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Les « pages de titre » des manuscrits coraniques

François DÉROCHE

La pratique de l’écriture était sans doute relativement répandue dans l’Arabie à la veille de l’islam, mais bien que l’apparition de l’alphabet arabe soit antérieure à la prédication de Mahomet, il ne semble pas qu’une tradition manuscrite arabe ait alors existé : les témoignages dont nous disposons laissent en effet penser que les usages de l’écrit restaient confinés à des emplois de type privé ou documentaire1. Tant le judaïsme que le christianisme qui étaient alors largement diffusés dans l’ensemble de la péninsule arabique ne paraissent pas avoir suscité, au cours de leur propagation, l’apparition sous forme de livres de textes en langue et écriture arabe. Ce n’est très vraisemblablement qu’avec le Coran – et pour lui – que s’est formée, au cours de la première moitié du VIIe siècle, une tradition manuscrite spécifique.

Le Coran est le premier texte en arabe de quelque ampleur à avoir été mis par écrit. La recension que nous connaissons et qui a été constituée dans les décennies qui ont suivi la mort de Muhammad en 632 a fait de lui le premier livre manuscrit dans cet alphabet, une situation qui perdura sans doute jusqu’au début du VIIIe siècle, lorsque la littérature arabe commença à se constituer. Tant avant l’apparition de l’islam qu’au cours de son expansion initiale, les contacts avec les traditions manuscrites de la région ne manquèrent pas et influencèrent celle qui se constitua dans la première moitié du VIIe siècle : l’adoption du codex et de la disposition du texte en lignes longues, ou encore l’adaptation à l’arabe de la scriptio continua en sont l’illustration. Le témoignage de sources anciennes montre d’ailleurs que des chrétiens ont travaillé comme copistes au service de commanditaires musulmans2. Ces données ne permettent toutefois pas de résoudre entièrement la question de la datation des manuscrits les plus anciens : aucune copie portant une mention de date antérieure au IXe siècle n’a encore été signalée3 et, avant ce moment, la chronologie repose sur les résultats de la paléographie, de l’histoire de l’art et de la codicologie4. Une part d’imprécision subsiste donc dans la chronologie.

La documentation dont nous disposons aujourd’hui pour étudier la tradition manuscrite arabe à l’époque ancienne (VIIe-IXe siècles) est essentiellement constituée de copies du Coran, ce qui reflète sans doute dans une large mesure la situation de l’époque. Le besoin d’indiquer le titre d’un volume qui était initialement le seul que possédaient les communautés de fidèles de la nouvelle religion ne se fit donc pas immédiatement sentir. Le seul témoignage concret dont nous disposions actuellement sur la façon dont se présentait initialement le premier recto d’un manuscrit coranique semble confirmer cet état de choses : il s’agit du fragment Sanaa, DaM 01-25.1 qui remonte sans doute à la seconde moitié du VIIe siècle et qui est demeuré blanc.

Les copies du Coran attribuables à la période omeyyade (660-749), tout en intégrant l’enluminure à leur début, se conforment apparemment à cet usage ; à ce jour, nous ne connaissons pas d’exemple incontestable de premier recto, mais les informations dont nous disposons laissent penser qu’il n’existait pas alors de page initiale comportant une indication de titre ou un substitut de ce dernier. Un somptueux exemplaire découvert à Sanaa et débutant par une séquence de deux enluminures initiales (f. 1 et f. 1 v°-2) semble confirmer cela : le premier décor, sur ce qui est aujourd’hui le f. 1 et que Hans Caspar von Bothmer appelait Titelblatt ou Titelseite5, se présente comme une étoile à huit branches dans laquelle est inscrit un cercle orné d’entrelacs formant le contour d’une autre étoile à huit branches, l’ensemble étant dépourvu de tout texte. La disparition du feuillet qui faisait face ne permet pas de savoir si ce décor avait à l’origine son pendant, ou si la notion de double page n’avait pas encore l’importance qu’elle devait tenir ultérieurement dans la tradition du livre manuscrit arabe ; on observera que, sur la double page suivante, l’enluminure n’est pas symétrique. La recherche de solutions visant à donner plus de solennité au début du texte dans les copies soignées a donc conduit à l’abandon de l’austérité initiale de la page blanche – comme celle signalée plus haut – et à l’introduction d’éléments décoratifs. Il n’est pas exclu que le modèle des manuscrits byzantins ait été repris, en en retirant ce qui n’était pas acceptable d’un point de vue musulman6. Un autre manuscrit de la même période – encore inédit – présentait un agencement similaire, avec un motif circulaire malheureusement mutilé sur le recto du premier feuillet ; comme dans l’exemple précédent, nous ignorons s’il appartenait ou non à une composition sur une double page.

L’introduction d’éléments enluminés dans le manuscrit coranique, et notamment en son début, doit être replacée dans le contexte plus vaste d’une évolution visant à donner au codex coranique, en arabe mus.h. af, une identité visuelle forte7. On observe notamment que l’écriture employée initialement et dont le caractère utilitaire, proche de la pratique documentaire, était manifeste, est remplacée par des graphies plus élaborées et où la marque personnelle du copiste s’efface presque complètement. La notion d’écriture coranique, propre au mus.h. af et distincte de celles utilisées pour d’autres textes ou pour des documents, se met ainsi en place8. Un ustensile au bec plus large est adopté pour réaliser des caractères de taille plus imposante. A partir d’une date qui nous échappe, un type spécifique de reliure est introduit : reposant sur l’emploi d’ais de bois, il se présente en position fermée comme un coffret, les tranches du livre étant dissimulées par des parois en cuir fixées au plat inférieur9. Un fermoir permet de tenir l’ensemble bien clos. A un moment qui reste difficile à préciser, probablement dans le courant de la première moitié du VIIIe siècle, le codex coranique abandonne enfin le format vertical qui avait été le sien jusqu’alors pour celui, oblong, qui va le caractériser durant plus de deux siècles. De la sorte, il achève de se distinguer extérieurement des autres manuscrits contemporains, tant ceux en arabe qui commencent à se multiplier, que ceux qui relèvent d’autres traditions manuscrites. Aussi la nécessité de signifier en début de volume quel en était le contenu ne s’imposait-elle pas : les très rares exemples de frontispices que nous connaissons sont en tout cas totalement anépigraphes, l’apparence physique du volume étant sans doute suffisante pour que les utilisateurs potentiels l’identifient d’emblée10.

La signification associée à ces enluminures nous échappe largement – nous ignorons en particulier si une symbolique particulière leur était attachée. Il s’agissait naturellement de manifester le caractère exceptionnel de ces copies du texte révélé, et d’assurer à ce dernier une forme d’introduction. Une évolution importante qui prit place, semble-t-il, au IXe siècle nous permet toutefois de saisir ce que les contemporains reconnaissaient dans les mus.h. afs : leurs frontispices commencèrent en effet à inclure de courts textes dont l’analyse offre la possibilité de mieux cerner les représentations que s’en faisaient commanditaires et lecteurs. A la même époque, nous constatons l’existence d’une page de titre sur certains manuscrits non-coraniques, sans qu’il nous soit possible de savoir si son apparition était récente ou non (fig. 1) : l’usage adopté pour les premiers corans de commencer le texte au verso du premier feuillet était repris par les copistes de ces ouvrages, mais ils indiquaient sur le recto de ce même feuillet le titre de l’œuvre et le nom de l’auteur, ce dernier introduit par la préposition li (« à, de… »). Il n’est pas à exclure que cette situation ait dans une certaine mesure influencé la pratique dans le domaine des copies du Coran.

