Apprendre le métier d’historien
Correspondance inédite adressée par Lucien Febvre à Henri-Jean Martin, 1952-1956
Éditée par Frédéric BARBIER
Principes d’édition
Nous avons respecté l’orthographe de Febvre, mais rétabli l’accentuation là où elle faisait défaut. Lorsque Febvre a souligné ou cancellé un passage, ou encore écrit dans l’interligne, nous avons adopté la même disposition. La double barre oblique // marque un changement de page. Les crochets carrés ([ ]) marquent les éventuels développements d’abréviations, mais ils sont parfois aussi utilisés par Febvre, dont certaines lettres ont une mise en page faisant penser à celle d’un article scientifique, avec emploi des crochets carrés et des notes infrapaginales.
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LETTRE DE LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, [PARIS, s. d., 1952 ?]
Papier à en-tête imprimé :
Bibliothèque de l’Institut de France. Paris (VIe) : 23, quai de Conti. Téléphone : danton 02-921.
1 feuillet manuscrit, recto-verso.
Lucien Febvre remet à Henri-Jean Martin, après en avoir pris connaissance, la première version du texte d’un article, probablement celui paru en 1952 dans les Annales2. Ce manuscrit ne semble pas avoir été conservé. En tête, de l’écriture d’Henri-Jean Martin : « Article Annales ».
Voilà le manuscrit, lu avec intérêt. Vous trouverez dans la note ci-jointe, l’indication précise de la manière dont je le remanierais pour ma part, de façon à l’alléger et à le « centrer » avec plus de précision en éliminant des développements très intéressants par eux-mêmes, mais qui demanderaient à être étayés de nombreuses références et extraits de documents. En somme, il y a dans le m[anu]s[crit] 4 [quatre] articles différents : l’un sur quelques aspects économiques du sujet. L’autre sur la nature des ouvrages entrant au 17e s. dans le corpus des bibliothèques privées. Un 3e, ébauché, sur les relations des libraires de province avec Paris. Un 4e, esquissé, sur la concurrence hollandaise. Chacun de ces thèmes peut être orchestré de façon telle qu’il devienne également intéressant et vivant. Mais il ne faut pas donner 4 [quatre] résumés qui seraient // inopérants, et trahiraient d’avance votre œuvre. Donc, à mon sens, centrer sur l’économique.
En hâte, et bien à vous, avec tous mes encouragements. Vous avez la matière d’un beau livre. Bien à vous.
Lucien Febvre
[Note au stylo rouge], 1 feuillet manuscrit, recto-verso.
A) Supprimer les p. 4, 5, 6, 7. Elles ne peuvent devenir vivantes qu’étayées par de nombreux exemples concrets, des citations, des références, etc. que vous ne pouvez donner ici.- donc enchaîner de la fin du 1er § (p. 4) au début du 2d (p. 7) : [En cette période…]
B) D’autre part, arrêter l’article au bas de la page 30 et le clore sur cette phrase : … « le règne de l’édition hollandaise commence. Mais c’est une autre histoire. » Reste donc un article de 26 pages, beaucoup mieux centré sur les aspects éco-omiques du sujet.
——
Cet article peut :
1) par resserrement du style (il ne s’agit que // d’un premier jet) – par raccourcissement ou éliminations de quelques développements moins économiques –
2) mais, corrélativement, par adjonctions de quelques exemples précis, en note – devenir très intéressant et très vivant. Ce qu’il est dès maintenant en puissance.
——
Avez-vous vu dans le Courrier graphique de janvier-février et de mars-avril 51 les 2 [deux] petits articles du P. De Dainville sur la géogr[aphie] du Livre français3 ? Les dates sont différentes, il prend les choses au milieu du 18e s. Mais il y a des cartes utiles à transposer, surtout d[an]s le 1er article – et un plan des libraires de Paris, également utile pour comparaison. Je rappelle que les Annales peuvent publier de temps en temps un plan, ou un croquis géographique.
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LETTRE DE LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 26 MAI 1953
Papier à en-tête imprimé :
École pratique des hautes études (VIe Section), Centre de Recherches Historiques. 54, Rue de Varenne, 7e (LITtré 18-32).
1 feuillet dactylographié à simple interligne, recto-verso.
Lucien Febvre présente à Henri-Jean Martin son projet pour L’Apparition du livre.
