Book Title

Olga Granasztói, Francia könyvek magyar olvasói. A tiltott irodalom fogadtatása Magyarországon 1770-1810 [Les Lecteurs hongrois de livres français. La réception de la littérature interdite en Hongrie, 1770-1810]

Budapest, OSZK-Universitas, 2009, 319 p., ill. couleur. ISBN 978-963-200-570-6

Juliette GUILBAUD

Paris

Le présent ouvrage est issu de la thèse de son auteur, Olga Granasztói, thèse soutenue en 2006 au département d’études françaises de l’université de Szeged (Hongrie). Cette thèse est elle-même le fruit de plus de huit années de recherches à partir de sources dont une grande partie reste encore à exploiter, comme c’est souvent le cas pour l’histoire du livre et des bibliothèques en Hongrie. L’essor de la culture livresque en Hongrie, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, se manifeste à travers trois phénomènes principaux : l’augmentation du nombre de librairies et d’imprimeries, la naissance de la presse en langue hongroise et l’épanouissement de la vie littéraire. Le rôle déterminant de certains livres français – notamment de tout un pan de littérature interdite – sur les goûts littéraires du lectorat hongrois, à une époque (hormis sous Joseph II) où se multiplient les mesures de contrôle de ce type de production imprimée, a poussé Olga Granasztói à dresser un inventaire de la littérature française interdite circulant en Hongrie dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, selon la problématique suivante : qui lit et comment lit-on les livres français à cette époque en Hongrie ?

L’auteur souligne en introduction la diversité des sources auxquelles elle a dû avoir recours, compte tenu de l’incomplétude de chacune d’entre elles : archives de l’Office de censure (pour connaître le détail de la production interdite), archives de la librairie étrangère (pour reconstituer les réseaux de circulation de ces ouvrages), archives familiales (pour retracer l’élaboration et le sort des collections). Olga Granasztói s’est également fait fort d’aborder son sujet sans l’idéologie qui caractérisait jusqu’alors l’historiographie traditionnelle en ce domaine (en réaction aux anciennes familles de magnats). Elle redonne au contraire toute leur place à certains types de littérature comme la production libertine, les pamphlets politiques, les libelles anticléricaux, les écrits de controverse. Ce faisant, son étude permet de nuancer et de réévaluer l’influence des Lumières françaises en Hongrie. Rappelons à ce sujet l’exposition qui s’est tenue en 2007 à la bibliothèque nationale hongroise, sous le commissariat d’Olga Granasztói elle-même (Veszedelmes olvasmányok : erotikus illusztrációk a 18. századi francia irodalomban21).

La possession de livres français en Hongrie au XVIIIe siècle n’est pas un phénomène anodin : chez les bibliophiles et collectionneurs concernés, elle s’inscrit d’une part dans une logique de collection mêlant érudition traditionnelle et nouvelles orientations intellectuelles inspirées des Lumières, et elle se double d’autre part d’une évolution des modes de vie. La diffusion et la réception de la production imprimée française contribuent par ailleurs au développement de pratiques de lecture modernes, sécularisées et modernes. Le cas du couple Csáky-Erdödy, analysé en détail par Olga Granasztói, constitue un exemple de cette démarche à la fois intellectuelle et sociale.

Soulignons pour terminer la richesse de la bibliographie et de l’index onomastique, sans oublier de saluer la longueur du résumé en français proposé à la fin de l’ouvrage (p. 301-319) : il permet au lecteur non magyarophone d’apprécier la qualité des travaux de l’auteur, qui compte parmi les historiens de la littérature française en Hongrie les plus actifs aujourd’hui.

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21 [= Les Lectures dangereuses. L’illustration érotique dans la littérature française du XVIIIe siècle] [catalogue d’exposition bilingue], dir. O. Granasztói, Budapest, 2007.