En raison du caractère encore très limité des études consacrées à la tradition manuscrite arabe des IXe et Xe siècles, les rares frontispices épigraphes de cette période demeurent encore inédits ; le recensement qui suit a donc un caractère provisoire et concerne principalement des copies du Coran en plusieurs volumes qui sont à l’état de fragments, ce qui explique que, souvent, seule une moitié du frontispice a survécu. Dans notre premier exemple (Istanbul, TIEM, ŞE 1683)11, il s’agit de la page de droite ; on y trouve la légende : li-Llāh al-amr, « A Allah appartient le sort », réservée sur un fonds de treillis garnissant un losange qui occupe l’essentiel du champ. Le manuscrit lui-même a été copié dans une écriture datant probablement de la fin du IXe siècle. Légèrement postérieure, une autre enluminure – dont les deux pages sont conservées (Istanbul, TIEM, ŞE 12906)12 – contient le texte complet de la profession de foi musulmane, la shahāda : « Il n’y a de divinité qu’Allah, Muhammad est l’envoyé d’Allah ». Toujours du début du Xe siècle, deux exemplaires suggèrent que les légendes analogues à celle du premier fragment jouissaient d’une relative faveur. On peut lire sur l’un (Istanbul, TIEM, ŞE 18)13 : al-mulk li-Llāh, « Le pouvoir appartient à Allah», et sur l’autre (Kairouan, Musée des arts islamiques, R 166)14 : al-h.amdu li-Llāh, « Louange à Allah ». Ces brèves légendes ainsi que la shahāda reprennent des formulations qui figurent dans le Coran ou s’en inspirent en faisant le choix de mettre en avant le nom divin.

Cette tradition s’est maintenue au moins jusqu’au XIe siècle, à l’occasion associée avec des décomptes enluminés des éléments constitutifs du Coran sur lesquels nous reviendrons. Un exemplaire réalisé à Bagdad en 1036 (Londres, BL, Add. 7214)15 n’a conservé que la seconde moitié d’une telle liste (f. 1), mais les deux frontispices qui suivent (f. 1 v°-2 et 2 v°-3) intègrent quelques courtes formules, le premier al-mulk li-Llāh déjà rencontrée mais disposée ici dans le pourtour de la vignette médiane, le second li-Llāh – ainsi d’ailleurs que la signature de l’enlumineur !16 Dans un manuscrit légèrement antérieur, achevé en 1021 (peut-être aussi à Bagdad si nous acceptons de reconnaître dans la nisba du copiste une indication de lieu de copie) (Istanbul, TKS, HS 89)17, seule une moitié des deux frontispices avec lesquels débutait le volume a survécu : la première (f. 2 v°) est le début d’un décompte ; la deuxième (f. 3) offre une situation inédite avec, dans le cadre, certains des Beaux Noms de Dieu18 et, dans le champ, la fin de Coran 3 : 18 et le début de 19. Retenons pour le moment uniquement le premier composant : il place Allah au premier plan et coïncide donc avec les exemples des IXe et Xe siècles. Le frontispice des f. 2 v°-3 du manuscrit de Londres intrigue : il paraît peu vraisemblable que l’enlumineur ait voulu reprendre, pour l’appliquer au texte coranique, la façon d’introduire le nom de l’auteur que nous avons signalée plus haut (kitāb kadhā li-Fulān, « Le livre Tel, d’Untel »), bien que le Coran soit kalām Allāh, « la Parole d’Allah »19.

Par sa structure spécifique en forme de coffret, la reliure coranique, nous l’avons vu, contribuait à manifester visuellement la nature du texte qu’elle protégeait. Cette fonction a été dans quelques cas comme renforcée par l’estampage en guise de décor sur les deux plats – la lecture débutant sur le plat supérieur et se poursuivant sur l’autre – de brèves formules comme la basmala ou encore mā sha’ Allāh20. A ce jour, les seuls exemples que nous connaissons proviennent de Kairouan et ont été publiés par Georges Marçais et Louis Poinssot : la question de leur lien avec une tradition régionale reste donc posée. Dans un esprit légèrement différent, la reliure d’un volume conservé à Dublin, Chester Beatty Library 143421, est ornée par la répétition d’un fer gravé avec le texte de la sourate 112, al-Ikhlās. : « Dis : Il est Allah, unique, Allah le Seul. Il n’a pas engendré et n’a pas été engendré. N’est égal à lui personne22. » La copie de ce coran a été achevée en 972, vraisemblablement en Iran ; la reliure a fait l’objet de restaurations, mais pourrait être contemporaine23. La dimension du fer utilisé pour estamper ce décor, d’un diamètre de 8 mm environ, rend problématique la lisibilité de cette citation coranique24. Il convient néanmoins de souligner que, dans tous les cas, le texte figurant sur la reliure coïncide avec ceux que nous avons rencontrés associés au frontispice en mettant l’accent sur Allah, auquel le Livre est ainsi étroitement associé ; le caractère divin de ce dernier s’en trouve clairement souligné. Cette façon de faire correspondait peut-être à un besoin d’ordre apologétique : l’idée qu’Allah s’adresse à l’humanité, que le mus.h. af est donc le réceptacle de cette parole divine, constitue un élément essentiel de la prédication coranique. Confrontée aux autres communautés religieuses, la jeune communauté musulmane a dû mettre une insistance particulière sur ce point – ce qui pouvait également avoir une fonction interne.

Le besoin de disposer d’une désignation plus directement en phase avec le contenu du livre pourrait expliquer le développement, dans un deuxième temps, d’une autre stratégie, consistant à indiquer en tête de volume le décompte des éléments constitutifs du Coran – sourates, versets, mots et lettres. L’allusion est alors directe : cette information paraît en effet très étroitement liée au contenu du manuscrit, notamment lorsque sont signalés en premier lieu des sourates ou des versets, deux mots qui renvoient exclusivement à des composantes du Coran. En dépit de son apparence technique et du fait qu’elle semble compléter les indications relatives au nombre des versets qui figurent dans les titres des sourates, elle n’a jamais constitué une donnée indispensable au mus.h. af, puisque de nombreuses copies enluminées n’en possèdent pas et que les exemplaires de facture plus modeste et dépourvus de décor n’incluent pas de liste de ce genre. Celles-ci n’apparaissent que sous forme d’enluminure, soit qu’il s’agisse d’un frontispice à l’intérieur duquel figure le décompte, soit que la liste soit écrite en caractères dorés. L’exemple le plus ancien, qui relève du second type de présentation, figure sur le manuscrit Istanbul, TKS EH 29, premier tome d’une série de quatorze, qui peut sur la base de la paléographie être daté de la seconde moitié du IXe siècle25 ; ce texte, aux f. 1 v°-2, est suivi d’un frontispice anépigraphe (f. 2 v°-3). Au siècle suivant, plusieurs exemples sont connus : on peut ainsi relever les manuscrits Dublin CBL 143426, achevé en 972, probablement en Iran, et Istanbul, TIEM, 453, copié à Ispahan en 99327 ; dans l’un et l’autre cas, le décompte est disposé dans un frontispice. Différents manuscrits du XIe siècle attestent la persistance de cette pratique, mais l’associent parfois à des éléments qui correspondent à d’autres façons de désigner le contenu du volume. On peut ainsi mentionner le frontispice des f. 6v°-7 du fameux ms. Dublin, CBL, 1431, réalisé en 1000-1001 à Bagdad28 ; il est suivi, aux f. 7v°-8, par un deuxième frontispice avec l’indication de la lecture (qirā’a) suivie dans le manuscrit. Dans deux corans, il semble que seule une moitié d’un frontispice initial contenant le détail de cette information a été conservée : il s’agit du f. 2v° du ms. Istanbul, TKS, HS 8929 et du f. 1 du ms. Londres, BL, Add. 721430, achevé en 1036 à Bagdad ; dans ce dernier cas, les éléments encore déchiffrables du texte laissent penser qu’il s’agissait d’un décompte des éléments constitutifs du Coran. Il convient de souligner à nouveau que, dans le cas de copies comportant une séquence de deux ou même plusieurs frontispices, celui qui contient ces données est placé en tête. Ajoutons que cette pratique semble avoir persisté quelque temps encore comme le montrent le ms. Istanbul, TKS, EH 4331, de 1070 (f. 1 v°-2), ou même plus tardivement, au XIIe siècle, le ms. Philadelphie, UMP, NEP 2732, de 1164.

