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Généalogie de l’histoire de l’enluminure du haut Moyen Âge au XIXe siècle : entre normativité classique et approche ethnique

Charlotte DENOËL

Conservatrice en chef au Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France

Une version anglaise légèrement plus étoffée de cet article est parue en juin 2020 dans le Journal of Art Historiography [en ligne : https://arthistoriography.files.wordpress.com/2020/05/denoel.pdf].

En 1817, dans son Bibliographical Decameron, le clerc et bibliographe anglais Thomas Frognall Dibdin classait les manuscrits d’origine anglo-saxonne dans une période antérieure aux « Middle Ages » qu’il appelait les « Earlier Ages ». En 1853, le célèbre amateur d’art récemment nommé conservateur du « Musée des souverains », Horace de Viel-Castel, avait recours à un découpage chronologique similaire dans sa « Notice sur la peinture des manuscrits » :

L’époque de l’art intéressante à étudier dans les manuscrits est, à notre avis, en première ligne, toute l’époque mérovingienne, l’époque carlovingienne, et sa continuation jusqu’au xiiie siècle, où disparaissent les derniers errements de l’art antique, et où commence ce que l’on est convenu d’appeler le moyen-âge, c’est-à-dire l’époque intermédiaire entre l’Antiquité et la Renaissance1.

Cette notion de temps « intermédiaires », qui s’applique à la période comprise entre la fin de l’Antiquité et le règne de saint Louis, a dominé l’érudition du xviiie siècle et de la première moitié du xixe siècle. Elle est cruciale pour saisir la place occupée par l’art des premiers siècles du Moyen Âge – et en premier lieu les manuscrits enluminés, témoins artistiques les plus remarquables de cette période – dans l’historiographie du xixe siècle2.

À partir des principales sources sur la période, telles que Tacite, Bède ou Paul Diacre, qui associaient le début du Moyen Âge aux invasions barbares et à leurs conséquences négatives supposées3, les premiers savants qui s’intéressèrent à l’art médiéval qualifièrent cette époque de « dark ages »4. Les œuvres d’art furent souvent considérées comme « barbares » ou « primitives », lorsqu’elles n’étaient pas tout simplement passées sous silence.

Les raisons de ce dédain du xixe siècle envers le temps des prétendues invasions barbares sont avant tout idéologiques et esthétiques. À l’époque de Johann Joachim Winckelmann, pour qui l’art grec était l’épitomé de la Beauté universelle, comme l’avait écrit Giorgio Vasari deux siècles plus tôt, la fascination pour le monde et l’art gréco-romain avait influencé profondément la vision des historiens de l’art qui avaient forgé le paradigme de l’art de la Renaissance à partir de la norme classique. Par conséquent, seuls les arts byzantin, carolingien et l’art gothique des xive-xvie avaient trouvé grâce à leurs yeux, puisqu’ils participaient à cette « Renaissance » en s’inscrivant dans la filiation de l’Antiquité. Les premiers siècles de la période médiévale étaient, en revanche, complètement ignorés.

Et pourtant, il aurait été logique que le haut Moyen Âge fut considéré de la même manière que les autres périodes du Moyen Âge, puisque, dès ses débuts, vers 1800, l’histoire de l’art récusa l’héritage de Winckelmann et l’universalité de la norme classique. À la place, le concept de génie des peuples mis en avant par nombre de philosophes comme Friedrich Schlegel, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, et d’autres auteurs romantiques, fut repris pour célébrer les formes issues des arts des peuples barbares qui avaient précipité la chute de Rome. En Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, ces œuvres d’art commencèrent à être considérées et classées selon leur provenance géographique et leur appartenance ethnique, ou bien raciale, car il n’y avait pas au xixe siècle de distinction entre les concepts de race, d’ethnicité, de nation, et de peuples5. Cependant, cette approche des œuvres, qui eut une influence considérable sur les sciences humaines et sociales au xixe siècle et au-delà, est demeurée soumise à une conception biologique de l’évolution des arts telle que Winckelmann l’avait conçue. Basée sur les notions d’enfance, d’adolescence et de maturité, ce paradigme évolutionniste a tantôt contribué à la marginalisation des arts du haut Moyen Âge, considéré comme une période de déclin par rapport à l’époque gothique, tantôt favorisé, paradoxalement, la défense de cet art en en faisant l’expression autochtone des peuples barbares qui, en venant régénérer l’art romain décadent, aurait contribué à façonner la civilisation européenne. Le regard porté sur l’enluminure des premiers siècles du Moyen Âge a ainsi été plus complexe et mouvant qu’il n’y paraît au premier abord.

Je me propose ici d’esquisser une généalogie des études sur le sujet au xixe siècle, en me concentrant sur les périodes du haut Moyen Âge et, dans une moindre mesure, de l’époque romane. À travers une présentation thématico-chronologique des champs d’intérêts et des méthodes d’approche des érudits, qui ont beaucoup évolué au fil de la construction des nations dans l’espace européen, mon objectif est de montrer le rôle majeur joué par les paradigmes de classicisme et d’ethnicité dans l’appréciation et l’interprétation de l’enluminure des premiers siècles du Moyen Âge6, ainsi que dans sa longue marginalisation au sein de la recherche moderne sur les manuscrits à peintures.

Antiquarianisme, histoire savante et quète des origines

Durant la première moitié du xixe siècle, les études sur les miniatures du haut Moyen Âge furent motivées par des considérations principalement d’ordre paléographique, historique et archéologique, leur iconographie fournissant des éléments pour la connaissance du passé.

Au cours des xviie et xviiie siècles, l’approche philologique dominait la recherche sur les manuscrits du haut Moyen Âge7. En France, les Mauristes, Jean Mabillon (1632-1707) et Bernard de Montfaucon (1655-1741) par exemple8, furent les premiers à s’intéresser aux manuscrits pour leur valeur documentaire. Ils furent suivis de près par les érudits allemands, comme le Bénédictin Gottfried Bessel (1672-1749)9, Coloman Sanftl (1752-1809)10 ou Christian M. Engelhardt (1775-1858)11, et par le savant anglais Joseph Strutt (1749-1802)12 qui se présentait lui-même comme l’homologue anglais de Montfaucon. Aux yeux de ces érudits, qui s’appuyaient sur les documents écrits pour faire de l’histoire une science objective, la paléographie, les textes et les images constituaient des sources précieuses pour la connaissance de l’histoire de la nation, de la culture et des mœurs. Ils considéraient que les images, en particulier, offraient une documentation visuelle sur les costumes, l’architecture, l’ornementation, le mobilier et les objets de la vie quotidienne et c’est ainsi qu’ils étaient présentés dans leurs publications savantes. Dans la préface à ses Monumens, Montfaucon indiquait très clairement que l’intérêt qu’il portait à ce « matériau grossier » était motivé par l’intérêt supérieur de la Nation13. De la même manière, dans son principal livre, A Complete View, Joseph Strutt voyait dans les manuscrits anglo-saxons des spécimens d’histoire naturelle, des symboles du patriotisme et de la continuité avec le présent en raison du réalisme supposé des images, qu’il jugeait plus grand que dans les manuscrits français14.

