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« À Paris, pour Claude Senneton, 1565 »: le mystère de l’édition du Second livre des Recherches de la France d’Étienne Pasquier

Catherine MAGNIEN

Bordeaux III – Michel de Montaigne

À Pierre Aquilon

Alors que Charles IX et Catherine accomplissent leur tour de France1, Pasquier renonce soudain à rouler son tonneau à la diogénique2, c’est-à-dire aux écrits destinés à la circulation manuscrite amicale ou aux publications sous l’anonyme3, pour offrir à la clientèle des librairies Le second livre des Recherches de la France : par Estienne Pasquier, Advocat en la court de Parlement à Paris, avec un indice tresample des principales matieres contenues audict livre. L’ouvrage se présente en suite naturelle et attendue du précédent, Des Recherches de la France Livre Premier. Plus un Pourparler du Prince. Le tout par Estienne Pasquier, advocat en la Cour de Parlement de Paris, sorti quelque cinq ans auparavant chez le libraire du Palais Vincent Sertenas4, avec un privilège pour quatre ans du 18 janvier 1559 [1560] signé Du Tillet. L’avis au lecteur de ce premier titre insistait déjà sur la relation privilégiée que le nouvel historien entendait établir avec un public anonyme mais amateur et avait annoncé en effet, sans qu’on puisse n’y voir qu’un lieu commun, une suite à venir :

Je me suis resolu, qu’à toy seul de quelque qualité que tu sois, je veux sans flatterie faire present de ces deux œuvres : et ne t’en veux non plus presenter que ce qui te viendra à gré de lire. Qu’est-il besoing que, me flatttant, et faisant à tort acroire avoir à ma devotion l’œil ou l’aureille d’un grand seigneur, je pretende avec une grande epistre hypocrite faire part de ce Prince, ou de ces Recherches à tel, qui ne se donnera le loisir d’en lire seulement le tiltre. C’est donc encores un coup à toy, qui desroberas quelqu’une de tes meilleures heures à la lecture de ces deux livres, auquel je les ay destinez : te priant les recevoir de tel cœur que je te les donne, non pas comme œuvres parfaits, mais comme premiers boutehors, l’un de mes anciennetez de la France, et l’autre de quelques miens dialogues, et pourparlers tirez du commun cours de ce tems, que je tiens à present sous main : en intention de t’en faire quelque autresfois plus grand present si j’ay le moindre sentiment, que ces premiers eschantillons te soyent tournez à plaisir…5

Et Belleau, bouleversé par la disparition subite de Du Bellay, y chantait dans une ode liminaire, l’ingratitude du temps et des gens à l’égard de la Brigade, et partant le courage de Pasquier6. Ce même courage, mâtiné de vanité d’auteur, expliquerait-il la sortie du Second livre des Recherches de la France, dans des conditions bien particulières ?

Ni Pasquier ni son libraire n’ont obtenu de privilège, absence étonnante, peut-être à mettre au seul compte de la pérégrination du roi et de sa cour. En effet l’ouvrage, consacré à la police séculière de la France et qui évite les sujets d’actualité ou polémiques7, n’a rien qui sente la précipitation ou le coup fourré. Bel in-quarto de 95 feuillets, imprimé sur du papier de qualité et relu soigneusement, il offre le confort supplémentaire d’un « indice tresample (…) pour le soulas du lecteur » 8, manifestement rédigé par l’auteur. La seconde bizarrerie réside dans le choix du libraire. Bien sûr viennent de disparaître coup sur coup Vincent Sertenas, Jean Longis et Estienne Groulleau9, société à qui Pasquier restait depuis ses débuts fidèle. Les deux éditions du Monophile de 1554 et 1555, les Rymes et proses de 1555 et le premier livre des Recherches de 156010, tout était passé par leurs officines, choisies en connaissance de cause par un avocat habitué de leur lieu d’exercice vu sa propre profession, chaland souvent de loisir faute de clients et surtout amateur et confrère en écriture des poètes et des traducteurs de romans en vogue11. Orphelin de Sertenas12 et consorts, vers qui, en une période d’attentisme politique, Pasquier allait-il se tourner puisqu’il avait après mûres réflexions décidé de publier ?

Au Peuple François

Il y a quatre ou cinq ans (mes amis) que je feiz mettre en lumiere le premier livre de mes Recherches, avecques protestation publique de vous faire part des autres quand l’occasion s’offriroit. Cette occasion a esté suspendue par la calamité du temps13, qui nous a pourchassé depuis quelques revolutions d’années si grandz troubles, que j’estimois non seulement estre en cest endroit descheu de mon opinion, mais aussi que nous ne verrions plus qu’une Barbarie en ce royaume. Toutesfois voyant à present toutes choses reduites (grace à Dieu) en quelque meilleur train : et un chascun de nous composer ses actions exterieures avecques moindre violence qu’il n’a faict par le passé, j’ay voulu recueillir mes espritz, et jouïr de ce peu de benefice du temps que je voy nous estre aujourd’huy presenté : Parquoy pour m’acquitter en partie de ma promesse, je me suis advisé de vous donner ce second livre. Non pour acquerir le loz et honneur qui achemine ordinairement tous bons espritz à escrire, ains afin que ce vous soit comme un meuble, ou pour mieux dire comme une grande piece de tapisserie qui ait esté recousse de la tempeste derniere qui a couru dans vostre France (…) tapisserie pour couvrir envers toutes nations estrangeres, la desolation que nous mesmes nous sommes pourchassez, à nostre grande honte et confusion. Et cognoistra desormais le presumptueux Italien que non seulement nous le devançons, mais aussi que nous ne cedons en riens à son ancien Romain, en discours de braves polices, non plus qu’en gloire de haultes entreprises, Parquoy je vous supply (mes amis) en attendant le demeurant de mes autres livres14, vouloir recevoir cettuy cy de tel cœur comme il vous est dedié, de la part de celuy qui pour estre naturel François, ne se lassera jamais d’employer tout son esprit, labeur et estude à l’honneur et embellissement de son pays. Pour lequel tout homme de bon sentiment et remordz doit estimer estre plus tost né que pour soy ou sa famille15.

