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Aperçus sur la correspondance de Julien Baudrier, ou l’Élaboration de la Bibliographie lyonnaise du XVIe siècle

Denis GALINDO

Doctorant au Centre de recherche en histoire du livre Enssib, prépare sous la direction de Dominique Varry une thèse de doctorat sur Érudition et bibliophilie en France au XIXe siècle : la Société des Bibliophiles lyonnais (1885-1914), cénacle d’amis des livres, société savante et association d’éditeurs amateurs en province sous la Troisième République

Le développement sans précédent de la recherche historique que connut le XIXe siècle fut marqué par l’essor de l’érudition et, plus particulièrement, de la bibliographie. Cette dernière s’enrichit alors d’un grand nombre de travaux monumentaux demeurés depuis lors des ouvrages de référence. Le siècle né de la Révolution vit aussi le plein épanouissement de la bibliophilie. La combinaison de ces deux phénomènes produisit un ensemble de bibliographies bibliophiliques présentant entre elles des différences plus ou moins notables dans leurs orientations : bibliographies générales, comme le Manuel du libraire et de l’amateur de livres, de Jacques-Charles Brunet, ou bibliographies spécialisées, souvent très méticuleuses, et vouées à répondre aux préoccupations non seulement du collectionneur et du bibliomane, mais aussi de l’érudit et de l’historien.

Parmi les « monuments rétrospectifs de grande valeur, qui restent aujourd’hui des références pour les bibliophiles et des instruments de base pour les historiens du livre» 1, figurent incontestablement les Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, par Henri et Julien Baudrier. L’ouvrage est suffisamment familier aux amateurs, libraires, bibliothécaires et chercheurs pour en rendre superflue une présentation descriptive2. Mais, si le résultat des investigations commencées par Henri Baudrier, poursuivies et publiées par son fils Julien est bien connu, l’histoire de l’élaboration de cette Bibliographie lyonnaise est également digne de retenir l’attention des historiens du livre. Épistolier très fécond, Julien Baudrier correspond en effet avec nombre des érudits de son temps. Comme l’écrivait en 1917 son beau-frère et biographe,

ses correspondants ont su, en liasses abondantes, échelonner un cours de bibliographie critique paraphé par les maîtres et par leurs meilleurs adeptes…3

Mentionnons, notamment, ses relations épistolaires avec Léopold Delisle, administrateur de la Bibliothèque nationale et ami de son père ; avec Émile Picot, rédacteur du catalogue de la bibliothèque du baron James de Rothschild ; avec Marie Pellechet, spécialiste du catalogage des collections publiques d’incunables ; avec Alfred Cartier, historien des De Tournes et des graveurs lyonnais de la Renaissance ; ou encore avec Humbert de Terrebasse, très érudit et très bibliophile beau-frère de Baudrier lui-même. Mais, parmi ses correspondants les plus assidus et les plus intimes à la fois s’imposait un certain Léon Galle (1854-1914) 4, fondateur et principal animateur de la Société des Bibliophiles lyonnais5. Outre les liens amicaux qui existaient entre ce dernier et Julien Baudrier, membre de cette même Société, deux raisons précises expliquent la régularité de leurs relations épistolaires : tout d’abord, la correction, par Galle, des épreuves des Recherches de son ami durant leur publication et, ensuite, la réalisation d’un Armorial des bibliophiles de Lyonnais, Forez, Beaujolais et Dombes, fruit de leur collaboration, édité par la Société des Bibliophiles lyonnais en 19076.

Près de quatre cent cinquante lettres7 expédiées par Julien Baudrier et conservées aux Archives municipales de Lyon, forment un corpus qui, du fait de sa cohérence, se prête bien à une appréciation de l’intérêt présenté par le travail du célèbre bibliographe de l’édition lyonnaise de la Renaissance. La correspondance de Julien Baudrier nous fait mieux connaître l’une des grandes figures de l’érudition française de la Belle Époque et nous révèle les conditions dans lesquelles fut réalisée son œuvre. Certaines autres sources potentielles d’une histoire de l’élaboration de l’ouvrage de « MM Baudrier père et fils » doivent encore exister dans des collections publiques, et probablement aussi dans des collections particulières8.

HENRI BAUDRIER, BIBLIOPHILE ET INITIATEUR DE LA BIBLIOGRAPHIE LYONNAISE

Les Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle furent engagées par Henri Baudrier (1815-1884), lequel apparaît bien comme le véritable parangon du notable. Issu d’une famille de magistrats et magistrat lui-même, Baudrier est président de chambre à la Cour d’Appel de Lyon, administrateur des Hospices civils, président du conseil du Mont-de-Piété, membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Inquiété au cours de la Révolution de 1848 puis lors des événements consécutifs à la défaite de 1870, il est finalement révoqué par le pouvoir républicain en 18839. Il consacra ses rares loisirs puis sa courte retraite forcée à l’enrichissement de sa bibliothèque et à ses recherches sur le monde du livre à Lyon au XVIe siècle.

Les origines de la bibliothèque d’Henri Baudrier remontaient à l’Ancien Régime. Son grand-père, Nicolas Maret (1757-1842), avocat, puis magistrat, avait hérité de son père une importante bibliothèque, constituée essentiellement d’ouvrages de droit, qui fut partiellement pillée pendant la Révolution. Par la suite, Maret la reconstitua en partie et l’enrichit, profitant de l’excellente conjoncture que connut le marché du livre ancien après la Révolution, et qui fut favorable à la constitution des grandes bibliothèques particulières lyonnaises du début du XIXe siècle. Son gendre, Claude-Julien Baudrier (1785-1837), président du Tribunal civil de Lyon sous la Monarchie de Juillet, enrichit d’ouvrages de droit et de titres consacrés à l’histoire des provinces cette bibliothèque qui fut transmise par voie d’héritage à son fils, Henri Baudrier. Celui-ci poursuivit dès lors ce qui était devenu une sorte de tradition familiale ; il enregistrait méticuleusement lui-même toutes ses acquisitions dans le « catalogue domestique » 10 de sa collection. Selon son gendre, celui-ci, « dressé et annoté par M. Baudrier, est un manuscrit (…) précieux, auquel on pourrait, avec justice, appliquer un titre illustre, celui de Manuel du libraire lyonnais » 11. Ce fut de cette bibliothèque qu’hérita plus tard son fils, Julien Baudrier, arrière-petit-fils de Nicolas Maret12.

Héritier et digne successeur de plusieurs générations d’amateurs, Henri Baudrier laissait, à sa mort, environ huit mille volumes, ouvrages d’héraldique, généalogie, droit ancien et féodal, œuvres des historiens de Lyon et des provinces voisines, outre des manuscrits. Mais sa bibliothèque était surtout riche en impressions lyonnaises des XVe et XVIe siècles et en reliures armoriées. Il appréciait beaucoup les volumes dans leur condition primitive, qu’il préférait aux luxueux maroquins modernes. Un de ses contemporains souligne le rôle de la bibliothèque du point de vue de la sociabilité savante :

Cette belle collection s’ouvrait à tous les amis des Lettres et des belles choses. Ils y trouvaient, non seulement le plaisir bien grand des yeux, mais le savoir de son heureux propriétaire, joint à une exquise obligeance, laquelle mettait à la disposition de chacun ces trésors si bien amassés (…). Le savant bibliophile, le consciencieux magistrat, aimait aussi à se reposer de ses fatigues en s’occupant d’une magnifique collection de porcelaines de la Chine et du Japon, dont les premières pièces lui venaient de son père, et que Mme Baudrier, sa femme, accroissait tous les jours avec un goût et un discernement parfaits. Loin de nuire aux livres, ces porcelaines en augmentaient l’attrait, et les lettrés amis, après avoir feuilleté les incunables, reposaient volontiers leurs yeux sur ces objets délicats et charmants, mis à leur disposition par un hôte aimable qui ne dédaignait point les jouissances de la table et une conversation spirituelle et gaie…13

Ce fut évidemment son amour précoce des livres, amour communiqué par son grand-père et son père, qui fut à l’origine des recherches bibliographiques du président Baudrier, et ce fut la poursuite de ces dernières qui conféra à sa bibliothèque son aspect partiellement « utilitaire », en l’incitant à acquérir nombre d’impressions lyonnaises de la Renaissance. Le prestige du XVIe siècle lyonnais, considéré comme un âge d’or de l’édition française et même européenne, explique sans doute la volonté du célèbre magistrat, à la fois bibliophile et patriote, de consacrer une étude approfondie à l’analyse méthodique de la totalité de la production des presses de sa ville à cette époque. Mais l’explication apparaît insuffisante. Deux observations sont propres à mettre en lumière l’intérêt du président Baudrier et de son fils pour l’histoire de l’édition lyonnaise dans son ensemble et leur souci de suivre, bien plus en véritables historiens qu’en purs bibliophiles, son évolution en respectant la chronologie : d’une part, malgré ses grandes imperfections, une Bibliographie lyonnaise du XVe siècle, due à Antoine Péricaud (1782-1867) 14, bibliothécaire de la ville de Lyon de 1827 à 1847, existait déjà, et, de l’autre, Julien Baudrier avait l’intention de « poursuivre sans interruption la publication des séries du XVIe siècle et aborder celles du XVIIe siècle dès l’achèvement des premières » 15.

« Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, à Lyon comme dans d’autres grandes villes de librairie », s’était ouvert « le temps des incunables » 16. Ce fut dans ce contexte que fut établie la Bibliographie lyonnaise du XVe siècle d’Antoine Péricaud : elle connut une première édition en 1840, une deuxième quelques mois après et une troisième en 185117, suivie de trois suppléments publiés en 1852, 1853 et 185918. Cet ouvrage, qui ne décrivait que très succinctement les volumes recensés et ne présentait aucune iconographie, ne peut guère être comparé aux séries publiées par Julien Baudrier. Le président Baudrier en fit une critique aussi bienveillante que possible dans un article paru en 187919, à l’occasion de la publication du Catalogue des incunables de la bibliothèque de Toulouse, fonds dans lequel étaient recensés quarante incunables lyonnais20 :

Les incunables lyonnais sont, disons-nous, au nombre de quarante. Sur les vingt-neuf ou trente absque nota qui n’ont pas pu recevoir d’attribution précise, il en est encore six ou huit dont les présomptions les plus fortes permettraient de grossir notre liste ; mais en négligeant ces derniers et en tenant compte seulement des quarante admis par l’auteur, je constate, non sans surprise, que douze (plus d’un quart) ne figurent pas dans la bibliographie lyonnaise du XVe siècle de Péricaud.

Si les incunables répandus dans toutes les autres collections publiques de la France doivent encore offrir la même proportion de Lyonnais, il faut l’avouer, dans les recherches de notre savant bibliothécaire, les lacunes abondent au-delà de toute prévision. Ce n’est assurément pas sa faute, car nul n’a poussé plus loin que lui la passion des livres, l’ardeur et la ténacité des investigations. C’était celle de son temps. S’il assistait aux débuts de cette fièvre qui a saisi tous les oisifs de notre époque pour les lancer à la recherche des vieux débris des siècles derniers, il n’a pas assez vécu pour récolter sa part de leur moisson. Il n’a pas pu connaître les richesses exhumées de la poussière par l’élévation insensée du prix dont on paie leur découverte. Il n’a pas eu à sa disposition toutes les ressources qui sont jetées chaque jour au-devant des studieux par les journaux bibliographiques, par les catalogues multipliés où la science s’accumule en notes souvent précieuses et sur lesquels l’attention est attirée maintenant par des gravures variées et de chatoyantes lithochromies (…).

La science bibliographique ne s’est pas créée de nos jours, mais elle a reçu une vigoureuse impulsion par ces puissants auxiliaires. Il faut savoir garder une juste reconnaissance aux premiers pionniers qui, privés de ce secours, ont néanmoins tracé le sentier.

