Le commerce de livres en Carniole (XVIe-début du XIXe siècle)
Anja DULAR
NdlR. Traduit du slovène par Varja Balzalorsky.
La librairie peut être étudiée en tant que secteur commercial, mais il est possible de l’aborder de plusieurs autres points de vue : étant donnée la spécificité de son objet, elle s’inscrit dans le domaine des activités culturelles majeures, puisque le rôle des livres fut primordial pour l’acquisition des connaissances et l’esprit critique au cours des siècles. Cette dimension est particulièrement sensible dans les activités négociantes. Les informations sur la circulation des livres et sur la nature de l’offre livresque dans un espace culturel à une époque donnée constituent des sources essentielles pour une meilleure compréhension de l’histoire. Notre propos sera de présenter ici l’histoire de la librairie en Carniole du XVIe jusqu’au début du XIXe siècle. Le terme historique de « Carniole » (Fig. 1) sera employé pour désigner la partie centrale de l’état slovène actuel. En effet, le littoral est marqué par des liaisons constantes avec l’espace italien, tandis que la Styrie reste, en ce qui concerne au moins la librairie, étroitement liée à Graz, en Autriche.
Le sujet impose d’aborder parallèlement l’histoire de l’imprimerie, dans la mesure où, sous l’Ancien Régime, tous les imprimeurs de Carniole faisaient aussi le commerce du livre. Il en va de même pour les relieurs, qui intervenaient aussi au niveau de la vente de livres. La collection du baron Joseph Kalasanc Erberg, à Dol, près de Ljubljana, constitue la source la plus riche sur le commerce de livres en Carniole. Une multitude de petits imprimés importants pour l’histoire de la Carniole y est conservée, notamment des catalogues de ventes des XVIIe et XVIIIe siècles permettant de reconstituer la nature de l’offre. Cette collection comprend un exemplaire du Laibacher Zeitung (= Journal de Ljubljana) avec tous les suppléments et les annonces commerciales, y compris les annonces relatives à la librairie1.
LES ORIGINES DE LA CIVILISATION DU LIVRE
Faute de posséder des informations concrètes concernant la période des premiers imprimés, notre parcours commence au XVIe siècle. La qualité du réseau établi par les commerçants de livres peut être déduite des données disponibles sur les bibliothèques. La notice sur la décision du philologue wurtembergeois Nicodemus Frischlin, recteur de l’École protestante de Ljubljana dans les années 1582-1584, est particulièrement intéressante : dans une lettre au duc Louis de Wurtemberg, Frischlin explique qu’il laissera sa bibliothèque personnelle à Tübingen, puisque la bibliothèque de Georg Khisel, au château de Fuzˇine près de Ljubljana, lui offrait tout le matériel nécessaire pour préparer les manuels destinés à ses nouveaux élèves2.
Ce qui attire l’attention, c’est aussi la provenance des livres dans les bibliothèques de Carniole au XVIe siècle. Dans la première moitié du siècle, la plupart sont imprimés d’abord à Venise et à Bâle, puis à Cologne, Lyon, Paris, Strasbourg et Vienne. De 1570 à 1590, Venise est toujours en tête, suivie de Lyon, Bâle Cologne, Francfort et Paris3. Certains livres furent sans doute apportés en Carniole par les étudiants revenant des universités italiennes et allemandes, ou par des jeunes nobles lors de leur « tour » d’Europe. Mais la plupart sont parvenus par les voies commerciales frayées par les premiers commerçants spécialisés.
De plus, on connaît plusieurs riches bibliothèques appartenant à des ecclésiastiques ou à des laïcs issus des siècles suivants : Joannes Ludwig Schönleben4, Johann Weikhard Valvasor5 et Sigismund Zois6. Or, les livres ne constituaient pas seulement un bien de la noblesse : si le taux d’alphabétisation de la population au XVIe siècle nous est inconnu en Carniole, on sait que, dans le Tyrol voisin, 3 à 4 % de la population savait lire et écrire vers 1500, mais que ce chiffre a doublé à la fin du siècle. Les livres n’étaient pas seulement lus par leurs propriétaires, mais circulaient plus largement et étaient lus à haute voix dans le cercle familial ou dans les lieux publics7. Malgré les différences dans le développement des provinces autrichiennes au XVIe siècle, et malgré l’impossibilité d’une comparaison directe, certaines constatations sur le degré d’alphabétisation et sur la diffusion des livres au Tyrol peuvent être étendues à la Carniole. Le Tyrol était partie de l’espace négociant des libraires d’Augsbourg, lesquels entretenaient aussi des relations actives avec la Carniole. De plus, Primoz Trubar, le Réformateur slovène, s’adresse aux dames nobles de Carniole en les félicitant de posséder dans leurs châteaux les livres de l’Écriture et d’autres textes religieux en allemand ou en slovène, et
de ne pas les laisser, comme le font certains, intacts et couverts de poussière traîner sur les bancs, mais de les lire aux enfants, à la famille et à leurs sujets.
Conformément à la doctrine protestante, il prônait l’alphabétisation et demandait que
valets, jeunes filles, enfants de la campagne et de la ville apprennent à lire dans les écoles qu’il faut fonder dans chaque paroisse.
En 1574 il avertit les commerçants de livres et les relieurs que les prix des livres étaient trop élevés et donc inabordables pour les plus pauvres8.
Après la découverte de l’imprimerie, le rôle des colporteurs et des merciers dans le commerce de livres fut considérable. On connaît des marchands ambulants dans les régions slovènes déjà au milieu du XVe siècle : un acte de l’empereur Maximilien Ier en date du 4 avril 1510 mentionne que des Écossais et autres marchands ambulants voyagent dans les pays appartenant à la couronne en vendant leurs produits et des épices, en général de mauvaise qualité. Ils s’arrêteraient dans chaque château, bourgade, village ou hameau9. Malheureusement on ignore s’ils vendaient aussi des livres. On ne possède des informations plus concrètes sur les colporteurs apportant des livres dans les châteaux de Carniole qu’à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle. Ainsi, un jeune relieur de Kranj transportait des livres protestants en slovène. En 1563, un homme pieux et de santé fragile proposait des livres aux prêtres d’Istrie, tandis qu’un certain Christoph, mercier, vendait des livres à Ljubljana en 1579. Malgré l’interdiction faite par l’archiduc Ferdinand aux marchands étrangers de vendre leurs produits ailleurs qu’aux foires annuelles (février 1609), il était impossible d’empêcher ce type de commerce.
Le colportage des livres se poursuit au XVIIe siècle, bien qu’il fût en majeure partie exercé par les protestants. Nous conservons un rapport du 11 août 1611 précisant que le libraire néerlandais Philippus Bawer a vendu à l’évêque Hren un livre sur les armes, plusieurs estampes ainsi que les œuvres Belarminus cont. Reges Angliae et B. Virginis Sodalitas teutsch. Les colporteurs auraient aussi visité les châteaux, et une gravure du château de Strmol (Fig. 2) présente un colporteur que l’on peut bien supposer transportant des livres sur son dos penché.
LES PREMIERS IMPRIMEURS
Les débuts de l’imprimerie en Slovénie sont liés à la Réforme. En 1562, Augustin Friess s’installe à Ljubljana, mais aucun de ses imprimés n’est conservé de cette période – Friess doit quitté le pays cette même année10. On possède plus d’informations sur Joannes Manlius, qui travaillait comme relieur et marchand de livres à Ljubljana déjà avant 157511, quand il obtient les droits de cité et que les États lui accordent la permission d’établir une imprimerie. À l’automne 1575, il publie un fragment de l’Ancien testament intitulé Jésus Sirah, traduit par Jurij Dalmatin, premier texte slovène imprimé à Ljubljana (Fig. 3). Manlius a quitté Ljubljana en 1582. C’est en 1581, au milieu des préparatifs de l’impression de la traduction slovène de la Bible12 (préparatifs engagés dès 1578), que l’archiduc Charles, à l’instigation du parti catholique de Ljubljana, proscrit l’imprimerie à Ljubljana, et que Manlius, en tant que protestant, est obligé de quitter les territoires héréditaires des Habsbourg.
En six ou sept ans (aucun imprimé de la dernière année ne nous est parvenu), Manlius a réussi à publier au moins vingt-huit titres très divers, plaquettes et feuilles volantes, mais aussi de gros volumes comme le Jezus Sirah (1575), la Passion (1576) ou Ta celi Catehismus, eni Psalmi (1579). Quant à la langue, les imprimés en slovène dominent, suivis de ceux en allemand ou en latin, et d’un texte en croate. Dans certains cas Manlius se présente aussi comme auteur des préfaces et des dédicaces, voire, peut-être, d’un ouvrage entier. Nous avons aussi des informations sur son activité commerciale : en 1576, il ouvre une librairie, et remplit en outre le rôle d’intermédiaire pour la diffusion des imprimés des protestants croates publiés dans les pays allemands13. Après son départ de Ljubljana, Manlius a exercé dans de nombreuses villes de Hongrie occidentale, dans la région de Graz et en Croatie, où il a imprimé environ quatre-vingts ouvrages en latin, en allemand, en croate et surtout en hongrois. Il bénéficiait du soutien financier de familles nobles, comme les Batthyany, les Zrinski et les Nadasdy. Grâce aux indications des lieux d’impression, on peut suivre son parcours : 1582-1585 Güssing ; 1586-1587, Varazˇdin ; 1587-1589, Eberau ; 1589, Güssing ; 1590-1592, Eberau ; 1592-1593, Deutsch-Schützen ; 1595-1597, Güssing ; 1598-1599, Deutschkreutz ; 1600, Sárvár ; 1601, Deutschkreutz ; 1602, Sárvár ; et, finalement, Deutschkerutz de 1603 à 160514.
