À propos d’un catalogue
Daniela Camurri, Archiginnasio : altri scenari di Francia. Opere teatrali francesi dei secoli XVIIe XVIII alla Biblioteca dell’ Archiginnasio di Bologna, Bologna, Pàtron editore, 2004 (« Emilia Romagna Biblioteche Archivi », 50). ISBN 88-555-2766-5
Frédéric BARBIER
Le pays des rêves. Pour les amateurs d’histoire du livre comme pour ceux d’histoire de l’art ou encore d’histoire de la littérature, l’Italie est bien le pays rêvé. D’abord, nous trouvons en Italie une densité extraordinaire de bibliothèques somptueuses, installées dans des palais, et dont les richesses bibliographiques, pour parler comme l’abbé Grégoire, semblent infinies : ainsi, en Émilie et dans la région, de Modène, Parme, Reggio, Ferrare, Guastalla, Cesena, Ravenne, et bien sûr Bologne, avec en tête la bibliothèque de l’Archiginnasio. Si nous continuions un petit peu vers le sud, nous serions bientôt à Prato, à Florence et à Fiesole. Cette richesse, dont nous n’avons pas l’équivalent en France, s’explique en partie par l’éclatement politique et la multiplication des cours princières aux XVe-XVIe siècles et durant tout l’Ancien Régime. Mais la richesse des fonds anciens bénéficie aussi d’une mise en valeur – la langue technocratique en vogue dans nos administrations parlerait volontiers de valorisation et de visibilité – qui, à nos yeux, est exemplaire, mise en valeur rendue possible par la conjonction de trois facteurs : 1) D’abord, une tradition éditoriale riche, raffinée et efficace. Nous trouvons aujourd’hui dans toutes les grandes villes italiennes, et notamment à Bologne, au moins quatre ou cinq maisons éditoriales de qualité, intéressées par la publication de travaux scientifiques ou de catalogues. Rien de comparable, malheureusement, de l’autre côté des Alpes, où la surconcentration parisienne est extrême et où même une ville comme Lyon est pour ainsi dire totalement démunie en matière d’édition. 2) Ces éditeurs savent travailler et ils s’intéressent à ce qu’ils font. Le résultat est une relecture soignée des textes publiés, et une « mise en livre » souvent élégante et toujours efficace, pour un prix en général très raisonnable. 3) Intervient enfin une politique intelligente combinant aide publique et mécénat, laquelle permet à des séries de travaux scientifiques de qualité de voir le jour. Le volume récent de Daniela Camurri est l’illustration de ce fait, volume qui nous donne le catalogue des pièces de théâtre en français des XVIIe et XVIIIe siècles conservées à l’Archiginnasio. C’est une grande richesse documentaire qui se trouve ainsi mise à la disposition de la communauté savante, et cela depuis plusieurs années, puisque la collection « Emilia Romagna Biblioteche Archivi » publiée par Pàtron compte plus de cinquante fascicules. Bref, pour les chercheurs et les universitaires français, surtout dans le domaine de l’histoire du livre, nous sommes dans le domaine de l’utopie et du rêve, encore plus si nous considérons que nous pourrions citer une infinité d’autres publications, par exemple sur Les Grandes bibliothèques de l’Émilie-Romagne et du Montefeltre, sur La Bibliothèque de l’Archigginasio de Bologne, sur les collections de la Biblioteca Estense, etc.
Un nouveau répertoire. Madame Camurri complète, avec son nouveau répertoire sur les éditions théâtrales françaises des XVIIe et XVIIIe siècles conservées à l’Archiginnasio, son précédent travail publié sur les traductions du théâtre français en italien au cours de la même période. Elle s’impose ainsi comme une spécialiste des phénomènes relevant du « commerce culturel » entre l’Italie et la France sous l’Ancien Régime – elle est également l’auteur, par exemple, d’un article récent et important consacré aux traductions italiennes des romans de l’ancien évêque de Belley, Jean-Pierre Camus, au XVIIe siècle.