Cher Monsieur,
Vous avez peut-être remarqué, sur le dos des volumes de la Collection L’Évolution de l’Humanité, publiée par mon vieil ami Henri Berr, qu’il y figure la promesse d’un livre sur Le Livre et qu’en regard de ce titre on trouve mon nom. Henri Berr4 était très désireux de voir paraître aussi rapidement que possible cet ouvrage. Bien que j’aie amassé beaucoup de documents et de notes à son sujet, bien que je dispose d’un important fichier composé par un de mes anciens étudiants de Strasbourg qui est entré dans les ordres depuis et qui se trouve depuis des années à Bagdad5– ce qui l’empêche pratiquement de songer à reprendre jamais les travaux que je lui avais indiqués comme utiles – je ne vois pas, dans l’état actuel de mes occupations, la possibilité pour moi seul de venir à bout de ce gros travail. La solution est donc simple : il faut que je trouve un ou deux jeunes historiens qui puissent m’aider efficacement et, j’ajoute, rapidement. Ce livre ne doit pas être une histoire du livre : il existe des livres utiles à ce sujet, il est inutile de les refaire. Mais je voudrais qu’il étudie le livre en tant qu’auxiliaire de la pensée. Que vaut le livre comme outil de pensée ? Quand il n’existait pas, avant qu’il n’existât, comment la pensée se diffusait-elle dans l’Europe occidentale ? Avec quelles difficultés etquelles [sic] restrictions ? Pourquoi, à un moment donné, cette invention, qui était en gestation depuis longtemps, a-t-elle trouvé un terrain favorable et quel progrès la typographie a-t-elle marqué par rapport aux manuscrits ?
Voilà le problème essentiel que je voudrais poser, à l’aide de faits empruntés aux XVI° et XVII° siècles, sans aborder le XVIII° ni le XIX° qui posent déjà d’au- tres problèmes. Il faudrait examiner le livre en tant que marchandise, en tant que chef d’œuvre, en tant que ferment ; il faudrait également ne pas négliger les hommes et les métiers du livre, ni la statistique même du livre. Tout ceci fort intéressant et qui composera un livre très alléchant et plein de choses nouvelles.
Comme Henri Berr et son éditeur6 se montrent très pressés, je suis forcé de prendre deux collaborateurs, l’un des deux serait vous, si votre plan d’étude vous le permet ; l’autre serait M. Michel7, votre confrère, dont on m’a dit que la compétence était reconnue sur toute8 une partie du sujet.
Dites moi donc le plus rapidement que vous pourrez si ma proposition vous intéresse. Au point de vue matériel, elle n’est pas négligeable. Albin Michel paie un pourcentage tout à fait exceptionnel chez nous, les livres se vendent bien dans la collection et par conséquent, même partagé, le montant des émoluments qui vous reviendraient ne serait pas dérisoire. Je n’ai pas besoin de vous dire, en plus, que la collection est estimée partout et que, naturellement, le fait que je travaillerai activement à faire le plan du livre et en résoudre les problèmes qu’il pose [sic], serait de nature à faire bénéficier // de ce que je puis avoir de réputation les collaborateurs [sic] que je m’adjoindrai.
Je compte partir en vacance, étant assez fatigué en ce moment, vers le 7 ou le 8 juin9, ce qui ne nous laisse pas grand temps. Dites moi, après y avoir réfléchi, quel accueil vous croyez pouvoir faire à ma proposition. Naturellement, nous aurons à en parler plus longuement.
Croyez, je vous prie, à mes meilleurs sentiments.
[signature manuscrite]
Monsieur Martin.
[Plus bas, ms de la main d’Henri-Jean Martin : « 1 rue Val-Grâce »10, et, en travers : « Ode 71-64 »].
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LETTRE DE LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, [PARIS, s. d., ÉTÉ 1953 ?]
Papier à en-tête imprimé :
Bibliothèque de l’Institut de France. Paris (VIe) : 23, quai de Conti. Téléphone : danton 02-92.
1 feuillet manuscrit, recto-verso [le second feuillet a disparu].
Lucien Febvre annonce à Henri-Jean Martin que Paul-Henri Michel a refusé son offre de collaboration en vue de rédiger L’Apparition du livre.
Cher Monsieur, Je reçois, avec un peu d’étonnement, une lettre un peu aigrelette de M. Michel. Il n’a évidemment pas la même conception que moi de ce qu’on peut appeler la fraternité du travail en commun ; il n’a pas non plus la même attitude devant la jeunesse… Je lui rends donc sa liberté, sans regretter la brusque fin d’une collaboration qui eût été difficilement plénière. Vous voyez que j’avais raison de vous prier d’attendre pour lui écrire que je l’eusse fait moi-même. Ce retrait ne changera rien, je l’espère, à votre décision, dont la spontanéité pleine d’allant // a je l’avoue renforcé en moi les sentiments favorables que m’avaient laissés nos entrevues précédentes. Nous partagerons donc, sur la couverture de « l’Apparition du livre » ce que j’appellerai pompeusement « la vedette » : Lucien Febvre et H. J. Martin. Et naturellement, le produit du livre – je ne dis pas « à égalité » car j’aurai sans doute beaucoup moins de temps à y consacrer que vous – mais « au moins à égalité », formule toute provisoire, en attendant que j’aie vu l’éditeur. Vous dirai-je donc que je me réjouis de cette solution, qui est tout à fait selon mon cœur ? Travaillez bien en attendant, et donnez-moi de vos nouvelles. Je compte partir dans mon Jura dans les tout premiers jours de la semaine prochaine, probablement le [le second feuillet n’est pas conservé].
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LETTRE DE LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 20 JUILLET 1953
Papier à en-tête imprimé :
Bibliothèque de l’Institut de France. Paris (VIe) : 23, quai de Conti. Téléphone : danton 02-92.
1 feuillet manuscrit, recto-verso.