Nicolas Xavier Willemin (1763-1833) ne formulait pas un autre projet dans ses Monumens français inédits pour servir à l’histoire des arts, depuis le vie jusqu’au commencement du xviie, ouvrage posthume publié en 1839 avec des descriptions rédigées par son ami André Pottier, conservateur de la bibliothèque de Rouen15. Précurseur dans sa volonté de proposer une étude globale de l’art médiéval en France, Willemin avait rassemblé des reproductions gravées d’après les originaux, à partir de papier calque ou de dessins qu’il avait lui-même réalisés16, de peintures de manuscrits, d’éléments d’architecture, de tissus, de mosaïques et d’objets d’art, afin de mettre en parallèle le développement des arts à une époque donnée et de cerner à travers les témoignages artistiques les caractères de la civilisation médiévale. Malgré son approche avant tout historique, son ouvrage se démarquait nettement de celui de ses prédécesseurs, en ce qu’il abolissait toute hiérarchie entre arts majeurs et arts mineurs, en proposant une histoire globale de l’art détachée du modèle gréco-romain, à la manière du Musée des monuments français d’Alexandre Lenoir17.

C’est ainsi que Willemin s’intéressa aux manuscrits du haut Moyen Âge. Il inclut notamment dans son ouvrage des planches tirées de l’Évangéliaire de Charlemagne (Paris, BnF, n.a.l. 1203), de la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs (Rome, basilique Saint-Paul-hors-les Murs) avec les portraits de Charles le Chauve, du Psautier et de la seconde Bible de Charles le Chauve (Paris, BnF, ms. lat. 1152 et lat. 2), des Évangiles de François II (Paris, BnF, ms. lat. 257), avec des éléments d’architecture, du Psautier de Saint-Germain-des-Prés (Paris, BnF, ms. lat. 1150) et du Graduel de Prüm (Paris, BnF, ms. lat. 9448), avec des personnages pour illustrer les coutumes18. À la même époque, Charles Nodier et le baron Taylor incluaient dans leurs Voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France des lithographies tirées de l’Évangéliaire de Charlemagne assorties de commentaires19 ; et un autre peintre, Jean-Baptiste Joseph Jorand, consacrait une remarquable étude à la calligraphie de la Seconde Bible de Charles le Chauve, sous le titre Grammatographie du ixe siècle, dans laquelle il reproduisait, avec des commentaires, l’intégralité des initiales du manuscrit20.

Les considérations paléographiques et historiques priment dans ces travaux. Rares sont les commentaires d’ordre esthétique, et, lorsqu’il y en eut, ceux-ci furent loin d’être toujours élogieux. Bien qu’il fût l’un des premiers érudits à avoir montré un intérêt pour les qualités esthétiques des manuscrits enluminés, l’abbé Rive (1730-1791) avait une opinion très négative de l’art du haut Moyen Âge. Dans son Essai sur l’art de vérifier l’âge des miniatures publié en 1782, il ne prenait en compte que les manuscrits à partir du xive siècle. Dans le Prospectus joint, il s’en explique :

Depuis le cinquième siècle après Jésus Christ jusqu’au dixième, les miniatures des manuscrits conservent encore quelque beauté, & surtout en Grèce […]. Depuis le dixième jusqu’au milieu du quatorzième, elles sont presque toutes affreuses, & se ressentent de la barbarie des siècles où elles ont été peintes21.

Strutt partageait cette opinion dans A Complete View où son enthousiasme pour l’art de la miniature ne se manifestait pas avant le xive siècle. Dans l’Appendice au tome 3 intitulée, « A short account of the rise and progress of the art of design in England », l’auteur ne parvenait pas à apprécier le style des manuscrits de haute époque. Il porta en particulier des jugements très sévères sur les portraits des évangélistes dans les Évangiles de Lindisfarne (Londres, BL, Cotton Ms. Nero D.IV) dont il reproduisait les miniatures.

C’est le plus souvent cette perspective historique qui gouverna également l’intérêt des « antiquaires » érudits et des collectionneurs comme François-Roger de Gaignières (1642-1715) qui possédait l’Évangéliaire dit de Gaignières (BnF, ms. lat. 1126), Jean-Baptiste Colbert qui s’était procuré un très grand nombre de manuscrits pour sa propre bibliothèque et celle du roi (les manuscrits du Puy, de Moissac, de Metz…), ou Antoine-René Voyer, Marquis de Paulmy (1722-1787), pour ne citer que ces quelques noms. Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas privé de critiquer les peintures de certains manuscrits de haute époque. À propos d’une Apocalypse du xie siècle, il déclarait, par exemple, que « les miniatures sont ridicules et mal faites, preuve de l’antiquité du mst. », et à propos d’un Commentaire sur l’Apocalypse du xe que « Les miniatures sont du plus mauvais dessin possible, ce qui prouve encore l’antiquité »22. Et pourtant, malgré ce dédain pour l’enluminure de cette période, c’est à cette époque que furent publiés les premiers fac-similés de manuscrits du haut Moyen Âge. Déjà à la Renaissance, les manuscrits tardo-antiques avaient fait l’objet de copies ou de projets de copies, ainsi le Chronographe de 354, le Virgile du Vatican ou la Genèse Cotton23. Au xviie siècle, les premiers manuscrits à être reproduits grâce au procédé de la gravure furent la Vita Aegil de l’époque carolingienne chez Christoph Brouwer en 1616 et le Martyrologe de saint Jérôme dit d’Echternach (Paris, BnF, ms. lat. 10837) publié par le jésuite Héribert Rosweyde chez Plantin-Moretus en 1626. Quelques décennies plus tard, vers 1670, le cardinal Camillo Massimo (1620-1677) fit graver par Pietro Santi Bartoli les miniatures du Virgile du Vatican (Vatican, BAV, Cod. 3225), qui furent publiées au siècle suivant, en 174124. En 1754, c’est le Caedemon, un manuscrit anglo-saxon du xe siècle aujourd’hui conservé à Oxford (Bodleian Library, Junius 11), qui fut publié par Edward Rowe Mores25.

De semblables visées documentaires présidèrent également au développement de l’interprétation des images, autrement dit de la science iconographique, chez des archéologues comme Adolphe Napoléon Didron et des ecclésiastiques comme Charles Cahier, Arthur Martin ou Augustin Joseph Crosnier26. Leurs études permirent de faire connaître de nombreux manuscrits de haute époque. Par la suite, avec le développement de la vogue historiciste dans le domaine de l’architecture, toutes les publications incluant des images des manuscrits du haut Moyen Âge et de l’époque romane furent utilisées par les archéologues et les architectes afin de restaurer des monuments de cette époque ou de construire de nouveaux monuments dans le style néo-roman. Les planches des Peintures et Ornements des manuscrits de Bastard d’Estang servirent ainsi à restaurer nombre d’édifices du Nord et du Midi de la France27.

Cette utilisation documentaire à des fins paléographiques, historiques ou pratiques des miniatures des premiers siècles du Moyen Âge se doubla souvent d’une quête identitaire, dans le cadre du « gothic revival ». Déjà présente chez Montfaucon ou Strutt, cette quête d’un passé révolu servit à mieux justifier le présent. L’érudition du xixe siècle fit sienne ces visées identitaires, en particulier dans l’Angleterre victorienne où les études sur les manuscrits anglo-saxons et normands furent le fait de nombre d’antiquaires et bibliophiles à la recherche de leurs racines et soucieux de préserver leur patrimoine national28.

