il enterra encore deux de ses nièces et la troisième décéda moins de deux mois après lui ; c’était cette dernière, la fille unique de sa sœur cadette, qu’avait choisie son oncle. Il y avait bien un neveu du côté Dionis, mais il était frappé d’interdiction, peut-être mauvais sujet, plus probablement épris de liberté24. La nièce élue, Anne Louise Quesnau, ne pouvait guère compter sur ses parents, fort impécunieux25. Quand ils la marièrent, ils lui donnèrent bien 100 000 livres sous forme d’une pension annuelle de 5 000 livres ; mais, en fait, Moriau leur faisait concomitamment don d’une pension viagère de 5 000 livres, si bien qu’il est clair que c’est lui seul, qui dotait sa nièce, en dehors des 10 000 livres de bijoux, habits et autres meubles qu’elle apportait26. Peu de jours après, il vendit à survivance à son nouveau neveu par alliance la charge de procureur du roi et de la ville pour une somme astronomique : 513 000 livres27.

Son malheur conjugal n’amena donc pas Moriau à renoncer à tout projet de perpétuation familiale. Mais il déploya sa stratégie compliquée sur les chemins tortueux de l’alliance et de l’affinité28. À sa mort, le dispositif n’était pas encore désarticulé par le décès de sa dernière nièce, intervenu dès le mois de juillet29. Dans son testament, Moriau s’écartait de la coutume de Paris qui n’admettait pas la représentation dans les successions en ligne collatérale au-delà d’un degré (nièces et neveux excluaient les petits-neveux lesquels n’étaient donc pas héritiers) et il rappelait les trois souches issues de ses sœurs en faisant des enfants qui en étaient respectivement issus ses légataires universels pour un tiers (cf. ill. 1). Sens parfait de l’égalité, alors qu’il aurait pu considérer que l’opulence dans laquelle vivaient les La Michodière comme les Chuppin rendait superflue sa générosité. Sa conduite était dictée par un engagement symbolique et affectif, car l’égalité était une façon de manifester un attachement identique à tous les membres de sa parentèle sans exclusive.

Cependant, chez Moriau, l’esprit de famille revêtait des formes plurielles où dominaient les aspects religieux et culturels, et il n’excluait pas des horizons autres que la dissémination de ses capitaux symboliques au sein de sa parentèle. Le sens de la collectivité publique accompagnait en effet celui de la famille : on dira que la caritas (la charité envers tous) allait de pair avec la pietas (la charité envers les siens), si on met l’accent sur la dimension archaïque (authentique ?) du catholicisme d’Antoine Moriau, ou bien, que la philanthropie se nourrissait de l’amour des siens, si on préfère voir en lui un homme des Lumières à la Sedaine.

LA PASSION DES LIVRES : LIVRES PRIVÉS, LIVRES PUBLICS ?

Le monde des grands officiers politiques et perpétuels de l’Hôtel de ville (les Titon, les Boucot, les Taitbout…) fut saisi au XVIIIe siècle par un goût pour les collections d’art et les cabinets de curiosités, en particulier pour les manuscrits, les médailles et les beaux livres. Moriau, dont les alliés étaient des hommes de science et des amateurs d’art30, ne se conformait pas seulement à un habitus propre à cette haute bourgeoisie d’office. L’orientation livresque et érudite de ses intérêts culturels témoigne de sa personnalité propre. Mais il y avait deux amoureux des livres chez Antoine Moriau : il était un oncle à livres ; il était un bibliophile. Le fort sentiment de la famille qu’il éprouvait semble avoir trouvé dans les livres une de ses expressions privilégiées. Mais le livre était aussi, à ses yeux, le média par excellence d’un savoir public. La donation qu’il fit à l’Hôtel de ville s’inscrit ainsi dans une configuration intellectuelle très spécifique au XVIIIe siècle et dont on peut hypothétiquement retracer quelques linéaments.

Le testament, écrit en mai 1759, laisse paraître une sensibilité religieuse immanentiste à travers la croyance sotériologique en la communion des saints. Ces saints intercesseurs du salut étaient les patrons/parrains des individus : « Je laisse à madlle de Vannes un tableau représentant ste Therese, la patrone de ma sœur, sa mère, à qui je le destinois » et « je prie monsieur le tresorier der [sic] de Saint-Jacques de l’Hôpital d’accepter un tableau représentant st Antoine, mon patron »31. Antoine Moriau était un peu saint Antoine et la figure du saint (lequel saint Antoine, au fait ?) était une image sublimée de celle du donateur qui espérait rejoindre les bienheureux. Mais, s’il voulait soixante prêtres à ses obsèques, il oubliait d’élire une sépulture et ne parlait pas des tombeaux de ses père et mère. Il y a un monde entre de telles conceptions et la conservation, de génération en génération, d’imagines à la mode romaine, telle que la pratiquait les grandes familles de robe32. Parmi les tableaux conservés par Antoine, on trouvait un portrait de son défunt père tenant un crucifix à la main33 (voisinant, doit-on noter, avec « une mosquée » et aussi une « assemblée des chambres du parlement »). Le lecteur devine déjà le sens politique de ce catholicisme que les tenants de la Réforme catholique, dès le XVIIe siècle, qualifiaient de superstitieux ou, pire, de populaire. Les croyances religieuses de Moriau ne sont pas évidemment séparables de son goût pour les livres dont la possession est aussi un outil pour forger de la continuité familiale.

