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La diffusion du livre romantique à Liège : quelques glanes

Anthony GLINOER

Université de Toronto

Le romantisme français a reçu, dans les années qui précèdent l’indépendance de la Belgique, un accueil plus chaleureux et des ralliements plus massifs à Liège qu’à Bruxelles. Alors que la plupart des revues et journaux de la future capitale se signalent encore par leurs critiques réticentes, voire hostiles à l’égard du courant romantique français1, un critique, qui signe d’un « Y » – il pourrait s’agir, d’après Gustave Charlier, de Jules Van Praet, ami de Stendhal2 –, insère sept longues lettres dans les colonnes du Mathieu Laensbergh, entre février et avril 1826. Dans un esprit assez proche de celui du Globe, Y se propose rien moins que de « lever la bannière romantique3 » dans la feuille liégeoise, et il précise d’emblée la teneur de cette littérature nouvelle qu’il salue :

On peut être romantique et se moquer des inversions et des absurdités sentimentales de M. d’Arlincourt, ainsi que des bizarreries d’Atala, de Han d’Islande, etc.4

Le rapprochement entre Chateaubriand, Hugo et le vicomte d’Arlincourt peut sans doute surprendre aujourd’hui. Il s’explique pourtant par le succès phénoménal – à rendre jaloux un Lucien de Rubempré fraîchement arrivé à Paris – que connut son roman Le Solitaire sous la Restauration5. Dans la même lettre, Y envoie un deuxième coup de semonce :

grâce aux romantiques, M. Auger6, de l’Académie française, est aujourd’hui, en littérature, un personnage aussi plaisant que l’inversif vicomte7,

ce qui réduit le chef de file des classiques au même rang symbolique que le plus populaire des romanciers du moment. Trois mois plus tard, pour répondre aux critiques émanant des rangs classiques, et profitant de l’échec au Théâtre Français du Siège de Paris, la dernière tragédie d’Arlincourt, le critique assène :

quiconque se tient un peu au courant de ce qui se passe dans le monde littéraire, sait que rien sur la terre n’est plus opposé au romantisme que le genre de M. d’Arlincourt8.

Ne concluons pas à l’acharnement et précisons le genre de moulins à vent contre lesquels Y se bat : les classiques ne sont pour lui que les plus visibles des adversaires au romantisme. À Liège, comme à Paris où Charles Nodier avait mené quelques années plus tôt une vigoureuse campagne contre le roman frénétique9, le vrai danger émane de romans – assimilables à ce que Sainte-Beuve baptisera la « littérature industrielle » quelques années plus tard – où les procédés esthétiques du romantisme sont galvaudés, de ces romans « pour femmes de chambre » que Stendhal opposait aux « romans pour les salons10 ». La réaction moribonde des classiques serait moins à craindre, selon ces critiques, que la confusion entre l’esthétique romantique et l’outrance paralittéraire11.

Les craintes du mystérieux Y étaient-elles fondées ? De quelle diffusion bénéficiaient les livres romantiques et leurs concurrents dans la principauté ? Cet article voudrait lever un coin du voile en suivant la piste des catalogues de libraires et de cabinets de lecture publiés à Liège entre 1829 et 1844.

A LA VEILLE DE L’INDÉPENDANCE

La présente étude porte sur les catalogues de librairies à vocation exclusivement littéraire, soit le catalogue de la librairie Collardin (1829, même date pour le supplément), celui de la Bibliothèque d’abonnements de Duvivier (1834, un supplément la même année et un autre en 1837), ainsi que le catalogue du cabinet de lecture de la veuve Castiaux-Massart (1844)12. Le relevé effectué sur la première série du catalogue de 1837 de la Bibliothèque d’abonnements de Duvivier – qui correspond à son fonds d’avant 1830 – montre sans surprise la nette domination quantitative du roman, ce genre comptant pour plus de 90% des titres repris au catalogue. Plus significative est la liste des auteurs les mieux représentés, qui ne correspond guère au panthéon dressé par les histoires littéraires du romantisme.