Avec les œuvres théâtrales en français conservées à l’Archiginnasio, nous avons quelque chose qui est à la fois une étude modèle et un travail rare. Étude modèle : pour nous en tenir aux chiffres donnés par l’auteur, ce sont quatre cent quarante-huit éditions, quatre cent soixante et onze fiches bibliographiques et plus de mille pièces de théâtre qui se trouvent répertoriées. La présentation suit l’ordre alphabétique et les fiches normalisées précisent la cote des volumes. Travail rare : la recherche des pièces de théâtre dans les catalogues de bibliothèques est toujours problématique, parce que les catalogues ne se recoupent pas absolument entre eux ni avec les collections effectivement présentes en magasins, parce que la classification systématique n’est jamais absolument assurée, et surtout parce qu’il faut débusquer les opuscules (les « pièces ») dans des recueils de toutes sortes, et notamment dans des recueils d’œuvres complètes ou de morceaux choisis. Enfin, l’inventaire n’est pas tout, il faut encore identifier les pièces dont les auteurs ne sont pas précisés, sans parler des erreurs, fausses attributions, etc. Même si le catalogue n’est peut-être pas absolument exhaustif, il est évident qu’il nous donne pratiquement l’ensemble des documents concernés.
Une introduction riche et dense exploite sur une quarantaine de pages le fichier ainsi constitué, en privilégiant plusieurs aspects principaux. Le premier de ceux-ci porte, tout naturellement, sur l’histoire du théâtre en tant qu’institution à Bologne, ville qui, après Venise, est la première en Italie à bénéficier d’un, puis de plusieurs théâtres publics dans les années 1640. Un autre aspect abordé par Madame Camurri concerne l’étude des pratiques de lecture de ce théâtre en français, qu’il s’agisse de lecture à haute voix, notamment dans les salons, d’utilisation des textes pour l’étude dans les collèges, ou, bien sûr, de lecture strictement privée. Il est évident que l’examen systématique des particularités d’exemplaires apporterait ici des éléments d’information très importants : des exemplaires ont pu servir de support à des représentations théâtrales, tandis que d’autres n’ont pas quitté leur rayonnage de bibliothèque. L’indication des formats, peut-être aussi celle des couvrures et des reliures, serait également utile. Mais, en définitive, la demande de littérature française est telle que, on le sait, plusieurs « libraires français » seront installés à Bologne au XVIIIe siècle, à l’image d’un Nicolas du Solier, de Baralli, de Bouville (un nom d’apparence normande : il s’agit probablement d’un Cotentinois) ou encore de Guibert – un Guibert, associé aux Bouchard de Florence et de Livourne et parent des Guibert de Turin16.
L’économie du livre. Mais un historien du livre est plus particulièrement sensible à ce qui relève de l’« économie » du livre au sens large, qu’il s’agisse du statut des auteurs, du jeu du champ littéraire, des logiques de la « mise en livre », des pratiques de la lecture, du rôle enfin de ces professionnels et intermédiaires divers que sont les imprimeurs, libraires, diffuseurs de toutes sortes, etc. Arrêtons-nous plus longuement sur ce dernier point, le travail de Madame Camurri, grâce à la liste des professionnels et à l’index des provenances typographiques, offrant l’opportunité de tracer les grandes lignes d’une géographie typographique relativement originale : d’une certaine manière, la « librairie française » vue de l’extérieur, cette librairie dont Stendhal dira plus tard que « Rome et [lui] ne connaissent la littérature française que par l’édition belge ». La situation paraît déjà comparable aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Ce qui frappe d’abord, c’est la diversité des provenances : trente-deux villes d’impression, dispersées à travers toute l’Europe, de Lisbonne à Stockholm et de Londres à Dresde, Leipzig et Berlin – une diversité bien réelle même si certaines adresses sont fausses, à commencer par celle de Pierre Marteau à Cologne et à Amsterdam. Les études spécialisées et les travaux systématiques de bibliographie matérielle permettraient sans doute de préciser un certain nombre de ces fausses identifications. Daniel Droixhe a montré qu’il fallait réattribuer à Liège des éditions publiées sous des adresses apparemment tout à fait fiables17. Dominique Varry effectue le même travail pour Lyon et, en s’appuyant sur l’étude du matériel typographique, il a pu réattribuer à des presses de cette ville un certain nombre d’éditions de prime abord parisiennes – entre autres pour Montesquieu. Ajoutons que les libraires du temps ne se laissaient pas abuser : même si tel volume porte une adresse parisienne, le libraire lyonnais l’inscrira dans son catalogue imprimé sous sa véritable adresse, parce qu’il connaît les habitudes et les pratiques typographiques des uns et des autres et qu’il identifie donc sans difficulté la provenance des volumes qu’il a entre les mains.
