Les réseaux de la contre-façon de livres à Lyon dans la seconde moitié du XVIIe siècle
Anne BEROUJON
ATER à l’Université Lumière Lyon 2
Vers 1650, l’imprimerie lyonnaise, victime d’un manque de débouchés et plus encore, d’un manque de textes à imprimer, n’est plus le monde bouillonnant et actif qui prospérait un siècle plus tôt. Le régime des privilèges (ces concessions de droits exclusifs d’édition pour une durée limitée) qui se met en place la pénalise : aux privilèges pour livres nouveaux s’ajoutent les continuations de privilèges et les privilèges pour livres «anciens» (tombés dans le domaine public), qui, dans une logique absolutiste, sont accordés aux grands libraires parisiens proches du pouvoir1. Lyon, à l’instar d’autres villes de province2, se tourne alors vers la contre-façon, et devient un pôle de l’édition illicite. Plusieurs études ont fourni des données précieuses sur la contre-façon lyonnaise, qui ont montré l’importance de l’activité à partir de 1660 et mis en évidence les ouvrages les plus fréquemment contrefaits et défendus3. Elles ont permis de repérer – et fourni les indices permettant le repérage – des éditions contrefaites dans la production subsistante4. Mais le milieu des contrefacteurs reste un domaine peu exploré, tout au moins pour la seconde moitié du XVIIe siècle5, au moment où la contre-façon se développe et devient une réalité incontournable de la librairie provinciale. La masse des actes qui jalonnent le déroulement des procès en contre-façon6 peut permettre de l’aborder. Bien sûr, le contexte institutionnel fixant la définition des pratiques illicites et organisant les procédures de poursuite et de répression détermine fortement la structure de ces actes. Mais ce codage, s’il fait obstacle à une approche globale de la librairie lyonnaise, autorise l’appréhension des pratiques de résistance à la mise en place de l’arsenal législatif et répressif élaboré à Paris. La notion de groupe organisé de contrefacteurs recouvre-t-elle une réalité ? 7 Devant les difficultés (hautement affirmées) que rencontrent libraires et imprimeurs à trouver de l’ouvrage, une solidarité entre Lyonnais se dessine-t-elle, sachant que les crises économiques ou politiques sont souvent le moment du resserrement d’un groupe professionnel, et entraînent parfois même la formation d’une identité sociale ? 8 Il faudra tout d’abord esquisser un portrait des contrefacteurs, puis interroger leur cohésion, avant de s’arrêter sur les soutiens et protections dont ils peuvent bénéficier.
PORTRAIT DES CONTREFACTEURS ET DE LEUR ACTIVITÉ
La centaine de procédures que nous avons pu retrouver entre 1650 et 1700, engagées sur la requête d’un particulier ou à la suite d’investigations des autorités habilitées (sénéchaussée, syndic), comprennent, lorsqu’elles sont complètes, procès-verbal de visite et de saisie de livres et autres pièces à conviction, interrogatoire et confrontation des témoins, des « défendeurs », éventuellement mémoires des « demandeurs » et « défendeurs », sentence et arrêt. Elles mettent au jour un nombre considérable de personnes impliquées dans l’édition de livres contrefaits et interdits9, et ne reflètent pourtant, probablement, qu’une partie de la réalité10. Les identités des contrefacteurs sont variées. Un élément leur est commun toutefois : ce sont quasiment tous des professionnels du livre qui se lancent dans l’édition illicite. Sur l’ensemble des cent dix affaires dénombrées, deux seulement mettent aux prises des marchands sans rapport direct avec le monde de la librairie (un drapier et un négociant), qui ont probablement voulu investir leurs capitaux dans une activité lucrative (vu les gros tirages qu’ils réalisent, l’un à Trévoux, l’autre à Lyon), en association avec des compagnons ou des maîtres imprimeurs11. Au sein de la librairie lyonnaise, c’est l’importance numérique des contrefacteurs qui ressort12. Loin de ne concerner qu’une frange marginale du milieu des libraires et imprimeurs lyonnais, la contre-façon est une activité expérimentée par la majorité d’entre eux. Si l’on compare en effet la liste des libraires, imprimeurs et relieurs (marchands et maîtres uniquement) impliqués au moins une fois dans une affaire, à celle de l’ensemble de ces professionnels établie en 168213, on s’aperçoit que plus de la moitié des imprimeurs (seize sur trente) et des libraires (vingt-cinq sur quarante et un) ont trempé dans la contre-façon. Les relieurs sont un peu moins touchés (seize sur soixante-trois), mais leur métier les expose moins à être confondus (la fraude est en général découverte avant la reliure, étape qui plus est facultative). Ces chiffres déjà élevés ne représentent évidemment que le nombre de fraudeurs faisant l’objet de poursuites, et uniquement sur la requête de Lyonnais et de Parisiens.
Cette importance numérique explique en partie la diversité des identités. La contre-façon n’est une question ni d’âge, ni de sexe, de qualité ou de statut. Elle ne concerne pas seulement des jeunes gens pressés de réussir dans un milieu fermé et de plus en plus réglementé14. L’imprimeur Jacques Faëton n’hésite pas à se lancer dans la contre-façon du Nouveau Testament à un âge canonique, et les sexagénaires ne sont pas rares (le libraire Claude La Rivière débite les Méditations de Busée à soixante ans passés, le relieur Hugues Colas assemble les Mémoires de Mr L.C.D.R. et la Suite des Mémoires de M.L.M.D.B., livres défendus, à soixante ans…15). Les veuves de maîtres s’engagent de même assez facilement dans la contre-façon, alors que bien souvent on ne trouve pas trace du nom de leur mari dans les archives judiciaires (il est vrai que les veuves peuvent se défendre en faisant porter la responsabilité du délit sur leur mari défunt, comme Charlotte de Brye16). Le statut professionnel ne paraît pas plus entrer en ligne de compte. Les représentants des professions (un syndic et deux adjoints sont élus pour le corps des libraires et celui des imprimeurs jusqu’en 169517) se livrent eux-mêmes à la contre-façon. En 1682, dans l’affaire de l’Histoire du calvinisme, syndic et adjoints des imprimeurs sont confondus18. Quant aux experts, appelés pour faire la preuve de la contre-façon, ils ne sont pas épargnés par les poursuites : hormis les Cellier (père et fils), jamais surpris, les autres font plus pâle figure (Thioly, Girin sont pris l’un et l’autre en fraude). Enfin, les compagnons et les maîtres se lancent ensemble dans la contrebande.
Un autre critère est plus discriminant, celui de la fortune et de la réussite professionnelle, évaluée à l’aune de la production imprimée licite. Le Répertoire bibliographique des livres imprimés établi pour Lyon par M.-A. Merland, recense la production de chaque libraire et autorise une confrontation entre édition licite et illicite19. Alors que la contre-façon apparaît vers 1650 comme un phénomène généralisé, touchant des imprimeurs et libraires à la production (licite) variable, elle est davantage, vers 1680, l’apanage de petits imprimeurs. Les grandes familles comme les Huguetan (Jean-Antoine II, cent quarante éditions), Jullieron (Antoine, quatre cent vingt-deux éditions) ou encore Girin, qui côtoyaient des marchands et des maîtres à la production modeste comme Pierre André, Jean Goy, Guillaume Chaunod dans les procédures du milieu du siècle, sont rarement impliquées dans des contraventions à privilège à la fin du siècle (mis à part Jean Certe, deux cent quatorze éditions et six procès en contre-façon). Les saisies d’ouvrages illicites touchent alors surtout de petits ateliers (ceux de Charles Amy, Gabriel Blanc, les veuves Carteron et Chavance, César Chappuis, Philibert Drevon, Jean Binet et d’autres), dont la production clandestine l’emporte largement sur la production avec privilège. Amy n’imprime que six livres avec privilège entre 1681 et 1689, mais il est pris avec vingt-neuf titres contrefaits en 1689, quand Chappuis, qui n’a que onze éditions à son actif, entrepose quatre-vingt-huit titres – dont quinze défendus – au couvent des Cordeliers en 169420). Au point que Hilaire Baritel, dans une lettre datée de 1702, peut justifier sa bonne foi et sa probité par le nombre élevé de ses ouvrages21. Le temps de la contre-façon peut correspondre à celui de l’absence de production recensée : c’est le cas pour le libraire Claude Bachelu, qui disparaît du répertoire entre 1684 et 1693, au moment où il est impliqué dans six procédures, ou encore pour Philibert Drevon, dont les années sans production apparente coïncident avec celles où sont saisis des livres contrefaits (1691, 1693, 1694).
Le nombre élevé de récidivistes (quarante-trois sont pris au moins deux fois dans la fraude22) invite à s’interroger plus précisément sur les motivations qui mènent les uns et les autres, parfois lourdement condamnés, à poursuivre dans une voie risquée, sans craindre un nouvel emprisonnement dans les geôles lyonnaises, voire parisiennes, ni l’aggravation des peines prévue en cas de récidive. Quel intérêt pousse Claude Moulu à continuer, malgré trois saisies effectuées en l’espace de quelques mois, la contre-façon des Souffrances de Jésus Christ ? 23 Manque de travail, comme le scandent, à la manière d’un leitmotiv, les imprimeurs lyonnais (même si les travaux de ville devaient pallier l’absence de privilèges)? Réputation déjà entachée qui oblige à continuer dans la voie frauduleuse? 24
Confiance dans la fiabilité de l’entreprise ? Calcul judicieux des profits que rapporte la contre-façon, lesquels compenseraient les échecs ? Dans certains cas, l’entreprise ressemble davantage à la fuite en avant (destinée à remédier aux pertes économiques des procès)… La réussite professionnelle n’est pas au rendez-vous pour les contrevenants dont on connaît le parcours grâce aux travaux de Simone Legay25. La contre-façon (avérée) n’a pas permis à Claude Bachelu une foudroyante réussite professionnelle, dont le testament, en 1712, révèle un train de vie modeste. La fraude n’enrichit guère les petits libraires imprimeurs : Jean Goy, impliqué dans trois affaires, laisse vers 1690 une petite succession (évaluée à 5000 livres en fonds d’imprimerie et effets mobiliers); Claude-Charles Carteron, pris trois fois en contrebande, ne fait pas ses affaires, si l’on en croit l’itinéraire de son fils, qui doit s’engager dans l’armée faute de débouchés. Existe-t-il des contrevenants suffisamment habiles pour échapper aux procès, qui auraient pu établir des fortunes ? Seule certitude : ceux qui ne sont pas pris, ou rarement, sont ceux qui ont les affaires les plus prospères à la fin du siècle : c’est le cas de J. Bruyset, P. Valfray, J.-B. Deville, J. Anisson et J. Posuel.