Parcourons les premières lignes du tableau suivant : Madame de Montolieu, tient sa place de choix aux hiérarchisations de l’époque, qui tendaient à classer les œuvres étrangères peu renommées – généralement anglaises ou allemandes – au nom du traducteur. C’est donc plutôt Walter Scott, dont on sait la gloire à l’époque, qui tient le haut du pavé, devant Fenimore Cooper. Ensuite viennent Madame de Genlis et Auguste La Fontaine, écrivain préromantique allemand qui enthousiasmait depuis longtemps le public par sa sentimentalité outrée. Suit Pigault-Lebrun, qui, depuis L’Enfant du Carnaval (1796), a donné les grands succès de ce que l’on a appelé « le genre gai13 ». Le genre sentimental revient aux romancières aristocratiques ou pseudo-aristocratiques : Mesdames de Flahaut de Souza, Barthélémy-Hadot, de Choiseul-Meuse, etc. Ducray-Duminil, héritier des romanciers gothiques anglais, referme le cortège des écrivains qui ont connu le sommet de leur gloire sous l’Empire : Paul de Kock débute en 1813, le vicomte d’Arlincourt en 1818 et Théophile Dinocourt, spécialisé dans les romans historiques teintés d’imagerie frénétique, en 1822. Enfin viennent Chateaubriand, le grand sachem du mouvement romantique, Victor Hugo, son enfant sublime,

AuteurTitresAuteurTTitres
Madame de Montolieu28F. Ducray-Duminil8
Walter Scott27Paul de Kock7
Madame de Genlis25Théophile Dinocourt6
Auguste La Fontaine21Vicomte d’Arlincourt5
Pigault-Lebrun21Chateaubriand5
Fenimore Cooper16Anne Radcliffe4
Madame de Flahaut de Souza13Honoré de Balzac4
Madame Barthélémy-Hadot11Victor Hugo3
Madame de Choiseul-Meuse8

Un tel répertoire – déjà incomplet puisqu’il ne prend pas en compte les ouvrages anonymes – n’offre qu’une réalité partielle, dans la mesure où il repose sur le nombre de titres et non sur les tirages15. Cette liste recoupe néanmoins celle établie, sur des critères comparables, par Françoise Parent-Lardeur sur l’ensemble des catalogues de cabinets de lecture à Paris16. Elle coïncide également dans les grandes lignes avec les choix du libraire liégeois Collardin, dont témoigne un supplément à son catalogue explicitement consacré aux écrivains les plus en vue. Y sont cités, dans l’ordre décroissant du nombre de titres : d’Arlincourt, Picard, Madame de Montolieu, Walter Scott, Cooper, Pigault-Lebrun, Victor Ducange, Paul de Kock, Mesdames Cottin, Barthélémy-Hadot et de Choiseul-Meuse, Auguste la Fontaine, Ann Radcliffe et Madame de Flahaut Souza. Voilà qui illustre bien les goûts du temps : le libraire Collardin, disposant pourtant d’un stock non négligeable, est contraint pour attirer le chaland de présenter ces romanciers dans un document à part.

À observer les genres plutôt que les noms d’auteurs, les résultats diffèrent peu: il a paru une centaine de romans « frénétiques » au cours de la Restauration17 ; Duvivier en retient seize, aux titres aussi évocateurs que Le Spectre de la Galerie du château d’Estalens, ou le Sauveur mystérieux, Romalino, ou les Mystères de Monte-Rosso ou encore Lord Ruthwen, ou les Vampires18. Le « roman terrifiant » dans son ensemble, tel qu’Alice Killen l’a étudié19, devient le genre le plus goûté du public après le roman sentimental20. Par comparaison, les représentants « officiels » du romantisme poétique et romanesque ne sont représentés que par six titres, trois pour Hugo et trois pour Lamartine21 dont Daniel Droixhe a montré que son succès tenait moins, à Liège, à une éventuelle reconnaissance du romantisme naissant qu’à une propagande catholique active22. Hors ce dernier, aucun recueil de poésies romantiques n’a donc passé la frontière.

