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La vernacularisation comme alternative au concept d’« éveil national » ? L’exemple de la Bohême1

Michael WÖGERBAUER

L’objectif de cette analyse est de présenter le concept de vernacularisation dans ses traits principaux, et de voir s’il autorise une approche renouvelée des transformations culturelles qui se produisent en pays tchèques à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. La vernacularisation ne peut pas être conçue comme un « autre » récit de l’éveil national. L’utilisation du concept devrait permettre de renverser une narration téléologiquement orientée vers une fin connue d’avance : la naissance de la nation. La vernacularisation offre une vue génético-évolutive sur la façon dont les choses se sont transformées selon les régions et selon les époques. Dans toute la monarchie des Habsbourg, et pas seulement en Bohême, la première moitié du XVIIIe siècle peut apparaître comme l’époque d’une culture érudite et de représentation de type latinoromane qui, malgré des spécificités locales, reste « suprarégionale » et élitaire. Les cultures locales vernaculaires s’émancipent progressivement de cette culture cosmopolite tout en s’y rattachant, en s’appropriant et en adaptant ses modèles « classiques ». Elles en imitent les pratiques, leur donnant un épanouissement et des directions nouvelles.

CONTINUITÉ DU PARADIGME DE LA LANGUE DANS L’HISTORIOGRAPHIE

L’époque de l’« éveil national » ou de la « renaissance nationale », qui correspond à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle, constitue une singularité historiographique propre à certaines nations européennes. Dans les régions où un mouvement national s’imposa, par exemple dans les pays tchèques, les acteurs de ce mouvement s’appuyèrent largement, dans leur combat pour l’émancipation politique d’un groupe social défini par sa langue, sur l’interprétation de leur propre rôle dans l’histoire. Or, bien plus tard, l’historiographie s’appropriait encore ce que l’on pourrait nommer de façon polémique « l’autobiographie du mouvement national » (cf. les mots de « renaissance », « résurrection », « éveil ») dans son récit de l’histoire de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle, tandis que la période antérieure était qualifiée de « ténèbres »2. Il semble impossible de séparer nettement le discours politique du récit historiographique, même si des tentatives de conceptualisation plus nuancée de l’éveil national ont vu le jour, en particulier au moment des grands tournants politiques (vers 1900, puis en 1968 et en 1989). En témoignent les mots quelque peu résignés de l’historien Josef Petráň à propos du concept d’« éveil national »:

Il est traditionnel et puisqu’il existe, nous allons continuer de l’utiliser, bien que son contenu soit aujourd’hui défini d’une façon différente de celle de l’époque des patriotes romantiques du siècle dernier3.

Bien que plurilingue, la littérature des pays tchèques est toujours perçue selon les points de vue isolés de ses différentes langues. C’est vrai en particulier pour les « philologies nationales », bohémistes ou germanistes, malgré leurs trajectoires différentes. Ce phénomène tient, nous semble-t-il, à ce que l’historiographie de la littérature (qui avait dans une certaine mesure pour fonction de renforcer l’identité nationale), comme les recherches structuralistes (qui se concentrèrent sur la fonction esthétique de l’œuvre littéraire) adoptèrent une approche qui se limitait à une langue4. Il est particulièrement crucial pour les spécialistes de la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles de prendre leur distance par rapport aux représentations que la pensée esthétique et nationale des XIXe et XXe siècles a projetées sur leur sujet d’étude5.

Appliquer le paradigme national et l’esthétique du génie à cette littérature peut entraîner contresens ou interprétations erronées. Mais cela empêche surtout de réaliser que, pour considérer l’ensemble de la littérature d’un pays plurilingue, il faut prendre en compte les textes produits dans toutes les langues qui s’y pratiquent : il s’agit, pour nous, d’une seule littérature imprimée en plusieurs langues. Il est à ce titre symptomatique que l’on doive à un philologue latiniste d’avoir repris à son compte l’exigence formulée par Alexander Stich, lequel souhaitait que les études bohémistes tchèques soient « latinisées, germanisées et slavisées »6. Pour les germanistes non tchèques qui étudient des milieux plurilingues, cet appel est particulièrement pressant, bien que dans la pratique les barrières (pas seulement linguistiques) qui se présentent restent redoutables.

La vernacularisation nous semble au premier abord correspondre à l’évolution d’une culture d’une région en particulier, à son effort pour atteindre son autonomie et pour créer une haute culture : celle-ci peut, bien entendu, devenir « nationale », et sera formée au moins en partie selon le modèle des cultures « classiques » conçues comme hautes cultures au sens de suprarégionales. L’éducation est une condition préalable à la vernacularisation, au même titre que l’existence d’institutions d’enseignement qui transmettent la connaissance des cultures considérées comme classiques. Dans la mesure où le concept prend en compte l’opposition entre « haute » et « basse » culture, il peut être utilisé pour modéliser des processus semblables dans toutes les aires linguistiques en Europe, et permet en outre de comparer les différentes temporalités du processus. Il semble en effet que la vernacularisation ne soit pas forcément un phénomène qui se produirait une fois pour toute7. En Europe centrale, une première vernacularisation de la langue littéraire se produisit au temps de l’humanisme ; puis un mouvement similaire apparaît dans la seconde moitié du XVIIIe et la première moitié du XIXe siècle8, naturellement dans des conditions et avec des résultats bien différents. Nous utiliserons le concept de vernacularisation comme un outil scientifique adaptable pour décrire un matériau donné de façon complexe. Dans l’objectif de donner une vue alternative des prémices de l’éveil national, nous tenterons d’esquisser la logique de la vernacularisation telle que les habitants de la monarchie des Habsbourg ont pu la percevoir à la fin du XVIIIe siècle.

LA DIALECTIQUE DE LA VERNACULARISATION

Dans la monarchie des Habsbourg, on peut situer le début d’une intensive (re)vernacularisation dans les années 1760, c’est-à-dire à une époque où ces pays traversent une crise profonde. La défaite de la Guerre de Sept ans (1756-1763) face à la Prusse révéla le fait qu’une modernisation d’ensemble et une rationalisation du pouvoir étaient devenues indispensables. Dans ce processus, l’utilité devint un concept-clé, et ce tout d’abord pour l’État. Les transformations se devaient d’atteindre en tout premier lieu les élites traditionnelles dont une grande partie résistait jusque là aux efforts réformateurs de l’impératricereine Marie-Thérèse. Ces élites cependant étaient aussi les principaux dépositaires de la culture suprarégionale religieuse et aristocratique, et effectivement ce sont les ordres religieux, en particulier les jésuites, qui manifestèrent leur opposition aux réformes9.

Les jésuites furent ainsi critiqués dès les années 1730 et ce, même dans les pays de l’Empire qui connaissaient la recatholicisation. Or il est intéressant d’observer que les questions « nationales », religieuses et linguistiques se chevauchent. Georg Lizel, sujet protestant d’un seigneur catholique, publie en 1730 sous le pseudonyme de Megalissus, un écrit polémique sur « les mauvais Allemands catholiques » (undeutsche Katholiken) qui dégradent et ne respectent pas la langue vernaculaire, au contraire des Protestants du nord de l’Empire. Dans son argumentation, il quitte la sphère religieuse pour faire état de « l’embellissement de la langue allemande et de la poésie », langue qu’il estime au contraire en déchéance dans les pays catholiques, et ce justement à cause de l’influence de l’Église10. En 1749, le projet de fonder à Vienne une académie impériale « allemande » (c’est-à-dire non latine) échoua pour des raisons religieuses. Johann Christoph Gottsched, professeur à Leipzig, à qui en aurait été confiée la direction, était protestant, comme ses élèves. Pour soutenir les langues vernaculaires, surtout dans leur usage pratique, Marie-Thérèse dut désormais choisir dans ses États les professeurs des établissements d’enseignement supérieurs tels l’université de Vienne, l’Académie de Savoie, l’Académie militaire de Wiener Neustadt, le Theresianum et l’école d’ingénieur de Gumpendorf11 – toutes institutions étroitement liées aux débuts de l’emploi du tchèque dans l’enseignement supérieur12.

Les réformes de l’enseignement supérieur ont ainsi été fondamentales pour le processus de vernacularisation du XVIIIe siècle, car préparées par une génération de jeunes intellectuels éclairés, comme Gerard van Swieten à Vienne ou Franz Stepling à Prague. La réforme de l’enseignement du latin effectuée en 1753 servit de base à une seconde génération d’enseignants importants, tels Joseph Sonnenfels à Vienne et, à Prague Joseph Stepling, Karl Heinrich Seibt, Ignaz Cornova, Stanislav Vydra, Joseph Anton von Riegger et beaucoup d’autres. En 1757, Riegger, qui sera professeur à la Faculté de droit de l’université de Prague et conseiller au Gouvernement de Bohême, publia sa thèse au titre explicite : Historia latinorum majoris nominis poetarum13. L’auteur devint, à 24 ans, le plus jeune professeur de l’université de Fribourg-en-Brisgau, ville alors autrichienne. Dans sa leçon inaugurale (1765) en allemand, il justifie le choix de la langue par une idée tout à fait remarquable :

Celui qui aime son pays aime sa langue. Celui à qui l’honneur et le bonheur de la patrie ne sont pas indifférents, ne peut rester indifférent non plus à la langue de son pays. Ainsi Cicéron lui aussi (…) a fondé la gloire de la langue romaine (…), dans laquelle il a rédigé ses écrits immortels. Les a-t-il écrits dans la langue des érudits – le grec ? À-t-il donné la préférence à une langue étrangère face à la langue de son pays ? Allons, adulateurs naïfs des sciences étrangères ; allons, adorateurs aveugles des mots de Cicéron, reconnaissez l’esprit de sa pensée ; apprenez de lui la ferveur envers les muses de votre patrie ; admirez son avidité ardente ; soutenez le bon goût de vos concitoyens en apprenant votre langue de naissance, admirez son esprit bienfaisant…14