Ces exemples très significatifs ne représentent toutefois, il faut le souligner, qu’une très faible proportion des décors figurant en tête de volume et qui restent majoritairement des frontispices anépigraphes – ces derniers ne formant à leur tour qu’un pourcentage relativement faible de l’ensemble des manuscrits coraniques de l’époque qui ont été conservés. Ils sont particulièrement précieux dans la mesure où ils nous fournissent une clé pour comprendre ce que les musulmans de cette période reconnaissaient dans le mus.h. af et le rôle qu’ils attribuaient à ces introductions muettes que constituent les enluminures. La majorité de ces dernières, poursuivant la tradition mise en place vers la fin du VIIe siècle, reste dépourvue de tout texte, mais aussi de tout élément directement interprétable : leur répertoire fait essentiellement appel à la géométrie, et secondairement à des formes végétales recomposées. Dans des copies soignées, on pouvait rencontrer plusieurs frontispices, certains comportant un texte et d’autres non : c’est ainsi que le coran CBL 143133, de 1000-1001, dont il a déjà été question, commence par un frontispice contenant un décompte des versets (f. 6v°-7), suivi d’un deuxième où est précisée la lecture suivie (f. 7v°-8), puis d’un troisième, anépigraphe (f. 8v°-9).

Un manuscrit coranique copié à Palerme en 982-983 occupe au sein de notre corpus une place à part34. Il est vrai que le texte figurant sur la double page initiale est comparativement long. Au f. 1 v° (fig. 2), il forme l’encadrement du champ de l’enluminure et incorpore des éléments très divers, débutant par le colophon proprement dit, suivi d’une formule pieuse en faveur du copiste et des musulmans, puis d’une eulogie pour le Prophète, et s’achevant, dans la vignette placée dans la marge de gouttière, par une citation coranique (Coran 56: 77-80):

Voici un Qur’ān bienfaisant, [contenu] dans un écrit caché que seuls touchent les purifiés. [C’est] une révélation du Seigneur des Mondes.

Au f. 2, le texte est cantonné dans la vignette symétrique à la précédente : il consiste en une shahāda suivie d’une déclaration anti-mu’tazilite sur le caractère incréé du Coran35 :

Il n’y a d’autre divinité qu’Allah ; Muhammad est l’envoyé d’Allah ; le Qur’ān36 est la Parole incréée d’Allah.

Pour la première fois, car les brèves légendes relevées jusqu’à présent ne sont pas à proprement parler des citations, un manuscrit coranique s’ouvre sur un frontispice qui inclut des versets où figurent les mots Qur’ān – « récitation, prédication ; texte (sacré) destiné à être récité », mot arabe à l’origine de notre Coran – ainsi que tanzīl (« révélation »). Qu’ils soient placés en face de la profession de foi accompagnée d’une affirmation anti-mu’tazilite n’est sans doute pas un hasard. Certes, la shahāda a été antérieurement rencontrée et sa présence pourrait laisser penser que ce frontispice relève de cette insistance mise sur Allah que nous avons proposé de reconnaître comme la caractéristique de la phase ancienne. Mais en 982-983, le nom du Coran est mis en avant, couplé à l’affirmation de son caractère incréé. Il se pourrait que le Xe siècle ait vu s’opérer un changement de perception lorsque ceux qui s’étaient opposés aux opinions mu’tazilites voient leur point de vue prendre le dessus. C’est de cette période que date une nouvelle façon de faire qui allait devenir l’usage dans la tradition manuscrite du Coran.

Le coran de Palerme, qui est le plus ancien exemple daté de ce substitut de titre, exploite une particularité du texte coranique qui, en plusieurs points, fait référence à lui-même en utilisant différents termes : qur’ān bien sûr, mais aussi kitāb ou encore dhikr, etc.37. Alors que des pages de titre, avec les indications fondamentales – titre et nom d’auteur – sont attestées dès le IXe siècle sur des manuscrits arabes, la situation spécifique du Coran ne pouvait manquer de susciter une réflexion dans différents cercles. Faire pour le texte de la révélation comme pour les autres productions de la littérature arabe naissante était sans nul doute exclu comme innovation condamnable, puisque cela ne s’était pas fait auparavant38. D’un autre côté, au Xe siècle, s’amorçait une nouvelle transformation du mus.h. af : tandis que, progressivement, des écritures coraniques plus proches de la pratique courante s’imposaient pour la transcription du texte, le retour au format vertical et l’utilisation de reliures similaires à celles des autres manuscrits lui retiraient l’identité visuelle forte qui avait été la sienne et le rapprochaient de l’apparence des autres livres. Il est hautement probable que cette nouvelle situation a suscité des solutions visant à la fois à manifester la nature de ces manuscrits et à mettre en lumière tel ou tel aspect. Le procédé allusif faisant référence aux éléments constitutifs du texte qui est attesté dès la seconde moitié du IXe siècle a pu servir d’initiateur à la démarche qui allait aboutir à l’usage des citations coraniques à une date qui ne devrait pas être considérablement plus ancienne que celle du coran de Palerme. Pendant quelque temps, comme on le verra par exemple avec TKS HS 89, l’ancienne façon de faire a de son côté coexisté avec la nouvelle si bien qu’on rencontre parfois une citation figurant à côté d’une formule qui loue Allah ou encore d’un décompte des éléments constitutifs du Coran.

Il semble que, dans un premier temps, plusieurs passages contenant une référence au Coran aient été retenus pour figurer dans les frontispices de manuscrits coraniques. Il n’est pas exclu que, dans certains cas, d’autres considérations aient également pesé dans le choix de telle ou telle citation. On peut ainsi relever le cas du manuscrit Istanbul, TKS, EH 3439. En tête de cette copie, datable du Xe siècle, subsiste la moitié d’un frontispice au centre duquel est écrit en réserve la fin de Coran 61 : 13 ; à l’origine, le texte complet devait être : « [Secours d’Allah et succès] prochain ! Annonce la bonne nouvelle aux croyants ! » L’impératif bashshir (« Annonce la bonne nouvelle ») peut être compris comme une référence à la prédication du Coran, et la citation coïnciderait ainsi avec l’usage que nous avons dégagé d’une désignation allusive. Cette dernière est toutefois en l’espèce beaucoup moins claire que dans les exemples précédents, le verbe n’ayant pas de manière systématique un sens positif, puisqu’il se rapporte parfois au châtiment infernal – bien qu’ici le contexte ne soit pas ambigu40 ; le participe présent mubashshir, dérivé de la même racine, désigne en revanche des prophètes et est employé à plusieurs reprises à propos de Muhammad41. Le choix de ce passage spécifique, qui n’est pas attesté à notre connaissance sur d’autres manuscrits coraniques, pourrait toutefois s’expliquer par le premier élément (« Secours d’Allah et succès prochain ») : ce dernier a été notamment utilisé pour son caractère propitiatoire par la dynastie fatimide qui régna sur l’Égypte de 969 à 1171, et figurait tant sur ses inscriptions42 que sur ses étendards43. Cette copie pourrait donc avoir été produite dans un milieu dont nous faisons l’hypothèse qu’il était fatimide et qu’il a joué sur la possibilité d’exploiter l’allusion, quoique imprécise, contenue dans l’impératif pour servir de titre selon l’usage qui se mettait en place à cette époque, tout en conservant la première partie avec sa devise aisément identifiable. Dans un coran en écriture maghribī daté de 1287 (Rabat, BGA, J 39, p. 4-5) et qui débute par une double page où figure un frontispice (fig. 3), c’est la devise qui passe cette fois au premier plan ; la partie centrale de l’enluminure est occupée par un cercle où est répété wa-lā ghālib illā Allāh, une formule qui fut la ‘alāma de la dynastie nasride de Grenade (1237-1492), inlassablement reprise sur les murs de l’Alhambra, et qui pourrait indiquer dans ce cas encore la provenance géographique de la copie, voire le rang royal du commanditaire.