Concentration parisienne. Pourtant, cette « librairie » très dispersée se trouve en même temps extrêmement concentrée. Deux cent trente-neuf éditions sont à l’adresse de Paris, ville qui domine donc très largement. Nous retrouvons parmi les typographes parisiens tous les grands noms qui sont à la tête de leur profession, à commencer par les Duchesne (Nicolas Bonaventure Duchesne et la veuve Duchesne), mais aussi Ribou, Prault et les Cailleau, Briasson (éditeur du Nouveau théâtre italien en 1733), sans oublier la dynastie des Didot… André Charles Cailleau est certes un homme en vue, qui se distingue, à côté de son activité proprement professionnelle, par une activité d’écriture propre : il donne par exemple un Spectacle historique (abrégé d’histoire universelle) en deux volumes (1764) et collabore avec l’abbé Duclos pour le Dictionnaire bibliographique des livres rares en quatre volumes (1790-1802)18 Son activité d’éditeur de pièces de théâtre enrichit encore une stratégie éditoriale aux multiples facettes. Nicolas-Bonaventure Duchesne, qui épousera la fille de Cailleau et succèdera à son ancien maître, est l’éditeur de madame de Graffigny (1747), de Caraccioli (1760), des Pensées philosophiques de Hume en français (1767, avec un portrait de l’auteur par Cochin), et donc, lui aussi, de nombreuses pièces de théâtre. On dispose d’un bel ensemble de catalogues de sa librairie, auquel il serait sans doute intéressant de se reporter. Ne parlons pas de Merlin « L’Enchanteur » cher à Voltaire, ni des Didot, ni de la dynastie des Prault (proches de Boucher et qui, parfois, publient aussi sous la fausse adresse de « À la minutie »)…
Le répertoire de Madame Camurri met bien en évidence le rôle de ces très grands libraires parisiens, proches de la plus haute société, pour certains d’entre eux intégrés au groupe des philosophes, et qui sont aux origines aussi bien de la fonction éditoriale au XIXe siècle que, pour une part, des intellectuels. Le modèle accompli en est offert par Charles-Joseph Panckoucke19, mais on pourrait bien évidemment penser à d’autres noms dès les décennies 1760-1770. Ces professionnels s’imposent comme des acteurs majeurs du champ littéraire des Lumières, ce qui introduit logiquement au rôle nouveau qui deviendra le leur à l’époque de la « seconde révolution du livre », la révolution industrielle et surtout celle de la librairie de masse et de la médiatisation20. De tout cela, Madame Camurri nous donne une illustration très parlante. Même si l’on peut penser que quelques-unes des adresses parisiennes sont en fait de fausses adresses, Paris écrase absolument la province française, et le déséquilibre tend à s’accentuer : la seconde ville du corpus est celle de Lyon, avec douze éditions dont quatre seulement au XVIIIe siècle et une seule postérieure à 1730 – mais a contrario avec une édition de 1589, sans doute la plus ancienne figurant dans le répertoire (nº 282). Après Lyon, nous trouvons Marseille (sept éditions), Bordeaux (cinq), Montpellier, Rouen et Toulouse (une seule édition pour chacune de ces villes).