Riegger utilise, pour décrire les patriotes, les mots clés de la poétique classique et de l’éthique des Lumières. Il essaie de faire impression sur son public par un style emphatique et émotionnel, selon l’exemple de Cicéron15 :

Ainsi, le professeur devient le bienfaiteur de la nation entière lorsqu’il reconnaît que la langue de son pays [Landessprache] est apte à enseigner les sciences. Alors, même son concitoyen le moins érudit peut pénétrer dans le temple des muses…16

On trouve une intention similaire chez Dante qui, dans son Convivio, indique avoir choisi la langue vernaculaire (lingua volgare) par égard pour un public élargi : il ne veut pas s’adresser aux seuls érudits, mais aussi à ceux qui ont la charge du bonheur général, et n’ont pour cette raison pas le temps d’apprendre des langues étrangères, dont le latin. Il s’adresse même aux dames nobles qui, dit-il, ont un désir naturel de connaissance. Le fait que la langue maternelle, même en tant que langue littéraire, ait été le « moyen dont disposaient les hommes en tant qu’êtres humains pour communiquer entre eux » qui sont égaux selon le droit naturel17, n’est pas l’apanage d’une époque (celle des Lumières par exemple). Il est le produit d’une constellation sociale, et donc d’une transformation du système de la littérature dans son ensemble. En effet, suivant en cela le modèle antique, les érudits humanistes ne voulaient pas adresser leurs conseils, leurs dédicaces ou leurs œuvres littéraires aux seuls « gens du monde » (c’est-à-dire à la minorité de l’élite). De plus, écrire pour un cercle élargi de lecteurs exigeait une meilleure alphabétisation, et vice versa. Avec l’invention de Gutenberg, ces deux faits deviennent les conditions sine qua non d’une ouverture du marché du livre au public et d’une progressive émancipation de l’écrivain par rapport au mécénat aristocratique.

Les sages me loueront certainement si j’écris de telle façon que chacun puisse me comprendre ; j’aiderai plutôt le monde que je ne plairai à certains seulement, car on sait combien les érudits sont aujourd’hui rares18.

Ainsi Alberti défendait-il ses écrits moraux rédigés en toscan19, langue qu’il n’adopta qu’à 36 ans, après avoir écrit exclusivement en latin. L’accès à l’éducation, et de ce fait le niveau de connaissances, faisaient partie des facteurs de différenciation des groupes sociaux. De cette constatation, on en vint rapidement à l’idée que la lingua vulgaris était forcément barbare et ne pouvait pas être utilisée pour des objets nobles. Pour prouver le contraire, il fallait interpeller de plus larges couches de la population et les éduquer, ce qui devint l’objectif national et humanitaire de nombreux intellectuels influencés par des idéaux humanistes. Dans chaque pays d’Europe, cette idée elle-même, et la défense de la langue maternelle qui lui est liée, possède sa propre histoire.

Chaque processus de vernacularisation se bâtit en effet sur le précédent. En tant que précurseur de l’emploi de la langue maternelle en littérature, Cicéron est une référence commune. Sperone Speroni se réfère à lui, par exemple, dans son Dialogo delle lingue (1542), avant d’inspirer à son tour, par ses écrits en italien, les poètes de La Pléiade. Le Dialogo de Speroni sert de modèle à la Deffence et illustration de la langue françoise (1549), où Du Bellay développe la théorie indispensable de l’imitation, selon laquelle la nouvelle prose française doit se fonder sur la Rome antique et sur l’Italie de la Renaissance. Du Bellay interpelle les auteurs :

Je veux (…) que tu t’eforces de rendre, au plus près du naturel que tu pourras, la phrase et maniere de parler latine20.

Il va ainsi tenter d’appliquer à la prose vernaculaire les principes qui régissent la prose de Cicéron, bien que ce ne soit pas toujours possible en français, par exemple pour le numerus, l’alternance des longues et des brèves. De même, l’idée « patriotique » de la vernacularisation s’appuie sur l’idée européenne de l’accessibilité du savoir et sur le potentiel culturel de la langue maternelle, malgré l’impossibilité de lui appliquer certains principes : la théorie prône l’imitation, mais aussi l’adaptation des modèles étrangers. Ce n’est pas un hasard si pratiquement toutes les littératures vernaculaires européennes ont mené des discussions sur la métrique. Ce qui, pour les individus, apparaît comme un devoir devient, une fois ramené au niveau des nations et de leurs langues, une lutte pour atteindre à une humanité plus élevée. Les langues vernaculaires sont par définition égales entre elles mais se trouvent à des niveaux d’évolution différents21. Pour être progressivement reconnues en tant que langues culturelles classiques, elles peuvent transformer doublement les modèles : tout d’abord en traduisant certaines œuvres classiques, ensuite en imitant les idées mises en œuvre dans ces dernières, leurs principes poétiques, leurs choix culturels, etc. Jaroslav Ludvíkovský relativise l’opposition traditionnelle entre « patriotisme territorial » et « nationalisme linguistique » en renvoyant à la dialectique de la vernacularisation. Il souligne en effet que

l’étude approfondie de l’Antiquité a toujours et partout renforcé et exacerbé la conscience de l’élément national dans une culture et dans une langue. L’humanisme latin s’accompagne d’un humanisme national qui le supplante bientôt.

Toute une série d’auteurs de Bohême fonde sur Cicéron la réflexion sur la langue. Dans le onzième chapitre de sa Dissertatio apologetica pro lingua Slavonica, praecipue Bohemica (1672-1673), l’historien jésuite Bohuslav Balbín (1621-1688) se réfère à l’amour des « anciens Romains pour leur langue ». Un siècle plus tard, Nicolaus Adauctus Voigt renvoie à l’introduction du Dictionnaire de Daniel Adam Veleslavín (1546-1599)

dans lequel cet humaniste invite les Tchèques à cultiver ardemment leur langue maternelle en présentant à leurs yeux l’exemple des Grecs et des Romains…22

L’expression « humanisme national » utilisée par Ludvíkovský est cependant trompeuse, car elle suggère une certaine proximité avec l’idée nationale dans son acception moderne, romantique, et donne aux écrits qu’elle analyse le caractère de précurseurs. De la sorte, son argumentation s’insère dans l’interprétation téléologique du paradigme national. Si l’on réduit à un « nationalisme linguistique » la vernacularisation de la littérature et du théâtre de la seconde moitié du XVIIIe siècle, on se prive du terme qui permettrait de rendre compte d’un phénomène tout à fait différent, propre aux XIXe et XXe siècles, et dont les liens avec la phase antérieure sont pour le moins complexes. Parler « d’humanisme vernaculaire » est certainement plus pertinent pour le XVIIIe siècle.

Dans les rangs de la noblesse, on trouvait cependant des sceptiques de la vernacularisation, voire des opposants. Le plus éminent est sans aucun doute Frédéric II de Prusse, qui publia tardivement, en 1780, son célèbre essai De la littérature allemande23. Selon lui, un contexte historique plus clément avait permis à l’Italie, à la France et à l’Angleterre de « briser les entraves qui liaient le génie de nos aïeux » plus tôt qu’en Allemagne. L’allemand avait encore besoin d’être affûté, limé et raboté, d’être purgé, grâce aux modèles antiques, du « style diffus » de l’allemand baroque :

Ce sont cependant là [l’Antiquité] les sources abondantes où les Italiens, les François, et les Anglois, nos devanciers, ont puisé leurs connoissances…24

Pour le roi, la traduction des maîtres antiques est une bonne méthode, qui oblige à clarifier l’expression. Les œuvres écrites en langue vernaculaire devraient posséder la logique de Wolff et la rhétorique de Quintilien, et chercher leur inspiration chez Homère, Virgile, Horace ou Anacréon25. L’argumentation de Frédéric II est à l’évidence assez proche du classicisme français ouvert avec Du Bellay et vient se placer au sein de la dialectique de la vernacularisation esquissée ici.

Ce processus de dimension européenne est encore plus rapide dans les États des Habsbourg qu’en Prusse, car plus tardif26. Une grande partie des élites employant les langues latine et romanes parvint à défendre plus longtemps les langues véhiculaires, qui étaient non seulement leurs moyens de communication courants mais aussi la marque de leur position sociale. L’exemple du comte de Hartig montre que l’allemand ne remplit pas toutes les fonctions de la haute culture, et que l’aristocratie manifeste une grande réserve face à l’utilisation de cette langue. Si Hartig prend ses distances par rapport à cette pratique et éprouve le moyen de se justifier, il donne à voir toute sa prégnance au moins pour la génération précédente. Encore dans les années 1770, les femmes, et l’impératrice elle-même, ne parlaient souvent qu’un dialecte allemand régional et donc réputé « barbare »27, ce qui explique qu’un intellectuel souligne l’exceptionnalité de la dame à qui il dédicace son ouvrage écrit en allemand sur des lettrés de Bohême (cf. ill. 1) :

Les noms ne sembleront pas barbares à vos oreilles (…); le français et l’anglais ne vous ont pas encore appris à mépriser votre langue maternelle…28

Imprimer des textes « de haut niveau » dans la langue maternelle reste un acte qu’il est nécessaire de justifier : ce sera la mission de l’intellectuel progressiste. En revanche, pratiquement tous les défenseurs d’un renouveau du latin classique, des intellectuels de domaines variés, condamnèrent les « érudits pédants » qui écrivaient en latin « scolastique », les considérant comme des représentants de la contre-réforme baroque – pour eux la pire des barbaries après celle du « Moyen Âge ». Les partisans des Lumières (les monarques éclairés et leurs conseillers), lorsqu’ils réformèrent les institutions d’enseignement (lycées et universités), s’efforcèrent de les purger de toute trace de pédantisme scolastique et de promouvoir « l’utile » et « le goût », selon un classicisme humaniste29.

