Christophe Plantin et les certificats d’aptitude délivrés aux membres de la communauté typographique des anciens Pays-Bas
Censure, techniques et savoirs
Abréviations : BT = Elly COCX-INDESTEGE, Geneviève GLORIEUX, Bart OP DE BEECK, Belgica Typographica, 1541-1600. Catalogus librorum impressorum ab anno mdxli ad annum MDC in regionibus quæ nunc Regni Belgarum partes sunt, 4 vol., Nieuwkoop, De Graaf, 1968-1994 ; Certificats Plantin = Philippe ROMBOUTS, Certificats délivrés aux imprimeurs des Pays-Bas par Christophe Plantin et autres documents se rapportant à la charge du Prototypographe, Anvers, Buschmann ; Gand, Hoste, 1881. Corr. Plantin = Max ROOSES (éd.), Correspondance de Christophe Plantin, 9 vol., Anvers, J. E. Buschman ; Gand, A. Hoste ; La Haye, M. Nijhoff, 1983-1918. ISTC = Incunabula Short-Title Catalogue [en ligne : http://www.bl.uk/catalogues/istc/]. PP = Léon VOET, The Plantin Press at Antwerp (1555-1589), 6 vol., Amsterdam, Van Hoeve, 1980-1983. VOET, Golden Compasses = Léon VOET, The Golden Compasses. A History and Evaluation of the Printing and Publishing Activities of the “Officina Plantiniana” at Antwerp, 2 vol., Amsterdam ; Londres ; New York, Vangendt, 1972. USTC = Universal Short Title Catalogue [en ligne : http://www.ustc.ac.uk].
Afin d’éviter de multiplier inutilement les notes de bas de page, nous renvoyons pour toutes informations biographiques relatives aux imprimeurs des Pays-Bas méridionaux mentionnés dans cet article à : Anne ROUZET, Dictionnaire des imprimeurs, libraires et éditeurs belges des xve et xvie siècles dans les limites géographiques de la Belgique actuelle, Nieuwkoop, De Graaf, 1975. Les références à des travaux complémentaires seront précisées.
Le 19 mai 1570, le duc d’Albe, peinant à éradiquer les progrès constants du protestantisme dans les anciens Pays-Bas, promulgue au nom du roi Philippe II un nouvel édit en matière de censure « sur le faict et conduyte des imprimeurs, libraires et maistres d’escolles »1. Ce texte s’inscrit dans la continuité de la politique répressive mise progressivement en place par Charles Quint au cours de son règne2. Le nouvel édit apporte toutefois une modification considérable dans la régulation des métiers du livre, suspectés d’« avoir imprimé[s], vendu[s] […] livres héréticques et reprouvéz », par la création de la charge de prototypographe
ou premier typographe, pour avoir superintendence sur le fait d’icelle imprimerye, qui aura auctorité d’examiner et approuver les maistres et ouvriers de l’imprimerye de nos dictz pays de par deça […]. Et pour parvenir audict examen, ceulx qui vouldront ou pretendront estre receuz à maistres et chiefs d’imprimerye, et exercice dudict art, stil et mestier d’imprimerye, seront tenuz exhiber certification de l’Évesque diocesain, vicaire ou inquisiteur, de leur conduyte au faict de la religion3.
De la sorte fut imposé un examen de l’orthodoxie et des compétences professionnelles des différents membres de la communauté typographique des anciens Pays-Bas, qu’ils soient maîtres imprimeurs, désireux d’en acquérir le titre, compagnons ou encore apprentis. Il s’agit d’une réponse au manque de contrôle approfondi de l’économie du livre dans le cadre de la lutte contre l’hérésie. Le gouvernement central voulait au passage exclure les brebis galeuses, tant celles qui ne connaissaient pas les métiers du livre que celles soupçonnées pour des raisons religieuses ou morales.
Moins d’un mois plus tard, le 10 juin 1570, le roi désigna « son bien a[i]mé » Christophe Plantin à la charge de prototypographe. L’imprimeur tenta alors de se soustraire à l’injonction royale, arguant qu’il ne pratiquait pas assez bien le néerlandais pour effectuer les interrogatoires ; « je n’estois pas naturel du païs et n’en scavois pas trop parler le langage », écrira-t-il par la suite à l’un des membres du Conseil privé, Joachim Hopperus4. Plantin dut toutefois réaliser que personne ne pouvait s’opposer à la volonté des autorités centrales. Deux mois après sa nomination, le 28 juin 1570, il prêta finalement serment devant le président du Conseil privé à Bruxelles, Charles de Tisnacq. Ce choix vint renforcer le crédit dont Plantin jouissait auprès de la cour, lui qui s’était déjà vu confier des travaux de premières importances : la Bible polyglotte, commencée en juillet 1568 et pour laquelle le roi d’Espagne dépêcha à Anvers l’orientaliste Benito Arias Monato, ainsi que les premiers index de livres interdits publiés dans la foulée de l’introduction des décrets du Concile de Trente dans les anciens Pays-Bas5.
La fonction de prototypographe ne doit pas pour autant être confondue avec celle d’Imprimeur du Roi (Typographus Regii), octroyée à Willem Silvius dans le courant de l’été 1559. Honorifique, cette reconnaissance vint consacrer les habilités d’un jeune typographe proche du pouvoir, plutôt que sanctionner une quelconque autorité sur ses collègues. Silvius porta ce titre jusqu’à son exil définitif pour Leyde en 1579 où il exerça en qualité d’imprimeur des États de Hollande et de l’université récemment fondée6. Cependant, la position la plus lucrative pour un imprimeur fut certainement celle d’« Imprimeur Jure des placcarts et ordinances de sa Majeste » obtenue par Michiel van Hamont au début de l’année 15607. Un tel monopole assurait à son détenteur une source de revenus garantis et constants, raison pour laquelle au cours de l’Ancien Régime nombre d’imprimeurs tenteront de transformer ce type de charge en monopole dynastique8.
Malgré la promesse de Philippe II d’accorder à son imprimeur en chef « gaiges et traittement », Plantin ne reçut aucun salaire. Il essaya d’obtenir des réductions d’impôt, en particulier sur le vin et la bière, mais en vain9. Cependant, les autorités le récompensèrent non seulement en multipliant des commandes de livres, parfois à son grand dam – la Couronne espagnole étant réputée mauvais payeur –, mais aussi en lui octroyant des monopoles toujours plus lucratifs. Ainsi, Hamont dut partager en 1570 son exclusivité sur les impressions officielles émanant du gouvernement central. De même, le 6 novembre 1574, Plantin obtint un privilège exclusif pour l’impression des édits monétaires, privilège qui était auparavant en possession d’Hendrik I vanden Keere, actif à Gand entre 1556 et 158010. N’oublions pas, parmi toutes ces gratifications, que Philippe II concéda à Plantin, le 1er février 1571, un monopole sur la vente des missels et des bréviaires en Espagne ainsi que pour tous les territoires d’outre-mer11.
Si la création de la charge de prototypographe intéresse au premier plan l’histoire de la censure et de la lutte contre le protestantisme, elle n’en a pas moins retenu l’attention des historiens du livre pour l’étude de la régulation de l’économie du livre, mais aussi pour la qualité du matériel documentaire produit par Christophe Plantin à cette occasion12. En effet, parmi les directives contenues dans l’ordonnance du 19 mai 1570, il était demandé au prototypographe « d’avoir et faire ung livre ou registre, auquel il escripvra les noms de tous et chascun des maistres dudicts mestier, annotant le pays et lieu, dont ilz sont natifs, et où ils tiennent leur residence et bouticque »13. Par chance, Plantin suivit scrupuleusement ces consignes et nota dans deux registres les résultats des examens qu’il fit passer, registres aujourd’hui conservés au Musée Plantin-Moretus à Anvers14. Ces documents, uniques en leur genre, sont exceptionnels à plus d’un titre puisqu’ils contiennent non seulement de précieuses informations d’ordre biographique sur les personnes examinées, mais aussi sur leurs compétences techniques et linguistiques : pays d’origine, lieux de résidence, parcours professionnel (apprentissage et compagnonnage) et – le cas échéant – détails des précédents employeurs, niveaux de maîtrise de l’art typographique et des langues. Il est à noter que les tailleurs et graveurs d’images durent également se présenter devant Plantin, car c’est « ung mestier à part, approchant néanmoins au faict de l’imprimerye [et que] la censure aura aussi lieu en leur endroict », selon l’ordonnance de Philippe II15.
