Book Title

Naissance et essor d’une « micro-édition » spécialisée au xviiie siècle

Les stampe dal foro de la République de Venise

Marie MALHERBE

Vienne (Autriche), membre associé du GRHis (Groupe de Recherche d’Histoire, Université de Rouen)

L’étude récente d’une série de procès vénitiens en justice civile au xviiie siècle a mis en évidence l’importance d’un type d’imprimés encore non étudiés à Venise : les stampe in causa1. Ces mémoires judiciaires, ou factums, se présentent comme de petits cahiers in-8o, formant chacun une compilation de pièces jointes au procès. À première vue, l’innovation par rapport aux factums antérieurement manuscrits se limite à la présentation imprimée, au point que ces nouvelles brochures sans auteur ne reçoivent pas d’autre appellation que stampe, leur forme seule tenant lieu de définition2.

Les archives montrent que l’apparition des stampe à Venise remonte à la décennie 1700. Leur usage n’a ensuite cessé de se développer tout au long du dernier siècle de la République, pour atteindre son apogée sous l’occupation napoléonienne. Cette chronologie est cohérente avec celle déjà observée dans les régions d’Europe où ce type de sources intéresse les historiens depuis plus longtemps3. L’enquête récente sur la production matérielle de ces stampe a permis de mettre en lumière un monde particulier, jusqu’alors méconnu dans le paysage éditorial vénitien : celui des imprimeurs dits da bagaglie, ou dal foro, spécialisés dans ce type de production.

Venise compte depuis la Renaissance parmi les centres d’imprimerie majeurs en Italie, où elle se distingue notamment par la multiplicité des langues et alphabets qu’y manipulent les hommes du livre. Au xviiie siècle, son rayonnement européen ne la préserve pas d’une certaine crise4. Les inspecteurs des presses de la République y considèrent les professionnels de l’édition selon deux catégories distinctes : les imprimeurs-libraires, dits de classe I, et les imprimeurs sur commission, dits de classe II. Tous ces ateliers font l’objet d’une surveillance attentive, non seulement au titre de la censure, mais aussi – et surtout – pour ce qui regarde la qualité du travail, la main-d’œuvre et les salaires5.

Ces rapports d’inspection très réguliers, conservés dans les archives de la Surintendance des presses (Sovraintendenza alle stampe), font que le monde du livre à Venise est très bien connu – du moins pour ce qui relève des imprimeries de classes I et II. Il se trouve que les rapports mentionnent aussi l’existence d’une troisième catégorie de presses, dites da bagaglie ou dal foro. Ces imprimeries de classe III sont parfois mentionnées dans les introductions des comptes-rendus, mais contrairement aux précédentes, elles ne font pas l’objet de visites d’inspection.

Comment expliquer que dans une cité bureaucratique à l’extrême, et soucieuse de contrôler toute activité, le tiers d’un secteur sensible entre tous, et surveillé à plus d’un titre, échappe totalement à l’attention des autorités ? Quels sont les caractéristiques de ces ateliers en marge du monde établi de l’imprimerie ? Quelle place occupent-ils dans la cité ? Comment y travaille-t-on ? Qui sont les auteurs et commanditaires de stampe ? Que sait-on des prix et de la diffusion de ces ouvrages imprimés mais confidentiels ? Quel rôle jouent-ils dans le rapport que les Vénitiens entretiennent avec leurs institutions judiciaires au cours d’un siècle de crise économique et de tensions sociales croissantes ?

Des tirages confidentiels qui échappent à la censure

Justice et bagatelle : l’invention des stampe dans les ateliers da bagaglie

Le terme bagaglie est une variante orthographique du vieux vocable vénitien bagàgie, dont Boerio donne en italien la traduction suivante : « Terme d’imprimeur. Désigne ces petits travaux à la semaine qui sont brefs, comme les Avis publics, les Sonnets et choses similaires ; quasi bagatelles, choses de peu »6.

Les imprimeurs dits da bagaglie sont donc spécialisés à l’origine dans les « bagatelles », c’est-à-dire les ephemera, comme les almanachs, calendriers lunaires, livrets d’apprentissage, et autres feuilles de loto, dont les Vénitiens des xviie et xviiie siècles semblent avoir été friands7. « Il n’a pu résister à l’envie de la faire lire à d’autres amis […]. C’est à ce seul titre que cette lettre paroit imprimée, comme une de ces brochures, qu’on imprime dans la simple intention qu’elles ne servent qu’à un petit nombre d’amis »8. Au-delà du caractère artificiel de ce topos introductif, la comparaison établie par cet éditeur en 1782 confirme que ce type de « micro-édition » très intimiste correspondait à une réalité bien connue de ses contemporains.

L’association entre factums et « bagatelles » peut surprendre au premier abord. Elle a pourtant sa cohérence d’un point de vue éditorial, car les points communs entre les deux types de production sont nombreux : petit format, tirage très limité, production « à la semaine » ou en tout cas à court terme avec respect impératif d’une date butoir, péremption rapide, vente immédiate de tous les exemplaires au client commanditaire public ou privé9. C’est ainsi que les avis publics et formulaires variés produits pour les administrations étaient fabriqués dans ces mêmes ateliers. Il paraît naturel que les stampe in causa, indignes d’encombrer les presses des grands éditeurs de la ville, soient nées de ces petites presses secondaires, discrètes mais bien connues des milieux administratifs ou élégants. Au début du xviiie siècle, la petite imprimerie da bagaglie s’impose comme l’adresse idéale où commander une stampa, ce qui n’a pu que favoriser l’essor de ces dernières.

La loi de 1718 ou l’entrée officielle de la presse dans les cours de justice

Les stampe entrent officiellement dans la pratique judiciaire vénitienne par une décision du Grand Conseil en date du 27 mars 171810. Cette loi témoigne d’un compromis. D’une part, elle légalise l’usage des factums imprimés, entérinant ce qui apparait comme un puissant phénomène de mode, manifestement en essor rapide à la fin des années 1710, et apparu dans les cours de justice civile au début du xviiie siècle au plus tôt – c’est-à-dire deux siècles plus tard qu’en France11. D’autre part, elle impose un certain nombre de règles qui semblent traduire l’agacement des juges12 : conformité à l’original, obligation de fournir un exemplaire à la partie adverse au moins huit jours avant le procès, mais aussi interdiction de composer en capitales ou avec des caractères différents les passages qu’on chercherait à faire ressortir pour influencer le jugement, et d’inclure des documents non autorisés13. Cet encadrement montre que la forme imprimée soulève pour les contemporains des problèmes que les factums manuscrits n’avaient manifestement jamais posés.

C’est donc sous le signe d’un engouement soudain, mais aussi d’une certaine tension entre secret et publicité, que ces petites brochures font leur entrée sur la scène judiciaire vénitienne. Cette dialectique du privé et du public est particulièrement sensible dans une cité où la moindre rumeur se répand comme une trainée de poudre, et où l’État dispose d’un véritable service de renseignement14. Le simple fait d’apercevoir ne serait-ce que le titre d’une stampa (Pour Untel contre Untel) dans une imprimerie, suggérant qu’il existe un litige au sein d’une famille ou entre deux familles en vue, ne saurait être politiquement anodin dans un système de gouvernement aristocratique où stratégies familiales et exercice du pouvoir sont indissociables15.