C’est le cas du révérend anglais Thomas Frognall Dibdin (1776-1847), qui fut envoyé en 1818 sur le continent par le troisième comte Spencer, pour lequel il exerçait les fonctions de bibliothécaire, afin de collecter des livres. Son Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France et en Allemagne, paru en 1821 à Londres, eut une influence considérable sur le goût bibliophilique et stimula l’intérêt de l’aristocratie anglaise pour les livres rares, et même au-delà, lorsque cet ouvrage fut traduit en français quatre ans plus tard. Dibdin s’intéressait beaucoup dans ce livre aux bibliothèques normandes qui possédaient des manuscrits et des imprimés en lien avec l’histoire anglaise. C’est ainsi qu’à la bibliothèque de Rouen, accueilli par un cicerone dont il livre une description truculente, il prit la peine de décrire deux trésors remarquables par leur Antiquité et le style de leurs peintures, le Missel de Robert de Jumièges (Rouen, Bibl. mun., ms. 274) et le Bénédictionnaire de Cantorbéry (ms. 369)29. Il appliqua les mêmes critères historico-idéologiques aux manuscrits impériaux de l’époque carolingienne, en particulier l’Évangéliaire de Charlemagne (Paris, Bnf, n.a.l. 1203). En 1811, ce manuscrit, qui se trouvait à Toulouse depuis le Moyen Âge, avait été offert au nom de la ville de Toulouse à Napoléon Ier à l’occasion du baptême de son fils, le roi de Rome. Ce cadeau diplomatique répondait clairement à une intention idéologique : il s’agissait d’établir une filiation entre Napoléon Ier et Charlemagne, qui avait commandé le manuscrit lors du baptême de son fils Carloman sous le nom de Pépin. Le manuscrit fut alors transporté à Paris où il rejoignit les collections impériales. En 1814, ordre fut donné de le déposer dans la bibliothèque du Louvre où il demeura après la chute de Napoléon. C’est là que Dibdin l’examina en 1818, avec la permission du bibliothécaire en chef du Louvre Antoine-Alexandre Barbier. Il en donna une description très élogieuse, sans omettre de mentionner la note relative au baptême de Pépin figurant au calendrier en regard de l’année 781 : « le plus précieux de cette espèce que la France possède ; car il n’est pas seulement du temps, il a été aussi la propriété de Charlemagne lui-même »30. Par la suite, Dibdin se procura un fac-similé de la miniature du Christ, dont il commanda la copie à l’artiste Elzidor Naigeon qui avait remporté le Grand Prix de peinture en 1824.

Cette double lecture historique et idéologique de l’enluminure du haut Moyen Âge, qui n’est pas spécifique à cette période, a perduré durant une grande partie du xixe siècle. Toutefois, avec l’émergence de l’histoire de l’art comme discipline à partir des années 1800, et celle de l’art médiéval, l’enluminure s’affirma comme un genre artistique dans le champ de l’histoire de l’art. Les nombreuses études qui lui furent consacrées dans la seconde moitié du xixe siècle intégrèrent alors une approche esthétique. L’enluminure médiévale se voyait désormais évaluée à partir de nouveaux critères, des critères esthétiques et nationalistes, qui contribuèrent à déprécier encore davantage l’enluminure du haut Moyen Âge et de l’époque romane.

La norme classique

Sous l’influence de Winckelmann qui éprouvait une admiration passionnée pour la Grèce antique et son modèle artistique, les historiens de l’art du xixe siècle érigèrent la norme classique en référence et en idéal et proclamèrent la supériorité de l’art grec31. Winckelmann n’était cependant pas le premier. Déjà, Pétrarque, au xive, usant de la métaphore lumineuse habituellement attachée au Christ, avait opposé les lumières de la culture antique aux ténèbres de la barbarie médiévale32. De fait, l’art médiéval fit l’objet d’une lecture évolutionniste qui dût beaucoup aux théories de Jean-Baptiste Seroux d’Agincourt (1730-1814), l’héritier de Caylus et de Winckelmann, surnommé « le Winckelmann des temps barbares »33. Les six volumes de son Histoire de l’art par les monumens depuis sa décadence au ive siècle jusqu’à son renouvellement au xvie siècle, publiés de 1810 à 1823, ont eu une grande influence sur la formation du goût de générations d’érudits dans ce domaine. Le titre de l’ouvrage révélait d’emblée la démarche évolutionniste de son auteur qui distinguait trois périodes dans l’art, l’Antiquité, le Moyen Âge et la Renaissance. Selon lui, le Moyen Âge correspondait à la décadence des formes artistiques issues de l’Antiquité et la Renaissance à leur renouvellement. Cette notion de décadence est centrale dans la thèse de Seroux qui faisait le constat d’un désert artistique entre le ive et la fin du xiiie siècle :

Bientôt le déclin commence, la décadence le suit, et celle-ci amène promptement la barbarie. L’Art disparaît totalement : mais quelques uns de ses usages et de ses procédés restent ; et l’emploi grossier que l’on en fait produit les monumens qui nous attestent aujourd’hui sa longue dégradation34.

Dans le second volume sur la peinture, Seroux consacrait de longs développements à la miniature. Son appréciation de leur valeur esthétique tenait principalement à deux critères : la fidélité au style classique de l’école grecque et les affinités des miniaturistes avec la peinture du grand genre. Seroux classait les manuscrits en écoles, opposant l’école grecque à l’école latine et les écoles royales aux écoles provinciales :

Afin que ces pertes se présentent à nos yeux d’une manière plus sensible, dans l’École Grecque et l’École Latine tout à la fois, au passage du xe au xie siècle, j’en ai réuni sur la planche XLVII plusieurs exemples, puisés dans chacune des deux Écoles. […] Les peintures de l’École Grecque, qu’on voit dans la partie inférieure de la planche, conservent l’espèce de supériorité qui a toujours distingué cette École. […] Les peintures des manuscrits sont dues, ainsi que je l’ai dit, à deux espèces d’artistes, aux peintres de profession, et aux calligraphes qui se mêlaient de peindre. On sent quelle différence il doit y avoir entre les travaux des uns et ceux des autres. On sent aussi combien les talens peuvent avoir été différens entre des artistes d’un même pays et ceux des autres. […] À plus forte raison doit-il exister des différences entre le style des artistes de la capitale d’un royaume, chef-lieu de l’École, et celui des maîtres qui habitent les provinces, et qui forment des Écoles qu’on peut appeler secondaires35.

En distinguant les peintres de profession des calligraphes, Seroux cherchait à montrer que la miniature ne possédait pas les mêmes qualités que la Peinture du grand genre. Elle appartenait à une forme mineure de l’art36. Pour Seroux, ce n’est qu’à l’époque de la Renaissance que les enluminures redevinrent dignes d’intérêt, car les peintres des manuscrits étaient alors aussi des peintres du grand genre. Contrairement aux peintres précédents, ceux-ci faisaient preuve d’un sens de la composition, ils pratiquaient un dessin naturaliste, savaient exprimer les sentiments et ils employaient des matériaux de qualité.

Ainsi nombre de manuscrits des premiers siècles du Moyen Âge reçurent-ils, sous la plume de Seroux, les qualificatifs désobligeants de « médiocre », « dégénéré » (Ménologe grec du Vatican) « grossier » (Térence du Vatican, BAV, Vat. Lat. 3868). Même les peintures de la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs ne furent pas épargnées par son mépris, contrairement à la calligraphie du texte :

Malheureusement, le style et l’exécution des peintures dont il est orné, ne pouvaient pas répondre aux belles formes de l’écriture […]. Si l’on en compare les peintures avec celles du Virgile du Vatican, exécutées au ve siècle, on jugera des pertes que cette branche des connaissances humaines avait souffertes dans l’intervalle de trois cents ans. On ne peut en effet considérer un instant les planches XLI et XLII, qui présentent en petit l’ensemble des miniatures de ce manuscrit, sans être frappé de la confusion qui règne dans les compositions ; elle est telle qu’elle interdit, pour ainsi dire, à l’œil et à l’esprit tout moyen de reconnaître même l’histoire que l’artiste a voulu représenter. […] La décadence de l’Art est encore plus sensible dans le dessin, qui en est la partie fondamentale. La proportion des figures est en général supportable, mais l’oubli des principes y est absolu et l’ignorance des formes excessive. […] Le style des figures nues est d’une grossièreté révoltante […]37.

