Reconstruction des pratiques plurilingues d’un aristocrate des Lumières à partir de sa bibliothèque et de ses écrits
Claire MADL
Bibliothécaire du CEFRES (USR 3138 CNRS-MAEE, Prague), docteur de l’EPHE
La question de la langue constitue un angle d’approche des plus fertiles pour l’histoire culturelle et cela est particulièrement vrai pour les pays de la monarchie des Habsbourg où la construction d’un État cohérent1 à partir d’entités aussi différentes que l’Autriche, les pays tchèques, la Hongrie ou la Croatie eut forcément affaire à elle. A l’intérieur des États des Habsbourg, le cas de la Bohême retiendra l’historien du livre par la discontinuité du contexte linguistique. Tandis que la proportion d’incunables imprimés en langue tchèque (39 sur les 44 connus pour la Bohême) témoigne de la vitalité de cette langue, encore renforcée par la large diffusion de la Réforme, la langue tchèque disparaît quasiment du monde de la haute culture à la faveur de la reconquête catholique menée au XVIIe siècle. Le livre tchèque, le livre en tchèque surtout, devient suspect2. Le tchèque perd aussi en importance avec la suppression des écoles protestantes et de l’université utraquiste (1622). Au XVIIIe siècle, le latin occupe une position de quasi-monopole sur l’expression de la haute culture, concurrencé, plus on avance dans le siècle, par l’allemand, mais selon des rythmes différents en fonction des domaines du savoir. Or le dernier quart du XVIIIe siècle connaît un retrait de l’emploi du latin, l’extension de celui de l’allemand (en particulier dans l’enseignement) et un retour progressif vers l’étude de la langue tchèque. Outre la naissance de la slavistique, des pièces de théâtre, des publications en langue tchèque, d’histoire ou de lettres voient le jour, et un journal en tchèque est imprimé : progressivement, la langue imprimée devient un trait de définition d’une nation comprise comme une entité ethnique et non plus seulement politique, à savoir le royaume de Bohême.
Les pratiques linguistiques de la noblesse sont très variées. L’italien est incontournable à la cour autour de 1700, mais il y est supplanté ensuite par le français. Ces langues concurrencent l’allemand, qui s’impose dans l’administration. Il est certain que, dans l’aristocratie de Bohême, la conscience d’une nation comme communauté linguistique et ethnique mit plus de temps à « absorber celle d’une nation juridico-politique »3. L’indifférence des nobles à la question linguistique, qui devient au contraire primordiale pour la bourgeoisie, jouera un rôle important dans le malentendu entre la noblesse et le mouvement national tel qu’il évoluera au XIXe siècle. Au XVIIIe siècle, les aptitudes linguistiques des nobles sont donc plurielles, ce dont témoigne la composition de leurs bibliothèques. Bénéficiant d’un marché du livre largement ouvert, peu ou pas gênés par la censure, les nobles accueillent dans leurs collections des ouvrages venus de toute l’Europe, en latin, en allemand, en français, en italien mais aussi en anglais. Mais la seule accumulation de livres ne renseigne que peu sur la pratique effective de la lecture et sur la pratique des langues : il faut se livrer à une véritable archéologie de la collection pour atteindre cette dernière. Nous nous proposons de la confronter à des sources multiples pour envisager si, malgré la variété des pratiques, une certaine caractérisation de chaque idiome eut cours dans la noblesse alors que se construisaient de nouvelles représentations mentales concernant les langues.
LES LANGUES DANS LA BIBLIOTHÈQUE
La bibliothèque que nous étudierons est celle d’une famille de la noblesse de Bohême, les Hartig. Deux personnages sont à l’origine de la totalité du fonds d’imprimés du XVIIIe siècle (9500 volumes)4. Le premier collectionneur de livres est Adam Franz Hartig (1729-1783), diplomate en Empire de 1765 à sa mort, ambassadeur de Marie-Thérèse puis de Joseph II d’abord à la Diète perpétuelle de Ratisbonne, puis auprès de l’électeur de Bavière et des cercles et électeurs du sud de l’Allemagne. Le second est son fils, Franz Anton (17581797), ambassadeur de l’Empereur à la cour de Saxe de 1788 à 1794, mais aussi troisième président de la Société des sciences de Bohême, et auteur d’ouvrages de belles lettres en français5, d’un récit de voyage6, d’une histoire de l’agriculture en allemand7 et de petits travaux d’histoire naturelle. Sa personnalité se prête ainsi particulièrement bien à l’étude des pratiques linguistiques à partir des imprimés de sa bibliothèque, et des siens propres. Constituée avec plus de pragmatisme que de système, aussi bien pour occuper les loisirs de l’aristocrate que pour lui fournir un outil performant de travail, la collection d’imprimés anciens que les deux comtes de Hartig constituèrent se distingue par la « contemporanéité » de ses ouvrages, puisque la grande majorité date du dernier tiers du XVIIIe siècle. Sans orientation bibliophilique, elle n’a pas été constituée non plus avec un grand souci d’ostentation. La plupart des ouvrages sont reliés de veau, les plats ne portent pas d’armoiries, les tranches ne sont pas dorées, les petits formats dominent très largement. Malgré cela, on avait chez les Hartig un certain respect pour l’objet livre et les marques de lecture sont toujours discrètes ou le plus souvent absentes, même lorsque les écrits témoignent de ce que le livre a été lu.
Un fonds bilingue
La répartition par langues est le fruit de la « modernité » du fonds. Seuls 5% des volumes sont en latin. C’est le droit qui est le plus marqué par le latin (25% environ), mais le latin est aussi la langue dans laquelle on lit relativement plus souvent les lettres et l’histoire antiques. L’allemand et le français arrivent ensuite à parts égales, avec respectivement 47 et 45% des ouvrages. Il ne reste plus que 2% pour l’italien et 1% pour l’anglais. Cette répartition linguistique est remarquable par rapport à la majorité des bibliothèques aristocratiques de Bohême, où la part des livres en français semble moins élevée, même pour le XVIIIe siècle – mais nous ne disposons pas d’études précises sur la plupart des bibliothèques de l’époque8. Bien que Franz Anton Hartig ait bénéficié de l’enseignement d’un abbé bénédictin écossais9 qui lui transmit une certaine connaissance de l’anglais, et malgré un séjour en Angleterre, la très faible proportion de livres en anglais remet en question la pratique de cette langue par Hartig. D’un côté, il semble qu’il n’ait pas entretenu une aptitude de jeunesse dont on trouve trace dans le récit de son voyage et qui le placerait parmi les nobles les plus « progressistes » de son temps10. Mais ce fait témoigne aussi de l’utilité que la bibliothèque a pour lui : il ne collectionnait pas des ouvrages dont il ne maîtrisait pas suffisamment la langue. Ainsi trouve-t-on un certain nombre de traductions de l’anglais en français (1 1 vol.) ou en allemand (61 vol.)11. Nous reviendrons sur cette question.
La présence de traductions entre le français et l’allemand ne s’explique pas par une aptitude linguistique qui donnerait la préférence à l’une ou l’autre de ces deux langues, mais reflète plutôt des mouvements culturels plus généraux à la portée desquels se trouvaient les Hartig : 14 volumes sont traduits de l’allemand en français contre 60 en sens inverse, dans cette époque de large réception de la production littéraire française en Allemagne. Nous nous arrêterons sur le domaine à l’intérieur duquel la répartition linguistique est la plus contrastée selon ses différents rayons : les belles lettres permettent en effet d’affiner notre reconstruction des pratiques et des représentations liées à la langue. C’est en outre un des domaines, où Franz Anton Hartig fut le plus actif.
Répartition thématique et linguistique de la bibliothèque des Hartig (%)
Allemand | Français | Latin | Anglais | Italien | Ensemble | |
Religion | 35 | 50 | 15 | 6 | ||
Droit | 65 | 11 | 23 | 13 | ||
Belles-Lettres | 29 | 63 | 3 | 5 | 1 | 26 |
Histoire | 47 | 48 | 5 | 26 | ||
Sciences & Arts | 55 | 42 | 2 | 26 | ||
Divers | 60 | 35 | 4 | 1 | 3 | |
Ensemble | 47 | 45 | 5 | 1 | 2 | 100 |
Le bilinguisme dans le fonds de linguistique
Les ouvrages de linguistique, aussi bien les dictionnaires que les traités plus théoriques, sont relativement peu nombreux (à peine 5% des belles-lettres), mais nous permettent, comme préalable, de cerner les intérêts et la pratique des langues chez les Hartig. Les ouvrages concernant le français sont au nombre de seize titres, contre quinze pour l’allemand. Deux dictionnaires sont francoallemands. L’anglais est concerné par treize titres tandis que le latin n’en a que quatre, comme l’italien et le tchèque. Notons la présence d’un ouvrage, aujourd’hui disparu de la bibliothèque, et propre à la Bohême : un dictionnaire « jüdisch-deutsch » édité à Prague en 178012.
A première vue, ces deux générations se sont donné les moyens de maîtriser l’allemand, le français et l’anglais. Parmi les quatre ouvrages « latins » cités se trouve tout d’abord un dictionnaire de Trévoux, que l’on ne semble pas avoir jugé utile de renouveler dans une édition postérieure. En huit volumes, fort réputé, il fournissait un instrument de travail appréciable, qui nous est parvenu sans doute en partie grâce à son étendue13. Les trois autres titres, pédagogiques, ont été publiés à un grand intervalle l’un de l’autre, ce qui laisse présager que l’apprentissage du latin se faisait le plus souvent à partir de textes tirés de monographies ou de recueils sans caractère linguistique ou pédagogique particulier. Leur choix, leur lecture et leur exploitation pédagogique (analyse, traduction et imitation) reposaient en grande partie sur la responsabilité du précepteur. La connaissance du latin est beaucoup moins facile à cerner d’après ce seul fonds. Un détail toutefois permettra d’en situer la pratique. Nous disposons de deux traités pédagogiques « pratiques », c’est-à-dire contenant des textes pour l’enseignement des langues : l’un pour le latin, l’autre pour le français. Le latin est proposé à partir de sermons14, tandis que le français l’est à partir de comédies15. Un aperçu des contextes sociaux d’utilisations des langues est ici décelable.
L’analyse de la répartition chronologique des éditions des ouvrages concernant les trois langues principales offre une image différenciée de la pratique de celles-ci. Les dictionnaires et traités de français sont répartis assez régulièrement tout au long du siècle. Huit datent d’avant 1760, sept sont postérieurs à cette date, le plus ancien date de la fin du XVIIe siècle et témoigne de l’ancienneté de la maîtrise du français dans la famille. A l’opposé, les ouvrages concernant l’allemand sont tous, sauf un, postérieurs à 1770. Les traités théoriques sur la langue sont ici plus nombreux que les grammaires, lesquelles viennent tard dans le siècle, avec par exemple deux manuels d’Adelung16. Certains titres, à la frontière entre linguistique et littérature, témoignent de l’intérêt croissant pour le renouveau de la langue et de la littérature allemandes dans les milieux lettrés17. La réception de ces débats et l’enthousiasme pour les belles-lettres allemandes en Bohême sont manifestés par la présence de l’ouvrage de Karl Heinrich Seibt18, qui symbolisa les lettres allemandes dans les milieux pragois à tel point que bien parler allemand se disait « parler Seibtisch »19.