Pour réussir, le processus de vernacularisation doit parvenir à imposer, face aux forces conservatrices que représentent les langues véhiculaires prestigieuses, la langue vernaculaire dans une variante artificielle reconnue plus ou moins généralement comme un standard valable pour la langue écrite. Ainsi, la première phase de la vernacularisation est-elle par nécessité dominée par la problématique philologique. Le cas de la Bohême présente par ailleurs l’intérêt d’une vernacularisation potentiellement double. Dans ce pays bilingue, la vernacularisation par l’allemand se heurta tout d’abord au fait qu’une partie de la population, qui connaissait aussi, ou seulement, le tchèque, ne pouvait pas s’approprier une vernacularisation allemande ne lui permettant pas de promouvoir une forme d’éducation développée. Ensuite, la langue standard de Gottsched et d’Adelung avait été élaborée à partir d’une variante saxonne qui, pour les habitants germanophones de la monarchie des Habsbourg, était nettement étrangère et provenait en outre d’un autre milieu confessionnel. On trouve un témoignage de la pratique des groupes sociaux inférieurs dans le récit que fait un voyageur du Nord de l’Allemagne, de sa rencontre avec une servante de Prague :

Je commençai à lui parler, mais elle ne me comprit pas et me dit que je parlais un allemand si bizarre qu’elle pensait que je devais sans doute être de Dresde…30

Cet exemple révèle la suspicion avec laquelle on dut considérer les efforts pour imposer le moyen-allemand comme langue standard à Prague31. Cependant, le rôle de Karl Heinrich Seibt32, qui « vernacularisa » par l’allemand la culture littéraire des Praguois, fut positivement apprécié par ses contemporains aussi bien à l’étranger que parmi les « patriotes tchèques ». Ainsi, l’historien Franz Martin Pelzel (1734-1801), tout comme son contemporain le slaviste Josef Dobrovský, interprétait-il l’action de Seibt comme une contribution positive à la vernacularisation :

Finalement, même les dames qui ne connaissaient jusqu’ici que la littérature française se mirent à lire Gellert, Hagedorn, Rabener, Gleim, Gessner, Kleist et d’autres encore. Des jeunes gens des deux sexes lisaient ces textes avec tant de goût qu’ils ne les abandonnaient pas de si tôt. Dans les jardins, aux promenades et jusque dans les lieux publics, on les rencontrait un Wieland ou un Klopstock en main…33

L’action de Seibt est visible dans sa correspondance avec Wieland, dont il voulait faire jouer à Prague le Singspiel d’Alceste34 – un projet qui cependant n’aboutit pas. Les exercices de style pratiqués par lui jouèrent eux aussi un rôle dans la vernacularisation de la littérature, de même que ses almanachs où il publiait les meilleurs travaux de ses étudiants. Mais Seibt fut aussi perçu comme un « maître de langue » dont les critiques envers l’allemand de Bohême, qu’il jugeait si entaché de dialectes et de bilinguisme qu’il fallait le réapprendre « de façon artificielle »35, blessaient les susceptibilités locales. De ce point de vue, l’affirmation de Wieland écrivant de Weimar que « même les Bohêmes d’aujourd’hui doivent étudier chez M. Seibt s’ils veulent atteindre le Parnasse »36 était contreproductive et ressentie comme une provocation, tout comme le fait que ces « maîtres de langues » incarnaient une influence étrangère37. Notons que les érudits appartenant au classicisme (par exemple Franz Martin Pelzel en tant que professeur de langue tchèque) appliquèrent ces mêmes critères de « pureté » à la langue tchèque dont ils situaient « l’âge classique » à l’époque de l’humanisme des XVIe et XVIIe siècles38.

Les traductions, surtout du latin mais aussi des autres langues romanes, peuvent être considérées comme participant d’une première phase de vernacularisation. Seibt lui-même fit le compte-rendu d’une traduction d’un Trattato delle virtù e dei premii de Giacinto Dragonetti, réalisée par son élève Heinrich Trottmann, sans doute à partir d’une version française39. Dans ses recensions, il était si friand de commentaires sur la langue qu’on lui reprochait son pédantisme philologique qui, disait-on, empêchait toute pensée systématique. Par ailleurs, les critiques dénonçaient la situation de dépendance dans laquelle se trouvait la littérature des pays tchèques envers les traductions (Übersetzungssucht):

Ne devrions-nous pas être capables de penser tous seuls ? Est-ce notre destin de nous contenter de traduire en allemand, et encore de mauvais livres ?40

Même lorsqu’il ne s’agissait pas d’une traduction, la langue vernaculaire puisait dans les modèles stylistiques acquis à l’école en traduisant et en imitant. Seibt et les adeptes du classicisme approuvaient souvent le contenu des livres, mais ils en fustigeaient le style latinisant. « Se défaire des attaches du latin et de son ordre de pensée »41 était un processus à long terme, comme en témoigne encore la remarque faite par Johann Georg Bandtke à Josef Dobrovský en 1826 :

Manso de Breslau a écrit une Histoire de la Prusse dans un allemand à la Tacite. C’est entièrement germano-latin ou latino-allemand ; un bon travail en fait, mais incroyablement désagréable à lire. D’un pédantisme ! Manso est un brave homme, mais tout de même, quel pinailleur !42

La base de l’enseignement supérieur, n’était-elle pas l’Antiquité grécolatine?43 Cette tendance se renforça d’ailleurs en Prusse avec la réforme des lycées classiques (Gymnasien) centrés sur les humanités.

Au niveau des pays tchèques, la vernacularisation prit cependant un sens particulier pour l’identité du pays. La culture élitaire baroque risquait en effet d’être remplacée par une culture vernaculaire allemande qui n’était ni internationale, ni nationale. Celui qui se définissait comme patriote tchèque se devait de se détourner du culte du français et du latin, mais il ne pouvait reconnaître ni la domination du Nord protestant, ni celle de la cour de Vienne, qui tendaient à réprimer son autonomie traditionnelle. Dans cette conjoncture, il est possible d’utiliser le concept de vernacularisation de la langue pour décrire des positions politiques. La langue tchèque représentait à la fois le particularisme de la Bohême au sein de l’Empire, et son autonomie à l’intérieur de la monarchie autrichienne. La thèse des Lumières sur l’égalité de toutes les langues et sur le droit de chaque individu à accéder à l’éducation et à la connaissance dans sa langue maternelle renforçait cette idée. Ainsi, lorsque l’historien Franz Martin Pelzel refusa que l’allemand soit introduit en remplacement du latin à l’université de Prague, il fit valoir que

les Polonais, les Hongrois, les Irlandais et les Italiens ne [pourraient] plus y étudier puisqu’ils ne [comprenaient] pas l’allemand. Ce ne serait qu’une école supérieure allemande et un Tchèque qui n’aurait pas appris l’allemand ne pourrait pas y étudier…44

Il polémiqua en outre avec Friedrich Nicolai à propos de l’Empereur et roi de Bohême Charles IV (1316-1378), et rédigea un essai au titre éloquent : Das Königreich Böheim ist kein deutsches Reichsland, sondern ein freyer und unabhängiger Staat [Le royaume de Bohême n’est pas un État du Saint-Empire, mais un État libre et indépendant]45. La langue était un des symboles de l’indépendance du pays qui permettaient d’éviter que les pays tchèques ne se « diluent » dans le Saint Empire romain germanique, quand celui-ci était en train de devenir – du moins dans les rêves patriotiques des intellectuels – l’Allemagne46. Les familles aristocratiques qui se considéraient comme les représentants historiques de la Natio Bohemiae défendaient bien entendu l’existence historique de l’État tchèque. L’opinion du comte Franz Josef Kinský selon laquelle

si la langue maternelle de l’Allemand est l’allemand, celle du Français le français, alors le Tchèque [der Böhme] devrait avoir la langue tchèque [böhmisch]47,

prend sens dans ce contexte, en particulier lorsque Kinský l’appuie par des considérations pratiques sur la communication et sur la diffusion des Lumières dans la population. En faisant don de sa propre bibliothèque, Kinský participa à la fondation de la bibliothèque universitaire publique (1777) au sein de laquelle fut ensuite créée une section intitulée Bibliotheca nationalis48. Après que les autorités, pour des raisons qui leur étaient propres, eurent encouragé la vernacularisation à un niveau pratique pour améliorer leur propre fonctionnement et position49, ce sont des particuliers50 qui fondèrent les institutions susceptible de promouvoir celle-ci. Ce faisant, les frontières entre les sphères « publique », « semi-publique » et « privée » se brouillaient. C’est le cas pour la bibliothèque universitaire, pour le théâtre fondé par le comte Nostitz et qui devint le théâtre des États, ou encore pour les institutions de sociabilité comme la franc-maçonnerie ou la Société des sciences qui, de « Société privée », devint plus tard « Société royale de Bohême ». La langue tchèque joua un rôle important au sein du théâtre Bouda ou encore pour l’entreprise de Václav Kramerius dont l’objectif d’imprimer uniquement en tchèque connut un succès notable. Ces institutions réalisèrent le projet de s’approprier et de transformer les modèles étrangers, d’adapter ce qui était élitaire et international à un public plus large, ou tout au moins bourgeois, et de permettre à la vie culturelle vernaculaire de s’épanouir, de s’affiner, mais aussi de servir et de représenter le pays à un niveau international. Mais, même si une grande partie de la noblesse et de la bourgeoisie aimait à se montrer dans les habits neufs du patriotisme, elle resta dans la pratique longtemps fidèle aux modèles étrangers, et en tout premier lieu au modèle français.