La représentation du romantisme augmente dans le second supplément au catalogue de la librairie Collardin. Celui-ci retient à peu près 130 « romans nouveaux », pour la plupart publiés entre 1824 et 1828. Le roman romantique y fait une apparition remarquable : à côté des trois romans de Victor Hugo, dont une édition contrefaite du Dernier Jour d’un Condamné, on trouve Les Soirées de Walter Scott à Paris, recueil de contes de Paul Lacroix, alias le Bibliophile Jacob, et Cinq-Mars de Vigny, dans sa quatrième édition revue et corrigée. Le roman noir n’a quant à lui pas disparu23, mais l’empreinte de son avatar français s’est estompée, preuve de la fugacité de sa vogue. Enfin, du côté des œuvres complètes, marché particulièrement juteux à Paris après l’Empire afin de regarnir les bibliothèques privées aristocratiques détruites par la Révolution, on trouve dans le second supplément de Collardin les auteurs contemporains suivants : Parny, l’abbé Delille, Madame de Genlis, Byron, Chateaubriand (imprimé à Bruxelles en 28 volumes), Madame Tencin chez Duvivier, et il faut y ajouter les Œuvres complètes de Lamartine (4 vol in-18, édition probablement contrefaite, puisqu’on propose aussi une édition parisienne en 2 volumes in-8°), ainsi que l’édition en 72 volumes in-12 de Walter Scott que donne le libraire Lemarié à Liège entre 1827 et 1829, sur la base de celle publiée à Paris par Gosselin, mais « imprimé[e] avec le plus grand soin, en caractères neufs », pour concurrencer l’édition bruxelloise en 120 volumes in-32.

APRÈS 1830

L’année 1830 est marquée tout à la fois par la naissance institutionnelle d’une littérature nationale belge, par la Révolution de Juillet et par la bataille d’Hernani, qui consacre définitivement le mouvement romantique. La conjonction de ces faits explique sans doute la forte percée du romantisme dans les catalogues liégeois pour la période 1830-1844. On peut observer cette rupture en comparant le contenu : par exemple, les « romans nouveaux » de Collardin (1829) dont il était question plus haut, et le supplément au catalogue de Duvivier (183424). Ce dernier consomme la chute des genres « industriels » de la Restauration (frénétique notamment). Le premier est remplacé par les tenants du roman historique (Lamothe-Langon, Dinocourt,… toujours sous l’égide de Walter Scott), ainsi que par la mode des contes fantastiques, tels les Contes et Fantaisies de Hoffmann, les Contes fantastiques et littéraires de Jules Janin et les Contes bruns de Rabou, Chasles et Balzac25. Quant aux romans gais et sentimentaux, ils sont continués par leurs anciennes gloires (Paul de Kock particulièrement), ou trouvent une nouvelle vitalité dans la comédie de mœurs et le drame bourgeois, sous la plume d’Eugène Scribe et de Casimir Delavigne notamment. Le second trait marquant de ce catalogue de 1834 est l’apparition de ceux qui seront les grands noms du roman-feuilleton après 1836 : les romans maritimes d’Eugène Sue, les romans historiques consacrés au Languedoc de Frédéric Soulié et les drames romantiques d’Alexandre Dumas. Notons également le triomphe de Balzac, qui compte 21 titres, parmi lesquels ses œuvres de jeunesse, devenant ainsi l’auteur le plus apprécié à Liège. Les grands noms du romantisme sont également présents : par ordre décroissant de titres, on trouve Hugo en tête, avec Notre-Dame-de-Paris et quatre drames, suivi du bibliophile Jacob, de George Sand, de Musset, puis de Desbordes-Valmore, Sainte-Beuve, Alphonse Royer, Lamartine, Nodier, Vigny et Mérimée. Autant dire tous les ténors du romantisme, qu’ils s’expriment en prose, en poésie – les dernières éditions des Odes et des Chants du Crépuscule26 brisent dans ce genre le monopole de Lamartine – ou au théâtre. Ce catalogue ouvre enfin ses portes aux cadets du mouvement romantique, encore peu connus à Paris (Roger de Beauvoir, Alphonse Karr et Alphonse Brot), signe que la reconnaissance symbolique du romantisme vaut désormais, en périphérie, pour un gage d’intérêt, presque indépendamment du succès potentiel du titre. Le romantisme a gagné l’élite intellectuelle, et il ne tarde pas à se propager dans tous les domaines de la librairie, à tout ce qui se lit tant parmi les femmes de chambre que dans les salons.

