La librairie française à Berlin : Le rôle de la diaspora huguenote et de la librairie hollandaise
Christiane BERKVENS-STEVELINCK
La Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV lança sur les routes d’Europe des milliers de réfugiés protestants. L’exil des huguenots avait déjà commencé quelques années auparavant. L’année 1685 en marque l’apogée, mais la saignée continuera jusquà l’aube du siècle suivant.
Les premières années de l’exil sont dures, les premières nécessités impératives. Après quelques temps toutefois, d’autres nécessités s’imposent. Dans toute la diaspora huguenote, des Pays-Bas à la Suède et de la Suisse à l’Angleterre, on voit surgir un commerce de livres qui suit ses voies propres. Berlin et le Brandebourg ne font pas exception à la règle. Depuis la fin du XVIe siècle, l’édition berlinoise s’était développée sous un régime de privilèges accordés par le souverain à certains éditeurs de la ville. D’autre part, les librairies d’assortiment y florissaient1. L’arrivée massive des huguenots dut créer assez vite une demande de livres français. Plus tard, la présence de philosophes français à la cour de Prusse et l’intérêt prononcé pour les Lumières françaises, dès le premier quart du XVIIIe siècle, ne firent qu’attiser cette demande, à laquelle les libraires berlinois se chargèrent de répondre. Ce ne sera qu’en 1743, soit plus de cinquante ans après l’exil huguenot, qu’une librairie française verra le jour à Berlin, celle de Jean Neaulme, bientôt suivie de celle d’Étienne Bourdeaux. Le développement de la librairie française berlinoise ne peut se comprendre qu’en relation avec la colonie française de la ville et avec la librairie hollandaise. Son histoire n’est pas facile à faire, car les sources font cruellement défaut, et on ne peut que l’esquisser à partir d’une mosaïque de données éparses.
MANUSCRITS HUGUENOTS DE BERLIN
Le commerce du livre français à Berlin entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle se distingue en effet par des allées et venues constantes entre la capitale brandebourgeoise et la Hollande2.
Les auteurs huguenots réfugiés à Berlin, comme d’ailleurs leurs coreligionnaires vivant dans d’autres pays du Refuge, envoient leurs manuscrits en Hollande où des éditeurs, huguenots ou non, les publient pour les écouler ensuite dans toute l’Europe grâce à leurs excellents contacts commerciaux. Trois ans à peine après la Révocation, un des premiers pasteurs huguenots de Berlin, Gabriel d’Artis, fait éditer par les héritiers de P. Hamel à Deventer ses Sentimens désintéressés sur la retraite des pasteurs de France, ou Examen d’un livre qui a pour titre Histoire et Apologie de la retraite des pasteurs, à cause de la persécution de France3. L’ouvrage à succès de son collègue Jacques Abbadie, L’Art de se connoitre soi-même, ou la Recherche des sources de la morale, paraît en 1692 chez le libraire rotterdamois Pierre vander Slaart. Leurs successeurs à la chaire de Berlin, Jacques Lenfant et Isaac de Beausobre, s’adressent à Pierre Humbert à Amsterdam, lequel publiera en 1718 la première édition de leur nouvelle traduction du Nouveau Testament de Notre Seigneur Jesus-Christ, traduit en françois sur l’original grec. L’un et l’autre s’adressent ensuite à différents éditeurs hollandais pour imprimer leurs autres titres. Abbadie, de Larrey et Veyssière de La Croze s’adressent aussi au libraire rotterdamois Reinier Leers, lequel entretient par ailleurs des contacts avec son confrère Robert Roger à Berlin4.
Dans les décennies suivantes, la librairie hollandaise conserve un monopole presque absolu sur les éditions de manuscrits huguenots venant de Berlin. Comme l’attestent les catalogues de fonds des Hollandais, l’apport de manuscrits huguenots venant des pays du Refuge est important. Historiens et philosophes emboîtent le pas aux pasteurs et passent régulièrement par des intermédiaires pour trouver en Hollande un éditeur disposé à les publier. Prosper Marchand, libraire parisien réfugié aux Pays-Bas du Nord en 1709, exerce son métier avec succès. Par son biais, de nombreux manuscrits huguenots trouvent preneurs, tels l’Histoire des sept sages du conseiller à la cour de Prusse Isaac de Larrey5, l’Histoire du christianisme des Indes ainsi que l’Histoire du christianisme d’Éthiopie du bibliothécaire de la cour de Prusse, Mathurin Veyssière de La Croze6, l’Histoire d’un voyage littéraire fait en 1733 en France, en Angleterre et en Hollande d’un autre conseiller du roi de Prusse, Charles Étienne Jordan7, ou encore l’Histoire des Celtes et particulièrement des Gaulois et des Germains de la plume de Simon Pelloutier8. Plus tard, Jean Henri Samuel Formey publiera en Hollande plus d’une vingtaine de manuscrits de son crû et onze éditions d’autres ouvrages, sans parler de journaux comme la Bibliothèque germanique et ses suites9 ou encore la Bibliothèque impartiale10. La correspondance du libraire de Leyde Élie Luzac avec Formey est une vraie mine pour les contacts entre la libraire hollandaise et Berlin11. Luzac publie six titres de Formey, et ses lettres sont remplies de précision quant au paiement et à l’envoi des manuscrits12.
La correspondance de Prosper Marchand, conservée à la Bibliothèque universitaire de Leyde, et celle de Jean Henri Samuel Formey, conservée à Berlin et à Cracovie, permettent de suivre dans le détail le chemin parcouru par ces manuscrits huguenots13. Il en ressort que la demande de manuscrits par les libraires hollandais et la soumission de manuscrits par les auteurs huguenots de Berlin s’équilibrent assez bien jusqu’aux années 1760-1770. Isaac de Beausobre entretient des contacts suivis avec ses éditeurs hollandais Pierre Humbert et Jean Frédéric Bernard. Il se félicite ainsi de la rapidité de l’impression de la seconde édition de la traduction du Nouveau Testament14. Avant d’envoyer ses manuscrits en Hollande, il les fait revoir par Formey15, qui fait pendant de longues années office de plaque tournante entre les auteurs berlinois et les éditeurs néerlandais. D’Amsterdam, le libraire Schneider ne cesse de réclamer à Formey des manuscrits originaux ou des corrections et augmentations d’ouvrages déjà parus, des traductions ou encore des sermons16. Certains ouvrages didactiques de Formey font sa fortune, déclare le libraire :
Car tous ces ouvrages je les regarde comme les classiques pour les écoles de pensions (…) ; avec mon petit atlas, qui a un débit brillans, partout où il est connu !17
Luchtmans, de Leyde, prend aussi contact avec Formey en 1764. Il publiera les manuscrits préparés par Formey des Maximes de Tyr et des Institutions politiques du baron de Bielfeld, et accepte un manuscrit de Sermons de Formey, malheureusement illisible et qui ne verra pas le jour18.
Mais dans les années 1750-1760, les libraires hollandais commencent à refuser de plus en plus de manuscrits en provenance de Berlin, du moins si l’on en croit la correspondance de Formey. Quelques exemples : Schreuder refuse d’éditer le Journal épistolaire que Formey avait entamé à son insu, et qui pouvait, selon le libraire, faire ombrage à la Nouvelle bibliothèque germanique19. Jean Neaulme, en contact avec Formey depuis 1743, avait publié le dernier tome de la Belle Wolfienne en 175320, mais rechigne à publier une Vie de Baratier dont Formey a le manuscrit mais dont le libraire n’attend aucun débit21, ou encore Le Véritable Émile de Formey lui-même22. A propos de ce dernier manuscrit, il s’écrie : « Si Rey ou Schneider ne le font pas, nul libraire de Hollande ne le fera »23. Ancien commis de Luzac, Pierre Henri Jacqueau s’établit à son compte à Leyde en 1754 et s’adresse à Formey pour qu’il lui fournisse non seulement de la copie pour la Bibliothèque impartiale24, mais aussi un manuscrit « dans le goût du Philosophe chrétien »25. Formey lui envoie deux manuscrits, le Tableau du bonheur domestique et le Dictionnaire de littérature, ouvrage dirigé contre Voltaire26. Jacqueau met le premier sous presse, mais cherche en vain à placer le second chez des confrères hollandais et même anglais.