Mission nationale en cinq points : célébrer

l’honneur ancien de nostre patrie [;] instruire et apprendre combien les partialitez et discordes nous ont quelque fois cousté (…) anichilementz de familles royalles, remuement et subversion de l’estat, desolation du royaume, et introduction de ceux qui de vœu et profession ancienne estoient noz ennemis mortelz [;] faire oublier les miseres qui se sont passées, ensemble le mal-talent qui occupe maintenant la plus grand partie des meilleurs espritz de la France [;] couvrir (…) la desolation que nous mesmes nous sommes pourchassez…

enfin, convaincre le « presomptueux Italien » que la translatio studii est accomplie. Héraut de sa propre mission commémorative, pédagogique, consolatoire, palliative et polémique, Pasquier témoigne d’une compassion qui naguère était inconnue au jeune dandy du Monophile et des Rymes et Proses :

Et là où je ne pourray attaindre à ce but, pour le moins je me prometz et faiz estat de ressembler ces pauvres gens qui ont senty l’injustice d’une longue guerre, lesquelz ayantz esté dechassez de leurs domiciles par les incursions et ravages de l’ennemy, y retournantz puis apres en temps de paix ne peuvent du premier abord reparer toutes leurs fortunes de fonds en comble, ains se contentent de couvrir la ruine et indecence de leurs maisons, par le peu de meubles et joyaux precieux qu’ils avoient au paravant le desastre garantiz des mains de l’impiteux gendarme…16

Bien sûr, il s’agit d’une comparaison où les pauvres gens et l’impiteux gendarme jouent sur la corde sensible. Mais elle indique combien le premier lustre des troubles a modifié les conceptions au départ élitistes de l’homme, désormais marié et père de famille, et son comportement, puisqu’on le voit confier à l’aube de 1565 son Second livre des Recherches non plus à un libraire du Palais, voire à un libraire parisien, mais à un Lyonnais, domicilié pour cette seule occasion à Paris17, et huguenot de surcroît. Claude Senneton, par chance, a laissé de sa vie, de sa carrière et de ses convictions assez de traces, déjà réunies pour la plupart par Baudrier et Philippe Renouard18, pour qu’on tente d’interpréter le geste de Pasquier.

L’établissement des Senneton, cossus drapiers lyonnais19, dans la librairie remonte à la fin 1535 et commence avec Jean, seigneur de Bellescize, frère d’Antoine, avocat au parlement de Paris devenu ensuite conseiller, de deux Pierre dont l’un conseiller et aumônier du roi, de Philippe, marchand, de Jacques, marchand-libraire et de Claude, l’éditeur de Pasquier. Les livres parus sous la marque de la salamandre20 recensés par Baudrier s’échelonnent de 1543 à 1575. Jean publie d’abord sous cette marque qu’il a héritée de son beau-père Henri Savore, riche marchand papetier mort avant le 3 novembre 1535, tard venu au commerce de la librairie, éditeur d’une bible latine sortie après sa mort21. Les premiers livres édités par Jean portent uniquement la marque de la salamandre ; en 1546, les noms de Jean et Jacques apparaissent au titre, comme aux privilèges, alternant avec les fratres Sennetonii. Le prénom de Claude s’ajoute pour la première fois à ceux de ses frères sur une page de titre en 1552 : édition importante, en huit volumes in-folio à deux colonnes, des œuvres de Geoffroy de Salignac, Honestissimorum virorum Jacobi, Ioannis ac Claudii Sennetoniorum fratrum impensis. Mais il figurait déjà au privilège général, daté du 12 septembre 1548, du Corpus juris civilis (six volumes in folio22), des In sacrosanctioris Lateranensis concilii titulum de publicis concubinariis commentarii de Bermond Choveron et de l’Enchiridion perelegans (…) universam sacerdotiorum materiam complectens de Jean-Nicolas Gimont, tous sortis en 1550 apud Sennetonios Fratres23.

Les Senneton marchands-libraires d’envergure, investissent dans des auteurs dont ils ont le privilège exclusif24 et ornent souvent leurs ouvrages imprimés avec soin de portraits des auteurs25. Lettrés, il leur arrive de donner, sans qu’on ait besoin de soupçonner une plume d’emprunt, une préface latine26, et ils savent débusquer dans les archives de l’université d’Avignon un cours de droit civil avec gloses d’Accurse27. Après les éditions monumentales in utroque jure qu’ils donnent jusqu’en 1555-1556 – entre autres un Corpus juris canonici confié aux presses de Barthelemy Frein et des Decisiones rotæ nouæ, antiquæ et antiquiores de Pierre Rebuffi – ils continuent à quêter le manuscrit intéressant à tout point de vue, commercial, intellectuel et spirituel : ce seront, trouvés aux jacobins d’Avignon, le D. Aurelii Augustini Milleloquium veritatis et le Divi Ambrosii Milleloquium, compilés par Bartolommeo Carusio, évêque d’Urbino28.

Seigneur du Magny-Fouchard, de la Reclaye et de L’Arche près de Troyes29, Claude, d’abord drapier comme son père et ses frères, avait peut-être renoncé à son établissement champenois30 pour prendre, avec son frère Jean, la succession prospère de leur défunt frère Jacques et sa place dans la compagnie de libraires formée avec Maurice Roy et Loys Pesnot, puis avec les frères de Gabiano, Hugues de la Porte et consorts31. À Lyon, il devient, suivant la tradition familiale, un notable32 : conseiller de ville, échevin de 1559 à 1563, ainsi que recteur de l’aumône pour laquelle il ne ménage ni argent ni peine.

Ses frères libraires étant décédés33, Claude paraît pour la première fois seul sur une page de titre pour une réémission du livre de Rebuffi en 1561. Mais sa première grande entreprise personnelle porte le millésime de 1562. Il donne alors, avec un privilège de neuf ans du 16 juin 1561, la traduction de L’Histoire du monde de C. Pline Second d’Antoine du Pinet. Puis il se met à éditer avec zèle les publications de ses coreligionnaires auxquels il fait des avances de fonds considérables. À côté de Pasquier figurent en effet à son catalogue lyonnais de 1565 cinq titres de Pierre Viret34, deux œuvres de Calvin, une de Nicolas Pithou35, qui prenaient la suite des trois traductions de Claude de Kerquefinen – les Cent et dix considerations divines de Juan de Valdés, le Dialogue des deux natures du Christ de Pietro Martire Vermigli36 et les Discours fantastiques de Justin Tonnelier37, pour ne pas parler de l’Histoire des persecutions et martyrs de l’Eglise de Paris38.

Les relations de Claude Senneton ne se limitent pas, son catalogue en fait foi, à la place de Lyon. On l’a dit plus haut, son frère Pierre, abbé de Beaulieu au diocèse de Troyes, est conseiller et aumônier du roi. À Paris s’est installé un autre frère, Antoine39, conseiller lai pourvu par François Ier les 1er février et 20 mars 1546, reçu les 15 avril et 23 juin 1547 au lieu de feu Jean de Longuejoue. Il deviendra délégué à la justice de Metz, le 22 juin 1558, puis président en 156440. La réussite s’affiche le 22 août 1575 dans le contrat de mariage de Catherine

fille d’Antoine Senneton, conseiller du roi en son privé conseil et président de Metz et de feue Charlotte Milot, avec noble homme Alphonse de Maugarny bourgeois de Paris (…) en la présence de Pierre de Gondi évêque de Paris, conseiller du roi en son privé conseil, parent et allié, noble homme et discret Messire Pierre de Senneton, conseiller et aumônier du roi, abbé de Beaulieu oncle paternel, Messire Philippe de Senneton, officier de l’ordre du roi, gentilhomme ordinaire de la chambre, sieur de la Verrière, cousin germain, noble homme maître Sébastien de Senneton avocat en parlement sieur d’Esc[…] frère, noble homme Maître Simon Clapisson conseiller du roi en son official de Paris cousin, noble homme Nicolas Molé conseiller du roi, trésorier de France établi à Bourges cousin de ladite demoiselle de Senneton…41