Au terme de cette première approche, c’est la diversité des contrefacteurs qui ressort. Peut-on donner au groupe une unité en les opposant aux non-contre-facteurs ? Cette définition en creux ne peut évidemment se faire à partir des noms absents des saisies, qui ont pu échapper à la justice26. Le témoignage d’Hilaire Baritel pourrait apporter d’utiles informations sur les honnêtes gens, dont il entreprend le décompte en octobre 1702 (dans une « cohorte » de contrevenants, il isole Anisson, Posuel, Borde, Arnaud, Thioly et Amaulry). Mais doit-on lui accorder grand crédit quand on sait que deux mois plus tard, Anisson ne fait déjà plus partie de la liste27, ou qu’Amaulry est son associé d’infortune dans une procédure ? Les plaignants lyonnais peuvent-ils alors constituer cette bulle de légalité que l’on peine à trouver ? La réversibilité de leur position en fait douter : le « demandeur » dans une affaire devient rapidement « défendeur » dans une autre. Ainsi Muguet, qui accuse Nanty en 1674 d’avoir contrefait les Œuvres de Madame de Villedieu dont il a obtenu le privilège, est-il accusé en 1677 pour une compilation de droit romain28. Sur quinze demandeurs lyonnais, douze sont aussi défendeurs. La contre-façon apparaît ainsi comme un phénomène généralisé, qui révèle une « cohorte contrefaiseuse », comme la nomme Baritel en 1702, cohorte dont on peut cerner les pratiques frauduleuses pour en comprendre l’organisation.
L’ART DE LA FRAUDE
Une affaire, où la justice réalise un beau coup de filet (seize personnes accusées, dont quatorze professionnels du livre) est susceptible d’éclairer le fonctionnement des ateliers lyonnais en réseau au bénéfice de la contre-façon29. Le 10 avril 1682, les gens de la sénéchaussée assistés du syndic des libraires (Barthélemy Rivière), avertis que quelques exemplaires d’une contre-façon de l’Histoire du calvinisme du P. Maimbourg (dont le privilège a été obtenu à Paris par Sébastien Cramoisy) se trouvent chez des relieurs, s’y rendent, vers les 9 heures du soir. En chemin, ils surprennent place des Jacobins deux jeunes gens portant des paquets, qui tentent de s’enfuir à leur vue. L’un réussit à s’échapper par une allée, l’autre est arrêté. Le compagnon transporte quatre-vingts cahiers de l’Histoire du calvinisme. Un peu plus tard, la visite du domicile du relieur Pierre Besson, à l’enseigne du Purgatoire rue Ferrandière, permet de saisir dix volumes de la même Histoire, en piteux état après que le relieur les eut jetés par la fenêtre dans la cour, ainsi que d’autres livres contrefaits (œuvres de Racine, Vaugelas, saint Augustin…) trouvés dans un cabinet à côté de la chambre, sous un lit et sous un matelas.
Un mois après, c’est le relieur Jacques Rivoiron qui tombe lors d’une nouvelle visite : il conservait dans un petit réduit de la cour et dans sa chambre trente volumes du P. Maimbourg. Les aveux des uns et des autres, rapides ou longuement différés, impliquent six imprimeurs (Jacques Faëton, Jean-Aimé Ollier, Antoine Laurens, Claude Galbit, Bailly et César Chappuis) et deux libraires (Claude-Charles Carteron et Claude Bachelu). Très vite se distinguent quelques personnes, dont le rôle a été primordial dans l’organisation : la femme du libraire Bachelu, Catherine Clément, qui aurait fait porter à Besson par sa servante les exemplaires à relier le 10 avril pour le lendemain 7 heures ; l’imprimeur Laurens qui aurait remis les livres à relier à Rivoiron le 4 mai entre 6 et 7 heures (alors que la procédure est engagée) pour le lendemain matin. La sénéchaussée ne s’en tient pas là. Elle ne peut se satisfaire des témoignages des relieurs et compagnons pour condamner les libraires et imprimeurs, alors que la preuve testimoniale n’est plus le mode probatoire dominant30. En l’absence de preuve écrite (imprimeurs et libraires prétendent ne faire entre eux que des conventions orales), il lui faut saisir des pièces à conviction chez les imprimeurs. Or la visite des ateliers ne révèle ni formes (châssis de fer contenant les caractères assemblés), ni feuilles, ni exemplaires contrefaits, le travail d’impression étant de toute évidence achevé. La justice s’oriente alors vers la vignette (un vase de fruits et de fleurs) qui a servi à décorer la première page de la contre-façon : elle ressemble à s’y méprendre à celle d’un autre ouvrage imprimé (avec privilège) par Laurens, le Catéchisme du Concile de Trente. Interrogé, Laurens allègue que la planche ne vient pas de son atelier, mais qu’elle lui a été prêtée par Claude Galbit, arguant qu’« il est ordinaire entre les imprimeurs de se prester les uns aux autres des planches des vignettes et des fleurons ». La procédure se poursuit sans apporter de nouveaux éléments à l’enquête.
Cette affaire (qui mobilise la justice pendant plus d’un an) autorise quelques remarques sur l’organisation des contrefacteurs. Les temps de la contre-façon ne sont pas ceux du livre licite. Pour contourner le travail des enquêteurs, il faut s’activer la nuit (les relieurs « pour s’empescher d’estre surpris usoient de cette precaution de ne travailler que la nuit31 »), et avec la plus grande célérité (l’ouvrage relié doit être rendu le lendemain au lever du jour) 32. L’espace de l’atelier est considérablement élargi : les volumes ou les feuilles sont cachés dans les chambres voisines et les magasins, voire dans les caves, greniers et logements voisins inoccupés. Les livres se nichent vers le lit, dessus, dessous, à la ruelle, ailleurs sous des hardes, d’autres fois encore en des emplacements plus insolites, dans une chambre, en haut de l’armoire, dissimulés sous des paniers, dans une cuisine avec la vaisselle, voire sous des fagots au fond d’une cave… La quantité d’exemplaires imprimés n’est pas connue pour l’Histoire du calvinisme. De manière générale, les tirages varient entre quelques centaines et deux mille cinq cents (le Nouveau Testament du P. Quesnel, assuré d’une large diffusion), chiffre qui excède le tirage moyen d’un succès littéraire de l’âge classique33. L’ouvrage, dans la présente affaire, est réalisé par plusieurs imprimeurs. C’est Laurens ou Galbit qui, semble-t-il, a fait imprimer la première page, laquelle comporte le fleuron et mentionne comme lieu d’impression Paris. La fausse adresse (ici, reprise de la ville d’origine) est un procédé couramment employé par les contrevenants34. Mais l’échange de matériel typographique, en l’occurrence la vignette, n’a rien d’anodin, contrairement à ce que prétend Laurens : on peut penser qu’il est destiné à allonger et compliquer les recherches, à brouiller les pistes (c’est la marque de Galbit, mais elle a déjà été utilisée par Laurens). Il montre en tout cas la connivence entre les imprimeurs. Une connivence qu’on voit également apparaître à travers le mode de répartition des cahiers : les imprimeurs semblent s’être partagé la confection du volume.
Cette division du travail entre plusieurs ateliers est attestée dans d’autres affaires. Quarante procédures mettent en cause au moins deux professionnels du livre35 : ce sont le plus souvent un imprimeur et un libraire, ou un imprimeur et un relieur. Mais dix procédures révèlent l’association frauduleuse de plusieurs imprimeurs, et six d’entre elles évoquent un partage de l’ouvrage contrefait. En 1694, la veuve Martin et Simon Potin ont démembré le Cantique des Cantiques et les Œuvres du chevalier Temple : la feuille Aa du Cantique, in-8°, est saisie chez Potin, avec le premier tome des Œuvres, in-12, et chez la veuve Martin la feuille de commencement et les feuilles A et D du même cantique, ainsi que le second tome des mêmes Œuvres36. En 1692, Chappuis et Canier se répartissent les Bons mots et bons contes de Callières : la première page aurait été imprimée par Canier, tandis que quatre feuilles – en train de sécher sur l’étendage – sont l’œuvre de Chappuis37. D’autres ateliers devaient encore procéder de la même manière, si l’on en croit le nombre de saisies mentionnant seulement quelques lettres de l’alphabet ou des « parties séparées » d’ouvrages (sachant que ces parties séparées peuvent également signifier que la contre-façon est en cours ou momentanément interrompue) : en 1696, on découvre ainsi chez Potin deux rames de feuilles marquées Fe, Ff, Gg, Hh, Ii, et Kk du second alphabet du second tome de La Vie de Guzman d’Alfarache, in-12, sans que l’on puisse mettre la main sur les feuilles précédentes38. S’il a l’avantage de la rapidité, ce procédé comporte plus de risques que l’impression par un seul imprimeur d’exemplaires entiers, puisqu’il multiplie les personnes susceptibles de commettre une faute.
Le partage des tâches et du matériel d’impression, de même que les caches dans l’atelier, font apparaître des contrefacteurs complices, travaillant de concert. C’est cette apparente cohésion qu’il faut à présent interroger. Les grands libraires parisiens se constituent en compagnies pour trente d’entre eux dès 1664 pour poursuivre à frais communs les procédures et dépêcher sur place des représentants39, officiellement investis d’un pouvoir d’enquête et de saisie par un arrêt de 166540. Comment les imprimeurs et libraires lyonnais s’organisent-ils ? Font-ils preuve d’une résistance ponctuelle ou mettent-ils en place un système d’entraide qui puisse faire pendant à la puissante « ligue » des Parisiens ?
UNE NÉCESSAIRE COHÉSION ?
Contre les monopoles, la cohésion semble se développer, non seulement entre contrefacteurs mais même dans tout le milieu de la librairie lyonnaise. Les interrogatoires des accusés, ainsi que les assemblées, règlements et correspondances fournissent du fait nombre d’indices. Découverts, marchands et maîtres taisent en général le nom de leurs affidés, lesquels restent, au moins un certain temps, des « inconnus ». Rares sont ceux qui, comme Pierre Besson, dévoilent leurs complices dès le premier interrogatoire. Et il faut préciser que Besson est relieur, en bout de chaîne, et ne joue pas un rôle très clair dans les affaires où il est mêlé. Dénonçant facilement, sans attendre d’assignation, il semble une exception dans un milieu où les contrefacteurs font de la rétention d’informations leur credo, sachant qu’ils y ont tout intérêt pour échapper à la sanction ou conserver leurs fournisseurs : le relieur Étienne Quemet, sur lequel ont été saisis trois titres contrefaits, nie encore un mois après que ce soit l’imprimeur Carteron le jeune, chez qui on a trouvé d’autres exemplaires, qui lui ait remis les volumes41. Interrogé le 12 août 1694, Jacques Faëton ne nomme pas ses complices, pas plus qu’en septembre, malgré la menace d’enlèvement de ses presses, et ce n’est qu’à la fin janvier, alors que l’on vient de saisir ses deux fontes pour les remettre au greffe, qu’il dénonce le libraire Bachelu42. Il faut donc attendre la menace de faillite pour que la cohésion du groupe de contrefacteurs se délite.