Notons que le législateur de 1718 n’éprouve pas pour autant le besoin de soumettre ces imprimés à quelque censure que ce soit16. Les stampe in causa vénitiennes jouissent de ce statut hybride d’imprimé non soumis à la censure, statut propre aux factums dans presque toute l’Europe17.

Nous sommes donc en présence d’un type de contenu suffisamment sensible pour justifier l’interdiction d’imprimer, mais pas assez pour être soumis à la censure. Cet entre-deux original est lié à l’usage auquel sont destinées ces stampe.

Plaidoirie et performance : la place du factum sur la scène judiciaire

Contrairement aux factums d’autres cités italiennes ou de nombreuses régions d’Europe, les stampe vénitiennes d’Ancien Régime ont la particularité de ne jamais comporter de plaidoirie, la procédure imposant que cette dernière soit exclusivement orale18. Comment ces compilations de pièces jointes étaient-elles donc utilisées ?

Parce que la chose allait de soi pour eux, ni les juristes vénitiens qui ont conçu ces stampe, ni les imprimeurs qui les ont fabriquées, n’ont jugé bon de rédiger la moindre introduction, ni le moindre avertissement au lecteur, préambule ou autre mode d’emploi19.

Quelques voyageurs curieux de justice locale autant que d’opéra ou de peinture, nous ont par chance laissé leur témoignage. Celui-ci permet de comprendre comment ces stampe étaient concrètement utilisées dans les cours du Palais. En 1773, Bergeret de Grancourt, l’ami et mécène du peintre Fragonard qu’il accompagne dans son Grand Tour, eut la bonne idée d’assister à une audience au Palais Ducal :

Je me suis beaucoup amusé dans une grande salle d’audience à entendre plaider. Les juges paroissent placés comme les nôtres, avec des perruques de la plus grande ampleur ; l’avocat plaidant n’est pas fixé à une seule place, il est devant le cerclique, comme les juges, allant et venant et criant et gesticulant à faire rire ; la façon de plaider parait toute différente de la nôtre. Tous les juges sont munis d’un factum et il y a derrière l’avocat un clerc appartenant à l’avocat qui lit le factum d’une rapidité étonnante, et sans s’arrêter que rarement ; pendant ce temps, l’avocat tenant un pareil factum, va et vient vis à vis ses juges répétant, criant et appuyant et pesant sur les articles qui valent la peine de réveiller l’attention. L’avocat a une perruque encore plus ample que celle des juges. Un étranger ne peut s’empêcher d’y rire ; nous n’avons pu voir la fin de l’audience, nous espérons pouvoir reprendre ce plaisir20.

Le factum apparaît bien comme un outil central dans la « performance » judiciaire – au sens le plus scénique du terme. Dans la mesure où « tous les juges sont munis d’un factum », et étant donnés le contexte et la date, il s’agit très vraisemblablement d’un factum imprimé, c’est-à-dire d’une stampa in causa21.

Pour une partie en lice et son avocat, le fait d’être muni d’une stampa constitue indéniablement un atout.

Le premier intérêt de la presse est naturellement la multiplication des exemplaires. Si chaque juge dispose de son propre exemplaire, il peut feuilleter celui-ci plus librement pendant le procès et les délibérations, lire ou relire à sa guise, augmentant ainsi la « surface d’absorption » entre son attention disponible et le point de vue défendu22. Accessoirement, quand l’une des parties en lice réunit plusieurs parents et notamment plusieurs ménages, chacun peut avoir son propre jeu de documents23.

Le deuxième est l’attractivité formelle. La lisibilité de l’imprimé par rapport au manuscrit, l’unité de format et de forme typographique retrouvée d’un document à l’autre, la pagination, tout cela contribue à créer une image de clarté, de cohérence et de complétude, mais aussi de crédibilité, d’honnêteté et d’innocence puisque la partie prouve, par le passage délibéré à une lisibilité accrue, qu’elle n’a rien à cacher.

Mais il est un troisième atout, d’autant plus réel qu’il est discret : l’atout juridique. La stampa in causa, en tant que simple compilation documentaire, n’a certes pas l’impact d’un plaidoyer : elle est apparemment aussi neutre que le plaidoyer est partisan, aussi muette que le celui-ci est bavard. Mais comme le rappellent Anna Bellavitis et Isabelle Chabot, « toute source est un discours »24. Dans le cas de la stampa, la « mise en livre » confère aux pièces du dossier une force nouvelle. Si l’unité typographique donne déjà un aspect similaire à tous les documents, rehaussant si besoin la visibilité d’un point de nature marginale, c’est surtout leur mise en ordre qui crée entre eux des causalités, et établit une discrète mais certaine mise en récit. L’ordonnancement même des informations suggère en effet, dans l’enchaînement des péripéties, l’existence d’une logique, voire d’une téléologie. L’ordre « crée du sens », et ceci précisément dans le double « sens » du terme : celui de signification comme celui de direction. Cette « direction » insufflée au récit joue le rôle d’une flèche indiquant au juge le chemin vers la seule issue présentée comme « logique » au vu du scénario déroulé, lequel n’est rien d’autre que « la réécriture de l’histoire par l’avocat »25. Dans un contexte de plaidoirie exclusivement orale, la stampa constitue l’unique trace du plaidoyer – très légère certes, mais qui confère une « corporéité » au discours parlé, propre à prolonger son impact26. Sauf pour les procès à issue évidente, les avocats ont ainsi tout intérêt à ce que leur client réalise une stampa, notamment les avocats professionnels non patriciens, que ce nouvel outil ne saurait manquer de rendre encore plus « extraordinaires »27. Il est donc fort possible que la mode ait été lancée par quelque ténor du barreau en vogue à l’aube du xviiie siècle, et qu’elle ait rapidement fait des émules.

Produire une stampa exige cependant une réactivité spécifique. Comment les imprimeurs de classe III travaillent-ils exactement avec les avocats et leurs clients ?

Une production sur mesure dans des ateliers petits mais très réactifs

Des imprimeurs discrets et anonymes

Les rarissimes factums qui mentionnent une quelconque référence éditoriale sont de fabrication étrangère ou d’époque napoléonienne28. Il semble qu’aucun imprimeur vénitien da bagaglie sous la République n’ait signé ses travaux29. Est-ce pour protéger le secret des parties commanditaires ? Pour se protéger lui-même d’éventuelles pressions de la part d’une partie adverse ou d’avocats intrusifs ? Parce que l’absence de diffusion par le commerce de la librairie rendait inutile toute mention d’adresse ? Ou simplement par humilité en tant que dernier de sa corporation ? Quelle qu’en soit la raison, nous nous trouvons face à des sources singulièrement muettes sur leur propre origine ; c’est donc par d’autres biais qu’il nous faut retrouver les ateliers impliqués dans leur production.

