Infinite Variety : Exploring the Folger Shakespeare Library
Ed. by Esther Ferington, Washington, DC, The Folger Shakespeare Library, 2002, 222 p., ill. ISBN 0-295-98232-2
Françoise WAQUET
C’est une tâche agréable que de rendre compte d’un ouvrage où l’élégance de la présentation va de pair avec l’intérêt du texte. De cette institution de notoriété mondiale qu’est la Folger Shakespeare Library à Washington, ce magnifique catalogue donne d’abord l’histoire. Histoire classique d’une collection privée qui s’ouvre au public, se dote d’un bâtiment monumental, voulu et conçu par ses promoteurs, puis remanié, agrandi pour s’adapter tant à l’accroissement des collections qu’aux fonctions multiples remplies par l’institution. Comme le nom même de la bibliothèque l’indique, Shakespeare et les Shakespeariana constituent le cœur et le noyau historique des collections, depuis le premier livre acquis en 1885 par Henry Folger. Celui-ci, dans une passion qui était aussi un délassement (« a recreation ») pour l’homme d’affaires, fut efficacement secondé par son épouse : Emily Folger soutint en 1896 une thèse intitulée The True text of Shakespeare, où elle étudiait des variations textuelles dans les premières pièces du dramaturge anglais. L’intérêt initial pour Shakespeare s’est toujours maintenu ; il s’est accompagné d’une attention portée à la Renaissance anglaise, puis à la civilisation européenne de l’époque moderne (1500-1750). Au fil du temps, les acquisitions ont été nombreuses, avec des pièces de la plus haute qualité, de sorte que le titre Variété infinie qui a été donné à ce catalogue, est on ne saurait plus approprié.
Un choix – difficile à faire tant le trésor est riche et les joyaux nombreux – donne une idée de cette variété des collections. On est émerveillé devant les livres, manuscrits, cartes, planches et autres objets qui sont reproduits en couleurs, accompagnés d’un commentaire aussi précis que pertinent. D’abord les principales raretés : des exemplaires uniques, des livres ayant appartenu à un possesseur illustre, telle la reine d’Angleterre Élisabeth Ire, des reliures splendides, sans compter des manuscrits, des incunables anglais, mais aussi allemands, des cartes et des atlas, et un ensemble exceptionnel d’imprimés de la Réforme. Une seconde section donne à voir des manuscrits et des ouvrages des XVIe et XVIIe siècles, dont certains splendidement illustrés, permettant de comprendre le monde – au sens le plus large du terme – de Shakespeare, et l’on n’oubliera pas de mentionner des livres et des instruments de musique. Enfin, est livré un aperçu des shakespeariana, la plus grande collection du monde : éditions, documents et d’objets de toute nature – portraits, statues, affiches, costumes de théâtre, films, enregistrements de représentations, etc.
Cette variété infinie est aussi celle des fonctions que la Folger Shakespeare Library remplit. C’est, bien sûr, la généreuse mise à disposition des chercheurs de ses collections, déjà considérées par Henry Folger comme « a kit of tools for scholars ». Générosité féconde si l’on considère le nombre de publications qui en sont issues. L’histoire du livre est ici fort bien servie, tout particulièrement la bibliographie matérielle et, avec la possession de nombreux volumes annotés, l’histoire de la lecture ; on soulignera les apports précieux fournis par les travaux de catalogage et de restauration. À côté des colloques et des séminaires de recherche, des initiatives multiples à l’intention du grand public ont très tôt vu le jour : des expositions permanentes ou temporaires, dont certaines ont fait date, des publications, des conférences, des lectures, des visites, des programmes éducatifs, des concerts, des représentations théâtrales, etc.
À l’énoncé de toutes ces activités, la Folger Shakespeare Library apparaît aussi comme un lieu éminent d’oralité, d’une parole, à son tour multiple et féconde. Qu’il s’agisse de faire partager ses richesses au public des adultes ou à des enfants. Qu’il s’agisse des conversations que les chercheurs ont entre eux, par exemple, autour du traditionnel « afternoon tea ». Dans ces échanges informels, comme il est rapporté, des articles se sont ébauchés, des projets personnels ou collectifs se sont formés, des relations se sont nouées. On ajoutera que tout commença par la parole, celle qui, lors d’une conférence en 1879, frappa le jeune Henry Folger et le mit sur la voie de ce qui allait être « la mission de sa vie ».