Plus étonnante, au vu des tensions entre compagnons et maîtres mises au jour par J. Roubert pour le XVIIe siècle43, la complicité qui lie les uns aux autres. Tous s’unissent pour masquer la contre-façon lors des visites du syndic et/ou de la sénéchaussée, cette dernière assistée, à partir des années 1670, des indéfectibles Parisiens. Occupés un instant auparavant à une contre-façon, les voici qui sont employés à une autre tâche, assemblant de nouveaux caractères pour imprimer des usuels, nettoyant une presse, rangeant le matériel d’imprimerie… Le syndic n’est pas dupe : en 1691, procédant à une visite des imprimeries, il trouve chez la veuve Moulu trois compagnons qui s’emploient l’un à imprimer des heures, l’autre des almanachs, le dernier à manier une casse sans avoir de copie devant lui, ce qui lui fait soupçonner la fraude. De retour à 10 heures du soir, il surprend les compagnons en pleine édition du Mercure historique44. Une fois découverts, compagnons et maîtres font cause commune, par le refus de répondre ou la violence à l’encontre des huissiers, greffiers et libraires privilégiés. Interrogés, ils nient tout, ne connaissent ni les cachettes, ni les noms des complices, et prétendent n’avoir pas su que les livres étaient contrefaits, voire s’interrogent sur la présence des contre-façons dans le domicile. Dans l’affaire de la contre-façon des Psaumes de David, ni le compagnon imprimeur d’Amy, ni sa femme, interrogés, ne désignent les magasins d’Amy45. La violence n’est pas exempte de leur arsenal de défense : en 1696, dans l’imprimerie de la veuve Ollier, Tenet, sa femme, un compagnon et une fille se jettent sur les pages dont le syndic veut faire une épreuve, les rompent et les mêlent, et « s’estant mis à crier aux voleurs », malmènent le syndic et ses adjoints, « ledit Tenet ayant mesme retenu le chapeau dudit Sr Certe qui ne luy a esté rendu que longtemps après en présence de plusieurs voisins par la femme dudit Tenet, qui se seroit servie en le luy donnant de ces termes injurieux (tiens chien de voleur voila ton chapeau) à quoy la susdite fille qui l’accompagnait a ajouté que nous estions tous des voleurs » 46.
Emprisonnés, les compagnons sont l’objet de toutes les attentions des maîtres et marchands encore dans l’ombre, qui les soutiennent en leur rendant visite dans les geôles lyonnaises, pour mettre au point un scénario plausible… ou monnayer leur silence. C’est ainsi que le compagnon de Claude-Charles Carteron, Barthélemy Blanc, surpris avec des exemplaires contrefaits de l’Histoire du calvinisme, explique tout d’abord au lieutenant général qu’il est soldat, tout juste enrôlé, et sans lien aucun avec le milieu des libraires, avant de revenir sur ses dires cinq jours plus tard et donner son « cursus » d’apprenti puis de compagnon (relieur puis libraire), sans toutefois avouer qui lui a donné les exemplaires (ce serait un homme inconnu). Ce n’est qu’un mois plus tard, le 12 mai, qu’il lâche des noms, ceux de son compatriote plus chanceux, Debart, qui a réussi à s’enfuir à la vue de la sénéchaussée, de son maître et du commanditaire, et qu’il avoue que la première version lui a été suggérée par son maître, lequel lui a envoyé sa fille avec des subsides en prison.
De manière générale, les compagnons ne paraissent pas profiter de leur savoir pour troubler la contre-façon, utile aux uns et aux autres. La lutte économique leur fait faire front commun. Les compagnons trouvent dans l’activité illicite travail et revenus (y compris les revenus subsidiaires que l’on ne connaît pas), peut-être également reconnaissance et repositionnement auprès du maître (il est frappant de constater que les compagnons mêlés à une contre-façon ouvrent ensuite rapidement boutique47). Lorsqu’ils sont condamnés, c’est à des sommes modiques, loin des lourdes amendes qui frappent leurs maîtres : ainsi, en 1683 le compagnon libraire Debart est condamné à 3 livres d’amende, alors que son maître est frappé de plein fouet (3000 livres d’amende et bannissement pour six mois).
Il semble que cette solidarité dépasse les cercles étroits des contrefacteurs pour intéresser le monde du livre dans son ensemble. Des aides peuvent apparaître de manière ponctuelle. C’est encore un compagnon, Marcelin Sibert, qui joue en 1692 un rôle déterminant pour empêcher la saisie de formes chez Chappuis, alors qu’il n’est pas employé dans cette imprimerie, mais dans celle de Jean Coutavoz. Il « heurte » malencontreusement ou « se jette » (selon les versions) sur le crocheteur qui rapporte les formes saisies chez Chappuis au greffe, dans le but de faire disparaître la pièce à conviction en la projetant dans l’eau (l’affaire se passe sur un pont) 48. Solidarité entre imprimeurs ? Ou acte commandité par Coutavoz, qui serait impliqué lui aussi dans la contre-façon ? Que penser encore du libraire Anisson qui empêche la saisie des presses de Faëton en 1695, alléguant qu’il est son créancier pour des sommes importantes, et fait en sorte qu’elles soient placées chez Laurens (où l’on apprend un peu plus tard que la contre-façon continue) ? C’est sur la cohésion de tous les gens du livre lyonnais qu’il faut donc à présent s’arrêter.
RÉSISTANCES DANS LE MONDE DU LIVRE LYONNAIS
Libraires et imprimeurs font corps à plusieurs reprises contre les Parisiens, en s’associant pour tenter de modifier le régime des privilèges qui les pénalise. Ils engagent un certain nombre d’actions concertées. Dès 1661, et de nouveau en 1664, les libraires de Lyon offrent à la communauté rouennaise, autre victime des continuations de privilèges, de s’allier avec eux dans les procès qui les opposent aux Parisiens, proposition que les Rouennais acceptent49. Vers 1686, au moment où les professions se réorganisent, libraires et imprimeurs lyonnais proposent de nouveaux règlements, que l’on connaît par la virulente réplique des Parisiens. Entre autres articles, les Parisiens dénoncent ceux qui concernent l’obligation de commencer un livre tout de suite et sans discontinuer après l’obtention du privilège (article 23), la suppression des continuations de privilèges (article 24), l’enregistrement et la signification des privilèges sur le « livre de la communauté » de Lyon (article 28) 50. Libraires et imprimeurs de Lyon continuent par la suite à tenir des assemblées communes pour décider des actions à mener. En 1692, ils élisent un des leurs, Pierre Bailly, et l’envoient à Paris « faire connaître à monseigneur le chancelier et autres le bon droit de l’une et de l’autre des compagnies, soit pour de nouveaux règlements soit pour d’autres affaires » 51. En 1702, la communauté fait une requête auprès des maîtres des requêtes de l’Hôtel et du consulat lyonnais, contre les privilèges obtenus par divers imprimeurs et libraires de Paris pour la réimpression de livres anciens52.
Les arguments employés lors de telles actions sont complexes, et certains retournements de sentences traduisent bien la difficulté à se mouvoir dans une législation récente, dont l’interprétation se précise au fil des décisions judiciaires. On les trouve exposés dans les mémoires et les arrêts. Les gens du livre lyonnais s’appuient pour contester les privilèges et les continuations de privilèges, outre sur des arguments moraux, sur les arrêts et les rares précédents qui leur sont favorables : certains points des statuts de 1618, et les arrêts des 20 septembre 165753 et 27 février 1665 émanant du Parlement de Paris et du Conseil d’État. Ainsi, Claude Bachelu, poursuivi par les marchands libraires de Paris Guillaume de Luyne, Jean Cochard, Claude Barbin, Étienne Loyson, Jean-Baptiste Coignard et Charles Osmont, argue-t-il qu’il peut imprimer les Métamorphoses d’Ovide, puisque les libraires parisiens auraient dû, en vertu de l’arrêt de février 1665, réimprimer cet ouvrage dans les six mois suivant l’obtention de leur continuation de privilège54, ce qu’ils n’ont pas fait. En 1697, les Lyonnais (Certe, Briasson) s’appuient sur le même arrêt, qui oblige les privilégiés à se pourvoir un an avant l’expiration des lettres de privilège s’ils en demandent une continuation et à faire signifier les lettres de privilège au syndic de Lyon, tandis que les demandeurs parisiens disent que c’est le seul arrêt faisant mention de telles obligations et qu’il n’a jamais eu d’exécution55 : ils peuvent citer les nombreux précédents condamnant les libraires ayant « surpris des privilèges ». Enfin, les Lyonnais soutiennent, dans le cas des petits livrets et usuels, que les permissions ne sont pas nécessaires56 et, pour les autres ouvrages, se prévalent de permissions obtenues d’autorités locales telles que le vicaire ou le lieutenant général de Lyon – sans que ce dernier argument trouve, semble-t-il, aucun écho. Ils convoquent également la responsabilité du syndic, qui ne leur a pas signifié l’existence d’une continuation de privilège (le syndic, s’abritant derrière l’arrêt de 1665, a beau jeu d’alléguer que la continuation n’a pas été enregistrée à Lyon).
Un autre élément de la cohésion des gens du livre réside en effet dans la (relative) bienveillance du syndic, prompt à fermer l’œil sur les contre-façons, en particulier sur celles des privilèges parisiens. C’est surtout dans cette résistance quotidienne que s’exprime la solidarité du groupe, vu les échecs répétés des actions menées de concert. L’intendant Lambert d’Herbigny écrit en 1696 qu’on ne peut compter ni sur l’exactitude, ni sur la fidélité des représentants de la communauté57. Parfois eux-mêmes impliqués dans la contre-façon, les professionnels ont un intérêt évident à soutenir l’absence de continuations de privilèges pour se lancer dans l’impression sans être inquiétés : en 1697, Plaignard et Certe, adjoints du syndic, contrefont ainsi les Essais de morale, avant d’être poursuivis par le libraire parisien privilégié. Et c’est comme des mascarades que le libraire Hilaire Baritel décrit en 1702 les visites de ces responsables dans les imprimeries. Il est certain que très peu de ces visites (sept) donnent lieu à des saisies alors qu’elles doivent avoir lieu en principe tous les trois mois, et, lorsqu’il y a saisie, la récolte est maigre. Par ailleurs, plusieurs fois, des livres sont notés comme suspects sans qu’une information soit apparemment engagée. Les visites se déroulent-elles sur le modèle de celle de 1691, qui met au jour chez la veuve Moulu des formes du Mercure historique et politique sans que ni la sénéchaussée ni le député parisien sur place ne soient informés du procès-verbal (on tenterait alors de doubler les Parisiens pour régler les choses entre Lyonnais) ? 58 Ou sur le mode de celle de César Chappuis en 1696, où le syndic assisté d’un huissier, se révèle d’une compétence douteuse : découvrant sur des « étandages de ladite imprimerie environ deux rames de papier imprimé d’un livre qui a pour titre Histoire abrégée du jansénisme », il ne peut en saisir ni en parapher plus d’une, car
pendant que lesdits sieurs sindicq et adjoints continuent ladite recherche, les enfants et compagnion dudit Chappuis ont enlevé lesdites feuilles qui estoient sur les estandages [et] il a esté du tout impossible de les pouvoir trouver quelques recherches qu’on ayt pu faire à la réserve néantmoins d’une feuille dudit livre qu’on a trouvé a costé d’une desdites presses marquées à la lettre J …?59
Le faible nombre de livres saisis à la chambre syndicale renforce cette impression de laxisme (une fois seulement, la chambre syndicale arrête les livres de retour de la foire de Beaucaire à l’adresse de la veuve Desgranges). En 1674, l’obstruction du syndic éclate au grand jour : prévenus d’une saisie faite place du Plâtre sur un voiturier (à la requête du libraire parisien P. Renaud), Comba et Cellier refusent de s’y rendre, même après sommation directe de l’huissier (Comba dit qu’il n’est pas « un valet »). De retour sur la place, l’huissier constate qu’on a subtilisé la balle de livres suspects60. Bien sûr, le rôle des représentants est fonction des personnalités en place, et certains, comme Barthélemy Rivière61, en charge en 1682, qui remonte toute la filière de l’Histoire du calvinisme, semblent plus zélés que d’autres. Ils restent pourtant une minorité dans un milieu soudé dans ses pratiques de résistance.
