Book Title

De l’histoire de la Bibliothèque nationale de Hongrie

István MONOK

Directeur général de la Bibliothèque nationale de Hongrie, professeur à l’université de Szeged

Un examen attentif des origines de la Bibliothèque nationale de Hongrie ne peut se faire qu’en gardant un fait en mémoire : la mise sur pied d’une telle collection, comparable, du point de vue de la richesse de son matériau, de la nouveauté des tendances intellectuelles représentées et de l’influence exercée sur l’environnement, à celles des princes électeurs allemands ou des souverains européens, était impossible dans la région du bassin des Carpates aux XVIe-XVIIe siècles. En revanche, certains membres des familles aristocratiques hongroises peuvent certainement être comparés, par l’étendue de leurs lectures, à leurs pairs européens.

Il est également important de souligner que les membres de l’aristocratie et de l’Église n’étaient pas, en Hongrie, en position de pouvoir décider à leur guise de leur mode de vie ni de l’orientation des collections de livres qu’ils désiraient monter. En effet, les possibilités d’achat de livres étaient extrêmement restreintes : les livres produits sur place étaient peu nombreux, et le commerce de librairie n’en était qu’à ses débuts. Seuls quelques noms de marchands de Haute Hongrie et de Transylvanie s’occupant également de commerce de livres nous sont connus, mais leur activité avait principalement pour cible le public bourgeois des villes. Les agents des maisons de librairie étrangères (principalement celles de Vienne, d’Allemagne du sud ou d’Italie du nord) en contact régulier avec les familles aristocratiques hongroises ne se heurtent donc à aucune concurrence réelle. Quant aux étudiants envoyés en « Europe » aux frais de certaines familles, ils accroissent effectivement les bibliothèques familiales, ce qui fait partie de leur fonction, mais y apportent aussi la marque de leur goût, de la direction de leurs études et de l’étendue et du caractère de leur culture. Cet état de choses ne change fondamentalement que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et l’évolution dure jusqu’à l’époque du compromis austro-hongrois (1867) : cette époque voit le développement en Hongrie d’un commerce du livre organisé comparable à celui des pays d’Europe occidentale.

Il n’existe pas encore, dans la Hongrie des XVIe-XVIIe siècles, de bibliothèque privée qui remplisse la fonction de représentation des bibliothèques de cour et de château au XVIIIe siècle. Un changement dans les habitudes « livresques » des membres de l’aristocratie hongroise vivant à la cour impériale de Vienne peut en effet s’observer dans la seconde moitié du XVIIe siècle, lorsqu’un certain nombre de nobles commencent à réunir des livres non plus pour leur seul contenu, mais également par goût de la collection. Dans le même temps, sauf en Transylvanie, la bibliothèque aristocratique tend à se refermer sur elle-même, et à n’être plus si facilement disponible pour tous ceux qui gravitent autour de la cour princière, comme notamment ecclésiastiques et professeurs : on pense ici à la bibliothèque de Ferenc Nádasdy (1623-1671) à Pottendorf, ou à celles de Pál Esterházy (1635-1713) à Kismarton et Fraknó.

Sous le règne de la maison de Habsbourg, les possibilités économiques et l’espace politique du royaume de Hongrie étaient d’abord déterminés par le fait que c’est sous la direction d’un souverain étranger que la Hongrie réussit à se libérer du joug turc. Mais, sous les règnes de Charles III, Marie-Thérèse, Joseph II, François Ier et Ferdinand IV (1711-1849), les intérêts impériaux repoussent de plus en plus les intérêts hongrois à l’arrière-plan : les tensions qui s’ensuivent mèneront finalement, en 1848-1849, à l’explosion d’une lutte violente pour l’indépendance. Au cours du XVIIIe siècle, les aspirations séparatistes, la conscience d’une identité culturelle et le réseau d’institutions culturelles (écoles, bibliothèques et imprimeries) des nationalités vivant dans le bassin des Carpates se renforcent progressivement. Puis, dans la première moitié du XIXe siècle, les mouvements d’abord culturels, prennent un profil politique de plus en plus marqué : ce seront eux qui mettront en œuvre, au tournant des XIXe-XXe siècles (1867-1914), la séparation de la Hongrie et de l’empire Habsbourg.