Très tôt, ces certificats retiennent l’attention de la communauté scientifique. Philippe Rombouts, greffier de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, « convaincu que, par la publication de ces renseignements [il rendrait] service à ceux qui s’intéressent à l’histoire de la typographie néerlandaise », en proposa l’édition en 188116. Cette publication vint très vite alimenter les diverses biographies des typographes mentionnés dans les registres de Plantin publiées par la suite. Le Dictionnaire des imprimeurs, libraires et éditeurs belges des xve et xvie siècles d’Anne Rouzet, datant de 1975, en constitue d’ailleurs l’un des meilleurs exemples. Étonnamment, jusqu’à présent, personne n’avait encore profité d’un matériau aussi riche pour proposer une lecture globale de la somme des expériences professionnelles des différents membres d’une communauté centrée autour de la production de livres. Cette situation est d’autant plus surprenante qu’aucune autre enquête de ce type ne fut produite dans les anciens Pays-Bas ni dans d’autres contrées à la même époque17. Le présent article entend donc venir combler cette lacune. Il ambitionne de la sorte d’apporter sa contribution à l’histoire des techniques et des savoirs au xvie siècle grâce à l’analyse des compétences professionnelles des personnes qui se présentèrent devant Plantin, à l’étude de leurs circuits d’apprentissages et à l’examen de leur expertise linguistique.
Le prototypographe débuta sa mission le 30 juin 1570, deux jours seulement après avoir prêté serment devant le président du Conseil privé. La fonction fut toutefois abolie en 1576 après la Pacification de Gand (8 novembre 1576) qui vit l’union des Dix-Sept Provinces contre les troupes espagnoles18. Elle ne fut pas renouvelée après la restauration du pouvoir de Philippe II19. Au cours de ces six années, 62 maîtres imprimeurs (ou candidats à ce titre) et graveurs passèrent un examen au Compas d’or, dont 46 dans le courant des 12 premiers mois. La moisson pour le personnel n’est pas aussi riche, avec une quinzaine de dossiers de compagnons provenant essentiellement de l’équipe d’Ameet Tavernier et une douzaine d’autres pour des ouvriers en apprentissage dans diverses officines anversoises. Malgré cet écueil, les registres de Plantin n’en demeurent pas moins une source de premier plan.
Conformément aux prescriptions de l’ordonnance du 19 mai 1570, les examens se déroulèrent en présence, outre Plantin, d’un ou deux imprimeurs « des plus approuvéz au mestier » accompagnés d’un notaire, en charge de rédiger la lettre d’examen finale. Chacun dut présenter ses lettres de « bonne fame, renommée et vie catholique » signées par leur évêque (ou son représentant) ou par le recteur de l’université de Louvain pour ceux exerçant dans cette ville. Les maîtres furent également tenus d’apporter avec eux leurs lettres d’admission au métier ainsi que la preuve d’avoir prêté serment devant les autorités civiles20. Pouvait alors avoir lieu la démonstration proprement dite de la maîtrise de l’art typographique. Les attestations finales furent ensuite envoyées par Plantin aux autorités compétentes21.
La première salve d’auditions se fit selon des critères géographiques. Louis de Winde, également promoteur de l’Université de Douai, fut le premier à se présenter22. Suivirent des imprimeurs originaires de Bois-le-Duc, Louvain, Gand, Amsterdam, Bruges, Anvers… Les certificats postérieurs au mois de novembre 1570, moins nombreux, ne concernent que des candidats à la maîtrise. La répartition pour les maîtres imprimeurs, ville par ville, est la suivante : Anvers (29)23, Louvain (13), Gand (5)24, Bois-le-Duc (3), Douai (3), Amsterdam (2), Bruges (2), Bruxelles (1), Delft (1), Leeuwarden (1), Leyde (1) et Ypres (1).
Sans surprise, la ville d’Anvers, alors véritable capitale typographique des anciens Pays-Bas et l’une des places européennes les plus importantes, est la mieux représentée. Le dynamisme de la cité portuaire contribua à son attractivité, attirant à elle de nombreuses personnes désireuses de s’investir dans la production de livres ; et ce depuis le début du xvie siècle. Une liste des typographes, imprimeurs en taille-douce et libraires anversois établie par Plantin vers 1570, indique que l’ensemble des professionnels actifs dans la production de livres se présenta devant lui25. Leurs ateliers, nous apprend-il, étaient majoritairement situés dans la Kammenstraet et le Lombaerdeveste, quartier historique du livre imprimé situé au sud de la cathédrale Notre-Dame26. Plantin y dénombre également une dizaine de libraires.
La ville universitaire de Louvain apparaît ensuite comme le deuxième centre typographique des anciens Pays-Bas. Les 19 et 20 juillet 1570, onze imprimeurs firent le déplacement jusqu’à l’Officina Plantiniana. L’un de ceux-ci, Servatius II Sassenus, avait écrit à Plantin au lendemain de sa nomination à la charge de prototypographe, le 26 juin 1570, pour le féliciter en son nom et en celui de ses collègues et, trois jours plus tard, pour demander quand ils pourraient se rendre auprès de lui27. L’article XXV de l’ordonnance du 17 mai 1570 prescrivait en effet un délai maximum de vingt jours, débutant après la publication du texte, pour procéder aux examens de typographes28. Deux autres candidats à la maîtrise vinrent à Anvers par après, respectivement en décembre 1570 et en novembre 1574. Tout comme pour la cité scaldienne, les imprimeurs louvanistes répondirent tous aux injonctions du gouvernement central.
La situation est sensiblement identique pour les autres villes, alors centres mineurs pour la production de livres imprimés dans les anciens Pays-Bas. Les injonctions royales semblent ainsi avoir été généralement bien suivies par les différents membres de la communauté typographique des anciens Pays-Bas.
Les certificats de Plantin présentent une géographie éditoriale largement dominée par Anvers, très éloignée de celle des débuts de l’ère typographique caractérisée par une large dissémination de petits ateliers à travers tout le territoire des Dix-Sept provinces. Cette situation n’est en rien spécifique aux anciens Pays-Bas. L’Europe du xvie siècle fut en effet marquée par une concentration des activités typographiques dans les grands centres urbains qui abritaient alors les capitaux nécessaires au bon fonctionnement de ce type d’entreprises. Par contre, la reconquête de la partie méridionale des Pays-Bas par les troupes espagnoles dans le courant de la décennie 1580 entraîna la fuite de nombreux maîtres et ouvriers dans les provinces septentrionales. Cet exode modifiera en profondeur le paysage éditorial de ce territoire et sera, entre autres, à l’origine du formidable essor rencontré par les Provinces-Unies dans le domaine du livre au siècle suivant29. La fin du xvie siècle coïncide également avec la conquête, par l’imprimerie, des provinces romanes. Des ateliers furent ainsi implantés à Mons (1580), Arras (1591), Lille (1594), Saint-Omer (1601) ou encore à Ath (1609)30.
Revenons maintenant à cette question à laquelle les historiens du livre obtiennent trop généralement une réponse par empreinte négative, celle du niveau de compétences professionnelles des imprimeurs. Combien de fois, par exemple, fut soulevée la question du rôle décisif de Peter Schöffer dans la mise au point de l’imprimerie en caractères mobiles31 ? Les prouesses techniques liées à la production du fameux Psautier de Mayence de 1457 constituent assurément l’illustration de son extrême habileté et démontrent que si le nom de Gutenberg est, à juste titre, associé aux débuts de l’art typographique, il ne faut pas perdre de vue le rôle primordial joué par Schöffer32. Il est certain que le niveau de maîtrise des premiers héritiers de Gutenberg devait être élevé, mais trop souvent, les livres demeurent les seuls témoins muets de ce savoir-faire, sans que nous puissions déterminer avec précision le « capital technique » d’un propriétaire d’une officine typographique. Heureusement, par fierté ou par sens commercial, certains d’entre eux revendiquèrent dans leurs colophons toute l’étendue de leur art, à l’image de Johann Veldener, premier imprimeur de Louvain, maîtrisant toutes les étapes de la confection d’un ouvrage imprimé, de la création des matrices de caractères à sa mise en page33. Ces exemples restent rares, hélas. Il n’en demeure pas moins que les premiers colophons imprimés insistent majoritairement sur l’innovation technologique que représente l’art typographique34. Dans certains cas, il est toutefois permis de douter d’une quelconque aptitude à manier la presse ou à composer. Ainsi, au sujet de William Caxton, l’introducteur de l’imprimerie en Angleterre dans le courant de l’année 1476, Paul Needham n’hésite pas à souligner que « neither in Cologne, Bruges, nor Westminster is there reason to suppose that Caxton set and distributed types, locked up pages, or pulled the press bar »35.