A l’inverse, les libraires berlinois eux-mêmes se montrent de plus en plus disposés à imprimer les productions françaises des huguenots de Berlin. Cette évolution se mesure bien de génération en génération. Les huguenots arrivés à Berlin à la fin du XVIIe siècle, les Abbadie, Beausobre ou Lenfant, trouvent éditeurs en Hollande. Les huguenots de la seconde génération, comme Formey, ont une bibliographie beaucoup plus diversifiée. Des 126 œuvres personnelles données par Formey entre 1734 et 1793, 82 paraissent à Berlin, 21 en Hollande, 12 dans des villes diverses, dont quatre allemandes. Douze titres paraissent sans lieu d’édition. Mais à partir de 1769, Formey publiera tous ses ouvrages à Berlin. Les 42 titres dont il assura par ailleurs l’édition ou la traduction témoignent d’une tendance identique : 22 titres paraissent à Berlin, 11 en Hollande, 4 dans des villes diverses dont deux allemandes, et 2 sans lieu d’édition. Mais ici, la filière hollandaise s’arrête dès 1762.
On pourrait en conclure que le tarissement des manuscrits de Berlin édités en Hollande est dû à des difficultés économiques ou encore à un décalage d’intérêt entre la production des auteurs berlinois et les débouchés de la librairie hollandaise. Mais ce serait aller trop vite en besogne. Certes, la Guerre de Sept ans, qui débute en 1757, constitue une période extrêmement précaire pour les contacts commerciaux en Europe et en particulier pour tout ce qui regarde le commerce du livre. Les libraires s’en plaignent constamment27 : « La guerre a entièrement ruiné le commerce », écrit Pierre Rousseau de Bouillon en 1758, et sa correspondance avec Formey cesse entièrement de 1758 à 176128. Mais il y a autre chose : Formey écrit ses ouvrages aussi vite qu’il les conçoit. Il corrige, rédige ou annote d’autres ouvrages, à une allure défiant toute concurrence. Il a 126 titres à son nom, participe à 42 éditions de tierces personnes et à 13 journaux29. Sa production est donc immense. Aussi n’est-il guère étonnant que les libraires se montrent régulièrement sceptiques quant au débit de tous ces ouvrages, surtout s’il s’agit de sermons ou de titres analogues, auxquels le public ne s’intéresse plus30. Ce ne sont pas que les Hollandais qui lui font grise mine, mais de nombreux autres libraires refusent aussi les manuscrits qu’il propose : Arkstée et Merkus lui écrivent ainsi de Leipzig ne pouvoir se charger d’un manuscrit d’un certain Gresset31, ni de celui de l’Enzyme politique, que Moetjens avait déjà édité en Hollande32, et encore moins d’un mystérieux manuscrit dont ils ne citent pas le nom mais qu’ils critiquent assez vertement :
Il est vrai que le plan est admirable pour les savans, mais il n’est pas de même pour un libraire de probité, de tant de libraires qu’il y a en Europe, il n’y en a pas un seul qui pourra dire de n’avoir point imprimé de mauvais livres sujets à la critique, et si vous trouvez, Monsieur, un libraire qui se charge de votre ouvrage, nous sommes sûrs qu’ils ne gagnera que la haine de ses confrères33.
De Genève, les libraires Claude et Antoine Philibert, qui avaient demandé à Formey de leur envoyer des manuscrits de Berlin, refusent deux manuscrits de Beausobre que Formey leur avait suggéré d’éditer. Dans un premier temps, ils envisagent de publier un manuscrit de Formey sur le droit naturel, mais ses exigences les obligent à renoncer : plus de 3 florins la feuille, payables à l’avance, leur semble exhorbitant pour un livre qui a toutes les chances d’être contrefait dès sa parution et qui, en outre, n’aura que peu de débit en Suisse34. Le Parisien Briasson, dont 73 lettres attestent un contact étroit avec Formey pendant plus de trente-cinq ans, regrette vivement d’avoir lancé une souscription pour une nouvelle édition du Dictionnaire de Ménage, enrichi grâce à Formey des notes de Le Duchat : il n’a récolté, pour tout résultat, que six inscriptions !35 Briasson avait déjà refusé d’éditer l’Encyclopédie réduite de Formey, parce que cet ouvrage aurait pu nuire à sa propre édition de l’Encyclopédie36. Et lorsqu’il est question, en 1755, d’imprimer à Paris une nouvelle édition des Conseils pour dresser une bibliothèque, de Formey, que Haude et Spener avaient édités avec succès à Berlin en 1746, Briasson écrit à l’auteur que l’ouvrage doit être entièrement remodelé selon le goût français. Dans sa lettre, le libraire parisien refuse par ailleurs d’éditer deux autres titres de Formey, le Vrai système du bonheur, et l’Essai sur la perfection : ce genre de choses ne se vend plus…37
L’exemple de Formey montre bien que le déclin du commerce de manuscrits entre Berlin et les Pays-Bas, dans les années 1750-1760, est dû à un ensemble de facteurs. Un demi-siècle après la Révocation, la production de manuscrits susceptibles d’intéresser les protestants français réfugiés dans différents pays d’Europe commence à décliner. Les grands noms du Refuge sont en voie de disparition. De plus, la conjoncture économique, jointe aux périls politiques, rend le commerce du livre précaire. La Guerre de Sept ans marque sans conteste un tournant décisif, et, après cette période extrêmement difficile, la donne a changé : la librairie hollandaise est en déclin, tandis que d’autres pays, comme la France, la Suisse et la Belgique actuelle, prennent la relève. Les langues nationales, les intérêts régionaux gagnent du terrain. Les auteurs berlinois d’origine huguenote donnent à présent la préférence aux libraires de leur pays d’adoption, devenu le leur définitivement.
LES LIVRES FRANÇAIS EN VENTE À BERLIN
Comment les réfugiés huguenots de Berlin s’approvisionnaient-ils en livres français ? Cette question n’est pas facile à résoudre, en tout cas pour la première période. On peut supposer que les réfugiés, en particulier les pasteurs, ont pu emporter avec eux les livres dont ils ne voulaient pas se séparer. La présence importante, dans le catalogue berlinois du libraire huguenot Bourdeaux (1755), de vieux livres de polémique du XVIe siècle, semble indiquer l’existence à Berlin d’un commerce de livres anciens de seconde main : il pourrait s’agir des reliefs de ces anciennes collections.
Pour se procurer les livres français récents, les réfugiés ont le choix entre cinq canaux, qui se croisent parfois : 1) Les officines berlinoises de relieurs et imprimeurs spécialisés en livres français, Robert Roger, Arnaud Duffarat, puis Jacques Étienne et Alexandre Fromery. 2) Les librairies berlinoises d’assortiment. 3) Les contacts directs avec des libraires parisiens. 4) Les contacts avec les libraires hollandais venant aux foires de Francfort et Leipzig38. 5) Enfin, les envois personnels par le biais de la diaspora huguenote. Prosper Marchand constitue ainsi pour ses amis berlinois des ballots de livres qu’il leur envoie régulièrement39. A partir de 1743, s’établissent à Berlin des librairies françaises d’assortiment : Étienne Neaulme, Pierre Bourdeaux et Jean Jasper.
Plusieurs libraires hollandais proposent aussi leurs services pour faire parvenir à Berlin les ouvrages désirés et provenant ou non de leurs propres fonds. « Si vous avez besoin de quelques livres dans vos quartiers, je vous les fournirai à aussi juste prix que je le pourrai », écrit ainsi Isaac Beauregard à Formey40. Marc Michel Rey envoie en 1755 les Lettres péruviennes et plusieurs autres titres souhaités par Formey41, lequel continuera à se procurer de la sorte des livres français jusqu’à la fin de sa vie. Jacqueau envoie lui aussi régulièrement les livres demandés par Formey42. Les expéditions se font chez certains libraires berlinois, qui les font suivre : Pierre Mortier, par exemple, envoie des ballots chez Jasper « comme de coutume »43, tandis que Schneider adresse les siens chez Bourdeaux, Jasper, Pitra ou encore Pauli44, et Schreuder chez Nicolai ou chez Lange45.