Ces critères esthétiques conduisirent Seroux à privilégier dans son étude les manuscrits byzantins qui étaient les seuls à témoigner de la supériorité de l’école grecque. De fait, il allait à l’encontre de son objectif encyclopédique en passant sous silence de nombreux pans de l’histoire de l’enluminure jusqu’au xvie siècle, qu’il s’agisse de la France, de l’Angleterre ou de l’Allemagne.

De semblables idéaux du Beau grec, de la composition et du progrès dans les arts gouvernaient l’essai contemporain de Dibdin sur l’art de l’enluminure et de la composition qui figurait dans le premier tome de son Bibliographical Decameron publié en 1817. Le savant anglais fut cependant l’un des premiers à manifester un certain intérêt pour les manuscrits d’origine anglo-saxonne produits entre le ve et le xive siècle. Se référant à l’ouvrage de Strutt, Dibdin s’en démarquait néanmoins en ce qu’il envisageait ces manuscrits comme des témoins majeurs de l’histoire nationale et artistique. Il consacra ainsi, dans son étude, de longs développements détaillés et élogieux aux Évangiles de Lindisfarne38, à ceux de Saint-Chad (cathédrale de Lichfield) et au Bénédictionnaire de Saint Aethelwold (Londres, BL, Add. MS 49598). Seuls les Évangiles d’Athelstan ne trouvèrent pas grâce à ses yeux : « dismally barbarous », « I fear the female part of my audience would not scruple to express their surprise, or even loathing, at the sight of those dirty apple-green and smoke-dried old figures intended to represent the Evangelists ! »39.

On retrouve de semblables considérations artistiques dans l’ouvrage fondamental du dessinateur d’architecture, antiquaire et enlumineur Henry Shaw, Illuminated Ornaments selected from Manuscripts of the Middle Ages40. Publié à Londres en 1833, ce livre offrait une vue d’ensemble des ornements et des décorations dans les manuscrits enluminés, accompagnés de commentaires et d’une introduction générale par Sir Frederic Madden, assistant de conservation des manuscrits du British Museum. Dans l’introduction, Madden critiqua le travail de Dibdin en raison de son manque de réflexion critique sur les progrès des arts tout en reconnaissant la belle qualité des planches imprimées dans son livre. Il critiqua également le travail de Seroux d’Agincourt auquel il reprochait de n’avoir sélectionné que des manuscrits exécutés par des artistes grecs et italiens et d’avoir négligé les autres régions d’Europe, en particulier l’Angleterre et la France où l’art de la miniature aux xe-xie était plus avancé qu’en Italie. Pour étayer son argumentation, il s’appuyait sur une observation de l’antiquaire John Gage, parue dans son article sur le Bénédictionaire de Saint Aethelwold41.

S’ils défendirent la notion vasarienne de progrès dans les arts, clairement illustrée par la répartition des planches selon les époques (un manuscrit pour l’Antiquité, deux pour les viie-xe s., un pour le xie s., quatre pour le xiie s., puis une trentaine de planches du xiiie au xviie siècle), Madden et Shaw s’intéressèrent beaucoup aux initiales des manuscrits du haut Moyen Âge comme celles du Sacramentaire de Gellone (Paris, BnF, ms. lat. 12048) ou celles des manuscrits wisigothiques ou franco-gallois42. Surtout, ils identifièrent des écoles d’enluminure importantes : l’école hiberno-saxonne (dont le style se démarquait de toutes les autres écoles), les écoles impériales de Charlemagne et de Charles le Chauve (qui avaient employé des artistes italiens ou allemands travaillant d’après des modèles grecs et qui renouaient avec les traditions antiques en utilisant des couleurs et des métaux précieux, la pourpre, l’or et l’argent), l’école de Winchester en Angleterre (remarquable pour ses ornements végétaux)43 et l’école grecque du xie siècle. Cette classification en écoles, où le fait de civilisation détermine le fait stylistique, était assez nouvelle dans l’historiographie de l’enluminure médiévale. Elle dérivait des classifications adoptées alors dans les études sur la peinture monumentale, la peinture sur toile et sur panneau et elle rejoignait aussi celle opérée à la même époque pour l’architecture romane par des historiens de l’art comme Ludovic Vitet44.

À la suite de cette publication et à la faveur des développements de la chromolithographie, les livres se focalisant sur l’ornement et les détails des enluminures proliférèrent pendant deux ou trois décennies45.

La classification ethnique

Cette approche ornementale de l’enluminure, dont l’ouvrage de Shaw lança la vogue, mérite de s’y attarder quelques instants car elle fait écho aux théories de l’époque selon lesquelles l’ornement constituait un témoignage ethnique d’une civilisation. À cet égard, les théories de Viollet-le-Duc sont éclairantes. Convaincu de l’existence du déterminisme racial dans la culture et les arts et opposant les arts grecs et gaulois (qu’il pensait liés) contre l’art romain, le célèbre architecte défendait la doctrine du métissage dans le génie artistique46. Il voyait dans les ornements abstraits de l’époque romane une manifestation du génie aryen, déclarant à propos des manuscrits saxons :

Les manuscrits dits saxons qui existent à Londres et qui datent des xe, xie et xiie siècles, manuscrits fort beaux pour la plupart, présentent un grand nombre de vignettes dont l’ornementation ressemble fort, comme style et composition, à ces fragments de sculpture dont nous parlons. Ces hommes du Nord, ces Saxons, hommes aux longs couteaux, paraissent appartenir à la dernière émigration partie des plateaux situés au nord de l’Inde. Qu’on les nomme Saxons, Normands, Indo-Germains, à tout prendre, ils sortent d’une même souche, de la grande souche âryenne47.

Quelques décennies plus tard, cette obsession raciale fut relayée par Louis Courajod (1841-1896), héritier spirituel de Viollet-le-Duc. Cet historien de l’art controversé fit la majorité de sa carrière au musée du Louvre comme conservateur des sculptures et des objets d’art du Moyen Âge. Il défendit avec acharnement, au nom d’un anti-académisme et un anti-latinisme, la barbarie occidentale qu’il érigea en norme positive. Dans ses cours sur « l’art barbare » du haut Moyen Âge dispensés depuis sa chaire à l’École du Louvre, il exposait l’idée selon laquelle la décoration serait la plus à même d’exprimer le tempérament barbare48. L’art ornemental, issu des Scandinaves et des Germains, est « un art de race, sorti de principes nationaux, fixés dans le sang, faisant partie du tempérament du peuple ». « Nous pouvons nous fier à l’ornement d’un peuple. C’est un geste irréfléchi, inconscient de la main, un mouvement nerveux, une écriture enfin qui trahit les sentiments de l’âme et qui ne peut pas mentir. »49

Très en vogue chez les Romantiques, cette conception hégélienne, où l’art et la culture sont le reflet du génie, de l’âme d’un peuple, allait de pair avec les théories raciales et les discours sur le sang qui imprégnèrent le champ des sciences humaines et sociales au xixe siècle. Si Courajod ne partageait pas les vues de Viollet-le-Duc sur la supériorité de la race aryenne, il le rejoignait sur sa conception des réalisations septentrionales/barbares et arabes. Sa farouche opposition à la latinité le poussait à voir dans l’art gaulois une synthèse des civilisations orientales et occidentales contre la culture romaine, et à identifier des influences byzantines dans l’ornementation celte et barbare50. Pour Courajod, tous les peuples étaient des « sang-mêlé » et leur culture s’était constituée par des apports successifs, qui pouvaient être aussi bien « gaulois » et « barbares » qu’« orientaux ».

