Batailles de libelles à Lyon à l’occasion de la suppression de la Compagnie de Jésus (années 1760-1775)
Dominique VARRY
Professeur des Universités à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques Lyon
Notre propos n’est pas de relater ici les événements qui entourèrent la disparition de la Compagnie de Jésus à Lyon. C’est en historien du livre et du religieux que nous avons rassemblé le petit dossier exploité dans les pages qui suivent1, en travaillant à la préparation d’un Dictionnaire des gens du livre à Lyon au XVIIIe siècle. La ville, comme bien d’autres en France et en Europe, s’est, dans les années 1760 et suivantes, divisée sur la question alors omniprésente : fallait-il conserver ou supprimer les Jésuites? Seuls, ou presque, les libelles publiés dans les deux camps permettent aujourd’hui de reconstituer, au moins partiellement, le débat dans toute sa virulence et son âpreté. En croisant sources d’archives et techniques de la bibliographie matérielle, nous nous sommes efforcés d’identifier, derrière les fausses adresses, un certain nombre de brochures des deux camps ayant été imprimées dans les ateliers lyonnais.
LE CONTEXTE LYONNAIS
Depuis leur arrivée à Lyon au XVIe siècle, les Jésuites ne s’y étaient pas faits que des amis. Maurice Garden a jadis rappelé qu’ils s’étaient impliqués dans les querelles politiques locales au début du XVIIIe siècle2. Certaines affaires particulières, connues par des factums judiciaires, attestent de conflits personnels, comme dans le cas de ce Claude Chancey qui, en 1717, poursuivait les jésuites de la province de Lyon pour en avoir été évincé, selon lui sans raison valable3 :
Au sujet de l’affront que les Jesuites ont fait au Sieur Chancey, en le chassant sans cause de la Société, après dix-huit ans de travaux ; ce qui interesse le public, et toutes les familles du Royaume, & donne lieu à une contestation dont le Parlement est actuellement saisi…
Qu’en était-il réellement de ces conflits, nous ne le savons pas. En revanche, nous sommes mieux renseignés sur le rôle crucial joué par la maison professe lyonnaise dans la lutte contre le jansénisme, par son implication dans la publication de gazettes plus ou moins tolérées, dont la plus notoire fut un Supplément des Nouvelles ecclésiastiques (mensuel) publié sans lieu [Lyon] entre 1734 et 17484, mais qui demeura confiné à une clientèle ecclésiastique.
Toujours est-il que, vers 1760, les jésuites lyonnais étaient en butte à l’hostilité d’une bonne partie des élites de la ville : magistrats, clercs, académiciens… Parmi les personnalités les plus en vue du camp des adversaires, on citera l’archevêque Malvin de Montazet, qui passait pour jansénisant, ou encore l’encyclopédiste Claude Bourgelat (inspecteur de la Librairie de 1759 à 1763), qui en 1758 avait écrit à Malesherbes5 « la guerre est ouverte », en lui rapportant la longue diatribe du Père Tolomas contre l’Encyclopédie et ses contributeurs, lors d’un discours au collège de la Trinité dont Voltaire lui-même s’était fait l’écho. On y ajoutera le philosophe Charles Bordes (1711-1781)6, correspondant du patriarche de Fernay, académicien, et ancien élève de la Trinité, dont il stigmatisa l’enseignement dans un discours académique de 17687. Enfin, le collectionneur Pierre Adamoli (1707-1769) désormais bien connu par la thèse de Yann Sordet8. Adamoli s’est en particulier illustré dans la bataille juridique pour l’attribution de la bibliothèque du collège à la ville, en rédigeant un argumentaire précis pour soutenir cette prétention. Il fut un anti-jésuite notoire et virulent, rassemblant dans sa bibliothèque pas moins de 160 titres en 97 volumes hostiles à la Compagnie. Comme le note son biographe :
Adamoli n’était pas athée, les dispositions de son testament le confirment, mais faisait montre d’un esprit critique et libre. (…) Des positions gallicanes, d’autre part, affleurent dans son discours lorsqu’il stigmatise les « entreprises ambitieuses et despotiques de la cour de Rome », et rencontrent son cheval de bataille favori, l’antijésuitisme…
Et d’ajouter :
Entre autres aigreurs, Adamoli a surtout cultivé une hostilité générale à l’égard des professionnels de la librairie d’une part, du clergé régulier et spécialement des Jésuites d’autre part. Le catalogue de la bibliothèque lui fournit l’occasion de décocher de nombreuses pointes à leur encontre, ce qui n’empêche pas qu’il pût entretenir d’excellentes relations particulières avec des représentants des uns comme des autres. Il semble que ces deux hostilités aient une origine commune ; elles relèvent de la rancune et sont liées à sa qualité même de collectionneur, aux difficultés et déceptions rencontrées dans l’acquisition des livres…
Adamoli n’hésitait pas à annoter de propos virulents certaines de ses brochures, ni à les commenter dans son catalogue, ainsi qu’en témoignent les deux exemples suivants :
Cet autheur, en un mot, ne peut etre qu’un vrai fanatique, foiseur de libelles ; un imposteur ou insolent, et un franc coquin mechant citoïen, dont l’ouvrage a eû le sort qu’il meriteroit luy meme en personne, d’être lacéré et brûlé par la main du bourreau…9
« Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus sur la propagation de la foy aux Indes et autres histoires, commencé à imprimer à Paris en 1707 et suivantes, 12° 26 volumes, 52 livres ». La collection complette de ce livre est fort rare, surtout les premiers volumes ; les jésuites nous en donnent bien a garder dans cet ouvrage ; ils disent ce qu’ils veulent mettre au jour et cachent le reste ; a beau mentir qui vient de loin etc. etc… Suite le 27e et 28e volume des Lettres édifiantes imprimés en 1749 et 1758 relié veau 5 livres…10
Au-delà des élites, qu’en était-il de la population ? Il est bien difficile de le dire. Gageons simplement que la ville bruissait de rumeurs, et que personne ne devait rien ignorer de la querelle. Les lettres patentes, arrêts du parlement, édits divers, et autres textes administratifs fort nombreux réimprimés localement par l’imprimeur du roi, Pierre Valfray, dont il demeure plusieurs dizaines d’exemplaires aux Archives départementales11, ne devaient pas passer inaperçus. Moins encore les bûchers successifs où le bourreau lacéra et brûla d’abord le 7 août 1 761 23 ouvrages jésuites12, depuis : Emmanuel Sa, jésuite, en ses Aphorismes imprimés en 1590, jusqu’à Hermanni Busenbaum, Societatis Jesu… Theologia moralis… (Coloniae, 1757),
comme séditieux, destructifs de tout principe de la Morale Chrétienne, enseignans une Doctrine meurtrière & abominable, non seulement contre la sureté de la vie des citoyens, mais même contre celle des personnes sacrées des souverains…
L’arrêt enjoignait à ceux qui avaient des exemplaires de les rapporter au greffe de la cour pour être supprimés, interdisait aux libraires et colporteurs de les vendre et aux sujets du roi d’entrer dans ladite société. Dans les années suivantes, d’autres bûchers de libelles hostiles ou favorables aux jésuites se succédèrent. Le spectacle rassembla sans doute bien des curieux. Nous savons aussi, par une notule de l’abbé Duret d’août 1761, que les jésuites furent l’objet de voies de fait :
Les jésuites insultés sous leurs fenêtres au petit collège plusieurs fois. M de Rochebaron [marquis de Rochebaron, commandant pour le roi à Lyon] informé leur fait des reproches de ce qu’ils n’en ont pas porté leurs plaintes. Répondent qu’ils soufriront tout et qu’ils ne diront rien quand même l’on en viendrait presque les battre…13
LE TÉMOIGNAGE DES LIBELLES
La source essentielle, bien loin de la faillite de la Martinique, demeure pour nous la multitude de brochures anonymes, publiées sous adresses fictives, qui circulèrent alors. L’une des plus évocatrices du genre est sans doute : Pourquoi les femmes s’intéressent pour les Jésuites, À Toilette, chez les frères Miroirs, à l’enseigne du Blanc d’Espagne, 1762, 34 p., 12°. Répertorié par Sommervogel14, ce titre est inconnu au Catalogue collectif de France, mais la Bibliothèque du Centre Sèvres en possède deux éditions datées de 176215. Celle conservée sous la cote C 283 pourrait être lyonnaise. Imprimée sur un papier portant un filigrane « P [fleur de lys] BRULAT » attribuable au moulin de Blacon à Valence, elle porte au titre un ornement proche de ceux répertoriés dans la base Maguelone16 sous les numéros m 0289 et m 0342 de l’imprimerie du lyonnais Aimé Delaroche. Actif de 1736 à 1793, ce dernier possédait en 1763 le plus gros atelier de la ville, avec onze presses. Ces deux éditions se présentent de la façon suivante :
1) C 283 : POURQUOI/LES FEMMES/S’INTERESSENT POUR LES/ JÉSUITES./[fleuron]/ A TOILETTE,/ Chez les Frères MIROIR, à l’Enseigne/du Blanc d’Espagne./[trait gras/trait maigre 55 mm]/M.DCC.LXII. 34-[2 bl. ?] p. ; 12°17.