La clandestinité. C’est que, comme on pouvait bien s’y attendre, au-delà de Paris, l’essentiel des routes commerciales apparaissant à travers le corpus des pièces de théâtre relève de la clandestinité. Rien d’étonnant, de fait, à la position d’Avignon, terre francophone étrangère isolée au milieu du royaume et l’un des pôles majeurs de l’activité de contrefaçon. C’est le libraire Chambeau qui s’inscrit en effet comme le premier fournisseur de nos bolognais. Si, curieusement, nous ne trouvons rien qui vienne de Lorraine, une autre principauté francophone longtemps indépendante, les trois pôles majeurs de la contrefaçon européenne de livres français apparaissent au premier rang dans le répertoire :
1) La Hollande et les « anciens Pays-Bas », avec les villes d’Amsterdam (vingt-trois éditions, auxquelles il faudrait probablement ajouter celle d’Arkstée et Merkus à Leipzig et certainement celle de Pierre Marteau à Cologne), La Haye (seize éditions), Bruxelles (six éditions) et Liège (une édition)21. On remarque la double adresse d’Amsterdam (Desbordes) et de Mons (Gaspard Migeot22) pour les Œuvres de Racine en 1702 (nº 359).
2) La Suisse, avec les quatre centres de Genève (sept éditions), Yverdon (trois éditions), Neuchâtel (trois éditions) et Lausanne (une édition).
3° Londres, bien entendu, avec sept éditions. Il conviendrait d’ajouter à cet ensemble la ville de Kehl, avec l’édition du « Voltaire » de la Société littéraire typographique (nº 458)23.
Répartition géographique des titres par grandes aires de provenance (pourcentages)
France | Paris | 55,8% | 62,1% |
province | 6,3% | ||
« clandestinité » | Avignon | 19,2% | 33,6% |
« Pays-Bas » | 11,2% | ||
Suisse | 1,6% | ||
Londres | 1,6% | ||
autres pays | Italie | 2,6% | 4,2% |
autres provenances | 1,6% |
Le dernier ensemble rassemble les villes européennes qui n’appartiennent à aucune de nos deux premières géographies et d’où proviennent quelques éditions: des villes italiennes, d’abord, avec Parme (quatre éditions), Livourne (trois), Citadella, Florence, Milan et Turin (une édition à chacune de ces adresses). L’Allemagne fournit un certain nombre de volumes, aux adresses de Leipzig (deux éditions), Berlin, Cologne24, Dresde et Vienne (une édition). Il faut ajouter à cet ensemble les deux villes de Lisbonne et de Stockholm. Au total, nous obtenons donc un bon instantané de l’activité des presses et du rapport de forces à l’œuvre au sein de la géographie européenne de la librairie. Il conviendrait de prolonger l’étude en abordant les problèmes posés par l’évolution de la conjoncture : courbe des titres, déplacements éventuels de la géographie de la production d’une période à l’autre, etc. On pourrait également envisager de croiser les données mises à disposition avec celles relatives à la nature des textes – par exemple selon qu’il s’agit d’auteurs plus ou moins contemporains. Il est bien probable, comme le souligne Madame Camurri elle-même, que cette conjoncture s’articule avec celle du théâtre des Italiens de Paris, notamment à l’époque de la fermeture de l’Hôtel de Bourgogne en 1697, puis avec la réouverture de la Comédie italienne en 1716, l’année qui suit la mort du Grand Roi.