Qu’en est-il de la situation dans les anciens Pays-Bas près d’un siècle plus tard ? Le tableau suivant résume les informations recueillies par Plantin quant à l’expertise des maîtres imprimeurs, des candidats à ce titre ainsi qu’à celle des tailleurs et graveurs d’images. Les différentes compétences sont reprises dans la colonne de droite, tandis que le nombre de personnes examinées les maîtrisant figure dans celle de gauche :
Composition | 49 |
Presse | 48 |
Tailler | 14 |
Fondre | 3 |
Correction sur plomb | 2 |
Correction des épreuves | 2 |
Musique | 1 |
Cartes à jouer | 2 |
Aucune compétence | 2 |
L’un des premiers constats qui s’imposent est celui de l’étendue de la maîtrise, par les différents membres du panel examiné, des principales tâches techniques exercées à l’intérieur d’une officine typographique36. Ainsi, moins d’une cinquantaine de personnes furent jugées capables de « composer ou colliger les lectres » et de « besongner à la presse ». Si la plupart d’entre elles furent considérées comme « expert[es] en l’art d’imprimerie en toutes ses parties », une minorité n’avait toutefois pas développé les mêmes aptitudes. Jan II van Turnhout, établi à Bois-le-Duc, fut uniquement reconnu capable de « pouvoir imprimer petites menutes en flameng, comme A. B. C., les sept pseaumes, confiteor, etc., et non autres livres d’importance »37. De son côté, Hieronymus Welleus, de Louvain, avoua savoir « bien peu de la composition ou collection des lectres et imposition des formes aux rames », mais être capable de tirer la presse38. À l’inverse, Jan Pasch, originaire de Cologne, mais travaillant à Anvers, fut admis au métier d’imprimeur le 9 novembre 1571 sur sa seule expertise en « l’estat de composer »39. Un seul candidat dut passer à deux reprises : Gerard Smits. Fondeur de caractères alors âgé de vingt-deux ans, il se présenta une première fois devant Plantin le 7 mars 1571 (n. st.), mais « s’est trouvé ignorant de l’estat d’imprimerie »40. Il revint quelques mois plus tard, le 4 octobre, et put démontrer « qu’il entendoit la maniere et art de composer et d’imprimer en toutes ses parties »41. Petrus Phalesius, pour sa part, fut déclaré « expert en l’art d’imprimer musique, en quoy il s’est seulement exercé »42. La seule femme présente dans le corpus retenu, Jehanne Joachim, veuve de Gilles vanden Bogard, fut notamment autorisée à poursuivre les activités de son défunt mari, imprimeur de cartes à jouer43. Deux autres individus, enfin, expliquèrent qu’ils n’avaient jamais appris aucune des techniques liées à l’imprimerie. Philippus Nutius, par exemple, expliqua qu’il « gouvern[ait] ses compagnons par usage qu’il a[vait] de la continuation qu’il a[vait] dès le temps de son défunct père » Martinus I Nutius44.
Aux côtés de ces imprimeurs, Plantin fit également subir un examen à plusieurs tailleurs et imprimeurs de figures45. Certains, comme Hans I Liefrinck, furent « trouvé[s] expert et suffisant en son dict art et stile de tailler et imprimer figures, tant en bois comme en cuivre »46. D’autres ne maîtrisaient qu’une seule des deux techniques, comme Gerard de Jode « imprimeur de figures en cuivre » ou Silvester van Parijs qui fut autorisé à « pouvoir tailler figures en bois et les imprimer »47.
La communauté des typographes des anciens Pays-Bas comportait en outre des patrons d’ateliers experts dans plusieurs domaines, à l’image du Bruxellois Michiel van Hamont « expert […] audit estat d’imprimerie en toutes ses parties […] et taille aussi figures en bois, sçait corriger sur le plomb et espreuves, et patronner figures et autres choses »48. Hamont s’occupa même, en 1576, de graver, imprimer et peindre des drapelets de pèlerinage pour la confrérie de Saint-Bernard à Steenokkerzeel, dans la banlieue de Bruxelles49. Jan II van den Steen, demeurant à Gand, était lui aussi en mesure de « corriger sur le plomb et sur les espreuves »50. Ameet Tavernier, qui seconda Plantin à de nombreuses reprises pour les auditions, lui aussi « expert audict art d’imprimerie en toutes ses parties », se distinguait également pour être un « bon tailleur et fondeur de lectres »51. Il fut d’ailleurs un fondeur de lettres estimé et ses productions connurent une large diffusion dans les anciens Pays-Bas au point d’y modifier l’esthétique des livres52. Gerard Smits, déjà évoqué, reprit un temps sa fonderie après son décès, le temps que le fils du défunt puisse s’en occuper. Enfin, reste à évoquer la figure de Josse II Destrée, à Ypres, apte « à composer ou assembler les lectres, et mesmes aucunnement tailler en bois et fondre les lectres, fleurons et autre telles choses »53.
Le pouvoir ne manqua pas de solliciter l’expertise de ces artisans dans sa lutte contre la diffusion d’écrits séditieux. Les échevins d’Anvers convoquèrent ainsi en avril 1566 cinq des plus grands imprimeurs de la ville pour les aider à identifier la personne qui se cachait derrière l’impression du Vermaninge aende regeerders ende gemeynte vanden vier hooftsteden van Brabant qui critiquait sévèrement les placards contre l’hérésie54. Les typographes expliquèrent que les caractères étaient trop communs pour permettre d’attribuer à l’une ou l’autre officine la responsabilité de la publication. Parmi les personnes auditionnées, Gillis I Coppens van Diest qui sera confondu des siècles plus tard par Hendrik Vervliet55.
Du côté des compagnons et des apprentis, les certificats de Plantin nous révèlent sans surprise une nette séparation des tâches effectuées à l’intérieur d’un atelier, comme nous le renvoient d’ailleurs les différentes représentations de l’époque [ill. 1 & 2]56. Les fonctions n’étaient pas interchangeables. Il était d’ailleurs rare qu’un tireur sache composer, l’un s’imposant par sa force, l’autre par son agilité à manier les lettres ; ce qui leur vaudra de recevoir dans le courant du xviiie siècle les surnoms respectifs d’ours et de singe.
Sur la cinquantaine de noms listés parmi les ouvriers confirmés, seule une quinzaine de dossiers sont complets et concernent principalement le personnel d’Ameet Tavernier. On y découvre cinq compagnons assignés à la presse et quatre autres à la composition. Ces chiffres peuvent surprendre dans la mesure où, normalement, deux personnes se relayaient autour d’une presse – le pressier et l’encreur – et une troisième à la composition, sans oublier le correcteur qui travaillait d’habitude pour plusieurs équipes. Il est probable que d’autres membres de cette officine figurent parmi les noms repris dans les registres de Plantin sans autre indication. De même, il n’y a aucune information précise du côté de l’Officina Plantiniana, seulement des noms57. L’officine fonctionnait alors avec une dizaine de presses et employait une cinquantaine d’ouvriers, faisant d’elle l’une des plus importantes d’Europe58. Une dizaine de certificats délivrés à des apprentis vient enfin compléter le dossier. Cette sécheresse documentaire est vraiment dommageable pour les historiens du livre tant le monde des ouvriers typographiques est extrêmement difficile à saisir et les sources le décrivant rares et éparses59.
Une documentation aussi riche que celle disponible pour le milieu des maîtres imprimeurs aurait pu fournir des informations de premier ordre sur la composition et le nombre de personnes impliquées dans la production de livres en ce second tiers du xvie siècle dans les anciens Pays-Bas60. Cette lacune est toutefois contrebalancée par la richesse des informations relatives aux circuits et espaces d’apprentissages à notre disposition.
Dans ce domaine, et pour l’ensemble des personnes interrogées, deux grands modèles coexistent et se calquent généralement sur la géographie du négoce. Le circuit dominant demeure local, voire régional. L’apprentissage se fait sur place, ou dans l’atelier familial pour les enfants de maîtres, avant de visiter des maisons situées dans un environnement relativement proche. Peter I Mesens, fondateur d’une dynastie qui se maintiendra jusqu’au xviiie siècle, fut initié à l’art typographique à Anvers chez Heyndrick Peetersen van Middelburch, vers 1534. Il partit « besongné en divers lieux » par après61. Philippus van Niewermuelen, alors pressier chez Ameet Tavernier, reçut également les premières notions du métier chez Peetersen, aux alentours de 1549, et resta par la suite à Anvers62. Johannes Masius apprit sa profession à Louvain avant de se rendre dans la cité scaldienne en qualité de compagnon. Il la quitta pour revenir dans l’ancienne capitale des ducs de Brabant ouvrir sa propre officine63. De son côté, Jacob Heyberghs, exerçant à Louvain, se rendit aussi à Cologne puisqu’il déclara à Plantin avoir « aprins, à Louvain et à Cologne, dès l’an 1556, par l’espace de quatre ans, avec Jan Batthenius, et depuis besongné audict Cologne, Louvain et Anvers, pour compagnon »64. Les liens entre les imprimeurs de la cité rhénane et ceux des anciens Pays-Bas étaient très étroits65. Ainsi, Jan Pasch, originaire de la région de Cologne, vint se former à Anvers chez Jan I Verwitaghen avant d’y ouvrir sa propre officine66. Nicolas Spore suivit aussi la même trajectoire. Après s’être frotté aux rudiments de l’imprimerie dans sa ville natale, il fut accueilli par Michiel Hillen l’espace d’une année et décida ensuite de s’établir définitivement dans la cité scaldienne67. À l’inverse, Petrus Stapmans, qui s’activait alors autour d’une presse d’Ameet Tavernier, dit avoir « apprins à […] tirer la presse chez Jehan van Gheele, environ l’an 1550, et depuis a besongné ches divers maistres, tant en ceste ville qu’en Allemaigne »68. Michiel Hamont, pour sa part, reçut sa formation à Utrecht, chez Jan Berntsz., actif entre 1514-154269.