Les titres concernant l’anglais sont tout à fait particuliers. Tous sauf deux20 ont été publiés entre 1768 et 1781. Ils concernent donc directement la jeunesse de Franz Anton Hartig et l’intérêt dont ils témoignent paraît éphémère par rapport à celui dont bénéficiaient les autres langues. L’anglais ne semble pas avoir fait partie des tout premiers apprentissages de ses fils.
Langues intermédiaires
Hormis pour l’allemand et le français, les manuels sont souvent rédigés dans une autre langue que celle qu’ils enseignent. Pour l’italien, on trouve en effet deux manuels en français et deux en allemand. Pour l’anglais, c’est le français qui est la langue intermédiaire, avec en particulier les grammaires et dictionnaires d’Abel Boyer, que l’on trouve dans plusieurs éditions successives21. Seuls deux traités sont en anglais même. Aucun dictionnaire ni aucun traité de langue anglaise n’est en allemand. Pour le latin, lorsque les manuels ne sont pas rédigés dans cette langue, c’est le français qui est utilisé, jusqu’à l’achat d’un manuel en allemand édité en 1797, et donc destiné aux enfants de Franz Anton Hartig22. Le français est ainsi la langue d’apprentissage des langues pour Franz Anton Hartig, seul le tchèque étant présenté en allemand. Plus que du manque de publications en allemand disponibles sur le marché, ce fait témoigne de la pratique quotidienne du français, notamment dans le cadre des apprentissages fondamentaux, dans la jeunesse. La présence de deux seuls dictionnaires francoallemands, édités l’un en 168323, l’autre en 179724, pourrait attester encore une fois d’un véritable bilinguisme25. Plus sûrement, c’est le fait que les traités concernant les deux langues soient rédigés en grande majorité dans leur idiome respectif qui nous conforte dans cette opinion.
La complexité des flux entre France et Allemagne et la position particulière de la bibliothèque, à leur carrefour, sont manifestées par certains titres. On trouve par exemple trois manuels concernant le français et publiés en milieu germanophone – que ce soit en allemand ou en français, à Vienne ou à Berlin26 – contre un seul titre français concernant l’allemand, et encore de façon indirecte27. L’attrait du français est ici confirmé. On trouve aussi des dictionnaires multilingues, le français et l’allemand étant associés au latin dans un recueil assez ancien28 et à l’anglais dans un dictionnaire de 180029, lequel témoigne de l’évolution sur la longue durée d’un phénomène culturel majeur : l’émancipation des lettres mais aussi des apprentissages en général par rapport au latin30. La « Respublica litteraria » n’est-elle pas devenue « République des lettres », « Gelehrtenrepublik » et « Republic of Learning »?31 Le fait que ces intermédiations linguistiques entre milieux germanophones et francophones soient finalement peu représentées confirme encore le bilinguisme du milieu où se situent les Hartig.
Une bibliothèque au carrefour : les langues dans le fonds des belles-lettres
Nous pouvons envisager le domaine des belles-lettres selon des catégories linguistiques, puisqu’il est le seul que le catalogue même du XVIIIe siècle32 répartisse par langues : si les romans sont rassemblés en un seul volume, la poésie et le théâtre sont classés à part selon s’ils sont allemands ou français.
Le roman un rayon français ? En nombre de volumes, les trois-quarts des romans sont en français et la fiction allemande n’en représente que 20%, le reste étant surtout dévolu à l’anglais. En nombre de titres, il est vrai que l’écart diminue. Le roman français est matérialisé dans des ouvrages de petite taille et d’épaisseur modeste, ce qui multiplie le nombre de volumes. Les Liaisons dangereuses33 sont éditées en quatre tomes. Les tomaisons multiples semblent aussi à la mode que les titres doubles (Louise ou La Chaumière dans les marais34, Les Sultanes de Guzarate, ou Les Songes des hommes éveillés, contes mongols35). Est-ce par recherche du gain de la part du libraire, ou par souci de discrétion pour le lecteur ? Le roman, le plus souvent, se met à la poche, comme celui involontairement emprunté par ce jeune lecteur en 1760 :
Je crains que l’on ne le croira pas et que vous ne pourrez pas imaginer que j’ai mis le livre en poche dans l’idée que c’étoit du chocolat. C’est pourtant exactement la vérité…36
Principaux domaines des Belles-lettres selon la langue
Nombre de vol. | Fiction | Théâtre | Poésie |
Allemand | 118 | 160 | 92 |
Anglais | 23 | 9 | 23 |
Français | 420 | 287 | 158 |
Italien | 5 | 107 | 34 |
Latin | 0 | 2 | 102 |
% du fonds | 27 | 26 | 20 |
La plupart des grands auteurs de romans ont été achetés non seulement sous la forme d’œuvres complètes, la renommée rendant l’achat indispensable pour une bibliothèque de cet ordre, mais aussi au fur et à mesure de leur publication, ou du moins, un ouvrage après l’autre, ce qui témoigne d’un intérêt suivi et non a posteriori. C’est le cas notamment avec Voltaire, puis avec Marmontel, Le Sage, Prévost d’Exiles, Rétif de la Bretonne, etc. Wieland sera aussi collectionné régulièrement. L’accès aux grands auteurs est donc direct et immédiat aussi bien du côté français qu’allemand.
Le théâtre qui se lit, le théâtre qui se joue. Tout aussi bien représenté dans la bibliothèque que les romans, le théâtre atteint plus d’un quart des belles lettres. Le théâtre français occupe la première place, avec 50% des titres, ce qui est tout de même moindre que pour le roman (75% des titres). Le théâtre allemand représente 28% du fonds. Vient ensuite l’italien, avec 17% des pièces. Si l’art dramatique semble être le seul domaine où l’italien est vraiment présent, encore est-il entièrement monopolisé par deux auteurs : Métastase et Goldoni, tous deux collectionnés dans plusieurs éditions sérielles de leurs œuvres (trois séries de trois, sept et neuf volumes pour Métastase, trois séries de huit, neuf et dix volumes pour Goldoni). Le théâtre italien dans la bibliothèque des Hartig renvoie plus à l’image d’un patrimoine qu’il ne reflète une lecture suivie : posséder ces deux monuments de la littérature européenne s’imposait pour accéder à une culture partagée. Leurs pièces ne sont pas achetées séparément. On retrouve sans doute ici trace de ce qui fait de l’italien une langue de cour dont l’appropriation n’est pas indispensable.
La caractéristique de la majeure partie du fonds d’art dramatique est au contraire qu’elle donne à lire un intérêt constant pour le théâtre joué. Les pièces sont achetées individuellement, et les collections d’auteurs viennent les compléter. C’est un fonds vivant, qui nous permet parfois de suivre les Hartig dans leurs déplacements durant plusieurs décennies grâce aux lieux d’édition des pièces. Ainsi apparaît une concentration d’adresses parisiennes autour de l’année 1760, qui correspond à la présence d’Adam Franz Hartig (le père) alors dans cette ville. Plus nettement, son fils Franz Anton n’achète presque aucune pièce de théâtre éditée à Dresde avant son arrivée à cette cour en 1788 en tant qu’ambassadeur, fonction pour laquelle la participation aux spectacles publics est une obligation. Deux pièces ont dû être achetées lors d’un passage à Hanovre, l’hiver 1795-179637.
Les auteurs dramatiques contemporains sont représentés par leurs œuvres individuelles qui viennent s’ajouter à leurs éditions regroupées. Côté français, outre Voltaire et Beaumarchais, on trouve Dorat et Crébillon père. Côté allemand, Goethe (avec Götz de Berlichingen) et Schiller (avec Dom Carlos, Marie Stuart et Guillaume Tell ) viennent représenter le drame historique – avec d’ailleurs certains de leurs imitateurs38. Mais il faut bien avouer que les prolixes Kotzebue et surtout Iffland (cinq pièces et une collection d’œuvres) sont mieux représentés, avec leurs drames bourgeois. Tous font ensuite l’objet de recueils. Lessing ne figure pas autrement dans le fonds, et c’est ainsi que sont représentés les auteurs plus anciens, notamment français avec Pierre et Thomas Corneille (le premier en quatre recueils successifs), Racine (deux recueils), Molière mais aussi Destouche ou Marivaux, qui n’ont pas d’édition séparée et donnent l’impression d’être moins souvent « vus » que « lus ». Soulignons la présence des dernières éditions39 et traductions40 des œuvres de Shakespeare.
La poésie au plus près des textes. La poésie, troisième domaine principal des belles lettres, est aussi le genre où la répartition par langues est la plus régulière. Les Français ne représentent plus que 38% des poètes. Le latin devance l’allemand, avec 24% des volumes contre 22%, ce qui fait figurer la poésie comme le domaine le plus imprégné par les auteurs antiques.
La dichotomie opérée pour le théâtre et pour les romans entre recueils d’œuvres et éditions séparées n’est pas adaptable à la poésie et ne nous permet pas de peser l’intérêt des Hartig pour ce domaine. Le corpus, disséminé, autorise cependant quelques remarques susceptibles de le caractériser. L’intérêt pour la poésie se manifeste par la présence d’ouvrages en langue originale, même lorsque celle-ci n’est pas très représentée dans les autres domaines. C’est le cas de la poésie anglaise, comme nous l’avons déjà mentionné. Homère est en grec, contrairement à Sophocle, par exemple. Cette importance accordée au texte ne va pas jusqu’à la recherche d’éditions rares, de belle apparence ou simplement sûres. Les Hartig sont au contraire bons clients des contrefacteurs. Ainsi possèdent-ils par exemple, au rayon de la poésie, les Fables de La Fontaine, dans une contrefaçon in-8 que réalisa Walther de Dresde sur l’édition de Briasson. Du même auteur, les Contes sont présents dans une contrefaçon in-12 portant l’adresse de Londres, qui copie les gravures de l’édition prestigieuse réalisée aux frais des fermiers généraux41.
Ici aussi se côtoient les auteurs majeurs et ceux qui n’ont pas atteint la postérité. Grécourt, Thomas, Dorat, Delille sont tout aussi bien représentés que les classiques français tels Marot, Racan, La Fontaine, et surtout Boileau42. Du côté allemand, de même, Goethe, Schiller, Klopstock, Gottsched, Gellert et Gessner, Haller mais aussi Johann Heinrich Voss, Friedrich v. Hagedorn sont présents en éditions séparées. Comme pour les autres domaines des lettres, la vue sur la poésie française est profonde dans le temps. Elle dépasse la connaissance des seuls contemporains.
Si les classiques latins représentent un quart du rayon de la poésie, c’est qu’ils figurent aussi dans leurs diverses traductions, dont celles en français sont les plus nombreuses. Six Horace en latin, par exemple, contre sept en français et deux en allemand. Virgile figure cinq fois en latin, contre trois en français et deux en allemand. Ovide n’a que trois éditions en latin, mais quatre en français et trois en allemand. L’observation des traductions permet d’aborder la question de la position particulière de la bibliothèque au sein de l’Europe littéraire. Nous avons vu la fonction d’intermédiaire du français pour l’apprentissage des langues, mais la collection permet aussi de situer la Bohême au sein des mouvements des œuvres littéraires : il est possible d’observer les lieux et le sens des traductions des ouvrages parvenus chez un lecteur qui maîtrise le latin, le français et l’allemand, qui a une certaine connaissance de l’anglais, sans doute aussi de l’italien, et qui dispose de sources élargies d’approvisionnement43.