Lucien Febvre s’excuse de ne pas s’être manifesté depuis trop longtemps. Il prépare le plan de L’Apparition du livre et annonce son départ pour le Jura.
Cher Monsieur, ce petit mot pour vous expliquer, au cas où il vous aurait étonné quelque peu, mon long silence. Ne vous inquiétez pas ! Par deux fois j’ai dû revenir à Paris sous la menace d’une opération sans réelle gravité – un curetage des sinus frontaux – mais fort désagréable, et par deux fois ma bonne nature et la vigoureuse résistance qu’oppose mon organisme aux hôtes microscopiques et parfaitement indésirables qui s’installent chez moi, m’a préservé du trocart, de la clinique et des soins postopératoires peu agréables. Je ne voudrais pas que tous ces ennuis brisent votre entrain pour notre livre. Dites-moi donc ce que vous faites, où vous en êtes, si vous êtes rentré des Pays-Bas satisfait de votre recherche, etc ?11 Pour moi, // je rentre le plus vite possible – après demain – dans mon « chez moi » franc-comtois, où je resterai je l’espère jusqu’en 8bre [octobre]. Je vais mettre la dernière main au Plan du Livre. Plan par gr[an]des catégories et de nature à vous laisser libre des aménagements intérieurs. J’ai revu, au Souget, les notes et les fiches du R. P. Wiriath dont je n’ai toujours pas de nouvelles. Je les rapporterai sans doute à l’automne ; mais ils ne sont pas essentiels pour amorcer le travail. Écrivez moi toutes les fois que vous en sentirez le besoin, et donnez moi de vos nouvelles. Il faut que, de votre côté et du mien, le démarrage se fasse à la rentrée.- Croyez moi bien votre,
Lucien Febvre [Plus bas]
Avez vous mon adresse de vacances ? Elle est simple : Le Souget, Saint-Amour, Jura. (Le Souget, nom de source – et par extension de la propriété12).
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, LE SOUGET, 19 OCTOBRE 1953
Papier à en-tête imprimé :
Annales Économie – Sociétés – Civilisations
Librairie Armand Colin
103, boulevard Saint-Michel (ODÉ 37-35).
Lettre manuscrite
Lucien Febvre annonce son retour prochain à Paris.
Cher Monsieur,
On m’apporte votre lettre au moment où je clase les dossiers Imprimerie du P. Wiriath que je vous communiquerai. Je serai à Paris dans deux jours – et à la fin de la semaine ou au début de la prochaine, je vous demanderai de passer me voir. Je suis content des nouvelles que vous me donnez et de votre travail t de votre santé.
A bientôt et bien cordialement à vous
Lucien Febvre
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 27 OCTOBRE 1953
Carte postale, manuscrite. La date est celle du cachet postal.
Lucien Febvre demande à Henri-Jean Martin de passer le voir à son domicile parisien.
Expédié par Profr Lucien Febvre
1 r. Val de Grâce [sic]
Cher Monsieur, quand pouvez-vous passer 1 Rue du Val de Grâce ? Pouvez-vous être libre jeudi à 17h30 ou 18h ? Je dis rue du Val parce que j’ai rapporté un gros tas de papiers et de fiches Wirrath que vous emporterez. Si vous êtes d’accord je vous attends jeudi sans que vous ayez // à m’avertir. Si vous ne pouvez pas, téléphonez à Odéon 71 64 nous prendrons un nouveau rendez-vous. Bien votre Lucien Febvre
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 9 DÉCEMBRE 1953
Carte postale, manuscrite. La date est celle du cachet postal.
Lucien Febvre souhaite rencontrer Henri-Jean Martin pour lui remettre de la documentation.
Téléphonez-moi s’il vous plaît, que nous prenions jour. J’ai beaucoup travaillé pour vous er j’ai des tas de choses à vous remettre. Jeudi 10 toute la journée je suis libre. Item vendredi matin de 9 à 11, et vendredi soir de 17 à 20. Mais il nous // faut du temps pour régler tout ce qu’il y a à régler.
A bientôt en tout cas, et b[ien] votre
Lucien Febvre
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 27 MAI 1954
Lettre dactylographiée, à simple interligne adressée à
Monsieur H. J. Martin
Bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale
12, Av. Laumière – Patris 19°
Lucien Febvre félicite Henri-Jean Martin de l’avancement du travail de L’Apparition du livre.
Mon cher ami,
J’ai reçu votre lettre du 20 Mai au moment où je rentrais à Paris d’une tournée de trois semaines en Hollande, Écosse, Angleterre etc…
Je suis très content des bonnes nouvelles que vous me donnez quant à l’état d’avancement du travail. Je compte m’en aller en Franche-Comté dès que ce sera possible, c’est à dire dans les premiers jours de Juin et j’emporterai avec moi, ce que vous pourrez me donner de votre travail. Mais auparavant, je tiens à vous voir, et je passerai un coup de téléphone * [en marge, ms. : * à Botzaris] pour vous demander de venir me voir au début de la semaine prochaine.