Notre but, en signalant l’insuffisance actuelle de l’ouvrage de Péricaud, n’est donc point de l’en blâmer. Nous voudrions animer d’une sainte ambition le zèle de quelqu’un de nos jeunes bibliophiles et lui indiquer un travail utile à la fois et plein d’attraits, qui consisterait à refondre, dans une nouvelle édition, les quatre fascicules dont se compose l’œuvre du vieux maître, en y ajoutant les découvertes qui naîtront en foule devant ses premières recherches. Il est une autre tâche qu’il serait à souhaiter de voir entreprendre par un de nos compatriotes : l’exécution pour la bibliothèque de Lyon, riche dépôt où sont encore bien des trésors inconnus, du travail dont le Docteur Desbarreaux-Bernard vient de doter sa ville natale. (…) Si le péril de la disparition menace d’une façon générale tous les vieux échantillons des débuts de l’imprimerie, combien n’est-il pas spécialement imminent pour les nôtres tant qu’on refusera d’écouter les avertissements si souvent répétés de notre commission des bibliothèques. On peut voir à la page 39 du rapport présenté, l’année dernière, à M. le Ministre de l’Instruction publique, par son érudit et infatigable président, à quelles épreuves a déjà été exposée la salle qui contient nos richesses en premiers produits typographiques. Ne serait-ce pas une œuvre méritoire que d’en recueillir et conserver les traits par le signalement exact et détaillé de tous, l’analyse des principaux, en un mot, par un travail semblable à celui qui vient d’être accompli pour Toulouse ? (…)

La dépense de cette publication devrait être supportée par la ville. L’obstacle n’est pas insurmontable. Ayons le courage de rendre à nos édiles la justice qui leur est due, sans crainte d’être entraîné à des éloges trop répétés. Lorsqu’on leur demande leur coopération à une œuvre lyonnaise utile qui ne froisse pas leurs tendances radicales et irréligieuses, ils ont parfois la main assez libérale…

La qualité de précurseur que le président Baudrier reconnaissait à Antoine Péricaud apparaît d’autant plus méritée que la dernière partie de la Bibliographie lyonnaise du XVe siècle s’achève par une Notice des ouvrages imprimés et manuscrits d’Antoine Péricaud l’aîné qui mentionne, parmi ces travaux restés manuscrits, une Bibliographie lyonnaise du XVIe siècle suivie d’un Catalogue des imprimeurs et des libraires de Lyon du même siècle. Péricaud en effet, après avoir achevé son travail sur les incunables lyonnais, en entreprit un autre sur les impressions du XVIe siècle, lequel forma trois volumes : le premier embrassait les éditions parues de 1503 à 1536, le deuxième, celles de 1536 à 1558, et le troisième, celles de 1558 à 1563. Après la mort de Péricaud, son biographe Léopold Niepce appela de ses vœux la publication de ce travail :

Mais la famille de M. Péricaud est trop soucieuse de la gloire littéraire de son auteur pour qu’on ne puisse espérer qu’elle livrera à l’impression cette œuvre importante. Toutefois qu’elle se hâte ! Les actives recherches faites en tous pays (…) font faire un immense progrès chaque jour à la science de la bibliographie. Il ne faut donc pas que ce livre de M. Péricaud ait le temps de vieillir. Les érudits seraient heureux de faire leur profit des savants et nombreux documents que son auteur y a déposés avec tant de soins et d’exactitude…21

Ses travaux conduisaient le président Baudrier à fréquenter les archives22 et les bibliothèques aussi bien publiques que particulières, essentiellement à Paris et à Lyon, et à entretenir d’étroites relations et une correspondance régulière avec bibliothécaires et collectionneurs. Leur aboutissement était, semble-t-il, voué à remplir trois fonctions intimement liées : former une somme de documents propre à fournir la matière d’une grande synthèse historique, une « histoire générale de l’imprimerie à Lyon, conclusion rêvée qui faisait son chemin » 23 ; revêtir l’aspect d’une sorte de bibliothèque virtuelle, tentative d’approche de l’idéal que représenterait un recensement exhaustif, modèle pour une bibliothèque réelle ou substitut de celle-ci, manifestation du rêve du collectionneur, sinon de tout posséder, du moins de tout connaître ; élever un monument à la gloire du livre lyonnais du XVIe siècle, dans un souci non seulement de célébration mais aussi de sauvegarde du patrimoine, souci rendu évident par la méticulosité des descriptions comme par la place réservée aux fac-similés. Si le président Baudrier ne parvint pas à cet aboutissement, l’avancement de ses recherches fut néanmoins jalonné par la publication d’opuscules ou articles dans lesquels il mettait l’accent sur certaines des qualités qui devaient caractériser la Bibliographie lyonnaise éditée par son fils24.

Quelques citations témoigneront avec éloquence de la sensibilité savante qui est celle de Baudrier. Dans Une Visite à la bibliothèque de l’Université de Bâle par un bibliophile lyonnais25, il écrit :

Comme la plupart des anciennes collections de ce genre, la bibliothèque de l’Université de Bâle possède un catalogue dressé il y a longtemps, fort bien rédigé pour l’époque où il a vu le jour, mais peu d’accord avec les exigences actuelles ; il donne, il est vrai, avec exactitude, les titres des ouvrages contenus dans les salles de l’édifice, et, par son moyen, la recherche des volumes est facile, mais il présente toute la sobriété de détails dont on se contentait alors ; il est complètement dénué des indications bibliographiques aujourd’hui exigées pour ces sortes de travaux. Ainsi, notamment, l’énonciation des lieux d’impression n’y est pas contenue, de sorte que l’attribution des plus anciens monuments de l’imprimerie exige une nouvelle étude à reprendre volume par volume…

Le compte-rendu des recherches de Claudin sur les pérégrinations de Neumeister est également pour Baudrier l’occasion de commentaires, sur un mode discrètement ironique, quant aux conditions dans lesquelles peut se faire l’édition d’érudition26 :

Les études semblables à celle dont nous allons essayer l’analyse ont un nombre de lecteurs infiniment restreint. Elles entraînent des dépenses assez considérables par les gravures et fac-similés, dont elles doivent être accompagnées pour être plus aisément intelligibles. Leurs éditeurs sont condamnés à d’inévitables mécomptes s’ils visent à un succès pécuniaire. L’espoir de recouvrer leurs avances est à lui seul une témérité. Bien plus douce est leur récompense. Elle est dans l’intensité de la jouissance apportée à ceux qui les lisent et savent les juger, et dans leur gratitude. Le zèle de toute secte s’accroît en raison même du petit nombre de ses adhérents. Or, les vrais bibliophiles sont fort peu nombreux, mais aussi avec quelle douce émotion ils saluent toutes les découvertes dont s’augmente leur domaine !…

En 1884, Henri Baudrier mourut au cours d’un séjour à Paris où il s’était rendu afin de poursuivre ses recherches en vue de la préparation de son discours de réception à l’Académie de Lyon, qui aurait dû avoir pour sujet Le Quartier des imprimeurs à Lyon au XVIe siècle. Seule la consultation de ses notes personnelles et de celles de son fils permet de connaître l’état d’avancement de ces travaux lors de sa mort, et donc d’évaluer l’importance des contributions respectives du père et du fils au résultat final. Après la disparition de Baudrier, de nombreuses voix s’élevèrent pour exprimer leur espoir de voir ses héritiers publier le résultat de ses investigations.

JULIEN BAUDRIER, GRAND NOTABLE CONSERVATEUR, CONTINUATEUR ET ÉDITEUR DE LA BIBLIOGRAPHIE LYONNAISE

Né en 1860 dans cette ville d’imprimerie que fut Trévoux, Julien Baudrier (†1915) 27, propriétaire foncier, élu local, poursuivra l’œuvre de son père28. Il résidait soit à Lyon, soit dans son château d’Amareins, dans l’Ain. Sa correspondance avec Léon Galle révèle son hostilité aux républicains au pouvoir, ses idées conservatrices et son antisémitisme. Le 19 février 1895, il confiait à Léon Galle :

C’est pour moi le plus clair des bienfaits de l’éducation moderne et de l’instruction obligatoire, créer des anarchistes forts en chimie et des cocottes ferrées sur l’orthographe…

Le 21 novembre 1898, il observait :

Nous sommes, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, sur une pente fâcheuse. J’envie les Allemands d’avoir un Guillaume II à leur tête.

Cette attirance pour l’autoritarisme avait pour corrélat le profond dégoût inspiré par les dirigeants politiques français à ce fils de magistrat :

Pour la politique, j’aime mieux n’en pas parler, j’en suis malade. C’est honteux et nous roulons dans la boue. (…) Tous autant qu’ils sont à la tête de la république ou à la chambre, ils ne valent pas le dernier des habitués de la cour d’assises… (7 juillet 1899).

La fête nationale n’est pas non plus de son goût, en tant que « fête de la fripouillerie » (14 juillet 1906) et « jour de fichue mémoire » (14 juillet 1907). Ses idées conservatrices apparaîtront dans un rapide florilège de ses commentaires sur l’actualité politique ou sociale, qui témoignent de sa crainte d’une nouvelle révolution :

Que dites-vous de la politique ? Cela prend de plus en plus mauvaise tournure. Je crois que cette grève ne sera pas encore celle qui mettra le feu aux poudres, mais gare à la prochaine. Ce sont des essais de mobilisation (11 octobre 1902).

Avec la révolution qui commence de la belle façon, il [l’Armorial des bibliophiles] ne sera jamais terminé. Je vais partir organiser un appartement à Genève pour y envoyer ma femme et ma nièce (22 avril 1906).

Cela va mal politiquement à tous les points de vue ! Vous ne me dites rien à ce sujet. Je ne suppose pas que vous soyez devenu un fervent partisan du ministère Clemenceau. Votre silence pourrait peut-être le faire croire. Je ne vois que des gens qui pensent aller s’installer ailleurs qu’en France et j’abonde dans leur excellente idée (8 novembre 1906)29.

Les gens de l’étranger nous considèrent comme des fous et nous témoignent une pitié qui me fait rogner. Ils ne perdent pas une occasion de se foutre de nous et des idées socialistes des Français. Figurez-vous qu’à Cannes, à deux pas de la gare, on a construit une maison du peuple qui porte, en grosses inscriptions, des aphorismes de ce genre : la terre au paysan, l’usine à l’ouvrier, ni Dieu, ni maître, etc., etc. (…) Je suis écœuré de cette propagande faite pour y faire mordre les étrangers. Ceux-ci se récrient et disent que bientôt ils ne mettront plus les pieds à Cannes ou dans le midi avec leurs domestiques… (Nice, 3 février 1907).

Mazette, cela ne pue pas bon à la campagne. Le socialisme a fait des progrès effrayants. Pour qu’ils se dégoûtent de ces utopies, il est nécessaire qu’ils en mangent et bouffent jusqu’à indigestion (29 mai 1907).

Où serons-nous politiquement parlant à la rentrée des chambres ? Le mal augmente de jour en jour, les masses sont pourries. Il n’y a plus rien à faire qu’à ficher le camp dans des pays plus sages et à attendre la fin de la dégringolade (4 août 1907).

Pour autant, il précise le 14 octobre 1900, à propos des fiançailles de sa nièce Élisabeth de Terrebasse :

Le futur est un beau cavalier auquel je ne reproche qu’une seule chose, d’être trop chouan. (…) J’espère qu’à mon contact il deviendra moins exagéré…

Son antisémitisme, enfin, observable d’abord occasionnellement sous sa plume, devient plus obsessionnel durant l’affaire Dreyfus, laquelle le choqua profondément en lui faisant souhaiter l’avènement d’un homme providentiel, sorte de monarque autoritaire :

Comme vous, je suis écœuré, navré, exaspéré de toutes les turpitudes que je vois. Les journaux me sont odieux. Je ne lis plus que le Petit Journal. Judet30 est très chic dans l’affaire. Je ne sais ce que cela va devenir, mais je ne vois pas l’avenir sous de brillantes couleurs comme vous devez le penser. Ce qui me vexe, c’est que je ne vois pas un seul homme fichu de nous sauver. Les braves gens sont tous de vieilles ganaches (…). Si j’avais le manche pendant quelque temps, on me ferait péter la gueule, c’est certain, mais il y en a pas mal qui pèteraient avant moi (18 octobre 1898).

La demande de révision du procès du capitaine Dreyfus ayant été jugée recevable par la Cour de cassation le 3 juin 1899, Baudrier se livre à de sombres prédictions :

Je n’ose plus lire les journaux tellement cela me navre et m’exaspère. Je ne vois aucune issue. Le fond du pays s’en fiche et les juifs malins, ayant acheté les turbulents radicaux ou anarchistes, nous tiennent à fond. Dreyfus sera réhabilité, replacé en son grade et mis avec Picquart à la tête de l’État-Major. Je vous le prédis et ce ne sera pas long. Les proscriptions ne font que commencer et l’on en verra de belles… (27 juillet 1899)31

Il se compte lui-même au nombre des victimes potentielles du dénouement qu’il redoute :

Je crains pour ma pauvre cervelle. Les journaux, chaque matin, lui administrent de ces secousses dont elle ne se relèvera pas. Cela m’entretient dans une rage perpétuelle qui finit par devenir inquiétante. (…) Du train où vont les choses, nous serons peut-être bientôt coffrés pour crime de lèse-juiverie ou de lèse-dreyfuserie. Ces cochons à l’aide des journaux achetés sont parvenus à fausser l’opinion à tel point qu’elle est devenue favorable à Dreyfus dans certains pays de province… (15 août 1899)

Mieux inspiré, il écrit à Léon Galle le 19 septembre 1898 :

Que dites-vous du gâchis politique et de la tournure que prend l’affaire Dreyfus ? (…) Je ne décolère pas et ne puis plus lire un seul journal. Pour oublier ce monde et ses tristesses, je me plonge de plus en plus dans mes bouquins.

Mais l’essentiel n’est pas là, et l’activité de Julien Baudrier durant la décennie qui s’écoula entre la disparition de son père et la parution de la première série de la Bibliographie lyonnaise en 1895 fut ainsi décrite par son beau-frère :

Pendant plus de dix ans, Baudrier s’appliqua à coordonner les notes et les fiches laissées par son père, à les vérifier, à les compléter, à les multiplier (…). Timide, scrupuleux, il hésitait sur la conclusion à donner, l’estimant encore incertaine, et il fallut bien des instances amies pour le décider, en publiant sa première étude, à assurer un souvenir positif à la mémoire de son père. Sans s’astreindre à l’ordre chronologique ou alphabétique, sinon pour le premier volume, mais y suppléant par des tables adjointes à chaque série, l’auteur, pour ne point prolonger indéfiniment les délais d’une publication conçue en cet esprit, se résolut à départir ses monographies au fur et à mesure de leur achèvement, tout en se réservant de pourvoir à leur complément en un supplément ménagé par les notes abondantes inscrites sur ses exemplaires interfoliés et par celles disséminées dans ses carnets et dans ses cartons…32

Le projet de publication apparaît expressément le 2 juillet 1893 dans la correspondance avec Léon Galle – et Émile Picot y occupe une place centrale :

J’ai beaucoup travaillé à la Nationale ce printemps et les encouragements que m’a donnés M. Picot me décident à commencer la publication de trois ou quatre libraires ou imprimeurs. Ce sera un envoi à trente ou quarante exemplaires destinés aux amis.