Une sorte de parallèle s’esquisse ainsi entre les livres, qui sont armoriés, et les portraits de famille, mentionnés pour « mémoire » sans être prisés dans les inventaires, selon l’usage34. En effet, Moriau salua, en un geste assez rare, les mariages de ses trois nièces par des dons ostentatoires de livres reliés (sur les deux côtés des couvertures) aux armes de chacune : « écartelées de celles de monsieur son pere et de madame sa mere », disent les contrats, parlant de ces armes des futures épouses. Les meubles bibliothèques qui contenaient ces livres étaient splendides et précieux : « deux corps de bibliothèque de bois de satin ornés de fontes dorées d’or moulu à panneaux de glace »35… Un tel mobilier avait une vocation publique implicite (il était fait pour être vu et pour dire l’amour de la culture de qui le possédait). On peut se demander, en revanche, si des ouvrages si bien reliés étaient donnés pour être lus. Les livres sont des signes de distinction sociale et ils servent à affirmer une supériorité, voire un pouvoir36. Grâce à ces dons, ses trois nièces et leurs enfants conserveraient, avec les armes de Moriau (celles de leurs mères) écartelées de celles des pères, des souvenirs qui matérialisaient sa passion pour la culture37.

Par souci d’égalité, mais aussi parce qu’il avait longuement réfléchi sur ce qu’était une bibliothèque idéale38, Moriau donnait à ses trois nièces à peu près exactement les mêmes livres39. Pas n’importe quels livres ! Des livres exceptionnellement bien choisis, où, sans trop de surprise, il a fait une place remarquable à la théologie janséniste. Aucun grand auteur du parti ne manque presque à ce catalogue. Moriau n’apparaît pourtant pas, à première vue, dans les querelles du temps. Peut-on parler à son égard de nicodémisme janséniste ? Se conformait-il à la norme de son milieu « bourgeois »40 ou à une sorte d’évidence qui plaçait la théologie sous le signe de l’opposition aux jésuites et à la Cour ? Les donataires, jeunes femmes tout juste sorties de l’adolescence, étaient bien éduquées41, curieuses sans doute, musiciennes averties… On ne peut savoir si elles appréciaient à leur juste valeur ces cadeaux de livres, ni si elles manifestaient de l’intérêt pour la variante janséniste du catholicisme. Mais elles ne pouvaient qu’être sensibles à l’attention lignagère qui qualifiait leur famille par les armes de leurs père et mère et par une exhortation culturelle qui faisait d’elles les égales des hommes, puisque les livres étaient coutumièrement considérés comme des objets masculins retenus sur la communauté dans le préciput des maris survivants. Quant à ces époux, ils considéraient peut-être d’un autre œil cette débauche de théologie janséniste si contraire aux préventions partisanes proclamées par le roi et ses ministres ; l’on pense, par exemple, à l’intendant La Michodière, arithméticien et pionnier de la démographie, homme des Lumières, certes, mais loyal et zélé serviteur de la monarchie, qui fut prévôt des marchands du 17 mars 1772 au 15 août 1778, avant de devenir conseiller d’Etat ordinaire en 178342.

Pourtant le geste de Moriau n’avait sa source ni son sens dans un sentiment partisan. Les legs sont essentiellement pour les donateurs des actes de perpétuation, des façons d’assurer magiquement leur survie dans la continuité des existences des parents et alliés, êtres proches, voire aimés43. Ces legs servaient ainsi à enrichir le capital social des familles alliées qui récupéraient celui des familles tombées en quenouille. Cette opération de cumulation des capitaux symboliques est caractéristique des milieux nobiliaires, elle participait même à leur définition traditionnelle dès le haut Moyen Age44. Mais on ne saurait trop vite assimiler au privé ou au particulier de telles pratiques : dans un régime politique où l’affirmation du pouvoir royal était encore liée à la constitution de grands lignages de serviteurs de l’Etat, il s’agissait bien de créer des dynasties aptes au pouvoir et à la domination, mais aussi pénétrées de leurs devoirs publics. Le comportement d’Antoine Moriau répondait donc à une logique (archaïque au XVIIIe siècle, car Louis XIV l’avait congédiée) indissociablement lignagère, culturelle et politique, ce qui est la marque de fabrique du « complexe Famille Etat » liant l’appareil administratif de la monarchie à la constitution de familles nobles à vocation liturgique45. Cependant le XVIIIe siècle diffère profondément du XVIe siècle : l’agent de ce complexe était une bourgeoisie, éventuellement à statut noble, non plus une noblesse de robe en pleine affirmation de son autorité. On mesure en ces domaines les limites de la distinction du public et du particulier sous l’Ancien Régime.

Les donations de bibliothèques dans le cercle des successibles ne doivent donc pas masquer que l’amour de Moriau pour les livres répondait à une ambition générale, le livre constituant une monnaie universelle valorisable dans divers contextes, y compris l’amour du prochain. Moriau fut à double titre le fondateur de la bibliothèque historique de la ville de Paris : il donna à la ville ses impressionnantes collections, mais il loua aussi, pour y mettre ses livres, l’hôtel de la rue Pavée au chancelier Lamoignon, en 1751. Le loyer montait à 6 000 livres par an46. À sa mort, Moriau habitait pour ainsi dire chez ses livres dans ce superbe hôtel. Il est manifeste qu’avec la complicité probable du chancelier de France, cette coûteuse installation préparait la création d’une bibliothèque publique, au moment même où Adamoli concevait son projet lyonnais. L’investissement dépassait les moyens du procureur de la Ville, aussi sous-loua-t-il le rez-de-chaussée au marquis d’Oppède pour 3 000 livres par an47. Il réussit à donner à son entreprise les bases matérielles que, il le savait mieux que personne, les finances municipales n’étaient pas capables de supporter. Le bureau de la ville de Paris était sans doute depuis longtemps dans le secret de cette opération publique qui l’investissait d’une mission inédite.