Je suis ennuyé de vous avoir laissé si longtemps sans contact avec moi, mais c’était une nécessité, étant donnés les nombreux engagements que j’avais pris et que je devais tenir.
Croyez, je vous prie, mon cher ami, à mes meilleurs et dévoués sentiments.
Lucien Febvre
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, LE SOUGET, AOÛT 1954
Lettre manuscrite, 2 p. sur un feuillet plié en deux.
Lucien Febvre présente ses condoléances à Henri-Jean Martin à la suite du décès du père de celui-ci.
Cher Monsieur je reçois au Souget cette bien triste nouvelle13. Êtes-vous déjà de retour en France, avez-vous pu revoir votre père avant la grande disparition ? Je pense à vous avec toute la sympathie que vous avez fait naître en moi – et je vous envoie l’expression bien sincère de mes sentiments les plus cordiaux. J’ai su ce que c’était qu’un pareil déchirement, que cette brusque sensation d’être désormais dans la vie sans personne qui vous précède et vous // couvre… C’est la grande promotion au rang des mortels, si pénible quand elle se double d’un déchirement du cœur… Supportez avec courage cette dure épreuve, enfoncez vous dans le travail, ce puissant dérivatif, et croyez bien à mes sentiments d’affectueuse et cordiale condoléance.
Votre
Lucien Febvre.
[Plus bas, de la main d’Henri-Jean Martin : « aout 54 »].
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, LE SOUGET, 5 OCTOBRE 1954
Carte postale, manuscrite.
Lucien Febvre annonce son prochain retour à Paris.
Mon cher ami, Je m’attarde à la campagne où je jouis des derniers (ou des premiers) beaux jours. Mais je serai à Paris vers le 13 et je vous ferai signe sitôt rentré. Henri Berr désire vous connaître et il faudra que vous alliez vous présenter à lui en novembre. D’ici là, nous aurons à travailler! Croyez moi bien votre Lucien Febvre
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LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, LE SOUGET, 29 DÉCEMBRE 1954
Papier à lettres imprimé à en-tête de l’
École pratique des hautes études
6e Section
Sciences économiques et sociales
Sorbonne
Le Président
17, Rue de la Sorbonne (ODEon 24-13)
2 feuillets manuscrits, recto-verso.
Lucien Febvre rend compte de manière détaillée des premiers chapitres de L’Apparition du livre qu’Henri-Jean Martin lui a remis en lecture. Il le félicite et lui fait un certain nombre de suggestions.
Mon cher ami – d’abord que je vous souhaite une bonne année 1955 – heureuse pour vos affections, féconde pour vos travaux, une année de bonne santé et de réussite méritée. Je vous envoie ces vœux depuis Saint-Amour que j’ai gagné par la route dimanche dernier – et que je quitterai par la route lundi ou mardi prochain. Bref déplacement, mais salutaire. Cure de silence absolu, de paix et donc de travail. Or le travail a consisté, essentiellement, à lire « Le livre » et je peux vous dire que j’ai passé toutes mes vacances avec lui, et donc avec vous14. Qu’ai-je fait ?
D’abord, d’un bout à l’autre, de la 1ère [première] ligne à la dernière des chapitres que vous m’avez remis, j’ai lu et relu votre texte comme s’il était définitif et ne devait pas comporter de changements. Retenez qu’en cas pareil, c’est la solution économique. Lecture extrêmement attentive, vous le verrez. Il n’y a guère de pages, il n’y en a même pas, et surtout il n’y a guère de ligne qui ait échappé à mon stylo. Votre style était excellent. Mais, naturellement, comportait q[uel]q[ue]s redites, des lacunes, q[uel]q[ue]s faiblesses. Très rares d’ailleurs, je dois le dire en vous félicitant. J’ai tout remis en place de mon mieux. Et surtout, j’ai cherché « à gagner de la place en étant plus clair », ce qui est la formule par excellence. Vous verrez comment j’ai appliqué ce programme. Si nous imprimions tel quel ce gros paquet de chapitres, il n’y aurait qu’à envoyer le m[anu]s[crit] à l’imprimeur ; il a atteint son point de perfection relatif. Et c’est un grand compliment que je vous fais en le notant. Les chapitres techniques du début sont très réussis. Et m’étant tenu à l’écart des travaux récents faits depuis une dizaine d’années dans ce domaine (à quelques exceptions près), je ne compte y apporter aucun changement de fond. Il faudra que je relise une fois encore ces chapitres(qui m’ont instruit et intéressé), quand tout le livre sera terminé en m[anu]s[crit], et que je veille a bien serrer les ligatures, à bien enchaîner les exposés, sans bavures, ni imprécisions, ni mollesse. C’est très peu de chose, et encore une fois, on on enverrait tout le paquet tel quel à l’imprimeur – nous n’en aurionsque des compliments (j’use du nous collectif comme vous devez en user vous-même en parlant de notre livre). //
- Naturellement, il va falloir que je reprenne les chapitres IV et V15. Ils évoquent tout un monde. Ils brassent un océan de faits. Il est impossible que, dans ce 1er [premier] jet, vous n’ayez pas laissé de côté, volontairement ou involontairement, un certain nombre d’indications qui, à mon sens, doivent être retenues. Mais de ceci ne vous occupez pas. C’est ma tâche que de revoir et de choisir.