Le recul du latin comme langue érudite était consacré vers 1790. L’un des fondateurs de la Société des sciences, proposa bien en 1785 que les Dissertations de cette dernière soient imprimées en latin, mais il ne fut pas entendu51. Et lorsque Josef Dobrovský envisagea dans les années 1790 de fonder une revue scientifique en latin, il abandonna vite son projet52. De fait, on trouve au début du XIXe siècle des critiques sur l’utilisation du latin comme langue de représentation, par exemple pour les inscriptions sur les bâtiments publics : on parle de la « tyrannie d’une langue morte, pauvre dans ses formes et peu développée »53, alors que l’on n’enseigne plus en latin à l’université et que la « langue du pays », c’est-à-dire, à cette époque, l’allemand, a gagné en légitimité. Ces choix témoignent du statut nouveau acquis par la langue maternelle, statut qui permettra de fonder la problématique de l’identité nationale à l’époque des guerres napoléoniennes. Durant la première décennie du XIXe siècle, la langue maternelle, dont le rôle est de transformer les sujets superstitieux et arriérés en citoyens critiques et égaux entre eux, devient l’outil de construction des « nations » (Volksstämme).

LA VERNACULARISATION DANS LA PRATIQUE LITTÉRAIRE

La traduction des classiques dans la langue propre à chaque milieu représente l’une des conditions préalables à la vernacularisation. Dans cet engouement pour la traduction54, il ne s’agit pas toutefois de traduire (seulement) un contenu – le lecteur cultivé était capable de lire la plupart des textes dans leur langue originale –, mais plutôt de transférer les « classiques » en les adaptant à un milieu local. Dans la première phase, philologique, de la vernacularisation, l’enseignement universitaire joua un grand rôle pour la réflexion sur les langues dans la monarchie des Habsbourg55 : les recueils de travaux d’étudiants sont un exemple significatif de cette production littéraire à Prague. Les introductions théoriques ou pédagogiques et les publications des travaux d’étudiants prenaient probablement pour modèles les exercices scolaires jésuites56, ainsi que les expositions de travaux d’étudiants à l’Académie des beaux-arts57. Seibt lui-même écrit qu’après avoir expliqué la grammaire de Gottsched, il donnait aux étudiants un texte écrit en véritable latin « allemand » pour le leur faire traduire en allemand pur et leur en faire améliorer le latin. Dans les Almanachs de Seibt (1769, 1773, 1784), on trouve ainsi des essais de dialogues, de lettres, de descriptions, de poèmes et, de plus en plus, de prose (sentimentale).

Pour la Bohême plurilingue, le recueil de Traductions de poésie exécutées par des étudiants pragois (1775)58 est tout à fait remarquable. Franz Expedit von Schönfeld, ex-jésuite et professeur de poétique, faisait en effet traduire à ses étudiants certaines œuvres « classiques » en tchèque, en allemand ou en latin. Parmi les auteurs latins, il choisit Tibulle et la première Églogue de Virgile, que les étudiants durent traduire en tchèque et en allemand59. Inversement, ils traduisirent en latin et en allemand un poème publié pour la première fois dans une grammaire tchèque60 en 1672. Le premier almanach publié en tchèque parut en 1785 sous le titre de « Poèmes en langue versifiée »61. Son éditeur, Václav Thám, y inséra en tête des pièces de poésie humaniste des XVIe et XVIIe siècles, où il substitua des figures antiques à celles de la piété baroque, notamment aux saints. Traduction et paraphrase sont en effet des techniques fondamentales de la vernacularisation : il s’agit de démontrer que la langue maternelle est capable d’exprimer la même chose que les classiques, ceux-ci désignant, outre les classiques latins, l’humanisme tchèque, qui s’appuyait lui-même sur le modèle du « latin classique », mais aussi la littérature allemande protestante du XVIIIe siècle.

Parallèlement à la publication des exercices d’école et de leur correction par un professeur, une véritable critique littéraire moderne était en train de naître en Bohême. Ses critères étaient ceux des professeurs : fidélité au modèle, mais aussi émancipation par rapport au texte traduit et volonté d’en transférer le style de façon pertinente en vernaculaire. Ce point de vue classiciste et philologique resta longtemps le fondement de la critique littéraire en Bohême, pour la littérature aussi bien allemande que tchèque. Les premiers professeurs de tchèque et d’allemand de l’université de Prague se concentraient sur le vocabulaire, la grammaire et le style. Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que l’on peut distinguer la linguistique, l’histoire et éventuellement la critique littéraires comme autant de systèmes sociaux de la littérature62.

À la fin des années 1780, commencent à paraître des almanachs qui restent certes, par leur forme et leur contenu semblables aux précédents, mais qui ne sont plus issus directement de l’enseignement de la poétique. Leur préface perd son caractère académique. Celle de cet almanach de 1797 édité par Antonín Puchmajer63 constitue un appel patriotique à défendre la langue tchèque, et précède un essai théorique « De l’accentuation et de la prosodie tchèque »64 (cf. ill. 2). Dans un autre almanach, l’éditeur rédige une postface,

parce que dans un Almanach des muses, il ne doit pas y avoir d’introduction (…), le poète y trouve l’occasion de montrer ce dont il est capable65.

S’il a du succès, il peut envisager de publier de façon autonome. L’objectif final de l’almanach est de permettre à l’auteur d’exercer de façon indépendante, notamment pour les revues Biedermeier qui succèderont aux almanachs d’étudiants. Les almanachs en tchèque se différencient cependant de ceux en allemand d’abord par leur chronologie de parution. Tandis que la vague principale des almanachs d’étudiants en allemand prend fin dès 180066, les almanachs tchèques paraissent jusqu’en 1814. Grâce aux revues et almanachs du Biedermeier, la littérature, émancipée des modèles antiques et imprimée en « langue maternelle », pénètre la vie quotidienne d’une bourgeoisie qui s’affirme et s’émancipe d’un ordre social encore féodal.

VERNACULARISATION DU MYTHE

L’émancipation des contenus précéda celle de la forme. Les motifs « patriotiques » commencent à remplacer ceux tirés de l’Antiquité dès 1790 : les exemples les plus éloquents, qui témoignent du double cours que suivit le « réveil » en pays tchèques, sont les poèmes An die Böhmen (1791) de Josef Georg Meinert67 et son pendant tchèque Na Čechy de Jan Nejedlý (1798)68. Des différences existent cependant : tandis que le poème tchèque ne s’adresse qu’aux tchécophones, celui en allemand s’adresse à tous les habitants du pays69. En outre, il est composé selon le mètre de l’ode grecque, ce qui le rattache à l’hellénisme weimarien et à la quête romantique de l’authentique plutôt qu’au style de cour du siècle d’Auguste70. Dans les poèmes tchèques, c’est le mètre simple qui est utilisé, et la question de la prosodie tchèque reste fort débattue.

Les poèmes et proclamations patriotiques se font de plus en plus fréquents. Les héros sont célébrés aussi bien en tchèque qu’en allemand, et l’actualisation du passé se fait presque automatiquement selon des schémas et modèles antiques. L’Ode à Jan Žižka71 d’Antonín Puchmajer (1802) en est un bel exemple : la force des hussites (« le bras des Tchèques ») et leur « amour de la patrie » y représentent l’immortalité des Tchèques. Rempli d’admiration pour les héros païens de l’Antiquité peints par Plutarque, l’historien Franz Martin Pelzel (tout en refusant le bellicisme des hussites) revendique pour le Tchèque le droit « d’être fier de l’héroïsme de son Žižka ou de son Procope »72. Dans la troisième strophe d’un poème de Puchmajer, une paraphrase de César souligne l’immortalité de Žižka : « Tu es venu, tu as vu, tu as résisté »73. Mais lorsqu’il chasse les « étrangers », le chef de guerre hussite n’est plus comparé à César, mais aux Carthaginois, car Žižka battit les Allemands comme Hannibal les Romains. Si l’on trouve beaucoup d’éléments de rupture (confessionnelle, dynastique, entre le pays et l’étranger, etc.) dans cette ode d’un prêtre catholique au général hussite, la différentiation nationale et linguistique n’y est pas dominante. Vingt ans après la parution de ce poème, un certain Josef Wendelin Langer publiait, dans le journal Der Kranz (1821-1824)74, la ballade « Die Heldenbrüder »75 qui témoigne encore plus directement de ces transferts :

Die Heldenbrüder

Nicht blos Griechenland hat Helden / Nicht der stolze Römer blos ;

Auch der Böhme kann sich melden / Auch von ihm ward mancher groß

Ich sing die Gorentz, die herrlichen Ritter,

Der Ihrigen Freunde, der Feinde Gewitter…76

Langer rattache explicitement au thème de l’héroïsme antique le sacrifice de deux frères catholiques qui sauvent le château familial du siège des Hussites et incarnent ainsi le patriotisme. Le pays est certes un motif commun aux deux poètes, mais avec des différences dans son traitement : chez Puchmajer, plus qu’une opposition, c’est la contradiction entre le propre et l’étranger qui est en jeu. Chez Langer, c’est un conflit interne au pays issu de la situation confessionnelle.