Les libraires hollandais se chargent volontiers des commandes de livres publiés en France. Jean Neaulme, par exemple, fait régulièrement le voyage de Paris pour se procurer les nouveautés. Lorsqu’il prévoit une grande vente, en 1746, il va spécialement à Paris faire de « belles emplettes », mais n’oubliera pas pour autant d’acquérir pour Formey les livres désirés qu’il lui fera parvenir par Neaulme à Berlin46. Formey se procure par ailleurs directement à Paris certains titres qu’il désire, grâce à ses contacts directs avec Claude Briasson47. Delalain, voisin de Briasson, envoie lui aussi des livres à Berlin, par Pitra48, et il en est de même pour Leipzig, Francfort, Liège, Bâle, Genève et Copenhague. Formey correspond, dans chacune de ces villes, avec un ou des libraires qui le fournissent en livres49.
Les lecteurs berlinois se tiennent au courant des nouveautés en français par les catalogues de libraires, par les journaux ou par les catalogues de foires50. Les libraires en correspondance avec Formey, tels Jean Schreuder, Marc Michel Rey ou Pierre de Hondt, lui envoient leurs catalogues51. Grâce à celui de Jean Wendler, de Leipzig, Formey se tient au courant des traductions de livres anglais : c’est par ce biais que lui parviennent en 1755 des traductions françaises de Bolingbroke et de Hume52. Claude et Antoine Philibert, libraires français à Copenhague, lui envoient aussi leurs catalogues et en profitent pour lui demander d’inclure des annonces de livres nouveaux dans ses Annales typographiques53.
Les journaux savants, avec leurs comptes-rendus et leurs annonces de nouveautés, constituent en effet un biais privilégié pour atteindre les lecteurs potentiels, et les éditeurs de journaux ne manquent pas d’y annoncer leurs nouveaux titres. Pierre Humbert, premier éditeur de la Bibliothèque germanique, avertit le public qu’il vient d’acheter tous les exemplaires de la Bible de Martin et de l’édition de 1720 du Dictionnaire de Bayle, avec le droit de copie54. Il ménage une grande place à son collègue et co-éditeur amstellodamois Jean Frédéric Bernard : ce dernier va bientôt mettre sous presse la Bible française d’Osterwald et lance en même temps une souscription pour les Coutumes de tous les peuples du monde, un titre qui remportera un franc succès grâce aux magnifiques gravures du huguenot Bernard Picart55. Dans chaque livraison de son journal, l’éditeur donne une liste des « Livres nouveaux qui se trouvent à Amsterdam chez Pierre Humbert », où les titres venant de Paris l’emportent sur ceux de la diaspora huguenote édités en Hollande56.
L’étude statistique des comptes-rendus, parus dans la Bibliothèque germanique et dans ses suites est intéressante sous bien des aspects. On constate d’abord que les éditeurs hollandais ne se contentent pas d’annoncer leurs nouvelles éditions, mais qu’ils orientent aussi le choix des comptes-rendus. De 1720 à 1741, ce sont les éditions de Pierre Humbert, alors éditeur de la Bibliothèque germanique, qui sont à l’honneur ; de 1746 à 1760, celles de Schreuder et Mortier le jeune, éditeurs de la Nouvelle Bibliothèque germanique. D’autre part, la Bibliothèque germanique s’attache à mentionner les éditions de manuscrits huguenots envoyés de Berlin et publiés en Hollande57. Certains auteurs berlinois ont leur éditeur hollandais attitré : Jacques Lenfant publie ses ouvrages de préférence chez Pierre Humbert, l’éditeur de la Bibliothèque germanique, quand Isaac de Beausobre préfère Jean Frédéric Bernard, Charles Louis de Beausobre et Pierre de Hondt. De 1723 à 1738, d’autres libraires hollandais éditent des manuscrits huguenots : Alexandre de Rogissart, les frères Vaillant et Nicolas Prévost, Adrien Moetjens, Henri Scheurleer, la veuve Levier et Pierre Paupie, Herman Besseling. Se joignent à eux, dans les années 1740-1742, François Changuion, Pierre Mortier, Arkstée et Merkus, Jean van Duren, Isaac Beauregard et Étienne Neaulme.
En gros, de 1720 à 1745, les auteurs berlinois se font publier principalement à Amsterdam et à La Haye, chez un grand nombre de libraires, et il en sera de même de 1746 à 1753. Les éditions amstellodamoises – près de la moitié des titres – sont alors presque toutes dues aux libraires Jean Schreuder (et Pierre Mortier le jeune), éditeurs de la Nouvelle Bibliothèque germanique et qui ont aussi une succursale à Leipzig. La Haye est représentée par Jean Neaulme, Pierre Gosse, père et fils et Isaac Beauregard, éditeur du Journal littéraire de l’Allemagne, de la Suisse et des pays du Nord – nous sommes donc devant une certaine tendance à la concentration. On se rappellera que la dernière édition hollandaise établie par Formey, paraît en 175958, et que le dernier journal dont la copie parvient de Berlin en Hollande, la Nouvelle Bibliothèque germanique, se termine aussi en 1759 : désormais, Formey publiera à Berlin.
LA LIBRAIRIE FRANÇAISE À BERLIN
Les routes du livre
Les années 1760 marquent donc un renversement du commerce de manuscrits et de livres français entre Berlin et la Hollande. Les manuscrits d’auteurs huguenots berlinois ne quittent plus la ville, la librairie berlinoise prenant la relève de celle de Hollande. Le phénomène est d’ailleurs ancien, puisque, de 1696 à 1698, le libraire berlinois Rüdiger avait déjà édité le Nouveau Journal des sçavans d’Étienne Chauvin. D’autres suivent son exemple et publient des ouvrages de l’entourage francophone du souverain, ou des textes de l’Académie également rédigés en français. En 1743, le hollandais Jean Neaulme crée à Berlin une librairie française, et il est bientôt imité par Étienne de Bourdeaux. Mais avant de se pencher sur ces deux entreprises, il convient d’envisager rapidement le paysage général de la librairie berlinoise.
Avant 1683, Berlin comptait deux libraires éditant avec privilège, à savoir Daniel Reichel et Rupert Bölter. A leur grand dam, Christiaan Kirchner, de Leipzig, puis Jeremias Schrey et Heinrich Johann Meyer, et enfin Friedrich Pesenecker en 1688, vinrent leur faire concurrence. Vers 1700, la ville compte cinq libraires : J. Bölter, Johann Michael Rüdiger et H.J. Meyers sont éditeurslibraires ; Otto Christian Pfeffer et J. Pesenecker ont des librairies d’assortiment. Trois imprimeurs et une quinzaine de relieurs viennent compléter le tableau. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la librairie berlinoise sera dominée par Rüdiger, Bölters et Nicolai, ce dernier successeur de Meyer59. Johann Andreas Rüdiger édite plusieurs centaines d’ouvrages, dont certains en français, tandis que ses catalogues d’assortiment de 1731 et 1735 mentionnent respectivement 7000 et 8800 titres, dont à nouveau plusieurs en langue française60. A la mort de Rüdiger fils, en 1751, la librairie passe aux mains de son beau-frère Christian Friedrich Voss, qui servira régulièrement d’intermédiaire pour les envois de livres français et qui publie en français – une dizaine de titres dans cette langue entre 1749 et 177061. Pitra quant à lui donne entre 1767 et 1791 une dizaine de titres en français. Un des plus grand libraires de Berlin, Ambrosius Haude, publie en 1740 le Journal de Berlin ou Nouvelles politiques et litéraires. Il formera bientôt une maison prospère avec son beau-frère, Carl Spener, et leur catalogue de 1753 compte quelque 17 000 titres : la centaine de traductions allemandes d’ouvrages français – Bayle, Boileau, Voltaire, Molière, La Croze, de Crousaz et Fontenelle – représente à peine 1,5% de l’ensemble62. Autre concurrent de Rüdiger, Voss et Haude & Spener, Christoff Gottlieb Nicolai publie 370 éditions entre 1714 et 1748. Son catalogue de 1737 propose 12 000 titres63, dont bien entendu des livres français. Les libraires allemands de Berlin publient donc, en nombre limité, soit des livres en français, soit des traductions allemandes d’ouvrages français, mais leur apport reste modeste. Les livres français en vente à Berlin proviennent principalement de l’étranger.