- Par exemple : dans le chapitre financement, nécessité de poser la question des droits d’auteur, quand ce ne serait que pour dire, d’une façon générale, qu’elle n’entrait pas directement dans les prévisions budgétaires des imprimeurs. De façon indirecte, sans doute (droit pour l’auteur de prendre des exemplaires gratis chez le libraire (1) : finalement cela chiffre en argent). Mais il faut un paragraphe, si bref soit-il.(il n’y a qu’une ligne, si j’ai bon souvenir)
- Autre chose : quand vous évaluez les divers postes d’un budget d’imprimeur en ces temps lointains (2) (le papier, les caractères, le salaire des ouvriers, etc.), il est nécessaire de faire une comparaison avec un budget de 1955. Il est évident que l’importance proportionnelle des divers postes n’est pas la même en 1955 et, disons en 1555. Voire, (par anticipation !) en 1455. Dans un tel cas, le recours au présent introduit un élément de clarté et de compréhension indispensable. Il fait tout de suite saisir la réalité ancienne, par comparaison.
- Et encore. Nécessité de mieux préciser la situation sociale de l’imprimeur et celle du libraire L’un commerçant, l’autre artisan. Et sans doute il est très difficile de tirer entre les 2 [deux] professions une barre rigide de séparation. Il y a l’imprimeur-libraire – comme il y a le libraire qui vend seulement et entre les 2 [deux], le libraire-éditeur. Mais enfin, ils suivent les uns et les autres leur catégorie sociale – l’imprimeur est tout de même, dans une certaine mesure (sinon le gros imprimeur, possesseur de plusieurs presses et patron d’une équipe, du moins le petit imprimeur, qui n’a qu’une presse ou deux, travaille avec un compagnon et aux moments de presse (sans jeu de mots !) recourt à ses enfants ou à sa femme pour être aidé) – cet imprimeur là (disons le père de Michelet pour évoquer des exemples connus) est traité sans doute en « mécanique » et participe au mépris qu’ont les gens du XVIe, précisément, pour les « mécaniques ». // [2] Autre chose encore (je cite au courant de la plume) : la boutique de libraire, c’est le lieu de rendez vous des beaux esprits. Tradition qui a duré jusqu’à nos jours. Le libraire Paillot d’Anatole France16. Au temps de mon enfance, à Nancy, la librairie Sidot où j’étais sûr de retrouver mon père17, à 6 heures, en conversation avec tout ce qu’il y avait de bibliophiles, d’humanistes, d’amis des livres dans la ville18. À Paris, Honoré Champion, sur le quai Malaquais19. Et Adrienne Monnier rue de l’Odéon20. Eh bien, la boutique de Gryphe, à Lyon vers 1530-40, c’était déjà cela. Le rendez-vous des Érasmiens (voyez la prodigieuse série des éditions d’Érasme que publie Gryphe en ces temps) et des humanistes (c’est tout un). Cf dans mon Probl[ème] de l’Incroyance, le texte que j’ai exhumé sur Nicolas Bourbon rentrant de Londres et se ruant dans la boutique de Gryphe pour feuilleter les nouveautés21.
- S’agissant des itinérants, ne pas oublier, dans l’énumération des lieux d’accueil, les grandes abbayes. Ex. dans mes terres, Cluni [sic] (Wenssler)22. Dijon, c’est à dire 1) Le Parlement 2) Cîteaux (Metlinger). St Claude : le Missel de Maillet, qui est établi à Lyon, mais qui est originaire de la terre de St Claude23. Tenir compte d’1 [un] fait : les guerres du XVe s. ont anéanti nombre d’églises, avec les livres liturgiques qui les garnissaient. Plainte des chanoines de Dole en 1505 : depuis la prise de la ville par les Français et leur comportementdigne des nazis (sac et incendie de 1479) ils gémissent et réclament, parce qu’ils n’ont plus « de livres notez … ne aussi d’autres choses nécessaires à chanter matines » – et qu’est-ce qu’un chanoine qui ne chante pas matines?.. (A. D. Jura, G 75). Notez que le Missel de B[esançon] avait déjà été imprimé à Paris en 1497 (le 30 sept.) par N. Dupré24, puis contrefait par Maillet à Lyon (Claudin, IV, 114-15 ; Baudrier XII) et donné (pour masquer la contrefaçon) comme imprimé « à Venise » part ledit M[aillet] qui n’avait cependant pas quitté Lyon une minute. Auparavant, en 1485, à Salins, J. Desprez, Benoist Bigot et Ch. Baudrand, associés, avaient procuré une édition de mon missel in f[olio] à 2 [deux] colonnes25. Ne parlons pas du bréviaire. Tout ceci implique de gros besoins en fait de livres liturgiques à la fin du XVe s., au lendemain des guerres, quand renaît la paix et que les ruines se relèvent. // Etc. Je suis en train de verser dans le détail – et de vous donner l’impression, fausse, que je vous fais des « observations ». Juste ciel non ! Je dis, je répète que j’ai été agréablement surpris par votre travail, son exécution et son allure. Mais après le bien il faut atteindre le très bien, sinon le parfait. Cet Himalaya.