La caractéristique la plus importante de l’histoire religieuse du siècle ouvert par l’expulsion des Turcs de Hongrie réside dans le fait que, soutenue par l’État, l’Église catholique récupère rapidement ses positions dans les domaines religieux, économique et politique, et dans tous les domaines de la vie culturelle. Les deux archevêchés (Kalocsa et Esztergom) reconstruisent d’abord le réseau des évêchés médiévaux : le dernier tiers du XVIIIe siècle verra la création d’une série de nouveaux sièges épiscopaux avant la création, en 1804, de l’archevêché d’Eger (Erlau). Le caractère des attaques subies par les églises protestantes change à la fin du XVIIe siècle : bien qu’aucune persécution n’ait lieu à proprement parler, le bon fonctionnement des églises est cependant empêché par de nombreux moyens. Du point de vue culturel, et donc de l’histoire des bibliothèques et de la lecture en général, le point le plus important est la difficulté de renouvellement de l’intelligentsia protestante, principalement du côté du clergé. La marge d’action des familles aristocratiques protestantes se limite considérablement, tandis que leur influence dans la vie politique et économique diminue. Ceci signifie que leur situation économique ne suffit généralement plus pour créer de vastes collections de livres. La place des Églises grecques uniate et orthodoxe touche en fait à la politique des nationalités de la maison de Habsbourg, politique facilitée par le fait que la plupart des membres de ces communautés étaient des roumains ou des serbes, et que l’on résumera sommairement par la formule divide et impera.

Les bibliothèques épiscopales et archiépiscopales forment depuis toujours l’épine dorsale du réseau des collections institutionnelles. Au cours du XVIIIe siècle, les plus anciennes – Esztergom, Kalocsa, Pécs, Eger, Gyulafehérvár, Györ, Vác et Veszprém – se renforcent, et de nouvelles se créent à Szombathely et Székesfehérvár. Aux XVIIIe et XIXe siècles se met donc en place la structure du réseau de bibliothèques qui fonctionne encore aujourd’hui : après l’expulsion des Turcs, les diverses Églises créent des bibliothèques dans le cadre de leur système d’institutions culturelles, et les organismes culturels laïcs organisent d’abord leurs bibliothèques autour des bibliothèques ecclésiastiques. Collectionner des livres devient une nouvelle habitude dans les cercles de l’aristocratie et, de façon générale, l’histoire du livre et de la lecture enregistre des changements fondamentaux au tournant des XVIIe-XVIIIe siècles : les couches sociales qui existent alors en Hongrie, comme dans d’autres régions excentrées, ne peuvent pas suivre les changements qui s’effectuent dans les pays de l’Europe occidentale. Les fonds disponibles dans les bibliothèques (celles de certaines familles aristocratiques mises à part) sont dépassés, tandis que l’on se trouve dans l’impossibilité de suivre l’offre existant sur le marché du livre européen : ce phénomène a des conséquences sur l’éventail des lectures de la bourgeoisie de langue hongroise et de la petite et moyenne noblesse.

Seul le renforcement de la bourgeoisie urbaine au début du XIXe siècle sera à l’origine de la création d’une série d’institutions culturelles laïques (casinos, académies, cercles de lecture, etc.). L’État lui-même, à travers les réformes de Marie-Thérèse et de Joseph II (1740-1790), encourage le développement d’une vie culturelle et d’un système éducatif moins dépendants des Églises, et la création de bibliothèques laïques. Les bibliothèques les plus importantes du point de vue du développement de la collection et de la bibliophilie sont celles appartenant à des scientifiques ou à des aristocrates : nous conservons des catalogues et des descriptions détaillées de la plupart de ces bibliothèques aristocratiques, qui sont souvent devenues des institutions publiques. La Teleki-téka fondée en 1803 par Sámuel Teleki (1721-1822), fonctionne encore aujourd’hui comme bibliothèque centrale pour la population transylvaine de langue hongroise. On citera encore la Bibliothèque nationale des Saxons de Transylvanie, créée sur la base de la collection privée de Sámuel Brukenthal (1721-1803) en 1803. D’autres grandes bibliothèques familiales sont devenues des institutions publiques, ou s’y sont trouvées intégrées : la bibliothèque de József Teleki et de son épouse Kata Bethlen a enrichi les fonds du Collège réformé de Nagyenyed (1759), tandis que la collection des Festetics intégre la bibliothèque du Georgicon (à partir de 1797). József Teleki a fondé la bibliothèque de l’Académie hongroise des sciences (1826), la bibliothèque des Ráday à Pécel a été transférée à l’Académie théologique réformée (1862), etc.