De l’entregent et des convictions, Claude Senneton en avait assez pour que Charles du Moulin, habitué de la librairie lyonnaise42 et déjà en affaire avec lui43, recoure à nouveau à lui en cas de nécessité. Les gens du roi dénoncent, le 6 juin 1564, l’impression clandestine du Conseil sur le faict du Concile de Trente, par Messire Charles du Moulin, Docteur es dro[i]ct, professeur des sainctes lettres, Jurisconsulte de France et Germanie, conseiller et maistre des Requestes de l’Hostel de la Royne de Navarre…, « À Lyon pour ledit du Moulin, avec privilege du Roy, 1564 », publié en dépit de ce que dit la page de titre44 sans autorisation ni privilège45, et font citer l’auteur devant la cour46 pour être interrogé. Du Moulin déclare47 que, vu que circulaient des copies très fautives de son ouvrage, il a décidé de le mettre en meilleure forme et de le faire imprimer. Interrogé sur l’appui dont il se prévaut de la part « d’aucuns très vertueux, prudens et tres excellens seigneurs du conseil privé », ce qui pourrait faire injure au conseil et « mettre le roi en dispute avec ses voisins, mesme avec le pape », il répond qu’il possède un privilège général, qu’il a écrit un mois auparavant au chancelier pour en avoir un particulier, que, n’en ayant eu nulles nouvelles, il a préféré envoyer son livre à Lyon plutôt que de le laisser dénaturer. Le lendemain, on apporte trois cessions imprimées avec privilège, et on lui demande de s’expliquer aussi sur les personnes du conseil privé qui lui auraient donné un avis favorable. Il se tait, prétend avoir confié à un inconnu son manuscrit pour le convoyer à Lyon chez Senneton, et avoir demandé autorisation au chancelier, cependant qu’on imprimait son livre à Lyon.

On décide d’écrire au roi, lequel a entamé son tour de France48, et au chancelier : Du Moulin sera à son choix détenu à la Conciergerie ou consigné chez un huissier, cependant qu’on perquisitionnera chez lui pour rechercher manuscrits et impressions. Les parlementaires notent surtout que la prétendue édition lyonnaise du 20 mai est suspecte puisqu’on en a trouvé des exemplaires le 28 à Caen, Orléans, etc. : bref tout prouve que cette impression a été faite à Paris, clandestinement et par quelqu’un de la nouvelle religion. Les 21 et 27 mai, des lettres du roi et de la reine félicitent le parlement de son zèle, désavouent Du Moulin mais recommandent de le ménager, puis de le relaxer vu son état de santé. Le 1er juillet, la cour écoute les suggestions de l’avocat Du Mesnil : admonester Du Moulin, faire remontrance au roi qui voulait dessaisir la cour dans une affaire entamée et donc dont elle ne pouvait être dessaisie. On renvoie la solution au 5 juillet et l’affaire s’arrête là, qui montre d’une part que la première réaction du parlement au concile de Trente fut loin du gallicanisme à la Pithou49 et que, d’autre part, Senneton connaissait l’imprimerie parisienne assez pour y trouver des collaborateurs discrets à sa main.

C’est donc à ce libraire lyonnais, propagandiste politique et religieux à peine clandestin, bien introduit sur la place parisienne, bientôt compromis sans retour lors de l’occupation et du pillage de Lyon par le baron des Adrets et les mercenaires suisses50 – il gagnera Genève pour échapper à l’ordonnance du 31 janvier 156851 – que s’adresse Pasquier. Sympathies sur le plan des idées52 ou simple jeu de relations amicales? Car Claude Senneton était aussi le parent d’amis chers. Ce Claude de Kerquefinen mitonné par Pasquier53 qui le choisit au livre IV des Lettres pour destinataire de sa chronique décennale 1560-1570, est le fils d’une sœur utérine de la propre épouse de Claude Senneton, autant dire son neveu par alliance, comme le stipulent les actes54. Et les deux hommes se fréquentent et s’apprécient. Le neveu vend le 8 juillet 1561 à son oncle sa maison parisienne de la rue des Bourdonnais, 4000 livres tournois, « pour son grand proffit et adventaige, parce que tel est son plaisir de ainsy le faire ». On sent la vente fictive, couverture de l’engagement que prend l’oncle de servir à son neveu le jour de la Saint-Rémy une rente de 336 livres et quelque.

Et si l’amitié avec Kerquefinen menait Pasquier à rencontrer Claude Senneton lors de ses séjours parisiens, elle n’était pas la seule à rapprocher l’auteur des Recherches de celui qui allait l’éditer. En effet, depuis Troyes, le 7 octobre 1564, Pierre Pithou dédie à Senneton le second livre de ses Adversaria subseciva55. L’épître chante une amitié d’enfance ou d’adolescence (a pueris), confirmée par la parenté (necessitudo), une bonne entente et l’identité des cursus (studiorum et naturæ similitudo)56 ; l’en-tête Petrus Pitheus Claudio Sennetono I. C. S [Iurisconsulto suo] laisse supposer que Senneton a fait son droit, et peut-être sous Cujas avec, ou vu son âge, avant Pithou57. La réserve de la Bibliothèque nationale de France conserve un recueil de six ouvrages du juriste – près de deux mille pages in folio – tous imprimés à Lyon, recueil composé par Pierre Pithou et relié en parchemin sur sa demande comme le prouve la table autographe des matières insérée dans l’ensemble avant la première page de titre. Pithœi sum lit-on sur la page de titre du premier ouvrage des commentaires de Cujas sur les Digestes et les Institutions ; sous l’adresse, Lyon, Jean de Tournes, 1559, à nouveau est écrit P. Pithou58. La deuxième pièce59, porte au milieu du titre et la troisième en haut du titre Petr. Pithœi60 ; la quatrième, les De feudis libri V, augmentés, corrigés et expliqués par Cujas, sortis à Lyon en 1566 chez Claude Senneton, sous l’adresse la mention manuscrite Cl. Sennetonius A. O. P. Pithœo D. D.61. La cinquième pièce, la Novellarum constitutionum imp. Justiniani Expositio, Ex typis et officina Salamandræ, de 1570, avec privilège royal, porte seulement l’indication P. Pithou sous l’adresse, indication absente du dernier ouvrage issu de même officine62. Trois des ouvrages de ce recueil portent donc l’adresse des Senneton ou la marque de la salamandre, l’un offert à Pithou, les autres témoignant au moins de sa fidélité. Car si les relations de Claude Senneton, le Lyonnais, avec Troyes et les Troyens datent de son adolescence studieuse, son mariage avec Marie Menisson, tante de Claude de Kerquefinen, fut à n’en pas douter le fruit de l’amitié avec Pierre Pithou. Marie Menisson, était en effet veuve d’un premier mariage avec Nicolas Dorigny, neveu de Catherine Dorigny, grand-mère maternelle de Pierre et François Pithou63. Ainsi en 1559 Claude Senneton épouse en Marie Menisson la mère d’un cousin issu de germain, bref une cousine par alliance de Pithou64. Plus tard, les mariages de leurs deux filles, Marie, avec Jean de Vassan, neveu de Pithou, et Catherine avec Jean Dorez, marchand de Troyes, prouveront la permanence des attaches troyennes65.