Les certificats de Plantin renseignent sur plusieurs fils de maîtres qui débutèrent leur apprentissage auprès de leur père, voire même auprès du grand-père, à l’instar de Jan III van den Steen qui fourbit ses premières armes dans l’entreprise familiale fondée à Gand en 152270. Rutger Velpius, qui exerçait déjà le métier de libraire à Louvain lorsqu’il passa devant Plantin, expliqua vouloir s’installer comme imprimeur après « avoir apprins chez son père, par l’espace de trois ans »71. D’autres complétèrent leur cursus par un séjour plus ou moins long en tant que compagnons dans d’autres maisons. Gillis II Coppens van Diest figure ainsi dans une liste de « compagnons retrouvés besoignants en l’imprimerie de Plantin » vers 1563-157272. Jan II van Ghelen officia un temps chez Michiel Hillen avant d’exercer comme compagnon en divers lieux73. Jan III van den Steen, outre pour ses parents, travailla aussi chez Gualterus Manilius à Gand74. Toutefois, rares sont ceux parmi eux qui quittèrent leur ville natale, à l’exception de Petrus Zangrius qui fut envoyé à Paris chez son oncle Jean Loys, ancien prote de l’atelier de Josse Bade qui travailla à son compte entre 1535 et 154775 ; ou encore de Jan II van Genuwe qui fit une partie de son apprentissage à Rouen76.
À côté de cela, plusieurs apprentis et compagnons typographes privilégièrent l’option du « grand tour », visitant des officines implantées dans plusieurs pays. Cette démarche traditionnelle permettait d’acquérir un niveau de compétences techniques censément supérieur et offrait l’opportunité de se construire un capital social étendu qui pourrait être mobilisé dans l’exercice futur de la profession. Jan II van den Steen demeure à cet égard un bel exemple puisque son apprentissage se fit dans les plus grandes places européennes de l’époque, de Venise à Rome en passant par Paris chez Christian Wechel77. Mattheus de Rissche fit également le déplacement jusqu’à Paris après une formation reçue chez Gillis I Coppens van Diest78. Le graveur Antoon van Leest, qui travailla régulièrement pour Plantin, passa également par la capitale française79. Un des compositeurs d’Ameet Tavernier, Henricus Duytsch, exerça lui aussi son métier « en divers lieux, tant [à Anvers] qu’en autres païs »80. Son confrère Petrus Stapmans privilégia, pour sa part, l’Allemagne où il visita plusieurs officines « en diverses villes et chez divers maistres »81. Enfin, Daniel Vervliet descendit plus au sud et demeura plus de six ans en Espagne où il aura certainement pu nouer des contacts privilégiés pour s’assurer des débouchés commerciaux pour écouler par la suite sa marchandise82.
La durée des apprentissages ne semble pas avoir été régie par une norme fixe, même si l’on constate qu’ils s’étendent généralement sur une période de deux années. Dans sa demande d’accession au statut d’ouvrier typographe, Jan Huysmans précise ainsi avoir appris son métier chez Hans Laet pendant deux ans avant d’entrer au service d’autres typographes anversois83. Le contrat passé entre Pierre Nelhen et l’imprimeur liégeois Jean Ouwerx, en juillet 1618, au sujet de la formation de son fils Léonard indique un laps de temps identique84. Cependant, la longueur d’un apprentissage peut parfois s’étendre et dépasser ce nombre d’années. Dirck vander Linden déclara avoir pris Ghisbert Gheens comme élève durant quatre ans85.
Quant aux compagnons désireux d’ouvrir un atelier à leur compte, là aussi, aucune règle n’est établie, si ce n’est celle de la capacité à réunir un capital économique suffisant. Les données récoltées par Plantin ne permettent pas de déceler une tendance générale, tant la situation varie d’un individu à l’autre ou d’une officine à l’autre. Ainsi, Christianus Hauwelius, voulant lancer sa propre entreprise, se présenta devant Plantin en novembre 1575 fort d’une expérience de six années dans la boutique de Philippus Nutius86. Johannes Masius, déjà évoqué, attendit plus d’une quinzaine d’années avant d’avoir la possibilité d’ouvrir son officine à Louvain87. De son côté, Aelbrecht Hendricksz, établi à Delft, mais originaire de Leyde, se rendit à Anvers pour obtenir son certificat d’imprimeur en septembre 1571 après seulement deux années et demie d’apprentissage chez Simon Jansz88. Ce cas-ci illustre toutefois une autre voie pour un ouvrier d’accéder au sommet de la hiérarchie sociale de la profession, celle du mariage avec la fille du maître. Cette pratique, largement étudiée et connue, se voulait comme une réponse à la nécessité de régler la tension entre logique familiale et impératifs liés au bon fonctionnement de l’entreprise. Il importait en effet de pouvoir assurer la continuité des activités de l’atelier en cas de décès inopiné du maître. La firme Plantin-Moretus en constitue d’ailleurs la plus belle illustration, Plantin ayant marié deux de ses filles à ses employés les plus fidèles et compétents : Jan Moretus et Franciscus Raphelengius.
Reste à évoquer la problématique de l’emploi des langues au sein des officines typographiques. Dans sa Description de tout le Païs-Bas parue à Anvers en 1567, Lodovico Giucciardini ne manque d’ailleurs pas de souligner le multilinguisme des Anversois et l’apprentissage, dès le plus jeune âge, de la langue française :
Il y ha semblablement en la ville (comme aussi ha en plusieurs autres grosses villes du païs) diverses escoles, ou la langue Françoise s’apprent aux enfans, tant femelles que masles : tellement que entre l’apprendre à l’escole, en apres avec l’usage & avec tant de conversation d’estrangers, s’espand, & eslargit en sorte, que en petite espace de temps l’on y parlera generalement François a peu pres, comme la langue maternelle : d’avantage y ha encore maistres qui enseignent le langaige Iatlien & Espaignol : dont apparoist en touts moyens, que ceste ville est, & doibt estre la patrie commeune de toutes les nations de la Chrestienté89.
Anvers comptait en effet de nombreuses écoles (Walsche scholen) où les enfants de marchands recevaient les bases d’un enseignement pratique nécessaire aux activités liées au négoce, avec des notions en français, mathématiques et comptabilité, sans oublier la lecture et l’écriture90. Ces connaissances étaient d’autant plus utiles dans une ville où se croisaient des marchands en provenance de l’Europe entière. D’ailleurs, la mise en circulation par les imprimeurs anversois de quantité de manuels de conversations plurilingues facilita grandement les échanges commerciaux91.
Dans la lettre qu’il écrivit à un membre du Conseil privé, on l’a vu, Plantin prétendit mal s’exprimer en néerlandais afin de tenter de se décharger du poste de prototypographe. La publication, en 1573, du Thesaurus Theutonicae linguae vient toutefois contrebalancer cette affirmation92. La genèse de ce dictionnaire repose précisément sur une première tentative par Plantin, avec l’aide de ses correcteurs, de compilation de mots en néerlandais pour apprendre la langue. La maîtrise de cette langue lui permit en outre de traduire vers le français le Boeck der ghetuygenissen vanden verborghen acker-schat d’Hendrik Jansen Barrefelt, qu’il imprima sous le titre Livre des tesmoignages du thresor cache au champ, declarants les secrettes merveilles de Dieu en 158193. Sa correspondance montre en outre qu’il communiquait facilement en latin ainsi qu’en espagnol et comprenait bien l’italien94. Plantin laissa aussi plusieurs poèmes en français et serait l’auteur d’un dialogue dédié à la calligraphie et à l’imprimerie dans un manuel scolaire paru en 156795. Selon Léon Voet, « the most striking characteristics of Plantin’s writing are its elegant style and ornate language »96.