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, de véritables libraires apparaissent en Carniole – auparavant, à part l’imprimeur Manlius, c’était les relieurs qui s’occupaient de la vente des livres. Les sources mentionnent les relieurs Leonhard Stegmann et Christian Warl à Ljubljana, et un jeune relieur à Kranj, dont le nom reste inconnu. Dans la première moitié du XVIIe siècle, ces deux métiers étaient exercés par Hans Jacob Weber, Georg Schaffer, Joannes Helm, Alexander Stain, Adam Skhube et Johann Carl Mally15. Outre les écritoires, ils proposaient des calendriers, dont ceux avec un mémento sur la saignée étaient particulièrement appréciés. Il était aussi possible de commander par leur intermédiaire des publications plus ambitieuses imprimées dans les pays méditerranéens et en Europe centrale16. Vers 1670, Joannes Helm a édité deux livres en slovène imprimés à Graz17. De fait, la Carniole ne possédait pas d’imprimerie et se trouvait donc dans la sphère d’influence des imprimeurs de Graz. Ces derniers, dont Hans Schmidt et surtout Georg Widmanstetter, ont largement contribué à la diffusion du livre en Carniole.
En tant que libraire et imprimeur universitaire, Widmanstetter publiait les thèses de doctorat des étudiants de Graz. L’indication des pays d’origine des étudiants sur les titres à côté de leurs noms de famille permet de relever les mentions de Carniolus ou de Labacensis, mais aussi des combinaisons, comme ce Carniolus Neustadiensi qui nous laisse supposer que l’auteur venait de Novo Mesto en Carniole. Parmi les imprimés de Widmanstetter, il faut évoquer, outre les textes officiels pour la Carniole, le titre en slovène du jésuite Janez Andek, Evangelia inu lystuvi (1613), tiré à trois mille exemplaires. La publication est destinée aux lecteurs de Carniole, et l’imprimeur a signé l’ouvrage avec la variante slovène de son nom (Jurij Widmansteter)18. En 1600, les jésuites de Graz ont encore fait venir d’Augsbourg cinq tonneaux de livres que Widmanstetter a par la suite mis en vente19, mais les canaux de vente des exemplaires destinés à la Carniole restent inconnus. Sans doute les relieurs faisant du commerce de livres étaient-ils chargés de la vente au détail, activité qui a pu aussi en partie être exercée aussi par les colporteurs.
JOHANN BAPTIST MAYR ET SES SUCCESSEURS
L’année 1678 marque un tournant décisif pour l’activité de l’imprimerie et de la librairie en Carniole. Après plusieurs tentatives pour établir l’imprimerie à Ljubljana20, les États soutiennent la fondation par Joannes Ludwig Schönleben d’une imprimerie à Ljubljana (18 juillet en 1678), et attirent l’imprimeurlibraire Joannes Baptist Mayr, de Salzbourg, pour qu’il s’établisse dans la ville. La carrière de Mayr est très brillante. Né le 20 février 1634 à Frauen-Chiemsee en Bavière, il fait un apprentissage chez l’imprimeur Andreas Aperger. La seconde année d’apprentissage lui est remise, moyennant versement de 100 florins à son maître. La seule imprimerie de Salzbourg était alors aux mains d’Anna Ursula, veuve de l’imprimeur Christoph Katzenberger. Mayr l’épouse en 1656, et reprend l’entreprise. Imprimeur de la cour et de l’académie en 166121, il sera anobli par l’empereur Léopold Ier en 1696 et signera désormais ses publications Mayr von Mayregg. Il a dirigé l’entreprise de Salzbourg pendant cinquante-deux ans et donné au total plus de deux cents titres.
À Ljubljana, outre un statut juridique privilégié, la ville lui propose une subvention annuelle de 200 florins. Mayr accepte et, le 25 novembre 1678, le premier imprimé sort de la nouvelle imprimerie22. Dès avant son installation en Carniole, il étaient en rapports avec certaines institutions et particuliers du pays23, mais il fait en 1678 aménager une librairie à Ljubljana, pour laquelle il publie un catalogue de 2566 titres à l’occasion de la foire de la Sainte-Élisabeth (19 novembre) (fig. 5)24. Le catalogue est divisé en deux parties : la partie « latine », avec dix sections25, et la partie « allemande » avec cinq26. À l’intérieur des sections, les titres sont classés thématiquement et sous-classés alphabétiquement. L’année de parution est rarement donnée, sauf pour le droit, où Mayr voulait probablement souligner l’actualité de ses publications : cependant, cette règle n’est pas généralisée. La distribution par langues s’avère très intéressante : le droit et la médecine comprennent des ouvrages en latin et, en bien moindre quantité, en allemand. Les livres de théologie, de philosophie, de philologie et d’histoire sont sous-classés par langues, avec une domination générale du latin. Le tableau ci-dessous précise cette répartition (nombre de titres).
Latin | Allemand | % | ||
Théologie | 420 | 59,7% | 284 | 40,3% |
Philosophie, etc. | 595 | 61,5% | 372 | 38,5% |
Quelques textes en d’autres langues figurent dans des recueils, comme les Opuscula Hebraea, Graeca, Latina, Gallica, prosaica & metrica de Schurmann. On trouve dans le catalogue neuf titres en français et en italien, mais aussi des manuels linguistiques, des dictionnaires et des grammaires (Fig. 6). Les informations sont très succinctes, mais le catalogue précise parfois que tel ou tel ouvrage comporte des illustrations ou des eaux-fortes. Mayr a pris soin d’indiquer les imprimés en deux couleurs (rouge et noir). Dans d’autres cas, aucune précision n’est donnée, même s’il s’agit d’un ouvrage pourtant très illustré comme la Cosmographia de Münster. La clientèle était constituée de spécialistes, mais aussi d’amateurs : en effet, toutes les sections scientifiques du catalogue comportent, à côté des œuvres classiques, des titres des auteurs publiés dans les années soixante-dix du XVIIe siècle. Les ouvrages qui se distinguent particulièrement par leur actualité ressortissent à la médecine et au droit : Mayr proposait des titres reprenant pratiquement toutes les découvertes de la médecine du XVIIe siècle. Parmi les œuvres françaises, il convient de mentionner l’Enchiridion Anatomicum & Patalogicum de Jean Riolan.
Il en va de même pour le domaine du droit. Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle deux groupes de juristes étaient particulièrement importants, les partisans de l’Usus modernus et les représentants du droit naturel. Leurs ouvrages principaux pouvaient être achetés à Ljubljana dès 1678. Le traité sur le concordat entre Léon X et la France27 et le Manuale Juris de Jacques Godefroy sont également disponibles. Outre les manuels de théologie, on vend des traités en latin ou en allemand, dont une traduction allemande de Jean-Jacques Olier (Christlicher Catechismus für das innerliche Leben). Dans le domaine des sciences naturelles figurent, à côté des manuels de mathématiques, plusieurs titres d’astronomie, entre autres de Jean Sturm (Collegium experimentale ; Scienti cosmica, s. astronomica tam theorica, quam sphaerica). On peut supposer que les descriptions géographiques n’étaient pas destinées aux seuls voyageurs, mais avaient aussi une fonction divertissante. On rencontre parmi ces titres une curieuse réflexion sur la possibilité de se rendre au Japon et en Chine par le pôle Nord28. La librairie Mayr propose enfin des auteurs classiques et modernes de poésie ou de prose, dont Marc-Antoine Muret (Orationes, epistolae & poëmata) et Philippe Labbé (Bibliotheca Bibliothecarum).
Mayr accorde un soin particulier à deux groupes de lecteurs, à savoir les femmes et les enfants. Pour l’éducation de ceux-ci, les parents employaient surtout des ouvrages religieux plus ou moins adaptés : les fables d’Ésope et les récits bibliques constituaient ainsi les manuels de lecture les plus appréciés. Un tournant important dans l’évolution des livres pour enfants se produit dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, lorsque Joannes Amos Comenius comprend l’importance de l’illustration pour les tous petits. Son Orbis sensualium pictus de 1658 est un livre illustré de scènes de la vie quotidienne, celles-ci accompagnées de commentaires en deux langues. Comenius était également l’auteur d’un manuel pour l’apprentissage des langues étrangères (Linguarum, s. Seminarium linguarum & scientiarum omnium), lui aussi disponible chez Mayr et composé sur le même modèle. Enfin, parmi les auteurs de Carniole importants pour l’histoire slovène et alors vendus dans la librairie, Joannes Ludwig Schönleben occupe la première place.