On le voit, le réseau se resserre autour de l’auteur des Recherches. Deux jeunes gens parmi ses amis et confrères d’alors, Kerquefinen, et Pithou qui s’inscrit comme son cher Antoine Loisel au barreau de Paris en 156066, peuvent avoir introduit le libraire, leur parent et allié, auprès de leur ami l’historien en mal d’éditeur. Séduit, ce dernier aura décidé de communiquer sous la marque à la salamandre, son Second livre dédié au « peuple François ». En dépit de ces ambitions nationales, on ne connaît pourtant aujourd’hui dans les dépôts publics que deux exemplaires de l’ouvrage67, tous deux appartenant à des recueils factices. Celui de la Bibliothèque municipale de Bordeaux (Rés. H 2621) comprend, sous sa reliure muette en daim clair du début du XVIIe siècle, les De Prisca Celtopædia Libri V de Jean Picard de Toutry, O. F. M. (Paris, Mathieu David, 1556 : exemplaire du collège des jésuites de Bordeaux légué par Dom Bertin, official et chanoine de Saint-André) ; le Recueil des Antiquitez Gauloises de Claude Fauchet (Paris, Jacques du Puys, 1579, exemplaire de Jean Benoît chanoine de Bordeaux) ; enfin, le Second livre des Recherches dépourvu d’ex libris et avec quelques soulignements jusqu’au feuillet 14. Le recueil Rés. J 438 de la Bibliothèque municipale d’Angers regroupe, quant à lui, sous sa reliure en par-chemin du XVIIIe siècle et avec ses marges rognées, un ensemble hétéroclite : une Synopsis veterum religiosorum rituum atque legum notis ad constitutiones clericorum regularium comprehensa du théatin Antonio Caraccioli (Paris, Gabriel Buon, 1628) ; le Pro sacrosancto missæ sacrificio ouvrage de polémique antiprotestante de Jacques Lefèvre de Moulins (Paris, Jacques Kerver, 156368) ; une édition tardive des Moralia de Jérôme de Hangest (Paris, Jehan Petit, 1540) ; et, enfin, Le second livre des Recherches, quatrième et dernière pièce. Il s’agit d’un exemplaire dédicacé par Pasquier avec sa signature autographe. On lit en effet, en dépit des ratures, sur la page de titre, ces lignes à la plume : « Pour (…)/ à Monsieur/ Doucet mon/ compere/ E. Pasquier ». Et, par-dessus l’ex-libris du [second ?] possesseur : « A monsieur Barba/ escolier au/ college de Lisieux ». L’exemplaire comporte quelques nota, manchettes et soulignements de deux mains, celles de Doucet et de Barba sans doute.

Si rien de tout ce que nous avons vu n’explique le recours à Senneton, l’extrême rareté des exemplaires, en revanche, signale soit un petit tirage pour une édition à l’essai, hypothèse contredite tant par l’adresse liminaire au peuple français que par la perfection matérielle de l’impression, soit une destruction qu’on pourrait mettre au compte du pillage du fonds des Senneton durant l’exil de Claude, si le stock avait pris le chemin de Lyon69, voire, beaucoup plus tard pendant les troubles de la Ligue, de la maison de Pasquier. Mais on peut aussi imaginer que l’auteur, propriétaire de ce stock entreposé chez lui, l’ait lui-même fait disparaître avant commercialisation ou distribution : au moins l’un des trois70 exemplaires connus aujourd’hui n’est en tout cas jamais passé par un étal. Car quand Pasquier remanie à la fin de sa vie ses Recherches, il précise au début du chapitre Admirauté, Eaux et Forests du livre II, que « ce second livre fut premierement imprimé en l’an 1567. depuis augmenté selon la diversité des impressions, et maintenant en cette année 1615 d[‘un] nouvel appentis » 71. Au format d’un tout petit in-octavo, l’édition orléanaise de Pierre Trepperelde 1567 avait été imprimée sur du papier médiocre et reprenait les liminaires des éditions précédentes72. En certifiant originale cette édition peu glorieuse, l’octogénaire ou ses héritiers falsifiaient les faits et oblitéraient jusqu’au souvenir des amitiés lyonnaises et de l’édition Senneton.

Alors, publier le second livre des Recherches de la France sous la marque de la salamandre en 1565 et l’avoir oublié cinquante ans plus tard, signifiait-il donc qu’on avait cédé à des suggestions, des pressions amicales ? Qu’on avait fait un geste militant, gallican ou calviniste ? Ou simplement qu’on avait voulu croire encore à la concorde des deux religions, comme y avait cru en 1561 l’anonyme auteur de L’Exhortation aux princes et seigneurs du Conseil privé du Roy pour obvier aux seditions qui occultement semblent nous menacer pour le fait de la Religion, ce S[tephanus] P[aschsius] qui voulait une médiation pacifique entre des politiques, alors papistes par opportunisme, une élite protestante raidie dans le dogme, un peuple catholique conservateur et les fidèles des deux Églises fanatisés par leurs prêcheurs73. Que Pasquier ait vu en Senneton un bon et solide marchand, amateur de bel ouvrage, parent de ses amis ; qu’il ait vu ensuite en lui plus que le libraire de Kerquefinen, celui de Du Moulin, emblème d’une résistance éclairée et obstinée aux empiètements des pouvoirs, et qu’il ait été tenté lui aussi par une manifestation d’indépendance74, voilà l’évidence. Pour le reste, difficile de mettre en doute la catholicité d’un père qui « pour rien (…) n’eust envie de changer de religion » alors que « plusieurs estimèrent » que Nicolas, son second fils, baptisé à Saint-Nicolas-du-Chardonnet le 10 février 1562, aurait dû être porté devant le patriarche75 ; d’un écrivain qui publiera en 1586 des lettres aux amis Kerquefinen et Fonssomme un temps tentés par la réforme, tout en proclamant depuis la même tribune qu’il voulait « vivre et mourir en ceste foy, et à la [s]ienne volonté que toute nostre France fust reduite souz la mesme creance » 76 ; d’un avocat qui allait, ou venait de se faire connaître en plaidant, avec maintes protestations d’orthodoxie, pour l’Université contre les jésuites77 ; d’un futur patriarche des lettres qui protestera encore solennellement à l’adresse de Claudio Aquaviva, leur général :

Je vous prie de croire que je ne fus jamais Huguenot (j’useray du mot qui nous est en ceste France malheureusement trop familier). Il y a soixante ans et plus de passez que la porte m’y estoit impunement ouverte : toutesfois j’ay depuis ma jeunesse jusques à huy, conduit, d’une mesme teneur, ma religion en l’Eglise Catholique, Apostolique, Romaine, et non seulement conduit ains en ay fait profession publique par mes Livres…78

Oui, les trois exemplaires rescapés de l’édition Senneton du Second livre des Recherches témoignent qu’en 1565 la porte était « impunément ouverte » à Pasquier. Mais ils disent aussi que, tout compte fait, il préféra que la postérité ignorât jusqu’à sa tentative ou ses tentations personnelles de passer le seuil79.