L’été suivant, il faisait part à son ami d’un nouvel épisode marquant la mise en œuvre de son projet de publication :

Je travaille ferme au Mont-Dore où nous avons un temps affreux. (…) Connaissez-vous l’abbé Martin, de Lyon ? Il avait commencé depuis deux ans à faire la bibliographie lyonnaise. Puis apprenant par Desvernay33 que j’allais publier le commencement du même travail, il m’écrit pour me demander si c’était bien vrai et si véritablement je m’occupais de ce travail. Après un échange de lettres et une visite, il s’est empressé de me dire qu’il mettait ses notes à ma disposition et qu’il renonçait à la bibliographie lyonnaise. C’est fait en curé malheureusement [sic] et ces notes qui représentent un énorme travail ne pourront me servir à rien. Aussi me suis-je empressé de ne pas les prendre, tout en lui faisant les plus formidables compliments et remerciements (Le Mont-Dore, 12 juillet 1894).

À l’automne, de retour chez lui, il mesure mieux l’ampleur de la tâche qui l’attend :

Je me languis de voir la rapidité avec laquelle mon petit croît en âge sans croître en taille, mais je me plonge dans la préparation des séries suivantes de façon à pouvoir mettre la seconde sous presse en juillet 1895 et la troisième vers janvier 1896. Songez que j’ai du pain sur la planche : une vingtaine de séries pour le XVIe siècle et une dizaine pour le XVIIe. J’ai enfin l’annonce de l’arrivée de ces signes diaboliques, véritables hiéroglyphes pour ces pauvres fondeurs modernes. J’ai dix feuilles prêtes et deux autres en placards qui n’attendent que ces signes pour la dernière épreuve.

Nous allons pouvoir marcher sans arrêt à partir de ces jours-ci. (…) Les médecins nous obligent encore à passer un hiver dans le midi, cela ne m’amuse pas car cela dérange beaucoup mon travail. J’ai cependant la possibilité de n’y point perdre mon temps et d’y travailler fructueusement. (…) Je compte prochainement commencer à vous faire tenir les épreuves, je vous en fais toutes mes excuses et vous remercie de votre extrême obligeance (Amareins, 6 novembre 1894).

Pourtant, la correspondance avec Léon Galle révèle aussi certains aspects de la vie quotidienne du grand bibliographe, notamment la multiplicité et la variété de ses occupations qui constituent autant de freins à la progression de son œuvre, qu’il s’agisse de sa passion pour la chasse, également héritée de son père, de ses obligations mondaines, de ses responsabilités d’élu local et de propriétaire foncier, tout comme de la réalisation de l’Armorial des bibliophiles :

Le cinquième volume est à l’impression mais ne marchera pas fort pendant mon séjour ici. La chasse m’absorbe complètement. C’est pour moi une question hygiénique autant qu’un plaisir. Ce sont mes eaux, mes bains de mer, mes sommets alpestres, enfin tout ce qui remet d’aplomb un pauvre type qui a toujours le cul sur un siège et le nez dans des bouquins (Amareins, 27 septembre 1899).

Mais, deux ans plus tard : Mon cinquième volume est à peu près terminé aussi et je vais me payer un petit air de chasse. Je vais faire l’ouverture le 25 à Terrebasse, puis le 1er en Seine-et-Oise chez mon neveu de Jeux et le 8 en Maine-et-Loire chez le même. Puis enfin revenir faire ma quatrième ouverture chez moi (Amareins, 21 août 1901).

Cette sacrée mairie, sans y paraître, me donne un tintouin du diable et me fait perdre beaucoup de temps aussi. J’en serai débarrassé aux prochaines élections car mon instituteur mène une campagne acharnée contre moi et avec l’appui de la préfecture me démolira certainement. Quel beau gâchis ! Je crois que cela marchera encore plus vite que nous ne le pensions et que notre Armorial risque fort d’arriver en pleine révolution et de nous rester sur les bras… (Amareins, 14 août 1902).

Certains automnes, comme par exemple en 1902, la bibliographie demeura cependant, faute d’autre gibier, l’occupation prioritaire. Et l’auteur de noter tristement, toujours à Amareins, le 23 août 1913 :

Je deviens vieux et la chasse ne me dit plus grand chose avec la pénurie du gibier qui augmente. Je vois arriver l’ouverture sans entrain maintenant.

De 1901 à 1907, la préparation de l’imposant Armorial des bibliophiles, impliquant à la fois la recherche des documents et la rédaction des notices biographiques, ralentit au demeurant beaucoup l’avancement de la Bibliographie lyonnaise34.

« PÉRÉGRINATIONS BIBLIOGRAPHIQUES » ET VISITES DE DÉPÔTS

La correspondance de Baudrier témoigne du nombre des spécialistes aux-quels le bibliographe s’adresse pour demander des compléments d’informations, mais l’essentiel n’est pas là : le fonds conservé permettrait aussi de dresser une carte associée à une chronologie des « pérégrinations bibliographiques » du chercheur, expression par laquelle celui-ci désignait les déplacements effectués pour enrichir sa documentation. Cette cartographie pourrait au demeurant être complétée à partir de l’indication, dans la Bibliographie lyonnaise elle-même, des lieux de conservation des volumes méticuleusement décrits. Son beau-frère affirmait que

peu de bibliothèques, en France, ont échappé à ses visites, plus ou moins répétées, en conséquence de leurs richesses ; les provenances, inscrites dans sa Bibliographie, servent de visa à ses pèlerinages aux basiliques, aux cryptes, aux plus modestes chapelles, et ses cartes d’abonnement sur les lignes de chemins de fer attestent bien leur fréquence35.

Baudrier, à l’hiver 1895-1896, est en Italie, où il semble quelque peu dépité, avant de rentrer à Cannes (3 février), puis à Lyon :

Après un séjour d’une dizaine de jours à Rome, je me suis empressé de filer sur Florence allumé par l’espoir de faire quelques découvertes intéressantes. Jusqu’à ce jour, je suis volé comme dans un bois. Les impressions de Gryphe abondent, celles de Rouville36 et de la famille Giunta sont aussi assez nombreuses, mais les autres sont en quantité infinitésimale. Dieu veuille que les archives ne viennent pas m’apporter pareille désillusion ! Ce serait trop vexant pour moi qui avais bâti force châteaux en Espagne au sujet des résultats de ma tournée bibliographique en Italie. (…) Vous ne pouvez pas vous figurer ce que j’ai dû dépouiller de catalogues pour arriver à très mince résultat pratique. En somme j’ai plutôt perdu mon temps au point de vue bibliographique (Florence, 30 janvier 1896).

Puis, à l’été, c’est une « grande tournée du midi » qui est projetée, mais, le moment venu, elle ne semble pas toujours si confortable :

Je vais d’abord à Avignon, puis à Aix, Toulouse, Bordeaux, Niort et Limoges. Je vais me payer des kilomètres et aussi la poussière de tous ces vénérables vieux lyonnais qui vont trouver leur jeune compatriote bien osé d’aller les relancer dans leurs tombeaux de province. Je vous envoie la feuille 18 à laquelle je vous prie de jeter un coup d’œil. Vous voudrez bien avoir l’obligeance de me la retourner Hôtel de l’Europe à Avignon, où le Musée Calvet me retiendra plusieurs jours (3 juillet 1896).

J’ai une guigne noire dans mes déplacements. Pendant qu’il y avait 36 degrés à l’ombre à Aix, j’avais la lumineuse idée de faire des séances de douze heures dans l’étuve qu’on nomme bibliothèque Méjanes. Je comptais pour me refaire sur une température réconfortante, j’y trouve le climat de Lyon en décembre, avec la seule différence qu’ici les brouillards s’appellent nuages. N’empêche que je ne regrette pas ma tournée du midi et les sueurs qu’elle m’a fait répandre. J’ai fait, à la Méjanes surtout, des découvertes des plus intéressantes. Je vous conterai tout cela en détail la première fois que j’irai vous serrer la main. (…) J’ai des tuyaux sur l’Espagne où je compte aller faire une tournée bibliographique. On m’a signalé des mines de livres lyonnais inexplorées. En attendant, je termine le second volume. Les derniers placards sont imprimés. Dès qu’il sera terminé, je vais commencer le troisième dont Benoît Rigaud sera le morceau de résistance (Le Mont-Dore, 9 août 1896).

Quelques semaines après, il faut se rendre à une convocation militaire à Grenoble :

Savez-vous que je vais faire, le 28 de ce mois, mes treize jours à Grenoble ? Cela ne m’amuse guère comme vous devez le penser. À mon âge ces facéties sont moins agréables qu’au temps de la belle jeunesse. Aussi ai-je le projet de tirer au cul (pour parler militairement) le plus qu’il me sera possible et vais tirer des plans pour aller plus souvent à la bibliothèque qu’à la manœuvre (Amareins, 15 septembre 1896).

En 1898, c’est plutôt le Nord de la France qui attire Baudrier, toujours à la recherche d’éditions lyonnaises :

Je ne resterai pas longtemps à Paris allant à Amiens, puis à Troyes, Besançon et Dijon. Je ferai lundi des recherches à la bibliothèque de l’Institut (Paris, 18 juin 1898). Je viens de faire le relevé des catalogues d’Épinal et de Nancy, c’est mince comme impressions lyonnaises (…). Comme vous le dites, Plombières est un trou, mais il est environné de villes, pour moi inconnues, et de bibliothèques idem. Aussi suis-je toujours en chemin de fer. On me recommanderait de faire de la trépidation, médecine nouvelle, que je ne ferais pas mieux… (Plombières, 26 juillet 1898).

En 1900, Baudrier songe un temps à se rendre à Mayence, peut-être à l’occasion du jubilé de Gutenberg, avant d’y renoncer faute de temps (Amareins, 12 juin 1900), l’essentiel des voyages ayant généralement lieu l’été, pour ne pas interférer avec l’ouverture de la chasse. Les villes du Sud-Est semblent toujours les plus fréquentées (Avignon, Aix, Grenoble), mais aussi Paris (et, sur la route, Dijon), certaines villes de l’Est (Troyes, Épinal), tandis que l’on projette de visiter les bibliothèques suisses (1902, 1905) et celles de Londres (1905). Si, comme Plombières, Salins est « un trou », le voyageur se réjouit d’y trouver une belle bibliothèque, tandis que la cure est surtout l’occasion d’excursions bibliographiques. Baudrier « fait » des bibliothèques comme d’autres, à la même époque, « font » les lacs italiens :

J’ai à Salins une bibliothèque, héritière des livres d’une bibliothèque des Capucins du lieu qui est fort intéressante. Je vais rayonner à Dôle, Besançon, etc., et passerai tout doucement mon temps dans ce trou peu folichon (Salins, 4 juillet 1907). Pour être un trou, c’est un trou. Mais il y a une bonne bibliothèque provenant des Capucins d’avant la révolution qui contient pas mal de Lyonnais et où, bien reçu, je passe d’agréables instants à secouer la poussière des vieux compatriotes (5 juillet).

J’ai bien employé mon séjour à Plombières où j’ai accompagné ma femme et pu, par la même occasion, soigner un peu ma vieille sciatique mise de mauvaise humeur par ces perpétuels orages, tout en visitant les bibliothèques d’Épinal, Nancy, Remiremont et Mirecourt. À mon retour, la semaine prochaine, je compte faire Lure, Belfort, Vesoul, Besançon et rentrer fin juillet à Amareins où j’ai pas mal à faire (…). Je serai obligé pour mes Gryphius d’aller à Genève identifier des éditions qui me paraissent douteuses et peut-être à Gand. Sans compter Bordeaux, Nantes, Avignon, Tours, Le Mans, Troyes, Amiens et Paris… (Plombières, 18 juillet 1908).

La Bibliographie lyonnaise témoigne de l’importance accordée par l’auteur à la recherche des pièces d’archives et autres documents originaux, concernant le monde du livre lyonnais du XVIe siècle. La curiosité de Baudrier l’amène à dépouiller des sources encore relativement inhabituelles pour l’époque, en l’espèce des fonds de notaires, même si, bien entendu, ces travaux d’érudition présentent parfois des inconvénients :

J’ai fait une découverte intéressante, j’ai trouvé un acte relatif à Charles Fontaine. Il est qualifié de pré-lecteur en l’imprimerie. Cet acte nous indique donc d’une façon formelle quelles étaient les occupations de tous ces hommes de lettres qui étaient à Lyon. Ils corrigeaient les éditions que les libraires lyonnais ne cessaient de mettre au jour (Lyon, 18 octobre 1896). Mais :

Hier je suis allé aux archives des notaires, j’ai gelé et me voilà pincé et obligé de renoncer à mon voyage dans le midi… (31 mars 1900).

Habitué des salles de lecture, Julien Baudrier faisait part à son ami de son expérience d’usager assidu des bibliothèques publiques de France – et l’habitué appréciera les notes relatives au confort, tout comme celles sur le service des bibliothèques, s’agissant tant du personnel que des heures d’ouverture :

Je bûche comme un malheureux de neuf heures à cinq heures dans les bibliothèques. On y est généralement fort bien au frais sauf à Sainte-Geneviève où l’on cuit. Le séjour de Paris est absolument intolérable en ce moment à cause de la chaleur (Paris, 27 juin 1897).