RÉSEAUX DE SOUTIENS ET DE PROTECTIONS
La chaîne de la contre-façon ne s’arrête pas au monde des libraires et imprimeurs. Bien d’autres activités périphériques sont nécessaires pour mener à bien la fabrication et l’écoulement des livres illicites, qui engagent un nombre considérable de personnes, des plus humbles aux plus puissantes.
Les autorités présentes en ville ne sont pas indifférentes aux malheurs affichés par les gens du livre, même s’il est difficile de connaître le degré de leur implication. À diverses reprises et à divers titres, la sénéchaussée, le consulat et l’intendant interviennent pour défendre les libraires et imprimeurs en mauvaise posture, voire faciliter le commerce du livre illicite. La sénéchaussée agit en leur faveur à plusieurs niveaux, et d’abord, en accordant des permissions d’imprimer. Elle est tenue depuis 1667 d’inspecter les imprimeries tous les trois mois, de dresser un mémoire des livres qui s’impriment pour l’envoyer à Paris62 et d’accompagner le syndic lyonnais ou le représentant parisien lors de leurs saisies. Pourtant, elle ne contrôle guère, si l’on en croit l’intendant d’Herbigny, qui oppose sa propre honnêteté à celle du lieutenant général63, ou encore le libraire lyonnais Baritel, plein de fiel envers la justice lyonnaise64. Il faut nuancer toutefois leurs propos : la sénéchaussée est trop souvent molestée lors des visites pour être réellement inoffensive.
Le fait que les contrevenants tentent de circonscrire le procès à cette juridiction montre qu’elle leur est plus favorable que d’autres65. Le consulat aussi est sensible à la cause lyonnaise (d’autant que certains libraires ont intégré le corps municipal et y font valoir leurs intérêts66). Défendant les intérêts économiques de la ville, il soutient l’édition locale par une politique de gratification aux auteurs lyonnais67. Lors des démêlés avec les libraires parisiens, il peut également apporter son aide. Les libraires lyonnais Claude Prost, Jean Radisson, Guillaume Barbier, Jean Girin et François Comba obtiennent ainsi son appui en 1661, dans une affaire de contestation du privilège de Cramoisy pour les Œuvres de saint Augustin : le Consulat charge
Me Philibert Chibert procureur de ceste ville en ladite Cour de former pour nous & en notre nom intervention et par les moyens susdits et autres qui seront desduitz et proposez par lesdits Prost et consors conclure a ce qu’il soit remis ausdits libraires de ceste ville de faire imprimer toute sorte de livres vieux et nouveaux apres que le premier privillege est expiré…68
L’intendant aussi se montre favorable aux lyonnais. Selon Jean-Baptiste Barbier, Bérulle prêterait en 1691 une oreille complaisante aux plaintes de Horace Molin, au point que les Parisiens feraient tout pour se rallier une telle puissance69. En 1698, d’Herbigny explicite et d’une certaine manière légitime la pratique de la contre-façon70. Enfin, des personnalités, comme le Père La Chaize, confesseur du roi et ancien recteur du collège de Lyon, protègent épisodiquement certains libraires.
LA CHAÎNE DE LA CONTRE-FAÇON
Bénéficiant de la bienveillance des autorités locales, les contrefacteurs s’appuient encore sur nombre d’agents, qui interviennent à divers moments, de la commande à la vente, en passant par l’écriture, la correction, le recel et le transport des livres. Les auteurs des livres sans privilège sont mal connus. Se recrutent-ils dans le milieu très actif des enseignants du Collège de la Trinité ? Selon l’étude de S. Van Damme, les jésuites de la Trinité sont un pôle important de l’édition lyonnaise71, et l’on peut penser que certains religieux se prêtent aux sollicitations des libraires, malgré le renforcement de la censure à l’intérieur de l’ordre à partir de 1652 (aux censeurs romains viennent s’adjoindre des censeurs provinciaux). En 1702, Baritel dénonce en tout cas le P. Cointière, jésuite, qui aurait composé pendant six ou sept ans le Mercure historique et politique, livre défendu débité chez Guerrier. La tâche de correcteur occupe les gens du livre, mais aussi quelques particuliers qui se trouvent souvent établis à proximité des boutiques des libraires, rue Mercière : le sieur Mathilicon se dit tantôt docteur en théologie et en droit canon, tantôt sans profession et nourri par son père marchand de dentelles. Il loge rue Mercière. Le sieur du Rozet, professeur de langue et traducteur, accusé d’avoir corrigé le Nouveau Testament du P. Quesnel pour Jacques Faëton, demeure dans la même maison que l’imprimeur, au premier étage72. Lorsqu’ils ne sont pas imprimés à Lyon, les ouvrages viennent, selon les rares indications des procès, d’Amsterdam (Elzevier), Genève, Cologne (Metternich), Toulouse (Colomies), Grenoble (Nicolas), Trévoux, Rouen, sachant qu’on n’a là, bien sûr, que les fournisseurs découverts – d’autres villes devaient jouer un rôle important73.
Le transport des contre-façons est assuré pour les courts trajets à l’intérieur de la ville par les gens du livre ou par les portefaix, crocheteurs, affaneurs et autres, dont le métier sans qualification consiste à porter les paquets d’un point à un autre. Lorsqu’il s’agit de débiter les livres à l’extérieur, les voituriers, muletiers, et charretiers se chargent des balles. Leur arrestation donne rarement lieu à des poursuites chez les libraires et imprimeurs : en 1690, le nommé Debert nie être encore voiturier, il se serait reconverti dans le commerce de savons, huiles et autres marchandises et se dit le premier étonné d’avoir reçu une balle d’ouvrages contrefaits74. Le transport se fait également par voie d’eau, comme le montre la saisie, au bureau du coche d’eau, de trois coffres de livres défendus en 167475. Des particuliers peuvent enfin assurer le passage des livres.
La vente des livres se fait moins dans l’espace officiel des boutiques des libraires, imprimeurs et relieurs que dans les lieux de passage, sur les étals des merciers du pont de Saône et dans la rue, où officient colporteurs et revendeurs improvisés, d’après les quelques mentions des procès. On voit ainsi des merciers vendre la production contrefaite des imprimeurs Germain Nanty et Esprit Vitalis en 1674 : établis sur le pont de Saône, Jacques Destouches et Étienne Loubet se voient saisir des dizaines d’ouvrages contrefaits et défendus76. Le colporteur Barton revend, en 1696, des livres défendus, en particulier les Testaments politiques de Richelieu, Mazarin, Louvois, Colbert dont la plupart sont dits « imprimés en cette ville » 77. Quelques immigrants, fraîchement débarqués à Lyon et sans profession, complètent la liste : François Ferlat natif de Belley, logé chez un voiturier, et Monier, du pays de Savoie, se font prendre en proposant les Lettres de Sa Majesté à Monsieur le Cardinal d’Estrées du 6 septembre 1688, dont ils ont acheté quelques exemplaires (cinq sous l’exemplaire) à Vitalis. Sans travail stable, prêts à risquer leurs (maigres) capitaux pour des gains non négligeables78, ils sont une main-d’œuvre toute trouvée pour écouler la marchandise rapidement (Ferlat a vendu quatre exemplaires dans l’après-midi). Arrêtés, tous ces revendeurs se protègent derrière leur analphabétisme qui, disent-ils, ne leur permet pas de distinguer les mauvais livres des bons : Loubet reprend même par deux fois l’argument dans son interrogatoire (« il ne scait pas sy les livres qu’il a vendus estoient deffendus ou contre-faits car il ne sait ny lire ni escripre », et « il vend ses livres comme de la quincaillerie ne scachant ny lire ni escripre ») 79. La stratégie semble payante : seule perte notable, celle de la marchandise.
SOLIDARITÉS PROCHES, SOLIDARITÉS LOINTAINES
Restent tous les intermédiaires qui, sans en faire leur métier, rendent possible la contre-façon. Les soutiens familiaux sont les plus évidents. Les femmes des libraires et imprimeurs sont très impliquées dans la contre-façon, elles transportent les livres, retardent les visites du syndic, voire prennent la tête des séditions contre les gens de justice et les Parisiens. La femme de Binet en 1693 se « seroit jettée » sur le sergent royal pour rompre la forme, la femme de Vignieu en 1694 arrache les feuilles des mains de Pralard fils et parvient à en déchirer une partie…80 Elles protègent la retraite de leur mari (il est à l’église, à la campagne, absent sans que l’on connaisse le lieu ni la date de son retour). Plus largement, toute la parentèle est mobilisée, pour assurer le transport, abriter les contre-façons (le frère de la veuve Chavance conserve ses livres, de même que la sœur d’Étienne Seignoret, ce qu’ils s’empressent de notifier au moment où le réseau tombe), ou suggérer un alibi (Carteron parce qu’il a un parent officier souffle à son compagnon emprisonné de taire sa profession et de dire qu’il s’est enrôlé dans l’armée81).
Le voisinage joue également son rôle. Il est probable qu’il soit une précieuse source d’information pour les plaignants, mais les sources ne révèlent que ses engagements en faveur des contrevenants. Au courant de la contre-façon dans une société où rien ne peut se cacher longtemps, les voisins peuvent y participer passivement ou plus activement. Lors de la visite chez Claude Moulu, en 1696, tout l’immeuble semble se délecter d’une situation fort embarrassante pour le syndic et ses adjoints : Moulu ayant rencontré inopinément les représentants de la communauté place des Jacobins,
craignant qu’ils n’allassent chez luy, s’est mis a courre de touttes ses forces du costé de son domicile qui est rue du Plat d’argent, et (…) leur ayant donné un juste soubçon contre luy de quelques contraventions (…) ils l’auroient suivit aussy promptement qu’il leur a esté possible, ils n’auroient pu entrer chez lui sur le champ ledit Moulu ayant fermé la porte de l’alée sistot à son arrivé ce qui les a obligez d’heurter à icelle plusieurs fois sans que ledit Moulu qui demeure au premier étage sur le devant ni aucun voisins quoy qu’ils fussent tous aux fenestres ayent voulu ouvrir quelques interpellations qui leur ayent esté faites leur ayant aparemment esté deffendu par ledit Moulu…82
Plus tard, le syndic découvre des feuilles des Souffrances de Jésus au troisième étage, chez un maître satinaire qui les a recueillies pendant qu’il attendait dans l’allée.
