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Les avatars d’un bois gravé (l’auteur écrivant, 1490-1850)

Alain ROBERT

Université de Reims Champagne-Ardenne

La représentation de l’auteur écrivant ou relisant son œuvre est fréquente dans les manuscrits médiévaux, que ce soit en ornement d’une lettrine ou comme thème d’une enluminure de pleine page. L’avènement de l’imprimé ne mit pas fin à cet usage, bien au contraire. La xylographie permit en effet la diffusion rapide de ces images qui pouvaient se transmettre d’un atelier d’imprimerie à l’autre, être recopiées et reproduites jusqu’à usure complète ou cassure de la matrice originelle, en sorte que ce thème restera largement présent jusqu’au début du xviie siècle. Nous nous proposons, dans cet article, de suivre, au fil de son existence, l’un de ces bois1, à la longévité remarquable, ce qui nous mènera de la fin du xve siècle à nos jours.

Mais avant d’entreprendre ce parcours, commençons par décrire les divers états rencontrés pour ce bois. Nous le ferons à partir des tirages obtenus, de sorte que les notions de droite et de gauche se rapportent à l’image et doivent être inversées si l’on considère le bois lui-même, vu sur sa face gravée. Les quatre états analysés seront repérés par les lettres A, B, C et D, dans l’ordre chronologique estimé de leur apparition. Les dimensions indiquées sont évidemment mesurées sur les épreuves, sauf indication contraire.

État A (ill. 1). Bois dans son état originel, de forme carrée (133 × 133 mm).

État B (ill. 2). Le bois a été raccourci latéralement et présente donc maintenant une forme rectangulaire (133 × 112,5 mm). Ce rétrécissement de 20,5 mm a été effectué par un découpage, assez finement exécuté, qui a permis de supprimer une bande centrale du bois. La découpe la plus à droite suit le fût de la colonne, puis l’arc de la voûte. Celle plus centrale est réalisée dans le sol, puis dans le pupitre et enfin dans la fenêtre en suivant le mieux possible la forme de la découpe de droite. Néanmoins, le raccordement des deux parties ainsi séparées n’est pas parfait ; un examen attentif permet de suivre la ligne de coupe qui apparaît en blanc ; on y observe alors quelques hachures subsistantes qui proviennent de la partie éliminée, le long de la colonne.

Ill. 1. Chorea ab eximio macabro…, Paris, Guy Marchant, 15 octobre 1490 (Washington, Library of Congress, collection Lessing J. Rosenwald).

Ill. 2. Guillaume FILLASTRE, La Thoison d’or, Troyes, Nicolas le Rouge, 21 avril 1530 (Troyes, Médiathèque Jacques Chirac, Fonds local cl. 4° 20101).

État C (ill. 3). Une nouvelle réduction du bois lui donne une largeur de 107,5 mm, tout en conservant bien sûr la hauteur originale de 133 mm. Ce raccourcissement de 5 mm est justifié par la simplification des coupes effectuées qui suivent maintenant des lignes droites. La coupe latérale est alors alignée sur le socle de l’ancienne colonne. Elle est complétée par une découpe horizontale en léger biais et par une seconde coupe verticale au niveau de la colonnette centrale. La colonne de droite a été remplacée par une nouvelle, sans socle, légèrement plus haute, pour permettre d’inclure un nouveau chapiteau. La partie rapportée est d’une gravure beaucoup plus fruste, comme en témoigne la comparaison des décors végétaux au sommet des deux colonnes. De plus, les raccordements entre les deux parties sont beaucoup plus visibles que dans l’état précédent, en particulier dans les éléments de la fenêtre qui ne se correspondent pas exactement. Enfin, la différence de style du décor des colonnes attire immédiatement le regard sur la partie reconstituée.

État D (ill. 4). C’est l’état C ayant perdu la partie rapportée à droite. On se retrouve donc avec un bois d’une forme peu habituelle, de hauteur 133 mm et dont la largeur maximale est de 95,5 mm et la largeur minimale de 68,5 mm.