Loin de toute bibliomanie, le testament par lequel Moriau supplie la Ville de Paris d’accepter le don de sa bibliothèque montre à quel point le procureur du roi ne fétichisait pas les livres, mais les considérait comme des vecteurs culturels pris dans un mouvement de progrès des connaissances. Le texte mérite citation :

Je supplie Messieurs les prevost des marchans et echevins de cette ville de vouloir bien agréer et accepter le don et legs que je fais a la ville de Paris de ma bibliothèque, des manuscrits, du recueil de pieces fugitives, tant imprimées que manuscrites, de toutes les cartes, estampes, desseins executés a la main ; des medaillons et medailles qui y seront renfermées ou estant dans quelques tiroirs des bureaux des cabinets, le tout sans exception ni reserve ; ayant toujours souhaité qu’il y eut en l’hostel de ville de Paris une bibliotheque publique, comme il y en a une en l’hostel de ville de Lyon. Je prends neantmoins la liberté de faire observer a Messieurs les prevost des marchands et echevins qu’attendu qu’il n’y a pas actuellement de vaisseau convenable pour y establir la bibliotheque, et que les nouvelles editions des livres font entierement tomber les anciennes, il pourroit estre plus avantageux au bien de la ville et du public de vendre au public ou a des libraires les livres imprimés et, conservant les manuscrits et les autres objets cy dessus designés, pour dans un autre temps former la bibliotheque publique, pour quoy je laisse a messieurs les prevost des marchands et echevins la liberté de vendre le tout ou partie des livres ainsi qu’ils jugeront a propos ; si ce n’est que pour ce qui concerne un grand nombre de registres, lesquels registres sont renfermés dans des portefeuilles etant pieces detachées et un grand nombre de comptes que j’ai fait copier, mon intention expresse est que le tout passe dans le vaisseau de la bibliotheque sans pouvoir en sortir lors par vente ou autrement48.

La hiérarchisation de ces vecteurs culturels que sont, d’une part, les livres, appelés à être dépassés par des travaux plus critiques ou plus scientifiques, et, de l’autre, les manuscrits, originaux ou copiés, considérés comme des documents en soi, trahit l’appartenance de Moriau, en dépit ou à cause de son jansénisme caché, au monde des Lumières49.

Lumières publiques et modernes, religion privée et traditionnelle en ce qu’elle est le refuge collectif des individus et des lignages contre une monarchie qui avait trop mélangé les genres du sacré et du profane ? Sans doute, même si le débat janséniste contribuait à définir un espace politique, par définition public, même si Antoine Moriau se garda bien d’y paraître, soit par respect pour sa fonction, soit par réserve intellectuelle. Finalement, ne serait-ce pas un paradoxe éclairant de voir chez cet homme des Lumières une dichotomie similaire à celle que Michel de Certeau a analysée chez René Le Voyer d’Argenson (1596-1651), directeur de la compagnie du saint sacrement de l’Autel et serviteur zélé de l’absolutisme royal50 ? Mais ce dernier n’était à aucun titre une homme des Lumières. Moriau significativement n’a pas choisi une institution religieuse comme réceptacle de sa donation.

La vie d’Antoine fut plus marquée par les incertitudes du siècle que par les incohérences de ses desseins.

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1 Lazare-Maurice Tisserand, La Première Bibliothèque publique de l’Hôtel de ville de Paris (1760-1797), Paris, 1873 ; Alfred Franklin, Les Anciennes Bibliothèques de Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1867-1873, 3 vol., t. III, pp. 181-300 ; livres dont le contenu est étonnamment similaire.

2 Louis Desgraves, « Vers la bibliothèque publique », dans Histoire des bibliothèques françaises, t. II, Les Bibliothèques sous l’Ancien Régime, 1530-1789, Paris, Promodis, 1988, pp. 391-413. Alfred Franklin, ouvr. cité, montre que la plupart de ces bibliothèques étaient tenues par des institutions religieuses. Sur le précédent lyonnais, qu’invoque Moriau dans son testament, Yann Sordet, L’Amour des livres au siècle des Lumières : Pierre Adamoli et ses collections, Paris, École des chartes, 2001. Le premier testament d’Adamoli, en 1752, inspiré par celui de l’avocat Pierre Aubert en 1731, désignait la ville comme bénéficiaire : c’est le seul qu’ait pu connaître Moriau qui mourut en mai 1759, alors qu’Adamoli décéda en 1769, ayant substitué l’Académie à la ville de Lyon.

3 Gustave Fustier, « Les vicissitudes d’une grande bibliothèque. La bibliothèque Carnavalet et ses revendications », dans Revue Le livre, bibliographie rétrospective, VIII, 1887, pp. 85-91 ; Hélène Dufresne, Érudition et esprit public au XVIIIe siècle : le bibliothécaire Hubert-Pascal Ameilhon, Paris, Nizet, 1962 ; Bibliothèque de l’Institut de France, ms. 1388-1399, catalogue et inventaire de la bibliothèque de la ville de Paris, devenue en 1795 celle de l’Institut de France, catalogue composé par Pierre Nicolas Bellamy « des livres imprimés qui ont été légués à la Ville par feu M. Moriau, procureur du Roy et de la Ville, et qui forment la bibliothèque publique de la Ville, dans l’état où elle est à l’hôtel de Lamoignon, au mois de mars 1763 ». La collection comportait quatorze mille volumes imprimés et deux mille manuscrits, dont la collection Godefroy.

4 Krzystof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1987 ; Arthur MacGregor, Curiosity and Enlightenment. Collectors and Collections from the Sixteenth to the Nineteenth Century, Londres, Yale Univ. Press, 2007. Daniel Roche, Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988.

5 A.N., MCNP, Et. CXV 310, 3 mars 1701, vente faite moyennant 190 000 livres de principal et 1 000 livres de pot de vin. Les intérêts intellectuels de Nicolas Guillaume Moriau le portaient plutôt, semble-t-il, vers le droit (bibl. de l’Institut de France, ms. 34, Jurisprudence civile, questions de droit romain et français, manuscrit de feu Nicolas Guillaume Moriau). Son inventaire après décès (cf. note suivante) signale, d’une part, deux cent vingt deux livres « de devotion et d’histoire » prisés 60 livres, et, de l’autre, un inventaire de livres comportant bon nombre de livres de littérature.