2) C 280, 11 : POURQUOI/ LES FEMMES/S’INTERESSENT POUR LES/JESUITES./[fleuron : deux dauphins couronnés adossés tête-bêche]/ [trait gras/ trait maigre 81 mm]/A TOILETTE,/Chez les Frères MIROIR, à l’Enseigne/du Blanc d’Espagne./M.DCC.LXII. 40 p. ; 8° par demie feuille18. Pagination en chiffres arabes entre parenthèses en milieu de haut de page.
Le ton du texte peut aisément se deviner à travers les deux extraits suivants :
[Premier paragraphe] D’où vient que la plûpart des femmes en France, s’intéressent pour les Jésuites, & qu’elles sont si sensibles à leur désastre ?
Pour répondre à cette question, il me suffit de dire qu’elles sont presque toutes sous la direction des bons Peres. Or, leur morale est si accommodante & si douce, qu’elle se plie à tous les gôuts ; qu’elle allie en même tems les roses de la volupté & les épines de la mortification, la pente des passions & la rigidité de la loi, les devoirs de la charité et le sel de la médisance, la sévérité de la pudeur & la licence de la débauche, Dieu et le monde. Faut-il être surpris qu’elles soient affligées à la vüe de leur perte prochaine ?
[Dernier paragraphe] : Les femmes sont pour l’ordinaire fort persuasives, & sans doute elles parviendront à justifier les Jésuites devant les hommes, tout criminels qu’ils sont, comme les Jésuites les justifient elles-mêmes au [sic] yeux de Dieu, malgré l’éxcès des plus affreux désordres.
Nous ne pourrons ici n’évoquer que quelques-unes de ces brochures. Leur discours couvre un large éventail, du débat théologique à la pornographie. Nombre d’entre elles reprennent le topos du régicide, revenu à l’actualité avec l’affaire Damiens (1757) et surtout celle du P. Malagrida, accusé d’hérésie et d’avoir voulu tuer le roi du Portugal (1761). Elles ont été repérées dans les grands répertoires bibliographiques, et consultés dans la collection du collège de Tournon conservée au SICD de Lyon-Gerland, à la Bibliothèque municipale de Lyon qui abrite celles léguées par Adamoli, mais aussi d’autres venues de bibliothèques conventuelles diverses, et à la Bibliothèque parisienne du Centre Sèvres où elles ont servi à la bibliographie de Sommervogel. Comme toutes les villes d’Europe, Lyon fut inondée de telles brochures. Une partie de cette production venait de Paris et d’autres villes de France, mais aussi de l’étranger. Par exemple, l’inspecteur de la librairie Bourgelat écrivait à Malesherbes19 le 18 janvier 1761 à propos d’une brochure parisienne :
J’ai encore arrêté un ouvrage qui venait de chez les de Saint et Sailleux [sic], intitulé Consultes tenües au college de Loüis le grand ; je ne sais si ce livre vous est connu, mais il m’a paru assez indécent qu’on y donne le fils de M. le duc de Nevers comme la proie de la sodomie d’un jésuite…
Sartine avait beau prescrire des visites générales des boutiques et ateliers, et écrire à l’inspecteur d’Hémery, le 16 août 176220 :
Vous signifierez, Monsieur, à la réception de ma lettre à tous les colporteurs que je ne souffrirai à l’avenir aucune brochure qui soit pour ou contre l’Institut des jésuites et que l’arrêt du Parlement qui vient d’être rendu à ce sujet sera scrupuleusement exécuté de ma part,
la diffusion de ces feuilles n’en continuait pas moins. Leur dévoilement se révèle extrêmement complexe et aléatoire, dans la mesure où il s’agit le plus souvent de petits formats in-12, de peu de pages, où le matériel ornemental est rare, et les filigranes absents ou incomplets. Seconde ville d’imprimerie du royaume, Lyon avait une réputation de place de contrefaçon et de production du livre prohibé bien établie. C’est ce qui explique que certains imprimeurs-libraires français ou étrangers n’aient pas hésité à l’utiliser comme fausse adresse. Ainsi en est-il pour Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur (À Lion, chez Jean Montos, ruë Saint-Antoine, à l’image St Ignace, [Hollande], 1761. [1 bl.-2-1 bl.-4]-180-[4 bl.] p. ; 12° ; frontispice gravé sur cuivre21). Il s’agissait d’un ouvrage licencieux dans lequel les jésuites se livraient à toutes sortes d’ébats avec les Madelonnettes, et célébraient des messes noires. C’est incontestablement une production étrangère, qu’attestent ses signatures en chiffres arabes au-delà du milieu du cahier et ses réclames à chaque page. La Bibliothèque municipale de Lyon l’attribue à un atelier hollandais non identifié. Pour sa part, le libraire lyonnais Los Rios qui, en 1779, le proposait pour 3 livres 3 sols dans un catalogue sous la rubrique « Romans et livres d’amusement » l’attribuait à Bâle, ajoutant : « Observez que c’est un roman fort libre »22. Dans son épître au lecteur, l’imprimeur-libraire anonyme écrivait :
Messieurs, Je donne au public incognito un petit Ouvrage, que si vous prenes la peine de lire, vous y verrés plusieurs Commerces Galants des Jésuites qui vous divertiront. Il m’est tombé entre les mains par un de mes Amis, qui en est l’Auteur, & qui a étudié long-temps au College Royal des Jesuites de Paris, ayant demeuré ensuite quelque tems dans la Maison professe de ces Reverends Peres, qu’il a trouvés aussi sensibles aux debauches que les plus voluptueux du monde. C’est pourquoi ce mien Parent n’ayant pas approuvé la vie libertine de ces Religieux, qui n’ont qu’un exterieur de Sainteté trompeuse, il s’est détaché d’eux, & a renoncé au froc, où l’on ne fait point son salut ; au contraire, il fait connoître que c’est le grand chemin de l’enfer que d’être Jésuite, ou Religieux de quelque Ordre que ce soit. Il s’est donc proposé de faire secrètement part au public des intrigues d’Amour & d’autres de ces bons Pères, & de toutes les ruses dont ils se servent, par l’adresse des esprits infernaux qui sont à leurs gages, & dont ils usent pour surprendre l’innocence des peuples, qu’ils abusent de bonne grace en faisant semblant de prier pour eux. C’est là le veritable dessein de l’Auteur qui a conçû un mépris extraordinaire pour ces hipocrites, dont il decrit le genie, & c’est par les grandes instances qu’il m’a fait, que je l’ai fait imprimer. Dieu veuille qu’il ne m’en coute rien pour avoir hasardé une chose si dangereuse, ayant affaire aux plus grands vindicatifs du monde.
Mais Lyon n’était pas en reste dans cette production, utilisant les fausses adresses les plus surprenantes. Pour autant que nous puissions en juger, cette pratique était due à des imprimeurs de seconde zone (Réguilliat, Cutty, Regnault, Buisson, Vialon), spécialistes de la contrefaçon et du livre prohibé, qui n’hésitaient pas à imprimer pour les deux camps, du moment que cette littérature subversive et clandestine rencontrait une large clientèle. Ainsi en est-il de cette brochure pro-jésuites que Réguilliat proposait à un correspondant inconnu23 :
Monsieur, Je vous envoie une nouvelle brochure qui pourra avoir quelque succès chez vous : c’est une Lettre d’un Ecclésiastique à un Magistrat24 ; M. Bourgelat notre inspecteur, sous le bon plaisir duquel je l’ai imprimée a bien voulu écrire à M. de La Michodière notre Intendant de présent à Paris pour qu’il priât M. de Malesherbes de vous donner un billet pour qu’on vous laisse passer la balle qui les [brochures] contient à la Chambre syndicale ; au moyen de quoi point de difficulté pour la distribution libre de cette brochure ; vous me ferez plaisir, Mr, d’y donner tout le cœur possible : si vous avez quelque chose de nouveau dans votre ville faites m’en part S.V.P. (…) Reguilliat »
L’ouvrage, conservé à Lyon25, comporte des signatures en chiffres arabes jusqu’en milieu de cahier, et des réclames d’un cahier à l’autre, usages français. Il est imprimé sur un papier comportant des filigranes « Velay 1742 » et « P [cœur] FAVIER FIN ». Sa provenance lyonnaise ne fait pas de doute.
L’AFFAIRE DU JÉSUITE MISOPOGON SÉRAPHIQUE
Le 24 mars 176226, le procureur du roy remettait deux brochures au lieutenant criminel :
… Le Jésuite misopogon séraphique ou l’Ennemi de la barbe des capucins par l’alguasil Dom-Diego Balayas y Caramuera à Naples sous le millezime M. DCC. LXII avec aprobation de Nosseigneurs du Saint Office, contenant soixante douze pages (…) ne présente que les idées les plus obscures, injurieuses aux soy-disans jésuites et à plusieurs ordres religieux, qu’il blesse également la religion et les mœurs et qu’il mérite par conséquent l’animadversion de la justice (…).