La dernière phase de la vernacularisation voit la création d’un mythe national particulier. La référence aux modèles antiques n’a plus pour fonction que de rappeler que chaque culture peut prétendre à l’originalité au même titre que la culture antique, principalement la culture grecque77. Trouver ses propres racines devenait si indispensable qu’il importait peu de savoir si elles étaient authentiques et uniques, ou si elles étaient contrefaites, comme dans le cas des chants d’Ossian ou des «Manuscrits tchèques»78. On comprend que l’éditeur des « Manuscrits » présenta et légitima « ses » textes en les replaçant dans le contexte des modèles antiques, mais non plus latins :

Comme les Grecs, les Argonautes, les Héros devant Troie et les Sept combattants des champs de batailles thébains ont trouvé leur Homère, leur Eschyle et leur Orphée, de même nos Lumír et Záboj ont-ils chanté les hauts faits des antiques héros de la guerre des princes, les rixes sanglantes de nos hobereaux, les plaisirs et les peines de l’amour, et d’autres aventures encore…79

Le récit de ces mythes se fait selon une approche semblable à celle de Riegger : ne pas en rester à une admiration des combattants et des héros antiques, mais transposer le style du récit de leurs hauts faits à celui des membres de la nation80. La renommée internationale des « Manuscrits », et l’honneur d’être traduits par Goethe, légitimèrent leur statut d’authentiques « classiques nonclassiques » de la langue tchèque. Ils devinrent ainsi un argument pour la lutte politique nationale des « éveilleurs » romantiques. La vernacularisation atteint son apogée lorsque la littérature obtient son autonomie en trouvant, voire en créant, ses propres racines, ses propres motifs et son propre style. Le classicisme n’en est pas absent pour autant.

LA VERNACULARISATION DU MUSÉE : SCHÖNFELD ET LA COLLECTION HUMANISTE

Le concept de vernacularisation ne s’applique pas seulement à la langue et à la littérature, comme l’indique le cas de l’imprimeur praguois Johann Ferdinand Schönfeld (1750-1821). Celui-ci en effet, dans son activité de collectionneur, se référa volontairement à l’époque de la Renaissance et au cadre bohême. Il affirme avoir acheté vers 1782, dans une vente aux enchères, une grande partie de ce qui se trouvait encore à Prague des collections rassemblées par les empereurs Maximilien II et Rodolphe II81. Il aurait fondé ses collections et ouvert son musée au public par patriotisme, et animé du désir de diffuser les Lumières, afin que

le bénéfice qu’en retirerait le public permette l’épanouissement des arts et des métiers et participe ainsi au bien de la patrie et de l’humanité…82

Schönfeld s’appuie sur la « tendance à imiter » propre à l’homme et qui est,

la voie la plus sûre vers la découverte (…), vers l’alliance de la vérité et de la nouveauté83.

Il conçoit sa collection comme devant être publique : elle sera utile grâce à son ouverture et aussi parce que les objets y sont exposés, rassemblés en un même endroit circonscrit et accessibles indépendamment du niveau d’alphabétisation du visiteur. Ces idées de base pourraient être désignées comme celles de l’humanisme de la collection. Mais le second point mis en avant par Schönfeld est celui de la tradition familiale. L’un de ses aïeux, Jérôme, était un excellent artisan qui, à la Renaissance, fut fait chevalier à titre personnel. « L’âge d’or » de sa famille s’articule ainsi à celui de la nation pour donner naissance à l’idée d’une vernacularisation du musée : le centre d’intérêt du collectionneur n’est plus l’Antiquité gréco-romaine, mais l’âge classique des pays tchèques, celui où Prague était la ville résidence de l’Empereur :

Je me tenais devant une écritoire de 1580 réalisée par le très habile Stephan Willig pour Rodolphe II (et qui se trouve aujourd’hui dans ma collection), ou devant les souliers richement ornés d’une certaine comtesse de Lippe-Pyrmont et datant du XVIe siècle, avec le même respect qu’observaient les Grecs et les Romains devant le Laocoon, la Vénus de Médicis, l’Apollon du Belvédère et les autres ouvrages de l’Antiquité. Il me semblait que de tels produits des arts et des métiers anciens étaient très susceptibles de perfectionner les différents arts et métiers d’aujourd’hui…84

L’argumentation est ici bien plus complexe que la conception que Riegger et ses contemporains se faisaient de la vernacularisation : Schönfeld ressent envers les beaux-arts de l’Antiquité le même respect qu’envers les produits des arts appliqués de ses aïeux (parentes) ou de sa patrie (patria). Comme Riegger toutefois, ce ne sont pas les arts de la Renaissance eux-mêmes qu’il engage à imiter mais leur « esprit », à travers la conscience et l’amour du travail qui les animent (Gewerbefleiß ). Ainsi naît, dans le domaine des musées, une tradition vernaculaire classique qui n’est en rien nationale et linguistique, et ce bien avant la fondation d’institutions similaires comme le Joanneum à Graz ou le Musée patriotique de Bohême. Tout en se référant principalement à l’art de la Grèce antique, un entrepreneur bourgeois achète le plus possible d’objets de collection, pour lesquels l’empereur Joseph II n’a manifesté aucun intérêt,

pour qu’ils ne finissent pas dans les mains de riches étrangers [et] pour que la collection soit conservée comme un tout85.

Le parallèle avec la poésie romantique est évident, qui s’inspire de la Grèce considérée comme « plus authentique » et s’oppose à la tradition de la cour. On trouverait des phénomènes semblables dans les domaines les plus différents. À partir du début du XIXe siècle – mais il existe sans aucun doute des exemples plus précoces –, les références ne renvoient pas forcément aux modèles « classiques », qui subissent eux-mêmes une distinction entre le modèle grec et le modèle romain. On se réfère aux ouvrages authentiques des cultures médiévales « barbares » qui imprègnent les débuts du romantisme. Dans l’architecture, il s’agit, par exemple, de la vogue du gothique, en littérature de la réception d’Ossian, de l’épopée médiévale française ou des Nibelungen allemandes. Il faut cependant prendre en compte le caractère classique de l’éducation, mise en place sous l’impulsion des milieux de cour, dans les mains de laquelle furent formées des générations de lycéens, depuis 1753 jusque tard dans le XIXe siècle, et qui devint de plus en plus conservatrice par rapport à l’évolution accélérée de la société qui l’entourait86. C’est sur ces bases que l’on s’appropria aussi bien les modèles européens que ceux de la littérature populaire.

Le concept de vernacularisation pourrait ainsi représenter une alternative au récit téléologique et isolationniste de l’histoire culturelle des XVIIIe et XIXe siècles en Bohême, et, plus généralement, en Europe centrale. Pour employer le vocabulaire de la théorie du récit, la position de l’historiographe, qui est l’autorité narratrice de l’histoire et dont la conscience intemporelle embrasse tout – y compris les aboutissants et le « sens » de l’histoire – doit être relativisée par une reconstruction individualisée de la perspective des acteurs de l’époque, des connaissances à leur disposition et de leurs attentes. L’analyse permet de définir la vernacularisation comme une mise à disposition de savoirs jusqu’alors élitaires grâce à un média, l’imprimé, accessible à une communauté non érudite (c’est-à-dire au moins aux élites laïques).

Les raisons pour lesquelles le savoir restait inaccessible à la majorité de la population, hypothèse sous-jacente de notre définition, sont de plusieurs ordres. L’une est interne à la culture savante : il n’existe pas de canon reconnu de la haute culture, puisque la culture savante qualifie les cultures passées de « ténèbres », cultures « décadentes », cultures du « Moyen Âge », etc. En outre, les érudits préfèrent les langues des cultures anciennes, considérées par eux comme plus évoluées que leur langue vernaculaire. Mais le problème est aussi d’ordre politique et économique, dans la mesure où les élites au pouvoir n’estiment pas que la diffusion plus large des savoirs conforterait leur position. Il est, enfin, d’ordre pratique, le transfert des connaissance se heurtant aux limites induites par les moyens financiers mis en œuvre, par les orientations du système éducatif, par l’économie de la « librairie d’Ancien Régime », voire par des données démographiques défavorables.

La vernacularisation s’appuie d’abord sur la langue vernaculaire, langue imprimée ou langue utilisée pour l’enseignement. La seconde phase sera celle de l’institutionnalisation, à travers une université ou une bibliothèque, mais aussi un musée ou tout autre espace propre à transmettre des connaissances à un public plus large que celui du cercle des érudits. L’objectif est doublement « patriotique »: d’une part, l’élite érudite se met au service de la société dont elle est issue en lui donnant accès (par la traduction, l’imitation ou l’appropriation) aux connaissances, aux techniques, aux pratiques des cultures définies comme « classiques » (véhiculaires). Mais, d’autre part, cet effort est directement lié à la volonté d’épurer sa propre culture afin qu’elle puisse apporter sa contribution à la culture de l’humanité, au sens humaniste du terme. Ceci s’accompagne de la (re)construction des traditions autochtones de la société, en général selon le modèle grec.

Contrairement au cas de la France ou de l’Angleterre, le processus de vernacularisation se produit en Europe centrale à l’époque où la langue et la culture deviennent le principal critère de l’identité collective. C’est pourquoi les historiographies nationales y assimilent la vernacularisation au processus de la formation des nations modernes et même du nationalisme. Selon nous, il s’agit toutefois d’une inacceptable projection a posteriori, de la pensée nationale du XIXe siècle. À la fin du XVIIIe siècle en Bohême, l’affirmation du tchèque en tant que langue littéraire et les phénomènes qui lui sont liés ne doivent pas être nécessairement analysés comme manifestation d’un « éveil national tchèque ». Il s’agit bien plutôt d’un processus intellectuel qui se décrit lui-même comme celui des « Lumières » et qui s’inspire de processus semblables touchant toutes les cultures européennes, y compris celle des pays tchèques, depuis l’humanisme. L’imprimé y joue le rôle de média principal.

Enfin, le modèle de la vernacularisation offre une perspective non isolationniste pour envisager les régions plurilingues de l’Europe centrale. Considérées dans la perspective du passage d’une haute culture véhiculaire à une culture vernaculaire, les questions de création, de diffusion, de réception et de critique, mais aussi la problématique de la périodisation de l’art et de la littérature, prennent un éclairage nouveau. Au lieu de voir l’Europe centrale du XVIIIe siècle comme un patchwork de cultures nationales « incomplètes », nous sommes face à des cultures autonomes, mais pour lesquelles la communauté linguistique n’est pas encore le paradigme déterminant qu’il deviendra plus tard sur la base d’une vernacularisation politisée.