6 A.N., MCNP, Et. XVIII 507, 28 mai 1725, inventaire après décès de Nicolas Guillaume Moriau, titre 21, 28 novembre 1722, convention entre le père et le fils. La plus-value de 110 000 livres par rapport à 1701 provient en grande partie de l’augmentation de capital que représentait l’achat contraint de l’office d’avocat du roi en l’Hôtel de ville acquis par Moriau père pour 40 000 livres, sans compter d’autres emprunts forcés qu’il avait fallu payer aux parties casuelles du roi. Cf. Robert Descimon, « La vénalité des offices politiques et perpétuels de la municipalité de Paris (procureur du roi, greffier et receveur de la Ville) (XVIe siècle-années 1750) », dans Le Pouvoir municipal en France à l’époque moderne, actes du colloque de Rennes, février 2010, à paraître aux Pr. univ. de Rennes en 2011. Si on convertit la livre tournois en argent fin, la valeur de l’office était en mars 1701 de 1415,5 kg d’argent et de 1 134 kg en 1722-1725 : elle avait donc baissé de 20 %.

7 Si les homonymies suggèrent qu’au début du XVIIe siècle, le procureur Jacques Moriau avait des origines paysannes dans la banlieue parisienne, sa femme Françoise de Villevault était la cousine d’importants financiers et de magistrats du parlement (A.N., MCNP, Et. XVI 272, 5 juillet 1653, contrat de mariage d’Antoine I Moriau et de Marguerite Raince).

8 Le frère cadet de Nicolas Guillaume, Louis Antoine Moriau avait encore à sa mort la propriété de cet office domanial qu’avaient possédé son père et son grand-père maternel (mais avec une interruption, car il racheta l’office en 1710). Ancien colonel des gardes de la ville (les anciens Trois Nombres), Louis Antoine mourut en 1751, huit ans seulement avant son neveu. La place manquant, on a résumé quelques données sociales importantes dans l’ill. 1. A.N., MCNP, Et. XVIII 618, 16 septembre 1751, dépôt du testament olographe du 3 février 1750, et, 20 septembre 1751, inventaire après décès de Louis Antoine Moriau. Et. XVIII 582, 16 mars 1750, inventaire après décès de Catherine Bonnerot, sa femme, où il porte le titre de greffier. Et. XLIII 252, 16 février 1703, contrat de mariage Moriau-Bonnerot (elle était fille d’un procureur au Châtelet).

9 A.N., MCNP, Et. XVIII 510, 3 juillet 1726, contrat de mariage avec Luthier de Saint-Martin, maître des comptes ; ibid., 513, 1er juillet 1727, contrat de mariage avec Dionis, payeur des rentes ; III 894, 27 mars 1737, contrat de mariage avec Le Boiteulx de Gormond, secrétaire général de l’artillerie (elle mourut sans enfant, cf. III 898, 14 septembre 1739, inventaire après décès d’Adélaïde Victoire Moriau, et 22 décembre 1739, liquidation de sa succession entre ses quatre héritiers, dont Antoine Moriau, son frère, qui se partagèrent 102 600 livres tournois) ; ibid., 548, 1er février 1739, mariage avec Quesnau, conseiller à la cour des aides. Les deux premières filles sont mariées avec leurs biens et droits, dont seulement 63 540 livres sont disponibles, les deux cadettes avec des évaluations précises, 107 600 livres et 118 980 livres (on ne sait d’où provient la plus value des biens d’Anne Thérèse [+ 10,5 % entre mars 1737 et février 1739, à peu près 5 % par an, soit le taux officiel de la rente]). Le passif de toutes ces fortunes consistait en une rente viagère de 200 livres (cf. n. 10).

10 A.N., MCNP, Et. XCVII 201, 5 mai 1721, achat de la propriété de La Madeleine sous Saint-Yon, près d’Arpajon (Chastres), à mi-chemin entre Breuillet et Boissy, par Nicolas Guillaume Moriau aux héritiers Galloys, moyennant 15 000 livres pour la maison et les terres, 12 500 livres pour les meubles et le paiement d’une rente viagère de 1 000 livres tournois pas an. En effet (Et. XLVI 231, 15 septembre 1719), la femme séparée du peintre du roi Robert Gabriel Gence avait vendu à Simon Galloys, trésorier de France, la propriété pour 41 500 livres (23 500 + 18 000 pour le principal de la rente ci-dessus de 1 000 livres tournois). Et. CVII 362, 12 novembre 1727, les héritiers Moriau vendent La Madeleine à un général des monnaies moyennant 33 500 livres, soit 28 000 livres pour la maison et la ferme, 5 500 livres pour les meubles, mais ils s’engagent à continuer de payer les 1 000 livres de rente qui s’amortissait au fur et à mesure que la vendeuse de 1719 vieillissait (mais elle vivait toujours en février 1739). Cette dernière, Jeanne Louise Gaulard Du Mesny, avait acheté (Et. LXXXVIII 391, 30 juillet 1710) aux Bragelongne (la veuve d’un colonel de dragons, fils du premier président du parlement de Metz) la propriété en question pour 22 000 livres, dont 1 000 livres de pot de vin, alors que l’évaluation des jurés experts maçons ne montait qu’à 18 500 livres. On notera le caractère tardif de l’acquisition de cette terre, nullement seigneuriale, mais dotée d’une chapelle, et apparemment assez jolie. L’affaire est décrite comme très mauvaise par Antoine Moriau lors de la vente de 1727. La rente viagère rend très difficile d’évaluer la valeur de ce bien, en cette période d’agitation monétaire (estimation par expertise de 138 kg d’argent fin pour un prix de vente de 147 kg en 1710 ; 195 kg en 1719, 162 kg en 1721, mais plus le principal de la rente, 175 kg en 1727, mais moins le principal de la rente). Et. LXXVIII 631, 15 octobre 1727, compte que rend Antoine Moriau à ses sœurs pour la gestion de la succession de leurs parents, La Madeleine rapporte 800 livres de ferme et coûte 1 400 livres (les 1 000 livres de pension viagère et 400 livres par an pour le jardinier), outre les réparations ordinaires. La propriété était donc « à charge ».