Qu’en est-il de ses collègues ? Les informations contenues dans les certificats qu’il leur octroya nous renvoient l’image d’une communauté où la connaissance de plusieurs langues était courante. La grande majorité des maîtres imprimeurs, passés chez Plantin, pratiquait ainsi au moins deux, voire trois langues : le néerlandais, le latin et le français. Même si quelques-uns ne parlaient que le néerlandais, ils prétendirent avoir toutefois quelques notions en latin ou en français, à l’instar de Jacob Janssen, de Bruges, qui « sçait le flameng et quelque peu latin et françois »97. Vient ensuite, et sans surprise, l’espagnol, puis l’allemand et l’italien, connus par un nombre plus restreint d’individus. Ces personnes furent toutefois à la tête d’entreprises florissantes qui commerçaient volontiers avec l’étranger, à l’image de Philippe Nutius, dont le père se lança avec succès à la conquête du marché du livre espagnol98. Une minorité, enfin, s’exprimait en anglais et possédait une connaissance étendue des langues anciennes. Pour ces imprimeurs, il faut reconnaître qu’ils présentent un parcours sensiblement différent. Ainsi, John Fowler, qui « sçait le latin, françois, italien, espagnol avec son maternel anglois et aucunnement le grec et le flameng » fit ses études au New College d’Oxford où il obtint un diplôme de maître ès arts avant de s’exiler dans les anciens Pays-Bas et imprimer à destination des catholiques restés en Angleterre99. La figure de Franciscus Raphelengius, « expert ès sçavant ès langues latine, grecque, hébraicque, chaldée, siricque, arabe, françoise, flamanghe et autres vulguaires », fait ici figure d’exception100. Son entrée dans le milieu du livre se fit d’ailleurs sur la base de cette expertise linguistique puisque Plantin l’engagea en 1564 comme correcteur et l’affecta au suivi de la Biblia regia avant de lui donner la main de sa fille aînée l’année suivante. Raphelengius, passé au calvinisme, reprendra l’officine plantinienne de Leyde en 1585 et sera nommé par la suite professeur de langue hébraïque à l’université de cette ville. L’autre beau-fils de Plantin, Jan Moretus, qui était alors affecté à la boutique, se distinguait aussi pour son plurilinguisme, comme le rappelle Plantin dans une lettre de novembre 1570 au secrétaire de Philippe II, Gabriel de Zayas, où il précise qu’il est « assés expert et bien entendant les langues Grecque, Latine, Espagnole, Italienne, Françoise, Allemande et Flamande »101.
D’autres précisèrent en outre à Plantin n’avoir qu’une connaissance passive de certaines langues, principalement antiques, leur permettant toutefois de composer des textes en ces langues. Ainsi, Louis de Winde fut trouvé « congnoissant les charactères grecs et hébraïques »102. Pour sa part, Reynerus Velpius, de Louvain, se présenta « non ignorant des lectres grecques »103. De même, Gillis I Coppens van Diest expliqua savoir « composer en grec et toutes autres sortes que besoing est »104.
La moisson d’information concernant les autres ouvriers examinés n’est hélas pas aussi riche, mais n’en est pas moins précieuse. Ainsi, Antonius Aviaens, compositeur chez Ameet Tavernier, déclara être apte à « assembler lectres, et sçait son flameng, françois, espagnol, portugois, italian et bien escrire »105. Son confrère Henricus Duytsch « sçait composer ou assembler lectres, et sçait son langage flameng et un peu de françois, et sçait lire et escrire »106. Du côté des pressiers, la pratique de l’écriture et de la lecture semble moins répandue, comme le déclara Gerardus Geerlinx qui « sçait besongner à la presse et bien peu lire choses imprimées, mais point escrittes »107. Il y a toutefois plusieurs exceptions. Petrus Stapman entend ainsi « le latin et son langage flameng et sçait lire et escrire », de même que Bartholomeus Staffel sachant « son langage maternel et aussi écrire et lire »108. Malheureusement, les apprentis ne furent pas interrogés sur leurs talents linguistiques.
La direction d’officines typographiques nécessitait évidemment la maîtrise d’une kyrielle de compétences autres que celles techniques et linguistiques présentées ici. Ainsi, impossible de faire fonctionner son entreprise sans maîtriser la comptabilité, dont les rudiments étaient – on l’a vu – enseignés dès le plus jeune âge. Plantin, très certainement à l’instar de ses collègues, se servait de livres comptables à double entrée, hérités du modèle mis au point en Italie à la fin du Moyen Âge109. La bonne santé économique d’un atelier dépendait également de la capacité du patron à adapter son catalogue afin de rencontrer ou d’anticiper les désirs de la clientèle ou de dénicher les auteurs rentables. La gestion d’équipes comprenant une dizaine, voire une vingtaine de personnes, ne devait certainement pas être évidente et devait très certainement reposer sur une alchimie délicate. Plantin fit d’ailleurs à plusieurs reprises les frais de la mauvaise humeur de ses employés et ne réussit finalement à mettre un terme aux tentatives de grèves que par des menaces de fermeture110. D’autres typographes furent en outre victimes de disputes avec des membres de leur personnel, à l’instar de Gheraert Leeu blessé mortellement en 1492 par son graveur de lettres désireux de prendre son indépendance111. La direction d’une imprimerie ne nécessitait donc pas uniquement la détention d’un savoir-faire technique, mais requérait également de grandes qualités de gestion et les talents d’un chef d’entreprise.
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Le basculement de la ville d’Anvers dans un régime républicain calviniste après 1576 mit de facto un terme à la fonction de Christophe Plantin. Après cette date, la communauté typographique des anciens Pays-Bas ne fut plus soumise à de pareilles enquêtes, même si à l’occasion le gouvernement central n’hésita pas à déployer sa police du livre lors d’enquêtes ponctuelles pour débusquer le ou les imprimeurs de textes jugés séditieux112.
Les examens qui se déroulèrent à l’Officina Plantiniana offrent une radioscopie complète et inédite des compétences techniques et intellectuelles d’une communauté professionnelle un siècle après l’entrée des anciens Pays-Bas dans l’ère typographique. La qualité des informations contenues dans ce gisement documentaire nous laisse entrevoir une image beaucoup plus riche et dynamique des imprimeurs du xvie siècle, loin des postures réductrices du simple patron surveillant ses employés que l’on retrouve parfois dans les gravures de l’époque ou dans les dictionnaires actuels. La plupart d’entre eux purent ainsi démontrer toute l’ampleur de leur maîtrise des différents aspects de leur art. La détention d’un tel « capital technique » était bien nécessaire pour être capable de mesurer l’ensemble des risques liés à toute entreprise éditoriale : le nombre de presses à affecter pour une publication, quel(s) papier(s) employer, quel(s) matériel(s) typographique(s) utiliser, définir le nombre de gravures ou la technique à privilégier pour l’illustration, gérer ses stocks…
Ce savoir ne s’acquérait d’ailleurs pas par la lecture de manuels, mais bien après de longues années passées dans l’ambiance bruyante et difficile d’un atelier, voire de plusieurs au sein de sa propre ville ou à l’étranger (singulièrement en Allemagne ou en France)113. Les différentes expériences vécues par les futurs imprimeurs et les ouvriers compagnons dans l’ensemble des officines qu’ils visitèrent au cours de leurs parcours professionnels mettent en évidence un enchevêtrement réticulaire dans le monde du livre dépassant largement le cadre strict des unions matrimoniales, abondamment étudié, pour s’étendre à une solidarité professionnelle plus profonde qu’elle n’apparaît au premier abord, notamment au simple examen des partenariats commerciaux entre typographes. L’évocation par les candidats passés chez Plantin de leurs circuits d’apprentissage met ainsi en lumière des liens entre professionnels du livre qui ne seraient pas apparus aux yeux des historiens.
En outre, les compétences linguistiques de tous ces acteurs de la communauté typographique, parfois apprises au gré des nombreuses routes arpentées par eux, illustrent non seulement le plurilinguisme des anciens Pays-Bas, mais affinent également notre perception de l’internationalisation du monde du livre en ce second tiers du xvie siècle.
Les informations contenues dans les certificats Plantin, si riches soient-elles, auront toutefois montré certaines limites concernant les données relatives au personnel invisible des ateliers d’imprimeries que sont les ouvriers et les apprentis. Si elles ne permettent pas de dresser le(s) profil(s) socioéconomique(s) de ces individus, elles dévoilent par contre une relative mobilité des compagnons, évoluant chez plusieurs maîtres avant de se fixer, ainsi qu’une mise au point sur leurs degré de maîtrise de la lecture ou de l’écriture, compétences qui n’étaient apparemment pas requises pour tirer le barreau d’une presse.
Le duc d’Albe, il y a près de cinq cents ans, n’imaginait certainement pas le service qu’il rendrait à la communauté des historiens du livre en imposant ces examens d’aptitude. De la sorte, il nous a permis d’entrouvrir la porte d’ateliers typographiques et nous a offert, par la même occasion, la possibilité d’affiner notre perception du profil des individus qui s’y activaient.