Le Second livre des Recherches de la France, Paris, Claude Senneton, 1565 : page de titre (exemplaire de la bibliothèque de l’auteur).

Le Second livre des Recherches de la France, Paris, Claude Senneton, 1565 : début du premier chapitre, f. 1r° (Air°).

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1 Du 13 mars 1564 au 1er mai 1566.

2 « Que sçaurions nous maintenant faire parmy ces tumultes qui voguent parmi la France sinon à la Diogenique rouler, tourner, retourner nostre vaisseau, je veux dire, fueilleter et refueilleter noz papiers ? Noz plumes nous servent de glaives, toutes-fois glaives de telle trempe que nous sommes au temps qui court bien empeschez de sçavoir de quelle sorte les affiler. Car d’en user comme d’espées qui coupent à deux trenchants, nous ne le pourrions entreprendre sans encourir l’accusation d’impiété. (…) Parquoy le meilleur est de s’en escrimer comme d’une espée rabatue en un jeu de prix » (Lettres, II, 2 à Émery Bigot ; Paris, Abel L’Angelier, 1586, 31r°). Diogène roulant son tonneau vient des prologues du Cinquiesme Livre et du Tiers Livre (Rabelais, O.C., éd. Mireille Huchon, Paris, 1994, pp. 726 et 347 et notes).

3 Parfois revendiquées ensuite, voir Lettres, 1586, II, 5, 38v° et suiv., pour Les Ordonnances generalles d’amour, imprimées à Vallezargues [au Mans], par l’autorité du prince d’Amour [1564] : le texte érotique et burlesque, qui prend la forme d’une ordonnance en 50 articles, est signé Poussemotte, nom que l’on retrouvera pourtant au privilège, bien réel celui-là, du Monophile de 1578. Même procédé pour certaines pièces latines ou des sonnets d’abord lancés anonymes dans la chaleur des événements, puis publiés une fois refroidis dans les Epigrammata, les Poemata et les Sonnets divers de La Jeunesse en 1610 : voir la lettre XIX, 11 à Loisel qui commente un sonnet et sept epigrammata (dans l’éd. des Lettres familières par D. Thickett, Genève, 1974, pp. 291-303).

4 Associé à Jean Longis et à son gendre Robert Le Mangnier, confrères du dit lieu.

5 Le premier livre des Recherches, Paris, Vincent Sertenas, 1560, aiir°-aiiiv°.

6 « L’un se paint un visage blesme,/ Et l’autre, aux despens de soy mesme/ Enrichist de France le nom :/ Encores la playe est ouverte/ De mon Du Bellay, dont la perte/ Fait perdre au[x] Muses le renom./ Mais Pasquier despitant l’envie,/ Et le sort dont elle est suivie,/ Maugré l’injure de ce tems,/ Donne le jour à son ouvrage,/ N’esperant tirer d’avantage/ De luy que la rouille des ans… ». L’ode de Belleau, 13 sizains d’octosyllabes aabccb, figure aux f. a iiii-a vir° de l’ouvr. cit.

7 Au contraire du livre III, retenu, lui, jusqu’en 1596, et qui traite de la police ecclésiastique et développe la défense des libertés de l’église gallicane.

8 f. AAiiiir°-à CCiiiir°, 15 p.

9 Les deux premiers en 1562, le troisième en 1563. Ont aussi disparu leurs associés du Monophile de 1555, Benoist Prévost avant octobre 1562 et Charles L’Angelier avant novembre 1563 (Philippe Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d’imprimerie depuis l’introduction de l’imprimerie à Paris jusqu’à la fin du XVIe siècle, Paris, Minard, 1965, respectivement pp. 396, 284, 185, 354 et 236).

10 Voir notre article « Étienne Pasquier (1519-1615) et l’édition de ses œuvres », Lectura, 1999, 6, Szeged, Scriptum, 1999, pp. 3-25.

11 En témoignent ses relations avec la Brigade élargie et avec le milieu des traducteurs des Amadis. Voir « E. Pasquier et Pontus de Tyard », Pontus de Tyard, poète, philosophe, théologie, Sylviane Bok-dam éd., Paris, 2003, pp. 61-88.

12 Et même fidèle post mortem, puisqu’il confie (ou laisse ?) en 1567 à sa veuve Jeanne Bruneau et à ses gendres Gilles Robinot et Vincent Norment associés avec Le Mangnier, époux de Geneviève Longis, une réédition du Monophile pour laquelle est repris le privilège du 10 novembre 1553, puis au seul Gilles Robinot un rafraîchissement des Recherches de la France, Livre premier et second, augmentés d’un chapitre et de quelques chapeaux, en 1581. Néanmoins la fidélité, ou le laisser-faire, de Pasquier ne va pas jusqu’à remettre à ces héritiers ou continuateurs du défunt Sertenas de nouveaux manuscrits : ils exploitent, avec ou sans son accord, des titres que le chef de famille avait lancés.

13 Voir infra note 72.

14 Le public attendra trente et un ans la suite, Les Recherches de la France, Reveües et augmentées de quatre Livres (Paris, Jamet Mettayer et Pierre L’Huillier, 1596), cependant que les amis consulteront le manuscrit et que d’indélicats plagiaires le pilleront, du moins à ce qu’a toujours prétendu Pasquier : Lettres VIII, 1 à Pithou et IX, 9 à La Croix du Maine.

15 Le Second livre des Recherches, Paris, Senneton, 1565, aiir°-v°.

16 Ibid. aii v° et suiv.

17 Officiellement du moins comme on le verra plus bas. Sans être courante, la pratique existe : Philippe Gautier-Rouillé, neveu du Lyonnais Rouillé, a lui aussi publié sur la place de Paris et au même moment, par exemple l’Observationum divini et humani juris liber I de Barnabé Brisson en 1564, rue Saint-Jacques, à l’enseigne de la concorde.

18 Magistrale étude de la carrière lyonnaise des Senneton dans la Bibliographie lyonnaise de Baudrier, VII, 367-448 (autres graphies p. 367) ; on doit à Philippe Renouard, la découverte de nombreuses pièces du Minutier central les concernant (Privilèges et Imprimeurs et libraires, documents, ouvrages ms. conservés à la Réserve des imprimés de la BnF, respectivement pp. 64 et 15-21).

19 Le père Antoine, marchand drapier, était échevin en 1523 et 1528.

20 Baudrier (VII, 394-395) donne reproduction de huit de ces marques de format varié et avec ou sans devise, latine ou française ; mais on peut constater qu’il est loin d’être exhaustif. Il résume (VII, 367-368) l’existence de l’entreprise ainsi : Jean et Jacques Senneton, associés, Claude Senneton commanditaire, avec Maurice Roy et Louis Pesnot, pourfacteurs, 1536-1553 ; Jean et Claude Senneton, associés avec Louis et Charles Pesnot, 1553-1559 ; Claude Senneton et Charles Pesnot, associés, 1559-1568 ; Claude Senneton, émigré à Genève et Charles Pesnot, directeur à Lyon, 1568-1569 ; Charles Pesnot émigré à Genève, compagnie de la Salamandre, gérée par les facteurs de Pesnot, 1569-1571 ; Charles Pesnot, directeur à Lyon de la compagnie de la Salamandre jusqu’à la mort de Claude Senneton, Clément Baudin administrateur gérant, 1571-1574 ; Charles Pesnot, Clément Baudin et René Postillier liquidateurs de ladite compagnie, 1574-1584 ; fin de la liquidation par les héritiers de Charles Pesnot et par Henri Borsallier, puis achat du solde invendu par Jean de Gabiano, 1584-1597.