11 A. N., MCNP, Et. CXXI 194, 29 novembre 1694.

12 A.N., MCNP, Et. LXXVIII 631, 24 décembre 1727, les héritiers se partagèrent des rentes de l’Hôtel de ville assignées sur les gabelles capitalisées au denier 40, soit un capital enflé de 17 700 livres rapportant 442,5 livres par an. Il est vrai que le procureur du roi était sûr de percevoir totalement et régulièrement les arrérages de ces rentes. Une autre rente sur l’Hôtel de ville est rachetée pour 12 500 livres en 1728. Cf. Et. LXXVIII 631, 15 déc. 1727, compte rendu par Moriau à ses sœurs.

13 A.N., MCNP, Et. XVIII 512, 15 mars 1727, contrat de mariage d’Antoine Moriau et de Marie Françoise Dionis ; Et. XVIII 513, 1er juillet 1727, contrat de mariage de François Marie Dionis et de Louise Moriau. Il est à noter que la dot de Marie Françoise Dionis était très surestimée, puisqu’elle comportait 24 000 livres dans le principal d’une rente au denier 30 sur le clergé de France, et 56 280 livres pour le principal d’une rente au denier 40 sur les Aides et Gabelles, et encore 6 000 livres d’une rente au denier 30 sur un particulier. Le denier du roi était à l’époque le denier 20. Calculés à ce taux de 5 %, les principaux des rentes apportées par Marie Françoise Dionis fondraient comme neige au soleil (43 140 livres au lieu de 80 880). Mais l’historien ne saurait légitimement contester les modes de calcul des contemporains. Les parents Dionis versèrent un supplément de dot de 3 720 livres à leur fille le 31 décembre 1730 (quittance en marge du contrat de mariage).

14 Les Brillon, gros marchands de soie, sont illustrés par les oncles maternels de Moriau, Pierre Jacques, l’avocat arrêtiste et échevin, et François, ancien major d’un régiment de dragon et intendant du duc du Maine ; Moriau a recueilli dans sa bibliothèque les papiers de ce dernier (bibl. de l’Institut, ms. 373-401, de 1717 à 1735).

15 Un indice de la supériorité sociale des Dionis tient au fait qu’Antoine Moriau constitua 2 500 livres de rente en douaire à sa femme, alors que Louise Moriau dut se contenter de 1 800. De même, Antoine mit 30 000 livres dans la communauté et Marie Françoise 20 000, alors que l’égalité était respectée dans le mariage de François Marie Dionis et de Louise Moriau. L’histoire sociale des Dionis est reconstituée à partir de A.N., Y 13100 B, 19 octobre 1747, scellés, et MCNP, Et. XXXIII 501, 20 novembre 1747, inventaire après décès de François Marie Dionis, payeur des rentes. Et. XXXIII 491, 6 février 1743, inventaire après décès de Louise Moriau. Et. XLIX 645, 22 octobre 1738, inventaire après décès de François Jean Dionis et testament olographe. Et. XLIX 654, 13 juin 1742, inventaire après décès de Nicole Chaud. Et. XLIX 660, 19 mai 1744, partage de la succession de François Jean Dionis et de Nicole Chaud. Et. XLIX 724, 29 octobre 1759, inventaire après décès d’Augustin Pierre Dionis, ancien commissaire des gardes du corps du roi, chevalier de Saint-Louis. Cf. Thierry Claeys, Dictionnaire biographique des financiers en France au XVIIIe siècle, préf. Yves Durand, Paris, Kronos, Ed. SPM, 2008, 2e éd. 2009, pp. 703-705, l’excellente notice consacrée à François Marie Dionis. Et. CX 391, 24 octobre 1757, testament de dame Antoinette Nicole Dionis, épouse de Nicolas Chuppin, nièce d’Antoine Moriau. Et. XLIX 715, 5 décembre 1757, son inventaire après décès. Le plus marquant des frères Dionis est Achille Louis, conseiller et historien de la cour des aides, homme des Lumières et astronome (Et. XXXIII 500, 15 avril 1747, inventaire après décès de Pierre Héron, son beau-père).

16 Cf. les quittances en marge des contrats de mariage, l’inventaire d’Antoine Moriau et le traité de vente de son office. L’histoire de ce désendettement familial est intéressante : 1. Il a payé 40 000 livres à sa sœur, épouse Dionis, par le contrat de mariage et 20 000 le 7 avril 1733 (par des deniers provenant de la vente de ses propres), s’acquittant donc entièrement (il avait ainsi intégralement rendu aux Dionis la part qu’il avait reçue en argent comptant de la dot de sa femme). 2. Il a racheté 10 000 livres à Luthier et sa femme (Dejean, notaire, 30 octobre 1730) provenant des deniers de sa femme, 20 000 livres aussi à Luthier provenant de plus grande somme empruntée au sieur Morel (Sellier, notaire, 28 mars 1733), et 30 000 livres (de Bougainville, notaire, 6 juin 1733), contenant subrogation au même pour 3 000 livres et à Mre Claude Olivier Boucher, conseiller au parlement, pour 20 000 livres. Il s’était donc entièrement acquitté envers sa première sœur aussi en 1733. 3 et 4. Il a payé 40 000 livres à ses deux sœurs Adélaïde Victoire et Anne Thérèse (20 000 livres chacune) (Bougainville, 6 juin 1733) portant subrogation en faveur dud. Boucher, conseiller, et à Mr. Boucher, secrétaire du roi, jusqu’à la somme de 10 000 livres et encore 40 000 (Boivin, notaire, 28 et 29 octobre 1735) à chacune des deux sœurs avec subrogation à Marie Delié, femme de Jean Cassar de Reynal. Il était donc quitte dès 1735, avant le mariage des deux cadettes. Tous ces emprunts étaient faits au nom du seul Antoine Moriau sans qu’il ait été question de sa femme, bien sûr.

