Laurent Guillo, Pierre I Ballard et Robert III Ballard, imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673)
Liège, Mardaga, 2003, 2 vol. in-4°, 736 et 816 p., ill. noir (« Musique-Musicologie », Centre de Musique Baroque de Versailles). ISBN 2-87009-810-3 et 2-87009-8141-1
Gérard MORISSE
Les travaux de Laurent Guillo sur l’histoire de l’édition musicale sont bien connus et leur sérieux est vivement apprécié tant des musicologues que des historiens du livre. Mais avec l’ouvrage qu’il vient de mener à son terme, un sommet de ce qui peut être réalisé en la matière semble atteint. L’auteur portait ce projet depuis bien des années déjà, sans se laisser décourager par l’énormité de la tâche :
La famille Ballard a tenu, et de loin, le premier rang dans l’édition musicale française sous l’Ancien Régime. (…) Cette lignée d’imprimeurs a perpétué son activité du milieu du XVIe siècle au début du XIXe…
L’atelier a été créé en 1551 à Paris par l’imprimeur Robert Ballard, associé au luthiste Adrian Le Roy. Il était implanté rue Saint-Jean-de-Beauvais, non loin de la Sorbonne, dans le quartier où travaillaient la plupart des imprimeurs et des libraires. La production des débuts de l’atelier, du temps de Robert Ballard et Adrian Le Roy (1551-1598), ayant fait l’objet d’une publication voici près de cinquante ans déjà par François Lesure et Geneviève Thibault, Laurent Guillo a choisi de faire porter son étude sur la production de leurs premiers successeurs : Pierre Ballard (1599-1639), le fils de Robert, puis le fils de ce dernier, Robert III (1639-1673). Durant ces trois quarts de siècle l’atelier a bénéficié d’une absence presque totale de concurrence, ce qui laisse présager l’importance de leur production. Pour rendre pleinement compte de cette activité foisonnante, plus de 1500 pages, dans un format in-quarto, ont été nécessaires.
L’étude globale de la production fait l’objet du premier volume, le second étant réservé à son inventaire.
Après l’historique, en une centaine de pages, de la maison Ballard, des familles qui la dirigèrent, de leurs propriétés et de leur fortune sous forme de rentes, l’auteur dresse le répertoire de la production durant les années 1580 à 1673 et analyse son évolution. Les Ballard ont publié principalement de la musique religieuse, des traités et des méthodes de musique, des chansons et airs de cour, des livrets de ballet et d’opéra. L’importance de l’atelier était relativement modeste, avec seulement trois presses en général, mais son organisation rigoureuse permit un niveau d’activité élevé et permanent, avec toutefois des pics aux alentours de 1585, 1610 et 1660. L’activité commerciale des Ballard a notamment été appréhendée à partir d’archives religieuses, comme celles de la fabrique de la cathédrale de Rouen. Comme il est logique, l’auteur s’est ensuite longuement attaché à l’étude (dans laquelle il excelle) de la typographie, de l’ornementation et de la mise en page des ouvrages publiés. Puis, après le détail, sur près de trente pages, des références bibliographiques, est proposée une analyse de près de trois cents actes privés relatifs à la famille Ballard, allant de 1546 à 1765. Les quatre cents dernières pages du premier volume donnent la liste des éditions décrites, des incipit français, puis latins et étrangers (par ordre alphabétique, bien entendu, avec indication de l’auteur, du compositeur, du nombre de volumes et du code de classement de l’ouvrage contenant ledit incipit), l’index des pièces instrumentales et, enfin, celui des noms de personnes et d’œuvres. Les listes d’incipit sont le fruit d’un travail colossal mais du plus grand intérêt pour la recherche musicale.
L’inventaire des éditions de Pierre I Ballard et de Robert III Ballard couvre la totalité du second volume. Chaque exposé d’ouvrage comprend le titre complet, la liste des pièces liminaires, les incipit, la description détaillée du volume, les localisations, les références et des notes (notamment les restitutions modernes). Les localisations d’ouvrages ont été recherchées dans quelque trois cents bibliothèques, dont un certain nombre dépendant d’institutions religieuses, d’accès souvent difficile. Notons, pages 801-811, un relevé des papiers à musique imprimés par la maison Ballard.
Ce travail, très sérieux et complet, comme tous ceux proposés par l’auteur, servira longtemps de référence pour la connaissance de l’une des périodes les plus riches en matière d’édition musicale. Il est servi par une impression de grande qualité ; seule réserve peut-être : les illustrations, que nous aurions par ailleurs souhaité un peu plus nombreuses, auraient gagné en lisibilité à être reproduites par numérisation plutôt que par photographie. Mais ce petit détail, tout personnel en somme, ne saurait en aucune manière altérer l’intérêt de ce volumineux ouvrage, que nous ne saurions trop recommander tant aux amateurs de musique ancienne qu’aux responsables du département musique des bibliothèques publiques.