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Ganz Köln steckt voller Bücherschätze. Von der Ratsbibliothek zur Universitätsund Stadtbibliothek, 1602-2002, &Vom Kettenbuch zur Collage. Bucheinbände 15. bis 20. Jahrhunderts aus den Sammlungen der Universitätsund Stadtbibliothek Köln

Köln, Universitätund Stadtbibliothek, 2002, 295 p., ill., rel. (« Schriften der Universitätsund Stadtbibliothek Köln », 11). ISBN 3-931 596-21-4 & Köln, Universitätsund Stadtbibliothek, 2002, 224 p., ill. en coul, rel. (« Schriften der Universitätsund Stadtbibliothek Köln », 12). ISBN 3-931 596-22-2

Frédéric BARBIER

À Cologne, la tradition du livre, et du livre imprimé, est omniprésente, non seulement par la production (l’apparition de l’imprimerie à Cologne est très précoce, puisqu’elle se place en 1464-1465), mais aussi par la diffusion et la lecture. L’université est fondée en 1388, et une première bibliothèque sera créée par le Magistrat municipal au début du XVIIe siècle. C’est le quatrième centenaire de cette fondation que nos deux catalogues commémorent. En 1602 en effet, sous la gestion du maire Johann Hardenradt (†1631), le Magistrat de Cologne décide de constituer une bibliothèque, laquelle serait établie pour le service de l’administration à l’Hôtel de ville (Rathaus), à côté des archives, et recevrait un budget d’acquisition et de fonctionnement annuel. Cette première collection (trois cent trente-sept volumes en 1620) est orientée vers le droit et l’administration (décrets impériaux, etc.), puis vers l’histoire et les écrits d’ordre politique. Plusieurs fonds viendront successivement l’enrichir.

Cette première bibliothèque de la ville est réunie à la Bibliothèque municipale (Stadtbibliothek) en 1900. Une autre composante, plus récente mais beaucoup plus importante, des collections de l’actuelle Bibliothèque universitaire et municipale (Universitätund Stadtbibliothek, ci-après USB) est constituée par la bibliothèque léguée à la ville par Ferdinand Franz Wallraf en 1824 : un ensemble de quelque cinq cents manuscrits et quatorze mille imprimés dont plus de mille antérieurs aux années 1520. Parmi ceux-ci, on remarque un livret xylographique néerlandais peut-être daté des années 1435-1445 (notice nº 7), mais aussi une Nef des fous en allemand dans la réédition bâloise (Johann Bergmann de Olpe) du 1er mars 1497 : Severin Corsten a souligné le succès du texte de Brant dans la bourgeoisie de Cologne au début du XVIe siècle9. Un ensemble exceptionnel d’incunables vient de la bibliothèque Eberhard von Groote († 1864), le premier éditeur du Tristan de Gottfried von Straßburg (Berlin, Reimer, 1821) : la collection léguée à la mort du propriétaire comporte un certain nombre de manuscrits intégrés aux archives, mais aussi, entre autres, l’exemplaire du Parzival de Wolfram von Eschenbach (Strasbourg, Mentelin, 1477) ayant appartenu à August Wilhelm Schlegel (nº 25). Le legs de la collection Wallraf pose à la ville une question difficile, dans la mesure où Cologne n’a pas encore de bibliothèque publique à proprement parler, les demandes de la population à cet égard étant couvertes par la bibliothèque du lycée (Gymnasialbibliothek). La collection Wallraf est d’abord déposée à l’Hôtel de ville, et la situation ne s’améliore que lentement à partir des années 1850, jusqu’à la construction d’un bâtiment spécifique pour accueillir bibliothèque et archives en 1875-1878. Un autre ensemble exceptionnel est constitué par le fonds Sulpiz Boisserée, dont l’essentiel est acquis en vente publique en 1854 : les chercheurs français y remarqueront en particulier un exemplaire du Cours d’antiquités monumentales d’Arcisse de Caumont adressé à Boisserée, avec une dédicace de l’auteur (nº 23).