Comme nous le signalions, le recours aux citations n’est pas restreint aux seules copies où se manifeste le souci de mettre en avant le nom du Coran ou un synonyme de ce dernier ; il arrive que l’option antérieure, où la nature divine du livre était mise en exergue par de brèves formules, ait également puisé dans le texte révélé pour y prendre un passage véhiculant ce message. La moitié gauche du deuxième frontispice du manuscrit Istanbul, TKS, HS 89 (f. 3), achevé en 102144, en est un bon exemple. Dans le cadre de l’enluminure figurent certains des Beaux Noms de Dieu, et dans son champ la fin de Coran 3: 18 et le début de 19 ont été écrits en caractères dorés à l’intérieur de huit petits cercles disposés en quatre rangées de deux ; si l’on admet que la moitié manquante du décor contenait le début du verset 18, on lisait donc la citation coranique suivante, dont un élément avait été omis par l’enlumineur :

[Allah atteste ainsi que les anges et les possesseurs] de science <qu’il n’est de divinité que Lui>, se dressant avec l’équité, nulle divinité que Lui, le puissant, le sage. La religion, aux yeux d’Allah, est l’islam.

Il n’est donc pas question du Coran ou de la Révélation, mais la thématique rejoint tout à fait celle que nous avons observée initialement, une partie du verset 18 contenant une portion de la shahāda. Un autre manuscrit, Londres, KCIA, QUR57345, réalisé en 1269 peut-être en Iran oriental ou en Inde du Nord, relève d’une situation analogue. La citation du frontispice – « Mon assistance n’est qu’en Allah. Sur Lui je m’appuie et vers Lui je reviens repentant » (Coran 11 : 88 ; f. 1 v°-2) – y est suivie des légendes : al-qudra li-Llāh, « Le pouvoir appartient à Allah », et al-’az.ma li-Llāh, « La puissance appartient à Allah » (f. 2 v°-3), qui rappellent celles que nous avons rencontrées précédemment. L’ensemble tend clairement à mettre l’accent sur Allah.

C’est une position « intermédiaire » que pourrait refléter le coran Istanbul, TKS, EH 4246, de 1177 ; en faisant encore une fois l’hypothèse que la nisba du copiste renvoie à la région où le manuscrit a été transcrit, celui-ci proviendrait d’Iran oriental47. Il s’ouvre par une série de trois enluminures, une shamsa (f. 1) qui semble n’avoir pas eu de symétrique, suivie de deux frontispices épigraphes. Sur le premier (f. 1 v°-2), la citation est Coran 59 : 21-22 :

Si Nous avions fait descendre ce Qur’ān sur une montagne, tu aurais vu celle-ci, humble, voler en éclats du fait de la crainte d’Allah. Ces paraboles, Nous les proposons aux hommes, [en espérant que] peut-être ils réfléchiront. Il est Allah – nulle divinité excepté Lui-, qui connaît l’inconnaissable et le témoignage. Il est le bienfaiteur miséricordieux.

Le verset 21 s’inscrit parfaitement dans le groupe des substituts de titre et rejoint le passage Coran 17 : 88 dans l’expression du caractère miraculeux du Coran ; la suite en revanche, avec l’affirmation du caractère unique d’Allah, semble plus en accord avec la citation sur laquelle s’ouvre le manuscrit de 1021. EH 42 comporte néanmoins un deuxième frontispice (f. 2 v°-3) qui utilise cette fois le très populaire passage de Coran 56 : 79-80.

Ce dernier a en effet connu un très large succès par rapport à d’autres citations coraniques contenant le mot Qur’ān ou un de ses synonymes, au point de s’imposer peu à peu comme substitut de titre dans les exemplaires enluminés. Coran 56 : 77-80 est employé soit dans son intégralité : « Voici un Qur’ān bienfaisant, [contenu] dans un Écrit caché que seuls touchent les purifiés. [C’est] une révélation du Seigneur des Mondes », soit réduit au seul verset 79 : « seuls le touchent les purifiés. » Les quatre brefs versets de taille équivalente s’adaptent particulièrement bien à la structure des frontispices ou des cadres d’incipit des manuscrits coraniques, qui comportent souvent quatre bandeaux utilisables à cette fin48. Le verset 79, plus allusif mais sans ambiguïté, a trouvé sa place sur les reliures : elles sont nombreuses, surtout dans le monde ottoman, à comporter un cartouche placé sur le rabat où l’emploi de plaques a permis d’estamper ce texte qui peut être compris comme une invitation faite au fidèle d’être rituellement purifié avant d’entrer en contact avec le volume. Ce point a fait très tôt l’objet d’une réflexion de la part des savants musulmans, qui estimaient qu’il fallait être en état de pureté rituelle non seulement pour copier le texte, mais aussi pour manipuler le livre ; certaines autorités admettaient toutefois qu’il était possible de le porter à condition qu’il soit placé dans un sac. De la même façon, il était déconseillé de mettre le volume sur le sol ; il fallait le poser sur un textile ou un coussin49.

Les exemples de l’utilisation de cette citation couvrent un vaste espace et s’étendent sur une longue durée : depuis le coran de Palerme jusqu’à des copies persanes du XVIe siècle, tel le manuscrit Londres, KCIA, QUR72950, copié à Shiraz ou à Qazvin en 1552 (fig. 4), les exemples abondent. Les dispositions varient sensiblement : le texte sera placé sur le f. 1 (Paris, BNF, Arabe 6041, réalisé à Bust en 1111-1112, f. 1)51, dans les quatre bandeaux d’un frontispice (Londres, KCIA, QUR70452, Irak ou Iran, 1236-1237 ; ou Arabe 42753, fin XVe, Iran) ou d’un cadre d’incipit (Paris, BNF, Arabe 584154, Le Caire, entre 1382 et 1399 ; ou Arabe 584855, Le Caire, entre 1399 et 1412), ou encore dans les bandeaux inférieurs d’un cadre d’incipit (outre la copie QUR729 déjà citée, on trouve un autre exemple dans la même collection : QUR23156). En Turquie ottomane, son emploi est attesté dans la deuxième moitié du XVe siècle. Deux exemplaires conservés à Londres, KCIA, QUR3457 et QUR12358, présentent des frontispices épigraphes dont les bandeaux sont occupés par les quatre versets. De cette rapide cartographie des utilisations de cette citation ressort l’absence de l’Occident musulman – où, de manière générale, les enluminures initiales comportant une épigraphe semblent être une exception.

D’autres citations paraissent en revanche liées à une région et à une période données. Plusieurs copies exécutées en Égypte à l’époque mamelouke ont ainsi eu recours pour la même fonction à Coran 26 : 192-195,

Et il est certes une révélation du Seigneur des Mondes descendue [du ciel] par l’Esprit fidèle, sur ton cœur, pour que tu sois parmi les Avertisseurs. [C’est une révélation] en langue arabe pure.