1. Abbildungen böhmischer und mährischer Gelehrten und Künstler…, Prag, bey Johann Karl Hraba, der H.H. Stände im Königreiche Böhmen Buchdrucker, 1775.

2. Antonín Puchmajer, Sebrání básní a zpěvů [Chants et poèmes choisis], Praha, u Hrabovských Dědiců, 1797.

____________

1 Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un projet de recherche de l’Institut pour la Littérature tchèque de l’Académie des sciences de la République tchèque (AVOZ 90560517).

2 Ernest Denis parle de la « résignation » du peuple tchèque dans son ouvrage : Fin de l’indépendance Bohême. Tome 1 : Georges de Podiébrad. Les Jagellons, Paris, Armand Colin, 1890, p. IV. Parmi les dernières recherches sur l’histoire du XVIIe siècle, le stimulant panorama de Svatava Raková se termine par une remarque mi-constatation, mi-question : « Pourquoi les historiens de la Bohême et de la Moravie ne ressentent-ils pas (à l’exception de Josef Válka) le besoin urgent d’un nouveau paradigme pour étudier la période qui suit la bataille de la Montagne Blanche ?» Svatava Raková, « Pobělohorské Temno v české historiografii 90. let : pokus o sondu do proměn historického vědomí » [Les Ténèbres dans l’historiographie tchèques des années 1990 : quelques traits des transformations de la conscience historique], dans Český časopis historický, 99, 2001, pp. 569-588, ici p. 587.

3 Josef Petráň , dir., Pǒcátky českého národního obrození. Společnost a kultura v 70. až 90. letech 18. století [Les débuts de l’éveil national tchèque. Société et culture, 1770-1790], Praha, Academia, 1990, p. 9.

4 Michael Wögerbauer, « Filologie služebnicí národa ? Poznámky k funkci dějin literatury v Čechách 1882-1945 » [La philologie au service de la nation ? À propos de la fonction de l’histoire de la littérature en Bohême de 1882 à 1945], dans Kateřina Bláhová et al., dir., O p̄saní dějin [L’écriture de l’histoire], Praha, Academia, 2008, pp. 183-201.

5 Michael Wögerbauer, Die Ausdifferenzierung des Sozialsystems Literatur in Prag 1760-1820, Thèse de doctorat, Université de Vienne, [dactyl.], 2006.

6 Martin Svatoš, « Vlastenectví a český klasicismus » [Le patriotisme et le classicisme tchèque], dans Proudy české umělecké tvorby 19. století. Sen a ideál [Les courants de la création artistique du XIXe siècle. Rêve et idéal], Praha, Ústav teorie a dějin umění ČSAV, 1990, pp. 205-208, ici p. 33 ; et l’étude programmatique d’Alexandr Stich, « Linguistic and Literary Culture in Baroque Bohemia », dans The Glory of the Baroque in Bohemia. Essays on art, culture and society in the 17th and 18th centuries, Praha, National Gallery 2001, pp. 235-252, ici p. 241.

7 En Italie, où se produisit pour la première fois en Europe, vers 1300, une réflexion sur la littérature en langue vernaculaire, on observa par la suite un retour « classique » au latin. Au XVIe siècle, le conflit sur la questione della lingua, sur le statut et la forme de l’italien, donna lieu à un retour « historicisant » vers la langue vernaculaire, c’est-à-dire vers le dialecte f lorentin de l’époque de Dante.

8 Il s’agit de fait des époques que Frédéric Barbier qualifie de première et de deuxième « révolution des médias ». Sur le marché régional de la Bohême, la proportion d’incunables imprimés en langue vernaculaire, le tchèque (33) par rapport à ceux en latin (5) est remarquable, car à l’inverse de ce que connaissent les marchés exportateurs comme l’Italie, l’Allemagne ou la France (où la proportion du latin atteint 70 à 75%). Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale, Paris, Belin, 2006, pp. 220-221. La perspective de « l’économie du livre », présentée dans cet ouvrage pour les XVe et XVIe siècles offre par ailleurs une voie pour mener une critique du concept de « vernacularisation » au « siècle des Lumières ».

9 « Clerus vulgaria temnit » (Un clerc méprise ses bas parlers) écrivait déjà Dante (Églogues, I, 15, cité dans la traduction d’André Pézard, Paris, Gallimard, 1965, Bibliothèque de la Pléiade, p. 816), c’est-à-dire la langue vulgaire, puisque Dante écrit ses églogues en latin.

10 Megalissus [pseud. Georgius Lizel], « Der Undeutsche Katholik Oder Historischer Bericht von der allzu grossen Nachläßigkeit der Römisch-Catholischen, insonderheit unter der Clerisey der Jesuiten », dans Verbesserung der deutschen Sprache und Poesie. Wobey die Ursachen solcher Nachläßigkeit angezeiget, die eifrige Bemühungen und Verdienste der Protestanten zur Nachfolge vorgeleget, und sichere Mittel zu einer allgemeinen Sprach-Verbesserung vorgeschlagen werden Durch Megalissus. Samt einem alt-poetischen Anhange Vom verliebten Pfaffen, Jena, bey Joh. Friedrich Rittern, 1731 La critique de Lizel semble justifiée, puisque dans son article sur le plurilinguisme dans les pays tchèques, Martin Svatoš mentionne principalement des ouvrages de religion – avec quelques rares mais importantes exceptions, parmi les ouvrages en langue vernaculaire (Martin Svatoš, « Zur Mehrsprachigkeit der Literatur in den böhmischen Ländern des 17. und 18. Jahrhunderts », dans Wiener slavistisches Jahrbuch, 2000, p. 33-42). Néanmois, M. Svatoš constate que les ordres religieux devraient faire des concessions aux mesures prises par Charles VI. dans son édit scolaire du 16 11 1735 : le jésuite Franz Wagner intégra alors des exemples allemands dans son adaptation de la grammaire d’Emanuel Alvare (Principia seu rudimenta grammatices ex institutionibus Em. Alvari pro usu tyronum latinitatis excerpta, Viennae, s. a.). Le piariste Amadeus Schuster, lui, ajouta à la syntaxe d’Alvare des équivalents tchèques.

11 Peter Wiesinger, « Der Weg zur deutschen Schriftsprache in Österreich », dans Id., Das Österreichische Deutsch in Geschichte und Gegenwart, Wien, LIT, 2005, pp. 263-269.

12 Josef Vintr, Jana Pleskalová, dir., Wiener Anteil an den Anfängen der tschechischen nationalen Erneuerung. J.V. Zlobický (1743-1810) und Zeitgenossen = Vídeňský podíl na počátcích českého národního obrození. J.V. Zlobický (1743-1810) a jeho současníci, Praha, Academia, 2004.

13 Joseph Anton Riegger, Historia latinorum majoris nominis poetarum. Specimen I. de M. Accio Plauto, et P. Terentio Afro, Vindobonae, ex typographeo Kaliwodiano, 1757. Il y analysait la vie et les œuvres de Plaute et de Térence.

14 Joseph Anton Riegger, Rieggeriana, Wien, Freiburg, Prag, zu haben bei Menschenfreunden, 1792, vol. 1, p. 70, renvoie aux Offices de Cicéron I 17, 53 : « proprior est [societas] eiusdem gentis, nationis, linguae, qua maxime homines coniunguntur » (Une alliance plus intime est celle qui unit les hommes de la même race, de la même nation, parlant la même langue).

15 On trouve chez Du Bellay une technique semblable, où la théorie est représentée par son explication même – ce que Kees Meerhoff nomme « une permanente mise en abyme de la théorie ». Et il note le lien direct avec la théorie de l’imitation développée par Du Bellay : Pierre Villey, Les Sources italiennes de la Deffense et Illustration de la langue francoise, Paris, Champion, 1969 (1re éd. 1908), p. 44.

16 Joseph Anton Riegger, Rieggeriana, ouvr. cit., vol. 1, pp. 70 et suiv.

17 Jürgen Habermas, L’Espace public…, trad. fr., Paris, Payot, 1997 (1re éd. allde, 1962), p. 45.

18 Léon Battista Alberti (1404-1472), cité par Pierre Villey, Les Sources italiennes, ouvr. cit., pp. XIV-XVII.

19 Par exemple : Della vera amicizia, 1441.

20 Ce que, dans sa nouvelle édition du texte, Jean-Charles Monferran traduit par « la phrase et manière de parler cicéronienne ». Joachim Du Bellay, Deffence, et illustration de la langue françoise (1549), éd. Jean-Charles Monferran, Genève, Droz, 2001, p. 44 (« TLF »).

21 Marc Crépon, Les Géographies de l’esprit : enquête sur la caractérisation des peuples de Leibniz à Hegel, Paris, Payot, 1996, pp. 64-75 (« Bibliothèque philosophique »).

22 Jaroslav Ludvíkovský, Dobrovského klasická humanita. Studie o latinských vlivech na počátky našeho obrození [L’humanité classique de Dobrovský. Étude sur l’influence du latin sur les débuts de l’éveil national], Bratislava, Univerzita Komenského, 1933, pp. 44-45. Veleslavín donna un dictionnaire trilingue (1586) et un quadrilingue (1598).

23 Il entre toutefois dès 1752 en polémique avec le texte de Jakob Friedrich v. Bielfeld, Progrès des Allemands dans les sciences, les belles-lettres et les arts, particulièrement dans la poésie et l’éloquence, [s.l., s.n.], 1752.