Les lettres dans leurs traductions
Le fonds de lettres compte soixante-dix traductions seulement (sur plus de mille titres), pour la plupart à partir de langues anciennes (28). Lorsqu’elles sont traduites, ces dernières le sont deux fois plus souvent en français qu’en allemand. Les Hartig collectionnent les traductions contemporaines célèbres, comme celle des Géorgiques en français par Jacques Delille44 et des œuvres de Plutarque, en français, par André Dacier45, sans toutefois rechercher des éditions originales ni particulièrement soignées, comme le montrent ces deux derniers ouvrages de réalisation modeste. Cette lecture est donc plus celle de l’amateur de poésie que celle de l’érudit. De même, pour les traductions allemandes, nous avons l’Énéide traduite par Gottsched46. Les quelques autres traductions sont toutefois souvent des éditions des années 1790 à but pédagogique, achetées sans doute à l’intention de l’enseignement des enfants.
Bien qu’il soit difficile, vu l’étroitesse de l’échantillon considéré, de tirer quelque conclusion que ce soit, il se trouve nettement plus de traductions du français vers l’allemand qu’en sens inverse, ce qui confirme le mouvement général d’intérêt pour la littérature française. Les Hartig ont Le Mariage de Figaro en allemand seulement, joué et édité l’année même de la création de la pièce en France47. Autre livre contemporain (tout aussi célèbre que futile) et traduit : le Livre à la mode de Caraccioli48. En outre, apparaissent souvent des traductions d’auteurs francophones actifs en Allemagne, Frédéric II, bien sûr, ou le baron de Bar, que Hartig possède en français et en allemand. Parmi les traductions de l’allemand confirmant la francophonie de la famille et de son milieu, Gessner49 et Gellert50 eux-mêmes semblent avoir été lus par les Hartig en français d’abord, puisque les éditions allemandes qu’ils possèdent sont postérieures aux françaises.
Les traductions de l’anglais sont plus nombreuses en français qu’en allemand. Les auteurs apparaissant dans les deux langues sont le romancier Smolett et Edward Young avec ses fameuses Nuits, présentes en cinq exemplaires et trois langues. Dans les deux langues sont aussi traduits – parfois par des femmes – les romans écrits par des femmes51. Shakespeare fait figure d’exception, car il est présent dans sa traduction allemande seulement, sans doute celle de Wieland52. L’absence des traductions françaises disponibles au XVIIIe siècle s’expliquerait par la renommée du traducteur allemand, mais aussi par la réception réservée à Shakespeare, moins ambiguë dans les milieux littéraires allemands que français.
Au total, c’est le petit nombre de traductions qui est le trait saillant des belles-lettres chez Hartig. Il vient confirmer une des caractéristiques du marché du livre en milieu allemand, lequel est plus ouvert aux publications en langues étrangères vivantes originales qu’aux traductions53. Bien que les traductions des langues anciennes restent minoritaires par rapport aux éditions des lettres latines originales, elles sont plus souvent présentes que les traductions de langues vivantes. Cette caractéristique semble propre aux belles-lettres et aux goûts de l’aristocratie54. Les ouvrages traduits, de plus, figurent en principe aussi en version originale dans la bibliothèque des Hartig. Dans les cas de Gessner et de Gellert, on juge utile d’avoir leurs textes dans les langues les plus en usage. Ainsi, un attachement aux qualités du texte lui-même est-il manifeste dans le rayon des belles-lettres, même si l’on ne dénigre pas les traductions miimitations mi-adaptations. Le mouvement majeur d’intérêt pour la littérature française en milieu germanophone reste nettement repérable par l’observation aussi bien des traductions que des publications en français d’auteurs allemands. Le même phénomène serait visible dans le poids des belles-lettres françaises éditées hors de France55.
Si le rayon de belles-lettres nous fournit une première approche du statut changeant des langues dans les lectures de son propriétaire, il est aussi celui qui invita le plus ce dernier à l’écriture. Les publications de Hartig nous donnent ainsi la possibilité de connaître les genres qu’il s’est appropriés, et d’approfondir notre connaissance des représentations liées par lui à chaque sphère linguistique.
LECTURE & ÉCRITURE
De la langue comme pratique à la langue comme idée
C’est à Ratisbonne que Franz Anton Hartig commença dans les années 1765-1770 à pratiquer le français. Son biographe indique que son premier précepteur était français, et lui-même avoue n’avoir approfondi sa connaissance de l’allemand que dans l’exercice de ses fonctions. Conscient que cette situation est dénoncée par ses contemporains comme un abus, il attribue cette pratique à un groupe social particulier – la noblesse – et la considère comme un trait du passé :
Parce que j’ai été élevé par un précepteur français à une époque où le français était devenu plus courant parmi la noblesse allemande que la langue de sa patrie, ainsi ai-je été formé principalement au français et à d’autres langues étrangères. Ce n’est qu’au cours de ma carrière que je me suis approprié l’allemand56.
L’Allgemeine deutsche Bibliothek jugera elle aussi le fait que Franz Anton Hartig publie en français comme un trait de « gallomanie » propre à la noblesse57. Hartig se défend toutefois en utilisant le cliché du jeune noble allemand tout acquis à la langue française de retour de son « grand tour », et juge n’aucunement déchoir en parlant la langue « de sa patrie »:
Quoiqu’assez répandu dans les Sociétés élégantes, je pense cependant à mes Amis en Allemagne, & ne rougirai pas même de comprendre & de parler l’Allemand à mon retour.
Son biographe, Ignaz Cornova (1740-1822), juge opportun de souligner dans sa notice nécrologique l’origine « pratique » du goût de Hartig pour les lettres françaises, reprenant les arguments du comte, mais il tient aussi à indiquer que ce goût n’avait rien d’exclusif :
Il faut rechercher les raisons de son amour de la poésie française – à laquelle il resta toujours fidèle dans ses propres écrits, même après avoir découvert, lu, admiré et parfois imité les grands poètes de l’Allemagne – dans le fait qu’à l’époque où il fut élevé, la langue de la France était, parmi la noblesse allemande, non seulement souveraine, comme aujourd’hui encore, mais littéralement la seule langue utilisée, et ce d’autant plus que son premier mentor, l’abbé Robinet, avait attiré son attention sur les beautés des poètes français avant tous les autres58.
Ni Hartig, noble issu du monde «cosmopolite» de la diplomatie, ni Cornova, érudit pragois, n’échappent à la problématique de la langue par rapport à l’identité. L’emploi du français est considéré comme caractéristique d’une pratique désuète, dont l’anachronisme doit être justifié. Or Hartig n’a que trente-cinq ans lorsqu’il rédige sa « justification » : la rapidité de la percée de l’allemand comme langue littéraire légitime est prégnante59. Il n’est toutefois pas certain que Hartig considère le français comme sa « première » langue, car dans sa correspondance avec son ami et éditeur le chevalier Jean-Philippe de Limbourg (1726-1807), c’est l’allemand qu’il dit être sa « langue mère »60 :
J’ose me flatter que la vivacité du stile, la liberté des expressions, et surtout le langage de la vérité qui caractérisent cet ouvrage pourront lui donner quelque succès dans les contrées de l’Allemagne, vu qu’il est écrit dans ma langue maternelle61.
Les efforts de Franz Anton pour définir sa langue « mère » semblent ainsi issus d’une réflexion a posteriori sur le statut des langues qu’il utilise. Il s’approprie un concept qui ne correspond pas vraiment à sa pratique mais qui est propre au milieu auquel il s’adresse et qui, lui, « sollicite »62 la langue selon des enjeux qui ne sont finalement pas ceux de Hartig. Au moins bilingue, Hartig joue de sa double aptitude. La langue est un ressort supplémentaire, soumis aux différents enjeux et que l’on active selon les nécessités. Ainsi devant Limbourg francophone présente-t-il l’allemand comme sa langue première, tandis qu’il s’excuse presque auprès des membres de la communauté scientifique de Prague de sa parfaite connaissance du français, issue de son appartenance à un milieu particulier. Si, dans les deux cas, l’existence d’une langue «première» est affirmée, la pratique de Hartig dément ce choix puisqu’il accorde ce statut à deux langues successivement.
Les Anciens. La pratique du latin
Le peu d’ouvrages concernant le latin ne nous permet pas de remettre en question la connaissance de cette langue dont témoignent d’autres sources. Le biographe de Hartig juge indispensable d’évoquer le plaisir que le jeune comte aurait trouvé à la lecture des auteurs latins63. Hartig se donne pour modèle Horace, qu’il cite fréquemment et dont il adopte à plusieurs reprises les vers comme autant de « programmes ». Dans ses écrits, il retient plus souvent Horace comme poète moraliste que comme chantant le vin et l’amour. Sur son propre « mausolée », érigé dans le parc de son domaine de Mimonˇ et où il envisagea à une époque se faire inhumer64, c’est Horace qui doit accompagner les pensées de ceux qui viendront se recueillir. Il fait inscrire le texte en français dans une traduction qui est peut-être la sienne :
La mort frappe ses coups en tout tems, à tout âge.
Il faudra tout quitter terre, épouse, palais.
De tant d’arbres charmans dont tu chéris l’ombrage,
Tu n’auras pour partage // Que le triste cyprès…65
Horace encore clôt la biographie rédigée pour l’Académie des sciences : « Non omnis moriar multaque pars mei vitabit Libitinam »66. Lus, relus et traduits, Horace et Virgile prêtent à Hartig leurs mots, lors de son voyage en Italie67. C’est par les yeux des deux poètes qu’il voit la campagne romaine : regrettant de ne point boire le vin de Falerne en compagnie d’Horace et de ne point retrouver ce dernier à Tivoli, du moins relit-il sa lettre sur les plaisirs de la campagne. Il lui vient pour l’Italie un enthousiasme digne d’Énée. Les vers des deux poètes se glissent sous sa plume en des occasions moins formelles que celle de la préparation de ses ouvrages publiés, dans sa correspondance avec son ami Jean-Philippe de Limbourg par exemple. Ces auteurs forment bien le fonds commun de la culture poétique et morale des deux hommes, comme de leurs autres contemporains lettrés.
Ainsi retrouve-t-on par exemple les vers que rappelle à Hartig, dans ses Lettres, le mauvais état de la campagne romaine, au fronton de la bibliothèque de Limbourg : « At secura quies & nescia fallere vita »68. Chacun sait adapter à son gré le sens de vers connus de tous afin qu’ils entrent dans son propos. Hartig fait du repos un souhait en remplaçant la conjonction « At » par « Ut », Limbourg un acquis (« Hic secura quies… »). Ce sont là toutefois de bien maigres témoignages d’une pratique « active » du latin. Lorsque Hartig imite les Élégies de Tibulle69, il le fait en français et en prose, empruntant à l’auteur un cadre exotique, un mode d’expression du sentiment, la lamentation dépouillée qui rencontre bien le sentimentalisme du XVIIIe siècle, mais surtout un thème immortel, l’amour clandestin, ses désirs et ses tourments. Placé à l’intérieur d’un ouvrage au ton libertin comme les Variétés, c’est ce dernier aspect qui semble dominer. Il s’atténue dans le Mêlange, alors que si nous l’avions trouvé dans les Lettres, dans le récit du séjour en Italie, la réminiscence du modèle lyrique latin eut sans doute été plus marquante70.