Ces versets présentent, comme ceux dont il a été précédemment question, l’avantage d’être brefs et au nombre de quatre. Ils sont donc aisément intégrés par les enlumineurs dans les quatre bandeaux d’un frontispice ainsi qu’on peut le vérifier avec les manuscrits Dublin, CBL, 146559, achevé au Caire vers 1332, Londres, KCIA, QUR58060 (vers 1330-1350) et QUR47061 (entre 1350 et 1450 ; fig. 5), ou encore QUR24162, réalisé en Égypte en 1440 et où la citation apparaît dans le frontispice des f. 1 v°-2. Il convient de souligner que, dans les deux derniers exemples, le texte apparaît soit sur le même feuillet que Coran 56 : 77-80 (QUR 470), soit après le feuillet où figure cette citation (QUR241, au f. 1 où elle est associée à 83 : 25-26).

Dans des manuscrits du Coran exécutés en Iran au XVIe siècle ou adoptant la même séquence initiale de décors, la première double page est souvent occupée par deux médaillons symétriques en étoile où figure le texte de Coran 17 : 88 :

Dis : Certes, si les humains et les djinns s’unissaient pour produire une [Révélation] pareille à ce Qur’ān, ils ne sauraient produire [rien de pareil], fussent-ils les uns pour les autres des auxiliaires.

Parmi les nombreux exemples connus, nous signalerons le manuscrit Dublin, CBL, 154663, copié en Iran en 1497-1498, où Coran 17 : 80 précède cette citation ; elle apparaît encore sur un autre coran légèrement postérieur de la même collection, CBL 1525 (fig. 6), ou sur celui de Londres, KCIA, QUR42264, réalisé à Shiraz en 1564-1565. Ce verset est du nombre de ceux que la tradition musulmane invoque à l’appui de la notion d’inimitabilité du Coran.

D’autres versets ont été semblablement utilisés en tête de mus.h. afs, mais leur diffusion paraît réduite – dans l’état actuel de notre documentation ; il arrive d’ailleurs qu’ils soient associés à d’autres, plus communs dans cette fonction de substitut de titre. Relevons tout d’abord ceux où figure le mot Qur’ān et qui remplissent leur rôle de la manière la plus évidente. Dans un manuscrit copié en 1289, vraisemblablement à Bagdad, Paris, BNF, Arabe 671665, les citations apparaissent dans les bandeaux du cadre d’incipit, lequel fait suite à un frontispice anépigraphe. Ce sont en fait trois passages différents qui ont été repris, Coran 85 : 21-22 (légèrement modifié) : « C’est un Qur’ān sublime sur une tablette conservée », puis 68 : 52 : « C’est uniquement une édification pour le monde » et enfin 56 : 79 que nous avons déjà rencontré. Un passage de la sourate 17 a été employé dans une copie exécutée à Shiraz, vers 1525-1550 : « Ce Qur’ān conduit vers [la prédication] qui est le [chemin] très droit » (Coran 17 : 9 ; Londres, KCIA, QUR6066). Ce n’est plus Qur’ān, mais Kitāb (« Livre, Écriture ») qui apparaît dans un verset qui figure sur un demi frontispice d’une copie probablement exécutée au cours du Xe siècle (Kairouan, MAI, R 54b) ; il s’agit de Coran 41 : 41-42 (le début du verset 41 figurait sur la moitié disparue) où on rencontre en outre le mot tanzīl :

En vérité, elle est certes une Écriture précieuse. Le faux ne s’y glisse par aucun côté. [C’est] une révélation émanant d’un [Seigneur] sage et digne de louanges.

Seul ce dernier membre de phrase a été retenu par l’enlumineur, Abū Bakr dit S.andal, pour prendre place au milieu du frontispice d’un exemplaire réalisé au Caire vers 1300-1310 (Dublin, CBL, 1479, f. 1 v°-2)67.

Les reliures épigraphiques relevant de la première option sont, comme nous l’avons vu, en nombre relativement réduit, en partie en raison de la disparition des spécimens les plus anciens, mais aussi du fait de la relative brièveté de la période au cours de laquelle cette présentation du texte coranique a été suivie. Celles qui font usage de citations dans lesquelles le texte fait référence à lui-même pour se substituer à un titre sont beaucoup plus largement répandues, mais en général plus tardives. Cela tient en partie à ce qu’un nombre relativement faible de reliures des XIe-XIIIe siècles a été conservé, mais c’est aussi la conséquence d’une évolution d’ordre purement technique. En effet, à partir de la fin du XVe siècle, la diffusion de l’emploi des plaques pour estamper les décors a simplifié et accéléré le travail de l’artisan : alors que l’utilisation des petits fers imposait un délai de fabrication plus long et comportait un risque d’erreur non négligeable, le fait de disposer d’une plaque gravée avec la citation coranique permettait au relieur d’intégrer cet élément au décor de manière mécanique une fois qu’il avait fait l’investissement initial. Cela explique également que le verset Coran 56 : 79 se soit très largement imposé – mais à une période ultérieure qui sort du cadre chronologique que nous avons retenu68. Il est également vrai que cette citation est particulièrement adaptée, si on veut bien la lire avec la nuance d’un avertissement, à sa position à l’extérieur du livre.

Dans un premier temps, les textes sont exécutés à la main dans un cartouche situé sur le rabat : il s’agit fréquemment du seul verset Coran 56 : 79, par exemple sur la reliure Chicago, OI, A1216969, mais le relieur a parfois estampé davantage, c’est-à-dire les versets 77 à 79 dans le cas du manuscrit Dublin, CBL, 1496, achevé en 149170. La souplesse d’exécution autorise un choix plus large, comme le montre un coran en trente volumes provenant du Maghreb et qui se signale par un programme épigraphique élaboré sur les reliures (Jérusalem, MHS, rab’ah 3)71 : on y lit Coran 14 : 52 :

Ceci est une communication pour les hommes, afin qu’ils soient avertis, afin qu’ils sachent qu’Il est une divinité unique, afin que s’amendent ceux qui sont doués d’esprit

et 2 : 181

Quiconque changera [ce testament] après l’avoir entendu [sera châtié]. Le péché de ce changement ne retombera que sur ceux qui changent [le testament]. Allah est audient et omniscient.

Comme pour les enluminures initiales, et peut-être avec encore plus de liberté, d’autres passages furent employés qui s’écartent de la fonction de substitut de titre. C’est ainsi le Verset du Trône (Coran 2 : 255) qui a été choisi par le relieur qui réalisa la grande reliure d’époque mamelouke Berlin, MIK, I.83872 ; un exemple contemporain, Londres, VAM, 1070B-1869, porte quant à lui une sélection de Beaux Noms. A ces deux exemples qui sont antérieurs à l’apparition des plaques, on peut ajouter ceux qui illustrent l’emploi de la nouvelle technique, notamment ceux qui intègrent un décor épigraphique plus développé reposant cette fois sur un h.adīth se rapportant au Coran. La citation occupe le pourtour de la reliure, ce qui impose une relative standardisation du format des manuscrits. Légèrement après la période que nous avons définie pour cette étude, au XVIe siècle, cette formule rencontre un certain succès, comme en témoignent les manuscrits Londres, KCIA, QUR625 et QUR63, tous deux provenant d’Iran, copiés l’un en 1571 et l’autre en 1564-1565 et protégés par une reliure réalisée avec la même plaque ; deux reliures identiques, Londres, VAM, 160-1900 et 1947-1981, appartiennent à ce même groupe. Si l’on excepte les multiples exemples de rabats où Coran 56 : 79 a été estampé, les épigraphes de reliures contemporaines des substituts de titre reposant sur l’emploi de citations coraniques présentent donc une image moins nette que celle qui se dégage de l’étude des enluminures.