La situation a changé vers la fin du siècle, quand Joannes Baptist Mayr devient lui-même imprimeur et éditeur d’un grand nombre de livres touchant ces différents domaines et donnés en latin, en allemand ou en slovène – dont des traités généalogiques et un ouvrage historique, la Carniolia antiqua et nova (1681) (Fig. 7). Sa collaboration avec l’érudit Johan Weichard Valvasor a été très riche29. Auteur de plusieurs traités de topographie sur les pays autrichiens30, Valvasor fait graver les eaux-fortes dans son atelier du château de Bogensperk, tandis que les textes sont imprimés chez Mayr. Son Theatrum mortis humanae tripartitum de 1682 (Fig. 8) est remarquable, puisque les gravures viennent de Bogensperk et le texte de Ljubljana, mais que Salzbourg figure comme lieu d’impression. Ce texte sur la mort est donné alors que la peste sévit en Europe, et revêt donc un caractère éminemment actuel. Il a bénéficié d’un privilège impérial de six ans dont, par exception, la minute a été envoyée à l’auteur et non pas au libraire31.
Après 1678, on ne possède guère d’autres sources primaires en ce qui concerne l’activité de Mayr comme libraire à Ljubljana. On peut déduire le fait que l’entreprise avait du succès du nombre de ses publications et des inventaires de bibliothèques qui apparaissent alors. Les membres de la nouvelle « Académie des Laborieux » (Academia operosorum) étaient auteurs de nombreuses publications imprimées chez Mayr. On peut aussi imaginer qu’ils s’y procuraient les livres destinés à entrer dans leurs riches bibliothèques personnelles32. Joannes Baptist Mayr demeure à la tête de la maison jusqu’en 1682, puis il en transmet la direction à son fils, Joseph Tadeus. Lui-même décédera à Salzbourg en 170833. L’importance de son rôle réside entre autres aussi dans le fait que l’imprimerie de Ljubljana n’a depuis lors plus jamais décliné (Fig. 9). Les imprimeurs-libraires se succèdent dans la famille Mayr jusqu’en 1733 : Joseph Tadeus (1683-1695), Ana Barbara (1695-1705) et Joannes Georg (1705-1733). Puis viennent Adam Friederich Reichard (1733-1757), Ana Elizabetha Reichard (1757-1759) et Joannes Georg Heptner (1759-1764). Une innovation importante se produit en 1707, lorsque Joannes Georg Mayr fonde le premier périodique de Ljubljana, l’hebdomadaire du Laibacher Ordinari (und extra-Ordinari) Zeitung), et qu’il publie le premier almanach slovène. Le fait témoigne de l’expansion d’une culture de la lecture dans les milieux auxquels les deux titres sont destinés. Le Laibacher Zeitung, s’adressant à une clientèle relativement minoritaire, donnait les actualités politiques de Vienne et d’autres pays (Suisse, Italie, Angleterre, etc.), quand l’almanach et certains livres religieux ciblaient un plus large cercle de lecteurs.
Le succès des deux familles d’imprimeurs-libraires qui ont succédé aux Mayr, les Reichard et les Heptner, transparaît dans le fait que certains de leurs titres connaissent jusqu’à trois éditions : les Evangelia inu Branie en 1741, 1754 et 1758 ; le Svesti tovarsh en 1742, 1745 et 1760. Une publication concernant le lac intermittent de Cerknica, techniquement très sophistiquée, a particulièrement éveillé l’intérêt des milieux scientifiques34. Le premier tirage est imprimé à Ljubljana en 1758 (Fig. 10), alors qu’une nouvelle édition paraît à Graz en 1761. De la même année date aussi la version française abrégée parue à Bruxelles35. Une multitude de bibliothèques existent alors en Carniole, ce qui témoigne d’un circuit de distribution bien organisé, puisque la provenance des exemplaires est très diversifiée.
L’OUVERTURE DU MARCHÉ : PÉRIODIQUES ET LIBRAIRES
Le début des périodiques de la Wochentliches Kuntschaftsblatt des Herzogthums Krain (1775-1776), éditée par l’Académie d’agriculture, et surtout du Laibacher Zeitung (1783-1918), marque le tournant suivant dans l’histoire du commerce du livre en Carniole et revêt une importance particulière pour son étude. De nombreuses notices sur les livres et des annonces des commerçants y sont publiées, tandis que les suppléments comprennent prospectus et petits catalogues de livres. On note aussi alors des changements dans l’organisation du réseau commercial : jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les relieurs vendent de petits imprimés, alors que l’imprimeur est parallèlement le libraire le plus important. À partir des années soixante, les premiers libraires spécialisés apparaissent : tout d’abord Aloys Raab, Lorenz Bernbacher et Mihael Promberger, rejoints dans les années quatre-vingts par Ignaz Merk, Wilhelm Heinrich Korn et Joannes Georg Licht – les imprimeurs conservant évidemment aussi leurs propres librairies. L’essor du commerce de livres dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle relève de l’évolution des structures sociales et des catégories culturelles alors répandues en Carniole.
Autour de 1765, quatre libraires exercent leur métier à Ljubljana. Johann Friedrich Eger, libraire-imprimeur, vend des livres scolaires, de petits imprimés de circonstance, des almanachs et des journaux. Né autour de 1735, il est probablement venu s’installer à Ljubljana en 1760 pour travailler comme apprenti chez Joannes Georg Heptner. Après la mort de ce dernier, il ne quitte pas l’entreprise et, la même année, son nom apparaît sur certains imprimés. Puis il épouse la veuve, Marie-Thérèse Heptner, et devient titulaire de l’imprimerie. Notable de la ville, il en est élu bourgmestre (1782-1786) et mourra à Ljubljana le 8 octobre 1799. Après son décès, sa veuve Marie-Thérèse poursuit jusqu’en 1801, année où elle est remplacée par son fils Léopold36. Eger se consacrait surtout à l’imprimerie : pratiquement tous les imprimés slovènes de 1764 à 1782 sortent de son atelier, alors le seul de Carniole37. Outre les œuvres de caractère religieux, il convient de mentionner le Pisanice, premier almanach littéraire slovène ; les Lublanske Novize (1797-1800), premier journal en slovène (Fig. 11) ; enfin, les almanachs du Veliki Kalender et de la Mala pratika. Mais il imprimait aussi des ouvrages en latin et en allemand édités par lui-même ou par d’autres libraires de Carniole, comme Lovrenz Bernbacher, Wilhelm Heinrich Korn, Mihael Promberger et Aloys Raab, tous à Ljubljana, et comme Ignaz Kremzˇar à Kranj. À partir de 1777, il prend en charge la fourniture des livres scolaires pour toute la Carniole, et, en 1778-1779, reçoit un privilège exclusif pour cette activité38. Parmi les publications sorties de ses presses figurent aussi la traduction slovène de la déclaration de la guerre à la France par les Turcs, plaquette vendue à trois centimes en novembre 179839, et une traduction allemande de Bellegarde40.
Aloys Raab est né à Olomouc (Olmütz), et apparaît dans les archives de Ljubljana en février 176641. Il commence comme relieur, sa profession d’origine, mais travaille aussi comme libraire de détail et de fonds, donnant plusieurs petits titres religieux et collections d’airs musicaux. Son offre nous est partiellement connue par les annonces des journaux, et elle semble assez variée. Les livres qu’il vendait étaient destinés au plus grand nombre, mais aussi à des lecteurs plus spécialistes. On pouvait par exemple lui commander Das gelehrte Oesterreich de Ignaz de Luc (1777-1778)42, tandis qu’un manuel d’échecs publié à Vienne ne coûtait que 17 centimes43. Les titres proposés montrent encore qu’il entretenait des liaisons avec d’autres professionnels de l’époque, dont Trattner à Vienne. À l’époque d’Eger et de Raab, deux relieurs, Andreas Clemens et Lorenz Bernbacher vendent eux aussi des livres, publications en slovène et livres religieux. Tous deux se targuent, dans leurs annonces commerciales, de leurs relations avec les commerçants viennois, bavarois et tyroliens.
La quatrième librairie de la ville appartenait alors à Mihael Promberger. De 1765 à 1792, celui-ci habite dans la maison n. 280 à proximité du palais épiscopal, et c’est là que se situe sa librairie (Fig. 12). À la suite de la décision de Joseph II sur la censure et l’imprimerie, par laquelle la concession des privilèges ressortissait désormais à l’administration centrale à Vienne, Mihael Promberger sollicite et obtient en 1782 la concession pour une imprimerie, droit qu’il ne fera finalement jamais valoir : il apparaît ainsi comme le premier libraire qui ne s’occupât pas de l’imprimerie ni de la reliure. La plupart de ses titres et de ceux des autres libraires sortent de l’imprimerie de Johann Friedrich Eger. Sa spécialité porte sur les publications religieuses, mais il a aussi édité quelques ouvrages dans d’autres domaines : ainsi de la traduction par Makovic du traité de Steidel sur les sages-femmes44, et de la traduction slovène du traité d’art vétérinaire du viennois Joannes Gottlieb Wolstein (Fig. 13)45.