Qu’elles soient racistes ou raciales, ces conceptions biologiques du style, qui conditionnent la plupart des études sur l’art médiéval durant la seconde moitié du xixe siècle et une grande partie du xxe siècle51, gagnèrent le domaine des études sur l’enluminure à partir des années 1850, avec la classification des enluminures en écoles ethniques. Ce phénomène est clairement visible dans plusieurs publications anglaises, tel l’ouvrage majeur de l’entomologiste anglais John Obadiah Westwood (1805-1893) sur les manuscrits insulaires. Ce parfait représentant de l’Angleterre victorienne, proche de Darwin, écrivit en 1868 une étude très importante pour la connaissance des manuscrits irlandais et anglo-saxons : Fac-Similes of the Miniatures and Ornaments of Anglo-Saxon and Irish Manuscripts. L’usage du terme « anglo-saxon » à propos des manuscrits relève, ici, d’une terminologie bien précise, celle qui était employée depuis le début du xixe siècle pour l’architecture anglaise des cinq siècles suivant la fin de l’Antiquité52. Faisant l’éloge des qualités esthétiques des manuscrits dans de longues et nombreuses descriptions, Westwood insistait sur la supériorité de l’art irlandais et anglo-saxon sur les autres écoles de peinture contemporaines, après l’extinction de l’enluminure en Italie et en Grèce. Il en situait la floraison entre la fin du ve et la fin du viiie siècle et il abordait la question des origines du style, défendant l’idée selon laquelle l’art de l’entrelacs serait profondément original. Création purement insulaire, celui-ci ne tirerait pas ses origines de Byzance ou de Rome et aurait par la suite influencé l’art scandinave et le style franco-saxon sur le continent. Cette idée s’inscrivait dans la théorie, très répandue au xixe siècle, de la « pureté des races », théorie selon laquelle certaines races n’auraient pas été contaminées par des apports exogènes.

Des idées similaires avaient été développées dans l’ouvrage de Digby Wyatt et William Robert Tymms, The Art of Illuminating as practised in Europe from the Earliest Times, paru quelques années plus tôt, en 1860. Alors que Wyatt présentait son livre comme un manuel pour la pratique de l’enluminure, centré sur l’art de l’ornement, il proposait en introduction une histoire de l’enluminure assez moderne. Celle-ci, sans se départir d’une vision évolutionniste, tentait de brosser un tableau relativement complet des différentes écoles stylistiques qui s’étaient succédées, de l’Antiquité jusqu’au xve siècle. Après avoir présenté les principaux monuments de l’Antiquité, Wyatt opposait le monde byzantin au monde latin, dans le sillage de Seroux, tout en reconnaissant que, si le premier exerça une suprématie sur le second, la civilisation de la race celtique entra en concurrence avec celle des Byzantins à l’époque des missionnaires : « the first attempts were made to rival, in the Extreme West, the arts and spiritual graces of the East. » Pour l’art insulaire, auquel il accordait une grande attention, Wyatt s’appuiya sur les travaux de Westwood, qu’il connaissait probablement bien, puisque Tymms avait gravé les planches du livre de Westwood. Il montrait à sa suite que l’art de cette région était parvenu à un grand degré de raffinement aux vie et viie s. (« almost marvellous ») et qu’il était une création autochtone. Selon lui, seule une frange des manuscrits insulaires avait subi l’influence de l’art byzantin, comme le Psautier Cotton (Londres, BL, Cotton MS Tiberius C VI), les autres se distinguant par leur originalité profonde53.

Une via media entre classicisme et ethnicité : le paradigme Byzantin

Vers la même période, en France, le comte Auguste de Bastard d’Estang54 (1792-1883) employait les mêmes critères ethniques pour classer les manuscrits médiévaux. Les théories de cet influent archéologue, grand collectionneur et bibliophile, à propos de la supériorité de l’art grec sont largement tributaires de la pensée de Winckelmann et de Seroux d’Agincourt. Bastard entreprit dans son ouvrage monumental mais incomplet Peintures et ornements des manuscrits de poursuivre l’œuvre de Winckelmann au moment où il l’avait arrêtée55. Privilégiant une classification stylistique suivant des critères de civilisation (grecque/latine), d’ethnicité ou de région, il se focalisa sur les manuscrits du haut Moyen Âge. Sur les 48 manuscrits reproduits, 39 étaient ainsi antérieurs au xie siècle et la plupart d’entre eux étaient carolingiens. Il s’attacha principalement à traquer l’héritage artistique antique dans l’art français transmis par Byzance : « Les peintures des livres prouvent aussi que les arts du dessin ont été, à diverses reprises, directement apportés de Constantinople aux nations de race germanique, et que les Grecs conservèrent dans la peinture, jusqu’au xiiie siècle, une constante supériorité… »56. Plus tard, dans une lettre à Horace Viel-Castel datée du 9 février 1853, il développa longuement cette idée57 :

Mon cher Comte, … Malgré la barbarie des temps mérovingiens, l’enseignement qui nous vint des Grecs avait laissé dans les Gaules des traces si profondes que l’on en trouve encore jusqu’à l’avènement de la seconde race. L’Évangéliaire de saint Sernin de Toulouse, dit les Heures de Charlemagne, aujourd’hui au Louvre, et qui date de la deuxième moitié du viiie siècle, prouve cette influence byzantine : les formes hiératiques en sont maintenues, nonobstant l’abandon général de la pratique de l’art. À la fin du viiie siècle, l’école palatine d’Aix-la-Chapelle avait reçu directement de la Grèce un nouvel enseignement. C’est le moment de la Renaissance franco-grecque. Les Évangiles de Charlemagne donnés par Louis le Débonnaire à l’église Saint-Médard de Soissons nous montrent certains détails tout à fait grecs, par le dessin comme par l’exécution. Il est donc évident que les arts du dessin nous ont été, à diverses reprises, apportés directement de Byzance ; mais le sol où fut jetée la semence donna bientôt des fruits si éloignés du type originaire, et si différents les uns des autres, que c’est à tort qu’on a longtemps désigné ces produits sous la dénomination absolue d’art byzantin.

Cette notion d’une composante byzantine irriguant l’art franc était très en vogue à cette époque parmi les historiens de l’art, et notamment parmi les historiens de l’architecture romane comme Ludovic Vitet et Arcisse de Caumont. En revanche, le recours à de tels concepts à propos des manuscrits enluminés était nouveau.

Malgré ses efforts pour défendre la suprématie de l’art byzantin, Bastard admettait l’idée d’un art français, national, ce qui l’amenait, dans l’Exposé sommaire de la publication, à répartir les miniatures en écoles stylistiques auxquels venaient se superposer des appellations ethniques :

Avec Charlemagne commence la série des fac-similés de peintures (la plus ancienne miniature connue sortie d’un pinceau français remontant à l’an 778), et ils se continuent sans interruption jusqu’à la fin du xvie siècle. La vieille école palatine gallo-franque d’Aix-la-Chapelle ; – l’école renouvelée au temps d’Alcuin par l’arrivée des Grecs et des Scots-Irlandais ; – l’école centrale de Saint-Martin de Tours, qui crée ou conserve le nouveau style gallo-franc ; – l’école de Reims, dont les enseignements semblent apportés d’Italie ; – le style franco-germain de Metz et l’école caractérisée par le style franco-saxon ; – les peintures d’Autun, d’Auxerre, d’Arras, de Saint-Martial de Limoges, de Mont-Majour en Provence, de Saint-Sever d’Aquitaine, de Saint-Denis en France, du Mans, de Chartres et de Paris, aux xve et xvie siècles, figurent tour à tour dans ce recueil58.