17 A.N., MCNP, Et. XLIX 726, 19 juin 1760, renonciation à la communauté et liquidation, reprises et indemnités des droits de la comtesse de La Hitte sur la succession de son ancien mari.

18 A.N., MCNP, Et. XLIX 729, 18 février 1761.

19 A.N., MCNP, Et. XLIX 730, 27 mai 1761, résultats obtenus par les conseils juridiques au bout de dizaines de pages d’énumération et de calcul.

20 A.N., MCNP, Et. XLIX 726, 22 juillet 1760, délivrance du legs Moriau à la Ville. La ville restituait 15 480 livres 16 sols, tout compensé.

21 A.N., MCNP, Et. XLV 506, 21 mai 1759, dépôt du testament olographe écrit le 11 mai. Sans doute avait-il reçu les ordres mineurs.

22 A.N., MCNP, Et. LXIV 341, 11 septembre 1751, certificat signé des capitouls de Toulouse qui assurent qu’elle « est actuellement en vie pour avoir ce jour d’huy comparu devant nous ».

23 A.N., MCNP, Et. XLIX 726, 12 mai 1760, renonciation pure et simple qu’elle faisait à la communauté qui l’unissait encore à son défunt premier mari. Son second mariage fut pour Marie Françoise Dionis une revanche à la fin d’une vie de tribulations (ses parents lui avaient substitué ses enfants à naître [ !] et à défaut ses frères et ils avaient tâché de lui couper les vivres, sans acharnement cependant). Notre sujet n’implique pas de retracer l’histoire de Marie Françoise Dionis.

24 Thierry Claeys, ouvr. cité, signale que le fils de la famille, François Louis Dionis du Séjour, s’était marié avec Michelle Médard Anquetin de Montmireau, dont postérité. La sentence d’interdiction datait du 28 octobre 1756.

25 A.N., MCNP, Et. XLIX 724, 10 décembre 1759, liquidation de la communauté Quesnau (héritier de sa fille) – Moriau : le bilan s’établit à 39 569 livres 15 sous 4 deniers.

26 A.N., MCNP, Et. XLV 495, 16 janvier 1755, contrat de mariage entre Jacques Jérôme Jollivet de Vannes et Anne Louise Quesnau ; A.N., C 620, 23 janvier 1755 (jour même de la vente à survivance de l’office), donation par Moriau à Charles Daniel Quesnau et Anne Thérèse Moriau d’une rente viagère de 5 000 livres tournois correspondant au montant de la dot. Acte du 21 mars 1755, explicitant l’intention des parties, qui disent vouloir que ladite pension viagère soit éteinte en cas de décès sans enfant d’Anne Louise Quesnau (titre 32 de l’inventaire après décès [A.N., MCNP, Et. XLV 507, 28 juillet 1759], d’Anne Thérèse Moriau, veuve de Ch. D. Quesnau).

27 A.N., MCNP, Et. C 620, 23 janvier 1755. Le prix de l’office se décomposait en 300 000 livres et le paiement de rentes qui pesaient sur l’office : 4 920 livres de rente, au principal de 123 000 livres (soit le denier 25), 1 600 livres au principal de 40 000 livres (rente contractée pour le paiement de la dot de sa sœur aînée, l’épouse de Luthier de Saint-Martin, denier 25), 400 livres au principal de 10 000 livres et 2 000 livres représentant les 40 000 livres payées grâce aux deniers dotaux de sa femme pour doter la seconde sœur de Moriau. Mais ces intérêts cumulés (8 920 livres par an) ne représentaient pas la moitié des revenus de la charge qui avaient beaucoup augmenté (jusqu’à 20 000 ou 25 000 livres ?) depuis 1722-1725. En 1755, la conversion en argent fin donne 2693,25 kg. On voit qu’Antoine Moriau avait réalisé sur cet office un formidable gain en capital.

28 Cas de figure particulièrement connu des anthropologues qui ont commenté des exemples célèbres, comme celui des empereurs julio-claudiens (cf. François Héran, Figures de la parenté, Paris, PUF, 2009, pp. 299-310, et Mireille Corbier, « La Maison des Césars », dans Pierre Bonte (dir.), É pouser au plus proche : inceste, prohibitions et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, Éd. de l’EHESS, 1994, pp. 243-291).

29 A.N., MCNP, Et. XLIX 724, 19 décembre 1759, notoriété de la mort d’Anne Louise Quesnau, mentionnant qu’il n’a point été fait d’inventaire et qu’elle a pour seul héritier maternel François Louis Dionis, écuyer. La parentèle des Moriau avait donc disparu, sauf par ce neveu interdit qui eut d’ailleurs une descendance et avait renoncé à la succession de son oncle dont il était donataire.

30 A.N., MCNP, Et. XVIII 507, 28 mai 1725, inventaire après décès de Nicolas Guillaume Moriau et de sa femme, « un clavecin a deux claviers posé sur son pied de bois noircy, deux basses de violle, deux viollons », prisés ensemble 400 livres ; Et. CVIII 391, 22 mars 1728, très petit inventaire de Marie Catherine Moriau, femme du maître des comptes Luthier de Saint-Martin. Sont mentionnés des livres de musique, dont « Trio de Corelly, six livres de viole et clavecin ». . . Et. XXXIII 491, 6 février 1743, inventaire après décès de Louise Moriau, « un clavecin à double clavier fait par Bellot ». Et. XLV 507, 28 juillet 1759, inventaire après décès d’Anne Thérèse Moriau, importante collection d’instruments de mathématique, astronomie, géométrie et géographie, avec une bibliothèque correspondant à ces intérêts scientifiques ; beaucoup de livres de musique aussi.