On trouve des informations sur la librairie Promberger dans ses publicités et dans ses annonces dans les journaux – ainsi dès les numéros de la première année (1775) de la Wochentliches Kundschaftsblatt (Fig. 14)46. Les ouvrages ne sont d’habitude mentionnés qu’une fois, et leurs années de parution témoignent de leur actualité : la plupart datent en effet des années soixante-dix du XVIIIe siècle. Promberger propose des ouvrages allemands, latins et slovènes parus à Ljubljana, Munich, Salzbourg, Augsbourg, Leipzig, Venise et Vienne, pour l’essentiel des titres de théologie catholique. La collaboration avec Trattner paraît particulièrement importante. Pour la première fois, les annonces précisent les prix : certaines publications sont proposées pour quelques centimes, deux titres en slovène coûtent 45 centimes, tandis qu’une encyclopédie géographique (75 florins) et une histoire de l’église (69 florins 20 centimes) ont les prix les plus élevés. Les diverses éditions de la Bible vont de 6 à 20 florins. Les ouvrages de théologie, de musique, de médecine, de droit et d’histoire prédominent. On remarque deux titres en français, un dictionnaire français-allemand et allemand-français et l’autobiographie de Voltaire47. Il était aussi possible d’acheter la traduction allemande de cette dernière, d’ailleurs plus chère (30 centimes) que l’original (27 centimes). Parmi les autres titres intéressants figurent un manuel de pédagogie, et un tableau du Paraguay par le missionnaire jésuite tchèque Martin Dobrizhofer, en version latine ou allemande48. Enfin, les enfants pouvaient lire l’histoire de Robinson Crosoë adaptée en allemand par Joachim Heinrich Campe49. Promberger peut être considéré comme le plus important libraire de Carniole jusqu’aux années quatre-vingts du XVIIIe siècle.
LA MAISON KLEINMAYR
La situation change en 1782, quand Ignaz Aloys Kleinmayr (1745-1802), issu de la plus importante famille d’imprimeurs de Carinthie, crée une librairie et une imprimerie à Ljubljana. Les Kleinmayr s’occupent d’imprimerie à Klagenfurt depuis 1688, quand Matija Keinmayr y fonde son entreprise. Ils sont en rapports réguliers avec les imprimeurs en Carniole, surtout Mayr et ses successeurs. Né le 17 mars 1745 à Klagenfurt, Ignaz Aloys Kleinmayr a tôt perdu son père, mais sa mère lui fait donner une bonne éducation générale et spécialisée. Après le lycée à Klagenfurt, il fait sans doute son apprentissage d’imprimeur à Vienne. Connaisseur de la littérature allemande, il voyage lui-même et devient l’un des plus importants représentants des Lumières en Carinthie, également membre de la maçonnerie50.
Chef de l’entreprise familiale en 1769, Kleinmayr élargit l’activité de celle-ci dans tous les domaines. Dès 1771, il sollicite la permission d’ouvrir une nouvelle imprimerie en Carinthie, mais celle-ci est refusée par Vienne. C’est lui en revanche qui reçoit en 1776 le privilège exclusif pour l’édition des calendriers en Carinthie, puis, en 1778, et après plusieurs années d’efforts, celui pour l’édition et l’impression des livres d’école pour la Carinthie et la Carniole. Quatre ans plus tard, en 1782, il est autorisé à ouvrir une nouvelle imprimerie à Ljubljana. Il est en outre à la tête d’un réseau de librairies : à Klagenfurt, la librairie familiale, une filiale ouverte à Ljubljana en 1782. Il possède deux magasins de commission à Vienne et à Leipzig, et hérite en 1789 de la Librairie universitaire à Vienne51. Enfin, il s’occupe aussi de papeterie : vers 1786, il reprend un moulin à papier sur le Krka, près de Zˇ uzˇemberk, et le fait ensuite moderniser.
La source la plus riche sur l’entreprise de Kleinmayr à Ljubljana est celle des publicités dans les journaux, dans lesquelles il présente l’offre de sa librairie, Mesni trg (place Municipale). Son journal du Laibacher Zeitung, avec le supplément de la Wöchentliches Kundschaftsblatt, rend compte des nouveautés disponibles chez les libraires de la ville, Korn, Klemens, Promberger et évidemment Kleinmayr. Les annonces se répétaient souvent au cours de l’année. L’imprimerie Kleinmayr donne des titres en allemand et en slovène : parmi les imprimés allemands, dont notamment la publication périodique du Laibacher Schreibkalender et le Laibacher Zeitung, on remarque aussi nombre d’imprimés officiels et de titres patriotiques allemands. Le slovène apparaît dans les titres religieux, les manuels pour le public le plus populaire, mais aussi les pièces de théâtre : l’adaptation du Mariage de Figaro par A. T. Linhart (Ta veseli dan ali Matiˇcek seˇzeni) est sans doute la plus célèbre (Fig. 15).
Le choix de livres proposés par Kleinmayr est très large. Beaucoup de publications sont liées au culte catholique : bréviaires, cathéchismes, recueils de sermons et, évidemment, livres de prières, mais aussi quelques traités théologiques ou d’histoire de l’Église. Le secteur de l’économie est dominé par les instructions officielles et par les manuels pratiques. Kleynmayr ne vend pas d’importants traités de médecine, mais des manuels pour les podagres, la gynécologie et les bains thermaux52. Enfin, plusieurs titres relèvent de l’histoire. Du côté des belles lettres, le théâtre prédomine (tragédies, comédies et mélodrames). Les contes et récits en prose sont particulièrement populaires. On propose aussi des livres pour les enfants et les femmes, et des ouvrages à caractère didactique : parmi ces derniers, un manuel de Salis occupe une place toute particulière53. Les auteurs les plus célèbres sont Shakespeare54, Voltaire (Kandide, et Histoire de Charles XII)55 et Rousseau (Karl von Burgheim und Emile von Rosenau)56. La majorité des titres sont en allemand, les publications religieuses plutôt en latin. Certaines publicités mentionnent un manuel de grec pour les débutants et un manuel d’italien, tandis que des œuvres dramatiques italiennes sont annoncées en version originale. Le slovène n’apparaît que dans des publicités pour des textes disponibles dans les deux langues officielles du pays, donc aussi en allemand57. Les annonces se bornent en général à donner le titre, pas toujours le nom d’auteur58, mais bien le prix de vente. Parfois l’année et le lieu d’impression sont mentionnés. Les livres annoncés dans le Laibacher Zeitung sortent des presses de Vienne, Buda, Mantoue, Hambourg, Leipzig, Berlin, Regensbourg, Francfort, Munich, Breslau et St.-Petersbourg, outre, bien sûr, Klagenfurt.
Kleinmayr propose aussi un service de bibliothèque de prêt, dont le catalogue est publié en 1795 sous le titre de Verzeichniß derjenigen Bücher, welche in der Edel v. Kleinmayerschen Buchhandlung in Laibach zum lesen ausgeliehen werden (Fig. 16)59. On sait que, en Angleterre, ce type de service apparaît au XVIIe siècle, en général en annexe à certaines librairies, et qu’il est particulièrement apprécié pour les pièces de théâtre et les romans. En Europe centrale, les bibliothèques de prêt apparaissent au XVIIIe siècle60 : nous connaissons deux exemples à Klagenfurt, le premier chez Johann Finsterbusch en 1782 (le catalogue est imprimé par Kleinmayr à Klagenfurt61), le second à la librairie de Carl Friedrich Walliser62. Il n’y a aucun autre établissement de ce type sur le territoire actuel de la Slovénie, sauf celui ouvert par l’imprimeur Franz Schütz à Ptuj en 1793, en annexe de sa librairie. Nous n’avons pas d’informations supplémentaires, sinon sur le fait que, en 1795, Schütz se transporte à Maribor et y ouvre aussi une bibliothèque de prêt63. Les données sur la bibliothèque de prêt de Kleinmayr nous informent sur son offre commerciale dans les années quatre-vingt-dix, puisque l’on peut bien supposer qu’il était aussi possible d’acheter les titres de la liste (262 titres, mais sensiblement plus de volumes). Les titres sont surtout allemands (244 titres), il y a treize ouvrages en français, trois en anglais, un ouvrage en italien et un en latin. La grande majorité des publications sont récentes, datant d’après 1783 et surtout de 1791 et 1792, ce qui témoigne de leur actualité. Les ouvrages proposés ont été imprimés dans soixante-deux villes européennes : Vienne (47 titres), Leipzig (25) et Berlin (17), mais aussi Paris (5) et Celje (5). Onze villes, dont Ljubljana et Zagreb, n’ont que deux publications, et les trente et une autres, dont Gorizia, une seule. Dans trente-deux cas, la ville n’est pas précisée.