La correspondance de Formey révèle les canaux utilisés pour faire parvenir à Berlin les livres français de Hollande ou d’ailleurs. Les libraires dont le nom revient le plus fréquemment dans les lettres sont, outre Neaulme, Bourdeaux et Jasper, Haude et Spener, Voss, Pitra et Nicolaï. Inversement, les libraires de Berlin envoient des livres français à l’étranger, mais ce commerce est beaucoup moins important. Jasper essaie en 1769 et 1770 de se procurer des ouvrages de Formey pour un libraire « du dehors »64. L’année suivante, Luchtmans suggère à Formey de demander à Voss, Haude et Spener s’ils ont l’occasion d’envoyer des ballots de livres à Amsterdam65. Schneider essaie quant à lui de se procurer à Berlin des ouvrages latins qu’il a l’intention de faire traduire en français66. De Copenhague, Philibert se plaint de la lenteur de Jasper, de Haude et Spener, et de Voss à lui envoyer des ouvrages berlinois67 : ces libraires n’achètent d’ailleurs rien par échange à Copenhague, malgré la distribution des catalogues danois dans la colonie berlinoise68.
Le paysage de la librairie berlinoise s’enrichit, en 1702, d’imprimeurs et de libraires français : le relieur Arnaud Duffarat prend en effet alors la succession de Robert Roger, imprimeur français de la cour de Prusse, pour se concentrer, l’année suivante, sur la seule librairie d’assortiment. Six ans plus tard, Jacques Étienne (auquel succédera Jacob Naude) obtient un privilège pour les éditions françaises. Alexandre Fromery paraît aussi participer de ce commerce. Après ces débuts prudents, trois librairies françaises seront fondées à Berlin : celles de Jean Neaulme (1743), d’Étienne de Bourdeaux (1746) et de Jean Jasper (1748), responsable d’une vingtaine d’éditions françaises, entre autres d’œuvres de Jean-Pierre Erman et de Formey, et de plusieurs traductions de l’allemand69. Notre étude se concentrera sur les librairies Neaulme et de Bourdeaux.
La librairie Neaulme
Jean Neaulme (1694-1753) commence comme libraire à La Haye. Son catalogue de fonds, restitué par Otto S. Lankhorst dans un travail encore inédit, est fort délicat à établir. En effet, son adresse fut fréquemment employée pour dissimuler des ouvrages édités en France, mais que la censure aurait empêché de paraître, de sorte que Neaulme sert de paravent pour des éditions françaises qui, sinon, n’auraient jamais vu le jour70. Vers 1740, la librairie hollandaise connaît une crise grave. Les libraires, à court de liquidités, tiennent entre eux des ventes fictives. Nombreux sont ceux qui font faillite. Pour parer à cette crise, Jean Neaulme envisage d’ouvrir une succursale à Berlin, originellement conçue comme librairie d’assortiment. Il charge ses amis Marchand et Formey de faire les démarches nécessaires, de louer un local bien situé près du château de Charlottenburg, et d’accueillir son commis Étienne de Bourdeaux en 174371. Sa femme, Marianne, se rend elle aussi à Berlin où elle demeurera jusqu’à la fin de sa vie, tandis que lui-même reste à La Haye pour liquider les affaires : il ne la rejoindra qu’en 1751, pour une courte période de trois ans, après quoi il retourne en Hollande, où il ouvre une nouvelle succursale, à Amsterdam cette fois. Il meurt à La Haye en 1780. Marianne Neaulme dirige seule la maison de Berlin jusqu’à sa mort. Librairie d’assortiment au début, la firme Neaulme et Bourdeaux obtient, le 5 avril 1746, un privilège pour fonder une maison d’édition. Six ans après l’ouverture de la succursale Neaulme à Berlin, sous la raison sociale de « Neaulme et de Bourdeaux », de Bourdeaux quitte la firme pour s’établir à son compte et ouvrir sa propre librairie française. Si bien qu’en 1749, Berlin compte dans ses murs deux librairies françaises, offrant un riche assortiment de livres français et un petit nombre d’éditions propres.
Entre 1747 et 1764, l’officine berlinoise de Neaulme édite huit titres à l’adresse de Berlin, ou d’Amsterdam et Berlin. En 1751, Neaulme publie avec privilège les Mémoires pour servir à l’histoire de la maison de Brandebourg, par Frédéric de Prusse, preuve qu’il était bien en cour72. Ce qui se confirme en 1760, lorsqu’il donne une nouvelle édition des Œuvres du philosophe de Sans-Souci73. Il publie d’importants ouvrages, ce qui est facilité par la localisation à Berlin. En 1754, il entre en conflit avec Voltaire, à propos de l’édition de l’Abrégé de l’histoire universelle de ce dernier, dont il dit avoir acheté le manuscrit en France et qu’il donne à l’insu du philosophe74. En 1762, il édite l’Emile chrétien, une réponse de Formey à l’Émile de Rousseau75. Si cette production est limitée, elle n’en témoigne pas moins d’une bonne insertion dans l’actualité littéraire du temps.
Mais la firme doit surtout son importance au fonds d’assortiment. Neaulme ne manque pas, dans ses éditions, de donner la liste des livres en vente dans sa maison de Berlin. En 1743 déjà, paraît à la fin des Mémoires secrets de la République des Lettres du marquis d’Argens un « Catalogue des livres nouveaux, et autres, qui se trouvent à Berlin, chez Neaulme & Bourdeaux, & en temps de Foire de Breslau et de Leipzig, chez les mêmes »76. Bien entendu, les éditions Neaulme de La Haye se trouvent aussi à Berlin, tout comme un riche assortiment de livres français édités en Hollande ou en France et envoyés au Brande-bourg par La Haye. Les contacts entre Jean Neaulme et le libraire parisien Briasson, par exemple, sont fréquents77, et la librairie Neaulme fait encore office de boîte aux lettres pour de nombreux correspondants de Formey. Le dernier catalogue Neaulme, de 1764, était destiné à une ultime vente à Berlin, lors de la liquidation de l’affaire. Vu le manque d’intérêt du public, Jean Neaulme décide de reporter la vente d’une année et de la transporter à La Haye. Cette vente marque la fin définitive de toutes les succursales de Neaulme aux Pays-Bas et en Allemagne.
La librairie Étienne de Bourdeaux
Étienne Laurent de Bourdeaux (1717-1793) était entré dans la firme de Jean Neaulme à La Haye à l’âge de vingt ans. Envoyé par celui-ci à Berlin en 1743, il y dirige l’officine Neaulme et de Bourdeaux de 1743 à 1749, puis fonde sa propre maison, travaillant encore couramment avec la femme de Jean Neaulme, Marianne, qui dirige alors seule la succursale de Berlin. De 1747 à 1786, paraîtront à Berlin vingt-quatre éditions sous l’adresse Bourdeaux et Neaulme, soit moins de deux titres par an : les deux librairies françaises de Berlin travaillent avant tout dans l’assortiment. En 1791, Étienne de Bourdeaux se retire des affaires, et son fils, Pierre, prend la relève78. Assez curieusement, la première et la dernière édition de Bourdeaux et Neaulme sont des écrits maçonniques : Die Gestürtzen Freimaurer de 174779 et le Code maçon de la Loge française royale Yorck, de l’amitié de l’Orient de Berlin80. L’assortiment de Bourdeaux contient encore un autre titre maçonnique81. Si l’on sait que Pierre Bourdeaux était membre de la Loge royale York de l’Amitié à Berlin, on ignore si son père était lui aussi franc-maçon82.