Les Larmes de St Ignace ou Dialogue entre St Thomas et St ignace l’an de la destruction du colosse de Rhodes 9999 par un cousin du prophête Malagreda. Sur la copie, à arevalo en Castille chez Dom Juan Velasco Ladite brochure contenant vingt-trois pages commençant par ces mots, Lorsque l’auguste senat que la France cherit et revere et finissant par ceux-cy, Ecrasez l’hydre qui nous dévore, il vous sufira, Monsieur, d’en prendre lecture pour être convaincu qu’elle mérite également votre animadversion…
L’enquête de police commença immédiatement. On perquisitionna le 24 mars 1762 à 3h de relevée la boutique et l’atelier de l’imprimeur-libraire Louis Cutty, sans succès27. On perquisitionna de façon tout aussi infructueuse à 4h1/2 de relevée la boutique de la demoiselle Ollier, aux Terreaux, et à 6h de relevée celle de Los Rios, puis son appartement, une chambre de la rue Mercière28. La police ne frappait pas au hasard. Dans sa jeunesse, alors qu’elle résidait à Paris en qualité de comédienne entretenue par un marquis, la demoiselle Ollier avait connu la Bastille pour avoir été compromise dans l’édition originale de Dom Bougre portier des chartreux… Quant à Los Rios, libraire spécialisé dans l’antiquariat, il était connu pour diffuser des ouvrages prohibés29.
Mais la perquisition la plus intéressante avait eu lieu ce 24 mars à 11h du matin au domicile de Louis Cutty, dans la maison « Au coq hardy » place Bellecour30. Alors que les recherches s’avéraient vaines, on s’aperçut qu’un paquet enveloppé dans un drap avait été jeté d’une fenêtre sur un toit voisin. Le paquet récupéré s’avéra contenir Le Jésuite misopogon. On trouva ensuite d’autres feuilles cachés sous des pages de titre de l’Ange conducteur, et sous du linge sale :
…Nous nous sommes transportés assisté de notre greffier, et suivi de l’huissier Constant au domicile de S. Louis Cutty imprimeur et libraire de cette ville demeurant place royalle au second etage de la maison ou pend l’enseigne le coq hardy, ou etant, nous y avons trouvé dans une chambre prenant ses jours sur ladite place royalle, ledit Cutty auquel nous avons fait savoir le sujet de notre transport par la lecture qui luy a été faite par notre greffier de notre dite ordonnance rendue en consequence du réquisitoire dudit procureur du Roy, et l’avons interpellé de nous declarer s’il n’a point imprimé lesdits deux libelles qui l’a chargé de l’impression de ces ouvrages, et de nous représenter sur le champ tous les exemplaires qu’il a en son pouvoir, lequel dit Cutty après serment par luy fait de dire la vérité, a protesté n’avoir aucune connoissance desdits ouvrages, ny de leurs auteurs, et n’en avoir aucun exemplaire en son pouvoir, après laquelle déclaration nous avons procédé à la recherche des exemplaires desdits deux libelles dans tous les apartements dependants du domicille dudit Cutty sans y en avoir trouvé aucun, dans le moment l’huissier Constant est venu nous déclarer que l’on vient de jetter sur un toit placé immédiatement sous la fenêtre d’une chambre au troisième etage dependante de la même maison une multitude de feuilles imprimées, sur cet avis nous avons fait enlever par un aide de justice qui est descendu sur ledit toit touttes les feuilles, et après les avoir examinées, nous avons reconnu que c’etoit des feuilles du libelle intitulé le jésuite misopogon qui etoient envelopées dans un drap et une nape, le drap marqué à une de ses extremités aux deux lettres initiales, M. P., continuant nos recherches et perquisitions, nous sommes montés sur le champ au troisième etage de ladite maison, ou entrant, nous y avons trouvé la demoiselle Arnaud Pavon, la demoiselle Marchand sa nièce, auxquelles nous avons egalement fait savoir le sujet de notre transport par la lecture desdites réquisitions et ordonnance, et les avons interpellé de declarer si ce ne sont pas elles qui ont jetté sur ledit toit les feuilles d’un libelle intitulé le jésuite misopogon que nous leur représentons, et si le drap et la nape qui les contiennent ne leur apartiennent pas, à quoy lesdites demoiselles Arnaud Pavon et Marchand nous ont repondu après serment par elles fait de dire la verité qu’elles ne connoissent point les papiers que nous leur représentons ny le drap et la nape qui les envelopent. Ensuitte de cette reponse, nous avons procédé a la recherche des exemplaires desdits deux libelles, et avons trouvé sous un tas de linge sale dans un cabinet prenant ses jours sur une cour sur le derriere de ladite maison une multitude de feuilles du libelle intitulé le jesuite Misopogon, et dans cet instant seroit survenu le S. Dorval qui a dit etre le mary de ladite demoiselle Marchand, auquel nous avons demandé s’il n’est pas l’auteur desdits deux libelles, s’il ne les a pas fait imprimer en cette ville, le nom de l’imprimeur, le lieu de sa demeure, s’il n’en a pas des exemplaires, et si ce n’est pas luy qui a jetté ou fait jetter les feuilles qui ont été trouvés sur ledit toit, et celles que nous venons de decouvrir dans ledit cabinet, à quoy ledit S. dorval nous a repondu après serment par luy fait de dire la verité, qu’il n’est point l’auteur desdits deux libelles, qu’il n’en connoit point l’imprimeur convenant que c’est luy qui a jetté les feuilles qui ont été trouvées sur ledit toit et qui a caché celles par nous decouvertes dans ledit cabinet, que ces feuilles font partie d’environ trois cent exemplaires du libelle intitulé le jésuite Misopogon qui luy ont été envoyés depuis peu de jours par le S. Crammer libraire de geneve, et qu’il va nous remettre le surplus desdits exemplaires, à cet effet nous sommes entrés dans un autre cabinet attenant à la chambre occupée par ladite demoiselle Arnaud Pavon laquelle chambre prend aussy ses jours sur la place royalle ou nous avons trouvé une quantité considérable d’exemplaires, tant dudit libelle intitulé le jésuite Misopogon, que d’autres brochures, lesquels etoient sous des habits à l’usage d’homme et de femme, et ledit S. Dorval nous a déclaré que touttes lesdites feuilles luy ont été envoyées par ledit S. Crammer, à lexception de celles composant des livres de devotion et de deux brochures intitulées, l’une le luxe considéré relativement à la population et a leconomie, et l’autre les idées patriotiques sur la necessité de rendre la liberté au commerce. Lesquelles feuilles des deux brochures apartiennent au nommé Louis Cutty imprimeur et libraire demeurant au second etage de la maison ou nous procédons, et que ce dernier l’avoit prié de retirer ches luy n’ayant pas un magazin asses considerable pour les contenir, de touttes lesquelles feuilles imprimées nous avons fait faire six paquets, et sur chacun d’iceux nous avons fait aposer un cachet aux armes de Sa Majesté en cire d’Espagne rouge sur le nœud et extremité des ficelles qui les lient et les avons fait transporter en notre greffe après avoir interpellé ledit S. Dorval présent d’aposer son cachet et de signer avec nous le present procès verbal, lequel en a fait refus, et avons signé avec ledit Constant huissier et notre greffier, fait à Lyon lesdits jour et an.