Du point de vue du contenu, la thématique est très large, des études scientifiques de nature théorique jusqu’aux livres de distraction et de récréation. La liste propose les essais philosophiques de Pascal64, de Kant65 et de Henry Home66. Parmi les titres religieux, nous relevons des recueils de sermons et des contes moralisateurs, mais aussi des titres sur la question des monastères et sur la hiérarchie de l’Église. Certains ouvrages juridiques et économiques revêtent un caractère purement pratique : ainsi sur l’économie rurale67, le commerce68 et l’administration69, mais aussi sur le droit civil70, etc. Livres de géographie et récits de voyage abondent, qu’il s’agisse d’ouvrages de référence, de guides de voyages ou de récits de distraction71. Le fonds propose encore des traités historiques généraux ou des titres plus spécialisés sur les événements advenus par exemple en Autriche, en Russie, en Sicile et même dans l’Île Maurice. Dans certains cas, il est difficile de distinguer les ouvrages spécialisés de la littérature de divertissement, tels les romans historiques. Outre les romans, Kleinmayr offre aussi des recueils de poèmes, des récits et des lettres – un genre littéraire particulièrement prisé à l’époque –, tandis que les œuvres dramatiques étaient tout aussi nombreuses, des pièces les moins connues jusqu’à la collection volumineuse des œuvres de Shakespeare.
Deux groupes de lecteurs doivent être mentionnés à part, auxquels le libraire accordait un soin particulier, comme le précise la liste des titres. D’abord, les enfants : un recueil de devinettes et une collection de contes leur étaient destinés72, ainsi que le traité de Lavater pour ceux qui souhaiteraient poursuivre des études supérieures73. Notons que le Robinson et ses dérivés étaient disponibles aussi en français74. Le public féminin constituait le second groupe spécifique auquel s’adressait Kleinmayr : plusieurs titres leur étaient spécifiquement destinés dans le domaine des belles lettres, mais on note aussi un titre de sciences naturelles75 et des « Esquisses de la vie des femmes galantes »76. Signalons enfin quelques auteurs célèbres figurant au catalogue : Johann Wolfgang Goethe, Ewald Christian Kleist, Friedrich Gottlieb Klopstock, John Milton et James Thomson. La collection des œuvres de Voltaire était tout aussi riche77. Tandis que la Lusiade de Camoens faisait remonter les lecteurs aux temps héroïques des Portugais, l’œuvre du Tasse leur faisait partager le destin de Jérusalem. Enfin, sur les rayons de la librairie, on trouvait encore une revue d’art de Vienne et une publication anglaise donnée à Hambourg78. Au total, la carrière de Kleinmayr désigne en lui un représentant typique du mouvement des Lumières. À la fin du XVIIIe siècle, sa librairie avec sa bibliothèque de prêt constituait un véritable carrefour des cultures, tandis que lui-même était à la tête de sa profession. Le seul concurrent susceptible de l’inquiéter était, alors, Wilhelm Heinrich Korn.
LA MAISON KORN
C’est la même année que Kleinmayr, en 1782, que Wilhelm Heinrich Korn vient de Klagenfurt en Carniole. Né à Maestricht d’un père allemand (Chistoph Heinrich Korn, lieutenant en retraite, de Stuttgart) et d’une mère française (Catherine Dorothée Duvernoy, de Montbéliard), il est baptisé dans une église protestante le 30 septembre 175479. On ne sait rien de sa formation, ni la date précise de son installation à Ljubljana – en tous les cas, elle est postérieure à la proclamation de l’Édit de tolérance de Joseph II (1781). En 1782, Korn est déjà installé comme libraire à Ljubljana. Il travaille d’abord avec le libraire Carl Friderich Walliser de Klagenfurt, avec lequel il publie en 1782 un catalogue des titres disponibles à Ljubljana et à Klagenfurt, capitales des deux provinces. Dans les deux décennies suivantes, il publie plusieurs catalogues distribués gratuitement aux clients : nous conservons ceux de 1785, 1787, 1788, 1789, 1790 et 179780.
Korn présentait aussi par le biais d’annonces dans le Laibacher Zeitung les nouveautés de sa librairie, celle-ci installée d’abord dans la maison du 185 place Municipale (aujourd’hui no 7, Fig. 17), et ensuite Grand’place. Son offre commerciale, reconstruite sur la base de ces catalogues (Fig. 18), était importante et variée, comme le met en évidence le tableau ci-dessous. En outre, les catalogues précisaient toujours que seuls les livres récemment parus s’y trouvaient annoncés, et qu’en général les livres plus anciens n’y étaient pas indiqués.
Années | 1782 | 1783 | 1785 | 1787 | 1788 | 1789 | 1790 | 1797 |
Titres | 471 | 830 | 777 | 457 | 372 | 437 | 870 | 493 |
Malgré quelques incomplétudes au niveau de la description bibliographique, on peut tirer des catalogues plusieurs conclusions importantes. Les ouvrages sortent en majeure partie des presses des villes allemandes (Dresde, Nuremberg, Berlin, Munich, Francfort, Leipzig, Augsbourg, Ulm et Hambourg), de Vienne, de Klagenfurt (Carinthie) et de Graz (Styrie), ainsi que de Ljubljana et de Celje. Quelques titres viennent de Suisse (Zurich, Neuchâtel) et aussi d’autres villes plus lointaines (Copenhague et St-Pétersbourg). Les livres en français sortaient des presses de Paris, Londres et Amsterdam, ainsi que de Lyon et de Lausanne. Seules les éditions les plus récentes, parues la même année que le catalogue ou bien un ou deux ans avant, sont datées, au contraire des imprimés antérieurs : on remarque avec intérêt que la Topographisch-historische Beschreibung des Herzogthums Krain, ou encore Die Ehre des Herzogthums Krain de Valvasor, l’œuvre fondamentale de l’histoire de la Carniole, est proposée en quatre volumes à vingt florins, bien qu’elle eût paru déjà en 1689 à Nuremberg.
Korn avait surtout des livres en allemand, le latin apparaissant principalement dans le cas des études spécialisées en droit, médecine et théologie. La maison offrait d’ailleurs un grand choix de dictionnaires, grammaires et manuels pour de nombreuses langues européennes (italien, toscan, anglais, russe, tchèque, flamand, grec ancien, etc.). Quelques œuvres littéraires italiennes et anglaises figurent aussi sur la liste. Parmi les ouvrages en slovène, les titres les plus fréquemment cités sont un dictionnaire allemand-slovène et une nouvelle traduction de la Bible parue à la fin du XVIIIe siècle. L’offre des ouvrages français est particulièrement remarquable : ces titres figurent dans le premier catalogue de 1782, mais leur nombre augmente avec les années de manière qu’ils occupent en 1797 la deuxième place, après les ouvrages en allemand, mais avant ceux en latin – on remarque particulièrement un manuel trilingue de correspondance commerciale81. Le choix était tout aussi riche pour la médecine : à côté de manuels et d’ouvrages consultés par les médecins pour leur pratique quotidienne, plusieurs publications de praticiens importants du XVIIIe siècle figurent sur la liste, y compris un ouvrage sur la santé publique en Angleterre82. Parmi les études de sciences naturelles, on note la présence des œuvres de Karl Linné sur la systématique des espèces animales et végétales, et celles du physicien et chimiste Tolbern Olaf Bergmann. Les travaux des mathématiciens Jugel et Clemms et des chimistes Lorenz Florenz et Friedrich Crell sont aussi proposés. En fait, l’analyse des titres en vente renvoie une image impressionnante à cause non seulement du nombre et de la diversité des publications, mais aussi de leur actualité.
L’énumération des représentants des Lumières et de leurs prédécesseurs actifs dans les différentes sphères des sciences humaines et des arts à la fin du XVIIIe siècle, cacherait peut-être l’actualité de l’ensemble plutôt qu’elle ne la soulignerait. Le droit est particulièrement présent, dont les œuvres de Johann Gottlieb Heincke pour le droit naturel. Voltaire, la grande figure du siècle, figure dans la librairie de Korn avec les ouvrages relevant de différents domaines de son œuvre83. On trouve encore des titres de Condillac84, l’Esprit de Montaigne, les œuvres de Henry Home85, de Montesquieu86 et de Zeller87, et une étude sur la philosophie contemporaine de Zabuesnigg88. D’autres noms célèbres figurent dans la partie consacrée à la musique : Korn vend l’édition du Te Deum de Händel, mais aussi des compositions de Haydn et de Mozart89. Du côté des belles lettres, on trouve les œuvres des poètes et écrivains classiques ou contemporains (romans, œuvres dramatiques, poésie). On pouvait acheter une collection de Shakespeare en vingt-trois fascicules ou par pièces séparées, les œuvres de Cicéron, le recueil des Mille et une nuit et le Don Quichotte de Cervantès en traduction allemande, ou encore les versions originales de Racine (dans une édition lyonnaise de 1701), La Fontaine, Voltaire et Rousseau. Enfin, Korn, lui aussi, cible particulièrement les enfants et les femmes, avec des manuels, des œuvreslittérairesspécialementadaptéesetdesouvragesspécialisés90.Despériodiques étaient aussi disponibles91.
