Lars G. Svensson, Die Geschichte der Bibliotheca Bipontina. Mit einem Katalog der Handschriften
Kaiserslautern, Institut für pfälzische Geschichte und Volkskunde, 2002, 352 p. (« Beiträge zur pfälzischen Geschichte », 21). ISBN 3-927754-44-7
István MONOK
Lorsque l’une des plus grandes bibliothèques de Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz), la Bibliotheca Bipontina, est fondée en 1806 par la fusion de la bibliothèque du lycée et de celle du duc, ces deux ensembles avaient connu nombre de vicissitudes historiques au cours desquelles leurs fonds avait été ravagés, voire en grande partie détruits. L’histoire de la bibliothèque commence au XVIe siècle, mais seuls quelques fragments subsistent du fonds initial de manuscrits et d’imprimés. Les chercheurs en histoire de la civilisation et en histoire de la religion et de l’Église affirment unanimement que, lors de la guerre de Trente ans, le protestantisme du Palatinat (Pfalz) – d’influence d’abord helvétique – s’est considérablement affaibli, et qu’il a été de plus en plus repoussé par le bloc catholique (et, en partie, évangélique). Tous les dépôts – archives ou bibliothèques – permettant de documenter cet héritage culturel sont donc particulièrement importants, et dépassent les cadres de la curiosité historique locale.
L’Association professionnelle internationale des historiens des bibliothèques souligne un point : la publication de cette étude attire l’attention sur le fait que, à côté de la Bibliotheca Palatina bien connue, on trouvait d’autres fonds très importants en Palatinat. Aujourd’hui, deux bibliothèques se partagent le nom de Bibliotheca Bipontina : celle de Deux-Ponts (Zweibrücken) a reçu ce nom en 1988. La bibliothèque privée de Karl August (Charles-Auguste) II, comte de Palatinat et de Deux-Ponts, est passée à la Staatsbibliothek de Bamberg en 1793 et porte le même nom. L’objectif de l’auteur suédois de l’ouvrage ici recensé est de présenter l’histoire de la bibliothèque en tant qu’institution publique, mais la mise au jour de la genèse du fonds est également riche d’enseignements quant à l’histoire culturelle du Palatinat.
Lors de la fondation du lycée protestant à Hornbach (connu en 1559 sous le nom de Pfalz-Zweibrücker Landesschule zu Hornbach), le seigneur est un luthérien engagé, en la personne du comte palatin (Pfalzgraf ) Wolfgang, duc de Deux-Ponts et de Neuburg (Herzog von Zweibrücken und Neuburg). Comme la plupart des lycées évangéliques, celui de Hornbach a créé sa bibliothèque à partir des collections des bibliothèques des anciennes maisons religieuses (seuls quelques volumes de ces collections sont conservés). Svensson présente donc d’abord brièvement l’histoire des bibliothèques médiévales de la région, puis il analyse le plan de formation et d’enseignement mis en œuvre lors de la fondation du lycée : l’acquisition des livres et l’image de la bibliothèque ont été adaptées à ce plan, à l’établissement duquel Johann (Jean) Sturm a personnellement participé. Le fils de Wolfgang, Johann Ier († 1604) apporta une attention particulière à l’enrichissement de la bibliothèque de l’institution, laquelle devint un lycée célèbre : le nombre des livres atteignit les mille cinq cents en 1577 (pour comparer, la bibliothèque du lycée de Brasov était alors à peu près de la même taille).
Après le transfert du lycée de Hornbach à Deux-Ponts (1628), les collections des deux bibliothèques ont été réunies, mais les habitants des environs et les étudiants n’ont pu en jouir longtemps, par suite de la guerre de Trente ans – et la collection est en partie détruite en 1635. Le lycée n’a été refondé qu’en 1702 à Meisenheim, puis à nouveau transféré à Deux-Ponts en 1706. La bibliothèque s’enrichit à partir de 1723 sous la direction de Philipp Crollius, puis de son fils. À la fin du XVIIIe siècle, elle retrouva la taille qu’elle avait à la fin du XVIe, tandis qu’une nouvelle bibliothèque publique était fondée dans la ville. En 1806, les collections de la bibliothèque du lycée, de la bibliothèque seigneuriale et de la bibliothèque publique sont réunies.
À l’époque de Johann Ier, la cour seigneuriale disposait aussi d’une belle collection de livres à Deux-Ponts. En 1583 fut créée la première bibliothèque publique de la ville, qui fut ensuite réunie à la collection privée de la cour. La plus grande partie du fonds de cette bibliothèque a été détruite en 1635, puis la bibliothèque fut complètement ravagée en 1667, pendant la guerre de Hollande. Parallèlement à la collection de la cour à Deux-Ponts, Karl Ier (mort en 1600) fonda une bibliothèque à Bierkenfeld, qui fut enrichie par ses successeurs, en particulier par Georg Wilhelm et Karl Otto. Christian Ier et Christian II ont développé une bibliothèque à Bischweiler au début du XVIIe siècle. En 1720, ces deux bibliothèques ont été réunies, puis la collection complète fut transférée à Deux-Ponts (1752). Là, les collections de la famille seigneuriale ont été particulièrement soignées par Christian IV, qui a aussi accordé une grande attention à celle du lycée.
La bibliothèque formée en 1806 par la réunion de la collection du duc et de celle du lycée a encore subi deux périodes de crise, la plus récente en 1945, quand les bombardements causèrent de graves dégâts au bâtiment de l’école. Le livre de Lars G. Svensson est une vraie thèse de doctorat. Outre un commentaire très complet et précis, l’auteur donne une description détaillée de la collection actuelle de manuscrits, avec des index faciles à utiliser, y compris pour les incipit (Initienregister). Le schéma présentant le développement de chaque collection de Palatinat-Deux-Ponts (Pfalz-Zweibrücken) aide à suivre le cours compliqué de l’histoire régionale. Il aurait été utile de fournir un tableau de l’ordre de succession de la famille princière du Palatinat, et d’indiquer aussi systématiquement les dates biographiques à côté du nom de chacun de ses membres. Faute de ces précisions, le lecteur a des difficultés à suivre l’histoire de la famille, et la recherche des données se trouve compliquée. Enfin, la présentation (en partie sous forme de tables, en partie sous forme graphique) des éléments de la collection selon les contenus, les lieux de publication et les provenances apporte une mine d’informations.