Le Procureur du Roy qui a vû le présent procès verbal ensemble son réquisitoire et les autres procès verbaux faits à sa requête vérification faite requiert pour le Roy etre dressé procès verbal de collation des brochures remises au greffe criminel le tout en présence du S. Dorval ou duement apellé à Lyon le 26 mars 1762. Nous faisant droit sur le requisitoire du procureur du Roy, avons ordonné que procès verbal sera par nous dressé cejourd’huy deux heures de relevée contenant verification et collation des brochures remises en notre greffe, le tout en presence dudit procureur du roy et dudit Dorval ou duement apellé, lequel sera assigné à cet effet à Lyon le 26 mars 1762…
Le 26 mars 1762 eut lieu, en présence du Lieutenant criminel31 et du sieur Louis Claude Taupin Dorval, alors auteur supposé du Jésuite misopogon, et neveu par alliance de l’imprimeur Louis Cutty, l’examen des pièces saisies, parmi lesquelles des impressions officielles de Louis Cutty, mais aussi :
4-Relation de l’autho da-fe de Lisbonne, et Lettres de M. l’abbé Platel sur l’execution du P. Malagrida dans un seul paquet. 5-Les Jésuittes assassins ou Anecdotes pour servir a la continuation des lettres edifiantes du R.P. Patouillet et associés à Leyden chez Luzac le jeune sur le Repenburg, avec permission des États Généraux, à la suite duquel est l’arrest de la cour souveraine de Bouillon. 6-Le Jésuite misopogon séraphique, ce dernier article formant un ballot…
et des épreuves corrigées :
Trouvé quatre feuilles du Jésuite misopogon dont deux marquées A et l’autre marquées B, lesquelles sont les premières épreuves qui ont été tirées de l’impression de cet ouvrage, ainsi qu’il nous a paru par les diférentes correstions qui y ont été faittes. s’est encore trouvé quatre feuilles de l’ouvrage intitulé Les Jésuites assassins, dont trois marquées A B C et la quatrieme aussy C qui sont egalement des epreuves de ladite brochure et enfin une feuille de la Relation de l’autho-da-fé de Lisbonne marquée à la lettre A, qui a servi également d’épreuve à l’impression de ladite brochure…32
Jean Louis Claude Taupin Dorval, dénommé Turpin Dorval dans les documents lyonnais, était né à Paris vers 1724. Sa jeunesse agitée lui valut des lettres de cachets. Il connut ensuite la Bastille, puis Pierre-Scize (1752-1759), pour une brochure en vers contre le roi. Interdit de revenir à Paris, il resta à Lyon et s’y maria à une nièce de Louis Cutty. Il donna alors dans les brochures diffamatoires, en particulier en 1761 avec une Épître à Mlle de C…, sous l’adresse de Gibraltar, au travers de laquelle il réglait des comptes33. On ne sait malheureusement rien de plus du personnage. Décrétés de prise de corps le 27 mars34, Taupin Dorval et son imprimeur Louis Cutty, actif de 1759 à 1789, partirent à temps avant l’arrestation se faire oublier à Vienne en Dauphiné. Le Jésuite misopogon séraphique fut lacéré et brûlé le même jour35. Le 15 juillet 1762, l’inspecteur d’Hémery rendait compte à sa hiérarchie de ce que Taupin Dorval venait d’envoyer une nouvelle brochure, hélas non nommée, à un colporteur parisien. Il écrivait alors36 :
Taupin Dorval qui depuis sa sortie de Pierre en Cize a toujours continué de faire des sotises en s’associant avec le nommé Cutty imprimeur à Lyon pour imprimer toutes sortes d’ouvrages deffendus : ils ont même essuyés il y a quelques tems de la part du Présidial de Lyon une scene au sujet d’un ouvrage intitulé le Jésuite misopogon qui les auroit conduits au carcan sils n’eussent pris la fuite, comme cette affaire ne regardoit que les jésuites elle s’est assoupit et Taupin a reparu a Lyon, ou il loge en Bellecourt au Coq hardy et toujours associé avec l’imprimeur Cutty…
Quelles étaient les brochures apparues dans cette affaire ? Il est désormais temps de les présenter.
– [TAUPIN DORVAL (Jean-Louis-Claude)], LE/ JÉSUITE/ MISOPOGON/ SÉRAPHIQUE,/ OU/ L’ENNEMI/DE la barbe/DES CAPUCINS./par l’alguasil dom-diego balayas,/ y caramuera./ [vignette] /A NAPLES. [Lyon : Louis Cutty]/ [trait maigre 68 mm] /M. DCC. LXII./Avec Approbation de Nosseig. du Saint-Office. 72 p. ; 12°37.
Ce texte licencieux, dont nous préparons l’édition, narre les aventures du R.P. Feroquiers, jésuite régent d’un collège parisien, qui avait une attirance pour les jeunes garçons. C’est ainsi qu’il s’intéressa à un de ses élèves, Lili, lequel se révéla être une jeune fille déguisée sous un costume masculin pour pouvoir faire ses humanités. La fréquentation de Lili guérit le P. Feroquiers de son « goût antiphysique ». Les ébats voluptueux des deux amants leur attirèrent l’ire du Père des Archanges, capucin. À la suite de multiples péripéties, le P. Feroquiers se retrouva enfermé dans une cage au couvent des capucins de Naples, sous la garde du Père des Archanges. Après avoir été un temps entre-tenue par un cardinal romain, et toujours sous son habit de jeune garçon, Lili parvint à se faire embaucher aux cuisines du couvent des capucins et à revoir son jésuite, qu’elle persuada de simuler la repentance et la conversion. C’est ainsi que le Père Feroquiers, pour retrouver un minimum de liberté et rencontrer Lili, se fit capucin. Le roman se clôt sur une scène, où après avoir versé un somnifère dans la pitance des capucins et avoir châtré le Père des Archanges, les deux amants se donnaient en spectacle, sur un matelas fait des barbes des capucins qu’ils avaient rasés. Les bons pères, s’éveillant de leur sommeil artificiel, ligotés, nus, « barbes supérieures et inférieures rasées » (sic) étant contraints d’assister au spectacle… dans un émoi que l’on devine aisément. Sa parution avait été signalée par Bachaumont le 14 avril 176238 avec le commentaire suivant :
…amphigouri qui n’a rien de remarquable, que la license qui y règne, et une anecdote très scandaleuse sur l’abbé de la Porte, ci-devant jésuite.
L’abbé Duret39 l’évoque aussi dans ses chroniques :
Livre imprimé a Lyon contre les jésuites sous le titre de Misopogon infame. Saisi réquisition et décret de prise de corps contre l’imprimeur et l’auteur ; et plus loin : Mr Turpin d’Orval auteur du Misopogon 400 ex. saisis chez lui (…) ; jugement de la chambre de la sénéchaussée qui ordonne que la brochure intitulée le Jésuite misopogon séraphique ou l’Ennemi de la barbe des capucins par l’alguasil Dom Diego Balayas y Caramuera à Naples sous le millésime 1762 avec approbation de nosseigneurs du St Office contenant 72 p. sera lacéré et brûlé du 27 mars 1762. Aussi les Larmes de st Ignace ou Dialogue entre st Thomas et st Ignace l’an de la destruction du colosse de Rhodes neuf mille neuf cent quatre vingt dix neuf par un cousin du prophete Malagrida, 23 p.
– Les/Jésuites/assassins,/ou/anecdote,/Pour servir à la continuation des/ Lettres édifiantes du Révérend Père/Patouillet & Associés./ [assemblage de vignettes 3025 mm] /A Leyden,/ Chez Lusac le jeune, sur le/ Repenburg./ [trait maigre 63 mm] /M. DCC. LXII./Avec Permiss. de Noss. les États Généraux. 31-[1 bl.] p ; 12°40.
Les signatures en chiffres romains jusqu’en milieu de cahier trahissent un atelier français. L’ouvrage impute aux Jésuites une usurpation du droit de haute justice et des exécutions illégales.
– [titre de départ] : RELATION/De l’Autho-da-Fé de Lisbonne./[s.l.n.d.], 12 p. ; 12°41.
Sommervogel42 écrit à son sujet que cette pièce est « remplie des plus infâmes calomnies ». De fait, il s’agit de la narration de la dégradation et de l’exécution, à Lisbonne le 20 septembre 1761, du P. Malagrida, accusé d’hérésie et de tentative d’assassinat sur la personne du roi du Portugal. La brochure évoque certaines des hérésies imputées au malheureux jésuite. Les deux exemplaires examinés ne présentent ni ornement typographique, ni filigrane. Dans la mesure où des épreuves corrigées ont été retrouvées lors de la perquisition du domicile de Taupin Dorval à Lyon, nous avons tout lieu de penser que cette brochure a été imprimée à Lyon par Louis Cutty.
– [NOAILLES (Louis, duc d’Ayen, puis de)], LES LARMES/DE/SAINT IGNACE ;/OU/DIALOGUE/ENTRE SAINT THOMAS/ET SAINT IGNACE/L’an de la destruction du Colosse/de Rhodes 9999./Par un Cousin du Prophête Malagrida./ [fleuron bois : panier fleuri] /Sur la Copie./A AREVALO./EN CASTILLE./Chez Dom JUAN VELASC0./ [s.d. ca 1762]. 23-[1] p. ; 12°.
Barbier attribue ce texte au duc d’Ayen, futur duc de Noailles. Recherché à Lyon, il n’a pas été retrouvé et a échappé à la condamnation. Il y a pourtant circulé. Un exemplaire figure dans la collection de Tournon43. Les signatures en chiffres romains jusqu’en milieu de cahier attestent une provenance française que confirme un filigrane « P [coeur] FAVIER MOY[EN] » qui d’après Gaudriault44, correspondrait à un moulin du Velay. Le fleuron, en panier fleuri, du titre ressemble à certains ornements de même type utilisés par les contrefacteurs lyonnais de la fin du XVIIe siècle45. Malheureusement, il n’est pas répertorié dans les bases Magelonne, Passe-Partout ni Môriâne46. L’ouvrage se présente sous la forme d’un dialogue entre St Ignace qui, en paradis, gémit devant le sort fait à ses fils, et St Thomas. C’est un prétexte à dénoncer tous les travers imputés aux Jésuites. Le dernier verso se termine ainsi :
Amateurs de sang & de troubles, / De coeur & de vêtemens doubles, En France trop long-temps soufferts ; / Vous pensiez par vos artifices Couvrir vos sanglans maléfices ; / Mais ils sont enfin découverts.