Korn possédait les droits exclusifs de la vente de certaines publications viennoises en Carniole, ce qui confirme son statut parmi les libraires. La Gründliche Anleitung zu der allgemeinen Kriminalgerichtsordnung de Joseph Leonard von Banniza, manuel de base dans le domaine juridique, était vendue exclusivement par Korn à Ljubljana, Kleinmayr à Klagenfurt et Trattner à Zagreb et Vienne. De même, c’est chez eux seulement que l’on pouvait commander le Tetrateuchus sive Commentarius in sancta Jesu Christi Evangelia. Korn mourra, à soixante-dix ans, toujours à la tête de sa librairie, en 1834.
À LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE
On a pu voir que, dans les deux dernières décennies du XVIIIe siècle, plusieurs libraires exercent à Ljubljana, parmi lesquels Ignaz Aloys Kleinmayr et Wilhelm Heinrich Korn occupent la place principale. Les deux offres commerciales se complètent, comme l’illustre l’exemple des sciences naturelles : tandis que Korn vend les œuvres de Linné, il est possible d’acheter les titres de Buffon chez Kleinmayr. Pourtant, les catalogues montrent que certains titres sont disponibles tant chez Kleinmayr que chez Korn, encore qu’en principe leurs offres différaient. Tous deux vendent de la littérature, dont aussi des œuvres dramatiques, mais on ne peut acheter de pièces italiennes que chez Kleinmayr. C’est encore chez lui qu’on achetait les manuels d’économie, de droit et de médecine. Pour ces mêmes domaines en revanche, les œuvres théoriques sont disponibles chez Korn, spécialisé par ailleurs en partitions musicales et en littérature française. Dans les années quatre-vingts, la librairie Korn a ainsi un large choix de littérature spécialisée, tandis que celles de Kleinmayr et de Promberger offrent surtout des ouvrages pratiques et qu’Eger vend des livres scolaires et des formulaires imprimés. En 1784, Andreas Clemens s’installe à son tour comme libraire à Ljubljana, avec un fonds surtout orienté vers les belles lettres.
On peut constater que les libraires de Carniole tenaient à s’attacher, à côté du plus grand nombre, la clientèle des amateurs et des érudits, comme le montre leur offre. De fait, la librairie est un secteur économique soumis à la demande du marché. À ce titre, les remarques soulignant les bonnes relations avec les collègues autrichiens et allemands sont intéressantes : Johann Thomas Trattner (1717-1798), le libraire viennois qui a ouvert des filiales à Pest, Trieste, Gorizia, Innsbruk, Linz et Zagreb, se trouve plusieurs fois mentionné à ce sujet92. À Ljubljana, Trattner a pu s’appuyer sur le réseau commercial préexistant et vendre exclusivement par le biais d’intermédiaires. Il en va de même avec certaines autres villes, telles Brno, Francfort, Graz, Klagenfurt, Leipzig, Prague, Timisoara (Temesvar) et Varsovie. C’est là une autre preuve de l’épanouissement du commerce de livres en Carniole.
CONCLUSION
Le rattachement historique de la Carniole à l’univers allemand est, bien sûr, évident et ne se limite pas à l’histoire de la librairie traitée dans la présente étude93. Notre pays appartenait à l’espace de l’Europe centrale, tandis que les liaisons avec les régions méditerranéennes et occidentales nous sont moins connues. En se concentrant sur ce point, on ne peut que souligner l’importance des itinéraires personnels : le premier imprimeur à venir en Carniole, au XVIe siècle, a été Augustin Friess, qui fut obligé de quitter le pays suite à des malentendus avec les autorités. Le fait qu’il travaillait d’abord à Strasbourg et à Zurich s’avère ici très important. La seconde figure à évoquer est celle de Wilhelm Heinrich Korn, d’origine à la fois française, allemande et néerlandaise. Venu en Carniole à vingt-huit ans, il s’y est imposé comme le second libraire le plus important.
Les imprimés en tant que marchandises ne se limitent pas à un champ spécifique, comme le démontre le catalogue de la librairie et de la bibliothèque de prêt de Kleinmayr en 1795, avec une géographie typographique étendue à soixante-deux villes européennes. Il convient aussi de souligner la diversité linguistique des titres disponibles en Carniole. On vendait évidemment quelques livres en slovène, mais on s’abstiendra d’aborder ce sujet. À l’origine, c’est le latin qui prédomine, surtout pour les ouvrages spécialisés, mais au XVIIIe siècle la majorité des publications est en allemand. À partir du XVIIe siècle des ouvrages en italien et en français, commencent à apparaître sur les rayons des librairies de Carniole, puis, à partir du XVIIIe siècle, ceux en anglais.
La Carniole fut, durant toute son histoire, fortement marquée par sa position géographique de carrefour entre trois grands groupes linguistiques : le groupe germanique, le groupe roman et le groupe slave. Cette situation se reflète par exemple dans un recueil de proverbes, rédigé à la manière des éditions des XVIe et XVIIe siècles : Hieronim Megiser a inclus dans la première édition de sa Paroemiologia polyglottos de 1592 (Fig. 19) des maximes latines et grecques suivies de proverbes en allemand, en français, en italien et en slovène. Dans la deuxième édition du même ouvrage (1605), l’espagnol, le flamand, l’arabe et le turc sont en outre mentionnés dans le titre. Les proverbes allemands ne sont pas inclus dans les éditions italiennes, alors que les éditions anglaises de Thomas Willis ne comprennent que les proverbes anglais et latins. De même, c’est grâce aux livres que les idées des penseurs et écrivains français, Racine, La Fontaine, Diderot, Condillac, Voltaire et Rousseau, étaient diffusées en Carniole, tout comme la Lusiade de Camoens, le Don Quichotte de Cervantes, les œuvres de Shakespeare, de Defoe, de Swift, de Milton et de Pope. Les habitants de Carniole découvraient aussi l’Europe et les pays des autres continents par le biais de nombreux récits de voyage.
Les libraires devaient tenir les lecteurs au courant des nouvelles de l’étranger. Plusieurs titres en allemand et en français rendant compte des premières ascensions en ballon par les frères Montgolfier sont vendus à Ljubljana un an après l’événement94. En 1784, il était possible d’acheter une représentation graphique du ballon survolant Paris95. Et, finalement, je voudrais encore insister sur la diversité du choix et de la provenance des livres vendus en Carniole du XVIIe jusqu’au début du XIXe siècle. Les sources montrent que les publications disponibles viennent de toute l’Europe, même de Scandinavie. Les livres constituaient un média privilégié grâce auquel les habitants de Carniole étaient au courant des actualités du reste de l’Europe et découvraient les mouvements philosophiques et artistiques, sociologiques et culturels provenant des autres pays. L’étude de l’histoire de la librairie montre, entre autres, que les liens entre les Européens instruits étaient jadis plus intensifs qu’on ne le pense peut-être aujourd’hui, à l’époque des médias électroniques.
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1 Le fonds est conservé par la bibliothèque du Musée national de Slovénie. Jusqu’ici, peu d’études sur le commerce de livres en Carniole furent publiés. Au seul aperçu historique publié par Peter Radics en 1881 (Peter Radics, « Geschichte des deutschen Buchhandels in Krain », dans Archiv für Geschichte des deutschen Buchhandels, 6, 1881) s’ajoutent quelques articles biographiques dans les encyclopédies. En m’appuyant sur les sources archivistiques et les imprimés diffusés par les libraires eux-mêmes, j’ai publié une monographie sur l’histoire du commerce de livres en Carniole : Anja Dular, Zˇiveti od knjig, : Zgodovina knjigotrˇstva na Kranjskem do zaˇcetka 19. stoletja, Ljubljana 2002 (« Knjizˇnica Kronike », 7). Désormais cité : Dular (2002)
2 Peter von Radics, Herbard VIII : Freiherr zu Auersperg, Wien, 1862.
3 M. Zˇvanut, « Knjizˇnice na Kranjskem v 16. Stoletju », dans Zgodovinski ˇcasopis, 41, 1987.
4 M. Smolik, « Pridigar, mariolog in zgodovinar Janez Ludvik Schönleben (1618-1681) », dans Bogoslovni vestnik, 41, 1981, 399 pp.
5 Bibliotheca Valvasoriana, Ljubljana, Zagreb, 1995. Anja Dular, « Valvasorjeva knjizˇnica = Valvasor’s library », dans Theatrum vitae et mortis humanae, Ljubljana, 2002, pp. 259 et suiv.
6 M. Glavan, Slovenski kulturni salon : razstava ob 250. letnici rojstva Zˇige Zoisa, Ljubljana, 1997.
7 John L. Flood, « Subversion in the Alps : books and readers in the Austrian counter-reformation », dans The Library, 12, 1990, pp. 185 et suiv.