21 Lyon, Jean Crespin pour Henri Savore, 1536. Elle fut aussi vendue par les libraires Jean de Portonariis et Jacques Giunta, puis par Jean Senneton (Baudrier, VII, 367). Baudrier recense cinq titres de 1518 à 1532, et la Bibliotheca Bibliographica Aureliana (Lyon, III, p. 228), sept.

22 Baudrier, VII, 413.

23 Baudrier VII, 413-416.

24 Bermond Choveron, Jean Milles de Souvigny, Gilles Bellemère, Jean de Nicolas de Gimont, Charles du Moulin, Antoine du Pinet, André Tiraqueau et Laurent Joubert.

25 Bartole, Du Moulin et Tiraqueau par exemple ; pour le commentaire voir Baudrier, VII, 370.

26 Ou d’en publier une signée de leur nom : par exemple, préfaces latines en 1550 au Corpus juris ciuilis et aux Prælectiones de Paul de Castres (Baudrier, VII, 413 et 416).

27 Baudrier donne le contrat passé entre l’Université et les trois frères qui s’obligent à restituer le ms. « sans aucune coupure, corruption, rature, ni macule » et s’engagent à distribuer des exemplaires de l’édition imprimée aux universitaires ou à leurs héritiers (VII, 373-374).

28 Baudrier donne également le contrat passé le 25 juin 1554 entre les frères Senneton de Lyon et les frères jacobins d’Avignon (ibid., 375-378). Les deux livres paraissent, imprimés par Macé Bonhomme en 1555 et 1556.

29 Seigneur de la Reclaye au privilège du 16 juin 1561 de la traduction de Pline par Du Pinet, de Larreclais au contrat donné par E. Balmas, voir infra note 53.

30 Baudrier VII, 368 ; mais sans preuves, hélas. Reste à explorer, ce que nous n’avons pu faire, l’éventuel établissement troyen de Claude entre les années d’études et les responsabilités confirmées dans la librairie lyonnaise.

31 Voir Baudrier VII, 382 (contrat d’association du 4 mars 1559 avec ses confrères Hugues de la Porte, Guillaume Regnault, Antoine Vincent et les frères Gabiano), et Jeanne-Marie Dureau-Lapeysonnie, « Recherches sur les grandes compagnies de libraires lyonnais au XVIe siècle », dans Nouvelles études lyonnaises, Genève-Paris, 1968, p. 33-51.

32 Ainsi Jean était-il consul lors de l’entrée de l’archevêque Hippolyte d’Este à Lyon : V.-L. Saulnier, Maurice Scève…, Paris, 1948-9, I, 332 ; II, 268, 271, 274 et 277.

33 Jacques est mort en 1553, Jean en 1559 sans héritier ; mais la compagnie continue de fonctionner avec ses facteurs associés Louis et Charles Pesnot, et les deux fils de Jacques, Antoine et Philippe Senneton dont Claude est le tuteur, comme commanditaires (Baudrier, ouvr. cit., 368).

34 En 1570, le libraire genevois Laurent de Normandie a en magasin cent trente De la providence de Viret à 18 deniers et trois Response de Viret au minime à 2 sous, imprimés chez Senneton en 1564 et 1565 (Aspects de la propagande religieuse, Genève, Droz, 1957, pp. 217 nº 174 et 225, f. 28).

35 Nicolas Pithou et Senneton ont pu se connaître soit à Troyes, soit dans le milieu des Troyens de Paris.

36 Cent et dix consyderations (…) Traduites premierement, d’Espaignol en langue italienne, et de nouveau mises en François, par C. P. K., à Lyon, Par Claude Senneton, 1563 (BnF D 5052, Baudrier VII, 431) ; Le dialogue des natures de Christ (…) traduit du latin de Pierre Martyr par Claude de Kerquefinien, parisien de 1565, bien décrit par Du Verdier (I, 350), ne se retrouve pas : voir Baudrier, ibid. 436-437 et Silvio Baridon, Claude de Kerquefinen, italianisant et hérétique, Genève, 1954 pp. 27-28.

37 Voir Baudrier, ibid., 436-440 ; André Stegman, « Un visage nouveau de l’humanisme lyonnais : paradoxe et humour dans la production des années 1550-1580 », dans L’Humanisme lyonnais au XVIe siècle, Grenoble, P. U. G., 1974, pp. 275-294 et surtout Silvio F. Baridon, ouvr. cit., qui analyse ces ouvrages et en montre le caractère polémique, malgré tout modéré et conciliant.

38 Le livre d’Antoine de Chandieu est sorti sans la marque en 1563, voir Baudrier VII, 432.

39 Destinataire d’une pièce des Ruisseaux de Charles Fontaine (Lyon, Thibaud Payen, p. 168). Ph. Renouard (Impr. et libraires) a dépouillé des pièces du Minutier central sur les affaires troyennes de Pierre (transport des droits de son abbaye à Claude en 1567) et d’Antoine Senneton (subrogé aux dits droits en 1569).

40 Il résignera à Loys Besançon dès le 13 décembre 1564 : E. Maugis, Le Parlement de Paris, Paris, réimpr. Slatkine, 1977, I, pp. 189-190 et II, pp. 200-223. Des lettres patentes du 20 septembre 1548 le font figurer avec Berruyer et Montmirel sur une liste de trois parlementaires pourvus depuis l’avènement et non sujets à confirmation (MC X1A 8616, 215v°). Antoine Senneton s’illustre pendant la querelle du semestre de 1554-1555 en refusant de céder un dossier (Maugis, ibid., p. 323).

41 BnF, mss, Dossiers bleus 611, 16704, f. 4, extrait pris et collationné sur l’original le 13/9/1655. Autres pièces concernant la famille : PO 2687, 59610 (surtout Charles, Philippe le neveu et sa veuve Marie Clausse qui avait été l’épouse de Florimond de Robertet) ; Carrés d’Hozier 580 : Philippe ; Cabinet d’Hozier 310, 8529 : arbre généalogique de la famille, moins complet que celui de Baudrier VII hors texte 368-369. Les Molé étaient des bourgeois de Troyes, alliés aux Dorigny.

42 Les Tractatus duo analytici, le Contra parvas datas, l’Extricatio labyrinthi, les Quinque solemnes lectiones chez Antoine Vincent en 1551, 1552, 1554 et 1557 avec privilèges, le Commentaire (…) contre les petites dates chez J. Robichon en 1554 ; les Consiliorum libri VII d’Alessandro Tartigni annotés par Du Moulin chez Thomas Bertheau en 1556-1557, avec privilège. Et dès 1545, partagées avec les Frellon et protégées par des privilèges, les éditions, annotées par le jurisconsulte, de Dino de Mugello et de Filippo Decio.