Tout cet ensemble est incontestablement lyonnais. Bien que ne figurant pas dans cette procédure, on peut également considérer comme lyonnaises les deux brochures suivantes :
– LES/MYSTERES/lesplussecrets/DES/JÉSUITES,/contenusen diverses piéces/originales/ [vignette 3030 mm] /A AMSTERDAM,/ AUX DÉPENS DE LA COMPAGNIE./ [trait gras/trait maigre 63 mm] /1761. VIII-36 p. ; 12°47
L’ouvrage est signé en chiffres romains jusqu’en milieu de cahier. Il est imprimé sur un papier portant les filigranes : « Velay 1742 » et « P [cœur] FAVIER FIN ». La vignette du titre correspond à l’ornement bui 048-3 de la base « Passe-Partout ». Le bandeau de l’avertissement (p. 3 f° a2 r°) ressemble fort à regn 005 (avec la même lacune biseautée en bas à gauche). Il pourrait sortir de l’atelier de Louis Buisson, actif de 1755 à 1773, ou de celui de Geoffroy Regnault, lequel exerça de 1756 à 1791. Les deux compères étaient connus pour donner dans le livre prohibé, et pour travailler parfois ensemble, ou à tout le moins s’échanger des ornements. La même vignette bui 048-3 se retrouve au titre d’une seconde brochure portant l’adresse fictive d’Avignon48 :
– OBSERVATIONS/sur la conduite/DU MINISTRE/DE PORTUGAL/ dans l’affaire/DES JÉSUITES./Traduction d’un Ecrit Italien./ [vignette] /A AVIGNON./ [trait gras/trait maigre] /M. DCC. LX. 12°.
Par ailleurs, Pierre Grosclaude49 nous rappelle que Geoffroy Regnault avait produit deux éditions contrefaites, et condamnées, d’une brochure intitulée : Extraits des assertions dangereuses et pernicieuses en tout genre, que les soi-disant Jésuites ont dans tous les temps et persévéramment soutenues, enseignées et publiées dans leurs livres avec l’approbation de leurs supérieurs généraux. Cette brochure avait suscité une réponse en faveur des disciples de saint Ignace, intitulée L’Observateur François, sur le livre intitulé Extraits des assertions dangereuses…, qui fut elle aussi condamnée et brûlée le 26 mars 1763. Lors de l’audience du 12 mars, consacrée à ce libelle, le procureur du roi Jean-Philippe de Peisson de Bacot avait ouvert son propos par ces paroles non équivoques :
Messieurs, Le fanatisme en faveur de la ci-devant Société se disant de Jesus, n’est point encore détruit : un écrit séditieux, abominable, qu’un dernier effort que ce fanatisme a produit, vient de paroître en cette Ville ; il est de notre devoir de vous le dénoncer…50
Ne croyons donc surtout pas que seuls les adversaires des Jésuites se livraient à des publications clandestines dont beaucoup furent condamnées et brûlées. Ouvrons maintenant un dossier de brochures émanant de l’autre camp.
L’AFFAIRE CROTONEL
À Lyon, l’un des enjeux majeurs de la bataille semble avoir été le sort des collèges51, comme en attestent de nombreux textes administratifs conservés aux Archives départementales52. Les Oratoriens qui succédèrent aux Jésuites dans ces collèges, ont d’ailleurs dû supporter d’abord des manifestations d’hostilité, désordres et tapages d’élèves, ainsi qu’en témoigne un Extrait des registres de la sénéchaussée de Lyon à Monsieur Monsieur le Lieutenant criminel53, en date du 2 avril 1762. Ce texte faisait état de jets de pierres contre les régents et professeurs du collège par des jeunes gens qu’on se gardait bien d’identifier, et imposait une réinscription de tous les élèves. C’est dans ce contexte que fut publiée en juillet 1763 une Lettre pastorale de l’Archevêque de Lyon à ses fidèles. Sa parution est relatée en ces termes par Bachaumont :
On vante beaucoup une Lettre Pastorale de M. l’Archevêque de Lyon : elle est adressée au Clergé Séculier & Régulier & à tous les Fidèles de son Diocèse : elle est datée de Paris le 30 juin dernier. Elle roule sur des discussions survenues entre les différens corps de la ville relativement aux R. P. de l’Oratoire. Ces Messieurs ont remplacé les Jésuites dans les fonctions de l’éducation publique. Cette Lettre est écrite avec noblesse & onction, elle est dans un style vraiment pastoral, digne, en un mot, des premiers siècles de l’église. M. l’Archevêque y rend un compte modeste de sa conduite dans toute cette affaire ; il y témoigne combien il est pénétré de n’avoir pas eu le suffrage de ses ouailles, dont il jalouse l’estime, la confiance & l’amitié. Ce phénomene épiscopal contraste merveilleusement avec la morgue & le despotisme qui regnent dans la plupart des ouvrages de Nosseigneurs modernes du Clergé. »54
Cette Lettre pastorale entraîna une série de réponses d’un prétendu George Crotonel [sic !] négociant lyonnais fictif, derrière lequel la police vit un ou plusieurs « ci-devant soit-disant jésuite(s) », sans parvenir à les démasquer. La première lettre, datée du 23 juillet 1763, connut au moins deux éditions :
– [CROTONEL (George)] OBSERVATIONS/D’UN NÉGOTIANT/DE LYON/A SON ARCHEVÊQUE,/Sur la LETTRE PASTORALE qu’il/vient d’adresser à tous les Fidéles/de son diocèse./ [trois fleurs de lys à l’encre noire, pleines, 2 et 1/trait gras/trait maigre biseautés] /JUILLET 1763. 14-[1-1 bl.] p. ; 12°55.
Le texte dénonçait les Oratoriens, coupables de soutenir le P. Quesnel malgré ses condamnations, et insistait sur le danger de leur confier l’éducation de la jeunesse. Il mettait par avance en garde contre le risque de voir par la suite les Oratoriens prendre la direction du séminaire, ce qui anéantirait le clergé et toute l’œuvre des prédécesseurs de l’évêque. Il se termine par cette phrase lourde de sous-entendus : « Fasse le Ciel que le mal que nous déplorons n’aille pas encore infiniment plus loin que nous le prévoyons… » Une seconde édition, dans une autre composition, sortit semble-t-il du même atelier56 :
– [CROTONEL (George)], OBSERVATIONS/D’UN NEGOTIANT/DE LYON/A SON ARCHEVÊQUE,/Sur la LETTRE PASTORALE qu’il/vient d’adresser à tous les Fideles/de son diocese./ [trois fleurs de lys à l’encre noire filigranées, 2 et 1]/trait gras/trait maigre droits 4,3 mm] /JUILLET 1763. 12 p. ; 12°.
Nous ignorons l’ordre de parution de ces deux éditions. Peut-être l’une d’elle a-t-elle été imprimée après la condamnation de l’édition originale. En effet, cet écrit fut condamné à la lacération et au feu, par une procédure du 2 août 176357. Ordre fut donné de conserver un exemplaire au greffe, pour servir de pièce à conviction dans l’information en cours contre les imprimeurs et diffuseurs de ce libelle. Le prétendu George Crotonel reprit immédiatement la plume pour contre-attaquer :
– CROTONEL (George), LA BREBIS/A SON PASTEUR ;/OU/SEMONCE FILIALE/ DE/ GEORGE CROTONEL,/ NÉGOCIANT,/ A MONSEIGNEUR/ L’ARCHEVÊQUE/ DE LYON./ [petit fleuron] / [trait gras/trait maigre 45 mm] /M. DCC. LXIII. 12 p. ; 12°58.
Le libelle se présente comme une deuxième lettre au sujet de la Lettre pastorale de l’archevêque, après une première « espèce de lettre devenue publique ». L’auteur prolongeait sa dénonciation de l’attribution du collège de la Trinité aux Oratoriens :
[p. 6] Vous voyez que nous avons encore des plaintes à former, et des doutes à résoudre. Nous les portons à vos pieds, ces plaintes et ces doutes : mais nous attendons aussi que notre confiance soit accueillie (…). [pp. 8-9, à propos de MM. de l’Oratoire] Pendant ce grand nombre d’années nos Archevêques n’ont donc pas cru leur doctrine bien saine, ni bien catholique (…). [p. 11, à propos de l’interdit signifié par l’archevêque à quelques jésuites :] Bien des gens sont persuadés que cet interdit avoit au moins pour principale cause le petit écrit que j’adressai à Votre Grandeur sur la fin de juillet, & que l’on prétend que vous avez attribué à quelqu’un d’entr’eux (…). [p. 12] Quoi qu’il puisse en être du nom sous lequel je me suis annoncé, & de la qualité dont je me suis revêtu, jamais je n’ai été jésuite, jamais je n’en ai porté l’habit un seul instant…
Cette seconde lettre fut à son tour immédiatement condamnée le 17 septembre59, condamnation signalée dès le 21 dans les Affiches de Lyon. Elle n’empêcha pas que paraissent dans les jours suivants des suites aux deux premières brochures :
– [Titre de départ] : Troisième lettre du sieur George Crotonet [sic] à Monseigneur l’Archevêque de Lyon. 19-[1 bl.] p. ; 12°. Suivi de : [Titre de départ] : Supplément à la Troisième lettre. 6 p. ; petit 8°. Suivi de : [Titre de départ] : Addition au supplément. [1-1 bl.] p. ; petit 8°60.