8 Citation d’après les Œuvres de Trubar : Svetiga Pavla Lystuvi (Tübingen, 1567) ; Cerkovna ordnunga (Tübingen, 1564) et Ta celi Catehismus, eni Psalmi (Wittenberg, 1574).
9 Bozˇo Otorepec, Dragan Matic’, « Izbrane listine Zgodovinskega arhiva Ljubljana (1320-1782) », dans Gradiva in razprave, 19, 1998, pp. 85 et suiv.
10 P. Leemann, Van Elck, Züricher Drucker um die Mitte des 16. Jahrhunderts, Bern, 1937 (« Bibliothek des Schweizer Bibliophilen », 10).
11 Selon l’habitude du XVIe siècle, il signait ses imprimés du nom de Janzˇ Mandelc (slovène), de Johannes Mannel (allemand) ou de Joannes Manlius (latin).
12 La traduction slovène de la Bible est parue en 1584 à Wittenberg chez les Héritiers de Johann Kraft.
13 Dular (2002), p. 68 et suiv.
14 La vie et l’œuvre de Manlius sont repris d’après les ouvrages suivants : F. Ahn, « Johann Mannels deutsche Druckwerke », dans Mitteilungen des Musealvereines für Krain, 19, 1906, pp. 1 et suiv. ; G. Borsa, « Der Drucker und Buchhändler Joannes Manlius im Dienste der Südslawen », dans Studia Slavica Hungarica, 25, 1979, pp. 63 et suiv. ; B. Reisp, « Prvi (protestantski) tiskar na Slovenskem », dans Janez Mandelc, Zgodovinski ˇcasopis, 47, 1993, pp. 509 et suiv.
15 Dular (2002), pp. 72 et suiv.
16 Par exemple, H. J. Weber a en 1631 fourni à l’administration municipale le manuel juridique du Thesaurus juris feudalis civilis et criminalis Nouue (Zgodovinski arhiv Ljubljana Cod. XIII/49, 00056).
17 J. L. Schönleben, Evangelia inu lystuvi (1672) (fig. 4), et M. Kastelic, Bratovske bukvice sv. Roˇzenkranca (1678).
18 Données reprises de la bibilographie de Widmanstetter à Graz (T. Graff, Bibliographia Widmanstadiana, 1586-1805, Graz, 1993).
19 A. Durstmüller, 500 Jahre Druck in Österreich I : 1482 bis 1848, Wien, 1982, pp. 80 et suiv.
20 Cf. Simpoziji v Rimu 15, Celje, 1998.
21 Selon la littérature disponible, ces titres ne lui furent octroyés qu’en 1668 par l’archevêque de Salzbourg Max Gandolph (H. Lang, Die Buchdrucker des 15. bis 17. Jahrhunderts in Österreich, Baden Baden, 1972 (« Bibliotheca bibliographica Aureliana », 42), p. 38 ; A. Durstmüller, ouvr. cité, p. 138). Pourtant, la Brevis historia (1661) et le catalogue pour la foire de Linz de 1664 portent les épithètes de aulicus et d’academicus. La variante allemande des titres apparaît dans la Salzburgische Chronica de 1666. Mais c’est l’acte de l’archevêque Gendolph qui, en 1668, concède les privilèges à l’imprimeur de la cour en réglant ainsi ses rapports entre les deux imprimeurs de Salzbourg de l’époque (Melchior Haan est le concurrent de Mayr depuis 1666).
22 Dular (2002), pp. 91 et suiv.
23 En 1676, il a, entre autres, imprimé les Controversiae philosophicae du pasteur Edmund Wagner de Sticˇna, futur remplaçant du doyen du monastère de cette ville.
24 Il s’agit d’un livret de petit format (15,5 9,3 cm) comptant 126 pages. Un seul exemplaire nous est en parvenu, conservé aujourd’hui au Musée national de Slovénie (sig. 16533). On sait qu’au début du XIXe siècle le catalogue faisait partie de la collection des anciens imprimés carniolais du baron Jozˇef Kalasanc Erberg au château de Dol. Un fas-similé en a été publié en 1966 à Ljubljana. Le catalogue comprend trois unités séparées qui pourraient constituer les parties de différents catalogues de Mayr. Cette supposition est suggérée par la pagination du catalogue et par la présence du mot « Finis » à la fin de la liste des œuvres philosophiques en latin.
25 Libri Theologici, Concionatorij, Ascetici, &c. ; Libri Juridici ; Libri medici ; Libri Philosophici, Philologici, Historici, Mathematici, Gymnastici, & Mechanici.
26 Teutsche Theologische Bücher ; Teutsche Historische / Politische/ und Philosophische Bücher ; Libri Gallici ; Libri Italici ; Libri Musici
27 Pierre Rebuffus, Tractatus concordatorum, quae inter Papam Leonem X (…) et regem Franciscum (…) sunt…, Lugdunum, apud Gulielmum Rovillium, 1576, 8°.
28 Discurs von der Schriffahrt bey dem Nord=Pohl nach Japan / China und Weiter.
29 Janez Vajkard Valvasor Slovencem in Evropi, Ljubljana 1989. A. Dular, « Valvasorjeva knjizˇnica= Valvasor’s library », dans Theatrum vitae et mortis humanae (2002), pp. 259 et suiv.
30 Topographia ducatus Carniolae modernae, Topographia arcium Lambergianarum, Topographia Archiducatus Carinthiae modernae et Topographia Carinthiae Salisburgensis.
31 A. Dular, « Iz zgodovine tiskarskih privilegijev : ob privilegiju cesarja Leopolda za Valvasorjevo delo Theatrum mortis humanae », dans Zgodovinski ˇcasopis, 52, 1998, pp. 21-36.
32 Leurs bibliothèques sont aujourd’hui conservées à la Bibliothèque du séminaire de Ljubljana : S. Bahor, « Semeniˇska knjizˇnica (Seminarbibliothek) », dans Handbuch deutscher historischer Buchbestände in Europa, 9, 2001, pp. 203 et suiv.
33 H. Lang, ouvr. cité, p. 38.
34 Franz Anton Steinberg, Gründliche Nachricht von dem in dem Inner-Crain gelegenen Czirknitzer-See.
35 Le Lac merveilleux, ou Description du lac de Czirknitz en Carniole.
36 Dular (2002), pp. 144 et suiv.
37 Quelques rares textes furent imprimés à Vienne ou en Allemagne.
38 Ouvr. cit., p. 145.
39 Turskiga Zara Vojskna Napoved Franzosam katiro je 12. Kimovza 1798 vsim vnajnim Ministram v Constantinopli poslal. Voir : Lublanske novize, 72, 17 novembre 1798.
40 Bellegards Betrachtungen über die lächerliche Sitten der Menschen, aus dem französischen ins deutsche übersezt, von Hrn. Franz Leopold v. Dreer : voir Wochentliches Kundschaftsblatt, 1775, 253, 334 et 591.
41 Zgodovinski arhiv Ljubljana, Cod. I, 1766, fol. 63 (17 février).
42 Wochentliches Kundschaftsblatt des Herzogthums Krain, 1776, p. 159.
43 Ibidem, p. 174.
44 Vshegarstvu, 1782.
45 Bukuvze od Shivinskih bolesni sa kmeteshke ludy od Jannesa Gottlieba Wolstejna, 1784. Voir : A. Dular (2002), pp. 159 et suiv.
46 Wochentliches Kundschaftsblatt, 1775, 253, 254, 285, 301, 302 et 350. La Wochentliches Kundschaftsblatt a été le premier journal de Ljubljana qui publiât aussi les annonces.
47 Mémoires pour servir à la vie de Mr. de Voltaire écrits par soi-même.
48 Historia de Abiponibus equestri bellicosaque Paraquariae natione locupletata, 1784.
49 Robinson der Jüngere, zur angenehmen und nützlichen Unterhaltung für Kinder : voir Laibacher Zeitung. Wochentliches Kundschaftsblatt, n. 47, 48 et 50 (1784).
50 K. E. Newole, « Die Offizin Kleinmayr in Klagenfurt bis zur Gründung der Zeitschrift “Carinthia” », dans Carinthia, I 144, 1954, pp. 417 et suiv.
51 E. Liegl, Der Klagenfurter Buchhandel im 17. und 18. Jahrhundert, Wien, 1993, pp. 84 et suiv. (mémoire universitaire non publié).
52 Mittel wider das Podagra ; Battisti, Abhandlung von den Krankheiten des schönen Geschlechts ; Wundärzte und Bader. Voir : Laibacher Zeitung. Wöchentliches Kundschaftsblatt oder Anhang zu N. 1 [puis 7, 9, 13, 14, 15, 16, 32, 34, 39 et 40], 1784.
53 Nützliches Handbuch für Väter, Mütter, Kinder, Hofmeister, Gouvernannten, Lehrling u. überhaupt für alle Menschen : voir Laibacher Zeitung. (…) Anhang zu N. 29, 30 et 39, 1784.