Au-delà du voisinage proche, c’est tout un quartier qui abrite les livres contrefaits. De nombreux dépôts sont découverts vers 1690 chez des particuliers rue Mercière, rue Neuve, rue Tupin, place Confort, rue Thomassin, rue Bourgchanin, et bien sûr dans les couvents des Jacobins et des Cordeliers, c’est-à-dire dans un périmètre compris entre la place Bellecour et la place des Terreaux, là où sont établis tous les libraires, imprimeurs et relieurs. Il semble que l’heure ne soit pas encore venue des dépôts dans les faubourgs, en tout cas aucun n’y est découvert au moment le plus fort des recherches. On reste dans le quartier de la fabrication et de la vente. Les bailleurs et dépositaires interrogés (tailleurs, chirurgiens, boulangers, moines …) sont des tombes. Ils ne révèlent qu’à de rares exceptions le nom des contrefacteurs, et ne savent jamais à qui sont loués la chambre, le bas ou le magasin remplis de contre-façons. Le gardien du couvent des Jacobins est particulièrement récalcitrant face aux perquisitions (il refuse de montrer les magasins) et totalement amnésique : on ne connaîtra les noms des libraires que quatre ans après le début de la procédure, alors que les religieux sont menacés d’être considérés comme propriétaires des livres…83
Enfin la contre-façon ne pourrait fonctionner sans les clients, qui élargissent considérablement l’espace de la contrebande. Les archives judiciaires révèlent quelques noms de libraires, de la ville mais aussi de la région : libraires de Grenoble (Giroud, impliqué deux fois, Champs, Nicolas), de Besançon (Rigoine), de Chalons (Baudrand, un ancien Lyonnais), de Chambéry (Gaillard), qui se sont fait prendre à la douane avec leur cargaison illicite, voire libraires de Paris. Il est plus difficile d’impliquer les particuliers dans les réseaux, dans la mesure où on ne sait pas s’ils sont conscients d’acheter une contre-façon. Si l’innocence clamée par certains ne prête guère au doute, elle est pour d’autres sujette à caution. Certains religieux lyonnais connaissent de toute évidence les lieux où acheter les livres défendus et contrefaits, et en informent leurs correspondants qui leur passent commande. Dans sa lettre du 23 juillet 1683, le Cordelier lucquois Cenamy se plaint de la lenteur de ses « nepveux Religieux auxquels j’avois tant raccomandé ces Livres » (en partie les œuvres du P. Maimbourg) 84. Les Décisions des matières qui regardent les curés, vendues par Certe et Muguet à bas prix (cinq sous l’exemplaire relié), trouvent vite leur clientèle, à Lyon et dans la généralité (un prêtre stéphanois en fait commande à deux reprises). Les clients ne courent en tout cas guère de risques en faisant leurs acquisitions : main levée leur est souvent accordée sur les livres saisis, et les poursuites restent exceptionnelles, comme le rappelle encore Malesherbes quelques décennies plus tard dans une lettre au lieutenant général de police de Verdun, l’invitant à la clémence :
il y a une grande difference entre un libraire qui a des livres en magasin pour en faire concurrence et un particulier qui a un cabinet pour son uzage…85
En conclusion, il faut interroger la durée d’un tel système. Quelque trente ans après ses débuts massifs, la contre-façon mobilise-t-elle les mêmes solidarités, engage-t-elle les mêmes pratiques de résistance aux perquisitions et saisies ? Si, vers 1660, les gens du livre lyonnais semblent bien faire corps contre Paris, au point que peut émerger un certain localisme, leur cohésion s’effrite à la fin du siècle. Les indices d’un affaiblissement de la lutte concertée contre les Parisiens et d’une aggravation des concurrences internes se multiplient. Le contrôle du syndic se renforce86 : s’il ne découvre que sept fois des contre-façons lors de ses visites régulières, six de ses découvertes se situent entre 1694 et 1699. La cause de ce regain d’activité est peut-être à rechercher dans un changement global d’orientation : les responsables ne sont plus, après 1695, des libraires d’importance variée, mais de grands libraires (J. Arnaud, puis J. Anisson, frère du directeur de l’Imprimerie Royale) 87.
Le nombre de procès intentés par des Lyonnais grossit également : alors que les plaignants étaient massivement parisiens entre 1650 et 1689 (seulement huit affaires engagées par des Lyonnais, dont une seule dans la décennie 1680, sans compter le syndic), ils sont un nombre non négligeable de Lyonnais dans la décennie 1690 (neuf ). Le consensus a fait long feu : on n’hésite plus ni à contrefaire les confrères de la ville, ni à porter l’affaire devant la justice. Les associations entre Lyonnais et Parisiens, qui se dissimulaient encore vers 1680 (Rivière accusé, dans l’affaire de l’Histoire du calvinisme, de fomenter un complot avec Cramoisy contre les Lyonnais emprisonnés, nie violemment), deviennent plus franches, voire s’étalent au grand jour (au moins trois alliances « officielles » entre 1692 et 1698 pour rechercher des contre-façons, contre une dans les quarante années qui précèdent). Les informations filtrent : Baritel et Amaulry (transfuge parisien il est vrai88), à la recherche de livres contrefaits dont ils ont le privilège, découvrent d’autres faits de contre-façon chez Chappuis en 1692 et le notifient à Thierry et Desprez, qui en sont victimes et saisissent89. Dans le même temps, le nombre d’affaires impliquant plus de deux professionnels du livre se raréfie : quatorze dans la décennie 1690 – alors que la moitié des procédures (cinquante-cinq) ont lieu pendant ces dix années –, contre vingt-six pour la période 1650-1689. Et les réseaux les plus actifs, témoignant d’une organisation à grande échelle, sont démantelés en 1671, 1674 et 168290 : les enquêteurs ne découvrent plus d’associations aux ramifications étendues à la fin du siècle. Enfin, les libraires lyonnais se dénoncent plus rapidement, voire se défaussent sur leurs confrères : en 1697, dans les mémoires des libraires parisiens sur la contre-façon de six ouvrages, on apprend que Certe tente de se défausser sur Briasson pour les Essais de morale, et Briasson sur Bachelu pour le Directeur spirituel91. Certains profitent même de la vague de procès pour brandir le spectre de la contre-façon et faire saisir des exemplaires chez leurs concurrents : Laurent Bachelu s’en prend ainsi à Horace Molin en 1698, alors que ce dernier ne fait que de la concurrence déloyale92.
Le contexte n’est plus favorable à la contre-façon, ou la rend plus difficile. L’acharnement des Parisiens redouble (vu le nombre élevé de procédures pour les années 1690) et porte ses fruits, le fonctionnement de leurs réseaux d’informateurs et d’espions étant apparemment bien rodé. Cette ardeur est attestée par une lettre d’André Canier au libraire grenoblois Giroud au début 169593 :
Monsieur,
Il y a quelques temps que je receus une de vos lettres par laquelle vous me demandez des Stile de Gauret et des Boileaux, il y a longtemps qu’ils sont achevez, mais je n’en ay point encore distribué, à cause des poursuites que Mr Pralard faisoit à ses sortes de livres, il s’est un peu modéré depuis quelques temps, c’est pourquoy je prens la liberté de vous offrir de ces deux livres, quoyque toûjours tant secrettement que faire se pourra…
Ce bel optimisme contribue à perdre l’imprimeur, chez qui on saisit quelques mois plus tard non seulement les deux titres offerts (quatre cents exemplaires achevés) mais encore seize autres en cours d’impression94. L’accalmie n’est pas dans l’air du temps. Il y a non seulement durcissement des attaques des Parisiens dans cette dernière décennie, mais encore réorientation des priorités. Les imprimeries sont moins visitées que les entrepôts et magasins (dix-sept affaires où la saisie dans un entrepôt prélude au procès95). La chasse aux contre-façons est menée par André Pralard, député des libraires parisiens, qui place, semble-t-il, des espions devant certains bâtiments suspects (les couvents sont notamment l’objet de toutes ses attentions96) et se révèle particulièrement doué pour découvrir les plus ingénieuses des cachettes : il flaire des livres jusque dans les cercueils du couvent des Cordeliers97. Ce qui importe, c’est la saisie massive, qui permet aux Parisiens des gains considérables, puisque les exemplaires confisqués, s’il ne s’agit pas de livres défendus (et donc mis au pilon), sont remis aux libraires privilégiés, y compris les livres reconnus après expertise imprimés avec privilège, et qui leur sont attribués à titre de dommages et intérêts. Ainsi, les années 1690 voient les plus belles prises : plus de quatorze mille exemplaires contrefaits et interdits sont découverts chez les Cordeliers en 1694, plus de huit mille dans le magasin de Martin chez les Jacobins en 1691, plus de sept mille la même année dans un bas loué par un chirurgien à un « homme à luy inconnu », environ six mille sept cents chez les Jacobins en 1694…98 Les pertes économiques sont énormes pour les Lyonnais saisis à la fin du XVIIe siècle. Parallèlement, les sanctions deviennent plus lourdes. Certaines presses et du matériel d’imprimerie sont enlevés (chez Moulu en 1696, chez Chappuis en 1698), et c’est en 1692 qu’est infligée la plus lourde amende de ce demi-siècle : Briasson écope de 6000 livres pour avoir « facilité le débit de livres contrefaits »… 99
L’entente entre gens du livre lyonnais est ainsi mise à rude épreuve. D’autres solidarités que locales peuvent prévaloir : entre libraires privilégiés (lyonnais et parisiens) victimes de contre-façons lyonnaises, entre gens d’une même profession (libraires contre imprimeurs), entre maîtres contre des compagnons trop vite émancipés (le compagnon Joseph Chastaigner est poursuivi pour avoir voulu contrefaire un almanach de Milan100)… La contre-façon est moins rentable, d’autres stratégies plus payantes se mettent en place pour ceux qui en ont les moyens. Les libraires lyonnais les plus importants paraissent abandonner la contre-façon, ou bien ils jouissent de protections suffisantes pour s’y livrer en sûreté et ne plus apparaître dans les procès. Ils négocient fréquemment à la fin du siècle avec les Parisiens pour la cession et surtout le partage de privilèges, comme, d’après le répertoire de M.-A. Merland, T. Amaulry, F. Barbier, L. Bachelu, E. et H. Baritel, J.-B. Deville, entre autres. Ils bénéficient de la manne d’un Amaulry, lequel préfère associer à l’impression des confrères lyonnais (H. Baritel, J. Guerrier, C. Bachelu et B. Vignieu) plutôt que de voir contrefaire ses éditions. Les anciennes stratégies d’alliance, de peu de rapport, sont dévalorisées. En 1691, Jean-Baptiste Barbier écrit de Paris (où il tente de s’accommoder avec les libraires parisiens pour la saisie de contre-façons) à son associé Molin, resté à Lyon, de ne plus perdre son temps dans les assemblées de libraires, à tout point de vue inutiles101.