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1 PHILIPPE II, Ordonnance, statut et edict provisionnal sur le faict et conduyte des imprimeurs, libraires et maistres d’escolle, Bruxelles, Michiel van Hamont, 1570, 4° (BT 2553, USTC 13565). Le texte est édité dans : Certificats Plantin, p. 59-75. Les ordonnances répressives rédigées à cette époque, qui se situent dans les orientations de la politique définie par Philippe II, sont plus vraisemblablement l’œuvre du grand juriste Viglius ab Aytta, alors président du Conseil d’État et du Conseil privé (Jean-Marie CAUCHIES, “Es plantar un mundo nuevo”. Légiférer aux anciens Pays-Bas (xiie-xviiie siècle), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2019, p. 134-135).
2 Sur la politique de Charles Quint, lire entre autres : Aline GOOSENS, Les inquisitions modernes dans les Pays-Bas méridionaux (1520-1633), vol. 1, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1997, p. 47-88 ; Gert GIELIS, Violet SOEN, « The Inquisitorial Office in the Sixteenth-Century Habsburg Low Countries : A Dynamic Perspective », The Journal of Ecclesiastical History, 66, 2015, p. 47-66.
3 Certificats Plantin, p. 61.
4 Corr. Plantin, III, p. 138 (lettre 397). Sur l’exactitude de cette assertion et la maîtrise des langues par Plantin, voir infra p. 361.
5 PP 644, 1440-1445 ; USTC 401394, 411461, 411462, 411514, 411517, 411537, 401447.
6 Paul VALKEMA BLOUW, « Willem Silvius’s remarkable start, 1559-62 », Quaerendo, 20-3, 1990, p. 167-206 ; Andrew PETTEGREE, Arthur DER WEDUWEN, The Bookshop of the World. Making and Trading Books in the Dutch Golden Age, New Haven – Londres, Yale University Press, 2019, p. 197-198.
7 L’intitulé provient d’une pétition introduite par Guillaem van Parijs après la mort de Hamont pour obtenir sa charge (Bruxelles, Archives générale du Royaume, Conseil privé espagnol, 1276, 9).
8 Pour le cas des anciens Pays-Bas, on lira notamment : Sébastien AFONSO, « L’imprimé officiel : enjeu et objet de rivalités entre imprimeurs dans les villes du sud des Pays-Bas méridionaux au xviie siècle », dans Urban Networks and the Printing Trade in Early Modern Europe (15th-18th Century), éd. Renaud Adam et alii, Londres, Consortium of European Research Libraries, 2010, p. 53-76 ; Stijn VAN ROSSEM, « The Struggle for Domination of the Almanac Market: Antwerp, 1626-42 », The Papers of the Bibliographical Society of America, 106, 2012, p. 63-99 ; R. ADAM, « Printing for Central Authorities in the Early Modern Low Countries (15th-17th Centuries) », dans Print and Power in Early Modern Europe (1500-1800), éd. Nina Lamal, Jamie Cumby, Helmer J. Helmers, Leyde, Brill, 2021, p. 64-85.
9 Corr. Plantin, II, p. 153 (lettre 238).
10 Lode VAN DEN BRANDEN, « Drukoctrooien toegekend door de Raad van Brabant tot 1600 », De Gulden Passer, 68, 1990, p. 59, n° 321.
11 VOET, Golden Compasses, I, p. 68-69 ; Benito RIAL COSTAS, « International Publishing and Local Needs : The Breviaries and Missals Printed by Plantin for the Spanish Crown », dans International Exchange in the Early Modern Book World, éd. Matthew McLean, Sara Barker, Leyde ; Boston, Brill, 2016, p. 15-30.
12 Jean Barthelemy VINCENT, Essai sur l’histoire de l’imprimerie en Belgique, depuis le xve jusqu’à la fin du xviiie siècle, Bruxelles, J. Delfosse, 1867, p. 37-40 ; Auguste VINCENT, « La typographie en Belgique (sauf Anvers) », dans Histoire du livre et de l’imprimerie en Belgique, III, Bruxelles, Musée du livre, 1924, p. 71-72 ; VOET, Golden Compasses, I, p. 71-73 ; Guido MARNEF, « Repressie en censuur in the Antwerps boekbedrijf, 1567-1576 », De zeventiende eeuw, 8, 1992, p. 226-227 ; Jeroom MACHIELS, Privilège, censure et index dans les Pays-Bas méridionaux jusqu’au début du xviiie siècle, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 1997, p. 108-111.
13 Certificats Plantin, p. 64.
14 Anvers, Musée Plantin-Moretus, Arch. 25, 26. Description codicologique dans : Jan DENUCÉ, Inventaire des archives plantiniennes, Anvers, Baesrode Bracke-Van Geert, 1926, p. 5.
15 Certificats Plantin, p. 70.
16 Citation : Certificats Plantin, p. vi. Sur Rombouts, lire : Herman VANDER LINDEN, « Rombouts (Philippe-Félix) », dans Biographie nationale [de Belgique], XIX, Bruxelles, É. Bruylant, 1907, col. 911-912.
17 Pour la France, on pense évidemment aux enquêtes menées au xviiie siècle. Lire, notamment, à ce propos : Frédéric BARBIER, avec la collab. de Sabine JURATIC et de Michel VANGHELUWE, Lumières du Nord, Genève, Droz, 2002 ; La Police des métiers du livre à Paris au siècle des Lumières. Historique des libraires et imprimeurs de Paris existans en 1752 de l’inspecteur Joseph d’Hémery, éd. Jean-Dominique Mellot, Marie-Claude Felton, Élisabeth Queval, Paris, BnF, 2017.
18 Sur la Pacification de Gand, lire : Geoffrey PARKER, The Dutch Revolt, Londres, Penguin Books, 1977, p. 169-198.
19 Par la suite, Plantin continua toutefois de se présenter en qualité de prototypographus ou d’architypographus, mais à titre honorifique. Son beau-fils, Jan I Moretus, qui reprit l’Officina Plantiniana, n’hérita pas du titre. Il reviendra à son petit-fils Balthazar I Moretus sous la forme d’architypographus regius vers 1639 (VOET, Golden Compasses, I, p. 220).
20 Même si peu d’archives d’imprimeurs sont parvenues jusqu’à nous, on notera toutefois qu’elles étaient précieusement conservées sur plusieurs générations par leurs familles. Ainsi, lorsque l’imprimeur bruxellois Marcel Anthoine-Velpius décéda inopinément en 1677, son frère ajouta une copie des différents privilèges reçus par ses ancêtres depuis le début du xviie siècle dans sa demande pour hériter du titre d’imprimeur-juré du gouvernement central (Bruxelles, Archives générales du Royaume, Conseil privé espagnol, 1280, 36).
21 On trouvera l’édition de la lettre d’examen de Guillaem van Parijs, d’un certificat de bonne réputation catholique d’un des correcteurs de Plantin ainsi que celle de l’attestation de Plantin octroyée à la veuve de Gilles vanden Bogard dans : Certificats Plantin, p. 84-88, 91-92.
22 Certificats Plantin, p. 1. Sur cet imprimeur, voir : Georges LEPREUX, Gallia typographica ou Répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France depuis les origines de l’imprimerie jusqu’à la Révolution, I, Paris, Honoré Champion, 1909, p. 81-82 ; Albert LABARRE, « Les imprimeurs et libraires de Douai aux xvie et xviie siècles », dans Liber amicorum Léon Voet, éd. Francine de Nave, Anvers, Vereeniging der Antwerpsche Bibliophielen, 1985, p. 259 ; Alexander SOETAERT, De katholieke drukpers in de kerkprovincie Kamerijk. Contacten, mobiliteit & transfers in een grensgebied (1559-1659), Louvain, Peeters, 2019, passim.
23 Le certificat de Silvester van Parijs précise qu’il exerçait à Paris (Certificats Plantin, p. 24). Il s’agit visiblement d’une erreur, puisqu’il débuta son parcours professionnel à Anvers vers 1528 et y maintint ses activités tout au long de sa carrière.
24 À l’instar de celui de van Parijs, le certificat de Bartholomaeus Gravius précise erronément qu’il serait actif à Gand (Certificats Plantin, p. 8), alors qu’il exerça son métier à Louvain entre ca 1530 et 1578.
25 Certificats Plantin, p. 93-95.
26 Renaud ADAM, Vivre et imprimer dans les Pays-Bas méridionaux (des origines à la Réforme), I, Turnhout, Brepols, 2018, p. 175-178.
27 Corr. Plantin, II, p. 142-143 (lettre 231), 145 (lettre 233).
28 Certificats Plantin, p. 69.
29 Quelque 170 imprimeurs et libraires quittèrent les anciens Pays-Bas pour les Provinces-Unies dans la foulée de la reprise d’Anvers. Plus généralement, on estime qu’entre 1580 et 1620, plus de 100 000 personnes prirent la décision de s’exiler dans les Provinces-Unies (A. PETTEGREE, A. DER WEDUWEN, The Bookshop of the World…, op. cit. [note 6], p. 27-44, spéc. p. 31-32).