Formey et le catalogue Bourdeaux de 1754
Étienne de Bourdeaux confie en 1754 à Formey la confection d’un catalogue raisonné de sa librairie qui doit donner une idée assez juste, nous semble-t-il, des livres en langue français disponibles à Berlin. Ce catalogue compte 2312 titres et se compose de différentes strates : on y trouve des livres anciens, des livres de débit courant et des nouveautés. Les livres anciens datent de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle et révèlent l’existence d’un commerce de livres d’occasion, provenant peut-être des bibliothèques des huguenots de la première génération. Les livres de débit courant sont ceux dont Bourdeaux a pu définir la valeur depuis son installation à Berlin : on trouve parmi eux beaucoup d’ouvrages didactiques et d’érudition générale. Quant aux nouveautés, marquées d’un astérisque, elles proviennent généralement de Paris. Dans l’ensemble, les éditions en provenance de Paris et de Hollande s’équilibrent plus ou moins : un tiers des titres (35%) vient de Paris, un autre tiers de Hollande (37%), 5,2% des pays allemands (dont 2,5% de Berlin) et 4,8% d’Angleterre. Quelques ouvrages portent comme adresse Bruxelles (1,9%) et Genève (1,6%). Livres anciens et nouveautés s’équilibrent : 15% des livres datent du XVIIe siècle, 15% sont marqués d’un astérisque comme étant des « nouveautés » (1754-1755). Le gros du catalogue (70%) consiste donc en ouvrages édités entre 1700 et 1750.
Formey, qui travaille à la demande de Bourdeaux, prépare un catalogue « raisonné »,
dont l’effet devroit être de rendre les Acheteurs raisonnables ; et peut-être que la Librairie ne s’en trouveroit pas trop bien. Cependant, il faut aller son train ; la Raison et la Vérité sont deux choses dont on ne peut ni ne doit se séparer83.
Les descriptions bibliographiques sont soignées. En maints endroits, Formey retrouve le ton didactique des Conseils pour dresser une bibliothèque84 : il ne se contente pas de décrire le fonds avec grande précision, mais il donne son opinion sur les titres mis en vente et sur la valeur des éditions proposées. Bien loin de vanter la valeur de tous les livres catalogués, il se montre très critique sur certaines œuvres, voire déconseille de les acheter ! Si le catalogue Bourdeaux de 1754 est ainsi assez étrange, il donne probablement une bonne idée des goûts assez éclectiques de la colonie française de Berlin, goûts que Formey est loin de partager tous, comme il ne manque pas de le faire savoir au lecteur. Autant de remarques étonnantes dans un ouvrage de cette sorte : passe encore pour « ce n’est que du babil mais du babil amusant »85, mais que dire de formules comme « livre plat et indécent »86, « vrai galimatias »87, « roman médiocre »88, « faiblement écrit »89, voire « fade et ennuyant »?90 Bourdeaux propose les Mémoires de Marolles, mais, selon Formey, ce n’est rien d’autre qu’une
réimpression à laquelle on ne se seroit pas attendu. Ce livre étoit fait pour rester enseveli avec les autres rapsodies, dont cet Auteur a inondé le Public pendant plus d’un demi-siècle91.
On se demande parfois comment le libraire a pu réagir en lisant dans son propre catalogue des remarques sensées dissuader les clients d’acheter ses livres ! Mais Formey se souvient qu’il est aussi journaliste et insère dans le catalogue de la librairie Bourdeaux des annonces et des souscriptions92 : ainsi, il annonce que La Beaumelle diffuse un projet de souscription pour son Recueil de Lettres et Mémoires. Formey en avait annoncé les conditions à la fin de la Lettre XIX du Journal épistolaire mais « croit devoir enrichir notre Catalogue de la Préface jointe au Projet en guise d’échantillon, et qui nous paraît fort intéressante »93. On assiste donc à un mélange de genres assez étonnant.
On peut tirer des commentaires de Formey certaines information sur le développement de la librairie berlinoise de langue française. La quasi totalité (94%) des ouvrages en vente chez Bourdeaux en 1754 sont des livres d’origine francophone, le reste étant constitué de traductions : 3% de l’anglais, 1,9% du latin, 0,4% du grec et de l’italien, 0,3% de l’allemand, 0,2% de l’espagnol. La part des traductions françaises d’ouvrages allemands est donc minime, ce qui est regrettable selon Formey, car les lecteurs francophones se voient ainsi privés de nombre d’excellents ouvrages. Le Droit germanique (Amsterdam 1749) a, dit-il, « été favorablement accueilli, et l’on a vu avec plaisir dans une langue plus généralement entendue que le Latin ni l’Allemand, un traité systématique du Droit public de l’Empire »94. Aussi Formey se réjouit-il des quelques bonnes traductions de l’allemand qui paraissent, comme celle des Fables et Contes de Gellert :
Insensiblement les traductions d’Allemand en François se multiplient et s’étendent aux ouvrages de goût. Il n’y a pas longtemps qu’on nous a donné les Satyres de Rabener, voici présentement les Fables de Gellert. Il en existoit déjà une traduction mais si mauvaise qu’elle déshonoroit véritablement cet ingénieux ouvrage. Celle-ci pourra la réhabiliter : elle paroît d’une bonne main, et les différentes parties de ce petit Volume forment un tout très gracieux95.
Les parfaits bilingues franco-allemands font l’admiration du réfugié de la seconde génération qu’est Formey. Les Épitres diverses du baron de Bar (Amsterdam, 1750), composées en français par un Allemand, connaissent en Allemagne une vogue extraordinaire. Bourdeaux les propose incontestablement avec succès, tant il y règne d’« esprit, de feu, d’enjouëment ; et (que) le fond en est solide ». Formey ajoute :
Si les vers après cela n’ont pas toujours le fini de ceux de Boileau, ou le gracieux de ceux de Voltaire, bien loin d’en être surpris, on doit louër et admirer un étranger qui sçait se faire lire en versifiant dans une langue qui n’est pas la sienne96.
Ce genre de remarques dénote une intégration culturelle lente, mais manifeste, qui se reflète comme tout naturellement dans l’assortiment des libraires huguenots de Berlin. Bourdeaux propose peu de traductions françaises d’ouvrages anglais et Formey, qui avait déjà montré dans ses Conseils pour dresser une bibliothèque qu’il se méfiait tout autant des philosophes que des romanciers anglais, ne paraît pas s’en plaindre. Il n’en déplore pas moins que les écrits de Shaftesbury, tel l’Essai sur l’usage de la raillerie, soient si difficiles à traduire en français97. Mais il ne peut s’empêcher de traiter par le mépris la traduction française des Aventures de Joseph Andrew et de son ami Abraham Adams parue à Amsterdam en 1744 :
C’est l’Abbé Desfontaines qui a publié cette traduction, dont le succès a été des plus médiocres. Les aventures y sont d’un goût trop bas pour plaire aux lecteurs françois ; et c’est une vaine excuse que de se retrancher sur les mœurs angloises dont on a le dessein de faire la peinture98.
L’auteur du catalogue de la librairie Bourdeaux prend le lecteur par la main pour choisir judicieusement l’édition qui convient le mieux à ses désirs. A bourse petite, édition bon marché : ceux qui ne peuvent se permettre d’acheter l’édition de Pline par le Père Hardouin se contenteront d’une autre, meilleur marché mais néanmoins acceptable99. Mais Bourdeaux compte aussi parmi ses clients des amateurs disposés à payer le prix fort pour enrichir leurs bibliothèques d’éditions de luxe :
C’est une espèce d’hommage qu’on rend aux hommes illustres dans la République des Lettres que d’imprimer leurs ouvrages avec magnificence. Nous annoncerons dans la suite plusieurs autres grandes éditions dans le goût de celle-ci. Entre les auteurs que la France a produits dans le dernier siècle, il en est peu qui mérite cette distinction à plus juste titre que Molière. Aussi les libraires de Paris n’ont-ils rien épargné pour embellir cette édition de tous les ornemens dont elle a été susceptible100.
Et effectivement, à la suite de Molière, Rabelais et Boileau sont proposés par Bourdeaux dans des éditions de luxe101. Dans d’autres cas, c’est la valeur des notes qui engage Formey à conseiller l’achat d’une édition particulière, comme celle des œuvres de Villon, enrichie des notes de Le Duchat recueillies par lui-même et retravaillées par Prosper Marchand à La Haye102.
LES GOÛTS DES LECTEURS FRANCOPHONES DE BERLIN
Quels étaient les goûts du public berlinois en quête de livres en français ? Le catalogue Bourdeaux nous en donne une image d’autant plus vraisemblable que son rédacteur, Formey, ne manque par de souligner des préférences qu’il n’apprécie guère. Il ne se contente pas de critiquer le contenu de certains des ouvrages que l’on trouve chez Bourdeaux, mais esquisse le type de lecteurs susceptibles de venir les acheter. Ce faisant, il trace implicitement un tableau de l’éventail des lecteurs berlinois tel qu’on en rencontre rarement. La vulgarité le hérisse :
Comme les goûts varient à l’infini, des ouvrages tels que l’Art de pêter trouvent lecteurs, auxquels il ne faut pas envier le plaisir dont ils jouissent103.