Bien que la collection d’œuvres d’Horace possédée par Hartig n’atteigne pas l’étendue de celle de certains de ses contemporains71, seuls les classiques semblent avoir mérité chez lui une attention qui le rapproche des bibliophiles. Il possède de nombreuses éditions réalisées par Johann Peter Miller pour Haude et Spener à Berlin (César, Ovide et les deux Pline par exemple). Pour Horace en particulier, on a acheté la traduction en français de Chabanon de Maugris72 et l’édition du libraire Nyon de 175273. Parmi les traductions célèbres, Hartig possède celle des œuvres de Sénèque par Lagrange, avec des notes de Diderot74. Mais c’est un plus modeste Esprit de Sénèque, d’impression agréable cependant, qu’il lit au quotidien et annote abondamment75. Notons aussi quelques volumes plus anciens, comme une édition janssonienne de Fragments de Salluste, copie d’une édition elzévirienne de 163476. Les auteurs grecs sont peu représentés même si Homère semble jouer un rôle semblable à celui d’Horace – dans le portrait au pastel de Hartig par Schmidt, c’est Homère qui figure sur sa table de travail (Ill. no 1). Homère fait aussi l’objet de lectures répétées – quasi-érudites :
Je lis Homère une première fois selon l’analyse d’un Virgile puis je répète ma lecture à partir du jugement d’un Strabon77.
Les historiens latins en revanche n’ont pas fait l’objet d’une véritable collection. Pour les années 1790, les classiques en latins ont été achetés dans une édition de Brunswick au caractère pédagogique, sans doute en prévision de l’éducation des enfants de la maison (la reliure est un simple cartonnage), pour lesquels l’étude des auteurs latins reste une priorité78.
Lettres françaises
C’est toutefois d’abord les auteurs français qui servirent de modèle à Franz Anton Hartig, lequel écrit ses pièces de vers et de prose presque exclusivement en français. A son arrivée en France, d’après le témoignage de ses Lettres, il semble tout pénétré de Voltaire, dont il cite régulièrement aussi bien les ouvrages historiques que Candide ou l’Homme aux quarante écus. Le jeune homme se sert bien souvent de la verve mordante du philosophe à l’endroit des bigots et des superstitieux. Il est vrai que son père avait particulièrement collectionné les ouvrages de Voltaire, cherchant sans doute à acquérir des premières éditions, et recevant le plus souvent leurs contrefaçons. Mais pour Candide justement, c’est bien dans l’édition princeps que Hartig a pu le lire79. Le récit de son voyage à Ferney répond ainsi à la volonté d’« exhiber une filiation intellectuelle »80 que revendiquaient beaucoup de ses contemporains. Après Ferney, le jeune comte entame un autre pèlerinage littéraire, celui du rocher de Meillerie et de La Nouvelle Héloïse. Son « imagination échauffée & romanesque » brûle en effet de parcourir, sur les traces de Saint-Preux, le pays de Julie d’Étange. Bravant les dernières neiges, le fracas des torrents, les précipices affreux au-dessus desquels des rochers « suspendus » menacent de s’abîmer, il part de Genève pour Thonon puis Évian et enfin Meillerie, où son œil « laisse couler les douces larmes du souvenir en l’honneur de la malheureuse fin de Julie d’Étange ». Sa promenade nous vaut les descriptions les plus réussies de tout son récit de voyage. C’est qu’il écrit pour une communauté de lecteurs qu’il sait nombreuse, celle de « ces cœurs sensibles qui se sont attendris à la lecture de La Nouvelle Héloïse »81. Ses descriptions, dont il sent le besoin d’excuser la longueur, lui semblent dictées par ses seules lectures :
Peut-être trouverez-vous que j’ai donné trop d’étendue à la description de cette petite tournée : mais outre que peu de Voyageurs l’ont entreprise, mon imagination est vivement frappée, & sans doute que mon admiration pour La Nouvelle Héloïse a servi à me rendre plus enthousiaste encore82.
Quelques années plus tard, Hartig se rend à nouveau sur les traces de Rousseau, à Ermenonville, où il compose un poème qu’il publie dans l’Esprit des journaux83 puis dans le Mêlange : « Vers faits en voyant le tombeau de Rousseau à Ermenonville » (1786). Ces hommages rendus à deux grands de son siècle s’ancrent dans des visites de hauts-lieux qui sont quasi-rituelles.
Hartig cite un certain nombre d’auteurs plus anciens, comme Montaigne, dont nous n’avons pourtant trouvé chez lui qu’une édition allemande de 1753-175484. Boileau est, après Voltaire, l’auteur le plus souvent cité, ainsi que Clément Marot et Racine.
Ses hommages ne sont d’ailleurs pas toujours explicites et il se plaît à saisir les œuvres de ses contemporains comme prétexte à exercer ses réflexions et son style. Ainsi, dans sa jeunesse, l’Essai sur les femmes85 est-il directement inspiré de l’essai d’Antoine Léonard Thomas86 paru peu auparavant. S’il a peut-être eu connaissance de la critique enflammée qu’en fit Diderot, il conserve cependant le style raisonneur de Thomas et oublie lui aussi de « tremper sa plume dans l’arc-en-ciel » avant de parler des femmes87. Autre pratique littéraire entre lecture, expression orale et expression écrite : le théâtre – bien divisé par le catalogue de la bibliothèque entre les domaines français et allemand. En grand amateur qui ne craint pas de se mettre à l’écritoire, Hartig écrit de petites pièces pour ses proches. Parmi ces écrits non publiés, Les Épreuves indiscrettes88 ne sont rien d’autre qu’une imitation de la Double inconstance de Marivaux. La petite pièce « écrite en un jour » Le Faux ami89 est directement inspirée pour son sujet de la pièce du même titre de Louis Sébastien Mercier, que Hartig transpose toutefois en Angleterre pour livrer un drame « bourgeois » se déroulant au sein d’une famille de négociants. Le sujet principal est tout autant l’argent que l’amour. Le propos, très moral, est une ode à l’amour familial et au « bonheur du possible » : « Aimons-nous tous mes enfans, soyons toujours bons, honnêtes, contens ». Nous en connaissons la distribution des rôles, où apparaissent les membres de la famille, les domestiques et les invités présents ces jours-là au château. Témoins de cette pratique très spontanée et dont les traces sont le plus souvent éphémères, nous trouvons aussi dans la bibliothèque des proverbes dont le livret est recopié en autant de cahiers qu’il fallait d’acteurs pour jouer la pièce sans l’apprendre par cœur90. Lorsqu’on joue « au » théâtre, on le fait donc en français, langue de la bonne société qui s’adonne à ce loisir.
Allemands
Parmi les auteurs allemands, seuls deux sont nommément mobilisés par Hartig : il s’agit d’abord de Gellert, qui fait figure d’autorité tout autant morale que littéraire et lui inspire les seules lignes moralisantes que l’on peut lire dans les Variétés91. Le second est Goethe dont Hartig lit le Werther tôt après sa parution (1774) et dont il se prend à réécrire la dernière lettre, en vers français92. Il ne cherche d’ailleurs pas à imiter, encore moins à traduire. Sûr d’aborder un sujet connu, s’appuyant sur la large réception qu’eut le roman dès sa parution, il se saisit librement d’un thème pour, dit-il, l’enrichir d’idées qui n’y sont pas, revendiquant ainsi la plus grande liberté face à l’œuvre originale.
Les souffrances de Werther, par M. Goethe, l’un de nos meilleurs littérateurs allemands, sont traduites en françois, & seront connues de la plupart de mes lecteurs. Ceux dont le cœur est sensible les auront lues, sans doute, avec attendrissement & plaisir. Je ne me suis nullement attaché à transmettre en vers la fin de ces souffrances selon le sens littéral de l’ouvrage allemand, mais, en y plaçant nombre d’idées qui ne se trouvent point dans l’original & qui changent totalement cette lettre. J’ai cependant observé de ne point altérer le caractère de Werther, ainsi qu’il nous est dépeint dans tout le cours de l’ouvrage93.
Il ne reste rien de Werther dans cette lettre emplie de plus de reproches que de passion et qui s’emploie à philosopher à l’heure de la mort sans parvenir à lier intelligence et amour94. Le ton grandiloquent trahit la simplicité magistrale de Goethe et seule l’empathie de Hartig, jeune lecteur de Werther, transparaît avec sincérité dans quelques-uns de ses vers :
Devais-tu supposer qu’à l’âge des plaisirs,
L’amitié suffirait à mes brûlants désirs ?
Et que, de la raison, les remontrances vaines
Arrêteraient le sang qui coule dans mes veines ?95
Peu de ses pièces publiées s’ouvrent à des sources d’inspirations hors des classiques cités jusqu’à présent. L’histoire en prose, qui lui sembla la plus novatrice, celle pour laquelle il avoua à Limbourg une certaine préférence, porte explicitement dans son titre la mention de son cadre d’inspiration : La Belle Richilde, conte imité de l’allemand96. Le modèle est celui des contes populaires, veine promise à un grand avenir mais qui ne faisait alors que de modestes apparitions dans les bibliothèques. La Belle Richilde est l’histoire de Blanche-Neige, mais tant « étirée dans tous les sens »97 qu’il ne reste rien de la fraîcheur du conte pour le lecteur d’aujourd’hui habitué à la version des frères Grimm. Son cours rocambolesque fait d’enlèvements, d’empoisonnements, de grands prélats douteux et des faux amours des belles capricieuses pour lesquelles on monte des tournois, se déroule dans le cadre médiéval des forêts de Franconie que Hartig connaissait bien. S’il n’avait affirmé sa fierté quant à cette pièce, Hartig pourrait nous sembler manifester son ironie envers son héros même (le vigoureux chevalier Robert Bras-de-fer) tant l’imitation, aux yeux du lecteur d’aujourd’hui, a perdu sa vocation pédagogique pour verser dans le pastiche ou dans l’hommage98.