30 R. ADAM, N. BINGEN, Lectures italiennes dans les pays wallons à la première Modernité (1500-1630), Turnhout, Brepols, 2015, p. 29-45 ; Sébastien AFONSO, Imprimeurs, société et réseaux dans les villes de langue romane des Pays-Bas méridionaux (1580-ca 1677), Thèse inédite, Université Libre de Bruxelles, 2016 ; A. SOETAERT, De katholieke drukpers in de kerkprovincie Kamerijk…, op. cit. [note 22], passim.
31 Frédéric BARBIER, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale (xiiie-xvie siècle), Paris, Belin, 2006, p. 172-173.
32 Sur ce livre, on renverra à : Irvine MASSON, The Mainz Psalters and Canon Missae : 1457-1459, Londres, The Bibliographical Society, 1954 ; Mayumi IKEDA, « The First Experiments in Book Decoration at the Fust-Schöffer Press », dans Early Printed Books as Material Objects. Proceedings of the Conference Organized by the IFLA Rare Books and Manuscripts Section Munich, 19-21 August 2009, éd. Bettina Wagner et Marcia Reed, Berlin, De Gruyter Saur, 2010, p. 39-43.
33 Nous avons reproduit in-extenso et traduit en français le long colophon des Formulae epistolarum de Carolus Maneken, paru le 30 avril 1476 (ISTC im00176550), où Veldener fait étalage de son habileté typographique, dans : « La contrefaçon dans les anciens Pays-Bas (xve-xviie siècle) », Histoire et civilisation du livre, 13, 2017, p. 18-19.
34 Alfred W. POLLARD, An Essay on Colophons with Specimens and Translations, 2e éd., New York, Burt Franklin, [s.d.] ; R. ADAM, « Le basculement dans l’ère typographique au regard des colophons des premiers imprimés », dans « A tant m’en vois ». Figures du départ au Moyen Âge, éd. Nelly Labère, Luca Pierdominici, Fano, Aras Edizioni, 2020, p. 693-716.
35 Paul NEEDHAM, « William Caxton and his Cologne Partners : an Enquiry based on Veldener’s Cologne Type », dans « Ars impressoria ». Entstehung und Entwicklung des Buchdrucks. Ein internationale Festgabe für Severin Corsten zum 65. Geburtstag, éd. Hans Limburg, Hartwig Lohse, Wolfgang Schmitz, Munich ; New York ; Londres ; Paris, K. G. Saur, 1986, p. 120.
36 Sur ces tâches et le fonctionnement interne d’une officine, lire entre autres : Percy SIMPSON, Proof-reading in the Sixteenth, Seventeenth and Eighteenth Centuries, Londres, 1935 ; Lucien FÈBVRE, Henri-Jean MARTIN, L’apparition du livre, 3e éd., Paris, Albin Michel, 1999, p. 61-110 ; VOET, Golden Compasses, II, p. 129-243 ; Wytze et Lotte HELLINGA, « Problems about Technique and Methods in a Fifteenth Century Printing House (Nicolas Ketelaer and Gherardus de Leempt, 1473-1475) », dans Villes d’imprimerie et moulins à papier du xive au xvie siècle. Aspects économiques et sociaux. Colloque International, Spa, 11-14-IX-1973. Actes, Bruxelles, Crédit communal, 1976, p. 301-314 ; Jeanine VEYRIN-FORRER, « Fabriquer un livre au xvie siècle », dans Histoire de l’édition française, I, éd. Henri-Jean Martin, Roger Chartier, Paris, Promodis, 1982, p. 279-301 ; Lotte HELLINGA, « Compositors and Editors : Preparing Texts for Printing in the Fifteenth Century », Gutenberg-Jahrbuch, 75, 2000, p. 152-159 ; Stijn VAN ROSSEM, Het gevecht met de boeken. De uitgeversstrategieën van de familie Verdussen (Antwerpen, 1589-1689), Thèse de doctorat inédite, Université d’Anvers, 2014, p. 108-118.
37 Certificats Plantin, p. 3.
38 Ibid., p. 10.
39 Ibid., p. 34.
40 Ibid., p. 32.
41 Ibid., p. 33.
42 Ibid., p. 10.
43 Ibid., p. 41.
44 Ibid., p. 26.
45 Sur les graveurs d’images au xvie siècle, lire : Jan VAN DER STOCK, Printing Images in Antwerp. The Introduction of Printmaking in a City. Fifteenth Century to 1585, Rotterdam, Sound & Vision Interactive, 1998.
46 Certificats Plantin, p. 29.
47 Ibid., p. 24, 30.
48 Ibid., p. 5.
49 Lépold LE CLERCQ, « Michel van Hamont, “figuersnijder” te Brussel (1556-1586) », De Gulden Passer, 21, 1945, p. 113-188.
50 Certificats Plantin, p. 6.
51 Ibid., p. 17.
52 Hendrik D. L. VERVLIET, Sixteenth-Century Printing Types of the Low Countries, Amsterdam, M. Hertzberger and Co, 1968, 27-30.
53 Certificats Plantin, p. 40.
54 [s.l., s.d.], 1566, 8° (USTC 421487).
55 H. D. L. VERVLIET, Sixteenth-Century Printing Types…, op. cit. [note 52], p. 290. Coppens van Diest fut inquiété l’année suivante et, après une visite domiciliaire en avril 1567, fut emprisonné au château du Steen où il fut questionné à propos de son éventuelle participation à l’impression d’écrits séditieux. Faute de preuve, il fut finalement acquitté (Émile GACHET, « Quelques imprimeurs anversois en 1567. Lettre de Marguerite de Parme touchant leur arrestation », Bulletin du bibliophile belge, 11, 1845, p. 249-254 ; G. MARNEF, « Repressie en censuur in the Antwerps boekbedrijf… », op. cit. [note 12], p. 222-223).
56 Sur l’analyse des représentations d’officines typographiques, mais aussi des boutiques de libraires, voir : Jérôme HORNSCHUCH, Orthotypographia. Instruction utile et nécessaire pour ceux qui vont corriger des livres imprimés & conseils à ceux qui vont les publier. Ouvrage traduit du latin par Susan Baddeley. Avec une introduction et des notes de Jean-François Gilmont, Paris, Éditions des cendres, 1997, p. 27-28 ; Ugo ROZZO, « L’officina tipografica nelle illustrazioni dei secoli xv e xvi, Iconographica », Rivista di iconografia medievale e moderna, 2, 2003, p. 146-167 ; Angela NUOVO, The Book Trade in the Italian Renaissance, Leyde-Boston, Brill, 2015, p. 389-392.
57 Sur les employés de Plantin à cette époque, on consultera avec profit les archives du Musée Plantin-Moretus : Arch. 31, Livres des ouvriers 1563-1574, 186 f.
58 VOET, Golden Compasses, I, p. 69.
59 Seuls quatre contrats établis par la maison Plantin à la fin du xvie siècle sont encore conservés (VOET, Golden Compasses, II, p. 351-356). La situation parisienne est bien plus enviable. Annie Charon-Parent a ainsi pu examiner, pour la période 1535-1560, plus de 400 documents de ce type (Les métiers du livre à Paris au xvie siècle (1535-1560), Genève, Droz, 1974, p. 175-181). Pour le xviie siècle, à Liège, l’examen des protocoles de notaires a révélé la conservation de plusieurs contrats. Voir à ce propos : Jean YERNAUX, Contrats de travail liégeois du xviie siècle, Bruxelles, Palais des Académies, 1941, p. 77-78, 330 ; R. ADAM, « Contrat d’apprenti-imprimeur de Léonard Nelhen », dans L’historien dans son atelier. Anthologie du document pour servir à l’histoire du pays de Liège du viiie au xviiie siècle, éd. Marie-Guy Boutier, Paul Bruyère, Liège, Société des bibliophiles liégeois, 2017, p. 147-150.
60 Pour Anvers, les rares données en notre possession permettent d’évaluer la communauté typographique à quelque 350 individus (Guido MARNEF, Antwerp in the Age of the Reformation. Underground Protestantism in a Commercial Metropolis 1550-1577, Baltimore, The John Hopkins University Press, 1996, p. 39). Aucun autre chiffre n’a pu encore être avancé pour les autres villes.
61 Certificats Plantin, p. 20.
62 Ibid., p. 47.
63 Ibid., p. 13.
64 Ibid., p. 14.
65 P. NEEDHAM, « William Caxton and his Cologne Partners… », op. cit. [note 36], p. 103-131 ; Severin CORSTEN, « Kölner Drucker und Verleger in Antwerpen (15. und 16. Jahrhundert) », dans Liber amicorum Léon Voet…, op. cit. [note 22], p. 189-204 ; R. ADAM, Vivre et imprimer dans les Pays-Bas méridionaux…, op. cit. [note 26], I, p. 122-124, 130, 136-137, II, p. 17-24.