La reconstitution du profil de ce microcosme spécialisé peut être tentée en cherchant du côté des sources relatives au vaste paysage éditorial vénitien du xviiie siècle30. Le fonds Riformatori allo Studio di Padova de l’Archivio di Stato contient des rapports fréquents et très précis concernant l’état de ce secteur prolixe et étroitement surveillé à plus d’un titre31. En introduction de leur compte-rendu, les inspecteurs emploient une formule récurrente : « Ce compte-rendu fait l’état des seules deux classes des imprimeurs-libraires et des imprimeurs sur commission, ayant omis la troisième classe des imprimeurs dits da bagaglie, jusqu’à présent inutiles au commerce éditorial, et seulement employés au travail des tribunaux. »32

Comme on le voit, les sources issues de la Surintendance des presses (Sovrintendenza alle stampe), sources par ailleurs abondantes, détaillées voire pointilleuses, ont ceci de frustrant qu’elles passent systématiquement en revue tout le matériel, toutes les productions et tous les acteurs du monde de l’édition, à l’exception précisément de ceux qui relèvent du groupe qui nous intéresse ici. Elles présentent tout de même l’intérêt de nous faire comprendre que les imprimeries da bagaglie constituent toujours, à la fin du xviiie siècle, une catégorie bien à part, dont certains rapports ont la bonne idée de mentionner le nombre, qui semble avoir été de onze des années 1780 jusqu’à la fin de la République33.

En dépouillant cette masse documentaire, nous avons tout de même eu la chance de découvrir un surintendant particulièrement consciencieux qui, par zèle ou par erreur, a inclus ces onze imprimeurs dans ses visites34. C’est ainsi que nous connaissons non seulement leur nom, mais également leur adresse, le nombre de presses de chaque atelier, et le nombre d’artisans qui y travaillent. Ces données précieuses permettent de dessiner le profil de ces imprimeries spécialisées.

Les ateliers : lieux, matériel et artisans

Fig. no 1a, 1b, 1c : Presses et ateliers des classes I, II et III à Venise en 1780

Ce qui frappe d’emblée est l’importance de cette activité, aussi bien en valeur absolue qu’en part relative au sein du paysage éditorial de la ville. Les ateliers de classe III ne représentent pas moins du tiers des imprimeries et du quart du potentiel des presses vénitiennes. Si la comparaison entre les figures 1a et 1b signifie que le nombre de presses par atelier y est légèrement inférieur à celui qu’on trouve en moyenne dans les imprimeries classiques35, la figure 1c révèle en revanche que l’activité des presses y est plus intense36. Pour l’année 1780, le taux d’activité moyen des presses, qui selon ces chiffres serait de 70 %, semble en effet supérieur à celui des imprimeries classiques, qui ne serait que de 52 %37.

L’inconnue demeure certes la proportion exacte de factums parmi toutes les productions issues des presses da bagaglie. Il est envisageable que certains de ces imprimeurs aient surtout produit des ephemera non judiciaires38. Mais les comptes rendus des sovrintendenti alle stampe amalgament de façon tellement systématique la catégorie des imprimeurs da bagaglie avec celle des imprimeurs dal foro (des tribunaux), que les uns et les autres semblent être devenus superposables, du moins dans le dernier tiers du xviiie siècle. L’emplacement géographique de la majorité de ces ateliers en 1780 confirmerait d’ailleurs cette spécialisation39. Surtout, lors de cette fameuse visite de septembre 1780, le surintendant, qui recense aussi ce qui est sous presse à ce moment-là, mentionne précisément, pour dix ateliers sur onze, l’impression de « stampe da palazzo » en cours, c’est-à-dire d’imprimés pour les tribunaux40. On conçoit mal ce que ces travaux pourraient être sinon des factums, d’autant que les documents officiels de la République sont du ressort du seul Pinelli, qui jouit d’un statut à part en tant que stampatore ducale, et dont l’imprimerie se démarque comme on l’a vu par sa taille et son activité41. Cela ne ferait que confirmer que les neuf autres ateliers en train d’imprimer des « stampe da palazzo » en septembre 1780 (sans exclure d’ailleurs Pinelli lui-même) étaient bien occupés à produire des stampe judiciaires pour particuliers, à savoir des factums.

Imprimeur (paroisse)pressespresses activesactivitétypographespressierschef d’atelierapprentisTotal artisans
Pinelli, Giovanni Antonio imprimeur ducal (Sta. M. Formosa)8675 %51211 (0,05 %)19
Tramontin Felice (San Silvestro)1½50 %1100 (0 %)2
Piotto, Marcellino (San Benetto)2150 %5201 (0,125 %)8
Casali, héritiers d’Antonio (San Marina)3133 %2211 (0,17 %)6
Tosello, Pietro (San Samuele)22100 %7401 (0,08 %)12
Milocco, Alvise (San Samuele)1½50 %2101 (0,25 %)4
Borghi, Zorzi (San Samuele)22100 %7401 (0,08 %)12
Valvasense, Alvise (San Fantin)2150 %3212 (0,25 %)8
Sola, Pietro (Frezzeria)22100 %6402 (0,17 %)12
Bernardi, Antonio (San Moisè)275 %7301(0,09 %)11
Indrich, Gio.Battista (San Paternian)275 %7301(0,09 %)11
TOTAL271970 %5238312 (0,11 %)105

Tab. no 1 : Les imprimeries da bagaglie en 1780 : noms, lieux, équipement, activité et main-d’œuvre en italiques : éditeurs issus de l’imprimerie traditionnelle reconvertis dans la production de factums en gras : frères d’imprimeurs traditionnels ayant créé une imprimerie de factums

Ce que l’on peut donc conjecturer est que la fabrication des factums imprimés à Venise, bien attestée à partir du début du xviiie siècle, a trouvé dans les petits ateliers da bagaglie les conditions idéales de sa genèse, jusqu’à en devenir peu à peu la production principale. Le succès des uns et des autres étant lié, il est fort possible que l’engouement croissant pour les factums imprimés ait suscité la naissance ou l’essor de tels ateliers, voire la reconversion42 ou la diversification43 de certains imprimeurs classiques face aux revers de fortune que connut l’activité éditoriale traditionnelle à partir des années 176044. La confrontation des sources suggère effectivement que la moitié des imprimeurs de classe III inspectés en 1780 seraient en réalité des professionnels issus du secteur de l’édition traditionnelle, qui se seraient orientés vers la production de factums, soit par reconversion (en italique dans le tableau ci-dessus) soit par diversification d’une fratrie (en gras). Cette hypothèse serait cohérente aussi bien avec la mise en garde de Mario Infelise au sujet de l’apparente reprise de l’activité éditoriale à Venise dans les années 1780, qu’avec l’importance de la masse archivistique retrouvée pour cette période45. Ces ateliers peuvent donc être perçus comme autant de petites ruches très actives dans la Venise de la fin du xviiie siècle. Réciproquement, l’ampleur et l’efficacité de cette offre éditoriale spécialisée et réactive aura certainement permis et encouragé la diffusion croissante de cet usage dans la vie judiciaire.

Le croisement des enquêtes semble donc confirmer la rencontre féconde entre une offre et une demande qui semblent parfaitement ajustées, dans une dynamique de croissance progressive tout au long du xviiie siècle, couronnée par une accélération soutenue dans le dernier tiers du siècle. Du côté des imprimeurs, l’impression de factums, pour être certes moins prestigieuse que l’édition classique, s’impose comme une activité sinon plus rentable, du moins plus sûre et de plus en plus attractive. Du point de vue judiciaire, le fait que les factums croissent en nombre et en volume tout au long du siècle, et débordent de plus en plus du cercle restreint du patriciat ou des classes les plus aisées, atteste du développement massif et du succès de cette pratique. Au cœur de cet équilibre se trouve la question des prix.