On notera que les états B et C présentent la même petite cassure au milieu de l’encadrement supérieur de la gravure, juste au-dessus de l’épi décoratif qui surmonte le dossier du siège du scribe, preuve, s’il en était besoin, que ces deux états concernent bien le même bois. Cette cassure ira en s’élargissant au fil du temps (état D).

Nous pouvons donc désormais tenter de reconstituer la trajectoire de ce bois et son utilisation, dans les divers ateliers d’imprimerie où nous avons pu le localiser. Cette étude ne saurait prétendre à l’exhaustivité, faute de pouvoir consulter toutes les éditions susceptibles de renfermer une telle gravure, mais aussi du fait des nombreux exemplaires disparus ou inaccessibles. Un tableau, en annexe, récapitule les divers emplois de ce bois que nous avons pu identifier, et fournit la localisation des exemplaires concernés. Précisons que n’y figurent que des livres effectivement consultés, soit directement, soit par le biais d’une reproduction photographique2.

Ill. 3. Guillaume FILLASTRE, La Thoison d’or, Troyes, Nicolas le Rouge, 21 avril 1530 (Troyes, Médiathèque Jacques Chirac, Fonds local cl. 4° 20101).

Ill. 4. Louis VARLOT, Illustration de l’ancienne imprimerie troyenne, Troyes, Varlot Père, 1850 (coll. part.).

Ill. 5. Lignes des coupes ayant affecté le bois d’origine : en traits pleins, les deux coupes menant de l’état A à l’état B ; en pointillés, celle fournissant la partie gauche de l’état C ainsi que l’état D.

Paris

Notre parcours débute à Paris, au Champ Gaillard, dans l’atelier de Guy Marchant, qui y imprime en 1490 la Chorea ab eximio Macabro, adaptation en latin, par le troyen Pierre Desrey, de la Danse macabre des hommes. On y trouve ce qui semble être la première occurrence de notre bois, dans son état originel, à la fin de l’ouvrage, en introduction au dernier poème. Il ne s’agit pas là de la première édition, par Guy Marchant, de cette Danse macabre ; elle a en effet été précédée par des impressions en français datées de 1485 et de 1486. Mais celles-ci utilisent en ouverture de l’ouvrage un bois différent, légèrement plus grand (148 × 158 mm), qui représente un autre auteur en train de lire ; c’est d’ailleurs aussi le cas dans la présente édition de 1490, qui intègre l’un et l’autre bois. Guy Marchant poursuivra quelque temps ses impressions de la Danse macabre en utilisant ces deux bois de l’auteur, le plus grand en ouverture de la Danse des hommes, et celui qui nous intéresse ici pour introduire la Danse des femmes (2 mai 1491, 3 mai 1492) ou Les trois Morts et les trois Vifs (30 avril 1491, 22 mai 1492).

On sait que beaucoup d’ouvrages édités à cette époque débutent par une préface ou un prologue de l’auteur ou du traducteur ; ce sera l’occasion pour Guy Marchant de réutiliser ses deux xylographies dans diverses productions. En ce qui concerne celle que nous étudions, nous avons pu la trouver en ouverture des éditions successives du Compost et calendrier des bergers (18 avril 1493, 7 janvier 1497, 10 septembre 1500). Mais elle apparaît aussi deux fois dans le Compost et calendrier des bergères du 17 août 1499, d’abord au verso de la page de titre pour illustrer le « prologue de l’acteur », puis en fin de l’ouvrage pour introduire une Danse macabre des femmes.

Il faut ensuite attendre la fin de l’année 1507 pour retrouver notre bois, toujours dans son état primitif et ne semblant pas avoir subi de dommages. Il est maintenant dans l’atelier de Michel Le Noir, toujours à Paris, mais rue Saint Jacques, « à l’enseigne de la rose blanche couronnée » et il illustre d’abord le verso de la page de titre des Neuf Preux. L’année suivante, à une date non précisée, c’est dans Le Livre de la deablerie de maistre Eloy Damerval qu’il figure, entre le privilège royal pour deux ans et le début du prologue, tout au moins dans certains exemplaires3.