43 Du Moulin a donné « À la salamandre rue Merciere » en 1561, La Premiere partie du traicté de l’oirigine, progrès et excellence du royaume de France, avec privilège, prétendument, car il s’agit de la reprise du privilège général à lui accordé en 1551 pour neuf ans. Avec une certaine insolence, cette édition redonne pp. 89-99, la lettre du 1er janvier 1552 réprouvée par les « cardinaux et Sorbonne, la Court de Parlement de Paris, les gens du Roy ». Du Moulin commente ensuite la brigue, injuste et infondée à son avis, qui l’obligea à s’exiler et à offrir ses services au landgrave de Hesse puis aux princes protestants.

44 Elle porte en outre, sous le titre, un extrait du 1er Psaume et un d’Esdras (3, 4) : exemplaire consulté BnF *E 2059 pièce 4.

45 L’ouvrage démontre en cent paragraphes que le « pretendu concile de Trident » est entaché de nullité, ne pouvait s’interrompre puis reprendre, que le pape a eu partie liée avec l’Empereur contre le roi de France, que le concile a accumulé les usurpations et les abus, qu’il n’est que « difformation », « corruption » et « discoloration » : « Recevoir ledit Concile, ce n’est pas seulement abroger la souveraine puissance du Roy, mais aussi abroger l’authorité des Estats de France, liberté, et droicts du Peuple et Eglise Galicaine, pour en faire un pays d’obedience Papale » (§97).

46 Grand Chambre et Chambre du Conseil.

47 Argument classique, voir Maugis, que nous suivons pour ce récit, II, pp. 281-282 d’après AN, MCNP X1A 1609, 245v°, 247, 333, 357 ; 1610, 3v°, 6, 7, 21 et 27 juin et 1er juillet.

48 À Bar-le-Duc le 1er mai, il se trouve du 19 au 27 à Dijon et aux alentours, et à la fin mai à Chalon-sur-Saône : voir The royal Tour of France (…) Festivals and entries 1564-6, édit. V. E. Graham et W. McAllister Johnson, Toronto, Buffalo, London, 1979, pp. 85-86.

49 Ce n’est que le 31 janvier 1584 que l’on voit ajoutée la mention « sans approbation du Concile de Trente » (X1A 1683, 324v°, d’après Maugis).

50 Voir Aspects de la propagande, ouvr. cité, pp. 288 et suiv.

51 Où l’on trouve bien parmi les fauteurs de trouble « les deux frères Senneton eux disans seigneurs de la Reclaye, et quatre de leurs serviteurs ». Selon Baudrier (VII, 369), il s’agit de Claude bien sûr et sans doute du mystérieux Pierre I, Pierre II, conseiller et aumônier du roi, étant resté fidèle à la foi catholique.

52 Opinion d’Eugénie Droz et de Dorothy Thickett, dans « Pasquier and his part in the Struggle for Tolerance », dans Aspects de la Propagande, ouvr. cité, p 383.

53 Revenu dans le giron de l’Église, il sera l’ami des derniers mois de Jodelle : S. Baridon, ouvr. cit., pp. 36-42 et E. Balmas, Un poeta del Rinascimente francese, Étienne Jodelle, Firenze, 1962.

54 Adnisse Peraton était et la mère d’Anne Le Jars, mère de Claude de Kerquefinen, et celle de Marie Ménisson, l’épouse troyenne de Claude Senneton : E. Balmas, ouvr. cit., passim, les pièces du Minutier central pp. 807 et suiv., et l’arbre généalogique.

55 Antoine Loisel notera cette dédicace dans sa Vie de Pithou : « P. Pithou avoit (…) fait imprimer deux petits livres Adversariorum subcesiuorum, dont il me fit l’honneur de m’adresser le premier, et le second à M. Claude Senneton » (Joly, Opuscules de Loisel, Paris, Vve Guillemot, 1652, p. 257).

56 « Hæc [ex aduersariis meis capita quædam] ego qualiacumque tandem videantur, cum in adsignationem proprie non caderent, Ant. Loiselo, tibique Claudi Sennetone, viris mihi amicissimis, tanquam veteribus possessoribus subsiciua concessi (…) ut apud omnes testimonium dicant justæ veræque eius amicitiæ, quæ inter nos a pueris sanctiore quædam necessitudine conciliata, post etiam studiorum et naturæ similitudine confirmata, sempiterna mihi religione percoletur »: Petri Pithœi I. C. Adversariorum subsecivorum libri II, Paris, Jean Borel, 1565, f. 35 (BnF, F 24359 exemplaire de Claude Dupuy). Le premier livre va à Antoine Loisel, avec serments d’amitié à la date du 29 septembre 1564 à Troyes.

57 D’après Berriat Saint-Prix (Histoire du droit romain, Paris, Nève, 1821, p. 383), ce pourrait être à Bourges et Valence de 1556 à 1560. Mais Senneton est certainement plus âgé puisque ses frères se l’associent dès 1548, alors que Pithou était né en 1539.

58 Voir ausi L. M. P. P. D. D= L. M. (?) Petro Pithœo dono dedit.

59 Ad tres postremos Lib. Cod. Justiniani commentarii, Lyon, Jean de Tournes et Guillaume Gazeau, 1562.

60 Ad titulum digestorum de excusationibus commentarius, Observationum lib. VI, VII, VIII, Lyon, Guillaume Rouillé, 1563.

61 Voir Berriat Saint-Prix, ouvr. cit., p. 468 : Cujas avait déjà des exemplaires le 20 août, d’après BnF, mss, Dupuy 700, nº 34.

62 Le Ad Africanum reliqui tractatus VI, VII, VIII, IX et les Observationes XII à XIV. Depuis Genève, Senneton continue de surveiller de très près l’entreprise à la salamandre puisqu’il a justement obtenu le 23 avril 1568 privilège royal pour cet ouvrage (Baudrier VII, 445) : n’est-ce pas un indice des relations particulières de Cujas avec Claude Senneton, relations dont témoigne aussi le Basilikôn liber LX, quo Juris civilis Tituli LXX omia crimina (…) explicantur, Jacobo Cuiacio I.C. Interprete de 1566 (privilège à Senneton du 16 juin 1561) ? Pierre Senneton, fils d’Antoine et neveu de Claude, est ainsi l’élève de Cujas à Valence de 1571 à 1573 (Berriat Saint-Prix, ouvr. cit., p. 568).

63 Mgr Joseph Roserot de Melin, Antonio Caracciolo, évêque de Troyes (1515 ?-1570), Paris, Letouzey et Ané, 1923, arbre généalogique des Pithou en appendice ; p. 181, nº 1 : « Peu de temps après l’arrivée de Caracciolo à Troyes, “un jeune fils de Troyes nommé Dorigny” reçoit une des prébendes vacantes, sur la demande de son beau-père Claude Senneton “qui luy [à l’évêque] donna en contre eschange un mulet fort excellent” ». Voir Nicolas Pithou, Hist. eccl. de la ville de Troyes, f. 74v°. Voir aussi Pierre Grosley, Vie de Pierre Pithou, Paris, 1756, I, 18 : la mère de Pierre et François Pithou, Bonaventure de Chantaloé, est donc fille de Catherine Dorigny et de Robert de Chantaloé, et nièce de Nicolas Dorigny, chanoine de la cathédrale et de Pierre Dorigny, président aux enquêtes au parlement de Paris.