La situation des personnalités scientifiques du XVIIIe siècle est évidemment devenue plus favorable : le commerce du livre est mieux organisé, tandis que les tentatives se multiplient pour créer une académie ou une « société des sciences »: la fondation, en 1828, de l’Académie hongroise des sciences constituera leur aboutissement. On peut dire que pratiquement toutes les bibliothèques des grands intellectuels ont enrichi l’une ou l’autre des bibliothèques publiques et, à partir du début du XIXe siècle, la Bibliothèque nationale ou celle de l’Académie des sciences. Ce phénomène démontre aussi combien ces personnalités ont contribué au développement culturel de la Hongrie de façon consciente et responsable. L’idée de la fondation d’une Bibliothèque nationale hongroise est née au sein de la société scientifique parallèlement à celle de la création d’une Académie des sciences, lorsque les familles aristocratiques prennent naturellement en charge la tâche qui serait celle d’un souverain « national ».

Le comte Ferenc Széchényi (1754-1820) est issu de l’une des familles les plus riches du pays, dont les domaines sont pour l’essentiel situés en Hongrie occidentale. Széchényi se destine à une carrière politique : après des études au Theresianum de Vienne, il effectue un voyage d’études de deux ans en Europe, durant lequel il visite la Bohême et les États allemands, la Hollande, l’Angleterre et l’Italie. À son retour, il fonde deux bibliothèques, l’une à Sopronhorpács et l’autre au château de Nagycenk. Ses bibliothécaires privés sont József Hajnóczy (1750-1795), puis Mihály Tibolth (1765-1833). En 1802, il offre de transformer en Bibliothèque nationale (Bibliotheca Regnicolaris) sa bibliothèque personnelle, et reçoit l’autorisation impériale pour ce faire le 26 novembre 1802. L’édition du catalogue de la bibliothèque est commencée en 1799, des suppléments sont imprimés en 1803 et 1807. Après la fondation de 1802, Széchényi poursuivra l’accroissement de la collection, qui comptera à sa mort plus de vingt mille documents dont six mille cartes. Son but est double : d’une part réunir les documents d’auteurs hongrois ou relatifs à la Hongrie, de l’autre, mettre à la disposition des intellectuels et hommes de sciences hongrois les ouvrages nécessaires pour la connaissance des travaux européens de l’époque.

Plusieurs grands aristocrates et savants suivent son exemple, et enrichissent la collection de dons parfois considérables. L’ancêtre du comte István Illésházy (1762-1838) avait reçu ses lettres de noblesse au XVIe siècle. La bibliothèque Illésházy, assemblée au château de Trencsén et cataloguée en 1603, témoigne de son amour des livres. Lorsqu’il perd ses biens et ses faveurs auprès de l’empereur pour s’être opposé à ce dernier, sa famille est obligée de reprendre le processus à zéro. Les liens de sang entre les Illésházy et les Thurzó leur sont de grand secours dans cette entreprise, étant donné que György Thurzó (1567-1616) remplit la fonction de palatin (vice-roi) de Hongrie dans la première moitié du XVIIe siècle. La famille Illésházy établit sa résidence principale à Dubnic (comitat de Trencsén), où la bibliothèque familiale est augmentée de génération en génération : en 1792, on dénombre huit mille volumes à l’occasion d’un réaménagement de la bibliothèque.