66 Certificats Plantin, p. 34.
67 Ibid., p. 34.
68 Ibid., p. 48.
69 Ibid., p. 5. Sur Berntz., voir notamment : Peter J. A. FRANSSEN, « Jan van Doesborch’s departure from Antwerp and his influence on the Utrecht printer Jan Berntsz », Quaerendo, 18, 1988, p. 163-190.
70 Certificats Plantin, p. 40.
71 Ibid., p. 13.
72 A. ROUZET, Dictionnaire…, op. cit. [note *], p. 46.
73 Certificats Plantin, p. 20.
74 Ibid., p. 40.
75 Ibid., p. 11 ; Philippe RENOUARD, Imprimeurs et libraires parisiens du xvie siècle. Jean Loys [réd. Marie-Josèphe Beaud-Gambier et Sylvie Postel-Lecocq], Paris, Paris musées, 1995, p. 13.
76 Certificats Plantin, p. 26.
77 Ibid., p. 6.
78 Ibid., p. 36.
79 Ibid., p. 39 ; VOET, Golden Compasses, II, p. 200-202.
80 Certificats Plantin, p. 49.
81 Ibid., p. 48.
82 Ibid., p. 25. Sur le commerce entre l’Espagne et les anciens Pays-Bas, lire notamment : Frans M. A. ROBBEN, « De relatie van Christoffel Plantijn et de boekhandel in Spanje : een voorlopige inventaris », dans Ex officina Plantiniana. Studia in memoriam Christophori Plantini (ca. 1520-1589), éd. Marcus de Schepper, Francine de Nave, Anvers, Vereeniging der Antwerpsche Bibliophielen, 1989, p. 399-418 ; Christophe Plantin et le monde ibérique, éd. Francine de Nave, Anvers, Musée Plantin-Moretus, 1992 ; Een wereld op papier. Zuid-Nederlandse boeken, prenten en kaarten in het Spaanse en Portugese wereldrijk (16de-18de eeuw), éd. Werner Thomas, Eddy Stols, Louvain, Acco, 2009 ; Cesar MANRIQUE FIGUEROA, Cultural Trade between the Southern Netherlands and New Spain. A History of Transatlantic Book Circuits and Book Consumption in the Early Modern Age, Louvain, Thèse de doctorat inédite, 2012 ; New Insights into an Old Issue: Book Historical Scholarship on the Relation between the Low Countries and Spain (1568-1648), éd. Benito Rial Costas, Leyde-Boston, Brill, 2018 (Quaerendo, 48, 2018).
83 Certificats Plantin, p. 45-46.
84 R. ADAM, « Contrat d’apprenti-imprimeur de Léonard Nelhen », op. cit. [note 58], p. 148.
85 Certificats Plantin, p. 55-56.
86 Ibid., p. 38.
87 Voir note 60.
88 Certificats Plantin, p. 33. Sur ces deux imprimeurs, voir : Victor DELA MONTAGNE, « Simon Jansz., drukker te Delft in de 16e eeuw », Tijdschrift voor boek- en bibliotheekwezen, 4, 1906, p. 218-220 ; Marika KEBLUSEK, Boeken in de Hofstad : Haagse boekcultuur in de Gouden Eeuw, Hilversum, 1997, p. 27-32, 313 ; A. PETTEGREE, A. DER WEDUWEN, The Bookshop of the World…, op. cit. [note 6], p. 125, 201.
89 Lodovico Guicciardini, Description de tout le Païs Bas autrement dict la Germanie inferieure, ou Basse-Allemagne, Anvers, Willem Silvius, 1567, 2°, p. 147 (USTC 27799).
90 Léon VOET, L’âge d’or d’Anvers. Essor et gloire de la Métropole au seizième siècle, Anvers, Fonds Mercator, 1976, p. 214 ; Annelies DE BIE, Bert DE MUNCK, « Learning on the Shop Floor in the Spanish Nehterlands », dans Embattled Territory. The Circulation of Knowledge in the Spanish Nehterlands, éd. Sven Dupré et alii, Gand, Academia Press, 2015, p. 54 ; Bert DE MUNCK, Hilde DE RIDDER-SYMOENS, « Opleiding en kennis : theorie en praktijk in een stedelijke context », dans Gouden Eeuwen. Stad en samenleving in de Lage Landen, 1100-1600, éd. Anne-Laure Van Bruaene, Bruno Blondé, Marc Boone, Gand, Academia Press, 2016, p. 290-293.
91 Nicole BINGEN, « L’insegnamento dell’italiano nel Belgio cinquecentesco », dans Varia. Linguistique, philologie, traduction, éd. Jean Lemaire, Bruxelles, G.E.R.E.F.A., 1992, p. 73-89 ; Frans CLAES, « Vocabulaires et livres de conversations pour apprendre le français aux Pays-Bas espagnols entre 1550 et 1700 », dans Grammaire et enseignement du français, 1500-1700, éd. Jan De Clercq, Nico Lioce, Pierre Swiggers, Louvain ; Paris, Sterling ; Peeters, 2000, p. 217-235.
92 PP 2310 ; BT 4500 ; USTC 59661.
93 PP 628 ; BT 5163 ; USTC 15453.
94 Sur l’érudition de Plantin, voir : VOET, Golden Compasses, I, p. 132-137.
95 La premiere et la seconde partie des dialogues francois pour les jeunes enfans. Het eerste ende tweede deel van de Francoische t’samensprekinghen, Anvers, Christophe Plantin, 1567, 8°, dialogue IX, pp. 218-255 (PP 1081 ; BT 5620 ; USTC 39427). Ce dialogue est édité dans : Maurice SABBE, « Christophe Plantin et ses contemporains », dans Histoire du livre et de l’imprimerie en Belgique, III, Bruxelles, Le Musée du livre, 1924-1925, p. 115-121.
96 VOET, Golden Compasses, I, p. 135.
97 Certificats Plantin, p. 7.
98 Alexander S. WILKINSON, « Printing Spanish Books in the Southern and Northern Netherlands, 1520-1700 », Quaerendo, 48, 2018, p. 277-299 (spéc. p. 282-289) ; Giles MANDELBROTE, Goran PROOT, « Prices for Spanish and Latin books published by Martinus Nutius I, ca. 1558 », dans Lux Librorum. Essays on books and history for Chris Coppens, éd. Goran Proot et alii, Malines, Flanders Book Historical Society, 2018, p. 65-122.
99 Certificats Plantin, p. 14-15. Voir aussi : A. SOETAERT, De katholieke drukpers in de kerkprovincie Kamerijk…, op. cit. [note 22], p. 121-122.
100 Certificats Plantin, p. 42.
101 Corr. Plantin, II, p. 174 (lettre 251). Une nouvelle biographie de Moretus, revue par Dirk Imhof, est disponible dans : Jan Moretus and the Continuation of the Plantin Press. A Bibliography of the Works published and printed by Jan Moretus I in Antwerp (1589-1610), I, Leyde, Brill ; Hes & De Graaf, 2014, p. vii-xxxv.
102 Certificats Plantin, p. 1.
103 Ibid., p. 11.
104 Ibid., p. 27.
105 Ibid., p. 49.
106 Ibid., p. 49.
107 Ibid., p. 48.
108 Ibid., p. 48, 50.
109 Florence EDLER, « Cost accounting in the sixteenth century. The books of account of Christopher Plantin, Antwerp, printer and publisher », in The Accounting review, 12, 1937, p. 226-237 ; A. NUOVO, The Book Trade in the Italian Renaissance…, op. cit. [voir note 55], p. 6-8.
110 Sur cette problématique : Marius AUDIN, « Les grèves dans l’imprimerie à Lyon, au seizième siècle », Gutenberg-Jahrburch, 10, 1935, p. 172-189 ; Natalie ZEMON DAVIS, « A Trade Union in Sixteenth-Century France », The Economic History Review, 19, 1966, p. 87-69.
111 R. ADAM, Vivre et imprimer dans les Pays-Bas méridionaux…, op. cit. [voir n. 26], II, p. 168.
112 Sont encore conservées les archives d’une perquisition effectuée dans le milieu typographique bruxellois à la fin du xviie siècle : Renaud ADAM, Laurence MEUNIER, « Une enquête de police dans les milieux du livre à Bruxelles en avril 1689 », Histoire et civilisation du livre, 14, 2018, p. 54-64.
113 Les premiers manuels verront le jour au xviie siècle : Jérôme HORNSCHUCH, Orthotypographia, op. cit. [voir note 56] ; Frans A. JANSSEN, « L’emploi des manuels d’imprimerie par les historiens du livre », dans Id., Techniques and design in the history of printing, Leyde, Brill ; Hes & De Graaf Publishers, 2004, p. 155-161.