Prix, tirages, production

Quel était le prix d’une stampa à Venise au xviiie siècle ? Deux sources distinctes apportent des éléments de réponse. La première est une note de frais de justice de 1778, imprimée dans la stampa elle-même, qui inclut ce qui a été payé à l’imprimeur46. La seconde est un petit reçu délivré en 1791 par l’imprimeur Valvasense, sur une feuille volante conservée ou oubliée par son client dans l’exemplaire de la stampa qui nous est parvenu47. Ces deux sources indépendantes se complètent.

Note de frais d’Anna AnticoFacture de Girolamo Soranzo
Date17781791
Imprimeur?Valvasense
Instance viséeQuarantie (40 juges)Quarantie (40 juges)
Nombre d’exemplaires?60
Nombre de pages de la stampa170 p.36 p.
Prix par page typographiée£ 1 par page£ 4 : 10 par feuille (4 pages)  £ 1 : 2.5 par page
Prix total£ 170£ 40 : 5

Tab. n° 2 : Le prix d’une stampa à la fin du xviiie siècle à partir de deux sources complémentaires

Les deux indices convergent vers un prix d’environ £1 par page imprimée. Le nombre d’exemplaires est plus ambigu : dans la facture de 1791, il est limité à 60 ; dans les notes de frais de 1778 il n’est pas mentionné, comme s’il était forfaitaire, ou sous-entendu. Cela ne fait que confirmer que nous sommes dans un cas de figure bien différent de celui des factums à succès de la France de la même époque, ce qui s’explique aussi par le caractère beaucoup moins « lisible » des stampe vénitiennes, qui ne sont jamais qu’une suite abrupte de pièces-jointes. L’absence de plaidoirie, et même d’éléments de continuité entre les pages, rend l’ensemble assez hermétique et peu « divertissant » à lire puisqu’aucun narrateur (personnage ou avocat) ne guide le lecteur par un récit continu et cohérent. La stampa vénitienne sous la République reste un dossier technique destiné avant tout aux juges plutôt qu’au (grand) public.

Aussi serait-on tenté de proposer l’hypothèse suivante : que le nombre d’exemplaires par défaut soit directement lié au nombre de juges auxquels elles sont destinées, et que le « format » des instances d’appel, en vue desquelles sont imprimées une majorité de stampe, soit particulièrement déterminant. Les 60 exemplaires de la stampa Soranzo de 1791 pourraient confirmer cette hypothèse, si l’on imagine 40 exemplaires pour les juges, et 20 répartis entre la partie adverse, la famille et les avocats désireux de les archiver à des fins familiales ou professionnelles48.

Du point de vue du client, le prix d’une petite stampa de 36 pages était somme toute abordable pour des budgets moyens.

La facture de 1791 fournit en outre un indice concernant le format de travail. Elle mentionne soixante exemplaires en papier fin et comptabilise 9 feuilles, à £4 :10 la feuille, pour un total de £40 :1049. La stampa en question comportant précisément 36 pages (4 x 9), l’imprimeur facture manifestement au nombre de bifeuillets imprimés recto-verso50. Cela suggère que les imprimeurs de factums impriment sur des feuilles déjà coupées en deux, sans doute dans le but de gagner en réactivité51. Cela serait également cohérent avec le petit nombre d’exemplaires produits : pour 60 exemplaires, le fait d’activer la presse deux fois plus souvent ne change pas grand-chose, ou est largement compensé par la facilité de ne composer que quatre pages à la fois. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les presses da bagaglie, du moins certaines, aient été de plus petite taille. Si cette hypothèse était valide, elle fournirait une justification supplémentaire au fait que les surintendants, pourtant pointilleux, aient considéré ces ateliers de « classe III » comme parfaitement inoffensifs d’un point de vue éditorial, au point de se dispenser de les inspecter52. Elle contribuerait en outre à expliquer le coût relativement contenu d’un petit factum malgré un ratio composition/tirage bien supérieur à celui des livres53.

Dans les fonds d’archives privées, on peut trouver deux voire trois exemplaires du même factum dans des états de complétude différents : tandis qu’un exemplaire va de la page 1 à la page n, l’autre va de la page 1 à la page m54. Dans certains cas, on retrouve ailleurs un petit cahier isolé, simplement plié mais non relié, contenant les pages n+1 à m. Ce type de césures entre cahiers n’interrompt pas un texte, mais correspond à la transition entre deux documents divers. Les nouvelles pages semblent toujours correspondre à l’ajout cohérent d’une batterie supplémentaire d’informations ayant une logique propre, manifestement destinée à une nouvelle étape du procès. Ces sources laissent supposer un processus de fabrication progressive, selon un calendrier qui de toute évidence épouse les rebondissements de l’affaire judiciaire55. Ces quelques fragments de stampe retrouvés dissociés proviennent uniquement d’archives privées, ce qui suggère qu’une fois la première version de la stampa imprimée, pliée et reliée, rien n’empêche le client ou l’avocat d’apporter des documents complémentaires à l’imprimeur, pour que celui-ci compose et imprime quelques pages supplémentaires. Dans l’exemplaire que le client garde pour lui-même, voire dans celui éventuellement archivé par l’avocat, les pages ajoutées sont simplement glissées à la fin de la stampa, entre le dernier cahier et le bifeuillet faisant office de couvrure (voire en-dehors si l’ajout est d’épaisseur plus conséquente). Dans les exemplaires destinés aux juges, elles sont en revanche reliées à tout ce qui précède, le tout étant inséré dans un nouveau bifeuillet de couvrure remplaçant l’ancien, typiquement pour les stampe en appel56. Cette façon de travailler exige des avocats comme des imprimeurs une grande réactivité. Les sources vénitiennes ne font que confirmer ce que les historiens d’autres régions ont déjà souligné quant à l’extrême rapidité de fabrication des factums57.

Cette rapidité se voit d’ailleurs au nombre important de coquilles, qui suggère que le typographe n’a pas toujours pris le temps de vérifier la composition ni de corriger les épreuves58. Si l’orthographe très fluctuante des noms propres est alors courante même dans les manuscrits, dans les stampe, les inversions de lettres dans les mots, et de chiffres dans les dates, voire les omissions de paragraphes, frappent par leur fréquence. Ces imperfections laissent deviner l’apprenti sous pression ou la fatigue oculaire59.