Pour moi, je trouve les bibliothèques de province plus intéressantes presque que celles de Paris car elles sont, en général, des mines inexplorées et l’on y fait de véritables découvertes. Il est vrai que la Nationale est si peu explorée qu’elle rentre un peu dans ce genre-là. (…) Le père Delisle vieillit de plus en plus37 comme physique mais pas comme esprit. Il est véritablement merveilleux comme puissance de travail et m’épate de plus en plus chaque fois que je le vois (Amareins, 29 mai 1898). Depuis le départ de M. Delisle (cela se sent déjà à la Nationale), elle marche mal et les employés commencent à en prendre plus à leur aise. Par contre Sainte-Geneviève et l’Arsenal sont mieux tenues qu’autrefois. À la Mazarine, c’est toujours la république qui domine. Le successeur de M. Delisle38 se fait interroger par des journalistes qui publient ensuite ses opinions et ses vues dans les différents journaux. Cela fait suer de voir ce cabotinisme (Paris, 6 juin 1905).

Je voudrais mettre complètement mon septième volume sur pied avant l’ouverture [de la chasse] et ce n’est pas facile avec ces maudites fermetures des bibliothèques en août et septembre. Ce qu’elles me font rogner, c’est rien de le dire car je vois que, soit à Paris, soit à Lyon, soit à Grenoble, j’aurai besoin de passer quelques jours pour en terminer (Amareins, 4 août 1907).

Les commentaires sur l’Italie, que Baudrier visite en 1895-1896, sont mitigés : les fonds sont extrêmement riches, les conservateurs très aimables, mais les conditions de conservation lui semblent par trop médiocres :

J’ai vu des manuscrits superbes. Ceux de la Vaticane et de la bibliothèque Médicis à Florence sont merveilleux par le nombre et par la qualité. Je vous avoue franchement que je ne puis voir toutes ces richesses sans penser qu’elles seraient bigrement mieux soignées et placées sur les rayons de la Nationale. Les Galeries et les Musées me procurent aussi les mêmes réflexions et je voudrais voir toutes ces toiles et toutes ces statues au Louvre. Ces (…) Italiens ne sont pas dignes de posséder de pareilles merveilles. Je dois cependant reconnaître que les étrangers sont admirablement reçus dans les bibliothèques et que les bibliothécaires français et surtout lyonnais auraient de nombreux exemples à prendre et à suivre chez nos voisins (Florence, 30 janvier 1896).

UN RÉSEAU DE COLLECTIONNEURS, DE SAVANTS ET D’ÉRUDITS

Bien entendu, ce savant, cet amateur de haute volée, toujours soucieux d’enrichir sa collection personnelle à des fins aussi bien bibliophiliques que bibliographiques, suit avec intérêt et compétence l’avancement des grands travaux de recensement bibliographique qui sont conduits autour des années 1900. Il se réjouit, en juin 1906, de ce que « M. Delisle continue l’ouvrage de Claudin sur l’imprimerie en France » (Amareins, 9 juin 1906), et souligne, trois ans plus tard, la parution concomittante de plusieurs titres importants :

Polain39 a publié son troisième volume. Lacombe40 a pris la suite de Claudin et Picot41 achève le quatrième volume du catalogue Rothschild. Le premier volume de la Gallia typographica de Le Preux42 a paru et aura de nombreux successeurs (Amareins, 5 septembre 1909).

Puis, en 1912 : Le quatrième volume du catalogue de Rothschild de M. Émile Picot vient de paraître. C’est un chef-d’œuvre bibliographique comme les précédents (Amareins, 3 juillet).

Mais Julien Baudrier est naturellement aussi un lecteur très attentif des catalogues de librairies et il apprécie en connaisseur l’état du marché du livre ancien – et la compétence des libraires, du moins de certains d’entre eux :

Ce catalogue Picard m’avait aussi tapé dans l’œil mais seulement pour un seul numéro, un Rigaud dont je me brosse le ventre (…). C’est le 7661. Mon avis n’est pas aussi sombre sur les livres. Picard n’entend absolument rien aux livres anciens ; la preuve en est dans ce même numéro qui, porté à cinquante francs, aurait eu autant de demandes. Même chose pour une centaine de numéros. Vous voyez donc qu’il n’y a pas à se monter le cou. Il y a une baisse, c’est indiscutable, mais les choses rares et belles tiennent leur prix et même en prennent tous les jours. Mon avis est que Picard et surtout ceux qui chargent Picard de vendre des livres sont des novices qui s’en mordront les doigts. Voyez les catalogues de Claudin43. C’est un malin qui sait ce que vaut un livre et qui ne baisse pas follement les prix (Amareins, 12 novembre 1896).

Claudin allonge la sauce comme texte mais donne avec raison des quantités de reproductions. Il est certain que dans quelques années, il sera absolument impossible de se procurer ces livres à figures du XVe siècle qu’il a recueillis avec tant de patience dans sa longue carrière (30 janvier 1905).

Là encore, le jugement de Baudrier sur la situation en Italie est au moins mitigé :

Les bouquinistes [italiens] sont aussi très mal montés. Ce sont toujours ces sacrés classiques de Gryphe que l’on retrouve. À peine ai-je pu dénicher une dizaine de bouquins, et salés par-dessus le marché. L’Italie n’est décidément pas la terre promise des bibliophiles honnêtes. Pour arriver à glaner les bonnes choses, il faudrait s’adresser aux employés des dépôts publics et faire main basse sur les volumes confiés à leur garde. C’est ce que font sans scrupule certains libraires (Florence, 30 janvier 1896).

Son souci constant de la formation d’une bibliothèque utile à la réalisation de son œuvre lui fait cependant dans bien des cas préférer la reproduction des parties caractéristiques d’un volume à sa possession effective, autrement dit préférer l’accroissement de sa bibliothèque virtuelle à l’enrichissement de sa bibliothèque réelle. De même, s’il accroît sa collection de reliures armoriées, c’est pour l’utiliser lors de la préparation de l’Armorial des bibliophiles. Une partie importante de sa documentation – et de sa collection – vient des ventes publiques, suivies avec attention et pour lesquelles, non seulement on passe des commissions, mais on n’hésite pas à s’associer entre amateurs :

Je vais écrire à Paris pour qu’on vous expédie les renseignements nécessaires à votre travail sur le comte de Lignerolles44. À sa première vente, je n’ai pu obtenir qu’un volume sur trois. C’est le numéro 576, Secreta Mulierum45. À la seconde, j’ai envoyé près de trente commissions et j’espère être plus heureux. Nous avons demandé deux volumes l’un et l’autre, les numéros 1402 et 143346. J’avais donné commission à 155 pour le premier et 115 francs pour le second. Si je les obtiens au niveau de votre commission, je me ferai un plaisir de vous les céder car je n’y tiens pas particulièrement pour mon travail sur le XVIe siècle (Cannes, 9 mars 1894).

Je ne connais l’ouvrage que vous me signalez que par le beau travail de M. Thierry-Poux47, mais je m’empresse de vous avertir que je ne le commissionnerai pas, car, bien que ce soit un bouquin rarissime, il n’offre pour moi qu’un intérêt secondaire. Je l’estime entre 150 et 200 francs. Si vous pouvez l’obtenir pour 175 francs, ce sera une bonne affaire. Ayant la possibilité de reproduire le spécimen donné par Thierry-Poux, il n’a plus pour moi l’intérêt documentaire qui me fait acheter la plus grande partie de mes bouquins lyonnais (Cannes, 6 février 1895).

J’ai acheté chez Lanoy trois volumes, un pour Terrebasse, un pour Claudin et un pour moi afin de m’éviter de demander l’autorisation de faire photographier une marque de Rouville à la Mazarine. Ils sont dans des états pitoyables et je les ai payés 1,25f. chacun (Cannes, 12 mars 1895).

Il n’y a qu’un seul numéro qui me tape dans l’œil. C’est le 1129 La Nef des folz du libraire Jehan Monnier ou James Meunier. Ils ont eu la bonne idée d’en donner deux reproductions de sorte que, si je ne l’obtiens pas, ce qui est probable, je n’en serai pas bien navré. Cela va m’obliger à faire une planche hors texte pour ce volume qui m’était absolument inconnu. La feuille de Monnier est tirée et puis l’addition du volume et des figures m’entraînerait à un remaniement de plusieurs feuilles (Cannes, 28 mars 1895).

J’ai fini par avoir un volume à la vente Pichon48 dans mes commissions données à Leclerc. C’était heureusement celui auquel je tenais le plus après la Police subsidiaire car il me donnait trois Rigaud inconnus… (Amareins, 15 juin 1897).

La préférence souvent accordée à la bibliothèque virtuelle s’expliquait sans doute aussi en partie par le caractère envahissant de la bibliothèque réelle :

J’ai pris une grande détermination. Je vais changer d’appartement (…). Figurez-vous les horreurs de la transbahutation de ma bibliothèque et des porcelaines de Chine. C’est pourtant un peu à cause d’elle que je change, j’ai beau vendre (je viens d’envoyer cinq grandes caisses à Paris), empiler à Amareins, je n’ai plus de place (Amareins, 3 juin 1899).

Je n’ai pas encore commencé mon déménagement. J’avais depuis longtemps commencé à prendre mes dispositions et soit par les ventes à Paris et à Lyon, soit par l’envoi à la campagne des impedimenta volumineux, j’ai bien éclairci la situation. Malgré cela, il reste un nombre respectable de kilogrammes à véhiculer. Le plus délicat sera le transport de mes porcelaines de Chine, cela me travaille depuis longtemps et je serai obligé de le faire faire à la main (6 juillet 1899).

Mon déménagement est fait, mais mes livres ne sont pas en place. Ils sont empilés et encombrent plusieurs pièces. J’ai profité de ce déballage pour envoyer six grandes caisses à Paul49 qui les écoulera dans les différentes ventes. J’ai expédié d’ici à peu près la même quantité et je compte bien ne pas en rester là. Il ne faut pas s’encombrer et les périodiques sont navrants. Je les supprime autant que possible. Je vais liquider la Société d’histoire littéraire trop dreyfusarde pour moi ainsi que différentes [sic] qui ne m’intéressent pas (27 septembre 1899).

Outre les ressources de sa collection personnelle, Julien Baudrier utilisait celles d’autres bibliothèques particulières. En mentionnant les lieux de conservation des volumes décrits, la Bibliographie lyonnaise indique du même coup les collections particulières dont le contenu fut, au moins en partie, connu de l’auteur, comme celle de Léon Galle, aujourd’hui conservée aux Archives départementales du Rhône, ou celle de son beau-frère au château de Terre-basse, en Dauphiné. La correspondance et les échanges avec Léon Galle sont suivis :

Avec tous mes remerciements, je m’empresse de vous retourner l’exemplaire du Codex Theodosiani de 1593 dont la date a été modifiée ultérieurement par un grattage du X et par l’addition de deux unités, ce qui fait 1605. Cette modification mal faite ne doit pas être l’œuvre de l’atelier de François Le Febvre mais d’un libraire de petite ville possesseur d’un stock à écouler. Je possède moi-même un exemplaire de l’édition de 1593 ainsi que la Ville de Lyon (25 avril 1909).

Ayant entretenu d’innombrables relations dans le milieu des érudits, bibliothécaires et collectionneurs, Julien Baudrier possédait un impressionnant réseau de correspondants français et étrangers disposés à lui servir d’informateurs voire de collaborateurs occasionnels, dont l’évocation nous plonge dans le monde de l’érudition de la Belle Époque. La correspondance de l’érudit est l’une de ses premières sources d’information, mais elle représente a contrario une charge importante, au point de retarder la publication elle-même – d’autant que l’obligeance impose de répondre à des demandes parfois importunes :

Excusez mes hiéroglyphes, je suis accablé de besogne et de correspondance. C’est le vilain côté de mon travail, tous ceux qui ont des Lyonnais à rechercher trouvent plus simple de m’écrire que de se donner la peine d’aller dans les bibliothèques, ce sont surtout les parisiens qui sont les plus burlesques. Je viens de recevoir un mandat de deux francs avec prière de copier une préface que je possède et de la renvoyer par retour de courrier. J’ai renvoyé le mandat et répondu zut (Amareins, 3 juin 1899).