Ne pensez vous pas cher ami qu’il conviendra, à la fin du livre, de faire un bref petit recueil des mots techniques qui ne sont pas d’usage courant ? Passe pour les quaternions, mais quid, lèves. etc.- [Pendant que j’y suis, p. 13, ne faut-il pas lire, ligne 9, de la peille, c. a. d. du chiffon (on dit encore à Toulouse une « vieille peille » et on appelle les chiffonniers des peillarots), plutôt que de la paille qui n’a rien à faire ici ?) Autre vétille : vous dites q[uel]q[ue] part : en Fr[anche] Comté, une papeterie fonctionne à Courcelles26. (je ne retrouve pas le passage)(si, p. 25 du ch. I). Non, pas en Fr[anche] C[omté]. Dans le Comté de M[on]tbéliard qui n’a rien à voir avec la Fr[anche] Comté, étant devenu protestant(luthérien) et ayant pour comtes des Wurtemberg. La papeterie de C[ourcelles] a d’ailleurs été éphémère (1574-1587), ayant été brûlée par les Suisses. Je n’ai pas ici mes notes, qui sont à Paris. De sorte que j’ai dû laisser en suspens 4[quatre] ou 5 [cinq] petites énigmes que vous résoudrez mais que j’aurais résolu pour vous facilement. En tout cas, je conclus.
Tel quel, c’est très réussi. Si nous n’avions pas le gout malheureux de la perfection, nous nous en tiendrions là. Ce que nous ajouterons ne modifiera pas mon jugement. Je suis très, très content et je vous félicite.- Maintenant, vous, allez de l’avant. Et sans trop chercher la petite bête, rédigez. C’est à moi qu’il appartiendra de faire les resserrements et surtout les ajouts nécessaires. Donc, ne vous en occupez pas. Et encore une fois, merci. Cela va très bien. Le livre sera bon, et même très bon. J’ajoute que j’ai écrit à Albin Michel pour sonder ses intentions quant à l’Évolution de l’Humanité. [Les lignes qui suivent sont copiées en travers de la page, dans la marge gauche] Il me paraît impossible qu’Albin Michel ne saisisse pas l’occasion de donner 1 [un] vigoureux coup de barre pour accélérer et redresser la marche de la flotte. Je vous tiendrai au courant sitôt rentré. Je n’ai naturellement aucune intention de reprendre l’Év[olution] de l’Humanité. Dieu non ! Cher ami, encore mes meilleurs vœux, encore merci – et à bientôt.
LF
[P. S. copié en travers du f. 1 r°, dans la marge de gauche :] J’oublie. Vous parlez à diverses reprises de grande industrie, de production industrielle. Soit. Mais il faudra préciser, et je le ferai. Vous dites aussi, q[uel]que part, qu’on ne lisait guère. Erreur à mon sens. Chacun lisait au maximum étant donné le prix des livres (et vous ne dites pas s’il était plus cher au XVIe s. qu’au XXe) et le degré de sa culture. Il y a dans les inventaires de petites gens des livres qui étonnent. LF
[Notes en bas du f. 1 v° :]
(1) C’était le cas d’Érasme. Cf l’article d’Hoyoux27 (et bien d’autres).
(2) Il faudrait d’ailleurs resserrer, ramasser ces données que vous fournissez trop éparses. Je le ferai si vous reculez devant la tâche de le faire.
(3) Jeter un coup d’œil sur les Nommés de Lyon – et sur les indications si précieuses fournies par Baudrier sur l’état financier de ses justiciables (impôts qu’ils paient, etc.).
-12-
LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 14 JANVIER 1955
Papier à en-tête imprimé de l’
École pratique des hautes études,
6e Section
Sciences Economiques et Sociales
Sorbonne
17, Rue de la Sorbonne (odéon 24-13).
1 feuillet dactylographié, recto-verso.
Lucien Febvre donne à Henri-Jean Martin quelques indications pratiques sur la charge de cours à laquelle il a été élu à l’École pratique des hautes études, VIe Section.
Cher ami, pas d’obstacles. Donc, organisez v[otre] cours libre28. Donnez votre titre. Vous ferez cours 54 Rue de Varenne (Centre d’Études historiques). Pour le jour et l’heure, entendez vous avec Mme Schumacher (Tel. Littré 69-73). Commencez quand vous voudrez. Il ne faut pas vous charger trop. Disons donc 10 ou 12 leçons (si vous désirez plus, faites, mais ne vous accablez pas). Calculez votre date d’ouverture en fonction : disons au début de février. 4 en février, 4 en mars //2 en avril après quasimodo. Ne pas dépasser : il y a les examens, concours, etc. Titre, peut être ceci : Le Livre : études d’histoire technique, économique et sociale. Il faudrait pourtant ajouter intellectuelle.
Bien à vous, en hâte.
Lucien Febvre
[dans la marge inférieure, variante de titre : « ou : Histoire du livre : technique, économie, action sociale].