Car c’est de manuscrits enluminés dont il aura été question dans cette étude des « pages de titre » des manuscrits coraniques, et plus précisément de ceux dont le décor initial est épigraphe. C’est un paradoxe de la civilisation islamique, si prompte à s’alarmer des innovations considérées a priori comme blâmables, que d’avoir permis l’introduction de ces décors, puis de ces textes alors que les uns et les autres étaient absents des mus.h. afs les plus anciens. Certes, ce changement n’a concerné qu’un nombre restreint de copies, mais il est particulièrement précieux pour l’historien puisqu’il permet de saisir au-delà de ce corpus restreint quelle représentation se faisaient du mus.h. af ceux qui le manipulaient, depuis l’enlumineur jusqu’au lecteur ; il est vraisemblable que des savants ont également été consultés sur les choix qu’il convenait de faire.

Bien qu’il soit actuellement impossible de trancher cette question, il est fortement vraisemblable que la question du titre des mus.h. afs se soit posée dans le cadre de la tradition manuscrite musulmane. La présence en tête des manuscrits non-coraniques d’une véritable page de titre, et ce dès le IXe siècle au moins, a sans doute suscité une réflexion sur la présentation des copies du Coran. Une imitation de la page de titre des premiers n’était pas envisageable ; le fait que le premier recto des exemplaires qui n’ont pas été enluminés soit resté blanc le montre amplement. Il est permis de penser que l’enluminure initiale, qui très tôt avait été admise, se prêtait à accueillir une épigraphe qu’il était facile d’intégrer au décor. Un titre au sens strict n’était pas admissible ; cela invitait à rester dans le domaine de l’allusion, ce qui rejoignait d’une certaine manière les méthodes déployées initialement pour donner au mus.h. af une identité visuelle forte.

L’insistance initiale mise sur l’émetteur du message coranique, Allah, s’est volontiers accompagnée de formules pieuses. Vers le Xe siècle, un changement d’approche conduit à l’adoption d’un nouveau procédé, la citation, qui s’appuie sur l’incontestable autorité du texte sacré pour nommer le livre, mais aussi pour mettre l’accent sur la révélation elle-même. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la majorité des passages choisis commence soit par une particule (inna) qui, en arabe, introduit une déclaration faite avec insistance (17 : 9 ; 26 : 192 ; 41 : 41 ; 56 : 77), soit par la forme prochaine du démonstratif (hadhā ; 14 : 52 ; 17 : 9). De même, Coran 17 : 88 conserve l’impératif initial (qul, « dis ! ») qui pourrait a priori paraître superflu dans l’emploi qui en est fait, mais dont la force énonciatrice convient bien à la fonction qui lui est attribuée. Le procédé allusif de la citation, par sa nature même, présentait l’avantage – ou l’inconvénient – d’exprimer davantage que ne l’aurait fait un titre au sens strict. Il n’est pas à exclure que l’exploitation de cette possibilité, dont nous pensons avoir trouvé des exemples dans le corpus employé, ait pu favoriser ponctuellement telle citation ou devise. Faut-il établir un lien entre la réorientation survenue au Xe siècle et le débat entre les mu’tazilites et leurs adversaires ? Elle pourrait dans une certaine mesure expliquer le transfert de l’auto-référence spécifique au texte coranique vers la « périphérie » de ce dernier pour nommer le contenu du mus.h. af.

Abréviations :

AQRAstān-i Quds Raẓāvī, Mashhad.
BGABibliothèque générale et archives, Rabat.
BLBritish Library, Londres.
BNFBibliothèque nationale de France, Paris.
CBLThe Chester Beatty Library, Dublin.
DaMDār al-Makhṭūṭāt, Sanaa.
FiMMODFichier des manuscrits moyen-orientaux datés.
KCIAThe N.D. Khalili collection of Islamic art, Londres.
MAIMusée des arts islamiques, Kairouan.
MHSMusée du H. aram al-Sharīf, Jérusalem
OIOriental Institute, Chicago.
TIEMTürk ve Islam eserleri müzesi, Istanbul.
TKSTopkapı Sarayı müzesi kütüphanesi, Istanbul.
UMPUniversity Museum in Philadelphia, Philadelphie.
VAMVictoria and Albert Museum, Londres.

Passages coraniques :

2 : 181

2 : 255

3 : 18-19

11 : 88

14 : 52

17 : 9

17 : 80

17 : 88

26 : 192-195

41 : 41-42

56 : 77-80

59 : 21-22

61 : 13

68 : 52

85 : 21-22

112 : 1-4

____________

1 Fritz Krenkow, « The Use of Writing for the Preservation of Ancient Arabic Poetry », dans ‘Ajab nāmeh. A volume of Oriental studies presented to Edward G. Browne (…) on his 60th birthday (7 February 1922), éd. Thomas W. Arnold, Reynold A. Nicholson, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1922, pp. 261-268 ; Gregor Schoeler, Écrire et transmettre dans les débuts de l’islam, Paris, PUF, 2002, pp. 18-29. Dans le cadre de cette présentation, nous avons choisi de nous limiter à la période allant des débuts de l’islam au XVIe siècle.

2 Ibn Abī Dā’ūd al-Sijistanī, Kitāb al-mas.āh.if, éd. Arthur Jeffery, dans Materials for the History of the Text of the Qur’an, Leyde, Brill, 1938, p. 133.

3 François Déroche, « Les manuscrits arabes datés du IIIe/IXe siècle », dans Revue des Études islamiques, 55-57, 1987-1989, pp. 343-379.

4 Très récemment, des datations du C 14 de parchemins de cette période ancienne ont apporté des éléments intéressants pour l’établissement d’une chronologie (voir notamment Hans Caspar von Bothmer, Karl Heinz Ohlig, Gerd R. Puin, « Neue Wege der Koranforschung », dans Magazin Forschung, 1, 1999, p. 45).

5 Hans Caspar von Bothmer, « Architekturbilder im Koran. Eine Prachthandschrift der Umayyadenzeit aus dem Yemen », dans Pantheon, 45, 1987, pp. 4-20. Dans ce qui suit, nous emploierons le terme de frontispice pour désigner la double page enluminée initiale, avec ou sans élément textuel faisant fonction de titre. Lorsque le début du texte figure dans un cadre enluminé, nous parlerons de « cadre d’incipit ».

6 En commentant l’enluminure initiale d’un coran du IXe siècle (Dublin, CBL 1406), Richard Ettinghausen a proposé d’y reconnaître la reprise de la composition où figure le portrait de Juliana Anicia dans le De materia medica de Vienne, ÖNB, Cod. medicus græcus 1, f. 6 v° (Arab Painting, Genève, Skira, 1962, p. 168).

7 L’arabe distingue clairement le support matériel ou mus.h. af (« codex coranique ») du texte de la révélation (le plus souvent Qur’ān).

8 La première mention explicite remonte au Xesiècle (Ibn al-Nadîm, Kitāb al-Fihrist ; voir trad. Bayard Dodge, The Fihrist of al-Nadīm. A Tenth-Century Survey of Muslim Culture I. New York, London, Columbia Univ. Press, 1970, p. 10.

9 François Déroche [et al.], Manuel de codicologie des manuscrits en écriture arabe, Paris, B.N.F., 2000, pp. 282-283 ; id., « La reliure islamique (VIIIe-XIIIe siècle) », dans La Reliure médiévale : pour une description normalisée. Actes du colloque international, Paris, 22-24 mai 2003, éd. Guy Lanoë, Turnhout, Brepols, 2008, pp. 198-202.

10 On voit apparaître sur des corans en plusieurs volumes de cette époque – enluminés ou non – des tomaisons indiquées en toutes lettres. Cette habitude, qui perdure tout au long de la période envisagée, ne nous paraît pas devoir être mise sur le même plan que les autres épigraphes que nous étudions : certes, il est parfois précisé qu’il s’agit de juz’ ou de h. izb, termes étroitement liés à la tradition coranique manuscrite, mais il arrive aussi qu’il n’y ait que l’ordinal, « le troisième » par exemple.