64 Cabinet d’Hozier 310, 8529.

65 Baudrier, VII, 384. Après la dédicace à Claude Senneton du livre II des Adversaria, Pithou consacre son premier chapitre aux « Tricasses, Tricassini, Campani » ; faisant les antiquités de sa patrie, il recense les mentions anciennes (itinéraire d’Antonin, Ptolémée, l’auteur du Panégyrique attribué à Constantius Cæsar, Ammien Marcellin, Sidoine Apollinaire, Bède, Isidore de Séville), commente une inscription lapidaire notée par lui à Lyon comme par hasard (38v°) et surtout un cadeau fait par son propre père, vieillard vénérable, avant de terminer par Aymon, Grégoire de Tours, Adon, Sigebert de Gembloux.

66 Grosley, ouvr. cit. I, 99.

67 Dorothy Thickett ne signalait, et sans le décrire ce qui laisse supposer qu’elle ne l’avait pas vu, que l’exemplaire de Bordeaux dans sa Bibliographie des œuvres d’E. Pasquier (Genève, Droz, 1956, p. 32, nº 4) ; rien dans le supplément BHR XXXVII (1975), p. 252-253. Nous avons retrouvé le second à Angers. À ces deux exemplaires, il convient aujourd’hui d’ajouter un troisième débusqué par Michel Simonin à l’été 2000 dans le catalogue d’un libraire. Issu lui aussi d’un recueil dépecé, il ne livre rien à la sagacité de l’observateur qu’un ex-libris avec devise « En dieu la fin Sallin », quelques nota, dates et manchettes et de nombreux soulignements.

68 La BnF en conserve un exemplaire réglé et un autre, identique, daté de l’année suivante.

69 Un acte de 1569 publié par Baudrier fait en effet état d’un pillage avec incendie (Baudrier, VII, 382-383).

70 Voir supra, la fin de note 67.

71 Recherches, Paris, Laurent Sonnius, 1621, II, 14, p. 114 (chap. devenu ensuite le 15e chez Guillaume de Luyne en 1665, p. 107, où l’on lit la même date de 1567). Il faut cependant reconnaître le flottement, voire l’incorrection, des dates concernant l’ouvrage lui-même à cause des remaniements successifs et du délai entre les corrections et l’impression : l’édition Jamet Mettayer et Pierre L’Huillier de 1596 postdatait la parution du premier livre de deux ou trois ans (avant-propos, p. 2), erreur conservée par l’édition Sonnius de 1607 ; en revanche l’édition Laurent Sonnius de 1621 donne les dates exactes, 1560 et 1565, dans ce même avant-propos (p. 1). L’édition de Luyne conservera le texte de 1621, soit cette contradiction entre l’avant-propos repris de 1596 qui date le second livre des Recherches de 1565 et le 14e chapitre du IIe livre, préparé vers 1615, qui le date de 1567.

72 Au lecteur du premier livre, publié en 1560 chez Sertenas, et Au peuple françois au devant du second, ainsi qu’in fine l’ode de Belleau et l’épigramme d’un « ami de l’auteur », Guillaume des Autels, tous trois publiés liminaires en 1565 chez Senneton.

73 Pour l’Exhortation, voir Henri Hauser, Les Sources de l’histoire de France, Paris, 1912, III, 176, nº 1800 ; Joseph Lecler, Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme, Paris, 1994, 2e édit. pp. 437-442 ; D. Thickett, « Estienne Pasquier and his part in the struggle for tolerance », dans Aspects de la propagande religieuse, ouvr. cité, p. 377-402, et John Parkin, « E. Pasquier, tolérant ou indécis ? », Studi francesi, Torino, XXIV (fasc. II), 1980, pp. 205-223. Au moment où ses Recherches sortaient chez Trepperel (1567), il dit ce qu’il pense dans le sonnet d’abord anonyme « Veux-tu sçavoir quel est l’estat ». Il en commentera la genèse beaucoup plus tard dans la lettre XIX, 11 à Loisel et antidatera la pièce au « Commencement des troubles pour la diversité de Religions en l’an 1564 » lors de sa publication dans les Sonnets divers (La Jeunesse, Paris, Jean Petit-pas, 1610, 508). On y retrouve, avec la tonalité du désespoir, tous les ingrédients de l’Exhortation : « un jeune Roy », « Un païs du papiste et huguenot destruit/ L’estranger qui pour nous à nostre mort s’avance », « La justice sous pieds », des hostilités implacables et la confusion sociale.

74 Dans Les Lettres, il la prête au style indirect aux parlementaires victimes après la séance du 19 juin 1559 d’« emprisonnements tortionniers », et qu’il qualifie pour se dédouaner de « nouveaux commentateurs » : « Que les opinions devoient estre libres, et non fondées par un Roy, pour puis apres les ayant ouyes envoier les Conseillers en une prison close » (IV, 3, à Fonssomme, 1586, 87r°).

75 Archives du château de Sassy, Généalogie, p. 4, pièce publiée par Paul Bouteiller dans son Recueil de documents sur la vie et l’œuvre d’E. P., Paris, Éditions ISI, 1991, p. 65.

76 Lettre X, 6 (1586, 310 r°), à Nicolas Brulart de Sillery, président en la troisième chambre des enquêtes du parlement de Paris.

77 « Je suis fils de l’Église Romaine : je veux vivre et mourir en sa foy » (protestation figurant dans son plaidoyer publié dans les Recherches III, 44, p. 832 de l’édition de Paris, 1996). Les débats s’ouvrirent le 29 mars 1565, mais, en l’absence de privilège, on ignore quand parut le Second livre des Recherches.

78 Lettre XXI, 3 (édition dite d’Amsterdam, 1723, 637) ; c’est nous qui soulignons.

79 De même n’a-t-il jamais reconnu la paternité de l’Exhortation citée plus haut et qui est sortie pourtant de sa plume. Par ailleurs il aurait donné en 1546 pour le supplément des psaumes de Marot, réédité les années suivantes, deux pièces : un quatrain publicitaire et la traduction en décasyllabes du psaume LXII, annoncé « traduict par Estienne Pasquier ». Même si comme le croyaient D. Thickett et E. Balmas la chose n’a rien d’impossible – Pasquier avait alors dix-sept ans et figurait dès le collège au rang des admirateurs du poète au témoignage de Ramus et au sien propre –, on se gardera de conclure sur un fait aussi sujet à caution et dont doutait Eugénie Droz, laquelle préférait, à juste titre semble-t-il, attribuer ces vers à l’obscur recteur de Louhans homonyme, traducteur de cinq opuscules de Plutarque parus aussi en 1546 (Les Chemins de l’hérésie, Genève, réimpr. Slatkine, 1974, t. III, p. 80).