Mais il pouvait avec justesse considérer sa Belle Richilde comme novatrice, car il semble qu’il ait traduit ici la toute première version imprimée du conte de Blanche-Neige99 : il s’agit d’un recueil de contes de Johann Karl Musaeus paru à Gotha de 1782 à 1787100 et souvent réédité même après la parution des contes des frères Grimm (1812). Blanche-Neige ne s’y appelle encore que Blanche (Blanca). Richilde est le nom de sa méchante mère qui cherche à l’empoisonner. Le recueil de Musaeus annonçait dès le titre le caractère « allemand » de ces récits, et Hartig eut ainsi conscience de transmettre quelque chose d’original, c’est-à-dire dont l’équivalent n’existait pas pour les lettres françaises. Il délimite donc ici aussi deux sphères à l’intérieur des lettres. Contrairement à son introduction à la lettre de Werther, où il s’adresse à un public dont il attend qu’il ait lu le roman de Goethe, il pense présenter quelque chose d’inconnu. Les contes de Musaeus seront traduits, mais au plus tôt vingt ans après l’impression de la Belle Richilde dans le Mêlange. Par la mention de l’imitation de l’allemand, Hartig souligne l’existence d’un genre, dont la singularité réside dans son caractère « national ». Mais l’œuvre perd son individualité, et le nom de l’auteur n’est pas mentionné. Quelle put être la réception du conte ? Il n’est pas du goût de Limbourg, lequel se permet à son endroit une de ses plus sincères critiques :
… particulièrement dans la belle Richilde qui doit vous avoir coûté et que vous croyez peut-être votre meilleure pièce en prose [rayé par Limbourg] mais [à] laquelle je préfère toutes les autres. Elle est trop romanesque pour un personnage réel [Limbourg loue la morale de l’histoire, qui dénonce la perfidie des beautés volages et capricieuses. Il poursuit :] Mais pourquoi ce miroir magique, pourquoi ces morts d’empoisonnements suivies de résurrections miraculeuses, pourquoi tous ces faits, si proches des scènes romanesques si fabuleuses enfin, dans un temps que le goût du roman est si usé. Je ne sais, mais ce conte qui prouve la fertilité de votre imagination et de vos connoissances et qui plaira à bien des gens, m’auroit plu davantage s’il n’eut contenu que le vrai et le moral101.
Nous ne disposons malheureusement pas de la réponse de Hartig et ignorons en quels termes il a pu défendre sa Belle Richilde des critiques de l’honorable médecin. A-t-il pu défendre son caractère fantastique, ou avoué qu’il s’agissait d’une traduction qui n’avait pas requis de lui la fertile imagination que lui attribue Limbourg ? La recension de l’Allgemeine deutsche Bibliothek102 souligne le fait sans vraiment regretter le style de Musaeus. Il faudra décidément attendre un meilleur prosateur pour rendre le conte célèbre.
Témoin de l’intérêt porté par ses contemporains aux croyances populaires, Hartig semble aussi affectionner les Histoires de revenans103. Pour délasser sa raison et son goût pour les sciences, il compose (ou traduit ?) deux nouvelles, très courtes, l’une portant le titre ci-dessus et l’autre Histoire d’une apparition singulière. Le premier fantôme hante l’auberge d’une grande forêt entre « Würcebourg et Francfort », le second un village du Brandebourg. Sa propre biblio thèque est très accueillante à ce genre si décrié par les érudits. On trouve chez lui nombre d’histoires « singulières », effrayantes et gothiques, notamment les romans de Christian Heinrich Spiess104, auteur de Bohême très populaire, traduit dès la fin du siècle non seulement en tchèque105, mais aussi en français et en néerlandais106. Or, Hartig s’est lui aussi prêté à l’exercice en traduisant une des Biographies de suicidés de Spiess, celle d’une versatile coquette d’origine italienne causant le malheur de preux chevaliers : « Olivia Amenuti »107. Hartig, toutefois, ne publie pas les écrits de ce genre, soit qu’il les ait composés après la parution du Mêlange, soit qu’il les ait jugés impropres à un tel recueil.
Nous ne disposons que de deux pièces de prose écrites en allemand par Hartig et conservées, semble-t-il, dans la seule bibliothèque de Mimonˇ : deux petits imprimés de quinze pages, l’un orné de vignettes à rocailles, l’autre d’ornements plus classiques. Bien que ne portant aucune signature, leur attribution est indubitable108. Que Hartig destine à son épouse ses seuls écrits littéraires en allemand suggère plusieurs interprétations : par exemple, le français n’était pas la langue du couple et Hartig, lorsqu’il s’adresse à sa femme, emploie l’allemand. Le fait contredirait la plupart des études sur la correspondance des femmes aristocrates dans la monarchie des Habsbourg au XVIIIe siècle, d’après lesquelles les femmes emploient encore plus couramment le français que leurs maris109. S’il est sûr, d’après les quelques lettres en français d’Éléonore Hartig qui nous sont parvenues, que celle-ci ne maîtrisait pas cette langue aussi bien que son mari, il reste difficile d’en déduire quelque chose sur sa pratique orale. Dans tous les cas, l’allemand reste la marque de l’intimité110.
Les idylles de Hartig nous semblent directement inspirées de celles de Gessner, s’il est possible de donner à ce dernier la paternité d’un genre dont la généalogie remonte jusqu’à Théocrite111. Malgré la présence dans la bibliothèque d’une version française des Idylles, c’est peut-être le modèle de Gessner qui aurait poussé Hartig à écrire en allemand ? Il s’y peint lui-même en berger protégé d’Apollon et particulièrement habile à la flûte. Son épouse est jeune bergère. Habitants d’une campagne de l’âge d’or, ils sont tout deux mariés par Apollon en personne, entourés du peuple des bergers en liesse. Cette transposition très formelle n’empêche pas le détail des personnages de rapporter le récit à l’intimité de la famille. Ainsi le thème de la maladie peut-il être regardé comme renvoyant directement à Hartig, qui mourut à trente-neuf ans d’une maladie sans doute pulmonaire. Dans les deux idylles, Hylas tombe malade et Laura se dévoue à sa guérison. Tel un tableau ou une pièce de théâtre, chacun trouve sa place dans un décor emprunté. Le contraste entre le réalisme cru du sujet (la maladie d’un homme jeune) et la rigidité du modèle de l’idylle produit la forte impression que nous réserve souvent le classicisme112.
Hartig rédige encore une nouvelle d’inspiration espagnole, Dona Inesilla113, il publie des « imitations de l’italien »114 et aussi une pseudo (ou véritable ?) traduction de l’anglais115. Le Temple de la mort est un poème imprimé une première fois (1776) avec la mention « traduit de l’anglais ». Les années de jeunesse passées, l’auteur le donne ensuite pour « imité de l’anglais », ce qui renvoie à nouveau aux représentations contemporaines de la littérature sombre anglaise dont nous avons remarqué certaines pièces dans la bibliothèque – cinq exemplaires des seules Nuits de Young…
Cette accumulation de sources diverses souligne le caractère d’exercice de style dont ne s’émancipe pas toujours l’écriture. C’est sans doute l’engouement qui pousse Hartig à ces travaux d’imitation immédiate voire de pure traduction – ses contemporains ne s’y méprennent pas116. Mais pour nous, grâce à cette pratique, la lecture se dit, encore une fois, dans l’écriture.
Le fonds de linguistique et des belles-lettres de la bibliothèque des Hartig permet de reconstituer des pratiques littéraires liées aux besoins de la vie sociale. Le français est la langue intermédiaire, celle d’apprentissage des autres langues et celle des traductions, du latin et de l’anglais en particulier. On achète Beaumarchais en allemand, mais Gessner et Gellert en français, et il faut les connaître, hors tout contexte esthétique – comme pour celui qui, dans une société, « sortit brusquement pour aller acheter La Princesse de Clèves où quelqu’un dit qu’on la vendait depuis deux jours »117. L’acquisition systématique du théâtre italien a elle aussi pour objet de participer à une culture partagée, car « lire tout seul, sans avoir à qui parler, avec qui disputer ou briller, ou écouter ou se faire écouter, c’est impossible »118. Inversement, on se doit de lire ce dont on entend parler, faute de quoi l’on s’ennuie en société :
C’est qu’on entend parler pendant huit jours d’une pièce nouvelle ; et quand on n’est pas au fait, cela ennuie à mourir. Les livres nouveaux, par la même raison, me mettent au désespoir ; c’est la même chose119.
Ce qui n’empêche pas d’accorder au texte, à sa qualité esthétique originelle, une importance indéniable et particulièrement visible dans le soin mis à acquérir les ouvrages dans leur langue originale.
La division du rayon des belles-lettres selon la langue d’impression des livres témoigne de la perception immédiate de deux sphères européennes des lettres. Hartig s’identifie au milieu allemand, indépendamment de la langue dans laquelle il écrit. Plus profondément, les genres attachés aux différents domaines linguistiques sont nettement perçus. Leur définition, bien qu’implicite, est le préalable indispensable à l’imitation120, exercice favori de notre littérateur. Ainsi, lecture et écriture sont définitivement liées, comme en témoigne la présence des livres sur le portrait. Certes, Hartig ne pratique pas tous les genres présents dans la bibliothèque et apparaît en retrait par rapport aux lettres allemandes. Si sa « compréhension » d’un Werther apparaît partielle, il est toutefois conscient de sa vocation « d’intermédiaire » qu’il exerce envers des textes dont on doit reconnaître qu’ils sont promis à un brillant avenir.
Les représentations concernant la langue maternelle que Hartig tente de s’approprier restent contradictoires avec la pratique linguistique de l’aristocrate qu’il est. Celle-ci ne laisse pas de place à la langue comme moyen d’identification politique, ni au concept de langue mère. Cependant, « la matière » ne domine pas forcément « l’idiome »121. La langue est un moyen de manifester la qualité du lien social. Ce sont les représentations latentes de la langue – nous avons rencontré l’idée de l’existence d’une langue maternelle ou la dépréciation du français comme langue de la noblesse – qui guident l’interprétation de son emploi. Ces représentations, partagées par une certaine communauté, ne correspondent pas forcément à une pratique. Par exemple, l’idée selon laquelle le français est la langue exclusive de l’aristocratie dans l’Empire est contredite par une pratique de l’allemand aussi effective que non reconnue, parce que s’exerçant à un niveau de moindre importance dans le processus d’identification de la noblesse (les rapports avec le commun, l’intimité du couple, les besoins de l’administration). Mais c’est aussi l’écart par rapport à ces modèles qui donne sens à l’acte de parole. Les textes de Hartig destinés à sa femme seront en allemand, ce qui exprimera une certaine intimité. Il est inutile de préciser que ces représentations de la langue sont en permanent réajustement, comme en témoignent les transformations de la perception de l’allemand pour la période qui nous intéresse.
Il serait indispensable, pour enrichir notre compréhension des choix linguistiques d’un noble littérateur, d’examiner les stratégies de publications dans lesquelles ils s’insèrent, et qui sont fondamentales – puisqu’intimement liées aux réseaux de sociabilités de l’auteur, c’est-à-dire à l’identité nobiliaire. Nous avons dû nous limiter ici au domaine des lettres et le plus souvent aux travaux imprimés, qui permettent de dégager une série de traits propres aux pratiques du langage en milieu plurilingue. Cette approche, pour une connaissance des pratiques dans leur ensemble, demanderait à être croisée avec une analyse des écrits du même lecteur et auteur dans ses autres champs d’activité. Nous quitterions cependant le domaine du livre pour entrer dans celui de la correspon-
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1 On se reportera en français à l’analyse synthétique de Marie-Élizabeth Ducreux, « La monarchie des Habsbourg, la Bohême et la Hongrie de 1700 à 1900 », dans Histoire de l’Europe du CentreEst, Paris, PUF, 2004, pp. 337-483, qui donne une bibliographie fournie.
2 Marie-Élizabeth Ducreux, « Lire à en mourir. Lecteurs et livres en Bohême au 18e siècle », dans Les Usages de l’imprimé, dir. R. Chartier, Paris, Fayard, 1987, pp. 253-303 ; et, du même auteur : « Le livre et l’hérésie, modes de lecture et politique du livre en Bohême au XVIIIe siècle » dans Le Livre religieux et ses pratiques = Der Umgang mit dem religiösen Buch, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1991, pp. 131-155.