11 Manuscrit de 70 x 137 mm, copié à raison de 5 lignes à la page.

12 François Déroche, « Cercles et entrelacs : format et décor des corans maghrébins médiévaux », dans Académie des inscriptions et belles-lettres, Comptes rendus des séances de l’année 2001 [2002], pp. 601-603 et fig. 5.

13 Début du juz’ 20 ; manuscrit de 58 x 80 mm, copié en style NS I à raison de 5 l./p.

14 Manuscrit de 110 x 140 mm, copié à raison de 5 l./p.

15 Arthur U. Pope, Phyllis Ackermann, éd., A Survey of Persian Art from Prehistoric Times to Present, London, Oxford Univ. Press, 1938-1939, p. 1948 et pl. 926 a-d ; FiMMOD, fiche n° 163.

16 La légende li-Llāh figure aussi dans le pourtour circulaire des vignettes supérieures d’un juz’ copié en 1073 (Mashhad, AQR, 4316 ; voir Ahmad Golčin-Ma’ani, Rāhnomā-ye ganjine-ye Qor’ān, Mashhad, Enteshārāt-e Ketābkhāne-ye Âstān-e Qods, [1969], pp. 49-50, nos 21-22 ; Martin Lings, The Quranic Art of Calligraphy and Illumination, Westerham, World of Islam Festival Trust, 1976, pl. 11). Il semble que c’est à ce même manuscrit qu’appartient une enluminure reproduite par A. U. Pope où nous pensons pouvoir lire dans les carrés placés dans les angles les formules : al-mulk li-Llāh et kalima Allāh (A. U. Pope, Ph. Ackermann, éd., A Survey, ouvr. cité, p. 1948, pl. 932 b) ; malheureusement la position du feuillet n’est pas précisée. Dans un manuscrit postérieur, Londres, KCIA, QUR628, f. 1 v°-2 (copié en 1270-1271), la formule Allāh almalik (« Allah est roi ») figure dans le pourtour des vignettes (David James, The Master Scribes. Qur’ans of the 10th to 14th Centuries [The Nasser D. Khalili collection of Islamic art, II], London, Nour Foundation, assoc. avec Azimuth Ed. et Oxford Univ. Press, 1992, pp. 82-85).

17 La nisba ou « ethnique » est une composante des noms traditionnels dans le monde musulman qui indique l’origine du personnage ; elle est notamment formée à partir du nom d’un lieu d’origine – de l’intéressé ou de sa famille ; celle que porte le copiste du manuscrit, al-Baghdādī, renvoie à la ville de Bagdad. Fehmi Karatay, Topkapı Sarayı kütüphanesi Arapça yazmalar kataloğu I [Topkapı Sarayı müzesi yayınları 15], Istanbul, Topkapı Sarayı Müzesi, 1962, p. 183, n° 679 ; FiMMOD, fiche n° 144.

18 Il s’agit de qualificatifs, au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, qui s’appliquent à Allah et sont pour l’essentiel dérivés du Coran (voir L. Gardet, s.v. al-Asmā’ al-h.usnā, Encyclopédie de l’islam I, 2e éd., pp. 735-739).

19 Voir ci-dessus, n. 15.

20 Georges Marçais, Louis Poinssot, Objets kairouanais. IXe au XIIIe siècle. Reliures, verreries, cuivres et bronzes, bijoux I [Notes & Documents XI-1], Tunis, Tournier, 1948 p. 62 (1 A), pl. XV c, p. 63 (1 B), pl. XV b, et p. 65 (2 A), pl. XV a.

21 Arthur Arberry, The Koran Illuminated, Dublin, Hodges, Figgis & co, Ltd., 1967, p. 13, n° 35 et pl. 23 ; David James, Qur’ans and Bindings from the Chester Beatty Library. A Facsimile Exhibition, [s.l.], World of Islam Festival Trust, 1980, p. 28, n° 14.

22 Traduction de R. Blachère – utilisée également pour les autres citations.

23 Gulnar Bosch, John Carswell, Guy Petherbridge, Islamic Bindings & Bookmaking, Chicago, The Oriental Institute Museum, 1981, p. 119, la datent du XIe-XIIe siècle. Du fait des restaurations, il n’est pas possible de savoir quelle était sa structure originelle : celle d’un coffret, ou celle de la reliure classique, avec rabat et recouvrement.

24 Par la suite, un certain nombre de petits fers à décor épigraphique seront utilisés par les relieurs ; comme on le voit dans la publication de M. Weisweiler, les légendes sont plus souvent des formules de bénédiction et surtout elles ne sont pas associées à des manuscrits du Coran (Max Weisweiler, Der Islamische Bucheinband des Mittelalters nach Handschriften aus deutschen, holländischen und türkischen Bibliotheken, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1962, p. 76 (« Beiträge zum Buch und Bibliothekenwesen », 10).

25 F. Karatay, Topkapı Sarayı, ouvr. cité., p. 14, n° 36. Au f. 146, une main plus tardive a ajouté un faux colophon qui attribue le manuscrit au calife ‘Alī b. Abī Ṭālib.

26 D. S. Rice, The Unique Ibn al-Bawwāb manuscript in the Chester Beatty Library, Dublin, Emery Walker (Ireland) Ltd, 1955 ; A. Arberry, The Koran Illuminated, ouvr. cité, p. 15, n° 41 et pl. 26 ; D. James, Qur’ans and bindings, ouvr. cité, pp. 33-34, n° 18-19.

27 François Déroche, Calligraphie islamique. Islamic Calligraphy, Genève, Musée d’art et d’histoire, 1988, p. 29 et fig. 6 ; id., The Abbasid Tradition. Qur’ans of the 8th to the 10th Centuries, London, Nour Foundation, en assoc. avec Azimuth Ed. et Oxford Univ. Press, 1992, pp. 154-155 (« The Nasser D. Khalili collection of Islamic art », I).

28 Voir ci-dessus.

29 Voir ci-dessus.

30 Voir ci-dessus.

31 F. Karatay, Topkapı Sarayı, ouvr. cité, pp. 183-184, no 680 ; FiMMOD, fiche n° 146.

32 A. U. Pope et P. Ackermann, A Survey, ouvr. cité, p. 1948 et pl. 927 b-c ; Richard Ettinghausen, « A Signed and Dated Seljuq Qur’an », dans Bulletin of the American Institute of Persian Art and Architecture, 4.2, 1935, pp. 92-102.

33 Voir ci-dessus.

34 F. Déroche, « Cercles et entrelacs… », art. cité, pp. 596-601 et fig. 1-3 ; id., Abbasid Tradition, ouvr. cité, pp. 146-151.

35 Le mu’tazilisme est un courant de pensée rationalisant de l’islam qui a principalement marqué les IXe-Xe siècles. Sa négation des attributs divins entraînait notamment la croyance au caractère créé du Coran, une position qui se heurtait à l’opposition résolue des milieux traditionnels.

36 Nous utiliserons dans les traductions de passages coraniques la transcription du mot arabe afin d’éviter la confusion que pourrait engendrer l’emploi de sa forme francisée (voir n. 7).

37 Voir sur ce point Daniel A. Madigan, The Qur’ân’self-image. Writing and Authority in Islam’s Scripture, Princeton, Oxford, Princeton Univ. Press, 2001.

38 Voir J. Robson, s.v. Bid’a, Encyclopédie de l’islam I, 2e éd., pp. 1234-1235 ; on notera que l’ornementation des exemplaires du Coran figure parmi les innovations désapprouvées (également dans Abdelouahed Jahdani, « Quelques opinions de Mālik (m. 179/796) sur le Coran-codex », dans [Actes de la conférence internationale sur les manuscrits du Coran (Bologne, 26-28 septembre 2002)], Mélanges de l’Université Saint-Joseph, 59, 2006, pp. 274-276).