*

Contrairement à l’impression des factums français d’Ancien Régime, celle des stampe de la République vénitienne ne relève aucunement d’une saison (la « juridique » des typographes), mais uniquement de lieux spécialisés60. Les modestes ateliers « de troisième classe », auxquels le gouvernement prête beaucoup moins d’attention qu’aux grandes officines, jouent un rôle décisif dans la vie judiciaire de la cité. Ils apparaissent comme les laboratoires d’un dialogue inédit entre juristes, clients et artisans du livre, et le lieu d’une fécondation réciproque croissante entre savoir-faire éditorial et pratique judiciaire au cours du dernier siècle de la République. Les imprimeurs da bagaglie réussissent à faire de leur marginalité un atout pour s’affirmer dans le paysage éditorial, culturel et judiciaire de la seconde moitié du xviiie siècle. Réactifs aux sollicitations toujours urgentes des clients et des avocats, attentifs aux règlements, garants de l’authenticité des pièces fournies, ils sont les gardiens d’une information sensible dont ils doivent à la fois promouvoir l’édition et garder le secret. En cela ces officines ont sans doute pu ressembler aux magasins de reprographie d’aujourd’hui, où les clients viennent imprimer des documents personnels à petit nombre d’exemplaires, en affectant de croire à la capacité de discrétion du prestataire. Dans l’état actuel de l’enquête, les factums de la République vénitienne ne semblent pas avoit fait l’objet d’une « édition » à proprement parler. Cela n’empêche pas les ateliers de classe III, lieux situés entre le tribunal, l’étude et la rue, d’être les creusets d’une hybridation ambigüe entre l’oral, l’écrit et l’imprimé, contribuant à redéfinir l’équilibre (ou le déséquilibre) entre le public et le privé.

Si les imprimeurs de factums semblent mieux résister que les grands imprimeurs-libraires à la crise de ce qui a pu être appelé la « décadence » vénitienne, c’est aussi parce que la crise elle-même nourrit leur activité. Le succès grandissant des stampe in causa reflète et accentue les conflits inter- ou intrafamiliaux exacerbés par les revers économiques, et plus généralement les tensions profondes qui travaillent une société au bord de la rupture. Les officines discrètes qui apparaissent à certains égards comme le « tiers-état » de l’imprimerie vénitienne sont les coulisses de mutations irréversibles, aussi bien dans l’art de la défense pour les avocats que dans le rapport à la justice pour les clients. Si elles sont loin de jouir du prestige des hauts lieux littéraires que sont les grandes imprimeries-librairies des Fenzo, Bettinelli et autres Albrizzi, elles sont sans doute des vecteurs efficaces de cette autre forme de savoir – et donc de pouvoir – que l’historiographie anglosaxonne désigne éloquemment par legal literacy61.

La nature des factums évolue après la chute de la République, dans la mesure où l’interdit absolu de plaider par écrit s’estompe, puis se mue en obligation sous la première occupation autrichienne62. C’est ainsi qu’apparaissent les allegazioni à partir de 1797, puis les conclusioni de la période napoléonienne. Ces plaidoiries de plus en plus abouties s’appuient volontiers sur des « stampe-fleuves » de 300, 400 pages ou plus encore. Cette surenchère dit toute la difficulté des Vénitiens sous domination à assimiler des droits étrangers en faisant le deuil de leur tradition juridique originale. Les factums deviennent précisément les instruments privilégiés de ce laborieux processus d’acculturation juridique au quotidien. Les petites imprimeries dal foro survivent ainsi à la République et continuent d’être ces lieux-clés dans le rapport que les Vénitiens entretiennent avec la loi et la justice.

____________

1 Cf. Marie MALHERBE, Le jeu de la pourpre et du bâtard. Les enfants illégitimes de patriciens face à l’aristocratie vénitienne à travers cinq procès en justice civile au dernier siècle de la République (1696-1780), thèse de doctorat en cotutelle internationale sous la direction d’Anna Bellavitis (Université de Rouen) et Luciano Pezzolo (Università Ca’Foscari de Venise), 2020 ; Ead., « Les factums imprimés à Venise en justice civile et leurs enjeux politiques, de la République à l’ère napoléonienne (1718-1815) », dans Plaidoyers judiciaires : étude, objet, action, éd. Claire Châtelain et Ines Gomez, Revue d’histoire des facultés de droit, 2021, à paraître.

2 C’est le terme figurant en page de titre – quand il y a page de titre. Le cas échéant, le mot stampa est imprimé en majuscule, seul ou suivi du nom du commanditaire, voire des deux parties (« Per Untel contro Untel »).

3 En France, l’âge d’or des factums imprimés est légèrement antérieur et se situe juste avant la Révolution, cf. Hervé LEUWERS, « Défendre en justice sous la Révolution française. La fin des mémoires judiciaires imprimés (1788-1792) ? », Revue du Nord, 409, 2015-1, p. 25-44. Pour un état des lieux à l’échelle européenne, Plaidoyers judiciaires : étude…, op. cit. [note 1].

4 Mario INFELISE, L’editoria veneziana nel 700’, Milan, Franco Angeli, 1989.

5 Indépendamment des questions de censure, les inspections témoignent d’un double souci relevant de ce que nous appellerions aujourd’hui le « contrôle qualité » d’une part, et l’inspection du travail d’autre part.

6 Giuseppe BOERIO, Dizionario del dialetto veneziano, Venise, 1829, p. 55. Le terme entre manifestement dans la catégorie des ephemera, cf. The Encyclopedia of Ephemera: A Guide to the Fragmentary Documents of Everyday Life for the Collector, Curator, and Historian, éd. Maurice Rickards, Michael Twyman, New-York, Routledge, 2000. Voir aussi « Occasionnels et impressions ephémères », dans Yann SORDET, Histoire du livre et de l’édition. Production & circulation, formes & mutations, Paris, Albin Michel, 2021, p. 336-337.

7 Mario INFELISE, « Book Publishing and the Circulation of Information », dans A Companion to Venetian History, 1400-1797, éd. Eric R. Dursteler, Leyde ; Boston, Brill, 2013, p. 663. Un doute demeure cependant quant aux « sonnets » mentionnés par Boerio. Les archives privées confirment que les Vénitiens ont produit une grande quantité d’écrits de circonstance, surtout au xviiie siècle. Ces petits imprimés extrêmement soignés, en général reliés et agrémentés de gravures, sont composés d’éloges le plus souvent sous forme de sonnets à l’occasion d’un mariage, d’une prise de fonction, ou de tout autre événement solennel. Mais ceux que nous avons retrouvés sont l’œuvre d’éditeurs prestigieux (Albrizzi, Pavini, Fenzo, Zatta), et non d’imprimeurs da bagaglie. Boerio fait sans doute allusion à des « sonnets » plus modestes.

8 Du séjour des Comtes du Nord à Venise en janvier mcclxxxii, Lettre de M.me la Comtesse douairière des Ursins et Rosenberg à son frère M.r Richard Wynne à Londres, Venise, 1782, p. 5, avant-propos de l’éditeur (qui choisit de rester anonyme).

9 À ce stade de la recherche, aucune trace n’a encore été retrouvée à Venise d’un véritable marché du factum, ni a fortiori de comparable aux tirages stupéfiants que connurent certains factums à succès en France à la même époque, pouvant atteindre jusqu’à 10 000 voire 20 000 exemplaires dans les années 1780. Sarah MAZA, Vie privée, affaires publiques. Les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, Fayard, 1997, p. 8.

10 « En matière d’appel, d’écrits réglementaires, d’imprimés et autres dans les procès civils. […] Non moins scandaleux et urgents à réformer sont les imprimés longs et répandus introduits depuis quelque temps dans chaque procès. Ils ont produit, et produisent encore les effets les plus mauvais et insupportables ». Ce texte, connu par les délibérations rassemblées et publiées onze ans plus tard (1729) dans le Novissimum Statorum ac Venetarum Legum, c. 342 et 343 r., est cité dans l’ouvrage pionnier de Raffaele GIANESINI, Le Stampe ad lites della Biblioteca Civica Vincenzo Joppi di Udine, Florence, Olschki, 2003, p. 47, n. 83.

