Homère chez Calvin. Figures de l’hellénisme à Genève. Mélanges Olivier Reverdin
Genève, Droz (et Association Hellas et Roma), 2000, 453 p., ill. ISBN 2-600-00473-4
Gérard MORISSE
Avant même sa prise en mains, voici un livre qui impose le respect, par la qualité de sa présentation, la réflexion et la curiosité, par le côté en apparence quelque peu surprenant de son titre qui évoque tout à la fois l’antiquité et le protestantisme, l’humanisme en somme.
À Genève, au Collège comme à l’Académie (et de nos jours à l’Université), les poèmes homériques sont lus et relus génération après génération. Et c’est à Calvin qu’Homère le doit ! (…) Ce qui justifie le titre que nous avons donné à notre exposition !
précise Olivier Reverdin au début du texte (pp. 33-34). L’ouvrage est en effet l’interpénétration de deux présentations d’un même thème, quelque peu originale certes, mais imposée par les événements et qui apparaît à la consultation, somme toute, tellement naturelle. Le livre comporte en première partie le catalogue d’une exposition qui s’est tenue à Genève à la fin de l’année 2000-début 2001, organisée conjointement par le Musée d’art et d’histoire et par l’Association Hellas et Roma (que présidait Olivier Reverdin), sous le titre « Homère chez Calvin. Figures de l’hellénisme à Genève ». Ce catalogue a été en partie rédigé par l’initiateur du projet, éminent helléniste, homme politique, chef d’entreprise et homme d’action dont la renommée est connue de tous. Malheureusement, la mort ne lui a pas laissé le plaisir de voir la réalisation de ce travail qui lui tenait tant à cœur : plusieurs de ses amis, collègues et élèves ont aussitôt voulu lui rendre hommage, de sorte que la seconde partie de l’ouvrage est logiquement constituée des textes qu’ils ont rédigés sur ce même thème.
La première partie (pp. 27-270), sur les Figures de l’hellénisme à Genève, est somptueuse. Plus qu’un catalogue, il s’agit à la fois d’un ouvrage d’art et d’un livre d’histoire illustré, qui se lit on ne peut plus agréablement, mais aussi se parcourt et se feuillette dans tous les sens, facilitant à la fois le plaisir et le régal des yeux du lecteur, et les recherches impatientes de l’érudit, rendues concrètes par le nombre, la diversité et la qualité des reproductions. Les objets présentés, mais aussi analysés dans le contexte de cette fascination exercée par les épopées d’Homère sur les éditeurs et sur les lecteurs genevois et européens du temps de la Réforme, sont principalement de deux sortes : d’une part la remarquable collection d’Olivier Reverdin d’éditions princeps de textes grecs parus à Genève au XVIe siècle (provenant principalement, bien sûr, de l’atelier des Estienne), et de l’autre, des œuvres antiques (surtout des vases historiés) illustrant les thèmes homériques, propriété du Musée d’art et d’histoire et de l’Association Hellas et Roma. L’ensemble est complété par une suite de gravures relatives à l’Antiquité, ainsi que par des médailles et portraits de personnalités genevoises du XVIe siècle.
Outre les premières notes bio-bibliographiques recueillies sur Olivier Reverdin et la présentation des diverses facettes de l’homme par plusieurs personnalités politiques, dix-sept études scientifiques (la plupart également illustrées) complètent les Mélanges Olivier Reverdin, formant la seconde partie de l’ouvrage (pp. 272-452). S’il n’est hélas, comme toujours, possible de ne présenter ici en ces quelques lignes que leurs titres, nous espérons du moins que leur simple énumération donnera envie d’aller au-delà : Jacques Bompaire, « Le sentiment de la nature dans la littérature grecque au siècle des Antonins. Le cas de Lucien, observateur de la nature » ; Dietrich von Bothmer, « The quest for Lykaon, son of Ares and Pyrene » ; Bertrand Bouvier, « Sur la paraphrase de l’Iliade contenue dans le Genavensis graecus 44 » ; Herbert A. Cahn, « Schöpfung oder Kopie ? Gedanken zur griechischen Münzkunst » ; Jean-Paul Descœudres, « Les dauphins de Dionysos » ; Alain Dufour, « Bèze helléniste » ; Olivier Fatio, « Lecture des Pères de l’Église par un calviniste, membre de la République des Lettres » [Louis Tronchin] ; Eric W. Handley, « Design for blackmail : a fragment of new comedy » ; un article intéressant plus pleinement encore l’histoire du livre est celui de Jacques Jouanna, « Sur les éditions d’Hippocrate au XVIe siècle, les notes marginales de Janus Cornarius dans l’Aldine de Göttingen d’Hippocrate et leur importance pour l’établissement du texte des Épidémies V et VII »; Minos Kokolakis, « Men are like leaves : a Simile of human life and behaviour »; Gianfranco Maddoli, « Andate e ritorni nell’interpretazione delle tradizioni sui Nostoi in Occidente » ; Jean-Jacques Maffre, « Une nouvelle représentation de la fuite d’Enée et d’Anchise à la fin de la guerre de Troie » ; Domenico Musti, « L’automatismo in Omero. Note sulla decorazione dello scudo d’Achille »; Giuseppe Nenci, « Osservazioni sulle origini della scrittura bustrofedica » ; Aldo L. Prosdocimi, « Deltos oltre o con kyrbis e axon » ; Jean Rudhardt, « Considérations sur la notion de sebas » ; Nicolas Yalouris, « The cultural and intellectual dimension of ancient Elis and Olympia ».
Cette énumération, destinée d’abord à rendre hommage aux différents auteurs, montre également combien cet ouvrage, digne de figurer dans toute bibliothèque par ses qualités de toute nature, peut intéresser une grande diversité de passionnés de l’humanisme et de l’Antiquité. Quant à tous les lecteurs qui s’intéressent plus spécialement à l’histoire du livre, la reproduction des pages de titre et la présentation des ouvrages grecs sortis au XVIe siècle des presses genevoises méritent à elles seules toute leur attention, le reste venant par surcroît.