Troyes

Vingt ans plus tard, mais dans son état B, le bois se retrouve à Troyes, dans l’atelier de Nicolas Le Rouge4 situé « grand rue, à l’enseigne de Venise, auprès la belle croix. » Il sert à illustrer quatre évocations de l’auteur dans l’édition de La Grande Danse macabre des hommes et des femmes en date du 10 juin 1528 : en ouverture de l’ouvrage (verso de la page de titre), à la fin de la danse des hommes pour illustrer « le Roy mort », au début de la danse des femmes, et enfin après cette dernière pour « la Royne morte ». On a là une disposition assez symétrique qui est conservée dans les deux autres éditions de cet imprimeur. Il faut s’interroger sur les raisons qui ont amené à ce rétrécissement du bois passé de l’état A à l’état B. On peut écarter l’hypothèse d’un accident qui l’aurait partiellement endommagé, car ses deux parties paraissent en parfait état, si ce n’est la petite cassure de la bordure supérieure déjà signalée. En revanche, on remarque que lorsqu’il est utilisé en accompagnement des textes du roi mort et de la reine morte, il est complété, sur le côté droit de la page, par un texte en latin. La largeur de l’ensemble ainsi constitué correspond à la justification des lignes du texte qui suit (ill. 6). Le bois a donc vraisemblablement été mutilé à Troyes, précisément pour permettre cette mise en page qui n’aurait pas été possible si l’on avait utilisé l’état A. On ne peut bien sûr pas exclure que la modification ait été réalisée antérieurement, que ce soit à Troyes ou à Paris, pour illustrer un ouvrage de format inférieur ou imprimé sur deux colonnes qui auraient alors été très larges ; mais pour l’heure cette hypothétique édition intermédiaire n’a pas été repérée.

Ill. 6. La Grande Danse macabre des hommes et des femmes, Troyes, Nicolas le Rouge, 10 juin 1528 (Lille, Médiathèque Jean Lévy, Res. 43664).

Deux ans plus tard, le 21 avril 1530, Nicolas Le Rouge termine l’impression des deux volumes de La Thoison d’or de Guillaume Fillastre. L’image de l’auteur y est reproduite trois fois5 :

– au verso du deuxième feuillet du premier volume, pour introduire le prologue (état C)

– à la page de titre du second volume6 (état C)

– au recto du premier feuillet du second volume, pour introduire un nouveau prologue (état B).

Ces constatations appellent deux remarques. Dans un premier temps, on est amené à penser que le passage du bois, de l’état B à l’état C, s’est produit en 1530, au cours de l’impression de l’ouvrage. On imagine alors la rupture (à la suite d’un choc ?) de l’assemblage constituant l’état B et la nécessité de graver en urgence un complément pour reconstituer le bois afin de poursuivre l’impression. Mais alors, dans un second temps, se pose la question de l’ordre dans lequel les feuilles constitutives de ces deux volumes ont été imprimées puisque la dernière illustration est obtenue avec l’état le plus ancien !

L’année suivante, à une date non précisée, Nicolas Le Rouge réédite une Grande Danse macabre des hommes et des femmes, copie à l’identique de celle de 1528 pour la mise en page et la présentation. Elle propose donc à nouveau quatre images de l’auteur pour illustrer les mêmes passages. Mais il existe deux variantes de cette édition. L’une d’elles utilise quatre fois le bois dans son état C ; mais l’autre ne le fait que trois fois et, au début de la danse des femmes, propose une image de l’auteur obtenue à l’aide du bois dans l’état B, état pourtant disparu depuis 1530 !