István Illésházy décide en 1835 d’enrichir la Bibliothèque nationale hongroise en faisant don de sa collection à la nation, collection qui présente ceci de particulier, qu’elle a été constituée en Hongrie même et est le fruit d’une quête constante depuis le XVIIe siècle (elle n’a pas été acquise à une vente aux enchères, ni grossie par des héritages importants). Ses éléments les plus remarquables proviennent de la bibliothèque du palatin György Thurzó (1567-1616) : mentionnons ici le De re uxoria (= De la vie conjugale) de Francesco Barbaro, ou encore l’œuvre de Pietro Ransano écrite à l’intention de Mátyás Hunyadi (Mathias Corvin), mais que son auteur ramène avec lui à Naples à la mort du roi (1490). Ce Codex Ransanus entre dans la possession de György Thurzó après avoir passé par les mains de plusieurs propriétaires au cours du XVIe siècle, jusqu’à Gáspár Illésházy (1593-1648). À la fin du XVIIIe siècle, il sera acquis par Miklós Jankovich, qui vendra par la suite ses livres à la Bibliothèque nationale.

Miklós Jankovich (1772-1846) réunit une collection déjà considérable dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, dans la maison de son père à Pest, mais c’est son fils qui s’engage dans des acquisitions proprement bibliophiliques. Il porte en particulier un grand intérêt pour l’histoire hongroise, son enthousiasme, qui frôle la monomanie, mettant même les finances de sa famille en péril. Sa première acquisition importante est la bibliothèque d’un historien établi de Pest, Carolus Wagner. Puis il achète une partie des fonds de médecins, juristes, ecclésiastiques de diverses confessions ou propriétaires terriens. Au cours de ces achats passionnés, il s’efforce d’acquérir les publications les plus rares, et surtout les manuscrits d’« œuvres-sources » inédites de l’histoire hongroise ou ayant trait à l’histoire culturelle en général. Il possède ainsi le testament original de Martin Luther (provenant de la succesion de Johann Benedikt Carpzov), mais aussi plusieurs Corvina, dont le Codex Ransanus provenant de la bibliothèque Illésházy et la biographie d’Alexandre le Grand par Curtius Rufus. Jankovich est l’auteur de la bibliographie des livres parus en Hongrie avant 1830, restée cependant inédite. En 1824, il offre à la Bibliothèque nationale l’achat de sa collection pour les deux-tiers de sa valeur réelle, mais la transaction n’a lieu qu’en 1832 : ses achats continuels ont épuisé les finances familiales, qui ne peuvent être rétablies que par la vente de la collection. Mais la passion reprend aussitôt le dessus, et il se remet à collectionner des livres pour monter une nouvelle bibliothèque. Il fait cependant faillite en 1844 et, frappé d’interdiction, tente de vendre sa nouvelle collection à la Bibliothèque nationale. Sa famille se verra obligée de la vendre petit à petit, avant de procéder à une vente aux enchères publique finale en 1852.

La Bibliothèque nationale Széchényi constitue d’abord l’un des éléments du Musée National : la loi sur le Musée national, en 1808, définit la Bibliothèque comme celle du Musée National, de sorte que les deux institutions ont une histoire commune jusqu’en 1949. Les collections sont installées dans des locaux mieux adaptés en 1846, sur le Múzeum körút (boulevard du Musée).

La bibliothèque est confiée, sous l’autorité du directeur du Musée, à un « garde de la bibliothèque ». Les gardes de la bibliothèque – nommés directeurs plus tard – sont choisis parmi les personnalités éminentes de la vie scientifique hongroise dont le travail apparaît lié à l’enrichissement de la collection. Le juriste Jakab Ferdinánd Miller (1803-1815) est l’auteur d’un travail important sur l’organisation et le fonctionnement de la Bibliothèque ainsi que sur le règlement du Musée national. L’historien István Horváth (1815-1846) mène à bonne fin les premiers grands achats de la Bibliothèque, mais c’est sous sa gestion que celle-ci subit la grande inondation de Pest (1838). Les livres de la Bibliothèque sont déménagés dans le nouveau bâtiment sous la direction du musicologue Gábor Mártay (1846-1875), mais la Bibliothèque ne peut plus accueillir de lecteurs entre 1838 et 1866. Le premier département propre de la Bibliothèque, celui des Manuscrits, est créé en 1860, puis celui des Imprimés anciens (XVe-XVIIe siècles) en 1865.