Nous n’avons pas trace de condamnation pour ces feuilles qui, en l’état actuel de nos investigations, paraissent clore la querelle. Les brochures du prétendu George Crotonel ont indiscutablement été publiées à Lyon. Leur faible épaisseur, l’absence de filigranes lisibles sauf une mention d’Annonay, une ornementation minimale n’ont pas encore permis d’en déterminer l’imprimeur. Quant à George Crotonel, il conserve son mystère. Cachait-il un ou plusieurs Jésuites ? Cela est probable, mais incertain. En revanche, dans le cas de l’Appel à la raison, l’implication de jésuites lyonnais ne fait aucun doute. Nous ne parlerons ici que du premier, délaissant un Second appel à la raison, lui aussi sous fausse adresse, qui pose d’autres problèmes. Tous deux firent d’ailleurs l’objet de plusieurs mentions de Bachaumont :
Appel à la Raison. Tel est le titre d’une nouvelle brochure en faveur des Jésuites. Elle ne fait que ressasser tout ce qu’on a dit: elle n’est remarquable que parce qu’on y veut démontrer que le discours de M. de la Chalotais n’est point de lui: on y renouvelle le bruit qui a couru, que M. d’Alembert en étoit l’auteur (…)61. On vante beaucoup la peroraison de l’Appel à la Raison, dont nous avons déjà parlé. C’est en effet un morceau d’éloquence très-pathétique, mais de l’éloquence n’est pas du raisonnement…62
– [BALBANY, le P. André-Christophe], Appel a la raison des écrits et libelles publiés par la passion contre les jésuites de France… [petit ornement typographique]. À Bruxelles, chez Vandenberghen, Imprimeur-Libraire, le 15 avril 1762. XII-300 p. ; 12°63.
Le libraire avait beau s’y défendre de la clandestinité (p. XI) :
on doit comprendre qu’il n’a pas dû être difficile aux Jésuites de faire imprimer un Mémoire justificatif dans un pays où ils ne sont pas moins aimés que respectés. Qu’on n’attribue donc pas à la clandestinité de l’édition, ni à l’ignorance de l’Éditeur, les fautes qui s’y sont glissées…
L’imprimeur avait beau utiliser au titre des traits biseautés, pratique hollandaise avérée, il est trois éléments qui nous ramènent à Lyon : 1) La citation longue de plusieurs lettres des De Tournes de Genève et Lyon dans le texte, suppose des liaisons lyonnaises pour se les procurer. 2) Le petit ornement du titre correspond à l’ornement « regn008 » de la base Passe-Partout, mais sans les fleurettes rapportées qui le cantonnent sur les exemples de cette base. Or cet ornement apparaît aussi dans plusieurs ouvrages sortis en 1764 des presses du Lyonnais Geoffroy Regnault64. 3) Enfin, l’abbé Duret signale en décembre 1762 dans ses Chroniques « deux jésuites décrétés de prise de corps pour avoir corrigé les épreuves de l’appel à la raison le recteur et le bibliothécaire »65.
On le voit, dans cette guerre des libelles, les Jésuites lyonnais prirent aussi leur part… D’autres brochures en leur faveur sortirent encore des presses lyonnaises. Parmi elles, nous pouvons citer une Réponse aux objections publiées contre l’Institut des Jésuites, que nous n’avons pas vue, et qui fut condamnée par la Sénéchaussée le 17 décembre 176166. Un autre libelle du même genre, plus récent, avouait quant à lui son origine lyonnaise tout en taisant les noms de ses auteur et imprimeur :
– TOUT N’EST PAS FAIT/DANS L’AFFAIRE/DES JÉSUITES,/OU/LETTRE D’UN DE LEURS CRÉANCIERS/à M. **. Avocat au Parlement./Diviserunt sibi vestimenta mea. Ps. 21 v 19./A LYON/ [trait maigre 70 mm], [s.n. s.d. post avril 1763]. [2 bl. ?]-1-[1 bl.]-56 p. ; 12° à feuilleton dehors par demie feuille67.
L’auteur, anonyme, se présentait comme syndic d’une communauté, non précisée, qui quelques années auparavant aurait prêté une somme considérable aux Jésuites. Il faisait référence à plusieurs jésuites ayant séjourné ou étant décédés à Lyon : les PP. Menestrier, de La Chaize, Beraud… (p. 44), et le Père Toussaint Braissoud mort à l’hôpital de Lyon le 3 avril 1763 (p. 3). Là encore, l’identification de l’imprimeur est, pour le moment, impossible, faute de matériel ornemental et de filigranes visibles.
Comme on l’a vu, les imprimeurs-libraires Buisson et Regnault, bien connus comme producteurs de littérature philosophique clandestine, n’avaient pas hésité à imprimer des pièces pour les deux camps.
Puissent ces deux dossiers avoir démontré que la bataille fit rage, à Lyon comme ailleurs, que les adversaires firent feu de tout bois, que les autorités condamnèrent et d’un côté et de l’autre. L’historien des bibliothèques est bien placé pour attester du succès que rencontrèrent toutes ces brochures. Les inventaires de saisies révolutionnaires, dans les maisons religieuses, chez les séculiers, et chez les laïcs, en sont remplis. Malheureusement pour nous, le détail en est rarement donné.
La Compagnie de Jésus fut supprimée en France le 8 août 1762. La polémique devait pourtant s’y prolonger jusqu’à la dissolution de la phalange ignacienne par le pape, le 21 juillet 1773. Lyon publiait encore ces textes destructeurs:
– Pragmatique sanction de Sa Majesté [le roi d’Espagne] ayant force de loi, pour l’expulsion hors de ses Royaumes, des Clercs-Réguliers de la Société des Jésuites, saisie du temporel, et défense de son rétablissement en aucuns temps ; etc… du 8 avril 1767. [Lyon : s.n., 1767], 4 p. ; 4°. Le « Permis d’imprimer & distribuer. A Lyon, le 23 avril 1767. Posuel de Vernaux », qui figure à la fin du document, atteste de la rapidité mise à la publication de cette condamnation par un imprimeur que nous n’avons pu identifier68.
La seconde brochure est encore plus significative par son adresse :
– Bulle de N. S. Pere le Pape, Clement XIV, portant suppression et extinction de la Société de Jésus. En date du 21 juillet 1773. À Lyon : chez la Veuve Reguilliat, libraire, Place Louis Le Grand, 1773 avec permission. 35-[1 bl.]-6 p. ; 4°69.
Ce n’est sans doute pas tout à fait un hasard si ce texte paraissait chez la veuve Réguiliat. Depuis la destitution en 1767 de son fils Jean-Baptiste, actif depuis 1756, pour récidive d’impression de livres prohibés et contre les mœurs, elle lui servait de prête-nom pour continuer à exercer. Elle poursuivit ses activités de librairie après la mort de Jean-Baptiste en 1771. En 1773, elle ne disposait plus d’un atelier d’imprimerie. Le matériel ornemental utilisé trahit l’atelier de Claude-André Vialon, autre imprimeur « philosophique », actif de 1736 à 1777, auquel vient d’être rendue la paternité de plusieurs éditions clandestines de l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal70. Voir le pape publié par la maison Réguilliat prise sur le fait, onze ans plus tôt, pour impression du Contrat social, n’est pas banal, mais pas incompatible avec sa tradition du « livre philosophique », ni avec la logique professionnelle de la recherche du profit.
Mais, en refermant ce dossier, laissons le mot de la fin à Adamoli71, grand pourfendeur d’ignaciens devant l’Éternel. Ses « Adieux aux Jésuites » constituent en eux-mêmes un saisissant raccourci du discours de la grande majorité des libelles anti-jésuites du temps :
Adieu turbulente et superbe société / Dédale mystérieux de nos cours politiques, Le chef d’œuvre parfait des fourbes monastiques / Qui d’un zèle masqué de vrai fraternité,
Enrolat des milliers de fougueux fanatiques, / Ces faux dévots imbus d’homicides pratiques
Fières au premier signal marchoient poignars en mains / Prêts à trancher les jours des sacrés souverains
Sous les drapeaux sanglants, et ruses diaboliques / De vos roys généraux, ignaciens despotiques
Qui méprisoient nos loix et toute authorité, /Ah ! plut au ciel que vous n’eussiez jamais été
Pure encore floriroit l’église catholique / Dont vous infectates la vraie religion, Faisant un jeu pervers de la dévotion / Sous le voile imposant du rusé cagotisme Qui livroit Roys, peuples, par cette illusion, / Aux entraves cruels de votre despotisme…
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1 Ce texte est celui d’une communication au colloque « Lyon et les Jésuites », organisé à Lyon à l’automne 2002.
2 Maurice Garden, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1970, p. 507.
3 Bibliothèque municipale de Lyon (ci-après BmL), 443262, Memoire apologétique pour le sieur Claude Chancey, prêtre, docteur en théologie, et prieur de Sainte Madeleine, demandeur. Contre les Jésuites de la Province de Lyon, défendeurs (À Paris. De l’imprimerie de Jean-Baptiste Lamesle, ruë du Foin, à la minerve. 1717), 20 p., 8°.
4 BnF, 4° Lc 3 (5). Jean Sgard, « La presse militante au XVIIIe siècle. Les gazettes ecclésiastiques », dans Textologie du journal. Textes réunis et présentés par Pierre Rétat, Paris, Minard, 1990, pp. 7-34.