À ce moment, le romantisme est véritablement omniprésent, et ce dans tous les genres littéraires. La disparition des cénacles et le développement du roman-feuilleton vont rendre cette influence plus diffuse. Le catalogue de la veuve Castiaux-Massart (vers 1845) reflète cet aplanissement. Les vieilles gloires réapparaissent, notamment le vicomte d’Arlincourt, Ann Radcliffe, Madame de Genlis, Walter Scott, Ducray-Duminil et Pigault-Lebrun. Par ailleurs, et de façon très nette, le roman-feuilleton, constamment contrefait, devient la valeur sûre : derrière Paul de Kock et Balzac, crédités de trente et de quinze titres, on trouve dix œuvres de Frédéric Soulié, l’auteur des Mémoires du Diable, neuf titres d’Alexandre Dumas et cinq d’Eugène Sue. Même si ce catalogue ne contient que les 500 premiers numéros d’un fonds plus étendu, et s’il ne retient probablement que les titres les plus prisés, il témoigne donc de deux évolutions : d’une part la perte de l’audience de masse de la poésie romantique, tendance que confirme en France les listes de best-sellers établies par Martin Lyons27 ; d’autre part la pérennité en librairie des anciens membres des cénacles romantiques (Mérimée, Sainte-Beuve et Vigny entre autres), désormais excellents « investissements » pour un cabinet de lecture.

La rareté des catalogues conservés – librairies, librairies d’abonnements et cabinets de lecture confondus – et l’absence d’informations concernant les bibliothèques privées interdisent toute conclusion hardie sur la diffusion du romantisme à Liège. Contentons-nous de constater que, de façon générale, les libraires liégeois et leur clientèle se sont conformés, vis-à-vis des auteurs romantiques, aux choix de leurs confrères parisiens : grandeur puis décadence des genres « industriels » de la Restauration, percée du roman-feuilleton, et, du côté romantique, défiance d’abord envers les nouveaux venus, avant leur intégration progressivement plus massive dans les catalogues. Encore faudrait-il découvrir dans quelle mesure la contrefaçon des livres français en Belgique à agi sur cette contagion.

ANNEXE : CATALOGUES CONSULTÉS

Catalogue des livres par abonnement qui se trouvent chez J. Lenoir, rue Sœurs-de-Hasque, n° 284, à Liège (1827 ?).

Catalogue de la librairie P. J. Collardin, imprimeur de l’Université, n° 9 rue Pont d’Isle, imprimé chez lui-même, 1829. Deux suppléments.

Catalogue des livres de fonds et en nombre, de Fr. Lemarié, imprimeur-libraire, à Liège, près de l’Hôtel-de-Ville, Liège, Lemarié, 1829.

Catalogue de la Bibliothèque d’abonnemens de L. Duvivier, édité à Liège, chez Duvivier, librairie, n° 380, rue sur-Meuse, 1834.

Le même, mais la « Bibliothèque d’abonnement » a changé de nom pour celui de Duvivier-Sterpin. Imprimé à Liège, chez Havenel-Labrassine, 1837.

1er catalogue du cabinet de lecture de Mme Veuve Castiaux-Massart, n° 41, passage Lemonnier (1842-1844 ?).

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1 Dans leur introduction au catalogue de l’exposition Le Romantisme au pays de Liège, publié par le Musée des Beaux-Arts en 1955, Rita Lejeune et Jacques Stiennon proposent une explication sociologique à cette francophilie liégeoise : la chute de la domination française sur la région en 1815 n’a pas brisé les attaches avec la France parce que la génération qui arrive à maturité entre 1820 et 1830 a été élevée et éduquée dans les lycées impériaux, cultivant l’admiration de la littérature française. À cela s’ajouterait le fait que beaucoup de familles françaises d’intellectuels s’étaient alors fixées dans la région, à l’image des frères Rogier, futurs animateurs du Mathieu Laensberg et architectes de la Révolution belge.

