Catalogues régionaux des incunables des Bibliothèques publiques de France. Vol. XVI. Auvergne

Par Dominique Frasson-Cochet avec la collaboration de Pierre Aquilon, Genève, Droz, 2006, 408 p., ill. ISBN 2-600-01078-5

Anastasia SHAPOVALOVA

Saint-Pétersbourg

La série des catalogues régionaux des incunables des Bibliothèques publiques de France (CRI), créée en 1979, est très appréciée par les chercheurs non seulement comme une collection importante d’instruments efficaces dans le domaine des études incunabulistes, mais aussi comme fournissant des sources précieuses pour l’histoire générale du livre et pour la bibliophilie. En 2006, Dominique Frasson-Cochet et Pierre Aquilon ont donné le volume XVI, consacré aux incunables conservés dans des bibliothèques de la région Auvergne – seize bibliothèques publiques des départements de l’Allier, du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme⁸. Les fonds des incunables y proviennent en général des saisies révolutionnaires sur les collections des congrégations religieuses, comme celles de Bénédictins de Saint-Alyre, des Capucins, des Dominicains et des Oratoriens de Clermont, des Minimes, des Carmes et des Augustins de Moulins, des Franciscains et des Carmes d’Aurillac, etc.

L’Auvergne, espace relativement peu accessible de par ses particularités géographiques, espace rural et espace longtemps à l’écart des villes universitaires, possède peu d’incunables (305 exemplaires y compris les post-incunables décrits dans le Catalogue). En revanche, grâce à cette manière d’isolement, certains des incunables conservés dans la région y sont depuis des siècles. Le Catalogue recense d’ailleurs un nombre non négligeable d’unica ou d’édition très rares, parfois dans leur reliure d’origine et avec des mentions de provenances remontant, en Auvergne, aux années 1500. La partie principale du Catalogue donne les notices de 289 éditions, dont vingt se présentent sous forme de fragments et dix sont des post-incunables. Suivant la tradition de la collection, les notices sont courtes, avec renvois aux catalogues à notices longues (sauf pour les éditions non encore connues et dès lors décrites très précisément). L’attention est systématiquement portée sur les particularités d’exemplaires. La plupart des éditions sont d’origine française (160), avec prédominance des éditions lyonnaises (94) ; l’Italie est représentée par 85 éditions, et les pays germaniques par 44. Sur 219 textes, on en compte 196 en latin, seize en français, cinq en grec et deux en italien. Quatorze éditions étaient à ce jour inconnues des bibliographies : on remarquera que la plupart sont d’origine lyonnaise, de sorte que le catalogue des incunables de l’Auvergne constitue une source précieuse pour l’histoire des ateliers d’imprimerie lyonnais du XV^e siècle. Deux exemplaires (fragments) du Missel de Clermont imprimé à Lyon en 1492 (no 201), retrouvés dans les fonds de la Bibliothèque municipale de Moulins et de la Bibliothèque municipale et interuniversitaire de Clermont-Ferrand, représentent une édition fantôme du premier texte imprimé à l’usage de l’Auvergne. Un autre unicum, une lettre d’indulgences du Pape Innocent VIII en faveur des chrétiens captifs des Turc, datée de 1490 (Lyon, 1491), donne un texte jusque-là inédit (no 162, Bibliothèque municipale du Puy). Le matériel typographique de ces éditions est présenté page 197 du Catalogue.

Vingt-quatre éditions présentes en Auvergne correspondent à des incunables rarissima, soit qu’il s’agisse d’unica (jusqu’à présent), soit qu’on n’en connaisse que très peu d’exemplaires. Il s’agit par exemple de l’un des trois exemplaires connus des Coutumes du Bourbonnais de 1498, « créé » par Anatole Claudin à partir de lots de fragments (no 104) et provenant de la collection de Roger de Quirielle (Bibliothèque municipale de Montluçon). La région conserve aussi un exemplaire rarissime de la Rhétorique de Guillaume Fichet de 1471 (no 120). Parmi d’autres raretés, probablement les plus intéressantes sont représentées par les exemplaires d’incunables portant certaines mentions de provenance ou d’achat. Une Biblia latina lyonnaise (no 50, et pl. XXXVIII) porte ainsi une mention d’achat datée de 1490 à Lyon, chez le libraire Martin Boillon, facteur de Jean Sibert. La Rhétorique de Fichet présente une mention de l’achat du livre auprès de son auteur par Cosme Guymier (Pl. XXXIX). Le Lexicon Graecum de 1499 conservé à la Bibliothèque municipale de Saint-Flour contient l’ex-libris, avec une devise en grec, de Pierre de L’Estoile, bibliophile parisien et chroniqueur du roi Henri III (no 261). La recherche sur les provenances, celles-ci extrêmement riches et détaillées, est facilitée non seulement par un index spécifique, mais aussi par les notices approfondies publiées sur certaines bibliothèques privées ou bibliothèques de congrégations religieuses. La bibliographie donnée sur le sujet est très importante. Les reliures (dont plusieurs pratiquement contemporaines des éditions) sont elles aussi de très grand intérêt, et précisément décrites, avec reproductions des frottis (pl. I-VIII) et table des fers classés par sujets (pp. 241-243). Les plus remarquables sont deux reliures à plaques signées par Toussaint Denys (no 207 et 235), une reliure aux armes de Benoît Le Court (XVI^e siècle, no 120) et une reliure « parlante » provenant de Pierre de L’Estoile.

Les catalogues de la série des CRI sont plus que des instruments bibliographiques. Ils publient les documents importants concernant l’histoire des collections d’incunables dans les différentes régions. Dans le volume sur l’Auvergne, Dominique Frasson-Cochet donne ainsi une «Liste d’incunables établie à l’époque révolutionnaire par le Directoire du Puy-de-Dôme » (avec les références bibliographiques correspondantes), liste provenant des Archives départementales. Ce document cite 51 incunables, dont quatre seulement semblent correspondre à des exemplaires décrits dans le présent Catalogue. Celui-ci s’achève par des notices historiques sur les différentes bibliothèques possédant des incunables.

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⁸ Bibliothèques municipales : Aurillac, Le Puy, Montluçon, Moulins, Riom, Saint-Flour et Vichy. Bibliothèque municipale et interuniversitaire de Clermont-Ferrand. Archives départementales de l’Allier, du Cantal et du Puy-de-Dôme. Grands Séminaires de Moulins et de Saint-Flour. Bibliothèque diocésaine à Chamalières. Musée Mandet. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Clermont-Ferrand).