5 Pierre Grosclaude, La Vie intellectuelle à Lyon dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Paris, Picard, 1933, pp. 203-204. BnF, ms. nouvelles acquisitions françaises (ci-après naf ) 3348, 2 décembre 1754. Cf. également, dans le dossier relatif à cette affaire, deux lettres de d’Alembert à Bourgelat, 17 mars et 7 avril 1755 ; ibidem, 3348, 258 et 262.
6 André Ruplinger, Un Représentant provincial de l’esprit philosophique au XVIIIe siècle en France. Charles Bordes membre de l’Académie de Lyon (1711-1781), Lyon, A. Rey, 1915, pp. 4-5.
7 Discours inédit : « De l’utilité de la science et des arts, prononcé à l’Académie le 1er mars 1768 (BmL, Palais des Arts, ms. 131, ff° 26-36, f° 35 v°).
8 Yann Sordet, L’Amour des livres au siècle des Lumières. Pierre Adamoli et ses collections, Paris, École des chartes, 2001, pp. 150-151, 158-159, 193-194, 196. Voir pp. 158-159 pour la première citation, et pp. 193-194 pour la seconde.
9 BmL, 809 711, [le P. André-Christophe Balbany], Appel a la raison des écrits et libelles publiés par la passion contre les jésuites de France…, À Bruxelles [Lyon], chez Vandenberghen, Imprimeur-Libraire, le 15 avril 1762, XII-300 p., 12°. Reliure de parchemin rigide, ex-libris gravé Adamoli au contreplat, annotations manuscrites marginales, cf. pp. 128-129.
10 BmL, Palais des Arts, ms. 295. Catalogue des livres avec les prix de la bibliothèque de M. Adamoli… commencé en l’année 1740, 333 ff°, voir f° 255. Voir aussi BmL, ms. 1715 (1683), Description des ouvrages trouvés dans la bibliothèque publique portant l’ex-libris de P. Adamoli… Voir enfin Bréghot du Lut, « Sur le catalogue de la bibliothèque Adamoli », Archives historiques et statistiques du Rhône, t. VIII, pp. 99 et suivantes.
11 Archives départementales du Rhône (ci-après AdRhône), D 256-262.
12 AdRhône, D 256 (3), Arrêt de la cour de Parlement, du 6 août 1761. À Lyon, de l’Imprimerie de P. Valfray, Imprimeur du Roi, 1763, 11-[1 bl.] p., 4°.
13 BmL, ms. 5423 (1 ter), Chroniques de l’abbé Duret, post 1er août 1761, f° 9 recto.
14 Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, Paris, Picard, 1932, t. XI, Histoire (par Pierre Bliard), col. 185, nº 1315.
15 Bibliothèque du Centre Sèvres, C 280,11 et C 283.
16 http://tango.univ-monpt3.fr/MagueloneV.taf
17 Empreinte : e.e. e-si m-on leDo (3) M. DCC. LXII. Signatures : A8 B-C4 D2 [manque le dernier f° blanc ?]. Signatures en chiffres arabes jusqu’en milieu de cahier. F° A4 signé par erreur A5. Réclames avec ponctuation d’un cahier à l’autre. Pagination en chiffres arabes entre parenthèses en milieu de haut de page.
18 Empreinte : e ?nt i-es tenchde (3) M. DCC. LXII. Signatures : A-E4, seul le premier feuillet (le 2e du cahier A est signé). Réclames du cahier À au cahier B, et du cahier B au cahier C seulement. Fragments de motifs de filigranes tronqués en haut de page, pris dans la couture. Pas de monogramme ni de nom visibles.
19 Léon Moulé, « Correspondance de Claude Bourgelat fondateur des écoles vétérinaires. 1 Bourgelat censeur et inspecteur de la librairie de Lyon (1755-1764) », Bulletin de la Société de médecine vétérinaire, nº 65 (1911) et 66 (1912), en huit parties, nº 66 p. 220. BnF : ms. fr. 22136, p. 147.
20 BnF, ms. fr. 22115, f° 133. Cité dans Martine Poulain (éd.)., Censures : de la Bible aux Larmes d’Eros, Paris, BPI, 1987, p. 184.
21 BmL, 811769. Empreinte : dee, s-ut ntncrl’ (3) M. DCC.LXI. Signatures en chiffres arabes jusqu’au 7e feuillet inclus : A-H12, les deux derniers feuillets blancs. Filigranes : fleur de lys, « OVIS » et « SARRE » non identifiés, inconnus à Gaudriault. Jean Montos est un libraire fictif. Autre exemplaire : BnF, Rés-H-2219.
22 BmGrenoble, F 21926, Catalogue des Célestins de Colombier près d’Annonay, dirigé par François de Los Rios libraire à Lyon. À Paris chez la veuve Savoye, À Annonay chez M. Frachon, À Lyon, chez François de Los Rios, libraire, rue St Dominique, chez qui la vente se fera, 1779.
23 BnF, mss naf 3346, pièce 267. Lettre de Jean-Baptiste Réguilliat à un destinataire non identifié [s.d.].
24 Le titre entier est donné par la pièce 265 : Lettre d’un Ecclésiastique à un Magistrat sur les affaires des Jésuites. La pièce 266 du 9 mai 1762 est une autorisation d’imprimer cette brochure.
25 BmL, 808804 (4). Titre de départ : Lettre d’un écclésiastique à un magistrat, Sur le Pouvoir du Général des Jésuites, & sur les effets de ce pouvoir, considéré relativement à l’esprit de l’Evangile, [s. l., s. n., ca 1762], 93-[3 bl.] p., 12°. Pagination en chiffres arabes entre parenthèses en milieu de haut de page. Signatures en chiffres arabes jusqu’en milieu de cahier : A-D12. Réclames d’un cahier à l’autre. Empreinte : de e à (au 1er feuillet recto) e ; il esit si ex (3) [ca 1762]. Brochure pro-jésuite, début du texte : « Vous me demandez, Monsieur, si l’Institut des Jésuites est essentiellement opposé à l’esprit de Jesus-Christ & au gouvernement que les Apôtres ont établi par ses ordres dans l’Eglise qu’il a fondée. L’usage dans lequel vous êtes de simplifier les objets que vous envisagez, est sans doute ce qui vous détermine à me faire cette question… »
26 AdRhône, BP 3283.
27 Ibidem.
28 Ibidem.
29 Dominique Bougé-Grandon, « Carrière d’un libraire étranger à Lyon : François de Los Rios (1727-1820) », Bulletin du bibliophile, 2001, pp. 86-129. Id., « Enseigner les livres : le témoignage de François de Los Rios », Revue française d’histoire du livre, nº 106-109, 2000, pp. 119-132. Id., « From Antwerp to Lyons : the making of a booksellers’s vocation, François de Los Rios 1727-1820 », De Gulden Passer, 2002, pp. 183-199.
30 AdRhône, BP 3283.
31 Ibidem.
32 Malheureusement pour nous, ces pièces à conviction ne figurent plus aujourd’hui au dossier !
33 Sur le personnage et ces affaires, voir Dominique Varry, « De la Bastille à Bellecour : une « canaille littéraire », Taupin Dorval », dans Le Livre et l’historien [Mélanges Henri-Jean Martin], Genève, Librairie Droz, 1997, pp. 571-582.
34 AdRhône, BP 3283.
35 BnF, ms. fr. 22094, 132 : Jugement de la chambre de la Sénéchaussée de Lyon, qui ordonne que la brochure intitulée Le Jésuite mysopogon séraphique (…) sera lacérée et brûlée au pied du grand escalier du Palais par l’Exécuteur de la Haute Justice (Lyon, Valfray, 27 mars 1762). BmL, 117844. Backer-Sommervogel, Bibliographie de la Compagnie de Jésus…, ouvr. cit., T. XI, col. 182, nº 1297.
36 BnF, ms naf, 1214, t. 1, p. 384.
37 BnF, 16 Ld 39 1176 ; BmRouen, 3257, fonds Cas ; collection D. Varry. Par Jean-Louis-Claude Taupin d’Orval d’après Barbier. Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, ouvr. cit., T. XI, col. 182, nº 1297.
38 [Louis Petit de Bachaumont], Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un observateur…, À Londres, chez John Adamson, 1780, t. 1, p. 68, 14 avril 1762.
39 BmL, ms. 5423 (2), février 1762, f° 3 v° et 4 r°, Chroniques de l’abbé Duret.
40 BmL, 809677, ex-libris Adamoli. Relié avec les Mystères les plus secrets ; BnF, 8° Ld39 414 ; BnF Arsenal, 8° H 35878 ; BmOrléans, E 1199. Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, ouvr. cit., t. XI, col. 182, nº 129.
41 BnF, 8-OY-37 ; Bibliothèque du Centre Sèvres, C 43/231,7.
42 Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus…, ouvr. cit., t. XI, col. 1798, nº 17.
43 Lyon SICD Lettres et sciences humaines, 43653 (5), cachet du lycée impérial de Tournon. Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, ouvr. cit., t. XI, col. 182, nº 1300. BnF, 8-LD39-349 avec une planche gravée, absente de l’exemplaire lyonnais. BnF, 8-Z-19087 (6) : autre édition décrite ainsi : 31 p. ; 16°, fig. BmRouen exemplaire 1 : 3262, fonds Cas ; exemplaire 2 : p 15693, fonds Cas.