11 La loi désigne des imprimés apparus « depuis quelques temps ». Cette chronologie semble confirmée par les archives : le plus ancien factum imprimé que nous ayons pour l’heure retrouvé date de 1707, Archivio di Stato di Venezia (désormais ASVE), Miscellanea stampe in causa (désormais MSC), b. 10. Le scandale que provoque l’usage du factum imprimé en 1718 suggère que celui-ci est totalement inconnu à Venise avant 1700 – alors que la BnF conserve des centaines de factums imprimés en France pour le xvie siècle, et ce dès les années 1505, avec un accroissement encore plus marqué dès les années 1560. Nous remercions Jean-Dominique Mellot pour ces informations.

12 Tous les patriciens siègent au Grand Conseil mais les juges proviennent du moyen patriciat, dont les intérêts divergent de plus en plus de ceux du haut patriciat au cours du xviiie siècle, cf. Volker HUNECKE, Der venezianische Adel am Ende der Republik, 1646-1797. Demographie, Familie, Haushalt, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1995. Il pourrait donc y avoir des conflits internes au patriciat au sujet de ces stampe qui, implicitement, se mêlent de diriger les juges plutôt que de s’en remettre à leur arbitrium.

13 Seuls les contrats, calculs, extraits de testaments et actes notariés, arbres généalogiques, contestations et sentences civiles sont autorisés. La liste bannit explicitement les « actes privés », et implicitement tout extrait de traité juridique.

14 L’étroitesse des rues, l’absence de calèches et la promiscuité font qu’on entend facilement les conversations ; au xviiie siècle, les campi (places), théâtres, cafés, librairies, salons et casini fourmillent de « confidents » (espions) ; la ville compte en outre un grand nombre de gazettes et de journaux à la main, cf. Alexander COWAN, « Gossip and Street Culture in Early Modern Venice », Journal of Early Modern History, 12, 2008, p. 313-333 ; Id. « Seeing is Believing: Urban Gossip and the Balcony in Early Modern Venice », Gender & History, 23, 2011-3, p. 721-738.

15 Disposant de patrimoines à défendre et des moyens d’agir en justice, les familles patriciennes sont abondamment représentées parmi les commanditaires de stampe en justice civile.

16 Cette absence de censure à Venise est d’autant plus remarquable que même les publications de circonstance commanditées par les familles patriciennes portent la mention « con licenza de’superiori » ou « con approvazione » ou encore « con le debite permissioni ». Est-ce parce que la censure s’applique indistinctement à tout ce qui sort des presses des « grands » imprimeurs ? Ou parce que l’identification entre le patriciat et la République, qui confère à tout événement familial du patriciat une dimension politique, implique que les discours produits en de telles occasions particulièrement solennelles et fréquentées soient passibles de censure ? Dans un cas comme dans l’autre, cela confirme que le factum reste réputé relever de la sphère privée, y compris quand il est imprimé.

17 Parmi les rares exceptions figure le cas de Nancy, où l’autorisation d’imprimer relève du rapporteur ou de l’avocat général, cf. Hervé LEUWERS, L’invention du barreau français (1660-1830). La construction nationale d’un groupe professionnel, Paris, EHESS, 2006, n. 149, cité par Géraldine THER, Jeux de rôles et de pouvoirs. La représentation des femmes dans les factums (1770-1789), Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2017, p. 14. En Italie, les États pontificaux semblent constituer une autre exception. Nous avons en effet retrouvé l’allegazione d’une affaire pénale imprimée à Ferrare en 1781 (ayant été transférée à Venise car le crime aurait été commis par le laquais d’une comtesse résidant à Venise) mentionnant « nella stamperia camerale, con licenza de’superiori », avec l’imprimatur du Vicaire Général du Saint Office, ASVE, MSC, b. 15.

18 Carlo GOLDONI, L’avvocato veneziano, Acte iii, scène ii. L’avocat adverse, qui vient de Bologne (où la plaidoirie peut se présenter sous forme écrite) donne son plaidoyer écrit au juge vénitien ; celui-ci le refuse et demande au plaideur de prononcer oralement sa défense.

19 La stampa in causa vénitienne s’ouvre ex abrupto sur les documents du procès, sans page de titre ni titre de départ.

20 [Pierre-Jacques-Onésyme BERGERET DE GRANCOURT], Bergeret et Fragonard : Journal inédit d’un voyage en Italie, 1773-1774, Paris, May et Motteroz, 1895, p. 382. Le riche mécène relate vraisemblablement une audience en Quarantie (tribunal d’appel).

21 Le « clerc appartenant à l’avocat » est vraisemblablement le causidico ou interveniente, qui ne plaide pas mais prépare la procédure, cf. Silvia GASPARINI, Tra fatto e diritto : avvocati e causidici a Venezia nell’età moderna, Padoue, Imprimitur, 2005. Dans les grandes lignes, la répatition des tâches entre avvocato et interveniente rappelle celle qui existe entre lawyer et sollicitor dans le système britannique.

22 À Venise, les cours de première instance comprennent généralement trois juges, et les Quaranties (instances d’appel) comportent, comme leur nom l’indique, chacune quarante juges.

23 Selon la taille de la famille, une partie en justice civile peut regrouper jusqu’à une petite dizaine d’individus, notamment dans les litiges successoraux. Dans ce type de cas, la possibilité de partager les frais d’imprimerie (entre cousins par exemple) justifie d’autant plus l’impression du factum.

24 La justice des familles, Autour de la transmission des biens, des savoirs et des pouvoirs (Europe, Nouveau Monde, xii e-xix e siècles), dir. Anna Bellavitis, Isabelle Chabot, Rome, École française de Rome, 2011, p. 2.

25 Maurice DAUMAS, L’Affaire D’Esclans : les conflits familiaux au xviiie siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1987, cité par G. THER, Jeux de rôles et de pouvoirs, op. cit. [note 17], p. 12.

26 « Le factum laisse une trace de la plaidoirie prononcée par l’avocat pendant l’audience » écrit à propos de la France Géraldine Ther, ibid. Même si cette trace est moins claire dans nos stampe vénitiennes dépourvues de tout ce qui peut ressembler à une plaidoirie, un certain écho reste perceptible. Le lien entre stampa et plaidoirie est de fait « organique », l’une renvoyant à l’autre, cf. R. GIANESINI, Le stampe ad lites, op. cit. [note 10], p. 53.

27 Par défaut, tout demandeur ou défendeur en justice est confié à un avocat « ordinaire », patricien et non diplômé, passant rapidement par cette charge dans le cadre de son cursus honorum. Les avocats « extraordinaires » sont au contraire des professionnels apparus progressivement sur la scène judiciaire, non patriciens et diplômés, vendant leurs services aux parties désireuses d’être mieux défendues. Les plus en vue jouissent d’un grand prestige, cf. S. GASPARINI, Tra fatto e diritto, op. cit. [note 19].