3 Marie-Élizabeth Ducreux, « Nation, État, éducation. L’enseignement de l’histoire en Europe centrale et orientale », dans Histoire et Nation en Europe centrale et orientale aux XIXe-XXe siècles, dir. M.-E. Ducreux, Paris, INRP, 2000, p. 11.
4 Elle est actuellement gérée par un département de la Bibliothèque du Musée national de Prague : Petr Mašek, dir., Handbuch deutscher historischer Buchbestände in Europa. Band 2. Tschechische Republik, Schlossbibliotheken unter der Verwaltung des Nationalmuseum in Prag, Hildesheim [et al.], Olms-Weidman, 1997, 309 pp. (éd. numérique : http://www.b2i.de/fabian). La bibliothèque ainsi constituée compte aujourd’hui 17 809 volumes, dont 375 manuscrits, 10 imprimés du XVIe siècle, environ 80 du XVIIe, 9500 du XVIIIe et 7500 du XIXe. L’analyse de cette bibliothèque est au centre de notre thèse de doctorat : Claire Madl, L’Écrit, le livre et la publicité. Les engagements d’un aristocrate éclairé de Bohême : François Anton Hartig (1758-1797), Paris, EPHE, 2007, 1 vol., 1 CDRom (édition en cours).
5 En particulier : Variétés, imprimé à Cythère, [S.l., s.n., vers 1786], in-12. Mêlange de vers et de prose, Paris, chez les libraires associés ; et se trouve à Liège, chez F. J. Desoer, [1788], 8o.
6 Lettres sur la France, l’Angleterre et l’Italie, Genève [Liège, Desoer], [1785], 8o. Disponible en ligne sur Gallica.
7 Kurze Historische Betrachtungen über die Aufnahme und den Verfall der Feldwirthschaft bey verschiedenen Völkern, Prag, Wien, in der v. Schönfeldschen Handlung, 1786, 8o.
8 Les possibilités de comparaison restent imprécises. Cf. Handbuch historischer deutscher Buchbestände, ouvr. cité. Stéphane Reznikow a évalué à 36% le taux de livres français d’une bibliothèque réputée pour sa « bibliothèque parisienne », celle du château d’Opočno, à la famille Colloredo-Mansfeld : Stéphane Reznikow, Francophilie et identité tchèque (1848-1914), thèse de doctorat, EHESS, 1999, p. 20 (édit., Paris, Champion, 2002).
9 Biographie Sr Excellenz Franz Grafens von Hartig, Wien, Albertis Witwe, 1799, p. 4.
10 Eva Maria Inbar (« Zum Englischstudium im Deutschland des XVIII. Jahrhunderts », dans Arcadia 15, 1980, pp. 14-28) place le début de l’intérêt pour les lettres anglaises au milieu du XVIIIe siècle. Le comte de Berchtold est le plus souvent mentionné pour les pays tchèques, car il a publié ses ouvrages en plusieurs langues, parmi lesquelles l’anglais a pu être la première (Leopold v. Berchtold, An Essay to direct and extend the inquiries of patriotic travellers, London, 1789). Mais dans son écrit sur l’éducation des enfants, le comte Franz Joseph Kinský n’envisage pas l’apprentissage de l’anglais de façon systématique, à la différence du français, de l’allemand, du tchèque et des langues anciennes : Erinnerung über einen wichtigen Gegenstand, Prag, Gerle, 1773, pp. 128 et suiv.
11 A partir de 1770, le marché allemand est approvisionné en livres anglais édités sur place ou importés : Bernhard Fabian, « Die Messkataloge und der Import englischer Bücher nach Deutschland im 18. Jh. », dans Buchhandel und Literatur. Festschrift für Herbert G. Göpfert zum 75. Geburtstag am 22. September 1982, Wiesbaden, Harrassowitz, 1982. pp. 161 et suiv.
12 Handlexikon der jüdisch-deutschen Sprache, Prag, 1780.
13 Dictionnaire universel françois et latin (le catalogue manuscrit précise : « vulgairement appelé dictionnaire de Trévoux », Paris, 1752 (cote actuelle dans la bibliothèque : Mimoň 3599). Cf. Catalogue manuscrit de la bibliothèque volume intitulé Dictionnaires, grammaires, cote : Mimoň R73 XLIII.
14 Il s’agit d’un manuel de Pierre Chompré, donné ici par Trattner, et qui sera constamment réédité jusque tard dans le XIXe siècle : Selecta latini sermonis exemplaria ex scriptoribus probatis, Wien, Trattner, 1790 (Mimoň 348).
15 Choix de comédies pour s’exercer dans la langue française, Leipzig, 1791, 2 vol. (Mimoň 3960).
16 Johann Christoph Adelung, Umständliches Lehrgebäude der deutschen Sprache zur Erläuterung der deutschen Sprachlehre für Schulen, Leipzig, 1782 (Mimoň 75) ; et Deutsche Sprachlehre für Schulen, Berlin, 1795 (Mimoň 3170).
17 Johann Friedrich Heynatz, Briefe die deutsche Sprache betreffend, Berlin, Mylius, 1774 (Mimoň 891) et un traité Über die teutsche Sprache und Litteratur, Berlin, 1781 (Mimoň 2077) (qui n’est pas celui de Justus Möser).
18 Karl Heinrich Seibt, Von den Hülfsmitteln einer guten deutschen Schreibart, Prag, Mangold, 1773 (Mimoň 3359). Premier enseignant non jésuite de philosophie, esthétique et belles lettres à l’université de Prague à partir de 1763, Seibt commença à enseigner en allemand et passe pour l’introducteur à Prague des auteurs des nouvelles belles-lettres allemandes. Le succès de son enseignement, qui lui valut une grande inf luence auprès du cercle de ses étudiants, l’engagea à publier une partie de ses cours, ce dont nous avons ici un exemple.
19 Franz Xaver Niemetschek [Němeček], « Züge aus der Geschichte der Wissenschaften und des Geschmackes in Böhmen – geschrieben im Jahre 1794 », dans Libussa. Eine vaterländische Vierteljahrschrift 2. Bd. 2. Stück, dir. J. G. Meinert, Prag, 1804, p. 57 : « Gut deutsch reden hiess Seibtisch reden ».
20 Il s’agit des ouvrages d’Abel Boyer : Grammaire angloise-françoise, Paris, 1750 (Mimoň 203) et Dictionnaire royal, François-Anglois et Anglois-François, Lyon, 1756 (Mimoň 1641).
21 Cf. supra : Le Dictionnaire royal est aussi présent dans une édition de Bâle, 1768-1769.
22 Johann Andreas Rizhaub, Elementarwerk zur leichtern Erlernung der lateinischen Sprache, Braunschweig, Schulbuchhandlung, 1797 (Mimoň 2338).
23 Nouveau dictionnaire François-Aleman et Aleman-François, Genève, 1683 (Mimoň 3253).
24 Jean-Charles-Thibault Laveaux, Dictionnaire françois-allemand et allemand françois, Berlin, 1797, 4 vol. (Mimoň 621).
25 Dans le catalogue manuscrit, on trouve certes un autre dictionnaire: Schwan, Nouveau dictionnaire de la langue allemande et française A-C, 1 vol, gr. in-4, Mannheim, 1782. Mais cet unique volume a été échangé contre un autre livre, signe qu’il ne paraissait pas d’un grand intérêt. Cf. le catalogue manuscrit de la bibliothèque, Dictionnaires, grammaires, Mimoň R73 XLIII. A moins que, comme aujourd’hui, ces instruments quotidiens de travail n’aient par survécu à une utilisation intensive ?
26 Par exemple : N. H. Paradis de Chavanne, Grammaire raisonnée, qui contient la quintessence de toutes les meilleures grammaires, Berlin, 1762 (Mimoň 3839) ; Pierre Restaut, Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise…, Wien, Trattner, 1766 (Mimoň 2703) ; Hilmar Curas, Erleichterte und verbesserte französische Grammatik, Wien, Trattner, 1773 (Mimoň 298).
27 Éléazar de Mauvillon, Remarques sur les Germanismes, ouvrage utile aux Allemands, au François et aux Hollandois…, Amsterdam, 1753-1754, 2 vol. (Mimoň 1051) ; Jacques Boullet, Nouvelles remarques sur les germanismes, Halle, 1773 (Mimoň 181).
28 Plusieurs ouvrages de ce type reliés ensembles : Entretiens familiers François, allemands et latins : où il est traité de la manière d’apprendre les langues…, Genève, 1667 (Mimoň 350a et b).
29 Pocket dictionary of the English-French and German Languages, Leipzig, 1800 (Mimoň 2960).
30 Michael Wögerbauer, « La vernacularisation comme alternative au concept d’« éveil national »? L’exemple de la Bohême », dans Les Langues imprimées, Genève, Librairie Droz, 2008, pp. 149-173, ill. (Histoire et civilisation du livre, 2008, 4).
31 Krzysztof Pomian, « République des lettres : idée utopique et réalité vécue », dans Le Débat, 130, 2004, p. 156.
32 Catalogue thématique de la bibliothèque, manuscrit, en 23 vol. (Mimoň R 73 et R 67).
33 Amsterdam, Paris, Durand, 1782 (Mimoň 2439).
34 D’Élizabeth Helme, « Londres et se trouve à Paris chez Buisson », 1787, 2 vol. (Mimoň 708).
35 De Thomas Simon Gueulette, Utrecht, Jean Neaulme, 1736, 2 vol. (Mimoň 519).
36 Ainsi un jeune stagiaire présente-t-il ses excuses au comte de Cobenzl pour avoir emporté un de ses livres par mégarde : Carlos de Villermont, Le Comte de Cobenzl, Lille, DDB et Cie, [1925], p. 215.
37 Benjamin Hoadly, Der Argwöhnische Ehemann. Ein Lustspiel in 5 Auszügen (trad. de l’anglais, Mimoň 4097) ; et Friedrich Meisner, Die Leichtsinnigen. Ein Schauspiel in vier Aufzügen, Hanovre, 1796 (Mimoň 4028).
38 Joseph Franz Marius v. Babo, Otto von Wittelsbach Pf lazgraf in Bayern. Ein Schauspiel, München, 1782 (Mimoň 4031) et Agnes Bernauerinn. Ein vaterländisches Trauerspiel, [s.l.], 1780 (Mimoň 4030 et 4122) toutes deux citées par Goethe d’après Gert Ueding, Klassik und Romantik. Deutsche Literatur im Zeitalter der Französischen Revolution, 1789-1815, München, Deutscher Taschenbuch Verl., 1988 (1re éd. München, Hanser, 1987) (« Hansers Sozialgeschichte der deutschen Literatur »), p. 270.
39 En anglais : Works of Shakespeare, London, 1775, 8 vol. (Mimoň 4236) et The Beauties of Shakespeare, selected from his works, London, 1784, 1 vol. (Mimoň 4039).