La seconde source principale des richesses bibliographiques de Cologne vient, bien évidemment, de l’université. La bibliothèque de la faculté des Arts libéraux est connue depuis 1418, et dispose depuis 1427 d’une salle spécifique, équipée de seize pupitres pour les livres. Le catalogue de 1474 se trouve heureusement conservé, qui dénombre trois cent quarante-deux volumes, tous manuscrits. L’accroissement des collections impose de consacrer deux autres salles à la bibliothèque en 1478, tandis qu’un certain nombre d’autres bibliothèques existent dans les collèges de la ville (appelés Gymnasien (lycées) à compter des années 1490). Plusieurs siècles plus tard, c’est l’École centrale qui prendra la suite de ces fondations, dont la bibliothèque est dirigée par Claude Marchand à partir de 1799 (nº 43). Après la réunion de Cologne à la Prusse (1815), l’université est transportée à Bonn (1818), l’École centrale laissant la place à un Gymnasium dont la bibliothèque fait office de bibliothèque publique pour la ville (33 000 volumes en 1831). Son fonds de quelque 40 000 volumes rejoindra celui de la Stadtbibliothek en 1884. Des collections privées parfois très riches viennent à nouveau enrichir cet ensemble : Gustav von Mevissen (1815-1899) lègue sa bibliothèque à la ville en 1886-1890, soit plus de 15 000 volumes – dont des exemplaires aussi exceptionnels que celui de la Chronique de Cologne de 149910, ou encore l’exemplaire des Œuvres complètes de Necker donné par l’éditeur, Auguste Louis de Staël à August Wilhelm Schlegel11, voire un incunable enchaîné provenant sans doute de l’ancienne bibliothèque de la faculté de Trèves vers 1500…12

Un troisième ensemble est constitué par les collections des anciennes maisons religieuses, particulièrement riches dans l’ancien siège de l’électorat archiépiscopal : le catalogue présente successivement l’abbaye bénédictine de Saint-Pantaléon (fondée en 964), les Dominicains de la Sainte-Croix (1221) et leur studium generale de 1248, les Chartreux de Sainte-Barbara (1334)13, puis les Jésuites (établis à Cologne dès 1544). La réinstallation de l’université à Cologne en 1919 (p. 174 et suiv.) est l’occasion d’une réorganisation complète des bibliothèques dans la ville : la USB est créée en 1920, à partir des fonds des bibliothèques de la ville, de l’Institut des hautes études commerciales (Handels-hochschule) et de l’Académie de médecine (Akademie für praktische Medizin). En 1928, le budget de la Bibliothèque de Cologne est le second des bibliothèques prussiennes après celui de la Staatsbibliothek de Berlin.

Le catalogue consacré à cent reliures anciennes permet aussi de souligner l’exceptionnelle richesse des collections de Cologne. Après un rappel sur l’histoire de la reliure, la présentation est chronologique siècle par siècle, chaque pièce faisant l’objet d’une double page, notice à gauche, planche en couleurs à droite. L’ensemble est absolument exceptionnel, qui conduit d’une reliure du « Maître d » datable des années 1480 (nº 1) à une très belle édition d’Ausone (Mosella) de 1993-1994 (nº 100). Les maisons religieuses de Cologne avaient souvent leur propre atelier de reliure (nº 3, 4, 7, 15, etc.), mais on remarque aussi une reliure de Heidelberg datant des années 1484-1485 (nº 2), une reliure de Koberger de 1486 (nº 5), une superbe reliure colonaise à rabats de la fin du XVe siècle (nº 9) et une reliure à plaque, également colonaise, de 1500 environ (nº 13). Pour le XVIe siècle, voici une reliure à l’effigie du comte palatin Ottheinrich (nº 18), selon le modèle destiné à la Bibliotheca Palatina, et une reliure de veau brun estampé à chaud pour Ulrich Fugger (1526-1584) à Augsbourg (nº 22). Lorsque, en 1564, la ville de Nuremberg fait publier une nouvelle édition de son code, la Reformation, elle en adresse un exemplaire enluminé au Magistrat de Cologne, exemplaire somptueusement relié à Nuremberg même aux armes de la métropole rhénane (nº 24).

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9 Severin Corsten, « Kölner Kaufleute lesen Brants Narrenschiff. Humanistisch gesinnte Großbürger zu Beginne des 16. Jahrhunderts », dans De Captu lectoris. Wirkungen des Buches im 15. und 16. Jahrhundert, éd. Wolfgang Milde, Werner Schuder, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 1988, pp. 67-80, ill. Mais l’ancien recteur de l’université possédait aussi les Satyres de Juvénal et de Perse dans l’édition de Baskerville (nº 15) et les Fastes de Napoléon publiées par Didot en 1804 (nº 16)…

10 Die Cronica van der hilliger Stat van Coellen, Köln, Johann Koelhoff der Junge, 23 VIII 1499 (nº 86).

11 Paris, Treuttel et Würtz, 1820-1821 (nº 89).

12 Vom Kettenbuch zur Collage (cf. infra), nº 8.

13 Gérald Chaix, Réforme et contre-réforme catholiques : recherches sur la chartreuse de Cologne au XVIe siècle, thèse de IIIe cycle, Tours, 1981, 3 vol. dactyl. Peter Rinck (vers 1430-1501) a étudié à Erfurt en 1444, puis à Paris et à Padoue, avant de devenir professeur de droit à Cologne et recteur de l’université (1484-1485) : plusieurs exemplaires de sa bibliothèque privée sont aujourd’hui conservés dans les collections de la ville (nº 55 et 56), notamment par le biais de l’ancienne bibliothèque des Chartreux.