28 Sur la centaine de factums que nous avons manipulés jusqu’à présent dans différents fonds vénitiens, outre le cas de Ferrare mentionné supra, nous n’avons rencontré que trois mentions d’imprimeur, toutes d’époque napoléonienne (dont un seul de Venise). À une échelle plus significative, Raffaele Gianesini rapporte que sur les 1300 factums de fonds publics et privés qu’il a étudiés, les imprimeurs n’apparaissent qu’à titre exceptionnel (R. GIANESINI, Le stampe ad lites, op. cit. [note 10], p. 55). Si nous avons correctement compté les mentions d’imprimeurs dans la liste qu’il a publiée du fonds stampe ad lites de la Bibliothèque Municipale d’Udine, nous arrivons à 5 mentions sur 957 (= 1/192) dont 2 fois le même nom pour le même client, 100 % des mentions étant d’époque napoléonienne.

29 Les factums vénitiens se distinguent en cela des factums français qui, au fil du temps, portent de plus en plus souvent le nom de leurs imprimeurs, ce qui devient obligatoire à partir de 1708 sous peine de poursuites. Nous remercions chaleureusement Jean-Dominique Mellot pour ces informations, et Yann Sordet pour ses indications bibliographiques. Cf. Roland DESCAVES, article « factum », Dictionnaire encyclopédique du livre, Paris, Cercle de la Librairie, t. II, 2006, p. 177.

30 L’ouvrage de référence demeure celui de M. INFELISE, L’editoria veneziana nel 700’, op. cit. [note 4].

31 Les rapports font pour chaque imprimeur un état des lieux du nombre de presses en activité, de l’état du matériel, de la qualité de l’encre et du papier utilisés, des nom et âge des typographes, pressiers et apprentis ainsi que de leur type de contrat de travail, des livres vendus, ainsi que des titres publiés dans l’année ou sous presse. Dans les années 1780, les visites sont au moins annuelles, ASVE, Riformatori dello Studio di Padova, b. 369. Pour une comparaison avec la France, cf. J.-D. MELLOT, Marie-Claude FELTON et Elisabeth QUEVAL, La police des métiers du livre à Paris au siècle des Lumières, Paris, BnF, 2017.

32 Ibid., compte-rendu d’Antonio Prata Sovrintendente alle Stampe, 16 décembre 1780.

33 Ce qui, en nombre d’ateliers, est quasiment équivalent au nombre des officines d’imprimeurs-libraires (treize) ou des seules imprimeries (douze). Voir infra, fig.1a.

34 Ce compte-rendu exceptionnellement exhaustif date de septembre 1780. ASVE, Riformatori dello Studio di Padova, b. 369.

35 Si l’on excluait l’imprimerie ducale (la grande imprimerie Pinelli, qui apparaît d’ailleurs en classe II dans une liste contemporaine établie par la corporation, cf. M. INFELISE, L’editoria veneziana nel ‘700, op. cit., [note 4], n. 112.), la classe III représenterait en revanche à 28 % des ateliers, pour seulement 18 % des presses et 19 % des presses actives. Mais cette exclusion n’est pas justifiée car indépendamment du fait que notre rapport (plus complet et plus précis que la liste sommaire de la corporation) le place bien dans la classe III, Pinelli a manifestement été un grand imprimeur de factums. La confusion avec la classe II ne viendrait pas de son activité mais précisément de sa taille, atypique pour la classe III, où la moyenne serait sans cela de deux presses par atelier.

36 Le décompte de « demi-presses » en activité, que nous retrouvons également dans les rapports des classes II et III, est certes dépaysant à première vue. Le classement du rapport sous forme de tableau (Tab. 2) nous permet toutefois de remarquer que le chiffre inscrit dans la colonne « nombre de pressiers » est systématiquement le double de celui inscrit dans la colonne « nombre de presses actives ». Il semblerait donc que ce dernier résulte en réalité du nombre de pressiers disponibles (torcolieri) divisé par deux, étant entendu qu’il faut en principe deux pressiers, un battitore (encreur) et un tiratore (tireur) pour travailler correctement. Un pressier seul, forcé de procéder lui-même à l’encrage et au tirage, serait donc réputé faire produire la machine deux fois plus lentement.

37 Ce n’est certes qu’un ordre de grandeur ; il faudrait idéalement pouvoir comparer sur plusieurs années, et même d’un mois à l’autre : les ephemera s’imprimant par définition à court terme (« à la semaine » selon les termes de Boerio), le taux d’activité des presses serait susceptible de varier d’une semaine à l’autre.

38 C’est sans doute le cas de l’imprimeur Tramontin, qui au moment de la visite de 1780, a sous presse non pas une stampa da palazzo mais les listes à jouer pour le loto. Le rapport laisse deviner une officine minuscule : il n’a qu’un pressier et nul autre typographe que lui-même (alors que dans tous les autres ateliers, l’imprimeur propriétaire des presses n’est jamais compté parmi les artisans). Il est probable qu’il n’ait que très rarement imprimé des factums.

39 Santa Maria Formosa est située dans la proximité immédiate de San Marco, siège des magistratures ; quant aux paroisses de San Moisè, San Benetto, San Fantin et San Paternian, elles sont à proximité de la calle degli avvocati (rue des avocats) qui existe encore aujourd’hui, où les études d’avocats étaient alors regroupées, cf. Ivone CACCIAVILLANI, Storia dell’avvocatura veneziana, Venise, Corbo e Fiore, 2006, p. 112.

40 À l’instar des Corti di Palazzo désignant les six magistratures de première instance en justice civile, l’expression da palazzo se rapporte aux tribunaux en général – le Palais du doge étant aussi le Palais de justice.

41 L’imprimeur ducal est en charge de tous les imprimés officiels de la République. Son adresse à Santa Maria Formosa, très proche du Palais du doge, est cohérente avec cette fonction. Giovanni Antonio Pinelli jouit d’un prestige singulier, il (ou son père) était déjà prior dell’arte (représentant de la corporation) en 1756, lors d’un conflit orageux qui avait nécessité sa médiation entre un éditeur et un auteur qui n’était autre que Carlo Goldoni, cf. M. INFELISE, L’editoria veneziana nel ‘700, op. cit. [note 4], p. 197.

42 Cela semble notamment être le cas de P. Sola et A. Casali. Dans la fameuse liste sommaire quasiment contemporaine sinon légèrement antérieure produite par la corporation [cf. note 33], ces deux noms figurent non pas dans la catégorie des imprimeurs da bagaglie, mais encore dans la classe II des imprimeurs classiques sans librairie. Il est donc possible que l’année 1780 ait été une année de mutations, pendant laquelle trois imprimeurs de classe II auraient rejoint la catégorie da bagaglie, le troisième étant A. Milocco [cf. note suivante]. Serait-ce là d’ailleurs ce qui valut à la classe III cette inspection exceptionnelle ?

43 Il semble en effet que des fratries d’imprimeurs se soient scindées de cette façon, probablement dans le but de servir plusieurs clientèles et d’optimiser les profits, notamment autour de 1780. Ce serait le cas des Milocco, Piotto et Valvasense. C’est du moins ce que permet de penser la comparaison des diverses listes, celles des intendants et celle précitée des registres tenus par la profession, lesquelles mentionnent bien nos imprimeurs da bagaglie M. Piotto et I. Valvasense, mais également un P. Piotto, un P. Valvasense et un B. Milocco dans la catégorie des imprimeurs-libraires, aucun Milocco parmi les imprimeurs da bagaglie, et en revanche un Milocco A. comme « imprimeur volant, sans imprimerie ni atelier ». L’installation d’Alvise Milocco comme imprimeur de factums semble récente au moment de la visite de septembre 1780, peut-être en lien avec une possibilité d’installation (achat ou location d’un local) dans le secteur de San Samuele. M. Infelise évoque aussi l’imprimerie (traditionnelle) d’un certain Francesco Valvasense au début du xviiie siècle, imprimerie qui existe toujours en 1780, parallèlement à l’imprimerie da bagaglie d’Alvise Valvasense.