31 A.N., MCNP, Et. XLV 506, 21 mai 1759, dépôt du testament olographe et du codicille d’Antoine Moriau en date des 11 et 14 mai. Et. XLIX 729, 18 février 1761, le compte de l’exécution testamentaire mentionne la délivrance du saint Antoine à monsieur Thomas, trésorier de Saint-Jacques de l’Hôpital. Les raisons de l’attachement de Moriau à cet établissement découlent assez probablement de connexions avec la charité janséniste. Cf. Nicolas Lyon-Caen, La Boîte à Perrette. Le jansénisme parisien au XVIIIe siècle, Paris, A. Michel, 2010.

32 Le monde de Moriau semble proche de celui qu’a décrit André Burguière, « La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme : généalogies domestiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Annales ESC, 46/4, 1991, pp. 771-788.

33 A.N., MCNP, Et. XLV 506, 18 juin 1759, collection des tableaux dans l’inventaire après décès d’Antoine Moriau (cf. aussi A.N., Y 14407, scellés après décès, 20 mai 1759). Le rapprochement est significatif, mais le lot comportait aussi « la bataille de Constantin », deux têtes d’homme et deux reliefs représentant une tête d’homme, le tout pour 120 livres. La sainte Thérèse valait 60 livres et le saint Antoine 40 livres.

34 A.N., MCNP, Et. XLV 507, 28 juillet 1759, inventaire après décès d’Anne Thérèse Moriau, femme de Charles Daniel Quesnau, on trouve dans une chambre trois tableaux représentant « feu monsieur Moriau, procureur du roy de la ville », sa sœur (la défunte) et la fille qu’elle avait eue, « feue madame de Vannes », et dans une autre, deux tableaux représentant madame Quesnau et le procureur Moriau. Et. XXVIII 367, 24 mars 1760, l’inventaire après décès de Charles Daniel Quesnau mentionne toujours un tableau représentant Moriau.

35 A.N., MCNP, Et. CVIII 464, 21 février 1745, contrat de mariage d’Anne Catherine Luthier de Saint-Martin et de Jean-Baptiste François de La Michodière (dans le préciput du mari, on précise qu’il prendra sa bibliothèque, « autre touttes fois que celle de laditte damoiselle et armoriée de ses armes »). Et. XXXIII 503, 5 juin 1748, contrat de mariage d’Antoinette Nicole Dionis et de Nicolas Chuppin (pourtant Moriau n’apparaît pas parmi les témoins, ni ne signe ce contrat de mariage, indice d’une possible rancune envers les Dionis qui ne se seraient pas assez désolidarisés de leur sœur à ses yeux). En l’occurrence, les armes écartelées étaient les mêmes, quoiqu’inversées, que celles que Moriau aurait fait mettre sur ses propres livres s’il les avait, comme il était classique, frappés à ses armes et à celles de son épouse. Et. XLV 495, 16 janvier 1755, contrat de mariage d’Anne Louise Quesnau avec Jollivet de Vannes. Les livres étaient énumérés dans un catalogue précis signé des parties ne varietur. Ils n’étaient donc pas aliénables, au moins du point de vue du donateur. Les formules sont rigoureusement identiques dans les trois contrats de mariage.

36 Daniel Roche, Les Républicains des lettres, ouvr. cité, p. 26 : « Il y a des livres qu’il faut avoir lus ou à tout le moins connaître. C’est à un moment ce qui classe ou déclasse et, dans l’addition des indices, dévoile les oppositions sociales. » Paradoxalement, Pierre Bourdieu n’a pas beaucoup insisté sur le rôle « distinctif » des livres et bibliothèques. Alphonse Dupront, « Livre et culture dans la société française du XVIIIe siècle », dans Livre et société dans la France du XVIIIe siècle, Paris, La Haye, Mouton, 1965, vol. 1, p. 219, parle d’« un temps où pressent le goût du livre et l’idée du livre comme moyen et signe de promotion sociale ».

37 On peut s’interroger sur le succès de ces prétentions donatrices : les livres de la future sont conservés dans le cabinet du futur, comme le montre (A.N., MCNP, Et. CVIII 484, 21 juillet 1749) l’inventaire après décès d’Anne Catherine Luthier : « item deux armoires et bibliothèques de bois de palissandre garnie chacune de deux volets avec leur glace, fermant a clef a ornements de cuivre en couleur armoriées aux armes de fille de lad. feue dame de La Michodière ». L’inventaire de bibliothèque, plus succinct que le catalogue du contrat de mariage, semble montrer que La Michodière possédait des livres plus nombreux, mais de valeur moindre, que ceux que lui avait apportés son épouse. Et. XLIX 715, 5 décembre 1757, inventaire après décès d’Antoinette Nicole Dionis, les « livres dudit sieur Chuppin » sont ceux qu’avait donnés Moriau à sa femme défunte (auxquels s’ajoutent des ouvrages concernant l’ordre du Saint-Esprit, car Chuppin était trésorier du marc d’or). Et. XLIX 724, 14 juillet 1759, liquidation de la succession d’Anne Louise Quesnau, les corps de bibliothèques et les livres reviennent à Charles Daniel Quesnau, comme héritier quant aux meubles et acquêts de sa fille, le tout est estimé à l’amiable 3 000 livres. Les bibliothèques figurent à l’inventaire après décès de Quesnau (Et. XXVIII 367, 24 mars 1760), mais les livres, qui se répandent dans la plupart des pièces, semblent avoir été reclassés. Le contrat de mariage de La Michodière et d’Anne Catherine Luthier portait une estimation de 4 000 livres, reprise dans la liquidation de la communauté (A.N., MCNP, Et. CVIII 555, 13 janvier 1763), dont on peut sans doute conclure que les bibliothèques et livres donnés par Moriau se trouvaient toujours en nature.