Dans cette perspective, les invectives de Hilaire Baritel en 1702 contre ses confrères lyonnais (quasiment tous corrompus) ne seraient pas tant l’œuvre d’un libraire honnête, qui ne supporte plus les accrocs faits aux privilèges (il a lui-même été inquiété dans trois affaires de contre-façon), que le reflet de la déliquescence de la cohésion lyonnaise, et de la reconversion vers des activités moins risquées, qui profitent aux imprimeurs-libraires. Les petits imprimeurs sont en effet les principales victimes dans le processus de concentration désormais engagé. Leurs fréquentes rébellions face à la sénéchaussée et au syndic en fin de siècle montrent bien qu’ils ne se sentent plus couverts. En 1696, une « fille » employée chez la veuve Ollier accuse le syndic de vouloir « tout enlever comme [il a] fait chez son frère Moulu » dans l’imprimerie. On sent la révolte monter chez les petits imprimeurs, qui se plaignent d’être trop souvent sur la sellette et appréhendent justement d’être relégués au rang de sous-traitants des Parisiens102.
Le monde du livre encore décrit en 1698 par l’intendant d’Herbigny comme uni dans le malheur et tout entier poussé par la nécessité à la contre-façon (« les imprimeurs et libraires de Lyon sont dans une espece de necessité de contrefaire les livres de Paris, et de pratiquer les contraventions, qu’on leur reproche, et sans lesquelles ils mourroient de faim » 103) semble en réalité profondément divisé. Les efforts conjoints du pouvoir royal, des grands libraires dont les intérêts économiques transcendent les clivages géographiques, et des groupements intermédiaires comme le syndic, remodelé vers 1695, mettent à mal la solidarité contre l’accaparement des privilèges. Bien organisée, la répression commence à être efficace. Elle a de belles années devant elle104.
Libraires et imprimeurs lyonnais impliqués dans la contre-façon (1650-1700)
Libraires et imprimeurs (marchands et maîtres) | Procédures | Procédures où plus de 5 professionnels du livre sont impliqués | Dates | Procédures ayant donné lieu à saisie(s) | Condamnations | Acquittements |
Amaulry Thomas | 2 | 1 | 1679-94 | |||
Amy Charles | 1 | 1 | 1689 | 1 | ||
André Pierre | 1 | 1664 | 1 | 1 | ||
Anisson | 1 | 1 | 1679 | |||
Bachelu Claude | 11 | 2 | 1682-97 | 3 | ||
Bachelu Laurent | 1 | 1 | 1700 | |||
Bailly Benoît | 1 | 1 | 1682 | |||
Bailly | 1 | 1 | 1659 | 1 | ||
Barbier Guillaume | 1 | 1 | 1664 | |||
Barbier | 1 | 1 | 1671 | 1 | ||
Baritel Antoinette vve Guillimin J.-B. | 2 | 1694-98 | 1 | 1 | ||
Baritel Étienne | 1 | 1685 | 1 | |||
Baritel Hilaire | 3 | 1 | 1685-1700 | 1 | ||
Bellot Hugues | 1 | 1683 | ||||
Binet Jean | 1 | 1692 | 1 | |||
Blanc Gabriel | 2 | 1 | 1673-74 | 1 | 1 | |
Blanc Gabriel | 1 | 1 | 1674 | 1 | ||
Boudet Antoine | 1 | 1 | 1697 | |||
Boutard Marie vve Carteron | 1 | 1 | 1666 | 1 | ||
Boutière François | 1 | 1665 | 1 | |||
Briasson Antoine | 3 | 1 | 1692-1700 | 1 | ||
Bruizet Antoine | 1 | 1700 | ||||
Bruyère Jean | 1 | 1683 | 1 | |||
Canier André | 2 | 1692-95 | 1 | |||
Canier Jacques | 1 | 1665 | 1 | 1 | ||
Carteron | 2 | 1685-94 | 1 | |||
Carteron Claude-Charles | 1 | 1 | 1682 | 1 | ||
Carteron Antoinette vve Beaujolin | 1 | 1694 | 1 | |||
Carteron Jean | 1 | 1 | 1666 | |||
Certe Jean | 6 | 1 | 1677-97 | 1 | 2 | |
Chappuis César | 4 | 2 | 1682-98 | 3 | 2 | |
Chaunod Guillaume | 1 | 1 | 1659 | |||
Comba François | 1 | 1 | 1664 | |||
Compagnon Pierre | 1 | 1665 | 1 | 1 | ||
Coutavoz Jean | 3 | 1 | 1693-99 | 3 | ||
Delagarde Jérôme | 2 | 1660-62 | 1 | 1 | ||
Delaroche Claude | 3 | 1683-94 | 2 | 1 | ||
Demen Adam | 2 | 1674-83 | 1 | |||
Desgranges veuve | 1 | 1696 | 1 | |||
Drevon Philibert | 5 | 2 | 1687-94 | 4 | ||
Faëton Jacques | 3 | 1 | 1673-95 | 1 | 1 | |
Fourmi | 1 | 1669 | 1 | |||
Galbit Claude | 1 | 1 | 1682 | |||
Gay Nicolas | 1 | 1 | 1659 | 1 | 1 | |
Gayet Daniel | 3 | 1665-75 | 3 | 2 | 1 | |
Girin Jean | 3 | 2 | 1664-79 | 2 | 1 | |
Girin Jean-Baptiste | 1 | 1 | 1691 | 1 | ||
Goy Jean | 1 | 1 | 1666 | 1 | ||
Goy Michel | 1 | 1694 | 1 | |||
Grégoire Jean | 2 | 1 | 1664-66 | 1 | ||
Guerrier Jacques | 4 | 1 | 1679-1700 | |||
Guillimin Pierre | 1 | 1665 | 1 | 1 | ||
Huguetan Jean-Antoine | 4 | 2 | 1659-71 | 3 | 3 | 1 |
Jullieron Antoine | 1 | 1673 | 1 | |||
Justet Jacques | 2 | 1 | 1659-65 | 1 | 1 | |
La Rivière Claude | 1 | 1 | 1666 | 1 | ||
Laurens André | 1 | 1693 | 1 | |||
Laurens Antoine | 2 | 1 | 1682-93 | 2 | ||
Lions Jacques | 2 | 1698-1700 | ||||
Lions Virginie vve Chavance Claude | 1 | 1690 | 1 | |||
Martin Barthélemy | 2 | 1 | 1694-98 | 1 | ||
Martin Jean-Mathieu | 1 | 1 | 1689 | 1 | ||
Martin vve | 2 | 1 | 1694 | 1 | ||
Mathevet Charles | 2 | 1 | 1659-65 | 2 | 2 | |
Meton Laurent | 1 | 1665 | 1 | 1 | ||
Molin | 1 | 1674 | 1 | |||
Molin André | 1 | 1676 | ||||
Molin Antoine | 1 | 1665 | 1 | |||
Molin Horace | 3 | 1689-98 ? | 1 | 1 | ||
Molin Jean | 2 | 1676-81 | ||||
Moulu Claude | 3 | 1687-96 | 3 | 3 | ||
Muguet | 1 | 1677 | ||||
Nanty Germain | 1 | 1 | 1674 | 1 | ||
Ollier André | 3 | 1 | 1659-74 | 1 | 1 | |
Ollier Jean-Aimé | 1 | 1 | 1682 | 1 | ||
Ollier veuve | 2 | 1694-96 | 1 | |||
Pasle Anne vve Blanc Barthélemy | 1 | 1 | 1674 | 1 | 1 | |
Plaignard Léonard | 1 | 1 | 1697 | |||
Posuel Jean | 2 | 1 | 1679 | |||
Potin Simon | 2 | 1694-96 | 2 | |||
Prost Claude | 2 | 1 | 1664-67 | 1 | ||
Prost fils | 1 | 1667 | 1 | |||
Radisson Jean | 2 | 1 | 1664-66 | 1 | ||
Ravaud Marc-Antoine | 3 | 1 | 1659-62 | 1 | 3 | |
Rey Claude | 1 | 1 | 1697 | |||
Rivière Barthélemy | 2? | 1 | 1657 ?-79 | |||
Sarrazin François | 2 | 1694-99 | 1 | |||
Servant Louis | 1 | 1694 | ||||
Tallebard | 1 | 1 | 1659 | |||
Tenet Pierre | 2 | 1696-99 | 1 | |||
Terrasson Marie vve Carteron C.-C. | 1 | 1 | 1689 | |||
Thevenet Jean-Baptiste | 1 | 1 | 1664 | |||
Thioly Jean | 1 | 1670 | 1 | |||
Tisseur, femme – vve Moulu Claude | 3 | 1688-91 | 3 | 1 | ||
Valensot Antoine | 1 | 1676 | ||||
Veyron Jean | 1 | 1 | 1689 | |||
Vignieu Benoît | 4 | 1 | 1689-95 | 3 | 1 | |
Viret | 1 | 1 | 1694 | 1 | ||
Vitalis Esprit | 3 | 1 | 1674-88 | 1 |
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1 Sur le régime des privilèges, Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701), Genève, Droz, 1969, 2 tomes.
2 Autre centre important du commerce illicite, Rouen, étudié par Jean-Dominique Mellot, dans L’Édition rouennaise et ses marchés (vers 1600-vers 1730). Dynamisme provincial et centralisme parisien, Paris, École nationale des chartes, 1998.
3 Jacqueline Roubert, « La situation de l’imprimerie lyonnaise à la fin du XVIIe siècle », dans Cinq études lyonnaises, Genève, Paris, Droz, 1966, pp. 77-111.
4 Guy Parguez, « Essai sur l’origine lyonnaise d’éditions clandestines de la fin du XVIIe siècle », dans Nouvelles études lyonnaises, Genève, Droz, 1969, pp. 93-130.
5 Le XVIIIe siècle lyonnais est mieux connu : on peut citer les travaux de Dominique Varry, notamment « Le livre clandestin à Lyon au XVIIIe siècle », La Lettre clandestine, 6, 1997, pp. 243-252, et « Une géographie de l’illicite : les espaces du livre à Lyon au temps des Lumières », ibid., 8, 1999, pp. 113-133.
