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Frédéric Barbier, Sabine Juratic, Annick Mellerio, Dictionnaire des imprimeurs, libraires et gens du livre à Paris. 1701-1789. A-C

Genève, Librairie Droz, 2007, X-688 p., ill. (« Histoire et civilisation du livre »). ISBN 978-2-600-01336-9

Jean-Yves MOLLIER

Saint-Quentin-en-Ynes

On attendait la publication de ce premier volume de l’étude entreprise par l’Institut d’histoire moderne et contemporaine du CNRS sur la librairie française à Paris à l’époque des Lumières, et l’on ne peut que se féliciter de voir les éditions Droz enrichir leur collection « Histoire et civilisation du livre » de ce répertoire. Placé à côté du Dictionnaire des femmes libraires en France (1470-1870) de Roméo Arbour16 et de la thèse d’Henri-Jean Martin sur Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701), il vient compléter la série des volumes prosopographiques consacrés aux hommes du XVIIIe siècle ouverte en 2002 par Lumières du Nord. Imprimeurs, libraires et « gens du livre » dans le Nord au XVIIIe siècle (1701-1789). Il suffit de parcourir ce premier tome et de comparer les notices inscrites aux lettres A, B et C avec leurs équivalents du Répertoire d’imprimeurs/libraires (vers 1500-vers 1810), publié, dans une nouvelle version, en 2004, par Jean-Dominique Mellot et Élisabeth Quéval aux éditions de la BNF, pour en mesurer la différence. Là où les recenseurs des 5200 professionnels repérés aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles visaient un premier balisage destiné à faciliter les recherches ultérieures, les rédacteurs du Dictionnaire des imprimeurs, libraires et gens du livre à Paris. 1701-1789 ont pris le pari de développer des rubriques mentionnant la diversité des activités de ces personnages et d’éclairer au maximum leur rôle social et culturel.

Précédé d’une grosse introduction de 37 pages due à Sabine Juratic (dont la thèse a porté sur Le Monde du livre à Paris entre absolutisme et Lumières), le tome 1 présente 502 notices (514 personnes recensées dont 77 femmes), dont 238 concernent les libraires et les imprimeurs de la capitale. En décidant, par conséquent, d’y ajouter 174 colporteurs inscrits à la Chambre syndicale et 102 individus vivant aux marges de la Communauté, les auteurs ont souhaité tenir compte du développement des activités illicites dans la capitale à la fin du XVIIIe siècle. Si l’on peut regretter le parti pris qui aboutit à bannir du Dictionnaire les relieurs, graveurs, imprimeurs en taille douce, marchands d’estampes, marchands papetiers et marchands de musique, sauf quand ils touchent à la librairie proprement dite, on en comprend les raisons : ne pas alourdir démesurément un ouvrage déjà très volumineux. On appréciera de ce fait l’éclairage très pertinent sur ce monde des colporteurs de livres ou de petits objets imprimés qui pullulent à la veille de l’écroulement de l’Ancien Régime. On se promène ainsi avec bonheur, au hasard de la lecture des notices, dans cet univers où un vendeur d’huîtres – Michel Henry Babaut – et un domestique – Jean Alexandre – deviennent un temps colporteurs avec plaque avant d’être « supprimés » par l’inspecteur d’Hémery en 1757. On côtoie à leurs côtés les vedettes de cet univers, Jacques Anisson-Duperron ou son frère Louis-Laurent, ce libraire devenu directeur de l’Imprimerie royale, de même que les familles Barrois, Belin et Coignard dont les rameaux irriguent la librairie parisienne sur plusieurs siècles.

La longue notice consacrée à Antoine Claude Briasson, le « corsaire de la librairie » selon d’Hémery, aurait mérité davantage de précision, car s’il est exact que ce libraire participa avec Le Breton, Durand et David à la première édition de l’Encyclopédie, il n’en était plus détenteur du privilège en 1772, puisqu’il avait vendu ses parts à Panckoucke en 1768 comme le précisent tant Robert Darnton dans L’Aventure de l’Encyclopédie que Suzanne Tucoo-Chaala dans Charles-Louis Joseph Panckoucke et la librairie française. 1736-1798, deux ouvrages cités en bibliographie mais qui auraient gagné à être plus systématiquement utilisés pour l’établissement de certaines notices. De même, la lecture d’études portant sur le XIXe siècle mais remontant aux précédents, tel L’Argent et les Lettres pour les Agasse, Didot, Panckoucke et autres Dentu, aurait évité certaines erreurs ou omissions. Dire ceci, c’est souligner le caractère toujours inachevé de ce type d’ouvrage, pourtant indispensable à quiconque travaille sur ce monde aux fronstières lâches, malgré le caractère contraignant de la législation, où des individus entrent ou sortent en permanence, rendant délicate l’étude des constantes et des permanences. C’est précisément la lecture de ces notices qui montre le mieux la précarité de l’existence de ces professionnels dont seuls quelques-uns parvinrent à durer au-delà de deux décennies ou d’une génération, ce que la publication des prochains volumes mettra encore mieux en évidence.

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16 Genève, Droz, 2003.