Peter R. Frank, Johannes Frimmel, Buchwesen in Wien 1750-1850. Kommentiertes Verzeichnis der Buchdrucker, Buchhändler und Verlerger
Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2008, XVIII-299 p., cartes, ill., 1 CDRom (« Buchforschung. Beiträge zum Buchwesen in Österreich », 4). ISBN 978-3-447-05659-5
Frédéric BARBIER
Nouans-les-Fontaines
Les développements d’Internet et des bases de données informatiques ne semblent pas mettre de frein aux publications de répertoires biographiques spécialisés sous la forme classique de livres imprimés (dans le cas du présent volume, avec complément sur CDRom), du moins hors de France. L’ouvrage de Peter R. Frank et de Johannes Frimmel est le quatrième de la série consacrée à l’histoire du livre dans l’Autriche ancienne, et il propose un répertoire biographique des « hommes du livre » ayant exercé à Vienne entre le milieu du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle. Le choix de cette chronologie est parfaitement justifié, dans la mesure où il s’agit de la période où la « librairie autrichienne » se met effectivement en place, notamment en se dégageant de la concurrence proprement allemande. Franz Gräfer confirmera, à l’article « Librairie » de la Österreichische National Enzyklopädie de 1835 : « un commerce organisé du livre ne commença en Autriche qu’avec le règne de l’impératrice Marie-Thérèse ». Le résultat de la politique à la fois éclairée et mercantiliste de Marie-Thérèse (1740-1780) et de Joseph II (1780-1790) est spectaculaire : Vienne, quarante-troisième ville allemande d’édition au milieu du XVIIIe siècle (pour le nombre de titres annoncés dans les Catalogues de foires), est passée au troisième rang en 1800, derrière Leipzig et Berlin. La période voit aussi les débuts de l’industrialisation de la branche, qui imposera à terme Vienne comme une des capitales de la librairie européenne.
L’introduction donne rapidement le cadre général de l’enquête : après un bref tableau de la situation de la « librairie » dans la monarchie des Habsbourg, les auteurs présentent leur projet d’une description topographique détaillée par régions et dans laquelle la capitale impériale occupe logiquement la première place. Le cadre des fiches biographiques est normalisé, et l’information exploitée est principalement d’ordre bibliographique (sources imprimées et bibliographie secondaire). Le dictionnaire alphabétique lui-même occupe les pp. 1-222, et il est suivi par une liste des imprimeurs en taille-douce (Kupferdrucker) ; par une liste des émigrés établis dans la « librairie » viennoise (des Allemands, des Italiens, des Tchèques, des Hongrois, etc.27) ; enfin, par une bibliographie détaillée. A la fin du volume sont insérés des jeux d’index particulièrement détaillés : index des noms de personnes et des raisons sociales (Personen- und Firmenregister), index des noms de lieux (Ortsregister) ; index des périodiques, almanachs et calendriers (Register der Periodika, Almanache und Kalender) ; index matières (Sachregister) reprenant les principaux types de publications (par ex. les périodiques, Periodika), les principaux sujets des livres (par ex. les dictionnaires, Wörterbücher), les différentes fonctions rencontrées dans la branche (par ex. les colporteur, Hausierer), les langues de publication, etc. L’ouvrage se ferme sur un bref tableau chronologique de 1740 (début du règne de Marie-Thérèse) à 1859 (fondation de l’Association des libraires autrichiens, Verein der Österreichischen Buchhändler).
Nous retrouvons au fil des pages des noms connus de la librairie européenne des Lumières : la maison Artaria est fondée en 1770, et elle est particulièrement active dans le domaine de la musique et des estampes – Artaria publie Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Rossini ; les frères Gay sont établis à Vienne, mais aussi à Paris et à Strasbourg, et plus tard en Pologne et en Russie ; sans oublier bien entendu l’omniprésent Johann Thomas von Trattner… Une des caractéristiques les plus apparentes du milieu viennois réside dans la capacité de la capitale à attirer de nouveaux venus, à les intégrer et à leur offrir, parfois, des chances réelles de s’imposer à la tête de leur profession. On mentionnera la Lombardie et la région du lac de Côme, d’où viennent notamment les Artaria. Conrad Adolf Hartleben est né à Mayence, et il décédera à Budapest, sans parler des émigrés de plus en plus nombreux venus des provinces slaves – de la Bohème à la Silésie et à la Galicie. Un CDRom fournit en fichier PDF, donc très facile à charger sur un disque dur, l’ensemble des données disponibles, et dont seule une partie est présentée sous forme imprimée. Le répertoire de Peter R. Frank et de Johannes Frimmel est ainsi destiné à s’imposer comme un manuel non seulement pour les historiens du livre, mais aussi pour les spécialistes d’histoire intellectuelle, voire de l’histoire de l’Europe au cours de cette période charnière.
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27 Mais aussi une dizaine de noms français, originaires d’Alsace et de Lorraine. La notice du Parisien Delalain paraît correspondre à une fausse adresse.