Mais ce qui lui déplaît surtout, c’est de voir la lecture ravalée au niveau d’un amusement vide de sens pratiqué par des gens désœuvrés104. Car, se demande-t-il, « quand on est au bout de pareils ouvrages, qu’a-t-on lu ?»105. Ce n’est pas qu’il refuse toute lecture légère, mais il exige un minimum de style : les lecteurs qu’ils qualifie de « subalternes » se contentent malheureusement du style du même nom106. Sous la plume de Formey, certaines pratiques de lecture se matérialisent. Il note ainsi, après la description des Œuvres d’Houdard de la Motte :
Ceux qui aiment les Vade mecum et qui ne goutent les plaisirs de la promenade qu’autant qu’ils ont pris la précaution de se charger de quelque lecture amusante, auront ici véritablement leur fait…107
On imagine les parties de campagne dans les environs de Berlin, égayées de moments de lecture dans la verdure – et l’auteur de la Belle Wolfienne ne saurait condamner cette pratique. Mais c’est l’érudit Formey que découragent les
lecteurs distraits et peu sérieux, qui aiment à voltiger sur plusieurs sujets sans trop les approfondir…108
Ses plaintes font écho à celles du pasteur Formey qui, vers la même époque, constatait au temple, le dimanche matin, un manque de sérieux et de tenue caractérisé… Près de deux générations se sont écoulées depuis l’arrivée des premiers huguenots à Berlin, et on est bien loin maintenant de la Révocation et de l’exil. A l’origine, les huguenots de Berlin se nourrissaient d’ouvrages pamphlétaires ou pieux tels que L’Anatomie de la messe de Pierre du Moulin (Leyden, 1638)109, L’Armature chrétienne de Drelincourt (Dordrecht, 1662)110, le Beaume de Galaad (1687)111 ou les traités de Pierre Jurieu. Tous ces titres désormais surannés font encore partie de l’assortiment de Bourdeaux en 1754, et proviennent probablement d’anciennes bibliothèques mises en vente. Les qualifications que Formey accorde à ces ouvrages vont de « vieillis quoique fort bons »112 à « plus ancien encore et tout à fait ridicule »113, en passant par « de vieilles armes qu’on laisse rouiller à présent »114. Même certaines réflexions de Bayle dans ses Pensées diverses, destinées à combattre divers préjugés « dont il ne reste plus de traces aujourd’hui, n’intéressent pas autant qu’elles le faisoient lorsque l’ouvrage parut »115.
A côté de ces livres surannés, Bourdeaux propose des « nouveautés », indiquées par un astérisque : si le premier tome du catalogue, en 1754, ne compte que 5% de nouveautés, le troisième en a près de 20%, toutes fraîches arrivées en 1755, et le quatrième plus encore. Comme les correspondances le laissaient déjà entendre, les journaux français occupent une bonne place dans le magasin d’Étienne de Bourdeaux, et le catalogue permet de reconstituer un tableau représentatif de la production journalistique que les berlinois francophones avaient à leur disposition. Formey donne, pour chacun des titres, une analyse succincte mais précise. Du père de tous les journaux, le Journal des savants116, à l’Histoire des ouvrages des savans de Basnage de Beauval117, qu’on ne saurait assez apprécier, il passe au Mercure danois de Mallet, qu’il trouve excellent118, et au Journal étranger, encore loin d’être parfait119, puis à son propre Journal épistolaire, dont le premier numéro vient de sortir120. C’est à son corps défendant, semble-t-il, qu’il présente le Sansonnet badin, agréable et utile et le Sage Moissonneur, que Bourdeaux propose à la vente121.
Les ouvrages scientifiques se devaient bien sûr d’intéresser particulièrement le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences et rédacteur de la Bibliothèque germanique. Ils ne sont pas nombreux chez Bourdeaux, mais les remarques de Formey sont fort significatives. Les savants peuvent se procurer le Traité sur les Aimants artificiels, « résultat tangible des expériences démontrées à l’Académie des sciences de Paris et sensiblement améliorées par Mr Dietrich de Bâle »122, ou encore les Mémoires de physique pure, car
c’est le commencement d’une entreprise utile. Les matières sont tellement confondues dans les Mémoires des Académies des sciences, qu’en les achetant chaque savant, à qui il ne faudroit qu’un certain nombre de pièces, est obligé de se charger de toutes les autres. C’est ce dont on sera exempté en faisant l’acquisition du recueil dont voici les premiers prémisses123.
On assiste à l’émancipation des sciences dures du savoir éclectique de l’âge classique, et au début de la mutation de l’ancienne République des Lettres en une République des Lettres et des Sciences où ces dernières ne vont pas tarder à exiger leur part entière.
Enfin, s’il est souvent féroce pour d’autres auteurs, Formey exerçe parfois une autocritique qu’on n’attendrait pas de lui. Sa description de sa Belle Wolfienne se termine sur cette phrase :
L’auteur de cet ouvrage s’était proposé d’y donner un abrégé de la Philosophie de Mr Wolff ; et il avait crû lui procurer un succès plus avantageux en empruntant le secours d’une fiction romanesque. Mais le roman a gâté la philosophie et la philosophie a gâté le roman…124
Ce qui, par contre, n’a pas gâté le Catalogue de la librairie Bourdeaux, c’est l’apport critique de son auteur. Grâce aux remarques de Formey en effet, on peut se faire une idée assez précise non seulement de l’offre en livres français à Berlin juste avant la Guerre de Sept ans, mais aussi du jugement que porte sur cette offre l’un des représentants les plus caractéristiques des érudits huguenots de la seconde génération.
En 1755, Marc-Michel Rey s’étonne de ce qu’on cherche encore un libraire français pour Berlin : « Messieurs Neaulme et Bourdeaux ne sont-ils pas en état de contenter ?»125 Peut-être s’agit-il de A. Sarry, dont on possède vingt lettres à Formey écrites entre 1755 et 1764. Ce libraire hollandais d’origine huguenote se fait l’intermédiaire à Berlin du libraire amstellodamois Schneider. Il s’efforce de trouver des manuscrits propres à éditer en Hollande, et assure une bonne distribution des livres français à Berlin126. Mais il travaille à contre-courant, en quelque sorte, maintient vaille que vaille son commerce, et meurt en 1766, de chagrin, selon Schneider, lequel décrit les vaines tentatives de son malheureux confrère127. Ébloui par la réussite du libraire hollandais, Sarry s’est imprudemment lancé dans le commerce de livres à Berlin. Sans prêter attention aux pratiques en usage entre libraires hollandais, il achète des livres en Hollande « au poids de l’or » pour les vendre à perte à Berlin, et ceci en plein milieu de la Guerre de Sept ans. En porte à faux, Sarry symbolise le début du déclin de la librairie française de Berlin.
Le rôle international de la librairie hollandaise sera en effet gravement compromis par la Guerre de Sept ans. Les libraires ne peuvent plus se rendre aux foires, sont à court d’argent et n’ont bientôt plus rien à mettre sous presse. Le commerce stagne128. Selon Varrentrap, de Francfort, « seule la paix peut apporter le débit dans notre commerce qui est présentement entièrement détruit »129. La Prusse sort victorieuse du conflit : l’intégration de la colonie française de Berlin va dès lors s’accélérer et le Refuge huguenot perdre de son importance culturelle. Le rôle de la librairie hollandaise, elle-même en déclin, devient quant à lui marginal. Après une résurgence d’une dizaine d’années, de la fin de la Guerre de Sept ans à 1775, le commerce de livres entre Berlin et la Hollande s’éteint définitivement : « la librairie est comme morte dans ce pays », écrit de Hollande Schneider en 1775130. Et deux ans plus tard : « Présentement, je n’ai plus aucune relation à Berlin ; je n’y envoie plus une feuille de papier »131. En 1779, il observe encore : « La librairie française quitte ce pays et va s’établir en Suisse ; peut-être résistera-t-elle plus longtemps là »132. Schneider est à ce point écœuré qu’il déconseille vivement à son fils de prendre sa succession, car la librairie hollandaise est désormais anéantie :
La malheureuse guerre avec l’Angleterre a interrompu tout commerce ; ajoutez à cela que la Suisse, Liège, Maastricht etc. fabriquent à présent des livres français pour toute l’Europe, de sorte qu’on ne peut pas se résoudre à entreprendre quelque chose dans ces circonstances133.
