Christofle Du Pré, Les Larmes funebres
éd. Pierre Martin, Genève, Droz, 2004, 254 p. ISBN 2-600-00894-2
Juliette GUILBAUD
Malmené par les auteurs d’anthologies, y compris ceux dont les ouvrages sont consacrés au sonnet – tel celui de Jacques Roubaud paru en 1990 –, Christofle Du Pré n’a jusqu’à présent pas eu l’heur d’envahir les manuels comme le font à l’envi les plus grands noms de la Pléiade, de peu ses prédécesseurs. Des soixante-quinze sonnets et trois odes ici rassemblés sous le titre Les Larmes funebres (1577), seuls un ou deux des premiers ont parfois été mentionnés, et encore de façon tellement isolée que l’on ne peut que remercier Pierre Martin d’en proposer ici une édition critique complète et bien documentée.
La tâche était loin d’être évidente, de même que de réunir les rares éléments de biographie d’un poète pourtant assez singulier de son temps. Si l’on se rappelle le nom d’une branche voisine de la famille, Dupré de Saint-Maur (au temps des Lumières), celui de notre poète – Du Pré de Passy – a probablement disparu avec le personnage lui-même. On apprend que Christofle eut certainement des liens avec le Parlement et, fait marquant, qu’il prit sans doute part à un voyage à Constantinople. Ses contacts littéraires ne sont pas anodins, puisqu’il prête sa plume à plusieurs recueils, telles L’Estrille et drogue au querelleux pedant, de Jean de Boyssières, ou encore La Main… d’Étienne Pasquier ; inversement, c’est lui qui fait place au seuil de son recueil à d’autres poètes comme Antoine Mathé de Laval, ou encore Catherine de Mallessec.
Le ton de Du Pré se caractérise d’emblée par une sincérité incontestable, où point, mais sans excès, l’influence du pétrarquisme ambiant. Si l’on en croit les sources, l’ensemble de ce recueil aurait été composé en trois ou quatre mois, un temps relativement court qui ajoute à l’impression de spontanéité qui se dégage des vers. Forme poétique parfaitement codifiée, le sonnet devient sous la plume de Du Pré un instrument de méditation, d’introspection qui célèbre – fait rarissime à l’époque, faut-il le rappeler ! – l’amour heureux et réciproque, que vient bouleverser la tragédie de la mort de la belle. Loin de tomber dans le piège de la chronique rétrospective anecdotique, larmoyante ou fade, le poète exprime au plus juste la profondeur de ses sentiments les plus intimes. De Du Pré, Pierre Martin nous dit en avant-propos : « Accueillez-le comme vous accueilleriez Ronsard et Du Bellay. » Nous souhaiterions bien plus encourager le lecteur à se plonger dans les sonnets et odes d’un auteur méconnu qui, pour sa sincérité, n’a rien à envier aux œuvres de ses pairs.