Pendant le mandat de József Eötvös au Ministère de la Culture, la Bibliothèque est investie d’un rôle important dans la politique culturelle, sa fonction s’étend, et un grand poids est mis, à côté de l’acquisition et de la conservation de documents ayant rapport à la Hongrie, sur le travail de recherche et sur le dépouillement scientifique du matériau rassemblé. Les nouveaux directeurs, l’évêque et historien Vilmos Fraknói (1875-1879), l’historien et archéologue Béla Majláth (1879-1893), l’historien de la littérature et bibliographe József Szinnyei (1893-1894) et l’historien László Fejérpataky (1894-1919) travaillent à son agrandissement, à son ouverture à un public plus vaste et à l’approfondissement du travail scientifique qui y est poursuivi. Fraknói fonde la Revue hongroise du livre (1876), l’une des plus anciennes revues spécialisées dans le domaine de l’histoire du livre. À la fin de son mandat de directeur, il réussit à faire inscrire par l’Assemblée nationale le budget de la Bibliothèque dans le cadre du budget général de l’État. Durant son bref mandat, Szinnyei organise la création du département des Périodiques (1884), lequel, avec plus de trois cent trente mille unités, constitue une source historique primordiale. Sous la direction de Fejérpataky, en 1897, le système du dépôt légal des imprimés est introduit en Hongrie, qui garantit dès lors la conservation de toute la production imprimée du pays. C’est également sous sa direction que la collection de livres anciens de Gyula Todoreszku et son épouse Aranka Horváth (collection privée la plus riche de l’époque) est offerte à la Bibliothèque.

La donation importante suivante est la collection de livres présentant un lien avec la Hongrie et publiés à l’étranger de Sándor Apponyi – l’une des collections les plus considérables jusqu’à aujourd’hui : elle est intégrée à la Bibliothèque nationale en 1925, sous la direction d’Imre Lukinich (1924-1929). Le département de la musique est organisé un an plus tôt, en 1924. Une modification de l’arrêté sur le dépôt légal des imprimés est obtenue en 1929, ce qui permet la mise sur pied d’une politique d’accroissement plus structurée sous la direction du linguiste Emil Jakubovich (1929-1934) et de József Fitz (1934-1945). L’un des résultats de ce changement fut la formation des départements des Estampes (1935), puis des Cartes géographiques (1939). Le dépouillement des documents est également adapté aux normes internationales, et la Bibliothèque devient alors capable d’offrir les services réguliers et planifiés caractérisant les services bibliothéconomiques modernes.

La Bibliothèque nationale Széchényi devient une institution indépendante en 1949, et le domaine de ses tâches s’élargit alors considérablement. Le fonds des imprimés, comprenant désormais les livres parus depuis 1601 et ceux publiés en Hongrie après 1712, s’accroît de façon rapide à la suite des modifications des arrêtés concernant le dépôt légal. De nombreux dons et l’achat de collections importantes contribuent grandement à ce développement : les bibliothèques de János Batsányi, Sándor Kisfaludy, Lajos Kossuth, Imre Madách ou Miklós Zsirai forment une documentation inestimable non seulement sur ces différentes personnalités, mais aussi pour la connaissance de la culture du milieu intellectuel hongrois des XVIIIe-XXe siècles. Le fonds de livres imprimés compte aujourd’hui deux millions et demi d’unités.

Le département d’Histoire du théâtre est créé en 1949, et son cadre réglementaire établi en 1952. Celui des Microfilms, créé alors, assure aujourd’hui, avec ses cent millions et plus de clichés, l’accès au public de documents déclarés protégés sous leur forme originale. La restauration, en tant qu’activité indépendante de la Bibliothèque, est introduite en 1964, et la Bibliothèque possède aujourd’hui l’une des meilleures équipes de restaurateurs spécialisés au monde. Créé en 1986, le département des « Interviews historiques » rassemble films documentaires et reportages d’actualité télévisés réalisés en Hongrie ou ayant rapport avec la Hongrie. La valeur historique des entretiens avec des personnalités de la vie culturelle, scientifique, politique et économique hongroise est inestimable et acquiert une importance grandissante pour la recherche historique. C’est également ce département qui est responsable de la collecte et du dépouillement des films et cassettes vidéo. Le dernier département de la Bibliothèque a vu le jour en 2000 : il s’agit du département d’Art photographique contemporain, qui possède également une dimension artistique certaine.