54 Ibidem, 16, 1784.
55 Ibidem, 25 et 26, 1784 ; 29 (9 juillet) 1790.
56 Ibidem, 15, 16 et 40, 1784.
57 Par exemple : Die allerbesten Gebether von Pius 6., aus dem Ital. ins Deutsche und Krainerische übersetzt, 6 kr. ; Normalmeßgesänger, wie selbe bey der neuen Pfarreinrichtung gesungen werden, samt den Litaneyen von allen Heiligen, die Lauretanische, wie auch die Gebether welche dabey gebethet werden ; Es sind auch die Krainerischen Meßgesänger um den nemlichen Preis. Voir : Laibacher Zeitung. Wöchentliches Kundschaftsblatt oder Anhang zu N. 4 [puis 8, 9 et 10], 1784.
58 Même la notice sur Hamlet ne comporte pas le nom d’auteur : « Hamlet, Prinz von Dännemark, ein Trauersp. 1783 » (Laibacher Zeitung. Wöchentliches Kundschaftsblatt oder Anhang zu N. 15, 1784).
59 NMS, sig. 8126.
60 Alberto Martino, Die deutsche Leihbibliothek, Wiesbaden, 1990 (« Beiträge zum Buchu. Bibliothekswesen », 29), pp. 61 et suiv.
61 Vollständiger Katalog, derenjenigen deutsch= französisch= englisch= italienisch= und lateinischen Büchern, welche in dem K.K. neu priviligirtem Lesekabinet zu Klagenfurt am ersten künftigen Heumonats dieses Jahres, für sämtliche Herren Herren Liebhabere in des Herrn von Einnöths Hause eröffnet werden wird.
62 Les règles de prêt sont précisées au verso de la couverture du catalogue de Walliser de 1787 : Fortgesetzes Verzeichniß derjenigen neuen Bücher welche Bey Carl Friederich Walliser Buchhandler in Klagenfurt zu haben sind, 1787 (Bibliothek des Kärntner Landesmuseums, cote I 9153/6).
63 J. Emerˇsicˇ, « Leto 1793 – zacˇetek ptujskega tiskarstva in knjizˇnicˇarstva », dans Littera scripta manet, Ptuj, 1993, pp. 8 et suiv.
64 Provinzialbriefe über die Sittenlehre und Politik der Jesuiten, 1792 ; Pensées sur la religion naturelle et revélée, 1769.
65 « Deutsche philosophische Bibliothek, Erste Lieferung, enthält : Werdermanns kurze Darstellung der Philosophie in ihrer neuesten Gestalt, 3 Theile, und Kants Critik der reinen Vernunst, erster Band, 1795 ».
66 Grundsätze der Kritik, 1790.
67 Mayer (I. F.), Das Ganze der Landwirthschaft, 1788.
68 May (I. K.), Allgemeine Handlungswissenschaft, 1785.
69 Hubmerhofers Prüfungen der Gerichts= und Konkurs= Ordnung, 1788.
70 Luca (Ig. v.), Praktische Staatskunde von Europa, 1796 ; Heineccius (J. G.), Anfangsgründe des bürgerl. Rechtes nach der Ordnung der Institutionen, 1786.
71 Par exemple : Büschings grosse Erdbeschreibung, 23 Theile, 1784 ; Erdbeschreibung von Asien, 1792 ; Sammlung der besten Reisebeschreibungen, 27 Theile, 1784 ; Reise von Wien nach Madrit, 1792 ; Briefe eines reisenden Franzosen über Deutschland, 1784.
72 Gellert, Ein Lesebuch für Kinder in Familiengesprächen zur Bildung edler Seelen, 1785 ; Kurzweilige Pfänderspiele, nebst 450 Räthseln zur Unterhaltung für junge Leute, 1784.
73 Lebensregeln für Jünglinge, besonders für diejenigen, welche die hohe Schule beziehen wollen, 1783.
74 Les Avantures ou la Vie, et les Voyages de Robinson Crusoë, 1769 ; La Vie et les avantures surprenantes de Robinson Crusoe, 1761.
75 Atzes (Ch. G.), Naturlehre für Frauenzimmer, 1781.
76 Skizzen aus dem Leben galanter Damen, 1791.
77 Gemälde von dem Leben und Charakter der Meinungen und Schriften des Philosophen Voltaire, 1792 ; Histoire de Charles XII roi de Suède, 1771 ; Prix de la Justice et de l’humanité par Voltaire, 1778.
78 Rigler (H.), Monatschrift von bildenden Künsten, oder Gedanken über die Schönheit, Wien ; The English Magazine containing Many curious subjects, 1778.
79 Dienst Kunst Cultuur en Onderwijs de Gemeenteaechivaris, Maastricht.
80 Zweyte Fortsetzung des Verzeichniß von Büchern, der Buchhändler Walliser und Korn welche in den Märkten Klagenfurt und Laybach bey Ihnen zu haben sind, Klagenfurt, Kleinmayr, 1782 (Bibliothek des Kärntner Landesmuseums, cote I 9153/2) Verzeichniß derjenigen Bücher, welche bey Willhelm Heinrich Korn, Buchhändler in Laibach um die billigste Preise zu bekommen sind, Laibach, gedruckt mit Kleinmayrischen Schriften, 1783 (NMS sig. 8282/1) ; Erste Fortsezung des Verzeichnis von meistentheils neuen Büchern, die um die billigsten Preisen bey Wilhelm Heinrich Korn, Buchhändler in Laibach, im Hummlischen Hause N. 180 zu haben sind, Laibach, bey Johann Friedrich Eger, 1785 (NMS, 8282/2) ; Zweyte Fortsezung des Verzeichniß von meistentheils neuen Büchern, die um die billigsten Preisen bey Wilhelm Heinrich Korn, Buchhändler in Laibach, im Hummlischen Hause N. 180 zu haben sind, Laibach, bey Johann Friederich Eger, 1787 (NMS, 8282/3) ; Fortsezung des Verzeichnis von meistentheils neuen Büchern, die um die billigsten Preisen bey Wilhelm Heinrich Korn, Buchhändler in Laibach, im Hummlischen Hause N. 180 zu haben sind, Laibach, bey Johann Friedrich Eger, 1788 (NMS, 8282/4) ; Verzeichniß derjenigen neuen Büchern, welche bei Wilhelm Heinrich Korn Buchhändler in Laibach nebst vielen andern, aus allen Theilen der Wissenschaften, zu haben sind, 1789 (NMS, 8282/5) ; Verzeichniß größtentheils neuer Bücher so beim Buchhändler Korn in Laibach zu haben sein, Laibach, gedrukt mit Merkischen Schriften (NMS, 8282/6) ; Verzeichniß meistens Neuer Bücher, die bei Wilhelm Heinrich Korn Buchhändler in Laibach um beigesezte Preise zu haben sind, Laibach, gedruckt bei Johann Friedrich Eger, 1797 (NUK, 23689).
81 Donadoni, Italiänische, französische und deutsche Kaufmannsbriefe.
82 Levison (G.), Beschreibung der Londonischen medicinischen Praxis, den deutschen Aerzten vorgelegt, 1782
83 Vermischte Schriften ; Versuch einer allgemeinen Weltgeschichte ; Privatleben des Königs von Preußen.
84 Geschichte der ältern und neuern Zeiten, et Cours d’étude pour l’instruction du prince de Parme.
85 Grundsätze der Kritik.
86 Werk vom Geist der Gesetze.
87 Zeilleri Institutiones Logicae.
88 Nachrichetn von dem Leben, und Schriften des Hrn. von Voltaire, und der neu Philosophen unserer Zeiten.
89 Hayden sei Sinfonie a grand orchestra ; Mozart, Deux sonates à quatre mains sur un clavecin ou piano forte ; Six sonates pour le clavecin, ou piano forte avec l’accompagnement d’un violon p. Mr. Wolfg. Am. Mozart.
90 Par exemple Geographie für Kinder, 1779 ; Naturgeschichte für Kinder, 1780.
91 Kinderfreund, eine Wochenschift ; Kinderzeitung ; Beaumonts Magazin für Kinder, junge Leute und junge Frauenzimmer ; Für deutsche Mägden, eine Wochenschrift, 1782.
92 A. Durstmüller, 500 Jahre Druck in Österreich I, Wien, 1982, 204 pp.
93 A. Dular, « Buchhandel im 17. und 18. Jahrhundert in Slowenien unter besonderer Berücksichtigung der bayerischen (vor allem Augsburger) Buchproduktion », in : Bayern und Slowenien im Zeitalter des Barock (Regensburg 2006), pp. 21 et suiv.
94 Vraie Description du Globe aerostatique de M. Mongolfier, 1783. Mit Kupfern ; Beschreibung der Versuche mit der Luftkugel von Hrn. Faucias de Saint-Fond mit K.
95 Dans le catalogue de M. Promberger : Bei Michael Promberger bürgl. Buchhändler allhier sind nebst diesen, auch mehrere Sorten um billigen Preiß zu haben, 1784.