38 La référence à Gabriel Naudé (Advis pour dresser une bibliothèque, présenté à monseigneur le président de Mesmes, Paris, F. Targa, 1627) vient à l’esprit (en dernier lieu, Sara Decoster, « Gabriel Naudé entre bibliothèque docte et cabinet de curiosités », dans Histoire et civilisation du livre, VI, Genève, Droz, 2010, pp. 255-277). Mais on peut douter de la persistance, au XVIIIe siècle, d’une démarche « idéale » comme celle de Naudé, qui était inscrite dans un moment historique analysé par Christian Jouhaud, Les Pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe, Paris, Gallimard, 2000. Cf. aussi Jean-Marc Chatelain, Livres, lectures et collections en France à l’âge classique, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003.

39 La comparaison des catalogues insérés dans les contrats de mariage d’Antoinette Nicole Dionis (A.N., MCNP, Et. XXXIII 503, 5 juin 1748) et d’Anne Louise Quesnau (Et. XLV 495, 16 janvier 1755) fait apparaître deux types de différences : en 1755, conformément à un principe qu’il énonce dans son testament, Moriau donne, quand le cas se présente, les éditions les plus récentes des mêmes ouvrages ; lui qui possédait le fameux tableau de la « Procession de la Ligue » que l’on peut aujourd’hui voir au musée Carnavalet, ne donne plus en 1755 L’Histoire de la Ligue de Louis Maimbourg (Marbre-Cramoisy, 1683), ni La Vie de François de Lorraine, duc de Guise par Henry Du Trousset de Vallincourt (Marbre-Cramoisy, 1681) qui figuraient en 1745 et 1748.

40 Nicolas Lyon-Caen, La Boîte à Perrette, ouvr. cité.

41 A.N., MCNP, Et. LXXVIII 631, 15 décembre 1727, Anne Thérèse habite en la maison des Dames de la Croix paroisse Saint-Paul, lorsque son frère lui constitue 3 000 livres de rente au principal de 60 000 livres pour sa part du prix de la charge de procureur de la ville.

42 Michel Antoine, Le Gouvernement et l’administration sous Louis XV. Dictionnaire biographique, Paris, Éd. du CNRS, 1978, pp. 142-143.

43 Sur l’application en histoire de cette thématique anthropologique classique, Robert Descimon, « Don de transmission, indisponibilité et constitution des lignages au sein de la bourgeoisie parisienne au XVIIe siècle », dans Hypothèses 2006. Travaux de l’École doctorale d’Histoire, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, pp. 413-422. C’est à Marcel Mauss que l’on doit l’idée essentielle que le don implique une identification du donateur et de l’objet et, par là, du donateur et du donataire (« Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », dans Sociologie et anthropologie, Paris, PUF-édition Quadrige, 1983 (1923-1924), pp. 216-224) ; Annette Weiner, Inalienable Possessions : the Paradox of Keeping-While-Giving, Berkeley, University of California Press, 1992 ; Maurice Godelier, L’Énigme du don, Paris, Fayard, 1996.

44 Françoise Autrand, « “Tous parens, amis et affins” : le groupe familial dans le milieu de robe parisien au XVe siècle », dans Philippe Contamine, Thierry Dutour et Bernard Schnerb (dir.), Commerce, finance et société (XIe-XVIe siècles), Paris, Pr. de l’univ. de Paris-Sorbonne, 1993, pp. 347-357 ; Danielle Courtemanche, Les Testaments parisiens des gens du roi au début du XVe siècle, Paris, L’Harmattan, 1997.

45 Robert Descimon, « Conclusion. Nobles de lignage et noblesse de service. Sociogenèse comparée de l’épée et de la robe (XVe-XVIIIe siècle) », dans Robert Descimon et Élie Haddad (éd.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVI e -XVIIIe siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2010, pp. 277-302 ; L’article fondateur de Sarah Hanley, « Engendering the State : Family, Formation and State Building in Early Modern France », dans French Historical Studies, 16/1, 1989, pp. 4-27 ; Roland Mousnier, Les Hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, Paris, PUF, 1969, p. 106 : « Il faut entendre par société liturgique une société organisée par le propriétaire de l’État pour son service qui est le service de l’État. »

46 A.N., MCNP, Et. CXII 556, 11 mai 1751. Alfred Franklin, ouvr. cité, vol. 3, entre les p. 184 et 185, plan de l’installation de l’ancienne bibliothèque de ville dans l’hôtel de Lamoignon au premier étage et partie du second étage. Renouvellement du bail par le chancelier Lamoignon, publié par Franklin, pp. 212-213, d’après une grosse conservée aux archives de la Seine, avec les plans qui ne figurent pas dans la minute, A.N., MCNP, Et. CXII 574 bis, 5 et 6 mars 1760, quand le chancelier passe ce nouveau bail, toujours moyennant 6 000 livres par an, en faveur du prévôt des marchands comme légataire de Moriau (dont le bail arrivait à échéance le 1er juillet 1760).

47 A.N., MCNP, Et. XLV 506, 18 juin 1759, inventaire après décès d’Antoine Moriau, titre 39 (Jourdain, notaire, 2 octobre 1755). Cet inventaire mentionne les mémoires d’artisans pour les réparations. Le chancelier prenait pour sa part ses précautions (état des lieux, qui est un gros cahier, du 28 mars 1754, au titre 38 de l’inventaire). La location de l’hôtel de Lamoignon constituait un premier pas dans une fondation qui tenait de l’aventure.

48 A.N., MCNP, Et. XLV 506, 21 mai 1759, pages troisième et quatrième, selon la pagination inscrite par Moriau lui-même.

49 Monique Cottret, Jansénisme et Lumières. Pour un autre XVIIIe siècle, Paris, A. Michel, 1998.

50 Michel de Certeau, « Politique et mystique. René d’Argenson (1596-1651) », dans Le Lieu de l’autre, histoire religieuse et mystique, Paris, Gallimard-Le Seuil, 2005 (1re éd., 1963), pp. 265-299.