Quelques pistes. Le travail de Madame Camurri se conclut par une dernière étude, tout particulièrement précieuse parce que trop rarement menée, et qui porte sur les provenances. En effet, l’histoire d’une bibliothèque, surtout si on l’envisage dans la perspective d’une étude de l’interculturalité, ne prend tout son sens que si l’on a les moyens de réaliser une manière d’archéologie des collections. Parmi celles-ci, l’attention est notamment attirée, à l’Archiginnasio, par la collection Fusconi, fascinante par sa richesse : à côté des vingt-trois volumes de recueils de pièces de théâtre (regroupant deux cent cinquante-deux titres du corpus), nous y trouvons en effet trois mille cinq cent quarante-deux titres des XVIe-XIXe siècles à caractère littéraire ou artistique, outre une centaine d’incunables et cinquante-neuf manuscrits. La statistique des provenances nous introduit donc à une étude de la bibliophilie érudite, de ses choix et de ses pratiques, étude que Madame Camurri ne peut qu’esquisser, mais qu’il serait particulièrement intéressant de développer25.
Le corpus du « théâtre français » pourrait être interrogé sous d’autres aspects comme, d’abord, celui de la typologie des volumes. Certains titres sont conservés sous forme de pièces isolées, parfois vendues à l’occasion de la représentation elle-même : ainsi de L’heureux événement… d’Armand-Derozée, donné à Paris, chez Jorry, et à Versailles, « à la salle du spectacle », en 1752 (notice nº 14). Dans d’autres cas, il s’agira d’œuvres complètes, comme les théories des éditions de Racine, Voltaire ou encore Rousseau, ces dernières notamment sous la Révolution26. Dans d’autres cas encore, ce sont des collections, comme par exemple celle du Théâtre français (notice nº 428) : encore plus peut-être que pour les entreprises d’Œuvres complètes, intervient ici la notion d’opérations de librairie, mais d’opérations qui disent aussi quelque chose sur les pratiques de lecture et sur les processus de canonisation littéraire en cours – ou non.
Une autre direction de recherche porterait sur la typologie des textes, et, par exemple, sur la place laissée ou non à la musique. L’édition musicale est la spécialité des Ballard27, imprimeurs ordinaires du roi pour la musique, mais ariettes et couplets se retrouvent aussi dans nombre d’autres titres de théâtre publiés à Paris chez Duchesne ou encore à Avignon. Au-delà du problème de la musique, le travail de Madame Camurri donnerait aussi la possibilité d’une étude sérielle de la typologie des pièces, de la pièce de circonstance à l’opéracomique ou encore à la tragédie… Ajoutons que cette typologie des pièces s’articule logiquement avec celle des auteurs, évidemment très riche eus égards à l’ampleur et à la richesse même de la période couverte (les deux siècles 1600-1800)28. La variété croissante du « petit monde » des auteurs a été décrite, on le sait, sur le mode ironique par Louis-Sébastien Mercier, du « classique » à l’auteur à succès, de l’auteur proprement dit à l’auteur de circonstance, à l’adaptateur, au traducteur ou encore au parolier en charge d’accompagner la musique. Le tome II du Théâtre français donné à Lyon en 1780 introduit ainsi le concept quelque peu curieux à nos yeux de « réparateur » avec le titre de Sophronisbe, « tragédie de Mairet réparée à neuf par Voltaire » (nº 428). Une analyse diachronique de la typologie de l’auteur de théâtre d’après le corpus ici proposé permettrait aussi de préciser le rapport entre les « anciens » (un Ésope transposé en comédie en 1706 et 1708 (nº 42 et 43), ou encore Ésope au collège (nº 166) en 1764) et les « modernes » avant et après le pivot central constitué par la « Querelle ».
D’autres voies encore mériteraient d’être explorées, qui portent notamment sur la question de la « mise en livre » et de la « mise en page ». Peu de domaines se prêtent mieux à développer ce type de problématiques que celui du théâtre : la mise en page en sera radicalement différente selon qu’il s’agira de pièces en vers ou en prose, selon qu’elles seront ou non subdivisées en actes, scènes et tableaux, selon qu’on précisera ou non les noms des personnages, les jeux de scène, etc., selon que le volume sera vendu, ou non, à l’occasion de la représentation, selon qu’il sera illustré (sous forme d’un frontispice, d’une ou de plusieurs gravures) ou non, etc. L’exploitation systématique du corpus bolognais supposerait cependant d’abord de situer la représentativité de celui-ci par rapport à la production du « théâtre français » des XVIIe et XVIIIe siècles – peut-il ou non fonctionner comme un sondage représentatif d’une production d’ensemble ?
