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Giuseppe Finocchiaro, Cesare Baronio e la Tipografia dell’Oratorio : impresa e ideologia

Firenze, Olschki, 2005, 180 p., ill. (« Storia della tipografia e del commercio librario », 6). ISBN 88 222 5471 6

Angela NUOVO

Udine

La première réaction de l’Église catholique à la Réforme luthérienne est essentiellement répressive, avec l’institution d’une censure bien organisée, les bûchers et le contrôle préventif sur la production et l’importation des livres.

Dès les années soixante du XVIe siècle, il apparaît pourtant clairement que cette réponse essentiellement défensive était insuffisante et que, pour rétablir la suprématie de l’Église de Rome et arrêter l’hémorragie des fidèles, il fallait organiser une véritable offensive religieuse susceptible d’agir en profondeur sur la société du temps. L’imprimerie sert le projet, avec la parution de nouvelles éditions des grands écrivains catholiques et des nouveaux textes liturgiques. De grandes entreprises éditoriales sont alors mises sur pied, notamment celle de Paul Manuce, financées essentiellement par Rome au moyen de l’octroi de privilèges et autre facilités, mais la réussite n’est pas toujours au rendez-vous. A la fin du siècle, Pie V tente de réorganiser l’édition catholique en s’appuyant sur Caesar Baronius et sur Robert Bellarmin, deux savants particulièrement aptes à répondre, respectivement dans les domaines historique et théologique, aux hérésies protestantes. Baronius, disciple de Philippe Néri, est chargé de rédiger les Annales Ecclesiastici, dont ce beau livre raconte l’histoire éditoriale, en mettant en œuvre des sources originales.

La rédaction des Annales, ouvrage complexe et érudit, bien qu’évidemment tendencieux, est l’expression de la foi inébranlable de Baronius, mais eut de la peine à trouver une réalisation typographique appropriée. Il y avait certes des imprimeurs à Rome, mais l’ampleur de l’ouvrage (douze volumes) dépasse leurs capacités. Baronius confie l’impression des premiers volumes à la Typographie vaticane, dirigée par Dominique Basa, puis à Jacques Tornieri, mais avec des résultats insatisfaisants. Les points faibles de Rome résident alors dans la non-disponilité des textes exacts (chose essentielle dans la polémique avec les Protestants) et dans l’incapacité des ateliers à produire de grandes tirages et à en assurer la diffusion (chose également indispensable pour assurer la controverse). Baronius fut donc amené à fonder sa propre imprimerie, auprès de l’Oratoire de la Vallicella où il résidait. Il pensait faire appel pour le financement et la direction commerciale à Marc-Antoine Capriata, ancien « Ministre de l’Imprimerie » du Peuple Romain, tandis que Louis Zanetti aurait dirigé l’atelier. Mais Capriata déçut lui aussi l’attente de Baronius, lequel décida en dernier recours de financer directement l’opération.

Giuseppe Finocchiaro reconstruit en détail l’organisation du travail dans la Typographie de l’Oratoire, son rythme, l’origine et la signification de sa marque typographique (la Madone de la Vallicella), la collaboration de toute une galaxie de copistes, correcteurs, papetiers et libraires ainsi que les coûts des matières premières et de la fabrication. La lecture de ces chapitres aurait été facilitée par des graphiques et tableaux, une description bibliographique complète des éditions successives des Annales de Baronius fait défaut. La diffusion de la collection a été confiée à des libraires, mais aussi à des négociants-banquiers, figure typique de l’économie de Rome, particulièrement actifs pour traiter des marchandises de luxe sur de grandes distances. Baronius, d’autre part, s’employait à donner plus de retentissement à son travail en passant des accords de réédition sur différents marchés extérieurs : la réédition par Plantin-Moretus lui vaudra une grande réputation, et il obtint un privilège extraordinaire à Venise pour permettre l’édition Scoto de 1600-1606. Il intervient également très directement pour faciliter la diffusion par le biais des foires de Francfort, au point d’adapter les rythmes de fabrication aux échéances de celles-ci. On sait que l’achèvement des douze volumes des Annales vaudra à Baronius le chapeau de cardinal. La Typographie cesse d’exister en 1596.

Produit typique de l’édition romaine de la Contre-Réforme, les Annales Ecclesiastici témoignent, par l’histoire chaotique de leur publication, de la situation de l’industrie typographique dans la ville des papes. Si la motivation idéologique est très forte, la structure de production reste trop limitée, par suite de la pénurie de capitaux, de l’absence d’une culture d’entreprise, du soin insuffisant donné à l’établissement du texte et de la faiblesse des réseaux commerciaux. Entre le temps de la Contre-Réforme et l’ère baroque, Rome ne peut s’imposer comme un centre éditorial dominant au niveau européen.