Tentons une explication. Si l’on compare attentivement, page à page, les éditions de 1528 et de 1531, on constate systématiquement de légères différences portant sur l’alignement relatif des illustrations, titres, lignes de texte, signatures… Il s’agit donc bien de deux compositions typographiques successives. La seule exception concerne les quatre pages correspondant à la première feuille du cahier f qui semblent absolument identiques dans l’exemplaire de 1528 et dans celui de 1531 conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal. Et c’est au début de ce cahier qu’est apposée l’image posant problème en 1531. L’hypothèse serait donc qu’à l’issue du tirage de 1528, il restait des feuilles imprimées inutilisées ; celles-ci auraient été conservées et employées en 1531 lors de l’assemblage de la nouvelle édition. Il conviendrait bien sûr, pour confirmer cette supposition, de pouvoir consulter un plus grand nombre d’exemplaires, mais très peu sont recensés dans les catalogues de bibliothèques ou dans les bibliographies.

Un problème de nature différente se pose avec la dernière édition facilement accessible de cette Grande Danse macabre des hommes et des femmes donnée par Nicolas Le Rouge, et dont un exemplaire est conservé à la médiathèque du Mans. Elle n’est en effet pas datée et l’on trouve, selon les sources consultées, des propositions allant de 1496 à 15257. Avec la même mise en page, mais une impression uniquement en noir, contrairement aux éditions de 1528 et 1531 dont la page de titre est bicolore, elle présente, aux mêmes emplacements, quatre portraits de l’auteur, tous obtenus avec l’état C du bois. Selon notre chronologie, sa réalisation serait donc postérieure à avril 1530, mais on se heurte alors à un autre problème qui concerne cette fois l’adresse. En effet, en 1528, l’atelier de Nicolas Le Rouge est situé « à l’enseigne de Venise » ; on ne possède pas d’adresse en 1530, mais en 1531, il est « à l’enseigne de Saint Jean l’évangéliste » ; or, la présente édition donne au colophon « à l’enseigne de Venise ». Il faudrait donc admettre, pour cette édition, une impression entre 1530 et 1531 parallèlement à celle analysée précédemment !

Avec cette interrogation, nous en avons fini avec les emplois, par Nicolas Le Rouge, de notre bois. En effet, il n’utilise pas celui-ci pour ses impressions datées de 1510 et de 1529 (1530 n.st.) du Grand Calendrier et Compost des bergers, pas plus que ne le fera son confrère troyen Jean (II) Le Coq en 1541. Pourtant, tous deux disposent des planches de Guy Marchant qui illustrent leurs calendriers. Il faudra attendre le siècle suivant pour retrouver, dans la Bibliothèque bleue troyenne, des livrets où figure cette représentation de l’auteur obtenue à partir de la même xylographie.

La Bibliothèque bleue de Troyes8

C’est en 1611, dans l’atelier de Nicolas (I) Oudot, imprimeur considéré comme étant à l’origine de la Bibliothèque bleue, que l’on rencontre à nouveau notre bois dans son état C. Il orne le verso de la page de titre des Prouesses et vaillances du redouté Mabrian. Ce roman de chevalerie est à nouveau édité par le même imprimeur en 1625, mais il est alors illustré par un autre bois de l’auteur et il ne sera ensuite plus repris dans la Bibliothèque bleue. Sans doute vers la même époque, Nicolas Oudot publie une Grande Danse macabre des hommes et des femmes utilisant les bois de Guy Marchant. Elle comporte quatre images de l’auteur aux mêmes emplacements que dans les éditions de Nicolas Le Rouge. La première et la troisième sont des tirages de l’état C du bois. On notera au passage qu’en 1610, Noël Moreau, successeur indirect des Le Coq, avait imprimé lui aussi une Grande Danse macabre des hommes et des femmes. Mais comme il n’avait pas les bois originaux à sa disposition, il en utilise des copies. Pour l’auteur, c’est un bois de taille réduite (103 × 83 mm) reproduisant le centre de la scène originelle qui est employé quatre fois (ill. 7).