24 Frédéric II de Prusse, De la littérature allemande, éd. Paul Aizpurua, Paris, Gallimard, 1994, p. 35.

25 Ibid., p. 45.

26 Leslie Bodi, Tauwetter in Wien. Zur Prosa der österreichischen Aufklärung, 1781-1795, Wien, Köln, Weimar, Böhlau, 1995, p. 26 (« Schriftenreihe der Österreichischen Gesellschaft zur Erforschung des 18. Jts », 6). Jaroslav Ludvíkovský, Dobrovského klasická humanita, ouvr. cit., p. 15.

27 Peter Wiesinger, « Der Weg zur deutschen Schriftsprache… », art. cit., pp. 260-262.

28 N. A. Voigt, éd., Abbildungen böhmischer und mährischer Gelehrten und Künstler, 1er t., Prag, Gerle, 1773, p. [a3].

29 Jaroslav Ludvíkovský, Dobrovského klasická humanita, ouvr. cit., p. 30. Václav Petrbok, « Stanislav Vydra mezi Balbínem a Jungmannem » [S. Vydra entre Balbín et Jungmann], dans Mezi časy. Kultura a umění v českých zemích kolem roku 1800 [Entre temps. Culture et arts en pays tchèques autour de 1800], dir. Zdeneˇk Hojda, Roman Prahl, Praha, Koniasch Latin Press, 1999, pp. 190-207.

30 Karl Heinrich Kroegen, Freye Bemerkungen über Berlin, Leipzig und Prag, [s.l, s.n., 1785], p. 196.

31 Sur le conf lit entre Voigt et Wieland à propos de la qualité de l’allemand en Bohême, Arnošt Kraus, « Die erste tschechische Unabhängigkeitserklärung », dans Prager Presse, 7 juillet 1938, p. 9.

32 1735-1806. Premier professeur d’esthétique et de belles lettres allemandes à l’université de Prague (1763).

33 Pelzel, 1791, pp. 301 et suiv.

34 Christoph Martin Wieland, Briefwechsel, éd. Siegfried Scheibe, Vol. 6, t. 3, partie 1 : Nachträge zu Band 1 bis 5. Überlieferung, Varianten und Erläuterungen zu Band 3, Berlin, 1963 et suiv., p. 1223.

35 Karl Heinrich Seibt, Von den Hülfsmitteln einer guten deutschen Schreibart, eine Rede von Karl Heinrich Seibt, zum Eingange seiner öffentlichen Vorlesungen über die deutsche Schreibart gehalten. Nebst einigen dahin gehörigen Ausarbeitungen, Prag, In der Mangoldischen Buchhandlung, 1773, p. II.

36 Ibid.

37 Ils incarnaient de fait une triple influence étrangère. D’une part leur dénomination rappelait une institution aristocratique, celle des maîtres de musique, de chant, d’armes, etc. qui bien souvent étaient français. Des Maîtres de langues, cependant, venaient aussi de l’Allemagne du nord protestante, d’où ils avaient été appelés par les autorités viennoises.

38 Sur Franz Martin Pelzel, professeur de tchèque, voir Michael Wögerbauer, Die Ausdifferenzierung…, ouvr. cit., p. 391. Pour la référence à la poésie de l’humanisme cf. infra.

39 Karl Heinrich Seibt, Schreiben an den unbekannten Uebersetzer der Abhandlung von Tugenden und Belohnungen des Hyancintho Dragonetti, die in Prag bey Franz Augustin Höchenberger im Monathe März 1769 verlegt worden, Prag, Anton Elsenwanger, [1769]. La version française qui servit à la traduction est due à J. C. Pingeron, Des vertus et des récompenses, Paris, S. I. Graviera, 1767.

40 Neue Litteratur, 1772, p. 122.

41 Ibidem, p. 23.

42 Josef Dobrovský, Georg Samuel Bandtke, Vzájemné dopisy Josefa Dobrovského a Jiřího Samuela Bandtkeho z let 1810-1827 [Correspondance entre J. Dobrovský et Georg S. Bandtke], éd. V. A. Francev, Praha, Česká Akademie Císarě Františka Josefa pro vědy, slovesnost a umění, 1905, p. 174 (« Korrespondence Josefa Dobrovského », II).

43 Martin Svatoš, « Postavení a funkce klasických jazyků ve všeobecném vzdělání v habsburské monarchii 19. století » [La place et la fonction des langues classiques dans l’éducation au XIXe siècle dans la monarchie des Habsbourg], dans Vzdělání a osvěta v české kultuře 19. století [Culture et éducation en pays tchèques du XIXe siècle], dir. Katerina Bláhová, Václav Petrbok, Plzenň, ÚLAVR, 2004, pp. 145-153. Werner M. Bauer, « Utopie und Exercitatio. Überlegungen zum Unterschied der Antikenrezeption in der deutschen und österreichischen Literatur des 18. Jahrhunderts », dans Virtus et Fortuna. Zur deutschen Literatur zwischen 1400 und 1720. Festschrift für Hans-Gert Roloff zu seinem 50. Geburtstag, dir. Joseph P. Strelka, Jörg Jungmayr, Bern, Frankfurt/M., Lang, 1983, pp. 592-620. Wolfgang Neuber, « Zur Dichtungstheorie der österreichischen Restauration. Die Institutio ad eloquentiam », dans Die Österreichische Literatur. Ihr Profil an der Wende vom 18. zum 19. Jahrhundert (1750-1830), dir. Herbert Zeman, Graz, Akad. Verlagsanstalt, 1979, t. I, pp. 23-53.

44 Franz Martin Pelzel, « Geschichte der Deutschen und ihrer Sprache in Böhmen von 1341 bis 1789 », dans Neuere Abhandlungen der k. Böhmischen Gesellschaft der Wissenschaften, Wien, Prag, bey J. B. Degen, 1791, vol. 1, pp. 281-310, ici p. 303.

45 Texte resté à l’état de manuscrit, Musée national, Prague, cote VI A 14 (7 B 26).

46 De même, l’enjeu de la querelle autour de la prosodie métrique tchèque que l’on chercha à rattacher au modèle latin, était-il d’imposer une prosodie tchèque différente de l’allemande et de proclamer ainsi une autonomie culturelle.

47 Franz Josef Kinský von Wchinitz und Tettau, Erinnerungen über einen wichtigen Gegenstand von einem Böhmen, Prag, Gerle, 1773, p. 131.

48 Claire Madl, « Trois bibliothécaires des Lumières et leur participation à la constitution de bibliothèques ‚bohêmes‘ », dans Histoire des bibliothécaires. Actes du colloque organisé par le Centre de recherches en histoire du livre (ENSSIB), Lyon, 27-29 novembre 2003, disponibles en ligne http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-1337.

49 La contre-réforme tenta d’institutionnaliser la distribution de littérature religieuse en langue vernaculaire auprès de larges couches de la population, que ce soit en milieu tchèque (par une fondation appelée L’Héritage de Saint Venceslas (Dědictví svatováclavské) et qui avait pour objet la diffusion de livres de piété à bon marché) ou en Rhénanie (par une fondation similaire Das Goldene Almosen). Les efforts de la cour pour rendre l’administration de l’État plus efficace ont déjà été mentionnés (formation des commis, ingénieurs, officiers, etc.).

50 Se référant au temps de l’humanisme, l’un des fondateurs de la Société privée des sciences, Ignaz Born, soulignait dans le premier volume des Dissertations de la Société, que le pouvoir n’avait pas souhaité prendre celle-ci sous sa protection par « des diplômes publics », contrairement à ce qui avait cours dans d’autres pays et que, ne bénéficiant d’aucun « appui public », les érudits publieraient les résultats de leur travail par pur patriotisme et pour le bien commun. Cf. Abhandlungen einer Privatgesellschaft in Böhmen, Prag, Gerle, 1775, p. II, et 1776, p. III.

51 Abhandlungen der Böhmischen Gesellschaft der Wissenschaften, Prag, Dresden, Walther, 1785, p. 98.

52 Josef Dobrovský, Georg Samuel Bandtke, Vzájemné dopisy, ouvr. cité, p. 52.

53 Joseph von Hormayr (?), «Über den Gebrauch lateinischer Inschriften an öffentlichen Gebäuden», dans Archiv für Geographie, Historie, Staatsund Kriegskunst, Wien, Anton Strauß, 1810 et suiv., 1811 2, nos 138-139, pp. 577-578, ici p. 577.

54 Vladimír Macura, Znamení zrodu. Cěske národní obrození jako kulturní typ [Marque de naissance. L’éveil national tchèque comme catégorie culturelle], Praha, H & H, 1995 (1re éd., 1983), pp. 61-78.

55 Sur le « classicisme scolaire » quotidien voir pour la Hongrie : István Fried, Ostmitteleuropäische Studien. Ungarisch-slawisch-österreichische Beziehungen. Szeged, Institut für Vergleichende Literatur-wissenschaft, 1994. Pour la Bohême : Martin Svatoš, « Postavení a funkce klasických jazyků…», ouvr. cité ; et pour l’Autriche : Wolfgang Neuber, Zur Dichtungstheorie der österreichischen Restauration, ouvr. cité. L’enseignement dispensé dans les écoles pourrait être le point de départ d’une étude comparée des littératures modernes dans la monarchie des Habsbourg : cf. Michael Wögerbauer, « Prědpis a zásah. Univerzita a cenzura jako instituce nařízené poeticae habsburgicae ? » [La règle et l’intervention. L’université et la censure comme institutions d’une poetica habsburgica imposée ?], dans Literární archiv. 38, Spisovatelé, společnost a noviny v proměnách doby [Les écrivains, la société et les journaux au fil du temps], Praha, Památník národního písemnictví, 2006, pp. 145-157.