2 Quelle que fût son identité, le critique Y était un lecteur du Racine et Shakespeare de Stendhal, comme le prouve la définition du romantisme qu’il propose et qui reconduit la distinction stendhalienne entre romanticisme et classicisme : « La littérature romantique est celle qui a pour but de répondre aux besoins actuels des esprits, sans s’inquiéter aucunement des exigences qui ont pu exister à une époque antérieure et de la manière dont elles ont été satisfaites. La littérature classique, au contraire, est celle qui, pleine d’une admiration exclusive pour la manière dont de grands écrivains ont contenté les besoins littéraires de leur siècle, ne veut pas qu’aujourd’hui l’on s’écarte de leur manière, alors même que ces besoins seraient changés. » (Y, « Du romantique », dans Mathieu Laensbergh, 26 février 1826).

3 Y, « Du romantique », dans Mathieu Laensbergh, 11 février 1826.

4 Ibid. Les nombreuses inversions et autres bizarreries syntaxiques qui pullulaient dans les romans du vicomte d’Arlincourt lui ont valu des railleries sans nombre. On en trouve trace au début d’Un grand homme de province à Paris, sur une affiche que lit Lucien de Rubempré.

5 Le roman connut un premier tirage de 2500 exemplaires et fut retiré à plusieurs reprises au cours de l’année 1821 pour atteindre 8400 exemplaires, sans compter une contrefaçon bruxelloise. La barre des 10 000 fut atteinte en 1822, tandis que le roman était traduit en allemand, en anglais, en hollandais, en italien, en danois, en espagnol, en polonais, en suédois, en portugais et en russe. Le Figaro du 9 septembre 1858 résumera bien l’ampleur de l’événement : « le Solitaire fit une révolution dans la littérature et dans le monde. On se l’arracha : jamais, entendez-vous, jamais, ni M. de Lamartine, ni Hugo, ni Dumas, n’obtinrent un succès pareil. Il eut en fort peu de temps 27 éditions. Il fut traduit dans toutes les langues ; la mode s’en empara : tout fut au Solitaire et le nom en est resté à une couleur… On en fit des tableaux, des gravures, des chansons ».

6 Louis Auger s’était signalé en 1824 par un discours virulent devant les chambres de l’Institut, au cours duquel il parla du romantisme comme d’une « littérature de cannibales ». C’est pour lui répondre que Stendhal écrivit Racine et Shakespeare.

7 Y, « Du romantique », dans Mathieu Laensbergh, 11 février 1826.

8 « Du Romantisme. À propos d’une tragédie nouvelle de M. d’Arlincourt », dans Mathieu Laensbergh, 14 avril 1826.

9 Voir à ce propos notre article « Charles Nodier, “majordome des romantiques” et le roman frénétique », dans M.-A. Beaudet, L. Bonenfant, I. Daunais, dir., Les Oubliés du romantisme, Québec, Nota Bene, 2004, pp. 171-183 (« Convergences »).

10 Stendhal, « Projet d’un article sur “Le Rouge et le Noir”, dans Le Rouge et le Noir, Paris, Gallimard, 1972 [1830], p. 561 (« Folio »).

11 Pour une analyse plus en profondeur de cette réception critique, on consultera l’ouvrage classique de Gustave Charlier, Le Mouvement romantique en Belgique (1815-1850), Bruxelles, Palais des Académies, 1948-1959, 2 vol.

12 Plus généralistes, les catalogues de la librairie Lemarié (1829) et de la bibliothèque d’abonnement de Lenoir (1827) n’ont été utilisés que pour vérifier les tendances.

13 Ces sous-catégories génériques, quelque peu artificielles bien entendu, sont celles de l’époque. Le libraire Marc les décline notamment dans son Dictionnaire des romans anciens et modernes ou Méthode pour lire les romans, d’après leur classement par ordre de matières ; dédié à tous les abonnés des cabinets de lecture, Paris, Marc et Pigoreau, 1919.