C’est encore l’art grec antique qui demeura la norme stylistique de référence dans l’ouvrage que Paul Lacroix, dit le « Bibliophile Jacob » (1807-1884), et Ferdinand Séré publièrent en 1849, Le Moyen Âge et la Renaissance. Dans le tome 2 de cet ouvrage, Jacques-Joseph Champollion-Figeac rédigea une section sur les manuscrits enluminés, dans laquelle il soumettait leur décoration à une grille de lecture dominée par les canons classiques59. Seuls ceux qui révélaient l’influence des artistes grecs trouvèrent grâce à ses yeux, ainsi les manuscrits byzantins et ceux des empereurs carolingiens puis ottoniens, tandis que les autres, les manuscrits anglo-saxons et wisigothiques en particulier, furent l’objet de virulentes critiques pour leur caractère dégénéré, barbare, qui indiquait le degré de la décadence à laquelle étaient parvenus les arts de ces civilisations. Ce n’est qu’à partir du xiie siècle, au moment où « l’Orient régénérait l’Occident » sous l’influence des croisades, et surtout du xiiie siècle, où « l’art sarrasin ou gothique domine presque partout en Europe » que Champollion-Figeac vit poindre un renouveau qui s’affirma aux xive et xve siècles. C’est justement cette période qui avait été choisie soixante-dix ans plus tôt par l’Abbé Rive pour commencer son histoire de l’art de la miniature.

L’historiographie sur l’histoire de l’enluminure du haut Moyen Âge durant le xixe siècle a été par conséquent, comme pour d’autres médias artistiques, largement tributaire des paradigmes grec ou ethnique qui dominaient alors le champ de l’histoire de l’art en lien avec le processus de construction des nations. Le paradigme grec expliquait pourquoi, durant une grande partie du xixe siècle, certaines périodes de l’enluminure, la période mérovingienne, celle des xe-xie siècles en France ou celle de l’Italie du vie au xiiie siècle, furent longtemps passées sous silence par l’érudition car elles étaient jugées trop « barbares ». Paradoxalement, ce même paradigme, encouragea également, dans certains pays comme l’Angleterre, le développement des études sur certaines écoles stylistiques jugées capables de rivaliser avec l’art grec.

Particulièrement répandue en Angleterre et, dans une moindre mesure, en France, cette vision ethnico-raciale de l’enluminure du haut Moyen Âge, opposant l’art des « barbares du Nord » à l’art classique méditerranéen, fut revivifiée vers la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle, par les travaux d’historiens de l’art de la première école de Vienne comme Franz Wickhoff, Alois Riegl ou Josef Strzygowski qui, en dépit de divergences d’interprétation et de l’affiliation au pangermanisme de certains, plaidèrent tous en faveur d’une réévaluation du patrimoine autochtone, qu’il soit germanique, celte ou insulaire, par rapport à l’Antiquité ou Byzance60. Franz Wickhoff, par exemple, consacra en 1895 une monographie à un manuscrit de l’Antiquité tardive, la Genèse de Vienne (Vienne, ÖNB, Cod. theol. gr. 31)61, dans laquelle il défendit l’origine romaine du style tardo-antique. Cette thèse fut également reprise par le formaliste et positiviste Alois Riegl qui contribua largement à inscrire l’art de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge dans le champ de recherche académique, en s’attachant à démontrer le rôle moteur joué par l’art des peuples de race germanique et en remettant en question la notion de déclin attachée traditionnellement à cette période. Les études scientifiques des décennies suivantes sur l’enluminure du haut Moyen Âge bénéficièrent grandement de cette réhabilitation de l’art des premiers siècles ainsi que de la nouvelle histoire de l’art élaborée au sein de l’école de Vienne.

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1 Horace DE VIEL-CASTEL, Statuts de l’ordre du Saint-Esprit au droit désir ou du Nœud, Paris, Engelmann et Graf, 1853, citation placée en tête de l’édition fac-similé des Statuts.

2 On renverra, à propos de l’historiographie du xviiie et du xixe s. sur le Moyen Âge, et plus spécifiquement sur l’art roman, à l’ouvrage fondamental de Jean NAYROLLES, L’invention de l’art roman à l’époque moderne (xviii e-xix e siècles), Rennes, PUR, 2005 ; Alyce A. JORDAN et Janet T. MARQUARDT (éd.), Medieval Art and Architecture after the Middle Ages, Cambridge (Mass.), Cambridge Scholar Publishing, 2009.

3 Voir à ce propos : Walter GOFFART, The Narrators of Barbarian History (A.D. 550-800) : Jordanes, Gregory of Tours, Bede, and Paul the Deacon, Princeton, Princeton University Press, 1988 ; Clement GANTNER, Rosamond MCKITTERICK, Sven MEEDER (éd.), The Resources of the Past in Early Medieval Europe, Cambridge (UK), Cambridge University Press, 2015 ; Bruno DUMÉZIL (dir.), Les Barbares, Paris, PUF, 2016.

4 L’histoire du Moyen Âge a été fondée sur ce poncif et c’est relativement récemment que les chercheurs ont réévalué l’impact de ces prétendues invasions et ont questionné le concept d’« ethnicité », couramment employé pour distinguer les différents groupes de populations dans le but de construire des paradigmes nationalistes. Parmi les nombreux travaux sur le concept d’ethnicité, voir : Patrick GEARY, « Ethnic Identity as a Situational Construct in the Early Middle Ages », Mitteilungen der anthropologischen Gesellschaft in Wien, 113, 1983, p. 15-26 ; Id., The Myth of Nations. The Medieval Origins of Europe, Princeton, Princeton University Press, 2002 ; Walter POHL, « Ethnicity, Theory and Tradition. A response », dans On Barbarian Identity. Critical Approaches to Ethnicity in the early Middle Ages, éd. Andrew Gillett, Turnhout, Brepols, 2002, p. 221-240.

5 Sur ce sujet crucial, voir Éric MICHAUD, Les invasions barbares. Une généalogie de l’histoire de l’art, Paris, Gallimard, 2015, en particulier p. 18.

6 Lawrence Nees a développé une approche similaire sur l’érudition du xxe siècle : Laurence NEES, « Ethnic and Primitive Paradigms in the Study of the Early Medieval Art », dans Paradigms and Methods of the Early Medieval Studies, éd. Celia Chazelle et Felice Lifshitz, Londres, 2007, p. 41-60. Pour une vision plus large, voir : Jonathan J. G. ALEXANDER, « Medieval Art and Modern Nationalism », dans Medieval Art : Recent Perspectives. A Memorial Tribute to C.R. Dodwell, éd. Gale R. Owen-Crocker et Timothy Graham, New York, Manchester University Press, 1998, p. 206-223.

7 Sur ce sujet, on renverra à la synthèse remarquablement érudite de Michaela BRAESEL, Buchmalerei in der Kunstgeschichte. Zur Rezeption in England, Frankreich und Italien, Köln, Weimar, Wien, 2009. Je remercie David Ganz de m’avoir signalé cette référence.

8 Dans ses Monumens de la monarchie françoise (Paris, chez J-M. Gaudoin et P-F Giffart, 1729-1733), Montfaucon inclut ainsi une reproduction de la Bible de Vivien (Paris, BnF, Lat. 1) avec le portrait de Charles le Chauve (I, pl. 26).

