Le cinquecentine della Biblioteca del Convento della Verna, Éd. Chiara RAZZOLINI et Chiara CAUZZI
Florence : Olschki (coll. « Istituto di Studi Italiani. Università della Svizzera Italiana. Biblioteca » ; 4). 502 p., ill. (ISBN 978-88-222-6594-4)
À l’heure du numérique et de la supposée dématérialisation des bibliothèques, les catalogues imprimés n’arrêtent pourtant pas de paraître. On imprime désormais des bases de données que l’on choisit de mettre en livre, de passer sur papier, et pas uniquement pour des raisons de stratégie bibliométrique ou académique. Si les fiches ou les notices informatisées facilitent le repérage d’une édition et la lecture ponctuelle, le livre imprimé demeure incontournable pour d’autres usages, comme la comparaison ou la synthèse. La conjoncture parait exiger à présent de la part des auteurs d’expliquer les raisons de leur choix – et à la rédactrice des comptes rendus de le signaler. Souvent les catalogues imprimés offrent quelques mots préliminaires à ce sujet. Dans sa préface à GLN 15-1615, le regretté Jean-François Gilmont avouait son souhait de laisser trace de l’état de l’art d’une base bibliographique immatérielle à un moment donné. À la Verna, le catalogue en ligne16 des éditions du xvie siècle, source du présent volume, inclus dans les réseaux des catalogues collectifs national SBN et régional SDIAF, est le premier à avoir été achevé après celui des manuscrits, dans l’intention de rendre possible l’étude de l’ensemble des collections et de contribuer à l’histoire de la bibliothèque et du sanctuaire.
Pourtant, la position reculée des établissements religieux et le nombre décroissant des frères (et des lecteurs) favorisent l’absence de catalogues modernes et d’inventaires exhaustifs même en présence de collections remarquables pour l’histoire locale, et pour l’histoire de l’ordre, des bibliothèques et de la circulation des livres. Et l’on doit souvent au dévouement et à la passion de quelques-uns le maintien ou le rétablissement des conditions de préservation et de consultation de fonds aujourd’hui méconnus.
Chez les ordres mendiants, la présence d’une bibliothèque se heurte à l’exigence de pauvreté et au refus de la propriété, voire à la méfiance à l’encontre des attraits mondains. Cependant François d’Assise recommande de recueillir et conserver convenablement les textes sacrés, et les besoins de la prédication exigent la disponibilité de livres et de lieux d’étude. La Verna accueille des novices en formation, d’où la nécessité d’une bibliothèque. La formule « Hic liber est ad usum » qu’on lit sur plusieurs volumes indique une propriété commune et un usage temporaire de la part des individus. Ces prémisses ont donné lieu à une collection généraliste, constituée de textes sacrés, de théologie, de recueils de sermons accompagnés de quelques ouvrages professionnels (droit, médecine), historiques, littéraires et profanes. On remarque la production d’imprimeurs humanistes pour les classiques de l’Antiquité, tels Josse Bade et Sébastien Gryphe, voire Jean Froben pour les Opera omnia de saint Augustin édités par Érasme en 1529, dont un seul volume est conservé. Les lieux d’impression des éditions nous montrent un monde qui n’a rien de provincial ni d’isolé, sans pourtant trop céder à la beauté typographique (modestie oblige). Les livres viennent des centres majeurs de la production internationale du siècle : derrière Lyon, Paris et Venise (149 éditions), on note aussi les hauts lieux de l’édition allemande (Cologne), suisse (Bâle) ou flamande (Anvers), et la présence de l’Espagne. Par contre les centres toscans en particulier, et les autres villes italiennes, sont sous-représentés.
La relative modestie du corpus a permis des descriptions pointues et vérifiées sur nombre de répertoires et de sources catalographiques (notamment EDIT16). On a prêté une attention particulière aux exemplaires et à leur circulation. Le signalement des variantes, reliures, anciennes cotes, ex-libris et marques de lecture ou de censure représente parfois la moitié d’une notice, et constitue l’essentiel des soixante-deux illustrations. Les possesseurs du xvie et du xviie siècles ont souvent des charges importantes dans la hiérarchie du couvent, de l’ordre, ou en cour. Quelques ensembles proviennent d’autres communautés : au xxe siècle on a centralisé à la Verna le stockage de livres anciens issus de plusieurs couvents, pour des raisons de préservation. Des tables détaillées des imprimeurs-libraires, des lieux et des provenances complètent fort bien le volume. On repère donc aisément, par exemple, la liste des livres de Joseph de Pieve di Santo Stefano, probable bibliothécaire, petite collection de vingt volumes surtout des années 1560-1580, comprenant des sermons, textes sacrés avec commentaires, ouvrages de référence et manuels de théologie, complétés par un livre de proverbes en italien. Une table fort utile des auteurs secondaires aiguise l’appétit bibliographique du lecteur. On en aurait encore mieux profité si le rôle de chaque auteur secondaire avait été spécifié (commentateur, traducteur, auteur d’un texte ajouté ou des pièces liminaires si essentielles à l’histoire du livre, etc.). Quelques présentations statistiques, des éditions par lieu et par imprimeur, ou par décennies, auraient pu être éloquentes. La comparaison des notices du catalogue avec les listes des livres des bibliothèques conventuelles rédigées lors de l’enquête menée à la fin du xvie siècle par la Congregazione dell’Indice17, paraît, d’après quelques essais que nous avons effectués, prometteuse… De fait, au moment de la conception d’un tel ouvrage, s’ouvre le large éventail des possibilités de traitement et d’exploitation des données issues des bases automatisées.
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