La disponibilité et les connaissances de Baudrier en font un interlocuteur apprécié des savants les plus reconnus, dont une nouvelle fois Léopold Delisle, et pour lesquels lui-même témoigne d’ailleurs d’une réelle amitié. Marie Pellechet (1840-1900) 50 était en relations avec le bibliothécaire de la ville Aimé Vingtrinier et séjourna à Lyon en 1888 pour travailler au catalogue des incunables de la Bibliothèque municipale. Le plan de travail du Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France fut en effet « essayé » sur les collections de Dijon, Versailles et Lyon51. Delisle soulignera dans son compte-rendu du premier volume du Catalogue Pellechet, le rôle de Baudrier52 :

Pour certains livres, dont il n’y a dans nos bibliothèques publiques que des exemplaires défectueux, [Mlle Pellechet] a complété ses descriptions en recourant tantôt à des notices publiées par des bibliographes dignes de confiance, tantôt à des exemplaires complets, étudiés par elle-même soit dans des bibliothèques étrangères, soit dans des collections particulières. Je n’en citerai qu’un seul exemple : l’Exposition et vraie déclaration de la Bible corrigée par Julien Macho et Pierre Farget. Trois éditions de cet ouvrage ou de parties de cet ouvrage, imprimées à Lyon vers 1477, par Barthélemy Buyer (nº 2355, 2357 et 2358), sont représentées dans nos bibliothèques, à la Mazarine, à Poitiers et à Carpentras, par un seul exemplaire de chacune d’elles, et ces exemplaires sont tous les trois défectueux. Mademoiselle Pellechet n’en a pas moins donné une description complète d’après les bons exemplaires qu’en possède M. Baudrier, amateur lyonnais, qui a fait ses preuves d’érudition bibliographique…

Marie Pellechet, érudite et non intellectuelle – les « intellectuels » lui inspiraient beaucoup d’aversion, et elle était aussi anti-dreyfusarde que Julien Baudrier – était une adepte de la photographie et attachait, comme Baudrier, une grande importance à la reproduction des parties caractéristiques des volumes qu’elle étudiait. Elle n’hésita pas à le solliciter, comme en témoigne la correspondance, qui évoque au passage l’image quelque peu surprenante d’une Marie Pellechet « galopant » d’une bibliothèque à l’autre :

Je viens d’achever ou à peu près mon travail pour Mademoiselle Pellechet, j’ai passé la nuit (3 novembre 1895).

Mademoiselle Pellechet qui galope à travers les bibliothèques de l’Europe à la recherche des incunables français a l’amabilité de me relever des fiches pour Rigaud ; c’est la seule chose qui me console de rester ainsi en plan (Amareins, 15 juin 1897). Mademoiselle Pellechet est à l’hôpital de Leipzig depuis plus de quinze jours en train de soigner une formidable angine. Elle va mieux heureusement mais a été fort touchée. Ce sont les incunables qui sont la cause de cela. Ils devraient bien lui manifester d’une autre façon leur reconnaissance du profond amour qu’elle leur porte (Paris, 27 juin 1897).

Parfois, l’intérêt bibliographique donne l’impression d’une certaine sécheresse de cœur – les maladies des uns et des autres semblent surtout fâcheuses en ce qu’elles ralentissent le travail –, mais il ne s’agit que d’une note passagère :

Vous ai-je dit que j’étais arrêté dans mon quatrième volume à cause d’une maladie de Mademoiselle Pellechet et d’une fièvre typhoïde du fils de mon correspondant de Carpentras ? L’une est au lit, l’autre ne quitte pas le lit de son fils et tous deux ne peuvent pas m’envoyer des relevés dont j’ai un vrai besoin et qu’eux seuls peuvent me faire. Si cela dure, je vais être obligé de faire ces deux voyages, ce qui manquera de charme (Amareins, 21 novembre 1898).

Hier en rentrant à la maison, j’ai trouvé l’annonce d’une bien triste nouvelle. Cette pauvre Mademoiselle Pellechet est morte avant hier des suites d’une grippe infectieuse. Elle était atteinte depuis près d’un mois environ et son état, tout en inquiétant beaucoup ses proches et ses amis, ne faisait nullement prévoir un dénouement aussi prompt. Elle est morte sans s’en apercevoir. Elle dormait après une injection de caféine. Elle ne s’est pas réveillée. J’en suis absolument navré comme vous le pensez bien. Elle était si parfaitement bonne et dévouée pour ses amis et pour toutes les belles causes. C’est de plus une perte irréparable pour la bibliographie française (14 décembre 1900).

Le mauvais temps et les grèves de Marseille m’ont fait repousser après Pâques mon voyage dans le midi. J’ai mal réussi puisque les grèves se calment et que le beau temps semble revenir. (…) Je travaille pour le catalogue de Mademoiselle Pellechet, c’est aussi un peu cela qui m’a fait repousser mon voyage. Je lui dois bien cela à cette pauvre et bonne amie. Il va se publier prochainement (25 mars 1901).

Un autre correspondant privilégié est Alfred Cartier (1854-1921), directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève et spécialiste des De Tournes. Cartier s’était en quelque sorte chargé, en accord avec Baudrier, de la réalisation de la partie de la Bibliographie lyonnaise consacrée à ces imprimeurs de tout premier ordre. En raison de leur collaboration, le bibliographe lyonnais et le conservateur genevois entretinrent durant de longues années des relations très régulières et amicales :

Notre pauvre ami Cartier a été fort souffrant d’une crise cardiaque. Ce n’est pas la première et il y a longtemps qu’il souffre de ce côté-là. Elle a dû être fort grave car il m’a écrit une lettre qui m’a mis l’âme à l’envers et dans laquelle il m’annonce qu’il a pris ses précautions et qu’il me lègue tous ses travaux sur les De Tournes. Je vous laisse à penser si j’ai été bleu en la lisant. Je me suis empressé de le remonter et de lui dire qu’il ne se tourmente pas, ni au sujet de son œuvre, ni au sujet de son voyage à Lyon. Que ce dernier ne pressait pas, qu’il pouvait parfaitement être remis fin septembre et que je lui enverrai à Genève tous les volumes de la bibliothèque de Lyon dont il pourrait avoir besoin (Amareins, 3 août 1901).

Malgré tout, il faut être pratique, et l’intérêt de la bibliographie prime à certains égards : Je sais bien qu’il a toujours une épée de Damoclès sur la tête, mais néanmoins il peut faire du bon travail sans souffrir. Je vais le pistonner pour qu’il publie ses de Tournes. En voulant être trop complet, il ne fera rien (Le Mont-Dore, 11 juillet 1903).

Enfin, étant donnée la place réservée aux nombreuses reproductions, la Bibliographie lyonnaise peut aussi apparaître comme un recueil de sources pour une histoire de l’illustration53. Julien Baudrier avait été sensibilisé à l’intérêt des questions iconographiques précisément par Cartier, lui-même spécialiste de l’histoire des graveurs lyonnais de la Renaissance et attaché à l’étude minutieuse des détails caractéristiques propres aux œuvres de chaque artiste54. Et, au passage, nous voyons apparaître les silhouettes de Polain et de Paul Lacombe :

Dimanche, je file sur Paris terminer mes fiches incomplètes pour la onzième, mais n’y ferai pas un long séjour. J’ai un assez grand nombre de recherches à y faire pour le travail entrepris avec Cartier qui vient de découvrir un nouveau maître au XVe siècle (…). Cela commence à s’éclaircir (…) mais les documents à produire manquent, pour la plus grande partie, aux collections lyonnaises, ce qui m’oblige à des investigations nouvelles et à de nombreuses conférences avec Polain et Paul Lacombe (Lyon, 5 novembre 1912).

Je vais demain aller voir Cartier et causer un brin avec cet ami. À mon retour, j’espère pouvoir vous porter [à Léon Galle] la onzième série dont les derniers bons à tirer sont depuis huit jours à l’imprimerie. Ces sales jours de fêtes retarderont d’autant l’affaire. Que n’ai-je eu, au début, les connaissances inculquées par ce brave Cartier. Ce que cela aurait simplifié la chose et que de choses intéressantes j’ai dû laisser passer pour m’être fié aux dires de Rondot55, sur la valeur de nombreux bois parmi lesquels ceux de G. Leroy et du Me de l’Ars moriendi de Jean Siber qu’il classait, avec dédain, parmi les grossiers cartiers de Pierre Mareschal et Barnabé Chaussard et autres du même acabit (…). J’ai retrouvé dans des impressions faites par Jean Belon, à Valence, vers 1500-1508, plusieurs bois de G. Leroy à mon dernier voyage à Terrebasse (Amareins, 14 juillet 1914).

LA PUBLICATION

Bibliophile émérite, soucieux de la beauté matérielle des volumes successifs constituant l’ouvrage, résultat de tous ses efforts, Julien Baudrier confia ses manuscrits à l’imprimerie Rey56, qu’il qualifiait d’« imprimerie lyonnaise de premier ordre » (24 octobre 1906) 57, mais dont les services, somme toute, le mécontentaient bien souvent :

Ce satané Rey profite de mon éloignement pour en prendre à ses aises et lambine d’une façon exaspérante. Depuis huit jours, je n’ai reçu qu’un seul placard (Cannes, 21 décembre 1894). Je suis furieux contre Rey qui me traîne en longueur. Il a toujours d’excellentes raisons, machine cassée, etc. Bref, au lieu d’être terminée pour fin juin, la seconde série ne sera pas terminée fin août très certainement. J’en suis furieux mais ne peux que me ronger les poings en silence (Amareins, 24 juin 1896).

Ce bougre de Rey me fait languir, jamais le troisième volume ne sera prêt pour la fin d’août. Ce qui va me le faire renvoyer à je ne sais quelle époque, car en septembre et octobre, je n’ai généralement pas de temps à moi. J’ai remis à l’imprimerie toutes les fiches de Rigaud, moins les cent dernières. Il ne pourra pas dire que la copie lui manque ou que je le retarde. Je lui retourne généralement le jour même les placards qu’il m’envoie (Le Mont-Dore, 3 août 1897).

Un certain nombre de problèmes viennent de l’iconographie en photogravure, problèmes à l’occasion desquels Baudrier témoigne de réelles compétences techniques, et, parfois, d’une certaine forme de philosophie :

Petit à petit mon travail s’avance, je pense être en mesure de le donner fin août en entier. Je vais envoyer d’ici la lettre A pour que Rey me la tire à titre d’essai, je verrai mieux les corps de caractères à employer et les signes à mettre. Fernique58 va m’envoyer pour le 15 août environ toutes les reproductions. Delaye59 qui en aura beaucoup plus ne sera pas prêt à cette date, mais il suffit qu’il le soit suivant les besoins de l’imprimeur (Le Mont-Dore, 12 juillet 1894).

Je vous souhaite [à Léon Galle] d’aller plus vite que moi dans votre grosse entreprise du Louvet60. C’est une grosse affaire à mettre en train, mais vous n’aurez pas tous les embarras que courent mes recherches, ni les retards des photograveurs pour mettre des bâtons dans vos roues. Figurez-vous que je fais exécuter, encore en ce moment, des reproductions pour la première série ! Au fond j’aurais mauvaise raison de me plaindre de ces retards, ils m’ont permis d’être plus complet (Cannes, 6 avril 1895).

Je voudrais mettre en train la troisième série dès ma rentrée à Lyon, malheureusement ces sacrés clichés ne seront jamais prêts. Abraham qui commencera est très intéressant et je voudrais faire reproduire le titre de tous les ouvrages que je connais de ce vénérable bonhomme. La mise en pages en sera fort difficile (Lyon, 20 octobre 1896).

Léon Galle, qui fournissait à son ami des renseignements, lui prêtait aussi des volumes issus de sa collection personnelle, mais, surtout, il l’aida à corriger les épreuves de la Bibliographie. Baudrier lui écrit souvent à ce sujet, le sollicite et finit même par lui « emprunter » son secrétaire particulier, s’offrant au passage à le « dresser pour faire des copies de titres » – et, si « rien ne presse [Léon Galle] de répondre », il le fera cependant « à la première occasion »:

Deux mots (…) pour vous annoncer l’envoi de l’épreuve définitive de la feuille 3. Nous allons marcher maintenant. Ce retard m’a permis d’ajouter quelques nouvelles découvertes (…), je serais donc mal venu à m’en plaindre. Je vous serais bien obligé de me la retourner à Amareins (Amareins, 11 novembre 1894).

Je compte retourner à Lyon vers le 15 de ce mois pour terminer définitivement l’impression. Vous allez recevoir un paquet d’épreuves un de ces quatre matins. Je vous en demande pardon et vous fais d’avance tous mes remerciements pour votre extrême obligeance (Cannes, 4 février 1895).

Je vous fais toutes mes excuses de venir ainsi abuser de votre extrême amabilité en vous envoyant un pareil stock d’épreuves. C’est la fin, heureusement, et ce n’est que temps ! Voilà au moins dix mois que j’ai remis le manuscrit à l’imprimeur. Terre-basse m’a bien remis votre fiche relative à un Rigaud et je vous en remercie bien vivement. Elle m’a été très utile car elle m’a permis de compléter l’indication d’un ouvrage que je ne connaissais que par un exemplaire incomplet. (…) J’espère à mon retour aller vous serrer la main et vous porter le deuxième volume (Amareins, 15 septembre 1896).

Je n’osais pas abuser de vous en vous abrutissant de mes épreuves. Puisque votre obligeance est sans bornes, je m’empresse de vous envoyer la fin du volume (Cunault [Maine-et-Loire], 17 septembre 1897).

À quelle époque pensez-vous monter à Montribloud ? 61 Vous allez me dire que je suis bien curieux ! Je vous fais cette demande dans le but suivant. Pendant votre séjour à Montribloud votre secrétaire est, m’avez-vous dit dans le temps, inutilisé par vous une partie du temps et a des loisirs qu’il peut occuper à sa guise. D’autre part, pendant mes fugues à Lyon, j’ai des commissions et pendant mon séjour ici, des recherches ou différentes vérifications à faire dans les bibliothèques, je pourrai même le dresser à faire des copies de titres en cas de besoin. Je ne prétends pas lui offrir un travail suivi bien entendu, mais simplement utiliser quelques-uns de ses loisirs sans toutefois que cela puisse causer le moindre dérangement à son service auprès de vous. Vous me l’aviez proposé dans le temps très aimablement et je viens vous demander s’il est toujours libre pendant votre séjour à la campagne et s’il ne s’est pas trouvé une occupation momentanée. Rien ne presse de me répondre. Un mot seulement à première occasion (6 juin 1907).