On retrouve l’état C du bois en 1618 dans Le Grand Calendrier et Compost des bergers du même Nicolas Oudot où il illustre le début de la troisième partie, « science salutaire et jardin ou champ des vertus ». Il est accompagné par une autre représentation de l’auteur, copie inversée et réduite d’un bois déjà utilisé par Guy Marchant, utilisée deux fois. Une nouvelle édition, calquée sur celle-ci, et donc avec les mêmes illustrations, voit le jour en 1630.

Après la disparition de Nicolas (I) Oudot, en 1636, son fils Nicolas (II) lui succède à la tête de l’atelier et poursuit, en le développant encore, le genre de production initié par son père. C’est ainsi que paraît, en 1641, une nouvelle version de La Grande Danse macabre des hommes et des femmes renfermant à nouveau quatre représentations de l’auteur aux emplacements maintenant habituels. Comme pour l’édition de Nicolas (I), la première et la troisième occurrence proviennent de l’état C du bois, alors que les deux autres sont obtenues à partir du bois utilisé par Noël Moreau en 1610 (ill. 7)9. Dans la même veine, il publie en 1657 un Grand Calendrier et Compost des bergers avec d’infimes modifications dans l’illustration, mais notre auteur est bien toujours présent, dans son état C, en tête de la troisième partie. Il poursuivra l’édition de ce titre en 1672, mais nous n’avons pu en consulter aucun exemplaire10, ce qui ne nous permet pas de voir si le bois est toujours présent dans son officine à cette date.

En revanche, en 1671 paraît, toujours à Troyes, ce qui semble être une édition partagée de ce même Grand Calendrier et Compost des bergers, entre la veuve de Blaise Briden11, Edme Adenet12 et Yves Girardon13. Quoique moins illustrée qu’à l’habitude, elle comporte néanmoins par deux fois la représentation de notre auteur14, mais dans une copie assez grossière de l’état C, avec ses deux colonnes disparates (ill. 8). Ses dimensions sont celles du modèle (133 × 107,5 mm).

Toujours est-il que notre état C disparaît définitivement des deux derniers titres évoqués avec les productions de Jacques (II) Oudot, l’un des fils de Nicolas (II). Tout au plus, celui-ci utilisera-t-il, en remplacement, la copie provenant du fonds de Noël Moreau (ill. 7) ; il en sera de même de sa veuve et de son fils Jean (IV). En revanche, notre bois subsiste toujours dans le fonds Oudot, mais dans sa version la plus altérée (état D). On le trouve ainsi, en illustration du prologue, dans au moins trois des éditions de L’Histoire des nobles prouesses et vaillances de Gallien Restauré que Jacques (II) Oudot imprime entre 1680 et 1710 (ill. 9). Il passe ensuite dans l’atelier des Garnier, à la faveur de la vente du fonds Oudot en 1763, en sorte qu’on le retrouve, au même emplacement, dans les impressions de ce titre par Jean Garnier. Il ne semble plus utilisé par ses successeurs, mais il restera dans le fonds Garnier jusqu’à la vente de 1830 à Charles-Louis Baudot.

Sans doute était-il jugé trop détérioré pour figurer dans le recueil de bois gravés et de spécimens de caractères15 que publie Baudot, en vue de leur vente, en 1840. Malgré cela, il fut tout de même racheté, avec d’autres, par l’antiquaire troyen Louis Varlot qui en publia un tirage en 1850 dans son Illustration de l’ancienne imprimerie troyenne (n° 76)16, d’ailleurs imprimée par Casimir-Charles Baudot, fils du précédent. Il sera ensuite acquis, avec beaucoup d’autres, par la Bibliothèque municipale de Troyes et est conservé actuellement à la Réserve de la Médiathèque Jacques Chirac de Troyes Champagne Métropole, sous la cote ILL 76 (ill. 10). Ses plus grandes dimensions sont une hauteur de 137,5 mm et une largeur de 96,5 mm. On peut observer sur la tranche verticale de la partie recoupée les trous d’insertion des chevilles utilisées pour solidariser les deux parties du bois, quand elles existaient (ill. 11).

