Book Title

Véronique Meyer, L’Illustration des thèses à Paris dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Peintres-graveurs-éditeurs, préf. de Bruno Neveu

Paris, Commission des travaux historiques de la ville de Paris, 2002, 339 p. ISBN 2-87900-765-8

István MONOK

Budapest

Les illustrations de thèses constituent partout un domaine de recherche spécifique. Beaucoup de questions sur le contenu et sur la forme des thèses restent sans réponses, car dans nombre de cas nous ne pouvons même pas décider à qui reviennent les pensées présentées dans le texte. De plus, il s’agit d’éditions très mal conservées, parce que le tirage est déterminé par la situation financière de l’étudiant : la chance de survie de publications imprimées en dix ou vingt exemplaires est évidemment minime. Pourtant, les correspondances des professeurs et des étudiants (lettres de félicitation, etc.), ou encore les poésies dédicacées, même médiocres, constituent des sources précieuses pour les recherches biographiques, celles sur les relations entre savants ou encore sur les paratextes. Ajoutons que, tandis qu’un étudiant en lettres ou en théologie passe une seule soutenance (disputatio publica) pour clore ses études universitaires, un juriste en passe de trois à cinq et un médecin jusqu’à huit, en fonction de l’université. Ce n’est que suite à ces examens que les deux derniers groupes avaient droit au titre de « docteur ».

Véronique Meyer avait déjà publié en 1993 une étude approfondie consacrée aux thèses7. La préface du présent ouvrage rappelle les grandes lignes de l’histoire parisienne de la « position » : à quel âge un jeune homme peut-il commencer des études supérieures (lettres, théologie, droit, médecine), combien d’examens doit-il passer pour la licence et le baccalauréat, et quel est l’examen public qui conclut le cursus (soutenance de thèse) ? En général, les « positions de thèses » n’étaient pas illustrées mais, dès le XVIIe siècle, l’illustration de la couverture se répand et le placard de thèse prend l’apparence d’une gravure. L’auteur souligne le fait que la recherche historique n’a pas réellement tenu compte de cette dimension de la problématique. Ce sont les historiens de l’art qui s’attachent à l’histoire des tailles-douces, dans une perspective d’étude sur l’esthétique et non pas sur la fonction. Très probablement d’ailleurs, un grand nombre de ces œuvres est resté négligé, y compris du point de vue de l’histoire de l’art. Plusieurs questions importantes restent donc sans réponses : pourquoi ces gravures ont-elles été publiées ? A l’initiative de qui ? Quel en a été le tirage ? A quels lecteurs s’adressaient-elles ? Parallèlement aux analyses de contenu des « positions », il convient d’examiner aussi les thèses du point de vue de l’histoire de la communication sociale et de la culture.

Le livre de Véronique Meyer est fondé sur des recherches d’archives, surtout dans le Minutier central des notaires parisiens. Les contrats conclus par l’étudiant avec le graveur et avec le libraire permettent de préciser les conditions d’apparition des positions ou du placard. Le contrat prévoit tout en détails : sujet de la gravure, taille et position de l’image, nombre d’exemplaires à tirer (jusqu’à deux mille), etc. L’auteur est en mesure de reconstruire le processus entier, y compris la cérémonie de la soutenance publique. Les graveurs et les libraires ayant édité les thèses aujourd’hui conservées sont présentés dans deux chapitres importants : Antoine Paillet (1626-1701), Guillaume Vallet (1634-1704), Étienne Picart (1632-1721) et Étienne Gantrel (1645-1706), puis la veuve de celui-ci (1706-1709). Les trois premiers travaillaient ensemble (Vallet et Picart sont même ensemble à Rome pendant huit ans) pour publier les thèses sur la base d’un programme unifié. L’auteur analyse précisément ce programme (portraits, portraits allégoriques, allégories historiques et morales), avant de poursuivre avec l’étude de l’activité de Gantrel. Aucun de ces différents personnages ne travaillait pour des institutions en dehors de Paris, mais le style de leurs publications a eu une influence réelle sur le travail de plusieurs autres ateliers.

____________

7 Véronique Meyer, « Les Thèses, leur soutenance et leurs illustrations dans les universités françaises sous l’Ancien Régime », dans Éléments pour une histoire de la thèse, Paris, 1993, pp. 45-111 (« Mélanges de la Bibliothèque de la Sorbonne », vol. 12).