-13-
LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, LE SOUGET, 13 JUILLET 1955
Carte postale manuscrite
Lucien Febvre adresse ses félicitations à Henri-Jean Martin à la suite du mariage de celui-ci29.
Cher Monsieur, toutes mes félicitations, tous mes vœux. Mais si j’avais su ce que votre faire-part m’apprend, j’aurais pu, en 2 [deux] heures de route, aller vous serrer la main à Dijon, car je suis à S[aint]-Amour. Croyez aux vœux bien sincères que je forme pour votre bonheur et pour celui de Madame H.-J. Martin; ma femme se joint à moi pour vous dire nos sentiments de sympathie, d’estime et d’amitié.
Lucien Febvre
-14-
LUCIEN FEBVRE À HENRI-JEAN MARTIN, PARIS, 20 JANVIER 1956
Lettre manuscrite
Lucien Febvre offre son aide matérielle à Henri-Jean Martin30.
Mon cher ami, J’ai donc votre manuscrit en main. Et je vous remercie d’avoir travaillé comme vous l’avez fait. Personnellement, je vais avoir pas mal de travail à faire pour « détendre » un peu le texte, « l’étirer » un peu aussi sur certains points, le rendre plus « ouvert » sur l’histoire générale de la civilisation d’Occident, et considérer enfin, d’ensemble, le rôle et la place du livre dans cette civilisation. Ceci nous mènera, au moins, jusqu’à octobre-nov[embre] prochain. Ce qui impliquerait une sortie du livre en avril [1957].
Or, cher ami, vous m’avez fait confiance. Ce n’est pas une raison pour que vous en pâtissiez ? Je sais les difficultés que connaissent, si courageux sont-ils et si unis, les jeunes ménages. Je le sais comme père de trois jeunes couples, à peu près tirés d’affaire maintenant, mais « à peu près » seulement. Je le sais, et ma femme le sait encore mieux que moi, par les confidences des jeunes Sévriennes. Il serait mal de vous faire attendre le paiement par l’éditeur de cette moitié des droits d’auteur que je vous destine. Laissez-moi donc vous adresser le chèque ci-joint. C’est un « à valoir » sur l’argent qui sera mis à votre disposition par Albin Michel. // Je pense que vous serez content de recevoir cette petite somme au moment où vous connaissez tout ce qu’entraîne de dépenses un établissement. N’hésitez pas le cas échéant à vous ouvrir à nous (je dis bien à nous) de vos difficultés. Nous avons beaucoup pensé à vous, et si nous parvenons à vous trouver un gîte possible (ce qui n’est pas tout à fait exclu) nous vous ferons signe aussitôt. Vous savez que je ne goûte pas l’indiscrétion. Mais aider quelqu’un qu’on estime à se dégager de ses premières obligations d’homme et bientôt je pense de père de famille – ce n’est pas de l’indiscrétion.
Je vous ferai signe pour que nous parlions de votre m[anu]s[crit]. En attendant, mes hommages à Madame Martin, et une cordiale poignée de mains pour vous.
Lucien Febvre
Le 20 I 1956
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1 Febvre avait été élu en 1949 à l’Académie des Sciences morales et politiques.
2 Henri-Jean Martin, « L’édition parisienne au XVIIe siècle : quelques aspects économiques », dans Annales ESC, 1952, pp. 309-319. Sur la rencontre de Febvre et de Martin et sur le récit par ce dernier de la manière dont L’Apparition du livre a été engagée, voir Henri-Jean Martin, Les Métamorphoses du livre. Entretiens avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob, Paris, Albin Michel, 2004, pp. 54 et suiv. (« Itinéraires du savoir »).
3 François de Dainville (1909-1971), S. J. « D’aujourd’hui à hier : la géographie du livre en France de 1763 à 1945 », dans Le Courrier graphique, 50 (janv.-fév. 1951), pp. 43-52 ; 51 (mars-avr. 1951), pp. 33-36.
4 Henri Berr (1863-1954).
5 Le P. Wiriath, ancien étudiant de Febvre à Strasbourg, auteur d’une brève étude sur « Les rapports de Josse Bade Ascensius avec Érasme et Lefèvre d’Étaples » (BHR, 1949, XI, p. 66-71).
6 Albin Michel.
7 Paul-Henri Michel (1894-1964), fils du directeur de la Bibliothèque d’Amiens et élève du germaniste Charles Andler, spécialiste de l’édition italienne de la Renaissance. Docteur d’État avec une thèse sur Alberti, il terminera sa carrière comme bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine.
8 e manuscrit.
9 Dans sa maison de vacances du Souget à Saint-Amour.
10 Adresse de Febvre à Paris.
11 Henri-Jean Martin avait les passé les mois de mai-juin 1953 comme pensionnaire de la Maison Descartes.
12 Le Souget est un petit ruisseau, principal affluent de la rivière du Besançon.
13 Febvre fait ici allusion au décès du père d’Henri-Jean Martin, survenu en août 1954. Voir Henri-Jean Martin, Les Métamorphoses du livres, ouvr. cité, p. 58.