J’ai utilisé votre secrétaire et j’ai pu apprécier son activité et sa rapidité dans l’exécution des commissions. Je le dresserai à copier des titres, ce sera plus long (Salins [Jura], 28 juin 1907).

Je suis enchanté de votre secrétaire qui est une perle et qui fait admirablement les commissions de tous genres. Je regrette de ne pas l’avoir employé plus tôt et surtout de ne pas lui avoir appris plus tôt la manière de copier les titres (Lyon, 21 juillet 1907).

Au cours de ses recherches, Baudrier jugeait lui-même son travail et mettait l’accent sur son caractère souvent aride : son livre, c’est son « enfant », il faut « accoucher » et, malgré l’expérience acquise au fil des publications, l’auteur est toujours surpris par l’ampleur d’un travail plus long qu’il ne l’avait escompté :

Je suis abruti par mon cinquième enfant. L’accouchement est bougrement laborieux et c’est d’un fastidieux ! ! Il faut l’avaler quand même car, en somme, c’est curieux et peu connu (Amareins, 3 juin 1899).

Mon cinquième ne va pas vite. Il est d’un dur et d’un difficultueux dont je n’avais aucune idée. Ce sera de beaucoup celui qui m’aura coûté, jusqu’à présent, le plus de peine et de travail. Personne ne s’en doutera et tout le monde le trouvera fastidieux en diable (Amareins, 7 juillet).

Je me confine dans la bibliographie avec rage et tache de mettre en train mes futures séries. Les Gryphius sont terminés. Ils m’ont donné de la tablature mais Rouillé sera encore plus dur. Ce sera un gros morceau de moins à digérer lorsqu’il sera debout (Amareins, 5 septembre 1909).

Je viens de passer deux mois à mettre d’aplomb la onzième série, morceau beaucoup plus dur à digérer que je n’avais cru avant d’y mettre les dents et je vois qu’il me reste encore beaucoup de volumes à voir dans différentes bibliothèques de Paris et de province, ce qui va m’obliger à des voyages dès que les vacances seront terminées (Amareins, 23 août 1913).

Enfin, les volumes paraissent, et il faut s’occuper de la diffusion, confiée à la Librairie ancienne Brun62. Celle-ci, installée rue du Plat, donc toute proche de la place Bellecour, avait été fondée en 1847 par Auguste Brun (1821-1904) et, comme le précisait l’Armorial des bibliophiles63, « elle ne tarda pas à devenir la mieux achalandée de Lyon et, pendant de longues années, fut le rendez-vous d’un groupe de bibliophiles et d’érudits » parmi lesquels le président Henri Baudrier – une manière de « librairie à chaises », un petit peu comme Champion à Paris. Louis Brun, fils d’Auguste et comme lui collectionneur, éditeur et rédacteur de catalogues de ventes, succéda à son père en 1887. Il est l’auteur, sous le pseudonyme anagrammatique de Nobirulus, d’un curieux recueil de lettres adressées à son père, accompagné d’une liste des principales ventes dirigées par ce dernier64.

La presse périodique, locale ou nationale, généraliste ou spécialisée, se fait l’écho de la parution de ce que l’on appellera plus tard « le Baudrier » – comme, à Lyon, le quotidien Le Salut public, mais aussi la Revue du Lyonnais65 ou, à Paris, le Bulletin du bibliophile. Dans sa correspondance avec Galle, Baudrier réagit, même si avec prudence, à la publication de deux articles de critique dans la Revue du Lyonnais :

C’est bien gentil de la part de Mollière66 d’avoir fait un compte-rendu sur la Bibliographie lyonnaise. J’en suis d’autant plus touché que sa profession ne lui laisse pas grands loisirs et que la bibliographie proprement dite n’est pas non plus le sujet de ses études. J’attends pour le remercier d’avoir lu l’article (Amareins, 19 octobre 1895).

Je vous remercie de m’avoir signalé l’arrivée de l’article Cartier67 (…). Je crois qu’il sera bon de faire un tirage à part de l’article et d’en offrir à l’auteur une quarantaine d’exemplaires. J’en prendrai les frais à ma charge et vous lui direz que c’est l’administration de la Revue qui les lui offre. Vous voudrez bien en faire tirer une vingtaine pour moi. Tout ceci bien entendu absolument entre nous. Ce sera une bonne chose pour la Revue car cela l’engagera peut-être à y publier quelques articles qui y seront plus à leur place que dans les revues suisses que personne ne lit en France (Amareins, 3 juin 1899).

Une reconnaissance officielle de la haute valeur des travaux du bibliographe lyonnais est cependant intervenue en 1900, lorsque Léopold Delisle annonce à Baudrier que la Bibliographie a reçu le Premier prix Brunet, décerné par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à la suite d’un rapport d’Émile Picot. Le montant du prix s’élève à 1500 f. En ouvrant chaque assemblée générale de la Société des Bibliophiles lyonnais, le président en exercice présentait les travaux personnels des sociétaires et c’était à chaque fois une occasion de faire le point sur l’avancement de l’œuvre du bibliographe en un long compte-rendu, véritable conférence. Les procès-verbaux manuscrits de ces séances, conservés dans les archives de la Société, témoignent de la considération dont jouissait Julien Baudrier auprès de ses confrères68 : pour finir, il sera élu président de la Société au cours de la séance du 7 février 1913.

Julien Baudrier est retrouvé mort, assis dans un fauteuil de sa bibliothèque, le 16 mai 1915. Il disparaît à cinquante-cinq ans, laissant une œuvre déjà colossale, mais qu’il avait raisonnablement espéré mener, sinon à son terme, du moins beaucoup plus loin. De son château d’Amareins, le 12 novembre 1896, il écrivait à Galle :

Dès que j’aurai terminé mes affaires, je retournerai à Lyon pour mettre la troisième série en train. J’ai au moins douze séries du XVIe siècle à publier, plus autant pour le XVIIe. Il faut que je me dépêche ferme bien que je sois persuadé que je n’arriverai pas à en publier le quart…69

Ses funérailles ont lieu à Lyon le 1970. La haute érudition du XIXe siècle semblait alors elle aussi disparaître dans la guerre civile européenne.

À la fois ambitieux et lucide, le bibliographe lyonnais eut plusieurs successeurs. Un essai de présentation de certaines des « suites » données à son œuvre peut être esquissé. Après la disparition de Baudrier, ce fut son beau-frère, Humbert de Terrebasse (1842-1927), qui, ayant recueilli sa bibliothèque71 et ses notes, publia en 1921 la douzième série de la Bibliographie lyonnaise.

Fils de l’érudit et bibliophile dauphinois Alfred de Terrebasse (1801-1871) 72, Terrebasse avait épousé, le 30 août 1871, Hélène Baudrier, fille du président Henri Baudrier. Avocat de formation, propriétaire foncier, élu local, bibliographe et historien, membre de la Société des Bibliophiles lyonnais, Terrebasse fut l’auteur d’une œuvre qui peut être divisée en deux parties. La première comprenait des travaux sur l’histoire du Dauphiné et, en particulier, la généalogie des familles et la biographie des personnages de cette province. La seconde consistait en des études de bibliographie soit dauphinoise, soit lyonnaise73. En 1917, il décrivit dans la biographie de son beau-frère74 les dossiers inédits dont il avait hérité, dossiers ainsi intitulés : Imprimeurs et libraires ; Les grandes compagnies des libraires de Lyon ; Les Imprimeurs et libraires du XVe siècle, adjonctions documentaires et bibliographiques aux catalogues de Péricaud, Mlle Pellechet, Claudin, etc. ; Petits Imprimeurs et Libraires du XVIe siècle ; Imprimeurs et Libraires du XVIIe siècle, suite de la Bibliographie lyonnaise du XVIe siècle ; Impressions lyonnaises anonymes75 ; Additions aux séries I à XI ; Les Almanachs imprimés à Lyon de 1610 à 1682 ; enfin, L’Illustration du livre, les dessinateurs et les graveurs des XVe et XVIe siècles dans leurs rapports avec les imprimeurs lyonnais. À la mort de Terrebasse en 1927, ses héritiers étaient à leur tour incités par l’Académie de Lyon à continuer l’imposant ouvrage commencé par leurs ancêtres76.

En 1938 parut la Bibliographie des éditions des De Tournes, établie par Alfred Cartier et publiée par l’imprimeur lyonnais Marius Audin77. Ce dernier mit au point ce complément capital de la Bibliographie lyonnaise à partir de la documentation réunie par Cartier, lequel était décédé en 1921 sans l’avoir publiée, documentation rendue disponible par le neveu et héritier du bibliographe genevois. De l’entre-deux-guerres aux années 1960, quelques érudits lyonnais – Claude Dalbanne78, peintre, graveur et conservateur du Musée historique de Lyon, mais aussi Maître Georges Tricou79 et son fils, ainsi que Henry Joly80, conservateur de la Bibliothèque municipale – s’efforcèrent de dresser différentes tables propres à faciliter l’usage de la Bibliographie lyonnaise. Julien Baudrier avait eu le projet d’en établir plusieurs, bien que son jugement sur ce genre d’instrument de consultation fût sévère. En 1964 furent réimprimées, sous les auspices du Centre national de la recherche scientifique, les douze séries de la Bibliographie lyonnaise augmentées l’année suivante d’un volume rassemblant les différentes tables dressées jusque-là81. En 1967 parut un supplément établi sous la direction d’Henri-Jean Martin82, qui avait eu accès aux richesses de la bibliothèque du château de Terrebasse, réceptacle de la collection et des notes inédites de Julien Baudrier. Enfin, durant la dernière décennie du XXe siècle, vit le jour une nouvelle Bibliographie des livres imprimés à Lyon au XVIe siècle, à la fois plus sobre et plus concise que son illustre devancière, et conçue surtout comme un complément de celle-ci83.

La correspondance entretenue par Julien Baudrier avec les grands érudits et bibliographes de son époque, correspondance consacrée plus spécifiquement à l’élaboration de la Bibliographie lyonnaise, forme, par son contenu une source d’un très grand intérêt, dont le corpus de lettres que nous venons de présenter ne peut donner qu’un aperçu. Ce dernier offre l’avantage d’avoir eu pour destinataire un ami assez intime de notre auteur qui, par conséquent, s’exprimait avec une liberté plus grande que dans ses échanges épistolaires avec certains autres de ses correspondants. La publication d’un choix de citations extraites de lettres dues à la plume souvent truculente de Julien Baudrier nous a paru le moyen le plus propre à en montrer l’intérêt, dans l’état actuel de la connaissance et de l’exploitation des sources d’une histoire qui reste en large partie à écrire.

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1 Raymond-Josué Seckel, « Repères : l’activité bibliographique », dans Histoire de l’édition française, tome 4 : Le Livre concurrencé (1900-1950), 2e éd., Paris, Fayard-Promodis, 1991, pp. 595-606, ici p. 596.

2 Bibliographie lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, par le Président Baudrier, publiées et continuées par J. Baudrier, Première série, 50 reproductions en fac-similé, 1895, Lyon, librairie ancienne d’Auguste Brun, 13, rue du Plat, imprimerie Pitrat aîné, A. Rey, successeur, 4, rue Gentil, grand in-8°, VII-450 p. ; Deuxième série, 127 reproductions en fac-similé, 1896, Lyon, Louis Brun, Paris, A. Picard et fils, grand in-8°, 450 p. ; Troisième série, 141 reproductions en fac-similé, 1897, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 502 p. ; Quatrième série, 175 reproductions en fac-similé, 1899, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 423 p. ; Cinquième série, 257 reproductions en fac-similé, 1901, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 518 p. ; Sixième série, 1 portrait, 155 reproductions en fac-similé, 1904, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 494 p. ; Septième série, 54 reproductions en fac-similé, 1908, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 455 p. ; Huitième série, 57 reproductions en facsimilé, 1910, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 447 p. ; Neuvième série, 160 reproductions en fac-similé, 1912, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 492 p. ; Dixième série, 213 reproductions en fac-similé, 1913, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 472 p. ; Onzième série, 273 reproductions en fac-similé, 1914, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 540 p. ; Douzième série, 118 reproductions en fac-similé, 1921, Lyon, Brun, Paris, Picard, grand in-8°, 503 p.

3 Humbert de Terrebasse, Julien Baudrier, bibliographe (1860-1915), Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1917, p. 61. Terrebasse, héritier des papiers personnels de son beau-frère, cite fréquemment la correspondance reçue par ce dernier.

4 Alexandre Poidebard, Léon Galle, fondateur et ancien président de la Société des Bibliophiles lyonnais (1854-1914), Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1918.

5 Fondée en 1885, la Société des Bibliophiles lyonnais se consacrait à la publication, soignée et élégante, de travaux d’érudition et surtout de documents inédits, ou à la réédition d’ouvrages rares concernant Lyon ou les régions voisines.

6 William Poidebard, Julien Baudrier, Léon Galle, Armorial des bibliophiles de Lyonnais, Forez, Beaujolais et Dombes, Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1907. L’objet de cet ouvrage était un recensement des bibliophiles qui, nés ou ayant vécu dans le Lyonnais ou les provinces voisines entre le XVIe et le début du XXe siècle, possédèrent un ex-libris ou un fer de reliure. Léon Galle le qualifiait de « monument iconographique et généalogique (…) élevé à la mémoire des bibliophiles lyonnais nos prédécesseurs » (À travers vingt-cinq années de bibliophilie lyonnaise, Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1910, p. 7). Voir les articles consacrés à Henri et Julien Baudrier, pp. 37-38.