9 Dans son Chronicon Gotwicense (1732), Bessel inclut deux planches tirées d’un Antiphonaire du xiie siècle de Saint-Pierre de Salzbourg, pour leur intérêt documentaire : costumes, matériel d’écriture…

10 Dissertatio in aureum, ac pervetustum SS. Evangeliarum codicem ms. monasterii S. Emmerami Ratisbonae, 1786 : l’une des premières monographies sur un manuscrit médiéval, le Codex Aureus. Comme les Mauristes, il s’intéresse au contenu du manuscrit et à son écriture, mais il témoigne d’une attention nouvelle à la décoration artistique et aux miniatures desquelles il donne trois planches gravées, grandeur nature. Il vante la splendeur des peintures et l’importance historique du manuscrit. Cf. sur ce sujet Andrea WORM, « The Study of Medieval Illuminated Manuscripts in German Scholarship ca. 1750-1850 », dans Medieval Art and Architecture after the Middle Ages, éd. Janet T. Marquardt et Alyce A. Jordan, Newcastle, Cambridge Scholars, 2009, p. 246-273.

11 Fac-similé de l’Hortus deliciarum par Herrade de Landsberg en 1818, accompagné d’une étude monographique sur le manuscrit et ses miniatures dont l’auteur vante l’intérêt documentaire pour l’étude de l’histoire culturelle du Moyen Âge (coutumes, costumes, art). Cette publication somptueuse a été réalisée grâce au soutien financier de Maximilien Ier (1756-1825), roi de Bavière.

12 Strutt éprouvait une grande admiration pour les Monumens de la monarchie françoise de Montfaucon. L’approche historique qu’il développe dans son ouvrage majeur, A Complete View, a durablement influencé l’histoire de l’enluminure et le médiévalisme en Angleterre : A Complete View of the Dress and Habits of the People of England : from the establishment of the Saxons in Britain to the present time… To which is prefixed an introduction, containing a general description of the ancient habits in use among mankind, from the earliest period of time to the conclusion of the seventh century, Londres, J. Nichols pour J. Edwards, 1796.

13 B. DE MONTFAUCON, Monumens…, op. cit. [note 7], I, p. II.

14 J. STRUTT, A Complete View…, op. cit., [note 11].

15 Françoise ARQUIÉ-BRUNEY, « Les Monuments français inédits (1806-1839) de N.-X. Willemin », Revue de l’art canadien, n° 10, 1983, p. 139-156.

16 Thomas Frognall DIBDIN, Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France, trad. fr. Théodore Licquet et Georges-Adrien Crapelet, Paris, Crapelet, 1825, p. 211 : l’auteur raconte qu’il a souvent vu Willemin à la bibliothèque royale en train de reproduire des manuscrits à miniatures, à l’aide d’un crayon et de papier calque.

17 https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/willemin-nicolas-xavier.html

18 Planches 6-11, 26-28.

19 Charles NODIER, Isidore de TAYLOR et Alphonse DE CAILLEUX, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, Languedoc, 1, Paris, Engelmann, 1833.

20 Jean-Baptiste-Joseph JORAND, Grammatographie du ix e siècle, types calligraphiques tirés de la Bible de Charles le Chauve manuscrit de la Bibliothèque royale, Paris, J. Smith, 1837.

21 « Prospectus d’un ouvrage proposé par souscription par M. l’abbé Rive : Essai sur l’art de vérifier l’âge des miniatures peintes dans des manuscrits depuis le quatorzième jusqu’au dix-septième siècle inclusivement, de comparer leurs différents styles et degrés de beauté, et de déterminer une partie de la valeur des manuscrits qu’elles enrichissent », Paris, 1782, p. 11-12. Sur l’Abbé Rive, voir l’article de Francesca Manzari dans le présent volume, avec bibliographie.

22 Voir le catalogue manuscrit rédigé par le marquis de Paulmy sur ses propres livres, Paris, Ars., ms. 6279-6297. Cité par Alan MUNBY, Connoisseurs and Medieval Miniatures, 1750-1850, Oxford, 1972, p. 20.

23 Cf. Carl NORDENFALK, Color of the Middle Ages. A Survey of Book Illumination based on Color Facsimiles [exposition, Art Gallery, Pittsburgh, 12 mars-18 avril 1976], Pittsburg, University Art Gallery, 1976 ; Jonathan J. G. ALEXANDER, « Facsimiles, Copies, and Variations: The Relationship to the Model in Medieval and Renaissance European Illuminated Manuscripts », Retaining the Original, Multiple Originals, Copies and Reproductions (Studies in the History of Art 20), Washington, National Gallery of Art, 1989, p. 61-72 ; Francesca MANZARI et Anna DELLE FOGLIE, Riscoperta e riproduzione della miniatura in Francia nel Settecento: L’abbé Rive e l’Essai sur l’art de vérifier l’âge des miniatures des manuscrits, Rome, Gangemi, 2016, p. 97-101.

24 Cf. Pierre DE NOLHAC, « Le Virgile du Vatican et ses peintures », Notices et extraits des manuscrits de la BN XXXV, 2, Paris, 1897, p. 25 sq. ; José RUYSSCHAERT, « Lectures des illustrations du “Virgile du Vatican” et du “Virgile romain” », Monuments et Mémoires de la fondation Eugène Piot, 73 (1991), p. 25-51 ; David H. WRIGHT, « From Copy to Facsimile : A Millenium of Studying the Vatican Vergil », The British Museum Journal, 1991, p. 12-35. Je remercie vivement François Avril de m’avoir communiqué ces références bibliographiques.

25 Figurae quaedam antiquae ex Caedmonis Monachi paraphraseos in Genesin exemplari pervetusto, in biblioteca Bodleiana, deliate.

26 Voir sur ce sujet l’ouvrage de Jean Nayrolles, L’invention de l’art roman…, op. cit. [note 2], p. 185-263, et Charlotte DENOËL, « Naissance de l’iconographie religieuse au xixe siècle. Le milieu des archéologues et des sociétés savantes », Bulletin archéologique du CTHS, 31-32 (2005), p. 195-205.

27 Peintures et ornements des manuscrits, classés dans un ordre chronologique, pour servir à l’histoire des arts du dessin depuis le ive siècle de l’ère chrétienne jusqu’à la fin du xvie siècle., Paris, Imprimerie impériale, 1835-1869. Cf. l’article de Jocelyn Bouquillard dans le présent volume, avec bibliographie.

28 Ce souci envers le patrimoine s’est manifesté très précocement chez les Anglais, qui ont commencé à porter un regard archéologique sur l’art du Moyen Âge et élaborer des nomenclatures pour le classifier dès le début du xviiie siècle. Cf. Jean NAYROLLES, L’invention de l’art roman…, op. cit. [note 2], p. 46-56.

29 Thomas Frognall DIBDIN, Voyage bibliographique…, op. cit. [note 15], I, p. 202, 209-223.

30 Ibid., IV, p. 47 sq. Le texte de Dibdin a été publié séparément sous le titre suivant : Notice sur les Heures de Charlemagne, mss. de l’an 781, de la Bibliothèque particulière du roi, au Louvre, tirée de la 29e lettre du « Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque de M. T. F. Dibdin, en France et en Allemagne », précédée d’un jugement sur l’ouvrage anglais et d’un aperçu de cette bibliothèque, formée en 1814, par M. Barbier [suivie d’une Notice sur R. Porson, bibliothécaire de l’Institution de Londres, par Barbier neveu], Paris, impr. de Plassan, 1823.

31 La bibliographie sur la réception du Winckelmann est très longue. Voir l’importante étude, avec une bibliographie, d’Édouard POMMIER, Winckelmann, inventeur de l’histoire de l’art, Paris, Gallimard, 2003.