39 F. Karatay, Topkapı Sarayı, ouvr. cité, p. 18, n° 51.

40 Arne Ambros, A Concise Dictionary of Koranic Arabic, Wiesbaden, Reichert Verlag, 2004, p. 38 ; E. Muhammad Badawi, Muhammad Abdel Haleem, Arabic-English Dictionary of Qur’anic usage, Leiden, Boston, Brill, 2008, p. 93 (« Handbuch der Orientalistik », Section one, 58).

41 A. Ambros, ibid. ; E. M. Badawi, M. Abdel Haleem, Arabic-English Dictionary, ouvr. cité, p. 94.

42 André Maricq, Gaston Wiet, Le Minaret de Djam. La découverte de la capitale des sultans ghorides (XIIe-XIIIe siècles), Paris, [s. n.], 1959, p. 27 et n. 1-2 (« Mémoires de la DAFA », t. XVI).

43 Paula Sanders, Ritual, Politics, and the City in Fatimid Cairo, Albany, State Univ. of New York Press, 1994, p. 93 ; il s’agit ici d’étendards que portent des cavaliers appartenant aux corps de troupes qui prenaient part à la procession lors de la nouvelle année.

44 Voir ci-dessus.

45 D. James, The Master scribes, ouvr. cité, pp. 78-81.

46 F. Karatay, Topkapı Sarayı, ouvr. cité, p. 185, n° 685 ; FiMMOD, fiche n° 145.

47 Voir ci-dessus.

48 La séquence des versets varie : la lecture peut se faire de haut en bas sur la moitié droite, puis sur celle de gauche, ou bien en commençant par les deux bandeaux supérieurs pour passer ensuite à ceux du bas.

49 Adam Gacek, « The Copying and Handling of Qur’āns : Some Observations on the Kitāb alMas.āh.if by Ibn Abī Dā’ūd al-Sijistanī », dans Mélanges de l’Université Saint-Joseph, 59, 2006, p. 246.

50 David James, After Timur. Qur’ans of the 15th and 16th Centuries, London, Nour Found., en assoc. avec Azimuth Ed. et Oxford Univ. Press, 1992, pp. 172-181 (« The Nasser D. Khalili collection of Islamic art », III). Dans le cadre d’incipit de ce manuscrit figurent aussi des traditions du Prophète dans un bandeau qui encadre chaque moitié de l’enluminure.

51 François Déroche, Catalogue des manuscrits arabes, 2e partie, Manuscrits musulmans I. Les manuscrits du Coran 2 : Du Maghreb à l’Insulinde, Paris, Bibliothèque Nationale, 1985, p. 121, n° 522, pl. VI a et XXV a. Dans ce manuscrit, la citation est Coran 56 : 77-78, ce qui permet de savoir qu’il n’y a pas eu disparition d’un feuillet. Pour le coran Dublin, CBL 1470, copié à Maragha en 1338 (A. Arberry, Tke Koran Illuminated, ouvr. cité, p. 41, n° 137 et pl. 50 ; D. James, Qur’ans and bindings, ouvr. cité, p. 64, n° 47), le doute est permis car le texte présent dans un médaillon au f. 1 (Coran 56: 79-80) pourrait être la suite d’une citation commençant sur un feuillet disparu.

52 D. James, The Master scribes, ouvr. cité, pp. 52-55.

53 F. Déroche, Du Maghreb à l’Insulinde, ouvr. cité, pp. 125-126, n° 580 et pl. VI b-c.

54 Ibid., p. 55, n° 347 et pl. IV a.

55 Ibid., pp. 56-57, n° 350, pl. IV b et XI b.

56 D. James, After Timur, ouvr. cité, pp. 190-196.

57 Ibid., pp. 88-93.

58 Ibid., pp. 70-75.

59 A. Arberry, The Koran Illuminated, ouvr. cité, p. 24, n° 76 et pl. 37 (voir aussi le ms. 1464, n° 75, de la même série) ; D. James, Qur’ans and bindings, ouvr. cité, pp. 47-48, nos 31-32. Dans un coran de même origine conservé à Chicago (OI A12068), la citation comprend également le verset 196 (G. Bosch, J. Carswell, G. Petherbridge, Islamic Bindings, ouvr. cité, p. 225, n° 99).

60 D. James, The Masters scribes, ouvr. cité, pp. 168-171.

61 Ibid., pp. 186-189.

62 D. James, After Timur, pp. 58-61.

63 A. Arberry, The Koran Illuminated, ouvr. cité, p. 46, n° 152 ; D. James, Qur’ans and bindings, ouvr. cité, p. 75, n° 57. Sur le f. qui fait face (f. 1 v°), le décor contient Coran 7 : 80 : « Et dis : fais-moi entrer en [homme] juste [dans la tombe] ! Fais m’en sortir en [homme] juste et accorde-moi, de Tapart, un pouvoir bénéficiant de Ton secours ». Ce passage est de ceux pour lesquels nous n’avons pas d’autre attestation. Son sens est toutefois très éloigné de ceux que nous avons relevés et nous incite à penser qu’il pourrait être en rapport avec la destination qui avait été prévue pour ce manuscrit.

64 D. James, After Timur, ouvr. cité, pp. 184-189.

65 F. Déroche, Du Maghreb à l’Insulinde, ouvr. cité, p. 122, n° 523 et pl. XXVI a ; Splendeur et majesté, Corans de la Bibliothèque nationale, Paris, Institut du monde arabe, Bibliothèque nationale, 1987, pp. 62-63, n° 29 ; L’Art du livre arabe. Du manuscrit au livre d’artiste, dir. Marie-Geneviève Guesdon, Annie Vernay-Nouri, Paris, B.N.F., 2001, pp. 72-73, n° 43.

66 D. James, After Timur, ouvr. cité, pp. 158-163.

67 A. Arberry, The Koran Illuminated, ouvr. cité, p. 20, n° 59 et pl. 3; D. James, Qur’ans and bindings, ouvr. cité, p. 41, n° 25. Dans le manuscrit Londres, KCIA, QUR704, copié en Irak ou en Iran en 1236-1237, c’est à l’inverse le seul verset 41 qui apparaît dans le bandeau inférieur du cadre d’incipit, suivi de 56 : 80 (f. 1 v°-2) ; dans le bandeau supérieur, il est dit : « Ceci est le Qur’ān qui descendit sur Muh.ammad, sur lui la meilleure des grâces et la paix!»; dans le frontispice, dont il ne subsiste que la moitié, figurait Coran 56 : 77-80 (D. James, The Master scribes, ouvr. cité, p. 52-55). Dans cet exemple, ainsi que dans un manuscrit de la collection Chester Beatty (dans le bandeau supérieur gauche du cadre d’incipit), un texte composé ad hoc est associé à cette citation (voir n. 46).

68 Voir à titre d’exemple dans la collection de la B.N.F. les reliures Arabe 587 (François Déroche, Du Maghreb à l’Insulinde, ouvr. cité, p. 81, n° 426), Arabe 469 (ibid., p. 99, n° 473), Arabe 459 (ibid., pp.104-105, no 485), Arabe 499 (ibid., p.106, n° 488), Arabe 488 (ibid., pp.107-108, n° 492), etc.

69 G. Bosch, J. Carswell, G. Petherbridge, Islamic Bindings, ouvr. cité, pp. 111-112 (n° 18).

70Ibid., pp. 206-207 (n° 82).

71 Khader Salameh, The Qur’ān manuscripts in the al-H. aram al-Sharif Islamic Museum, Jerusalem, Reading, Garnet ; Paris, UNESCO, 2001, pp. 66-73.

72 G. Bosch, J. Carswell, G. Petherbridge, Islamic Bindings, ouvr. cité., pp. 112-113 (n° 19).