44 Raymond Gaudriault, Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIesiècles, Paris, CNRS éditions et J. Telford, 1995.
45 Guy Parguez, « Essai sur l’origine lyonnaise d’éditions clandestines de la fin du XVIIe siècle », dans Nouvelles études lyonnaises, Paris et Genève, Droz, 1969, pp. 93-130.
46 Maguelone : http://tango.univ-monpt3.fr/MagueloneV.taf. Passe-Partout : http://www.unil.ch/ BCU/docs/collecti/res_prec/todai_intro.html. Môriâne : http://www.ulg.ac.be/moriane/index.htm
47 BmL, 809675, ex-libris Adamoli. Empreinte: urts r.é-a.e-seni (3) 1761. Signatures: a4 A12 B6. Relié avec les Les Jésuites assassins… Autre exemplaire à la Bibliothèque du Centre Sèvres : C 43/815.
48 Lyon SICD Lettres et sciences humaines, 43653 (1).
49 P. Grosclaude, La Vie intellectuelle à Lyon…, ouvr. cit., pp. 219-220.
50 Bibliothèque du Centre Sèvres, C 43/104,7. Sentence de la Sénéchaussée de Lyon, qui condamne une Brochure imprimée, ayant pour titre : L’Observateur François, sur le livre intitulé Extraits des assertions dangereuses, &c. M. DCC. LXIII. à être lacérée et brûlée au bas de l’escalier du Palais, par l’Exécuteur de Haute-Justice, &c. (À Lyon, de l’Imprimerie de Pierre Valfray, Imprimeur du Roi ; et se vend à Paris chez P. G. Simon…), [mars 1763]. 33-[1] p., 12°.
51 Maurice Garden, « Pédagogie et parents d’élèves au collège de la Trinité sous les Oratoriens (Lyon 1763-1792) », Cahiers d’Histoire, 1969, 4, p. 371-392.
52 AdRhône, D 259.
53 AdRhône, D 259(2), Extrait des registres de la sénéchaussée de Lyon à Monsieur Monsieur le Lieutenant criminel. À Lyon, le 2 avril 1762, [slnd], 4°. Sommervogel cite une autre édition 3 p., 12°. Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus…, ouvr. cit., t. XI, col. 872. Il s’agit de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque du Centre Sèvres sous la cote C 43/104,5.
54 [Louis Petit de Bachaumont], Mémoires secrets…, tome 1, ouvr. cit., p. 248, 17 juillet 1763.
55 Lyon SICD Lettres et sciences humaines, 43693 (XIII), cachet du lycée impérial de Tournon. Aucun filigrane visible. Empreinte : este rent n-re LyG. (3) JUILLET 1763. Signatures : A8 en chiffres arabes jusqu’en milieu de cahier.
56 BmL, 118276, Magnien. Cet exemplaire, rogné, a été monté dans un recueil factice sur des feuillets 4°. Pagination en chiffres arabes entre parenthèses en milieu de haut de page. Pontuseaux horizontaux. Signé p. 12 : « G. Crotonel, négociant. Lyon, le 23 juillet 1763 ». Empreinte : lely usst uius lele. (C) JUILLET 1763. Les 3 derniers groupes pris p. 11. Signatures : A8 en chiffres arabes jusqu’au feuillet A3. Aucun filigrane visible. Un autre exemplaire est conservé à la Bibliothèque du Centre Sèvres sous la cote C 43/321,7.
57 Lyon SICD Lettres et sciences humaines, 43693 (XIV), cachet du lycée impérial de Tournon : Sentence de la Sénéchaussée de Lyon, qui condamne un ecrit ayant pour Titre : Observations d’un Négociant de Lyon à son Archevêque, sur la Lettre pastorale qu’il vient d’adresser à tous les Fidèles de son Diocèse, à être lacéré et brulé par l’Exécuteur de la haute-justice, au-devant de la principale porte de l’Eglise primatiale. (À Lyon : de l’Imprimerie de P. Valfray, Imprimeur du Roi, 1763), 8 p., 12° (procédure du 2 août 1763). Une seconde édition existe à la BmL, 118278, Magnien. Une troisième édition de ce texte, en quatre pages de format 12°, est conservée à la Bibliothèque du Centre Sèvres, sous la cote C 43/104, 10.
58 Lyon SICD Lettres et sciences humaines, 43693 (XII), cachet du lycée impérial de Tournon ; BmL, 809681 CGA (ex-libris Adamoli) ; 356212, Coste (broché, très rogné, sans doute le même que le suivant); 356212, Magnien (broché); 118277, Magnien. Cet exemplaire, rogné, a été monté dans un recueil factice sur des feuillets 4°. Empreinte : s,é-es,& e,un onre (C) M. DCC. LXIII. Trois derniers groupes pris à la page 11. Signatures : A6 en chiffres romains jusqu’en milieu de cahier. Filigranes : illisible. Inscription très tronquée sur tous les exemplaires examinés. Le petit fleuron est constitué d’une coquille St-Jacques avec une palmette sortant de chacun des côtés gauche et droit.
59 BmL, 122592, Magnien. [Christophe Delafrasse de Seynas, lieutenant-général de police de Lyon], Ordonnance de Police concernant un écrit intitulé : La brebis à son pasteur. Remontrances d’un Négt. de Lyon à Mgr son Archvq. de Montazet, Lyon, P. Valfray, 1763, 4°.
60 BmL, ms. 1487, f° 21-24. BmL, 118277, Magnien, exemplaires montés dans un recueil factice sur des feuillets 4°. Empreintes : Troisième Lettre : , &é, enE-a-es ungu (3) sans date ; Supplément à la Troisième lettre : c-sé u-es p-ne dee. (c) s.d. Tous les groupes pris au 1er feuillet. Signatures : Troisième Lettre : A10 ; Supplément à la Troisième lettre : A4. Signé jusqu’au feuillet AZ. Filigranes : illisibles. Notes : Troisième Lettre : la p. 19 est signée : « George Crotonet, [sic] Lyon 1763 ». Ne compte que 10 feuillets, pagination en chiffres arabes en milieu de haut de page. Un exemplaire de la Troisième Lettre est conservé à la Bibliothèque du Centre Sèvres : C 43/321,8. Il porte un fragment de filigrane « DANNONAY ».
61 [Louis Petit de Bachaumont], Mémoires secrets…, tome 1, ouvr. cit. p. 96, 26 juin [1762].
62 Ibidem, ouvr. cit., p. 106, 15 juillet [1762].
63 Empreinte: opés.us uis»m»p (3) M. DCC. LXII. Réclame d’un cahier à l’autre. BmL, 324 137, reliure de basane marbrée XVIIIe, ex-libris des Augustins de la Croix-Rousse. BML 809 711, reliure de parchemin rigide, ex-libris gravé Adamoli au contreplat, annotations manuscrites marginales.
64 Jean Bertrand, De l’eau relativement à l’économie rustique, ou Traité de l’irrigation des prés, À Avignon, et se vend à Lyon, chez G. Regnault, 1764, p. 88. Élie Bertrand, Essai sur l’art de former l’esprit, ou Premiers élémens de la logique. À Lyon, chez G. Regnault, 1764 (Base Passe-Partout).
65 BmL, ms. 5423 (4) décembre 1762, f° 3 r°, Chroniques de l’abbé Duret.
66 Jugement de la sénéchaussée de Lyon qui supprime une brochure ayant pour titre : Réponse aux objections publiées contre l’Institut des Jésuites, comme séditieuse et attentatoire à l’honneur et à l’autorité de la magistrature. Du 17 décembre 1761. À Lyon, de l’imprimerie de P. Valfray, 1761. 24 p., 4°. Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, ouvr. cit., t. XI, col. 177, nº 1262. Bibliothèque du Centre Sèvres, C 43/137,1 et C 43/104,4.
67 Bibliothèque du Centre Sèvres, C 43/321,1. Signatures : 2 A-H4-2 I4 en chiffres arabes jusqu’en milieu de cahier. Réclames d’un cahier à l’autre. Empreinte : lela u-ce lees viEn (3) [s.d.]. Pas de filigrane visible. La même collection conserve deux autres exemplaires de ce titre, que nous n’avons pas examinés, sous les cotes C 43/359 et C 43/291,5.
68 AdRhône, D 256 (22).
69 AdRhône, D 256 (24). Texte sur deux colonnes : latin et français. Comprend : la Bulle, 35-[1 bl.] p. ; et le Bref de N. S. P. le Pape Clément XIV, portant suppression et extinction de la Société de Jésus, 6 p.
70 Voir dans la même livraison l’article de Claudette Fortuny, que nous remercions de ces renseignements et d’avoir identifié la main de Vialon dans la Bulle.
71 BmL, ms. PA 55 [Adamoli : Recueil de pensées], f° 50 v°-51 r°, « Adieux aux jésuites détruits en France en 1762 ; mis en vers en 1763 ; revû et mis au net en 1765 ».