6 On entend par procès en contrefaçon, toute procédure engagée pour infraction au régime des privilèges (privilèges pour livres nouveaux, anciens et continuations de privilèges), qu’elle se poursuive ou non jusqu’à la sentence, et que la sentence conclue ou non à la culpabilité des personnes mises en cause. Cent dix affaires ont pu être identifiées pour ce demi-siècle, sachant qu’une affaire comprend un nombre varié de pièces, en fonction de la conservation des archives mais aussi de l’évolution des procédures et de leur issue (beaucoup s’éteignent avant que ne soient prononcées des sanctions). Elles sont disséminées dans plusieurs dépôts d’archives. La majeure partie de nos données provient des archives de la sénéchaussée criminelle de Lyon, aux Archives départementales du Rhône (ci-après AdRhône) (BP 3615, BP 3616, BP 3617, BP 3618, BP 3630, où les procédures pour contrefaçon sont regroupées et représentent quelques 600 pièces, ainsi que BP 2917, BP 2942 et BP 2951), et de la collection Anisson, à la Bibliothèque nationale de France (ci-après BnF) (manuscrits français 22061-22193). Pour les arrêts du conseil du roi (Archives Nationales, série V6), nous nous sommes reportés à Georges Lepreux (Gallia typographica ou Répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France…, tome 1, Livre d’or des imprimeurs du roi, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1991), qui cite les arrêts concernant libraires et imprimeurs lyonnais (il est vrai qu’il s’en tient essentiellement à ceux de la décennie 1660, mais les affaires qu’il évoque pour les décennies suivantes sont également représentées aux Archives départementales du Rhône). Pour une vue exhaustive des contrefaçons lyonnaises, il aurait fallu dépouiller les archives d’autres villes. Henri-Jean Martin mentionne ainsi les conflits entre libraires d’Anvers et de Lyon (Livre, pouvoirs et société à Paris…, ouvr. cit., p. 737). Mais de telles recherches auraient dépassé le cadre de cet article, qui entend s’intéresser principalement aux conflits d’intérêts entre Lyonnais et Parisiens.
7 G. Parguez posait, dans son « Essai sur l’origine lyonnaise d’éditions clandestines de la fin du XVIIe siècle », la question de savoir si la fabrication de contrefaçons relevait d’un atelier ou d’un « groupe lyonnais » (art. cit., p. 129).
8 Simona Cerutti l’a notamment montré pour les ouvriers de Turin aux XVIIe et XVIIIe siècles (« Processus et expérience : individus, groupes et identités à Turin au XVIIe siècle », dans Jacques Revel, dir., Jeux d’échelles, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1996, pp.161-186).
9 Les livres interdits ont été inclus par commodité dans notre recherche, dans la mesure où ils sont rarement distingués lors des saisies des livres contrefaits et où leur faible nombre ne perturbe pas la représentation de notre échantillon.
10 D’après Hilaire Baritel, lettre du 14 déc. 1702, dans Eugène Griselle, « La contrefaçon en librairie à Lyon, vers l’an 1702 », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, nº 1, 1903, p. 252.
11 Il s’agit de Guy Drapier, marchand drapier (AdRhône, BP 2951, 9 janv. 1699, plainte de Pralard), qui fait tirer le Nouveau Testament du P. Quesnel à 2500 exemplaires, et d’Étienne Seignoret, marchand qui fait contrefaire des grammaires (AdRhône, BP 3615, 20 déc. 1683, conclusions). Ce dernier n’est toutefois pas totalement isolé du monde des libraires : sa sœur est veuve d’Antoine Ravaud.
12 Voir l’annexe. Ce tableau ne prend en compte que les marchands libraires et les maîtres imprimeurs. Les relieurs (même si la distinction entre les professions n’est pas toujours aisée) ont été écartés car ils sont moins impliqués dans la fabrication illicite d’ouvrages. La liste présentée ne prétend en aucun cas à l’exhaustivité. Elle recense les noms cités dans les archives judiciaires qui ont fait l’objet du dépouillement (AdRhône, série BP, sénéchaussée criminelle ; BnF, collection Anisson).
13 AdRhône, BP 3615, 1er avril 1682, procès verbal de visite des libraires et imprimeurs par le syndic.
14 Ainsi, en 1667, un arrêt du Conseil d’État défend de recevoir à l’avenir aucun maître « ny soufrir dans les villes ou il n’y a point de maistrise, qu’il soit dressé (…) aucune boutique (…) jusques à ce que par Sa Majesté en ait esté autrement ordonné » (AdRhône, BP 3615, 6 oct. 1667).
15 Respectivement AdRhône, BP 3617, 5 fév. 1695 (Jacques Faëton, interrogé, dit qu’il a environ 72 ans), BP 3630, 15 fév. 1666, BP 3617, 3 août 1691.
16 AdRhône, BP 3630, 11 mars 1665, réponses de Charlotte De Brye, veuve de Jacques Justet.
17 Les libraires (auxquels sont rattachés les relieurs jusqu’en 1686) et les imprimeurs forment deux corps séparés, possédant leurs propres règlements et statuts, même s’ils sont liés par des intérêts communs, et si les métiers sont imbriqués. À partir de 1686, ils se réunissent en un même lieu, la « chambre de la communauté », et en 1695 ils ne constituent plus qu’une seule communauté, avec un syndic – libraire ou imprimeur – et quatre adjoints – deux libraires, deux imprimeurs (Simone Legay, Un Milieu socio-professionnel, les libraires lyonnais au XVIIe siècle, thèse de doctorat, université Lumière Lyon 2, 1995, 2 vol. dactyl., t. I, pp. 80 et suivantes).
18 Il s’agit de Jacques Faëton, syndic, déjà inquiété dans un procès pour contravention à privilège en 1673, Antoine Laurens, premier adjoint, et Claude Galbit, second adjoint (AdRhône, BP 3616, affaire qui commence le 10 avril 1682).
19 Marie-Anne Merland, Guy Parguez (collab.), Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIIe siècle, Lyon, tomes 16, 18, 22, 25 (jusqu’à Jullieron), Baden-Baden, Valentin Koerner, 1989-2000. Certaines contrefaçons peuvent certes marquer le nom et l’adresse de l’éditeur, lorsqu’il est fort de son bon droit (litige sur privilège). Mais les livres que l’on retrouve à la fois dans les saisies judiciaires et dans le catalogue demeurent une exception.
20 AdRhône, BP 3617, 2 nov. 1689, p. v. de visite chez Amy, BP 3618, 22 sept. 1694, p. v. de visite des Cordeliers.
21 Lettre de H. Baritel, du 24 oct. 1702, citée par E. Griselle : « Cinquante sept sortes de Livres que j’ay a moy de touttes les grandeurs qui forment cent-vingt-cinq volumes me donnent asses d’exercices pour ne pas panser à pirater le bien d’autruy » (art. cit., p. 249).
22 Sur les cent imprimeurs et libraires recensés : voir l’annexe.
23 Une première saisie du livre chez Claude Moulu a lieu lors de la visite générale des imprimeurs le 16 mai 1696 (AdRhône, BP 3615), une seconde est effectuée le 26 mai 1696 à la suite de laquelle le matériel d’imprimerie est enlevé (BP 3615), une troisième le 9 août 1696 (BP 3615), avant qu’une dernière ne soit faite le 5 septembre 1696 (BP 3618).
24 Ainsi, Claude Bachelu se plaint en 1693 que la recherche de Desprez de la Morale sur le Pater, soit faite « a dessein de ruiner son commerce et son crédit par les bruis que semblables visites causent » (AdRhône, BP 3617, 4 avril 1693).
25 S. Legay, ouvr. cit., p. 309 (Bachelu lègue 600 livres à ses deux fils, et laisse 1700 livres en argent et meubles), pp. 311-312 (Goy), 120 (Carteron) et 305 (Bruyset, Valfray, Deville, Anisson et Posuel).
26 Le libraire J.-B. Deville, absent des procès lyonnais, est ainsi mentionné dans la liste des destinataires de livres interdits dressée par Anne Sauvy d’après les saisies effectuées à Paris entre 1678 et 1701 (Anne Sauvy, Livres saisis à Paris entre 1678 et 1701, La Haye, M. Nijhoff, 1972, p. 64).
27 Lettres du 24 octobre 1702 et du 14 décembre 1702, citées par E. Griselle (art. cit., pp. 249-251).
28 Adhône, BP 3630, 13 août 1674, réponses de Nanty, et BP 3630, 24 novembre 1677, information de témoins.
29 L’affaire de l’Histoire du calvinisme occupe une centaine de pièces, conservées aux AdRhône (BP 3615 et 3616).
30 Sur les modes de preuve, on peut se référer à La Preuve. Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, tome 2, L’évolution de la preuve : Moyen Âge et temps modernes, édité par Jean-Philippe Lévy, Bruxelles, éd. de la Librairie encyclopédique, 1965.
31 AdRhône, BP 3616, 10 avril 1682, procédure contre Besson et Blanc.
32 Il arrive aussi que la reliure se fasse directement chez l’imprimeur, pour limiter la prise de risque : on saisit chez A. Molin dix-sept livres d’heures dans sa « chambre de relieure » (AdRhône, BP 3630, 18 novembre 1665).
33 Henri-Jean Martin a estimé qu’il se situait entre 1200 (l’Art Poétique de Boileau) et 1800 (les Caractères de La Bruyère) exemplaires (Le Livre français sous l’Ancien Régime, Paris, Promodis, 1987, p. 213).
34 Voir notamment Françoise Weil, « À propos des fausses adresses », Dix-huitième siècle, 17, 1985, pp. 397-399 et François Moureau, « Le libraire imaginaire ou les fausses adresses », Corps écrit, 33, 1990, pp. 45-56.
35 Soixante-quatre procédures n’impliquent qu’un seul professionnel du livre ce qui ne signifie pas forcément l’absence d’associés mais peut être le signe du bon fonctionnement du groupe (qui parvient à maintenir le secret) ou du manque de curiosité des autorités qui enquêtent.
36 AdRhône, BP 3617, 13 janv. 1694, p. v. de visite.
37 AdRhône, BP 3617, 11 déc. 1692, réponses Chappuis.
38 AdRhône, BP 3618, 5 janv. 1696, p. v. de visite.
39 Cité par H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société… ouvr. cit., tome 2, p. 595.
40 BnF, ms. fr. 22 074, p. 23, 11 septembre 1665 : arrêt du conseil qui autorise les saisies de livres et de matériel d’imprimerie aux libraires détenteurs des privilèges.
41 AdRhône, BP 3630, 28 avril 1674, réponses Quemet. On ne sait si par la suite il le dénonce.
42 AdRhône, BP 3617, 12 août 1694, p. v. de visite de Faëton, 21 janvier 1695, ordonnance, 29 janvier 1695, déclaration Faëton, et BnF, ms. fr. 22 074, 4 septembre 1694, p. 66 bis, arrêt du Conseil privé.
43 J. Roubert, art. cit., pp. 77-83.
44 AdRhône, BP 3617, 23 juillet 1691, réponses du syndic des imprimeurs lyonnais.
45 Ibid., 2 novembre 1682, information.
46 Ibid., 13 septembre 1696, p.v. de visite.
47 Barthélemy Blanc est dit maître depuis 1688, de même qu’Antoine Debart, dans l’état de la librairie de France recueilli par J.-P. Bignon (BnF, mss, n.a.f. 399).
