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[Florin Didilescu], Tiporituri de Strasbourg în colecția de patrimoniu a Bibliotecii “A. D. Xenopol” Arad. Catalog secolele XV-XVIII / Livres strasbourgeois dans le fonds patrimonial de la Bibliothèque “A. D. Xenopol” d’Arad, Catalogue XVe-XVIIIe siècles

Arad, Editions Nigredo, 2003, 130 p

István MONOK

De nombreux catalogues, bibliographies et recueils d’études reflètent le résultat des recherches sur l’histoire du livre en Roumanie, recherches ranimées avec bonheur depuis une dizaine d’années23. Cette floraison de publications est également importante pour la recherche en Hongrie, car les bibliothèques que la position officielle roumaine présente aujourd’hui comme un patrimoine historique national ont un héritage culturel plus complexe, les cadres étatiques et institutionnels de leur naissance ayant été assurés par le royaume de Hongrie. Pourtant, ces collections ont été mieux sauvegardées par l’État roumain que les collections comparables existant sur le territoire de la Hongrie actuelle. Si le nombre des bibliothèques anciennes a également diminué en Roumanie durant les cinquante ans qui ont suivi 1945, on peut retrouver la plupart des exemplaires dans les bibliothèques centrales de Bucarest. L’objectif de la réunion des collections « historiques » à Bucarest consistait à montrer l’intégration de la culture roumaine dans les modèles et courants historiques occidentaux – une démonstration qui n’a de dimension que politique, et qui paraît à l’historien du livre bien inutile. La découverte des anciennes collections conservées aujourd’hui en Roumanie et la publication scientifique de leurs catalogues permettent enfin de reprendre le travail24.

Les cent trente publications strasbourgeoises ici présentées ont été acquises de plusieurs sources par la Bibliothèque départementale d’Arad. Les notes et cachets des anciens possesseurs nous informent sur la date et la méthode d’enrichissement. La description bibliographique de chaque volume respecte les critères scientifiques, les chiffres d’identification internationaux sont précisés. Les auteurs et autres personnages participant à la publication sont présentés en une liste à part – on ne peut qu’approuver, même si on peut penser que la liste des personnages et associations cités par les mentions de provenance, etc., serait plus importante pour le public professionnel français et international. On ne sait probablement pas à Strasbourg qui étaient Bernát Benyák, Josef Grensperger, la famille Vörös de Farad, ou l’association Kölcsey d’Arad – ajoutons que cette dernière a peut-être été soutenue par la famille des Csáky (en Slovaquie actuelle)25, dont une partie des livres aujourd’hui conservés provient de la bibliothèque de cette association.

De fait, la Bibliothèque départementale d’Arad a hérité de plusieurs ensembles très importants. L’ensemble le plus riche pour l’histoire de la réception des idées françaises est la bibliothèque d’Humennée (en Slovaquie actuelle), appartenant à la famille Csáky, bibliothèque achetée par le Musée d’Arad grâce à plusieurs intermédiaires, dans les années 1820 : plus de cinq mille titres, dont quelque trois mille en français. Nous ne pouvons que poser la question : n’y en a-t-il aucun qui ait été publié à Strasbourg ? Du point de vue de l’histoire des bibliothèques, il est au moins discutable de décrire la présence des produits typographiques d’une seule ville (ici Strasbourg) : nous pouvons le comprendre si nous considérons des vues d’ordre pratique, mais l’introduction historique aurait donné l’occasion de présenter l’histoire de la bibliothèque dans son ensemble. Quelle est la relation entre la Bibliothèque départementale actuelle (Biblioteca Județeană), les collections de l’ancien Musée départemental d’Arad et celles de la Bibliothèque Orczy-Vásárhelyi du Lycée royal d’Arad (des noms de Lœrinc Orczy, de son fils László et de János Vásárhelyi) ? Il aurait également été important de savoir comment la collection de Ferenc Vörös, ancien maire d’Arad et appartenant à la famille Vörös de Farad, est passée à la bibliothèque départementale. La fondation de l’ordre des Franciscains d’Arad n’est pas mentionnée, ni l’histoire de sa bibliothèque, et pourtant les publications strasbourgeoises présentées proviennent en grande partie de ces trois bibliothèques (Orczy-Vásárhelyi, Vörös, Franciscains).

La bibliographie également est incomplète : il existe une étude de Sándor Eckhard sur la bibliothèque26, et Olga Granasztói a publié une étude intéressante sur les livres français d’Arad27. Dans le catalogue, autant la description des livres est indiscutable, y compris les notes et particularités d’exemplaires, autant nous regrettons l’insuffisance de la mise en perspective historique. Ajoutons que le nom du rédacteur du catalogue n’est pas précisé, et que nous ne le connaissons que par des renseignements personnels.

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23 Voir : István Monok, « Vingt ans de recherche sur la culture du livre dans le bassin des Carpates », dans Revue française d’histoire du livre, Genève, Droz, 2001 (112-113), p. 199-222.

24 L’index des provenances du catalogue des incunables de la Bibliothèque nationale roumaine donne par exemple l’origine des exemplaires, et permet ainsi d’envisager enfin l’histoire des collections sur des bases scientifiques. Voir Elena-Maria Schatz, Catalogul colectiei de incunabule, Bucuresti, Biblioteca Nationalæ a României, 1995.

25 István Csáky et sa femme Júlia Erdœdy, tous deux grands admirateurs de la culture française de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

26 Az aradi kőzmővelődési palota francia könyvei, Arad, 1917. Cette étude est parue aussi deux fois en français « Les livres français d’une bibliothèque privée », dans Revue des études hongroises, 1923, 3-4, pp. 145-157 et De Sicambria à Sans Souci. Paris, PUF, 1943 – chapitre sur la bibliothèque (Sans Souci) d’Illésfalva (Sperndorf, Iliašovce) de la famille Szontágh, pp. 265-281.

27 « A franciás mőveltség magyar arisztokrácia három különleges figurájának portréja könyvgyőjtő tevékenységük tükrében », dans Magyar Könyvszemle, 2000, pp. 43-69. [« Portrait de trois personnalités de culture française de l’aristocratie hongroise, du point de vue de leur activité de collectionneurs de livres », dans Revue des livres hongrois, 2000, pp. 43-69].