44 M. Infelise évoque une « stagnation de la production » suffisamment inquiétante pour que la République ait tenté des mesures afin de relancer l’activité éditoriale dans les années 1760. Les ateliers passent néanmoins de 37 en 1765 à 33 en 1770, pour remonter à 35 en 1780. Quant aux presses, elles passent de 127 en 1767 à 121 en 1770 et 117 en 1780, M. INFELISE, L’editoria veneziana nel ‘700, op. cit. [note 4], p. 309.

45 L’augmentation de la masse archivistique peut certes venir d’un effet de conservation ; mais l’hypothèse d’une production croissante de factums est corroborée par M. Infelise, qui précise bien que « la légère augmentation des années 1780 ne saurait traduire une inversion de tendance. On ne vérifie pas de reprise de la production de livres dans ces années. Si le nombre de presses en activité augmente légèrement, c’est uniquement parce que de nombreux petits imprimeurs, au vu des difficultés persistantes du marché éditorial, abandonnèrent résolument la production de livres pour se dédier à l’impression de bordereaux officiels ou privés, et d’allegazioni processuali [factums], ces dernières en particulier étant très demandées dans les dernières années du siècle. Ces artisans, dénommés da bagagie, finirent par constituer une part importante du corps des imprimeurs. », ibid. (nous traduisons).

46 Bibliothèque du Musée Correr, Per Dom. Anna Antico tutrice di Marin Odoardo, p. 155-160. La note de frais est imprimée dans la stampa elle-même car une partie du litige porte sur l’octroi d’un provisional (avance versée à une partie reconnue comme « pauvre » pour que celle-ci puisse faire face à ses frais de justice).

47 Le reçu est daté du 21 février 1790 more veneto, qui correspond donc au 21 février 1791. ASVE, MSC, b. 39, Stampa per il NH s. Girolamo Antonio Soranzo fu de Mattio contro il NH s. Zuanne Molin fu de Marco Bertuzzi al taglio.

48 Même si les instances judiciaires diffèrent, on retomberait sur l’ordre de grandeur donné par Roland Descaves pour décrire « le petit nombre d’exemplaires » des factums français ordinaires (hors factums à succès), avec lequel les 50 exemplaires attestés sous le Second Empire semblent en continuité, cf. R. DESCAVES, article « factum », dans Dictionnaire encyclopédique…, op. cit. [note 29], p. 177.

49 40 lires et 10 sols, soit £40,5. À titre de comparaison pour la fin du xviiie siècle, le salaire annuel d’un apprenti dans une imprimerie varie entre £350 la première année et £468 la troisième année ; un gondolier au service d’une famille patricienne gagne environ £1000 annuelles. Cf. M. INFELISE, L’editoria veneziana nel ‘700, op. cit. [note 4], 4.d. « la manodopera ». Un ouvrier journalier quant à lui gagne £1 par jour – nous remercions Lucio Pezzolo pour cette information complémentaire. Du côté des patriciens pauvres, une charge des Cent’Uffici censée maintenir décemment une personne s’élève à 120 ducats par an (soit £780).

50 Le livret est au format in-8°.

51 Ce qui se différencie nettement du cas de la France à la même époque, où le directeur royal des publications impose au contraire à partir de 1774 le grand format in-4o pour les factums, afin de conférer à ces ouvrages juridiques une dignité supérieure à celle des pamphlets et autres libelles, alors publiés au format in-12o, cf. G. THER, Jeux de rôles et de pouvoirs, op. cit. [note 10], p. 17.

52 D’ailleurs le rapport dont nous disposons semble principalement motivé par le recensement de la main d’œuvre et la recherche d’éventuels « garzoni abusivi », c’est-à-dire des artisans encore déclarés (et donc payés) comme apprentis alors qu’ils travaillent depuis des années (le rapport mentionne dans certaines officines des « apprentis » qui exercent le métier depuis vingt ans). Le risque d’édition clandestine de « vrais » livres ne semble pas préoccuper les surintendants à propos de cette classe d’imprimeurs.

53 La stampa Soranzo a demandé 36 pages de composition pour seulement 60 exemplaires imprimés (ratio = 0,6), alors qu’une traduction de Bossuet imprimée la même année (citée par M. INFELISE, L’editoria veneziana nel ‘700, op. cit. [note 4], p.186) a demandé 59 feuilles (soit 472 pages à format égal in-8°) pour 1500 exemplaires (ratio = 0,3). Pour un livre in-4°, le ratio serait encore divisé par deux, à savoir 0,15, alors qu’à l’opposé, les stampe de plus de 100 pages qu’on trouve au cours du dernier tiers du xviiie siècle ont des ratios montant facilement jusqu’à 5.

54 Où n et m sont deux nombres entiers tels que m>n.

55 Typiquement s’il y a procédure d’appel, la stampa est étoffée en vue de la deuxième instance. Mais d’autres rebondissements peuvent occasionner des ajouts : si quelqu’un meurt en court de procès et qu’il est nécessaire d’insérer son testament par exemple, ou si une fille a entre-temps été mariée, on ajoute son contrat de mariage stipulant sa dot.

56 Le passage en appel est en génétal l’occasion d’imprimer un nouveau titre de couverture, portant en lettres capitales la mention al laudo (sur la stampa des appelés) ou au contraire al taglio (sur celle des appelants, demandant de casser la première sentence).

57 « Quelques heures suffisaient à rédiger et à publier la plupart des factums », cf. G. THER, Jeux de rôles et de pouvoirs, op. cit. [note 17], p. 14.

58 C’est particulièrement flagrant dans les stampe de clients socialement modestes, ce qui laisse supposer que certains imprimeurs étaient moins chers que d’autres.

59 Le monde vénitien de l’édition est notoirement marqué par des abus sur les salaires. Une hypothèse serait que les stampatori da bagaglie, moins surveillés que les autres, aient fait travailler des « garzoni abusivi ». Pour une perspective sur le temps long, cf. Davide DRAGO, « Il garzonato nella stampa a Venezia tra la fine del Cinquecento e la prima metà del Seicento », dans Garzoni. Apprendistato e formazione tra Venezia e l’Europa in età moderna, éd. Anna Bellavitis, Mantoue, Universitas Studiorum, 2017, p. 261-283, en particulier p. 276-278.

60 Pour les typographes des villes judiciaires en France, la « juridique » est une saison, celle de l’activité des cours, pendant laquelle les factums sont imprimés, R. DESCAVES, article « factum », art. cit. [note 29], p. 177.

61 Legal Literacy in Premodern European Societies, éd. Mia Korpiola, Londres, Palgrave MacMillan, 2019.

62 Michele GOTTARDI, L’Austria a Venezia. Società e istituzioni nella prima dominazione austriaca (1798-1806), Franco Angeli, Milan, 1993.