Et le libraire vieillissant se demande, en 1786 :
D’où peut-il venir que la littérature française est si considérablement déchue depuis 8 à 9 ans, en France et presque dans toute l’Europe ? Est-ce la perte de tant de grands hommes, que la mort nous a enlevés ? Ou est-ce qu’on a trop imprimé de misères. Le Public est dégoûté…134
L’histoire de la librairie française de Berlin est celle de la transmission d’une culture de langue française, étroitement liée à la culture de la République des Lettres135. Elle s’achèvera à la fin du XVIIIe siècle, lorsque la République des Lettres elle-même, de nature universaliste, se verra confrontée à la désintégration de l’érudition humaniste et à l’envolée des cultures nationales.
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1 A. Georgi, Die Entwicklung des Berliner Buchhandels bis zur Gründung des Börsenvereins der deutschen Buchhändler 1825, Berlin, 1926, pp. 51-58.
2 Otto S. Lankhorst, «“Le miracle hollandais”: le rôle des libraires hollandais aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Histoire et civilisation du livre, 2007, 3, pp. 252-268, ill.
3 Gabriel d’Artis, Sentimens désintéressés sur la retraite des pasteurs de France, ou Examen d’un livre qui a pour titre Histoire et Apologie de la retraite des pasteurs, à cause de la persécution de France, Deventer, Héritiers de P. Hamel, 1688.
4 O.S. Lankhorst, Reinier Leers (1654-1714), uitgever en boekverkoper te Rotterdam : een Europees ‘libraire’ en zijn fonds, Amsterdam, 1983. Une traduction et adaptation française de cet ouvrage paraîtra prochainement.
5 Rotterdam, G. Fritsch et M. Böhm, 1713-1716.
6 La Haye, Frères Vaillant et N. Prévost, 1724, et La Haye, Veuve Levier et N. Prévost, 1739.
7 La Haye, A. Moetjens, 1735.
8 La Haye, I. Beauregard, 1741,1750.
9 Bibliothèque germanique ou Histoire littéraire de l’Allemagne et des pays du Nord, Amsterdam, P. Humbert 1720-1741, 50 t. Suivi de : Journal littéraire d’Allemagne, de la Suisse et du Nord, La Haye, I. Beauregard, 1741-1743, 4 t. Suivi de : Nouvelle bibliothèque germanique, ou Histoire littéraire de l’Allemagne, de la Suisse et des pays du Nord, Amsterdam, P. Mortier, J. Schreuder, 1746-1760, 26 t.
10 Bibliothèque impartiale…, Leyde, Élie Luzac ; puis Göttingen, 1750-1758, 18 t.
11 Lettres d’Élie Luzac à Jean Henri Samuel Formey (1748-1770). Regards sur les coulisses de la librairie hollandaise du XVIIIe siècle, éd. Hans Bots, Jan Schillings, Paris, 2001.
12 Ibid. Voir également : R. van Vliet, Élie Luzac (1726-1796), Nijmegen, 2005, pp. 100-108.
13 Catalogue des manuscrits de la collection Prosper Marchand, éd. Christiane Berkvens-Stevelinck, collab. Adèle Nieuweboer, Leiden, 1988 («Codices manuscripti», XXVI). La Correspondance de Jean Henri Samuel Formey (1711-1797) : inventaire alphabétique, établi sous la direction de Jens Häseler. Avec la Bibliographie des écrits de Jean Henri Samuel Formey, établie par Rolf Geissler, Paris, 2003.
14 SBB, NF, Beausobre à Formey, 9 septembre 1737.
15 SBB, NF, Beausobre à Formey, 19 mars 1737.
16 SBB, NF, Schneider à Formey, 1760-1763.
17 SBB, NF, Schneider à Formey, 12 mei 1761. Il s’agit de L’Atlas des enfants, titre que nous n’avons pu localiser.
18 SBB, NF, Luchtmans à Formey, 9 lettres (1764-1771).
19 SBB, NF, Schreuder à Formey, 5 mai 1755.
20 J.H.S. Formey, La Belle Wolfienne, La Haye, Veuve Levier, J. Neaulme, 1741-1753, 6 t.
21 SBB, NF, J. Neaulme à Formey, 14 avril 1741.
22 SBB, NF, J. Neaulme à Formey, 6 mai et 22 juin 1763.
23 SBB, NF, J. Neaulme à Formey, 6 mai 1763.
24 SSB, NF, P.H. Jacqueau à Formey, 6 décembre 1754.
25 SSB, NF, P.H. Jacqueau à Formey, 27 septembre 1765. Le Philosophe chrétien était une réponse à l’Émile de Rousseau et avait paru à Leyde chez Luzac en 1750, 1752, 1755 et 1757. Jacqueau en fit une nouvelle édition.
26 J. H. S. Formey, Tableau du bonheur domestique ; suivi de quelques discours sur des réf lexions intéressantes sur la religion et sur la morale, Leyde, Jacqueau, 1766.
27 Un seul exemple : SBB, NF, Varrentrap de Francfort à Formey, 18 mars 1758.
28 SBB, NF, P. Rousseau à Formey, 6 juillet 1758.
29 On trouvera la liste complète des écrits et éditions de Formey dans : La Correspondance de Jean Henri Samuel Formey, ouvr. cité, pp. 420-473.
30 SBB, Jacqueau à Formey, 8 juillet 1766.
31 SBB, NF, Arkstée et Merkus à Formey, 3 novembre 1741.
32 SBB, NF, Arkstée et Merkus à Formey, 27 juin 1742.
33 SBB, NF, Arkstée et Merkus à Formey, 3 novembre 1742.
34 SBB, NF, Philibert à Formey, 23 mai 1749.
35 SBB, NF, Briasson à Formey, 29 décembre 1749.
36 SBB, NF, Briasson à Formey, 14 novembre 1740.
37 SBB, NF, Briasson à Formey, 6 mai 1755.
38 R. van Vliet, ouvr. cité, pp. 88-89.
39 C. Berkvens-Stevelinck, Prosper Marchand, la vie et l’œuvre (1678-1756), Leiden, 1987, pp. 138-142.
40 SBB, NF, I. Beauregard à Formey, 7 décembre 1747.
41 SBB, NF, M.M. Rey à Formey, 28 février 1755.
42 SBB, NF, Jacqueau à Formey, 8 juillet 1766.
43 SBB, NF, P. Mortier à Formey, 19 septembre 1749.
44 SBB, NF, Schneider à Formey, 10 avril 1758, [s.d.], 1761, 6 septembre 1766.
45 SBB, NF, Schreuder à Formey, 8 septembre 1754.
46 SBB, NF, J. Neaulme à Formey, 9 novembre 1746.
47 SBB, NF, Briasson à Formey, 29 mars 1770, 5 août 1776, 23 mars 1780, 29 décembre 1780.
48 SBB, NF, Delalain à Formey, 11 juillet 1766, 9 lettres entre 1766 et 1775.
49 Caspar Fritsch et Jean Wendler à Leipzig, Varrentrap à Francfort, Petit et Dumoulin à Hambourg, les Philibert à Genève, Pierre Rousseau à Bouillon et Liège. On trouve des lettres de tous ces libraires dans la correspondance de Formey.
50 SBB, NF, J. Schreuder à Formey, 12 avril 1755. Schreuder envoie le catalogue de la foire de Pâques et attend les commandes de Formey.
51 SBB, NF, J. Schreuder à Formey, 5 mai 1753 ; ibid., M.M. Rey à Formey, 28 février 1755 ; ibid., P. de Hondt à Formey, 10 mars 1760.