14 La citation des œuvres de jeunesse de Balzac (Clotilde de Lusignan, La Dernière Fée, ou la Lampe merveilleuse et Wann-Chlore) sous ses divers pseudonymes, est surprenante : il est probable que la libraire a ajouté ces titres à son fonds lorsque Balzac s’est trouvé très lu et contrefait. On y trouve même Le Vicaire des Ardennes, alors que ce roman avait été saisi et mis au pilon pour obscénité dès 1822.

15 Des relevés effectués dans la série F18 II des Archives Nationales, consacrée aux registres des déclarations d’imprimeurs, font apparaître un tirage moyen de 1400 exemplaires pour un roman. Les Souvenirs de Félicie de la comtesse de Genlis sont tirés à 1000 exemplaires en 1821, de même que le Bertram de Maturin traduit par Nodier et Taylor. Les éditeurs tendent plutôt à multiplier les petits tirages, à l’instar du Château de Kenilsworth de Walter Scott, tiré à 2000 exemplaires, puis deux fois à 1000 exemplaires en 1820.

16 Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac. Les cabinets de lecture à Paris 1815-1830, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1981, pp. 226-238.

17 Ce chiffre provient de relevés effectués dans la Petite bibliographie biographico-romancière de l’éditeur Pigoreau, ainsi que dans les catalogues modernes suivants : Marc Loliée, Romans noirs, Contes de Fées, Contes fantastiques, Le Merveilleurx, Pré-surréalistes, Esotérisme. Livres et autographes, Librairie Marc Loliée, 40, rue des Saints-Pères, 75007 Paris, Catalogue no 79 ; et Librairie Henner, Le Roman de terreur ou roman noir en France de 1760 à 1830, à l’enseigne de la librairie (9 rue Henner, 75009 Paris), 1977.

18 Respectivement aux numéros 1627, 1601 et 615 de son catalogue de 1837.

19 Alice M. Killen, Le Roman terrifiant ou roman noir de Walpole à Anne Radcliffe et leur influence sur la littérature française jusqu’en 1840, Paris, Honoré Champion, 1924.

20 C’était aussi l’avis de l’éditeur Pigoreau, qui écrit : « Les uns aiment le genre gai, d’autres le genre noir ; ceux-ci le roman historique ; ceux-là les brigands, les cavernes, etc. Nous nous bornerons aux romans noirs et aux romans gais, comme à ceux qui sont le plus souvent demandés » (Antoine-Nicolas Pigoreau, Sixième supplément à la Petite bibliographie biographico-romancière, Paris, Pigoreau, décembre 1823, p. IV).

21 Bug-Jargal, Han d’Islande et Le Dernier Jour d’un Condamné pour Hugo (numéros 133, 437 et 1354). Méditations poétiques, Nouvelles Méditations poétiques et La Mort de Socrate pour Lamartine (numéros 664, 765 et 1514).

22 Daniel Droixhe, « Réflexions sur les catalogues de librairie à Liège dans la première moitié du XIXe siècle », dans J.-Y. Mollier, dir., Le Commerce de la librairie en France au XIXe siècle, Paris, IMEC éditions, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1997, pp. 334-335. C’est Daniel Droixhe qui a initié la présente recherche : qu’il en soit remercié.

23 S’y trouvent des romans de Radcliffe, de Charlotte Smith et de M. R. Roche.

24 Le supplément au catalogue de 1837 de Duvivier reprend en l’augmentant de 200 titres celui de 1834 : les tendances décrites s’y confirment.

25 Respectivement aux numéros 1851, 1776 et 1744 du supplément au catalogue de la librairie d’abonnements Duvivier. Signe de son succès, Balzac est désigné comme seul auteur des Contes bruns.

26 Aux numéros 1878 et 1967 du catalogue de 1834.

27 Voir Martin Lyons, Le Triomphe du livre. Une histoire sociologique de la lecture dans la France du XIXe siècle, Paris, Promodis, 1987, pp. 77-105. Les chansons de Béranger font exception.