32 Francesco PETRARCA, Epistolae metricae, III, 3.

33 Sur Seroux d’Agincourt, voir l’article de Simona Moretti dans le présent volume, avec bibliographie.

34 Jean-Baptiste SEROUX D’AGINCOURT, Histoire de l’art par les monumens depuis sa décadence au ive siècle jusqu’à son renouvellement au xvie siècle, Paris, Treuttel et Würtz, 1810-1823, I, Préface, p. III.

35 Ibid, II, p. 63.

36 Ibid., II, 2, p. 85.

37 Ibid., II, p. 59-62.

38 « The proudest bibliomaniacal monument of the earlier period of our history ».

39 Thomas Frognall DIBDIN, Bibliographical Decameron, Londres, Shakespeare press, 1817, I, p. LII-LIII.

40 Alan MUNBY, Connoisseurs and Medieval Miniatures…, op. cit., [note 21], p. 140-141. Voir aussi, Carl NORDENFALK, Color of the Middle Ages…, op. cit., [note 22], p. 20-22 ; Sandra HINDMAN, « Facsimiles as Originals. An unknown Illuminated Manuscript by Henry Shaw », The Journal of the Walters Art Gallery, 54, 1996, p. 225-232.

41 John GAGE, « A dissertation on St. Aethelwold’s Benedictional », Archaelogia, 24, 1832, p. 30.

42 Ses exemples sont empruntés au Nouveau Traité de diplomatique de Montfaucon.

43 Dans la plupart des publications postérieures, l’école de Winchester est qualifiée d’« opus anglicum » ; cf. Owen JONES et Henri Noël HUMPHREYS, The Illuminated Books of the Middle Ages, Londres, Longman, 1849.

44 Cf. Jean NAYROLLES, L’invention de l’art roman…, op. cit., [note 2], p. 115-121.

45 On trouvera une liste exhaustive des manuels d’enluminure publiés au xixe et dans la première moitié du xxe siècle dans Rowan WATSON, « Publishing for the Leisure Industry. Illuminating Manuals and the Reception of a Medieval Art in Victorian Britain », dans The Revival of Medieval Illumination. Nineteenth-Century Belgium Manuscripts and Illuminations from a European Perspective, éd. Thomas Coomans et Jan De Maeyer, Louvain, 2007, p. 102-107.

46 É. MICHAUD, Les invasions barbares…, op. cit. [note 5], p. 129-131.

47 Eugène VIOLLET-LE-DUC, « Sculpture », dans Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, VIII, 1866, p. 99. Dans un autre article (« De l’art étranger et de l’art national », Annales archéologiques 1845, p. 303-308), Viollet-le-Duc plaide en faveur de la reconnaissance du gothique comme d’un art national français.

48 Louis COURAJOD, Leçons professées à l’école du Louvre (1887-1896), I, Paris, A. Picard et fils, 1899, p. 157-158, 184, 227. Cité par É. Michaud, Les invasions barbares…, op. cit. [note 5], p. 195.

49 L. COURAJOD, Leçons…, op. cit. [note 47], I, p. 186.

50 « La vieille ornementation celtique, sortie des mêmes origines orientales », Ibid., I, p. 184.

51 En témoigne l’article de Charles Rufus MOREY, « The Sources of Medieval Style », Art Bulletin, 7, 1924, p. 35-50. Sur les thèses de Morey, voir : Jonas NOEDHAGEN, « C.R. Morey and his Theory on the Development of the Early Medieval Art », Konsthistorisk Tijdsskrift, 61, 1992, p. 1-7 et Laurence NEES, « The Originality ot early Medieval Artists », dans Literacy, Politics and Artistic Innovation in the Early Medieval West, éd. Celia Cazelle, Lanham, University press of America, 1992, p. 77-109, particulièrement p. 80.

52 John Britton est l’un des premiers à esquisser une classification chronologique de l’architecture anglaise médiévale, la première phase (597-1066) étant qualifiée d’« anglo-norman » : cf. John BRITTON, The Architectural Antiquities of Great Britain, Londres, 1807-1826, préface. Cf. sur ce sujet, J. Nayrolles, L’invention de l’art roman…, op. cit. [note 2], p. 47.

53 Digby WYATT et William Robert TYMMS, The Art of Illuminating as Practised in Europe from the Earliest Times : Illustrated by Borders, Initial, and Alphabets, Londres, Day and Son, 1860, p. 21.

54 Sur Bastard d’Estang, voir Alan Noel MUNBY, Connoisseurs and Medieval Miniatures, 1750-1850, Oxford, 1972, p. 145-146 ; François AVRIL, « Notice sur l’œuvre du comte de Bastard », dans Le « Gothique » retrouvé avant Viollet-le-Duc, éd. Louis Grodecki, Paris, Hôtel de Sully, 1980, p. 104 ; Jocelyn BOUQUILLARD, Le Comte Auguste de Bastard (1792-1883), archéologue et imprimeur lithographe, thèse de l’École des chartes, 1995 ; https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/bastard-d-estang-auguste-de.html

55 Peintures et ornements des manuscrits, classés dans un ordre chronologique, pour servir à l’histoire des arts du dessin depuis le ive siècle de l’ère chrétienne jusqu’à la fin du xvie siècle, Paris, Imprimerie impériale, 1835-1869, 13 parties, gr. in-fol., pl. lithographiées et coloriées, 20 livraisons [texte en majeure partie perdu, détruit en 1848 ; en subsistent quelques extraits à l’état d’épreuves conservées au département des Manuscrits de la BnF, sous la cote Facsim. fol. 9]. Voir cet ouvrage, supra, note 26.

56 Exposé sommaire de la publication, 1839, p. 902.

57 Viel-Castel reproduit cette lettre dans sa « Notice sur la peinture des manuscrits » qu’il publie en tête de l’édition fac-similé des Statuts de l’ordre du Saint-Esprit au droit désir ou du Nœud, Paris, Engelmann et Graf, 1853.

58 Exposé sommaire de la publication, 1839, p. 901.

59 Le texte de Champollion-Figeac est repris dans Paul LACROIX, Les arts au Moyen âge et à l’époque de la Renaissance, Paris, Firmin-Didot, 1877.

60 Sur ces questions, cf. É. MICHAUD, Les invasions barbares…, op. cit. [note 5] et les articles de Lawrence NEES, « Introduction », dans Id., « Approaches to Early-Medieval Art », Speculum, 72, n° 4, oct. 1997, p. 959-969 et Id., « Ethnic and Primitive Paradigms… », art. cit. [note 6]. Voir également Pierre VAISSE, Josef Strzygowski et la France, dans L’histoire de l’histoire de l’art, dir. Roland Recht, Revue de l’art, 146, 4, 2004, p. 73-83, Jas ELSNER, « The birth of late antiquity : Riegl and Strzygowski in 1901 », Art History, 25, 2002, p. 358-379, Rémi LABRUSSE, « Délires anthropologiques : Josef Strzygowski face à Alois Riegl », dir. Thierry Dufrêne et Anne-Christine Taylor, Cannibalismes disciplinaires. Quand l’histoire de l’art et l’anthropologie se rencontrent, Paris, INHA-Musée du quai Branly, 2009, p. 149-162.

61 Franz WICKOFF et Wilhelm RITTER VON HÄRTEL, Die Wiener Genesis. Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen der allerhöchsten Kaiserhauses 15-16, Vienne, F. Temsky, 1895. Wickoff a par ailleurs été l’un des éditeurs d’une collection consacrée aux manuscrits enluminés autrichiens : Beschreibendes Verzeichnis der illuminierten Handschriften in Österreich, 8 vol., Leipzig, K. W. Hiersemann, 1905-1938.