52 SBB, NF, J. Wendler à Formey, 4 lettres de 1755.
53 SBB, NF, Cl. Et Ant. Philibert à Formey, 20 août 1748.
54 Bibliothèque germanique, t. 1 (1720), en fin de volume.
55 La Sainte Bible, qui contient le Vieux et le Nouveau Testament : c’est-à-dire l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Revuë & corrigée sur le texte hébreu & grec par les pasteurs & les professeurs de l’Église de Genève. Avec les nouveaux argumens & les nouvelles réf lexions sur chaque chapitre de l’Écriture sainte, par J. F. Ostervald, Amsterdam, Jean Frédéric Bernard & Herman Uitwerf ; Rotterdam, Jean Daniel Beman, 1724. Cérémonies et Coutumes religieuses de tous les Peuples du Monde : représentées par des Figures dessinées de la main de Bernard Picart ; avec une Explication historique et quelques Dissertations curieuses, Amsterdam, Jean Frédéric Bernard, 1723-1743.
56 BG, 1720 et 1721. Octobre/novembre/décembre 1720 : sur 16 titres nouveaux, 5 relèvent de la diaspora huguenote, 12 viennent de Paris. En 1721 (t. 3, 1721), sur 15 livres nouveaux, 6 proviennent de la diaspora huguenote et 9 de Paris.
57 Ces précisions ont été obtenues grâce aux recherches de Jan Schillings sur la Bibliothèque germanique et ses suites.
58 Essai sur le beau, de Y.M. André. Amsterdam, J. H. Schneider, 1759.
59 A. Georgi, ouvr. cité, pp. 59-61.
60 Ibid., p. 65.
61 Ibid., p. 68.
62 Catalogus universalis derjenigen Bücher, welche um beygesetzte Preise zu haben sind, bey Ambrosius Haude und Joh. Carl Spener, Berlin, Haude & Spener, 1753.
63 A. Georgi, ouvr. cité, p. 74.
64 SBB, NF, Jasper à Formey, 28 août 1769 et 6 octobre 1770.
65 SBB, NF, Luchtmans à Formey, 3 juin 1766.
66 SBB, NF, Schneider à Formey, 4 novembre 1766 et 20 octobre 1766.
67 SBB, NF, Philibert à Formey, 13 juin 1761 (Jasper) ; 25 mars 1760 (Haude et Spener).
68 SBB, NF, Philibert à Formey, 15 juin 1760.
69 A. Georgi, ouvr. cité, pp. 76-77.
70 Otto S. Lankhorst, « Jean Neaulme, uitgever in Verlicht Europa », dans Spiegel Historiael, 36, 2001, pp. 301-306.
71 SBB, NF, Marchand à Formey, et Leyde, fonds Marchand, Formey à Marchand, lettres de 1743.
72 Mémoires pour servir à l’histoire de la maison de Brandebourg.Nouvelle édition avec Privilège de Sa Majesté Prussienne. Berlin et La Haye, J. Neaulme.
73 Œuvres du Philosophe de Sans-Souci [par Frédéric II], Berlin, Jean Neaulme 1750-1762, 3 t.
74 Abrégé de l’histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charles-Quint, par Monsieur de Voltaire. La Haye, J. Neaulme, 1753. Avec un supplément : La Haye et Berlin, J. Neaulme. Voir Otto S. Lankhorst, ouvr. cité, p. 105.
75 J. H. S. Formey, Émile chrétien, consacré à l’utilité publique. Berlin, J. Neaulme, 1762.
76 Mémoires secrets de la République des Lettres, ou le Théatre de la vérité, par l’Auteur des Lettres juives [marquis d’Argens], La Haye, Jean Neaulme, 1743.
77 SBB, NF, Briasson à Formey, 4 août 1744.
78 E. F. Kossmann, De Boekhandel te ’s-Gravenhage tot het einde van de 18e eeuw, ’s-Gravenhage, 1937, pp. 44 et 287.
79 Gabriel-Louis Pérau, Die Gestürzten Freimaurer, oder Folge des Buches : Die Verrathene Freymaurerorden, trad. en allemand par Luise Adalgonde Viktorie Gottsched (titre original : L’Ordre des francs-maçons trahi, paru pour la première fois en 1742 et réimprimé à Amsterdam en 1747).
80 Code maçon de la Loge française royale Yorck, de l’amitié de l’Orient de Berlin, Berlin, Étienne Bourdeaux, 1789.
81 L’Étrenne au Pape, ou les Francs-maçons vangés…, La Haye, E.L. Samuel, 1752.
82 K. Gerlach, « Die Berlin-brandenbürgischen Buchhändler und Buchdrucker und die Freimaurerei 1740-1806 », dans Leipziger Jahrbuch zur Buchgeschichte, 1998, 8, pp. 33-77, notamment p. 45.
83 Catalogue raisonné de la librairie d’Étienne de Bourdeaux, Berlin, É. De Bourdeaux 1754, t. 1, p. 8 (cité par la suite CatB).
84 J. H. S. Formey, Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie, Berlin, Haude & Spener, 1746, rééd. 1750, 1755 et 1756.
85 CatB, t. 3, 1579.
86 CatB, t. 3, 1335.
87 CatB, t. 3, 1336.
88 CatB, t. 3, 1376.
89 CatB, t. 3, 1382.
90 CatB, t. 3, 1388.
91 CatB, t. 4, p. 210.
92 CatB, t. 4, p. 220 (une Histoire romaine actuellement en cours) ; t. 3, p. 25 (un prospectus de l’Europe illustre).
93 CatB, t. 3, p. 306.
94 CatB, t. 1, p. 238. Il s’agit de l’ouvrage d’Éléazar de Mauvillon, Le Droit public germanique ; où l’on voit l’état présent de l’Empire, ses principales loix et constitutions l’origine et l’agrandissement des
95 CatB, t. 3, p. 211.
96 CatB, t. 1, p. 384. Épîtres diverses du baron de Bar (Amsterdam 1750).
97 CatB, t. 1, p. 403, à propos de l’Essai sur l’usage de la raillerie.
98 CatB, t. 1, p. 71.
99 CatB, t. 3, p. 320.
100 CatB, t. 3, p. 162.
101 CatB, t. 2, p. 122.
102 CatB, t. 3, p. 211.
103 CatB, t. 3, p. 182.
104 CatB, t. 1, pp. 57 et 101.
105 CatB, t. 1, p. 53.
106 CatB, t. 2, p. 82, à propos de l’Héroïne mousquetaire.
107 CatB, t. 1, p. 362.
108 CatB, t. 1, p. 328.
109 CatB, t. 1, p. 96.
110 CatB, t. 1, p. 73.
111 CatB, t. 1, p. 124.
112 CatB, t. 1, p. 73 (L’Armature chrétienne de Drelincourt, de 1662).
113 CatB, t. 1, p. 74 (L’Antithèse des faits de Jésus-Christ et du pape, de 1584).
114 CatB, t. 1, p. 96 (L’Anatomie de la messe de Pierre du Moulin, de 1638).
115 CatB, t. 3, p. 288.
116 CatB, t. 2, p. 279.
117 CatB, t. 2, p. 77.
118 CatB, t. 2, p. 112.
119 CatB, t. 2, p. 317.
120 CatB, t. 3, p. 55.
121 CatB, t. 4, pp. 26 et 47.
122 CatB, t. 4, p. 271.
123 CatB, t. 4, p. 45.
124 CatB, t. 1, p. 116.
125 SBB, NF, Rey à Formey, 28 février 1755.
126 SBB, NF, Sarry à Formey, 23 décembre 1755, 13 mars 1758, 29 janvier 1761.
127 SBB, NF, Schneider à Formey, 9 décembre 1766.
128 SBB, NF, Cartier de Saint-Philippe à Formey, 24 janvier 1758, s.d. (1758).
129 SBB, NF, Varrentrap à Formey, 18 mars 1758.
130 SBB, NF, Schneider à Formey, 4 avril 1775.
131 SBB, NF, Schneider à Formey, 25 novembre 1777.
132 SBB, NF, Schneider à Berlin, 23 février 1779.
133 SBB, NF, Schneider à Formey, 11 mai 1781 et 29 août 1786.
134 SBB, NF, Schneider à Formey, 16 juin 1786.
135 Lettres d’Élie Luzac à Jean Henri Samuel Formey, ouvr. cité, p. 18.