40 En allemand : Schauspiele, Zürich, Orell, Gessner, 1775-1782, 13 vol. (Mimoň 4139). Cf. infra.
41 Fables choisies mises en vers, Dresde, Walther, 1799, 4 t. (Mimoň 263). Contes et nouvelles en vers, Londres, [s.d.] (Mimoň 100). Cf Jean Georges Théodore Graesse, Trésors de livres rares et précieux, ou Nouveau dictionnaire bibliographique…, Dresde [et al.], Rudolf Kuntze, 1859-1867, 7 vol.
42 Dans quatre éditions successives dont la dernière, certes, est postérieure à la mort de Hartig, mais comme il s’agit d’une belle édition stéréotypée de Didot (1799), nous nous permettons de la mentionner (Mimoň 106).
43 Très variées, les sources d’approvisionnement de la bibliothèque ne peuvent être analysées ici dans le détail. Les Hartig ont acheté leurs livres en Autriche et en Bohême, mais aussi au cours de leurs voyages à l’étranger (Paris, Pays-Bas, Suisse, Italie) ou de leurs missions diplomatiques dans l’Empire (Bavière, Saxe). Nous avons encore des témoignages de leurs séjours aux foires de Francfort et de Leipzig. Enfin, Franz Anton Hartig entretient des liens réguliers avec des libraires strasbourgeois (Claire Madl, L’Écrit, le livre et la publicité, ouvr. cité, pp. 153-160).
44 Liège, Plomteux, 1771, in-12 (Mimoň 995, 1re éd. 1769).
45 Les Vies des Hommes illustres, Amsterdam, Châtelain, 1735, in-12 (Mimoň 1150, 1re éd., 1721).
46 Regensburg, 1742 (Mimoň 17).
47 Alors que Le Barbier de Séville est présent dans les deux langues et est accompagné d’un libelle sur cette pièce, ce qui témoigne du large écho des œuvres de Beaumarchais. Der Tolle Tag, oder Figaros Hochzeit, Dessau, Leipzig, Göschen, 1785 (Mimoň 4042). Le Barbier de Séville, Paris, 1775 (Mimoň 4219) ; en allemand, [s.l.], 1784 (Mimoň 3974) et Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville, [s.l.n.d.] (Mimoň 4232).
48 Édité par Trattner à Vienne (Mimoň 1301).
49 Œuvres choisies et poésies diverses, Paris, 1774 (Mimoň 3085). Hartig possédait une autre trad. de Gessner éd. à Zurich en 1774, mais qui ne se trouve plus aujourd’hui dans la bibliothèque. Cf. Poésie Française [catalogue ms de la bibliothèque], Mimoň R73/XLII.
50 Fables et contes, Strasbourg, Jean Godefroy Bauer, 1750 (Mimoň 2475).
51 On trouve par exemple Sophie Lee (Le Souterrain, ou Mathilde, Paris, 1786 : Mimoň 703), ou encore Maria Bennett (Les Imprudences de la jeunesse, Maestricht, 1788 : Mimoň 1180. Anna, ou l’Héritière Galloise, Paris, 1788 : Mimoň 1489) et Charlotte Lennox (Euphemia, Berlin, 1791 : Mimoň 721).
52 Schauspiele, Zürich, 1775 (Mimoň 4139) (La première éd. de la traduction de Wieland a été publiée sous le titre de Theatralische Werke, Zurich, Orell et Gessner, 1762-1766, 8 vol. Nous ne l’avons pas trouvé mentionnée).
53 Goldfriedrich donne un pourcentage supérieur d’ouvrages en langues étrangères vivantes que de traductions parmi les livres présentés à la foire de Leipzig pour les années 1765 (respectivement 11 et 5,9%), 1775 (10,6 contre 7,1%), 1795 (6,7 contre 4,8%). En 1785 la tendance est inverse : 5,1 contre 6,8% (Johann Goldfriedrich, Friedriche Kapp, Geschichte des deutschen Buchhandels. 3, Vom Beginn der klassischen Litteraturperiode bis zum Beginn der Fremdherrschaft (1740-1804), Leipzig, Börsenverein der Deutschen Buchhändler, 1909, p. 305.
54 L’offre des libraires dans les pays allemands ne semble pas soutenir cette demande. Ici les ouvrages en latin représentent 4% des belles lettres, les traductions du latin 2,6%. Nous avions montré, par l’analyse des catalogues de libraires actifs à Prague, que ces derniers ne proposaient presque pas de traductions françaises d’auteurs latins : Claire Madl, « Les importations de livres français en Bohême à la fin du XVIIIe siècle », dans Est-Ouest : transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe, dir. Frédéric Barbier, Leipzig, Leipzig Universitätsverlag, 2005, ici p. 69. Sur l’ensemble des livres présentés en foire à Leipzig en 1765, les livres latins représentent 18,6%, les traductions 0,9%. L’écart, il est vrai, se réduit au fur et à mesure de la perte de vitesse du livre en latin. En 1805, ce dernier ne représente plus que 4,1% des ouvrages présentés en foire, et les traductions sont toujours à 0,7% (Goldfriedrich, ouvr. cit., p. 305).
55 Le livre français édité à l’étranger représente environ 40% du fonds de livres en français de belleslettres, mais au vu des nombreuses fausses adresses, il ne peut s’agir que d’une approximation : Claire Madl, L’Écrit, le livre et la publicité, ouvr. cité, pp. 196-200.
56 Archives de l’Académie des sciences, Prague, fonds de la Société royale des sciences de Bohême (KČ SN), n° inv. 375, cart. 79, Skitze der wichtigsten Ereignisse meines Lebens…, p. 4 : « Da ich von einem Französischen Hofmeister in einem Zeitpunkt erzohen [sic] worde, wo die französische Sprache beim deutschen Adel üblicher als die Vaterländische selbst gewesen, so bildete ich mich hauptsächlich für die Französische und andere auswärtige Sprachen, die Deutsche wurde mir erst in meinen Geschafts Jahren vollkommen eigen ».
57 Allgemeine deutsche Bibliothek, vol. 82-1, 1788, p. 526. Recension de la version allemande des Lettres sur l’Angleterre, la France et l’Italie, ouvr. cité.
58 Ignaz Cornova, «Biographie seiner Exzellenz Franz Grafens von Hartig», dans Neuere Abhandlugen der Gesellshaft der Wissenschaften, III. Bd., 1798, p. XIX : « Der Grund seiner Vorliebe für die Französische Poesie – der er, was das Selbstdichten betrift, auch nachdem er die grossen Dichter Deutschlands kennen gelernt, sie gelesen, bewundert, und in eizelnen Zügen nachgehamt hatte, immer getreu blieb – ist theils in dem Umstande zu suchen, dass in dem Zeitraume, in welchem er aufgewachsen ist, die Sprache Frankreichs in der Deutschen adelichen Welt, nicht nur, wie noch itzt die herrschende, sondern im buchstäblichen Verstande die einzige Umgangssprache war : und mehr noch hierin, dass ihn sein erster Mentor, Abbé Robinet, auf die Schönheiten der Französichen Dichter vor allen Andern aufmerksam gemacht hat ».
59 Michael Wögerbauer, art. cité.
60 Archives de Limbourg, fasc. 202, lettre de Hartig à Limbourg du 10 juin 1787.
61 Ibid., lettre de Hartig à Limbourg du 25 mars 1786.
62 Michel Espagne, Michael Werner, dir., Philologique III. Qu’est-ce qu’une littérature nationale? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris, MSH, 1994. p. 8 : « … les langues, loin de constituer des données objectives préétablies et stables, ont été l’objet de sollicitations diverses ».
63 Biographie Sr Excellenz Franz Grafen von Hartig, Wien, Albertis Witwe, 1799, p. 5.
64 Claire Madl, « Un art de mourir du temps des Lumières », dans Histoire et civilisation du livre 2, 2006, pp. 347-364, ill.
65 Odes, Livre II, XIV. Hartig ne donne jamais la référence des vers qu’il cite.
66 Odes, Livre III, XXX « Je ne mourrai pas tout entier, et une bonne partie de mon être sera soustraite à Libitine » (Horace. Tome I : Odes et épodes, éd. et trad. F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1927 (« Budé »), p. 147).
67 Lettres sur la France…, ouvr. cité.
68 « Du moins, un repos exempt de soucis, une vie qui ne connaît pas la tromperie » : Virgile, Les Géorgiques, II, 48. Cité par Hartig dans les Lettres, p. 210 et aujourd’hui encore, en lettres d’or, sur la corniche de la bibliothèque que fit installer Jean-Philippe de Limbourg vers 1775. La traduction ici donnée est celle de l’édition Paris, Belles Lettres, 1995 (« Budé ») (1re éd. 1957, trad. E. de St-Denis, rev. R. Lesueur).
69 « Lettres dans le genre des Élégies de Tibulle », publiées une première fois dans les Varitétés (ouvr. cité) et une seconde dans le Mêlange de vers et de prose (ouvr. cité).
70 Pour l’utilisation du modèle élégiaque latin : Gert Ueding, Klassik und Romantik, ouvr. cité, pp. 634 et suiv.
71 Le grand burgrave de Bohême, le prince de Fürstenberg, en possédait à sa mort en 1787, dans sa bibliothèque praguoise, près de quatre cents volumes : Petr Mašek, « Křivoklátská knihovna rodu Fürstenbergu° » [La bibliothèque des Fürstenberg à Křivoklát], Sborník národního muzea v Praze Rǎda C (literární historie), XXXVIII, 1993, 1-2. pp. 39-62.
72 Paris, Lacombe, 1773 (Mimoň 37).
73 Mimoň 108.
74 Mimoň 859.
75 L’Esprit de Sénèque, Bruxelles, chez les t’Serstevens, 1713 (Mimoň 93).
76 Parmi ces classiques, il nous faut signaler, bien qu’ils aient appartenu au fils de Hartig, deux beaux volumes : une édition des Lettres et panégyriques de Pline par Casaubon, avec des notes à la marge effectuées par Estienne pour les variantes des Lettres, et qui porte un ex-libris manuscrit et une dédicace de la personne qui a offert le livre au jeune comte en 1800. Une édition des Bucoliques, Géorgiques et de l’Énéide par Firmin Didot, stéréotype de 1798-1799, « la plus belle de toutes » selon Graesse. Il ne s’agit pas de l’édition de luxe in-folio mais d’un in-12 (Mimoň 371).
77 « Ein Mahl lese ich Homer nach Beurtheilung eines Virgils, ein anderes Mahl wiederhole ich diese Lesung nach dem Urtheile eines Strabo… » (Biographie…, ouvr. cité, p. 7).
78 On trouve, dans les archives de la famille, parmi les devoirs d’écoliers des fils Hartig, un exercice de latin ou l’enfant rédigea le dialogue fictif de deux jeunes gens, l’un soutenant que l’étude du latin est inutile, le second s’appliquant à lui démontrer le contraire. Le dialogue est écrit en allemand et en latin. Les fils de Hartig avaient alors environ 10 ans : Archives de la région de Litoměřice, Žitenice, fonds de la famille Hartig, Collections de manuscrits (à l’origine faisant partie de la bibliothèque) R 98 cart. 5 [ca 1800].
79 Candide, ou l’Optimisme, [Genève, Cramer], 1759 (Mimoň 1234).
80 Antoine Lilti, Le Monde des salons : sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2005, p. 109. Voir Lettres sur la France, ouvr. cité, pp. 143-147.