56 Ignaz Cornova, Die Jesuiten als Gymnasiallehrer, Prag, J. G. Calve, 1804, pp. 185 et suiv.

57 Karl Heinrich Seibt, Schreiben an den unbekannten Uebersetzer der Abhandlung von Tugenden und Belohnungen, ouvr. cité, p. I.

58 Einige Uebersetzungen von Schülern der Dichtkunst an der Hohenschule zu Prag. Herausgegeben als sie zum erstenmal öffentlich geprüfet wurden. im Jahre 1775. Prag, bey Johann Ferdinand Edlen von Schönfeld, k. k. Universitätsdruckern, 1775.

59 Franz Duchet, Virgils Erste Ekloge ins Deutsche übersetzt (pp. 13-17) ; Jozeff Wykysaly et Jozeff Hurka, Slauho-Spěw Wirgjliusa prwnj do Cžesstiny obrácený [Première églogue de Virgile, traduite en tchèque] (pp. 18 et suiv.).

60 Pastýřské rozmlauwánj o Narozenj Páně [Conversation des bergers sur la Nativité de Notre Seigneur], publiées par Václav Jan Rosa dans le recueil Čechořečnosti [Morceaux de langue tchèque] (1672). Les traductions sont les suivantes : Josephus Schmidt, Caelestinus Wrubritius, De nativitate servatoris ecloga in latinum translata e boemico (p. 27), et Anton Schwanda Edler v. Schemschitz, Franz Wlach Edler v. Negro, Josef Meißner, Ein Hirtengespräch auf des Welterretters Geburt, übersetzt aus dem Böhmischen (p. 31).

61 Básně w řeči wázané. Wydané od Wáclawa Tháma. V Praze, u Rosenmüllerských dědiců, za Jana Beránka Faktora, 1785.

62 Macura souligne le fait que l’on publie des dictionnaires ou encore des grammaires dont on compte environ trente éditions entre 1760 et 1820 : cf. Vladimír Macura, Znamení zrodu, ouvr. cité, pp. 61 et suiv.

63 (1769-1820) curé de la paroisse de Radnice en Bohême occidentale.

64 Antonín Puchmajer, « O přjzwuku a prozodyi Cžeské » [De l’accentuation et de la prosodie tchèque], dans Sebránj basnj a zpěwů [Chants et poèmes choisis], Praha, u Hrabovských Dědicu˚, 1797, pp. 7-24.

65 Johann Dionis John, Blumen, Blümchen und Blätter. Stat[t] eines Prager Musenalmanachs, Prag und Wien, Schönfeld, 1787, p. 161.

66 Nous disposons des almanachs non académiques de langue allemande suivants : Johann Dionis John, Blumen, Blümchen und Blätter. Stat[t] eines Prager Musenalmanachs (1787). Joseph Herbst, Joseph Kirpal, éd., Erstlinge unserer einsamen Stunden (1791, 1792). Jary, J[oseph] J., F. S. Kandelfinger, Die Erste Lese unserer Jugend Blüthen. Ein Seitenstück zu den Erstlingen, [s. l. t.], 1800-1801. Almanachs tchèques : Václav Thám, Básně w řeči wázané, 1785 (éd. mod. par Václav Brtník, Praha, Jan Otta, [1916 ?] (« Světová knihovna », 1240-42). A. J. Puchmajer, éd., Sebránj Basnj a zpěwů wydané od Antonjna Puchmayera [Poèmes et chants choisis] (1795) et Nowé Básně wydané od Antonjna Puchmayera [Nouveaux poèmes] (1797, 1798, 1802, 1814).

67 1773-1844, professeur d’esthétique, de pédagogie et d’histoire à l’université de Prague.

68 Jan Nejedlý (1776-1834) était juriste et appartenait aux cercles des poètes classicistes représentés dans les almanachs de Puchmajer. Il exerce comme professeur de langue tchèque à l’université de Prague à partir de 1801.

69 Cf. Václav Petrbok, Michael Wögerbauer, « Litteratura duplex. Koncept české a německé literatury v Praze v poslední čtvrtině 18. století » [Litteratura duplex. Un concept de littérature tchèque et allemande à Prague durant le dernier quart du XVIIIe siècle], dans Praha Mozartova. Kulturní a spolěcenský život v Praze 1780-1800, dir., Hana Svatošová, Praha, Archiv hlavního města Prahy, 2006, pp. 70-81.

70 Werner M. Bauer, « Utopie und Exercitatio… », art. cité, p. 593.

71 Óda na Jana Žižku z Trocnowa [Ode à Jan Žižka z Trocnova], dans Nowé Básně [Nouveaux poèmes], Praha, 1802, pp. 60-65.

72 Jaroslav Ludvíkovský, Dobrovského klasická humanita, ouvr. cité, p. 54.

73 Almanachs de A. J. Puchmajer 1795-1814, cité d’après leur réédition par J. Vlcěk, Praha, 1917-1921 : vol. 4, 1802, p. 62.

74 Cf. Michael Wögerbauer, « Die Prager Zeitschrift Der Kranz (1820/21-1824) und das Scheitern ihrer Nachfolgeprojekte Elpore, Der Pilger und Bohemia », dans Bohemia. Jahrbuch des Collegium Carolinum, 45/1, 2004, pp. 132-165.

75 Václav Wenzel R. Kramerius, éd., Der Kranz, Prag, 1821, IV, p. 1.

76 Les frères héroïques. Non seulement la Grèce a ses héros / Non seulement le fier Romain / Les Bohêmes aussi peuvent y prétendre / Plus d’un des leurs figure parmi les grands / Je chante les admirables chevaliers Gorentz / Amis des leurs, tourments pour leurs ennemis.

77 Cf., par exemple, Johann Andreas Wendel, Ueber den Werth und die Bedeutung des Nibelungen-Liedes vorzüglich in Hinsicht auf Homer und die neuere allegorische Erklärung, Coburg, Ahl, 1821.

78 Faux manuscrits « découverts » en 1817 et 1818, dont le caractère falsifié mit près d’un siècle à être reconnu par les milieux littéraires et intellectuels et qui donnèrent lieu à une controverse aux enjeux multiples et à leur instrumentalisation dans un discours sur l’ancienneté de la culture tchèque – l’un aurait été du VIIIe ou IXe, l’autre du XIIIe siècle. Ils portent le nom des lieux où on les aurait trouvés : Dvůr Králové (Rukopis královédvorský) et Zelená Hora (Rukopis zelenohorský). Cf. Catherine Servant, Critique et nation. La naissance de la critique dans les lettres tchèques (années 1860-1890), Montpellier, Univ. Paul-Valéry, 2000 (« Bibliothèque d’études germaniques et centre-européennes », 5), pp. 209-239. On trouve des cas similaires de falsifications en Hongrie (en allemand Kuruzengedichte, qui sont des poèmes de la résistance contre les Habsbourg écrits autour de 1700), ou encore avec les Chants populaires (1842) du Roumain Vasile Alecsandri (1821-1890). La réception intéressante de l’ossianisme dans les pays tchèques et son inf luence sur les faux manuscrits a été analysée par Tomáš Hlobil, « Ossianism in the Bohemian Lands », dans Modern Language Review, 101/3, pp. 789-797.

79 Václav Hanka, Rukopis Králodworský. Sebranj lyricko-epických Narodnjch Zpěwů, Starobylych Skladanj Djl zwláštnj… [Manuscrit de Dvůr Králové. Recueil de chants nationaux, compositions anciennes, lyriques et épiques. Volume séparé. En version fidèle à la langue originale, avec une transcription moderne plus facile à comprendre et une traduction en allemand. Édité par V. Hanka], V Praze, u Bohumila Haze a Joz. Krause, 1819. Ici cité d’après : http://www.ceskapoezie.cz/cek/ (vu en mai 2006), p. 3.

80 Jaroslav Ludvíkovský a souligné que les partisans du classicisme « latin » de Bohême tenaient en plus grande considération l’Énéide, jugée « classique », que les œuvres « romantiques » d’Homère, tandis que les romantiques de la génération du linguiste Josef Jungmann (1773-1847) s’émancipèrent de cette perspective scolaire. Des intellectuels comme Hanka furent attirés par l’hellénisme des classiques weimariens (Winckelmann, Herder, Goethe, Schiller, Humboldt, etc.) : voir Jaroslav Ludvíkovský, Dobrovského klasická humanita. ouvr. cité, pp. 61 et 143. On se souvient que Lessing comparaît dans son Laocoon (chapitre XIII) la description des boucliers dans l’Iliade et dans l’Éneïde, la première étant jugée dynamique, la seconde statique. Lessing démontre dans cet exemple la différence entre l’artiste de génie (moderne) et le rhéteur de cour (archaïque) : cf. Werner M. Bauer, « Utopie und Exercitatio… », art. cité, pp. 592-594.

81 Collections d’une grande richesse en partie saisies par les Suédois en 1648, en partie transférées à Vienne, cf. Prag um 1600. Beiträge zur Kunst und Kultur am Hofe Rudolfs II, Freren, Luca Verl., 1988, 2 vol.

82 Johann Ferdinand Schönfeld, Esquisse du catalogue raisonné sur le musée technique à Vienne, [Wien], 1817.

83 Johann Ferdinand Schönfeld, Klassische Eintheilung des Museums der praktischen Technik zum Nutzen und Vergnügen gesammelt, Wien, Schönfeld, 1821, p. IV.

84 Johann Ferdinand Schönfeld, Esquisse du Catalogue raisonné, ouvr. cité, p. 10.

85 Ibidem, p. 12.

86 Michael Wögerbauer, « Johann Nepomuk Ferdinand Schönfeld. Ein Buchdrucker und Sammler im josephinischen Zeitalter », dans Reinhard Buchberger et al., dir., Portheim. Sammeln & verzetteln. Wien, Wienbibliothek im Rathaus/Sonderzahl, 2007, pp. 180-201.