14 Une note manuscrite d’Henri-Jean Martin indique qu’un premier ensemble de chapitres rédigés a été remis par lui à Febvre en octobre 1954. C’est de ce « gros paquet de chapitres » qu’il s’agit ici.
15 Chapitre IV : « Le livre, cette marchandise » ; chapitre V : « Le petit monde du livre ».
16 Febvre n’hésite pas à placer sur le même plan figures de roman et personnages historiques. Monsieur Bergeret est un personnage central de la série de romans écrits par Anatole France sous le titre d’« Histoire contemporaine », avec L’Orme du mail, Le Mannequin d’osier, L’Anneau d’améthiste et Monsieur Bergeret à Paris. Le professeur Bergeret est l’un des notables de la petite ville où se déroule L’Orme du mail, dont les notables cultivés se retrouvent quotidiennement à la librairie Paillot. Celle-ci est installée dans une maison ancienne, le père du libraire était lui-même libraire de l’archevêché sous le Second Empire, et les archéologues et « antiquaires » familiers de la boutique publient aussi des études et des brochures dont ils discutent. Paillot fait, à côté de la librairie moderne, le commerce de l’occasion, et c’est dans le « coin sombre des bouquins » que se retrouvent les bibliophiles et amateurs de la région – M. de Terremondre, président de la Société d’agriculture, Me Dutilleul, notaire, sans oublier le docteur Fornerol et le professeur Bergeret : « Il s’abattit sur une des trois chaises de paille qui, placées dans le coin des bouquins, assuraient à la librairie Paillot la renommée d’une hospitalité littéraire, docte, polie, académique (…). M. Bergeret était une des trois chaises académiques de la maison Paillot, et le plus assidu causeur du coin des bouquins… »
17 Lui-même fils d’un principal de collège, le père de Lucien, Paul Febvre, est ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de grammaire et professeur au lycée de Nancy.
18 A Nancy, la librairie Sidot frères combine librairie proprement dite et édition savante régionaliste, publiant par exemple le Coup d’œil sur les bibliothèques des couvents du district de Nancy pendant la Révolution de Février en 1883.
19 Quai Malaquais (où exerçait le père de France), Honoré Champion est le libraire de l’érudition, de la philologie et du régionalisme – l’un des fils du libraire entrera à l’École des chartes –, et sa boutique est décrite comme une « librairie de chaises » par les amateurs parisiens. Voir Frédéric Barbier, « Pour une anthropologie culturelle des libraires : note sur la librairie savante à Paris au XIXe siècle », dans Histoire et civilisation du livre. Revue internationale (Genève, Librairie Droz), 2009, 5, pp. 101-120, ill.
20 Chez Adrienne Monnier, 7 rue de l’Odéon, il s’agit d’un tout autre milieu que dans les cas précédemment évoqués par Febvre : « La Maison des amis des livres » ouverte en 1915 propose conjointement cabinet de lecture et librairie proprement dite, et s’impose comme l’un des rendez-vous des écrivains parisiens des années 1920 – Aragon, Walter Benjamin, Gide, Simone de Beauvoir, Sartre, sans oublier James Joyce, venu de « Shakespeare et Cy », juste en face. Le succès, qui ne se dément pas durant tout l’entre-deux-guerres, impose le terme d’Odéonie pour désigner cet espace spécifique de la ville qui est devenu aussi un espace de sociabilité littéraire : « Pour n’être que… sentimentale, [cette] concurrence (…) agaçait fort les bureaux de la NRF. Car Valéry, Claudel, Gide, Schlumberger, Fargue, Larbaud et beaucoup d’autres (…) aimaient bien cette boutique où, grâce à sa bibliothèque de prêt modèle, ils pouvaient être en rapports directs avec leurs lecteurs, rapports hors commerce et « sans salades », ce qui n’était pas toujours le cas en d’autres lieux… » (Maurice Saillet, cité par Laure Murat, Passage de l’Odéon. Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l’entre-deux-guerres, nelle éd., Paris, Gallimard, 2005).
21 Lucien Febvre, Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, nelle éd., Paris, Albin Michel, 1974, p. 52.
22 Michael Wenssler imprime à Cluny un bréviaire et un missel en 1492 et 1493.
23 Jacques Maillet, imprimeur à Lyon.
24 C. 4097.
25 Missale Bisuntinense, Salins, Jean Du Pré, Benoît Bigot et Claude Bodram, 1485 (C 4096).
26 Courcelles, canton d’Audincourt (Doubs), à un kilomètre de Montbéliard.
27 Jean Hoyoux collabore à l’édition de la Correspondance d’Érasme traduite en français. Febvre fait probablement allusion à son article sur les « Les moyens d’existence d’Érasme », publié dans la BHR, 5, 1944.
28 Henri-Jean Martin est nommé chargé de conférences à l’École pratique des hautes études (VIe Section) en 1955.
29 Voir Henri-Jean Martin, Les Métamorphoses du livres, ouvr. cité, p. 58.
30 Voir Henri-Jean Martin, Les Métamorphoses du livres, ouvr. cité, p. 58.