81 Ibid., p. 153.
82 Ibid., p. 155.
83 « Vers faits en voyant le tombeau de Rousseau à Ermenonville, le 20 août 1786 », dans L’Esprit des journaux, déc. 1786, rubrique « Poésies fugitives ».
84 Leipzig, Lankisch (Mimoň 289).
85 Essai sur les avantages que retireroient les femmes en cultivant les sciences et beauxarts par un amateur, [s.l. s.n.] [1774], 40 pp.
86 Antoine Léonard Thomas, Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes dans les différens siècles, Paris, Moutard, 1772. Hartig possède une édition des œuvres de Thomas de 1773 (Mimoň 592), dont le volume IV contient ce texte.
87 Denis Diderot, Sur les femmes. Sur l’estampe de Cochin mise en tête de l’Essai sur les Femmes de M. Thomas, dans Œuvres, Paris, Gallimard, 1969, pp. 949-961, (« Bibl. de la Pléiade »). Le compte rendu était paru dans la Correspondance de Grimm en 1772.
88 Les Épreuves indiscrettes. Comédie en deux actes, Archives de la région de Litoměřice, Žitenice, fonds de la famille Hartig, n° 124 cart. 11.
89 Ibid. Le Faux Ami est une pièce de Mercier qui elle aussi est une défense de l’amour et du bonheur conjugal.
90 La Recommandation. Proverbe (Mimoň R 53 I-V) et La Corbeille de mariage. Proverbe (Mimoň R 54/1-5). Sur chaque cahier est noté ce que doit dire l’acteur. Avant chaque répartie est inscrite et soulignée la fin de la répartie du personnage précédent. Aucune autre version n’a été trouvée de ces petites scènes.
91 Variétés, imprimé à Cythère, p. 56. La notoriété de l’illustration ici mentionnée n’est pas négligeable car cette reproduction vaudra au Mausolée de Gellert de servir de modèle pour un certain nombre de cénotaphes. Pour cette notoriété en Bohême, Roman Prahl, Umění náhrobku v ceských zemích let 1780-1830 [L’art de la tombe en pays tchèques, 1780-1830], Praha, Academia, 2004, p. 44. Pour l’illustration elle-même : Christian Cay Lorenz Hirschfeld, Theorie der Gartenkunst, Leipzig, Weidmann & Reich, 1780, vol. III, p. 147 et pl. I.
92 Dictionnaire des lettres françaises. Le XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1995 (1re éd., 1960), article « Werther » pp. 1365-1366.
93 Mêlange de vers et de prose, ouvr. cité, p. 35.
94 Paul Hazard dit de Marivaux qu’il courut « avec succès cette aventure unique de mettre de l’intelligence dans l’amour » Paul Hazard, La Pensée européenne au XVIIIe siècle : de Montesquieu à Lessing, Paris, Fayard, 1995 (1re éd. 1963), p. 225.
95 Philippe de Limbourg, Un Grand seigneur littérateur du XVIIIe siècle. Les éditions liégeoises du comte d’Hartig, Liège, Société des bibliophiles liégeois, 1928, pp. 60-62, attire l’attention sur ces quelques vers.
96 Mêlange de vers et de prose, ouvr. cité, p. 182.
97 Philippe de Limbourg, Un Grand seigneur littérateur, ouvr. cité, p. 55.
98 Gérard Genette, Palimpseste, Paris, Seuil, 2003 (« Points essais ») (1re éd., 1982), p. 129 : l’imitation ne peut pas « rester neutre et n’a d’autre choix qu’entre la moquerie et la référence admirative ».
99 E. Böklen, Sneewittchenstudien. Fünfundsiebzig Varianten im engern Sinn Gesammelt und unter sich selbst verglichen von…, Leipzig, J.C. Hinrichs’sche Buchhandlung, 1910, p. 10. Une bibliographie concernant chaque conte est disponible sur le serveur : www.maerchenlexikon.de
100 Johann Karl August Musaeus, Volksmärchen der Deutschen, Gotha, Ettinger, 1782-1787, 5 vol. Blanche-Neige figure dans le premier volume, mais nous n’avons pas pu consulter cette édition.
101 Archives de Limbourg, fasc. 202, Limbourg à Hartig, le 21 octobre 1787.
102 Allgemeine deutsche Bibliothek, vol. 96, 1790, pp. 106-112.
103 Archives de la région de Litoměřice, Žitenice, fonds de la famille Hartig, n° 124 cart. 11.
104 Ces ouvrages ont souvent aujourd’hui disparu de la bibliothèque, mais on les trouve signalés dans le volume Romans du catalogue ms (Mimoň R 67 VII). Sur Spiess et sa réception, voir Václav Maidl, « Die Rezeption von Christian Heinrich Spiess in den böhmischen Ländern », dans Germanistica Pragensia, XVI, 1999-2002, pp. 43-53. Tout le numéro est consacré à cet auteur.
105 Traductions de Prokop Šedivý, comme Zazděná slěcna, aneb Podiwné příhody Marie z Hohenturnu. Rytiřská historie z třináctého století [La jeune fille murée, ou les Étranges aventures de Marie de Hohenturn. Histoire chevaleresque du XIIIe siècle], Praha, [s.n.], 1794.
106 Par exemple, pour les éditions parues avant 1800 : Le Petit Pierre, ou Aventures de Rodolphe de Westerbourg, Paris, Leprieur, An-III-1795, 4 t., ou encore une seconde traduction du même ouvrage : Petrillon…, Wien, [s.n], 1796. Et, du même traducteur, Les Gnomes, ou les Esprits des montagnes : histoire véritable, Wien, aux dépens du traducteur, 1796. Théodore, ou le Petit Savoyard, Paris, Déroy, An V-1797, 2 vol. Biographies de suicidés. [Lausanne], Paris 1798. 2 vol. Deux pièces de théâtre ont été traduites en néerlandais.
107 Christoph Heinrich Spiess, Biographien der Selbstmörder, dont Hartig possède deux éditions. Dans celle de Leipzig, 1786 (Mimoň 3535), la nouvelle se trouve au t. II, pp. 88-139 (« Olivie Amenuti. Eine Wahre Geschichte aus dem dreyzehnten Jahrhunderte »). Il possède aussi une édition indiquée comme 3e éd., Prag, Leipzig, Meissner, 1792 (Mimoň 1517). Cette nouvelle a été publiée en tchèque par Prokop Šedivý sous le titre de Krásná Oliwia Aneb. Strassidlo w bjlé wěži z třináctého stoletj [La belle Olivia, ou le Fantôme de la tour blanche du XIIIe siècle], Praha, Kramerius, 1798.
108 Laura, eine allegorische Idylle. Gesungen als ein gräf licher Musenfreund den Geburtstag der edlsten Gattinn begieng [Laura. Idylle allégorique chantée par un comte ami des muses à l’occasion du jour de naissance de la plus noble épouse], [s.l., s.n.], 1786 (Mimoň 1512 et 2747). Hylas genesung. Eine allegorische Idylle seiner Laura gewidmet [La guérison d’Hylas, Idylle allégorique qu’il dédie à sa Laura], [s.l., s.n.], 1787 (Mimoň 1513 et 2748).
109 Milena Lenderová, « Instruction d’une fille noble : objectifs, réf lexions, autoréf lexions », dans Adelige Ausbildung. Die Herausforderung der Aufklärung und die Folgen, München, Martin Meidenbauer, 2006, pp. 59-67 (p. 65 pour l’évolution de l’apprentissage du français chez les jeunes filles nobles d’une génération à l’autre, autour de 1800).
110 Ivo Cerman, « Empfindsame Briefe. Familienkorrespondenz der Adeligen im Ausgang des 18. Jahrhunderts » dans Spolěcnost v zemích habsburské monarchie a její obraz v pramenech (1526-1740) [La société dans la monarchie des Habsbourg et son image dans les sources (1526-1740)], České Budějovice, Jihočeská univerzita, 2006, pp. 283-301, signale p. 291 que le surnom donné entre époux, à l’intérieur d’une correspondance en français, témoigne d’une pratique orale de l’allemand où le comte est l’« Heperl » de son épouse, laquelle est sa « petite Heperlin ».
111 Nous avons ainsi pu consulter la belle édition française des Idylles de Gessner publiée à Paris chez la Veuve Hérissant et Barrois, in-4° sans date mais dont les gravures sont datées de 1779 et 1780. L’ouvrage, qui ne figure ni à la BnF, ni à la bibliothèque de Göttingen, possède une gravure avant chaque Idylle. Celle placée en frontispice présente sur un côté trois médaillons superposés, dont le plus haut représente Théocrite, celui du milieu Virgile et le plus bas Gessner. Salomon Gessner, Œuvres (dessins de Le Barbier, gravures de Godefroy), Paris, [s.n.], [s.d.]. Hartig possède une édition d’Œuvres choisies et poésies diverses, Paris, 1774 (Mimoň 3085).
112 Pavel Preiss, « Jan Quirin Jahn a český klasicismus » [J.Q. Jahn et le classicisme en Bohême], Sborník národního musea A., vol. XII, n° 3, 1958, p. 140.
113 Archives de la région de Litoměřice, Žitenice, fonds de la famille Hartig, n° 124 cart. 11.
114 Mêlanges, ouvr. cit., p. 147 : « Mes souvenirs ».
115 Le Temple de la mort (…) imprimé à Genève, [1776] (Mimoň 1791), et réimprimé dans L’Esprit des journaux, déc. 1778, pp. 229-232. Voir une ébauche d’analyse dans : Claire Madl, « Un art de mourir du temps des Lumières », art. cité, et L’Écrit, le livre et la publicité, ouvr. cit., pp. 475-478 et annexe 10, p. 559.
116 Allgemeine deutsche Bibliothek, vol. 96, 1790, pp. 106-112, ici p. 111. L’auteur précise, pour La Belle Richilde, qu’au lieu d’imitation, Hartig aurait pu indiquer qu’il s’agissait d’une traduction.
117 Hélène Merlin, Public et littérature, en France au XVIIe siècle, Paris, Belles Lettres, 1994, p. 367 cite l’abbé Charnes, Conversations sur la critique de « La princesse de Clèves », Paris, Claude Barbin, 1679, pp. 8-9.
118 Ferdinando Galiani à Diderot, cité par Roger Chartier « L’homme de lettres » dans L’Homme des Lumières, dir. Michel Vovelle, Paris, Seuil, 1996, p. 172.
119 La Recommandation. Proverbe (Mimoň R 53 I-V : manuscrit).
120 Gérard Genette, Palimpseste, ouvr. cité, p. 109.
121 Je me réfère ici à une remarque anecdotique de Casanova, qui entame une lettre à un de ses correspondants en Bohême Johann Ferdinand Opiz en italien, puis s’aperçoit de sa méprise et passe au français conformément à son habitude. Il s’excuse et explique que la « matière » l’occupait « si fort que l’idiome est devenu rien ». Cf. Giacomo Casanova (éd. Fr. Khol, Otto Pick), Correspondance avec J. F. Opiz publiée d’après le manuscrit de J.F. Opiz. Tome premier, Leipzig, Kurt Wolff Verl., 1913, p. 28.