Roger Dupuy (textes présentés par), Aux origines idéologiques de la Révolution. Journaux et pamphlets à Rennes (1788-1789)
Rennes, PUR, 2001, 340 p. (« Collection Mémoire commune »). ISBN 2-86847-563-9
Patricia SOREL
En éditant ces différentes contributions, Roger Dupuy met une nouvelle fois en lumière le rôle joué par la Bretagne et, plus particulièrement, par la bourgeoisie de Rennes, dans le déclenchement de la Révolution. La question de la réforme des États Généraux provoqua, dans l’ensemble du royaume, une violente campagne de pamphlets. Mais le conflit fut d’autant plus aigu en Bretagne qu’il s’ajoutait à celui engendré par la réunion des États de la province.
Contrairement aux ordres privilégiés du Dauphiné qui, dès juillet 1788, avaient accepté le doublement du Tiers et le vote par tête, la noblesse bretonne s’obstinait dans son refus de toute réforme. Ce climat d’effervescence politique donna naissance à une feuille particulièrement virulente, La Sentinelle du Peuple, attribuée à Volney. Cinq numéros, parus entre le 10 novembre et le 25 décembre 1788, dénoncèrent vigoureusement l’archaïsme de la noblesse et soutinrent le Tiers dans son combat contre le despotisme aristocratique. La Sentinelle céda la place au Hérault de la Nation, diffusé à Rennes, mais sans doute rédigé par Mangourit à Paris. Faisant figure de pionnier dans la presse révolutionnaire, le journal « patriote » de Mangourit parut régulièrement jusqu’au début du mois de juillet 1789 (63 numéros au total).
Les exemplaires de ces deux feuilles précoces sont publiés dans leur intégralité, seulement entrecoupés d’« éclaircissements fort utiles » de l’éditeur sur les événements traités. Ce corpus fournit ainsi des documents de premier plan sur l’histoire de la prérévolution en Bretagne en les situant dans leur contexte politique. Au-delà des prises de position du rédacteur, les articles offrent des comptes rendus des événements, à Rennes et dans le reste du royaume, qui constituent autant de précieux témoignages sur la façon dont les contemporains ont vécu la crise prérévolutionnaire et sur les interprétations qu’ils en ont données. Plus qu’un simple pamphlet, Le Hérault révèle la politisation des élites provinciales et l’existence de véritables réseaux d’influence ; il montre l’émergence de nouveaux enjeux, l’élaboration d’un discours et l’affirmation d’idées-forces, celles de liberté et de nation. La dynamique révolutionnaire a pris ses origines en province, du Dauphiné à la Bretagne, et c’est sans doute dans la capitale bretonne qu’il faut chercher aussi les prémices de la presse révolutionnaire.