Ainsi se termine ce parcours qui nous aura permis de repérer quelques jalons dans l’existence quelque peu exceptionnelle d’un bois qui aura connu quatre états, aura été copié au moins deux fois, pour finir maintenant comme pièce de musée. Cela nous aura amenés à bien des interrogations, mais aussi à peu de certitudes. C’est là un encouragement à poursuivre ces recherches, en essayant de combler les vides dans la chronologie des éditions qui l’emploient et en tentant de comprendre les stratégies mises en œuvre par les imprimeurs lors de la composition, de l’illustration et de l’impression de ces ouvrages.

Ill. 7. La Grande Danse macabée des hommes et des femmes, Troyes, Veuve de Jacques Oudot et Jean Oudot fils, 1729 (coll. part.).

Ill. 8. Le Grand Calendrier et Compost des bergers, Troyes, Edme Adenet, 1671 (Mazarine, A 12633).

Ill. 9. Histoire des nobles prouesses et vaillances de Gallien Restauré, Troyes, Jacques Oudot, s.d. (Troyes, Médiathèque Jacques Chirac, Bbl.42).

Ill. 10. Bois ILL 76 vu de face (Troyes, Médiathèque Jacques Chirac).

Ill. 11. Bois ILL 76 vu du côté gauche (Troyes, Médiathèque Jacques Chirac).

Annexe

Occurrences du bois 10487 dans ses quatre états, 1490-1850

Les variantes d’une même édition sont citées séparément les unes des autres.