7 Ce nombre est approximatif, la plupart des plis reçus par Léon Galle étant de véritables lettres, très souvent longues, mais quelques-uns ne consistant qu’en de simples billets laconiques. Cette correspondance (Archives municipales de Lyon (ci-après AmL), 55II3) fait partie des archives de la Société des Bibliophiles lyonnais, qui constituent la source principale de notre travail.

8 Il est permis de faire la même supposition au sujet de la correspondance d’Henri Baudrier. Des correspondances, par exemple, de Marie Pellechet ou d’Alfred Cartier sont conservées respectivement à Paris (Bibliothèque nationale) et à Genève (Bibliothèque publique et universitaire).

9 Henri Baudrier fut successivement substitut du procureur du roi à Lyon (26 septembre 1846), révoqué par le gouvernement provisoire (15 mars 1848) ; puis juge d’instruction à Lyon (29 novembre 1849), conseiller à la cour impériale de Lyon (28 juin 1856) et président de chambre à la même cour (20 janvier 1869) ; emprisonné à la suite de la proclamation de la République du 6 au 15 septembre 1870, et révoqué définitivement (19 septembre 1883). La loi du 30 août 1883 – loi d’« épuration » de la magistrature, corps très peu républicain mis en place sous le Second Empire – suspendit pour trois mois l’inamovibilité des juges du siège : six cents magistrats furent révoqués, alors que six cents de leurs collègues, dont deux neveux du président Baudrier, l’un procureur à Saumur, l’autre substitut à Lyon, avaient déjà démissionné lors de l’application des décrets des 29 et 30 mars 1880 expulsant les Jésuites et les congrégations non autorisées.

10 Yann Sordet, « Une approche des catalogues domestiques de bibliothèques privées (XVIIe-XVIIIe siècles), instruments et miroirs de collections particulières », Bulletin du bibliophile, 1997, nº 1, pp. 92-123.

11 H. de Terrebasse, Notice nécrologique sur Henri Baudrier, Paris, Téchener, 1884, p. 5 (extrait du Bulletin du bibliophile, juin-juillet 1884).

12 Léopold Niepce, Les Bibliothèques anciennes et modernes de Lyon, Lyon, Georg, 1875. Il s’agit d’un recueil de monographies de bibliothèques, composées notamment à partir de catalogues ou de souvenirs personnels, et parues auparavant dans la Revue du Lyonnais. Les pages 402 à 409 sont consacrées à la bibliothèque Baudrier. L’article de la Revue du Lyonnais se trouve dans la troisième série, t. XX, 1875, pp. 348-354. À propos du cabinet Baudrier, Humbert de Terrebasse précisait (Julien Baudrier, ouvr. cit., p. 66) : « Quant aux livres imprimés, il faudrait tout citer, dans cette collection unique de lyonnais rares et précieux. Quelques excerpta dédiés aux Bibliophiles, inscrits aux derniers feuillets de cet opuscule, suffiront à en donner une idée ; d’ailleurs la Bibliographie lyonnaise, au titre des références, en a multiplié les rappels ». Il publia en effet (pp. 75-109) un catalogue partiel du cabinet Baudrier – choix des volumes les plus remarquables –, divisé en cinq sections ainsi composées : I-Belles-Lettres et histoire, 243 articles dont 161 décrivant des impressions lyonnaises du XVIe siècle ; II-Théologie, 97 articles dont 50 décrivant des impressions lyonnaises du XVIe siècle ; III-Droit, 20 articles dont 13 décrivant des impressions lyonnaises du XVIe siècle ; IV-Héraldique, 63 articles dont 11 décrivant des impressions lyonnaises du XVIe siècle ; V-Médecine, 30 articles dont 23 décrivant des impressions lyonnaises du XVIe siècle ; au total, 258 articles sur les 453 choisis par Humbert de Terrebasse (57%) décrivaient donc des impressions lyonnaises du XVIe siècle.

13 L. Niepce, Le Président Baudrier, sa vie et ses œuvres, Lyon, Pitrat, 1884, p. 27 (Extrait de la Revue lyonnaise, t. VIII, août 1884, pp. 121-149).

14 Georges Cuer, « Un grand érudit du XIXe siècle à Lyon : Antoine Péricaud, bibliothécaire de la ville de Lyon », dans Mélanges d’histoire lyonnaise offerts par ses amis à Monsieur Henri Hours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 1990, pp. 113-134.

15 C’était par ces mots que s’achevait l’avertissement placé par Julien Baudrier en tête de la première série de la Bibliographie lyonnaise.

16 Dominique Varry, « Quand l’incunable paraît : les catalogues de ventes lyonnais d’Ancien Régime », dans Le Berceau du livre : autour des incunables [Mélanges Pierre Aquilon], dir. Frédéric Barbier (Revue française d’histoire du livre, 2003, nº 118-121), pp. 397-402.

17 Antoine Péricaud, Bibliographie lyonnaise du XVe siècle, nelle éd., Lyon, L. Perrin, 1851. Tiré à deux cents exemplaires, ainsi que les volumes suivants.

18 Antoine Péricaud, Bibliographie lyonnaise du XVe siècle, deuxième partie contenant le catalogue des imprimeurs et des libraires de Lyon de 1473 à 1500, la table méthodique des éditions lyonnaises du XVe siècle, Lyon, Chanoine, 1852 ; id., Bibliographie lyonnaise du XVe siècle, troisième partie, ibid., 1853; id., Bibliographie lyonnaise du XVe siècle, quatrième partie, additions et corrections, ibid., 1859.

19 Le Salut public, journal de Lyon, quotidien politique et littéraire, du 9 janvier 1879.

20 Catalogue des incunables de la Bibliothèque de Toulouse, rédigé par le docteur Desbarreaux-Bernard, imprimé aux frais de la ville, Toulouse, Paul Privat, 1878.

21 L. Niepce, M. Péricaud aîné, sa vie et ses ouvrages, Lyon, Mougin-Rusand, 1880, p. 75.

22 Baudrier associait à son travail de bibliographie proprement dit l’exploitation des pièces d’archives en vue de la rédaction de monographies consacrées aux différents imprimeurs. Voir sur ce point : Vital de Valous, Inventaire des livres d’un abbé de Valbenoite dressé en 1593 par Antoine Gryphius, Lyon, Brun, 1875.

23 H. de Terrebasse, Julien Baudrier, ouvr. cit., p. 47. L’Histoire de l’imprimerie à Lyon de l’origine jusqu’à nos jours, d’Aimé Vingtrinier (Lyon, Storck, 1894), rapide synthèse parue avant la première série de la Bibliographie lyonnaise, fut rédigée à l’occasion de l’Exposition internationale de Lyon de 1894. Son auteur regrettait qu’elle n’ait pas pu profiter des recherches du président Baudrier.

24 Assistance donnée à la multitude des pauvres accourus à Lyon en 1531 avec leurs actions de grâces, par Jean de Vauzelles, nouvelle édition avec introduction, notes et glossaire par M. H. Baudrier, Président à la Cour d’Appel de Lyon, Lyon, Perrin et Marinet, 1875. Tiré à 150 exemplaires non mis en vente. Article critique d’André Steyert, « Bibliographie lyonnaise : Assistance donnée à la multitude des pauvres accourus à Lyon en 1531, par Jean de Vauzelles, nouvellement édité par H. Baudrier », Revue du Lyonnais, quatrième série, tome I, 1876, pp. 224-231.

25 Lyon, Brun, 1880.

26 « Bibliographie lyonnaise au XVe siècle : origines de l’imprimerie d’Alby en Languedoc (1480-1484). Les pérégrinations de J. Neumeister, compagnon de Gutenberg, en Allemagne, en Italie et en France (1464-1484) ; son établissement définitif à Lyon (1485-1507), d’après les monuments typographiques et des documents originaux inédits, avec notes, commentaires et éclaircissements, par A. Claudin, Paris, A. Claudin, 1880 », Revue lyonnaise, I, janvier 1881, pp. 16-26

27 Humbert de Terrebasse, Julien Baudrier, bibliographe (1860-1915), Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1917.

28 « Son père le destinait aussi à la magistrature, mais ce n’est pas dans des familles comme celle de M. Baudrier que le Pouvoir d’aujourd’hui [1884] recrute ses magistrats » (Léopold Niepce, Le Président Baudrier, ouvr. cit., p. 33). Aussi Julien Baudrier put-il s’adonner à la Bibliographie lyonnaise, ce que n’avait pu suffisamment faire son père.

29 Premier gouvernement Clemenceau : octobre 1906-juillet 1909.

30 Ernest Judet, journaliste boulangiste et anti-dreyfusard.

31 Condamné de nouveau par le conseil de guerre de Rennes le 9 septembre 1899, puis grâcié, Alfred Dreyfus, comme l’on sait, vit le jugement de Rennes cassé le 12 juillet 1906 par la Cour de cassation et, réhabilité, fut en effet réintégré dans l’armée, promu chef d’escadron et décoré de la Légion d’honneur. Le commandant Picquart, quant à lui, fut ministre de la guerre du gouvernement Clemenceau de 1906 à 1909.

32 H. de Terrebasse, Julien Baudrier, ouvr. cit., p. 8.

33 Félix-François Desvernay (1852-1917), bibliothécaire de la ville de Lyon.

34 « Nous lui devons, Messieurs, beaucoup de reconnaissance [à Julien Baudrier] : non seulement pour la somme énorme de travail que représente l’Armorial, mais encore pour le sacrifice qu’il nous a fait en abandonnant pendant plus de trois ans la publication de sa Bibliographie lyonnaise, dont le dernier volume porte la date de 1904. La réunion des documents, la reproduction des dessins et des pièces originales, les recherches d’archives et de bibliothèques, les demandes de renseignements absorbèrent près de quatre années » (discours du président à la séance du 7 février 1908 de la Société des Bibliophiles lyonnais : Aml, 55 II 2, registre IV, pp. 115-116).

35 H. de Terrebasse, Julien Baudrier, ouvr. cit., pp. 7-8.

36 Avant la préparation de la neuvième série de la Bibliographie lyonnaise consacrée à Guillaume Rouillé et parue en 1912, Julien Baudrier usait de l’orthographe « Rouville » recommandée par son père en 1883.

37 Rappelons que Delisle est né en 1826.

38 Henri-Camille Marcel, dit Henry Marcel, 1854-1926.

39 Marie-Louis Polain : collaborateur de Marie Pellechet, puis continuateur du Catalogue général des incunables. Le troisième volume dont parlait Julien Baudrier était très vraisemblablement le troisième tome du Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, Paris, Picard, 1909.

40 Paul Lacombe : bibliothécaire à la Bibliothèque nationale.

41 Émile Picot, Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. le baron James de Rothschild, Paris, Morgand, 1884-1920, 5 vol. Sur Émile Picot : Monica Breazu, « La bibliothèque d’un Européen, Emile Picot (1844-1918) », Bulletin du bibliophile, 2004, nº 2, pp. 313-338.

42 Georges Lepreux, Gallia typographica ou Répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France depuis les origines de l’imprimerie jusqu’à la Révolution, Paris, Champion, 1909-1914, 6 volumes.

43 Anatole Claudin (1823-1906) : libraire parisien, auteur de l’Histoire de l’imprimerie en France au XVe et au XVIe siècles, Paris, Imprimerie nationale, 1900-1914, 4 volumes.

44 Léon Galle, « Causerie d’un bibliophile –X-La bibliothèque du comte de Lignerolles », Revue du Lyonnais, cinquième série, t. XVII, 1894, pp. 276-293 et 386-387.

45 Catalogue des livres rares et précieux, manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles, Paris, Porquet, 1894, première partie, IV-153 p. ; seconde partie, XII-319 p. ; troisième partie, XI-277 p. Nº 576 : « Secreta mulierum. Translaté de latin en françoys, s. l. n. d. [Lyon, vers 1540], pet. in-8 goth., mar. rouge, tr. dor. (rel. ancienne), impression de Jacques Moderne ».

46 Nº 1402 : « Noels nouveaux sur la Naissance de N. S. Jésus-Christ, composés par un enfant d’un an de la place des Terreaux. À Lyon, chez François Barbier, imprimeur et libraire à la place des Jacobins, 1674, in-12, réglé, mar. bleu, dos orné, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet) ». Nº 1433 : « Lyon prosterné aux pieds de son Sauveur ou les Hommages que toutes les Professions de cette noble Ville rendent par leurs vœux et présents au Rédempteur de l’Univers, par F. M. [Minguet] Champenois. À Lyon, chez Antoine Molin, s. d. [1667], in-12, réglé, mar. bleu, dos orné, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet) ».

47 Premiers Monuments de l’imprimerie en France au XVe siècle, publiés par O. Thierry-Poux, conservateur du département des imprimés à la Bibliothèque nationale, Paris, Hachette, 1890.

48 L. Galle, « Les livres lyonnais de la bibliothèque du baron Pichon », Revue du Lyonnais, cinquième série, XXIII, 1897, pp. 413-436.

49 E. Paul : libraire, direction de ventes publiques, 28, rue des Bons-Enfants, Paris.

50 A. M. P. Ingold, Notice sur la vie et les ouvrages de Marie Pellechet, Paris, Picard, 1902. Ursula Baurmeister, « De la dame-copiste bénévole à la bibliothécaire honoraire : Marie Pellechet à la Bibliothèque nationale », dans Mélanges autour de l’histoire des livres imprimés et périodiques, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1998, pp. 295-301. Id., « Marie Pellechet, ou l’Odyssée bibliothécaresque », Bulletin du bibliophile, 2004, nº 1, pp. 91-147.