À partir de 1953 est lancée la nouvelle série des bibliographies nationales hongroises, établies selon les normes modernes et régulièrement poursuivies. La Bibliothèque est l’un des centres et des organisateurs principaux du système de documentation et d’information développé en Hongrie durant les cinquante dernières années. Elle donne une attention toute particulière au dépouillement, à l’enregistrement bibliographique et évidemment à l’acquisition de documents en rapport avec la Hongrie mais publiés hors du pays. À la suite de la nationalisation des bibliothèques ecclésiastiques et aristocratiques (1949-1952), la Bibliothèque nationale a reçu la charge de les conserver : elles ont été ensuite restituées à leurs propriétaires d’origine ou aux successeurs de ceux-ci, ou bien fonctionnent en tant que bibliothèques indépendantes, comme par exemple avec les Cisterciens de Zirc, les Franciscains de Gyöngyös ou l’Helikon à Keszthely. Le Centre de méthodologie et de science du livre a été créé en 1952 à la Bibliothèque nationale. Après réorganisation, il fonctionne depuis l’an 2000 sous le nom d’Institut de la Bibliothèque, et sa collection de bibliothéconomie et d’histoire du livre est l’une des plus importantes d’Europe : elle apporte l’arrière-plan du travail d’aide et de soutien effectué par l’Institut au sein du réseau des bibliothèques hongroises.

La Bibliothèque nationale Széchényi a été transférée dans son siège actuel du Palais royal de Buda en 1985, mais même ce bâtiment somptueux s’avère trop petit pour l’accueillir. Les problèmes de stockage ne sont pas résolus par le développement informatique lancé durant les années 1970, et accéléré durant les années 1990. L’enregistrement bibliographique national et les catalogues de la Bibliothèque sont aujourd’hui pour l’essentiel accessibles à distance. La Bibliothèque électronique hongroise, qui rend accessibles sur internet les œuvres littéraires et scientifiques hongroises, est devenue une unité organique de la Bibliothèque nationale en 1999. Celle-ci abrite également à partir de 2002 le programme de catalogage commun des bibliothèques hongroises. Enfin, la Bibliothèque nationale s’impose comme un membre actif de la communauté internationale des bibliothèques ainsi que des organismes professionnels de bibliothécaires. Attentive à son histoire et à sa tradition, elle met toujours un point d’honneur à être présente en tant qu’institution aux réunions et congrès spécialisés dans la recherche dans le domaine de l’histoire du livre et des bibliothèques1.

Le comte Ferenc Széchényi (1754-1820), portrait d’apparat par Johann Ender, 1823 (Bibliothèque nationale de Hongrie, Budapest).

Catalogus bibliothecae hungaricae Francisci com[itis] Széchényi (I : Scriptores hungaros et rerum hungaricarum typis editos complexus, pars I : A-L), Sopron, typis Siessianis, 1799.

Le Musée national de Hongrie en 1846 (à l’époque, le Musée national comprend également la Bibliothèque nationale comme l’un de ses départements).

Magyar Könyv-Szemle… [= Revue hongroise des livres], 1re année, Budapest, Tudományos Akadémia Könivkiadò Hivatala, 1876.

Portrait du comte Sândor (Alexandre) Apponyi.

Vue de la bibliothèque de Keszthely.

Ex libris du comte Széchényi, Pest, 1874.

____________

1 Signalons l’article de Gábor Farkas Farkas : « Il fondo antico della Biblioteca dell’Università Eötvös Lóránd di Budapest (1561-1635) », dans La Bibliofilia, 2003, CV, 1, pp. 49-76.