Quoi qu’il en soit, voici donc un usuel précieux, portant sur un domaine trop souvent négligé (et également négligé des catalogueurs), et pour lequel l’Archiginnasio conserve un ensemble exceptionnel. Nous ne pouvons qu’être reconnaissants à l’auteur d’avoir rendu accessible à la recherche l’ensemble de ce fonds, et de nous donner une nouvelle occasion de vérifier la justesse de l’assertion célèbre d’Anatole France selon laquelle la lecture d’un catalogue bibliographique est bien la plus intéressante qui soit (Le Crime de Silvestre Bonnard).
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16 Sur ces personnages, voir Renato Pasta, « Hommes du livre et diffusion du livre français à Florence au XVIIIe siècle », dans L’Europe et le livre : réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVIe-XIXe siècles, Paris, Klincksieck, 1996, p. 99-135. Sur la librairie bolognaise de cette même époque, voir Produzione e circolazione libraria a Bologna nel settecento…, Bologna, Istituto per la storia di Bologna, 1987.
17 Daniel Droixhe, « Elle me coûte dix mille écus. La contrefaçon des œuvres de Molière offerte par l’imprimeur Bassompierre à Marmontel », Revue française d’histoire du livre, 114-115, Genève, Librairie Droz, 2002, pp. 125-164.
18 Sabine Juratic, « Du livre à l’écriture : libraires-auteurs à l’âge des Lumières en France », Revue française d’histoire du livre, 114-115, Genève, Librairie Droz, 2002, pp. 181-204.
19 Sur lequel : Frédéric Barbier, Lumières du Nord : imprimeurs, libraires et « gens du livre » dans le Nord au XVIIIe siècle (1701-1789). Dictionnaire prosopographique, Genève, Droz, 2002, pp. 404-412 (donne la bibliographie et les sources complémentaires).
20 Les Trois révolutions du livre. Actes du colloque international de Lyon/Villeurbanne (1998), Genève, Droz, 2001 (Revue française d’histoire du livre, 106-109).
21 Chiffres auxquels il faut ajouter l’édition hollandaise cataloguée sous le nº 306.
22 Gaspard Migeot (1640-1703), connu surtout comme un janséniste actif et le libraire du « Nouveau Testament de Mons » (1667).
23 Suzanne Tucoo-Chala, Charles-Joseph Panckoucke et la librairie française…, Pau, Paris, Marimpouey, 1977. Voir aussi Histoire de l’édition française, t. II, 1re éd., Paris, Promodis, 1984, p. 310.
24 Fausse adresse (Pierre Marteau).
25 Cette approche est également à la base du travail récent de Sophie Renaudin, De la collection privée à la bibliothèque publique : trajectoires et recomposition de la bibliotheca gryphanea d’Antonio Magnani (1743-1811), mémoire d’étude de l’Enssib, Villeurbanne, Enssib, 2005, 2 vol. dactyl.
26 Sur la « Collection complète » des œuvres de Jean-Jacques Rousseau, voir Raymond Birn, « Pour le bien-être de la veuve et l’honneur de la mémoire de notre ami : la « Collection complète » des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau », dans L’Europe et le livre : réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVIe-XIXe siècles, Paris, Klincksieck, 1996, pp. 383-398.
27 Laurent Guillo, Pierre I Ballard et Robert III Ballard, imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673), Sprimont, Pierre Mardaga, 2003, 2 vol.
28 À propos de laquelle on consultera notamment le document constitué par la Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville (nº 22).