51 Catalogue des incunables de la bibliothèque publique de Dijon, Dijon, Lamarche, 1886 ; Bibliothèque publique de Versailles : catalogue des incunables et des livres imprimés de MD à MDXX, avec les marques typographiques des éditions du XVe siècle, Paris, Picard, 1889 ; Catalogue des incunables des bibliothèques publiques de Lyon, Lyon, Delaroche, 1893.

52 Journal des savants, octobre 1897, cité par A. M. P. Ingold, ouvr. cit., pp. 122-123.

53 Eugène Vial, « Bibliographie : Bibliographie lyonnaise, par J. Baudrier, Xe série », Revue d’histoire de Lyon, XII, 1913, pp. 159-160.

54 Voir sur ce point les propos d’Alfred Cartier datés du 18 juin 1916, cités par Humbert de Terrebasse dans Julien Baudrier, ouvr. cit., pp. 52-56, et ceux de Julien Baudrier lui-même, ouvr. cit., pp. 56-60.

55 Natalis Rondot (1821-1900) : industriel, économiste, historien des métiers d’art, auteur notamment de travaux sur le livre et la gravure à Lyon. Léon Galle, Natalis Rondot, sa vie et ses travaux, Lyon, Bernoux, Cumin et Masson, 1902.

56 Alexandre Rey : imprimeur, 4, rue Gentil, Lyon. Alexandre Rey (1854-1921), discours prononcés à ses funérailles le 27 décembre 1921, Lyon, Rey, 1922. Jean Étèvenaux, « Histoire de l’imprimerie A. Rey », dans Bicentenaire des établissements A. Rey éditeur imprimeur (1791-1991), Lyon, 1991, pp. 17-75. Les archives de l’imprimerie Rey sont conservées aux Archives municipales de Lyon (fonds 30 II). Ces archives, comme les papiers personnels de Julien Baudrier, nous fourniraient peut-être des renseignements sur les aspects financiers de la publication de la Bibliographie lyonnaise, évoqués brièvement par Humbert de Terrebasse dans la biographie de son beau-frère (ouvr. cit., p. 69-70).

57 Lors des funérailles d’Alexandre Rey, ses panégyristes n’hésitèrent pas à le classer dans « la race de ces grands imprimeurs qui ont de tout temps, depuis le XVIe siècle, largement contribué à la gloire de notre ville » (Alexandre Rey, ouvr. cit., p. 8).

58 A. Fernique, ingénieur des arts et manufactures, photographie technique, photogravure typographique, gravure chimique, 31, rue de Fleurus, Paris.

59 B. Delaye, matériel d’imprimerie, photogravure artistique et industrielle, clicherie, galvanoplastie, gravure sur bois, 8, rue Henri IV, Lyon.

60 Histoire du Beaujolais : Mémoires de Louvet, manuscrits inédits des XVIIe et XVIIIe siècles publiés par Léon Galle et Georges Guigue, Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1903, 2 tomes.

61 Montribloud : lieu de résidence de Léon Galle, à proximité de Lyon.

62 Dans le catalogue de la librairie Brun de juin 1902, par exemple, les différentes séries de la Bibliographie lyonnaise parues jusque-là sont proposées au prix de 20f.

63 Ouvr. cit., pp. 76-77.

64 Nobirulus [Louis Brun], Manuscrits, livres et parchemins, Lyon, Brun, 1908.

65 Pierre-Yves Saunier, L’Esprit lyonnais, XIXe-XXe siècles : genèse d’une représentation sociale, Paris, CNRS, 1995, pp. 131-136. Humbert de Terrebasse, dans la biographie de son beau-frère, citait souvent les articles critiques parus dans la presse sur les différentes séries de la Bibliographie lyonnaise.

66 Humbert Mollière (1845-1898) : médecin, membre de la Société des Bibliophiles lyonnais. H. de Terrebasse, Le Docteur Humbert Mollière, sa vie et ses œuvres, Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1899. Humbert Mollière, « Bibliographie : Recherches sur les imprimeurs (…), par le Président Baudrier ; publiées et continuées par J. Baudrier. Première série. Lyon, 1895, 1 volume orné de cinquante reproductions en fac-similé. – Librairie ancienne d’Auguste Brun, rue du Plat, 13 », Revue du Lyonnais, cinquième série, XX, 1895, p. 342-352. Id., « Coup d’œil sur l’histoire de l’imprimerie à Lyon aux XVe et XVIe siècles », Revue du Lyonnais, cinquième série, XII, 1891, p. 357-367.

67 Alfred Cartier, Imprimeurs et libraires lyonnais au XVIe siècle, Lyon, Mougin-Rusand, 1899 (extrait de la Revue du Lyonnais, cinquième série, XXVIII, 1899, pp. 11-31). L’auteur y souligne l’importance de la bibliographie comme « base indispensable de l’histoire littéraire ».

68 AmL, 55II2, registre II, pp. 151-152.

69 En marge de la publication des séries de sa Bibliographie, Julien Baudrier fit en outre paraître quelques opuscules ou articles comme : Acquisition en 1582 d’un matériel d’imprimerie à Lyon par Hugolino Martelli, évêque de Glandèves (Atelier d’Entrevaux en Provence, 1581-1583), Paris, Leclerc, 1909 (Extrait du Bulletin du bibliophile tiré à cent exemplaires). « Michel Servet, ses relations avec les libraires et les imprimeurs lyonnais », dans Mélanges offerts à M. Émile Picot, membre de l’Institut, par ses amis et ses élèves, Paris, Morgand, 1913.

70 Discours prononcé aux funérailles de M. Julien Baudrier le 19 mai 1915, par M. Latreille, Lyon, Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, Lyon, [s.n.], 1915.

71 Une fois la collection de Julien Baudrier jointe après sa mort à celle de son beau-frère, la bibliothèque du château de Terrebasse forma un ensemble d’une valeur exceptionnelle. En 1932, les auteurs des Richesses des bibliothèques provinciales de France signalaient que la bibliothèque de la ville de Lyon possédait un beau fonds d’impressions lyonnaises du XVIe siècle, « sans égaler l’incomparable richesse de la bibliothèque du château de Terrebasse (collection Baudrier) » (Pol Neveux, Émile Dacier, dir., Les Richesses des bibliothèques provinciales de France, Paris, Éditions des bibliothèques nationales de France, 1932, 2, p. 14).

72 Adolphe Fabre, Notice historique sur A. de Terrebasse, sa vie et ses œuvres, Vienne, Savigné, 1873.

73 Jean Beyssac, Humbert de Terrebasse, historien et bibliographe (1842-1927), Lyon, Société des Bibliophiles lyonnais, 1928. Joannis Guigard, Nouvel Armorial du Bibliophile, guide de l’amateur des livres armoriés, Paris, Rondeau, 1890, II, pp. 446-447. Parmi les travaux bibliographiques d’Humbert de Terrebasse, citons les opuscules suivants : Recherches bibliographiques : la traduction de Pétrone, impressions clandestines de Grenoble, 1694 (Lyon, Mougin-Rusand, 1888) ; Bibliographie dauphinoise : notes sur les deux éditions du projet de l’histoire de Dauphiné de Nicolas Chorier (Grenoble, F. Allier, 1894) ; Notes sur quelques livres rares imprimés à Grenoble lors du passage des ducs de Bourgogne et de Berry en 1701 (Grenoble, Librairie dauphinoise H. Falque et F. Perrin, 1901) ; Antoine Blanc, imprimeur à Lyon, Genève, Grenoble, Montpellier, 1546-1621 (Lyon, Rey, 1920 ; extrait de la douzième série de la Bibliographie lyonnaise) ; Pierre Schenck, autour d’un incunable (Grenoble, F. Allier, 1924) ; Recherches bibliographiques : Macé Bonhomme (Voiron, Baratier, s. d.).

74 Julien Baudrier, ouvr. cit., pp. 45-49, 60-61 et 71-74.

75 Dans la biographie de son beau-frère (Julien Baudrier, ouvr. cit., pp. 48-49), Humbert de Terre-basse décrivit ainsi ce dossier inédit sur les impressions lyonnaises anonymes, résultat de la mise en œuvre de méthodes de bibliographie matérielle : « groupement et travail d’identification fondés sur les caractères, les marques, les bandeaux et les lettres ornées, le papier, et sur l’habile compétence du travailleur qui avait beaucoup vu et beaucoup retenu ».

76 Jean-Hyppolite Mariejol, « Éloge funèbre de M. Humbert de Terrebasse », Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, troisième série, 19, Lyon, Rey, 1927, pp. 211-218. Julien Baudrier n’eut pas d’enfant. L’unique petite-fille d’Hélène Baudrier et d’Humbert de Terrebasse, Hélène de Jeux, avait épousé en 1922 le vicomte Louis de Varax.

77 Alfred Cartrier, Bibliographie des éditions des de Tournes, imprimeurs lyonnais, mise en ordre avec une introduction et des appendices par Marius Audin et une notice biographique par E. Vial, Paris, Éditions des Bibliothèques nationales de France, 1938, 2 volumes. Dans son introduction, Audin, ayant consulté les papiers personnels de Cartier, citait plusieurs extraits de lettres adressées par Julien Baudrier à son ami et collègue genevois.

78 Claude Dalbanne (1877-1964), Lyon, [s.n.], 1966. Claude Dalbanne mena des recherches sur le livre aux XVe et XVIe siècles. Dans le fonds qui porte son nom aux archives municipales de Lyon (fonds 8 II) existe un dossier intitulé: «Bibliographie de Baudrier (Table)», contenant deux projets de table pour la Bibliographie lyonnaise du XVIe siècle. S’y trouve une note manuscrite de Claude Dalbanne ainsi rédigée: «Projet abandonné. Bien avant 1930, Mademoiselle Droz, alors libraire à Paris, m’avait parlé de la possibilité de publier la table de M. Georges Tricou; je l’avais empruntée et la lui avais montrée. Elle n’en a pas voulu. En 1949, j’ai eu l’idée de faire à mon tour cette table et j’en ai parlé à Jean Tricou, lui demandant s’il croyait que M. de Varax me donnerait l’autorisation, ce que j’ai obtenu, mais sans prendre trop garde à la restriction contenue dans la lettre, qui cependant, introduite à l’instigation de Jean Tricou, réservait l’avenir. L’avenir s’est présenté de la façon la plus inattendue, car c’est Mademoiselle Droz qui a édité cette table défectueuse à l’instigation de Jean Tricou, qui cependant n’ignorait pas que le travail était commencé. J’ai cessé le travail…» À cette note est jointe la lettre de M. de Varax, datée du 2 avril 1949: «J’ai bien reçu votre lettre d’hier, dans laquelle vous me parlez de votre projet de faire une table à la bibliographie Baudrier. En ce qui nous concerne, nous ne voyons pas d’obstacle à ce que vous publiiez cette table sous la forme que vous m’indiquez. Je vous signale seulement que notre grand-père de Terrebasse avait donné la même réponse à M. Tricou, il y a un certain nombre d’années, lorsqu’il travaillait à cette même table. Je crois d’ailleurs que M. Tricou étudie la possibilité de la faire paraître. Ces deux tables ne vont-elles pas un peu faire double emploi? Vous serez le meilleur juge» (AmL, 8II20).

79 Georges Tricou, Tables de la Bibliographie lyonnaise, Genève, Lille, Droz, 1950.

80 Henry Joly, Bibliographie lyonnaise de Baudrier, complément à la table des imprimeurs et libraires de Georges Tricou, Lyon, Société des Amis de la Bibliothèque, 1963.

81 Bibliographie lyonnaise par le Président Baudrier publiée et continuée par J. Baudrier, Tables par Georges Tricou, revues et complétées par Jean Tricou, augmentées des additions de Henry Joly, publié avec le concours du CNRS, Paris, De Nobele, 1965.

82 Supplément provisoire à la Bibliographie lyonnaise du Président Baudrier, fascicule I, par Yvonne de la Perrière, Centre lyonnais d’histoire et de civilisation du livre, 1967, 211 f.; avant-propos d’Henri-Jean Martin. Parmi les travaux faisant suite à l’œuvre de Julien Baudrier, citons encore: Claude Longeon, Bibliographie des œuvres d’Etienne Dolet, écrivain, éditeur et imprimeur, Genève, Droz, 1980.

83 Sybille von Gültlingen, Bibliographie des livres imprimés à Lyon au XVIe siècle, Baden Baden, Bouxwiller, Valentin Koerner, 1992 et suiv : Bibliotheca Bibliographica Aureliana CXXXV, t. I, 1992 ; CXLI, t. II, 1993 ; CXLVII, t. III, 1995 ; CLIV, t. IV, 1996 ; CLX, t. V, 1997 ; CLXXVII, t. VI, 1999 ; CLXXXIII, t. VII, 2001). Voir notamment la préface du t. I. Marie-Anne Merland, Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIIe siècle : Lyon, Baden Baden, Bouxwiller, Valentin Koerner, 1989 et suiv. : Bibliotheca Bibliographica Aureliana, CXVII, t. XVI, 1989 ; CXXXVI, t. XVIII, 1993 ; CLVII, t. XXII, 1997 ; CLXXXI, t. XXV, 2000.