48 AdRhône, BP 3617, 11 décembre 1692. La forme, dont la saisie est accablante pour les contrefacteurs, fait souvent l’objet de malversations.
49 Cité par J.-D. Mellot, L’Édition rouennaise et ses marchés… ouvr. cit., pp. 251-252.
50 BnF, ms. fr. 22128, pp. 20-21, Mémoire pour la communauté des libraires et imprimeurs de Paris.
51 Cité par S. Legay, qui précise que les communautés adressent un an plus tard des remontrances à P. Bailly qui aurait échoué dans sa mission (ouvr. cit., p. 68).
52 BnF, ms. fr. 22071, pp. 196-197.
53 Sur ce point, voir H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société… ouvr. cit., p. 692.
54 BnF, ms. fr. 22071, p. 158.
55 Ibid., ms. fr. 22074, p. 82, sept. 1697, Mémoire pour Guillaume Desprez, Élie Josset et Antoine Dezallier.
56 Ainsi, en 1659, les libraires Huguetan, Ravaud, Gay, Mathevet…, saisis avec des alphabets protestants, allèguent que les alphabets « se sont toujours vendus sans permission » (AdRhône, BP 3615, 16 sept. 1659).
57 Lettre au chancelier Boucherat du 23 août 1696 (AN, G7 358-359).
58 AdRhône, BP 3617, 23 juillet 1691, information de Antoine Beaujolin, Rolin Glaize, Simon Potin et Jean Goy.
59 Ibid., BP 3618, 27 août 1698, p. v. de recherche chez Chappuis.
60 Ibid., BP 3630, 30 août 1674, p. v. de recherche sur Picard.
61 Barthélemy Rivière occupe une position particulière, puisqu’associé à Sébastien Cramoisy.
62 AdRhône, BP 3615, 6 octobre 1667, arrêt du conseil du roi, réitéré en 1682 (BnF, ms. fr. 22071, 108, 27 fév. 1682).
63 Dans sa lettre au chancelier Boucherat, il écrit que, pour la visite de livres venant de l’extérieur, il vaut mieux ne pas nommer un officier de la sénéchaussée (que ce soit ou non le lieutenant général) car « il se trouveroit souvent que cet officier ou par les occupations de sa charge, ou peut estre par son propre goust, ne seroit guère en estat de prendre ce soin » (AN, G7 358-359, 23 août 1696).
64 Il doute de l’intégrité du Magistrat, du sergent et de l’huissier (lettre du 24 octobre 1702, dans E. Griselle, art. cit., p. 251).
65 Lorsqu’ils le peuvent, les Lyonnais s’appuient, contre le Conseil d’État et les maîtres des requêtes de l’Hôtel du Roi, sur le Parlement de Paris. En 1665, Radisson, Compagnon et consort obtiennent d’assigner aux Grands Jours de Clermont, délégation parlementaire, certains Parisiens, dont Cramoisy, mais ils sont déboutés un mois plus tard par arrêt du Conseil (BnF, ms. fr. 22074, p. 20, 26 janvier 1666). En 1680 et à nouveau en 1685, Certe fait appel auprès du Parlement de Paris (BnF, ms. fr. 22074, 6 avril 1680, p. 48, AdRhône, BP 3616, 18 sept. 1685).
66 C’est le cas de Laurent Arnaud qui devient échevin en 1679. La fonction de syndic est recherchée car elle ouvre la voie à l’échevinage, comme l’a montré S. Legay (ouvr. cit., p. 89).
67 Entre 1622 et 1696, on a pu relever dans les actes consulaires vingt et un mandements aux auteurs (essentiellement aux écrivains jésuites du collège de la Trinité). Certains libraires sont également gratifiés (Archives municipales de Lyon (ci-après AmL), série BB).
68 AmL, BB 216, actes consulaires, p. 14. Il faut préciser que l’envoi de députés à Paris n’est pas réservé au monde de la librairie : il concerne aussi d’autres communautés de marchands ou d’artisans, pour défendre leurs privilèges ou leurs statuts particuliers, ainsi que l’a montré Jean-Pierre Gutton (« Les députés de la ville de Lyon en cour », dans Bernard Vogler, dir., Pouvoir, ville et société en Europe (1650-1750), Paris, Ophrys, 1983, pp. 183-189).
69 Lettres des 15 janvier et 29 octobre 1691 de J.-B. Barbier, citées par Bruno Blasselle, Antoine et Horace Molin, libraires lyonnais, mémoire ENSB, 1979, pp. 78-81.
70 AdRhône, 1C 6, Mémoire sur la généralité de Lyon par l’intendant François Lambert d’Herbigny, 1698, p. 142.
71 Stéphane Van Damme, Savoirs, culture écrite et sociabilité urbaine. L’action des enseignants jésuites du collège de la Trinité de Lyon (1630-1730), thèse de doctorat, université de Paris I, 2000, 3 vol. dactyl., p. 177 et suivantes.
72 AdRhône, BP 3617, 17 septembre 1694, secondes réponses de Jacques Faëton.
73 Par exemple Avignon, qui fournit en contrefaçons des libraires comme le Grenoblois Nicolas (neuf contrefaçons sur vingt-six identifiées, d’après H.-J. Martin et M. Lecocq, Les Registres du libraire Nicolas (1645-1668), Genève, Droz, 1977, 2 vol.).
74 AdRhône, BP 3617, 23 mars 1690, réponses Debert.
75 AdRhône, BP 3630, 2 juin 1674, p. v. de saisie de livres sur Baudrand.
76 AdRhône, BP 3630, 23 février 1674, p. v. de saisie de livres sur Destouches et Loubet.
77 AdRhône, BP 3618, 26 mai 1696, p. v. de saisie de livres sur Barton.
78 On ne sait à quel prix Ferlat a revendu les Lettres. Dans une autre affaire, le libraire Drevon dit avoir acheté l’Histoire du pontificat de saint Léon cinq sous et l’avoir revendu vingt sous (AdRhône, BP 3616, 11 juin 1687, réponses).
79 AdRhône, BP 3630, 23 fév. 1674, réponses Loubet.
80 AdRhône, BP 3617, 2 mai 1693, p. v. chez Binet et BP 3617, 9 nov. 1694, p. v. chez Vignieu.
81 AdRhône, BP 3616, 12 mai 1682, réponses Blanc.
82 AdRhône, BP 3615, 26 mai 1696, p. v. de contravention contre Claude Moulu. Souligné par l’auteur.
83 AdRhône, BP 3618, 5 septembre 1699, sentence où il est dit que les religieux ont communiqué les noms de leurs locataires le 31 décembre 1698.
84 AdRhône, BP 3616, 23 juillet 1683, lettre de Cenamy à Saminiaty.
85 BnF, ms. fr. 22128, p. 116, s. d.
86 On observe ce durcissement du syndic sur d’autres plans : en 1695 par exemple, il instaure une sanction pécuniaire contre ceux qui omettent de donner à la communauté un exemplaire d’un livre nouvellement édité (voir Simone Legay, ouvr. cit., p. 70).
87 S. Legay, ouvr. cit., p. 89. Par ailleurs, ce syndic est désormais surveillé par la librairie parisienne : en 1705, l’élection du syndic lyonnais est annulée car les deux adjoints élus ont déjà été condamnés pour contrefaçon (BnF, ms. fr. 22128, p. 31, arrêt du conseil du 9 mai 1705).
88 Amaulry est à l’origine de dix plaintes, essentiellement comme Parisien. Il s’installe à Lyon en 1675 et s’associe à la veuve Coral dont il a épousé la fille. Est-il envoyé par ses confrères parisiens pour espionner les libraires lyonnais ? On ne peut exclure l’hypothèse (voir Yves Jocteur-Montrozier, Un libraire lyonnais sous le règne de Louis XIV : Thomas Amaulry (1650-1725), mémoire ENSB, 1977).
89 AdRhône, BP 3617, 11 décembre 1692, plainte de Me Rougnard, procureur de Thierry et Desprez.
90 En 1671, neuf professionnels sont impliqués dans l’impression et la vente d’une Bible protestante (AdRhône, BP 3615, 13 mars 1671, p. v. de saisie chez Hubert, marchand commissionnaire) ; en 1674 sept personnes sont mises en cause pour plusieurs livres (deux merciers, un libraire, deux imprimeurs et deux relieurs, ibid., BP 3630, février 1674, p. v. de saisie sur le pont de Saône des livres de Destouches et Loubet) et en 1682, quatorze pour l’Histoire du calvinisme.
91 BnF, ms. fr. 22074, p. 82, Mémoire pour Guillaume Desprez, Élie Josset, et Antoine Dezallier.
92 AdRhône, BP 3618, 5 juin 1698, p. v. de transport à la requête de Bachelu le jeune contre Horace Molin.
93 AdRhône, BP 3617, lettre d’André Canier à Alexandre Giroud, datée du 19 janvier 1695, paraphée le 19 avril 1695.
94 AdRhône, BP 3617, 19 avril 1695, p. v. de saisie de livres chez Canier.
95 Sur cinquante et une affaires où l’on peut déterminer le moment de la découverte, soit un tiers. De 1650 à 1689, c’est le cas pour seulement trois affaires (sur trente-deux).
96 Les 23 mars et 14 avril 1690, on saisit sur deux crocheteurs sortis du couvent des Jacobins des balles de livres contrefaits (AdRhône, BP 3617, procès verbaux).
97 Cité par J. Roubert, art. cit., p. 94.
98 On n’a pris en compte ni les « parties séparées », ni les « rames », ni les « paquets », ni les « feuilles » (AdRhône, BP 3618, 22 septembre 1694, 27 octobre 1694 et 22 novembre 1694, Cordeliers, BP 3617, 31 mai 1691, Martin, BP 3617, 27 juillet 1691, Benoît, BP 3618, 25 septembre 1694, 26 octobre 1694, Jacobins).
99 AN, AD VIII 5, 30 août 1692, arrêt du Conseil.
100 AdRhône, BP 3618, 13 janvier 1696, information Chastaigner.
101 Lettre du 19 octobre 1691 : « ne vous melé point des assemblées de nos libraires, c’est perdre son temps », cité par B. Blasselle, Antoine et Horace Molin… ouvr. cit., p. 78.
102 Les Lyonnais sont aussi employés par les Genevois : en 1696, douze imprimeurs lyonnais travaillent sur le Theatrum du cardinal de Luca pour le compte de Cramer et Perrachon (AdRhône, BP 3618, 27 mars 1696, p. v. de visite des imprimeurs).
103 AdRhône, 1C6, Mémoire sur la généralité de Lyon par l’intendant d’Herbigny, 1698, p. 142.
104 Dominique Varry considère ainsi que le premier tiers du XVIIIe siècle est particulièrement répressif à Lyon (« Le livre clandestin à Lyon au XVIIIe siècle », art. cit.).