OUVRAGEVILLEIMPRIMEURDATE et référenceNOMBRE ÉTATPAGEEXEMPLAIRES consultés
Chorea ab eximio macabro…ParisGuy Marchant pour Geoffroy de Marnef15 octobre 1490 ISTC id 000215001Af° b5 vMazarine, Inc D 593 ; Washington, Library of Congress, collection Lessing J. Rosenwald ; BnF RES M-YC-1035
Trois morts et trois vifs…ParisGuy Marchant30 avril 1491 ISTC id 000199001Af° a4 rBnF RES YE-87
Danse macabre des femmesParisGuy Marchant2 mai 1491 ISTC id 000199001Af° a2 rBnF RES YE-86
Danse macabre des femmesParisGuy Marchant3 mai 1492 ISTC id 000200001Af° a2 rLondres BL IB 39618
Trois morts et trois vifs…ParisGuy Marchant22 mai 1492 ISTC id 000200001Af° a4 rLondres BL IB 39618
Compost et calendrier des bergiersParisGuy Marchant18 avril 1493 ISTC ic 000540001Af° a2 r Cologny, Fondation Martin Bodmer
Compost et calendrier des bergiersParisGuy Marchant7 janvier 1496 (1497) ISTC ic 000560001Af° a2 rBnF RES-MV 33
Compost et calendrier des bergeresParisGuy Marchant (pour Jean Petit)1499 ISTC ic 000580002Af° a2 r ; f° i3 r BnF RES-V-275
Compost et calendrier des bergeresParisGuy Marchant 17 août 1499 ISTC ic 000580002Af° a2 r ; f° i3 r BnF RES-V-1266
Compost et calendrier des bergiersParisGuy Marchant 10 septembre 1500 ISTC ic 000570001Af° a2 rLe Mans R.I.B. 064
Triomphe des Neuf PreuxParisMichel Lenoir3 décembre 15071Af° A1 vBnF RES-Y2-84 ; Rennes R 4355
Le Livre de la deablerie ParisMichel Lenoir15081Af° B1 rBnF RES-YE-43
Grande Danse macabreTroyesNicolas Le Rouge10 juin 15284Bf° a1 v ; f° d1 r ; f° e1 r ; f° g3 rLille RES 43664
La Thoison d’orTroyesNicolas Le Rouge (pour Jean Petit)21 avril 15301Bf° AA1 rTroyes Fonds local cl. 4° 20101 ; Châlons en Champagne PL 54 ; Caen RES C 481 / 1-2
1Cf° A2 v
La Thoison d’orTroyesNicolas Le Rouge (pour Jean Petit)21 avril 15301Bf° AA1 rLille RES 15653 ; Lille RES 43533
2Cf° A2 v ; p. titre vol. 2
Grande Danse macabreTroyesNicolas Le RougeSans date ISTC id 000213004Cf° a1 v ; f° d1 r ; f° e1 r ; f° g3 rLe Mans R.I.B. 016
Grande Danse macabreTroyesNicolas Le Rouge15311Bf° e1 r ARS Réserve 4° B.L. 3115
3Cf° a1 v ; f° d1 r ; f° g3 r
Grande Danse macabreTroyesNicolas Le Rouge15314Cf° a1 v ; f° d1 r ; f° e1 r ; f° g3 rBnF RES-V-279
Grande Danse macabreTroyesNicolas (I) OudotSans date2Cf° A1 v ; f° E1 rVienne, Ősterreichische Nationalbibliothek, B.E.v.Q.33
MabrianTroyesNicolas (I) Oudot16111Cf° A1 vMazarine, 4° A 14498
Grand Calendrier et compost des bergersTroyesNicolas (I) Oudot16181Cf° K3 rBnF R 1618
Grand Calendrier et compost des bergersTroyesNicolas (I) Oudot16301Cf° K3 rCollection particulière
Grande Danse macabreTroyesNicolas (II) Oudot1641 Morin 4312Cf° A1 v ; f° E1 r ARS Réserve 4° B.L. 3117
Grand Calendrier et compost des bergersTroyesNicolas (II) Oudot16571Cf° K3 rCollection particulière
Gallien restauréTroyesJacques (II) OudotSans date Morin 5851Df° A1 v Troyes Bbl 42
Gallien restauréTroyesJacques (II) OudotSans date Morin 5841Df° A1 v Troyes Bbl 989, Bbl 1553 ; Marseille MuCEM 1R 981
Gallien restauréTroyesJacques (II) OudotSans date 1Df° A1 v Collection particulière
Gallien restauréTroyesJean GarnierSans date Morin 5861Df° A1 v Troyes Bbl 672, Bbl 674, Bbl 1268, Bbl 1269, Bbl 1271 bis
Gallien restauréTroyesJean GarnierSans date Morin 5871Df° A1 v Troyes Bbl 988, Bbl 990
Illustration de l’ancienne imprimerie troyenneTroyesBaudot18501Dn° 76

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1 Il s’agit du bois référencé 10487 dans la base Icono 15 de la BnF. Mes remerciements à Nathalie Coilly pour les informations fournies.

2 Tous nos remerciements à Émeline Pipelier (Médiathèque Jacques Chirac, Troyes), Sophie Renaudin (Médiathèque Louis Aragon, Le Mans), Pierre Gandil (Médiathèque Georges Pompidou, Châlons en Champagne), Sophie Biard (Médiathèque de Caen la mer), Jean-Jacques Vandewalle (Médiathèque Jean Lévy, Lille), Sophie Bernillon (MuCEM, Marseille) et Yann Sordet (Bibliothèque Mazarine) pour l’aide apportée dans ces recherches.

3 Sur les variantes de cette édition, voir Guy BECHTEL, Catalogue des gothiques français, 2e éd., Paris, Librairie Giraud-Badin, 2010, p. 204, n° 10.

4 Sur la production de Nicolas Le Rouge et son illustration, voir Henri MONCEAUX, Les Le Rouge de Chablis, Paris, Claudin, 1896, t. 2. La description des gravures n’y est pas toujours suffisamment précise pour permettre l’identification des bois utilisés et les dimensions indiquées sont parfois incohérentes.

5 Assez paradoxalement, Nicolas Le Rouge a jugé nécessaire de compléter ces bois, selon le cas, par un ou deux bandeaux latéraux ornementés, ce qui restitue à l’ensemble une largeur comparable, voire supérieure, à celle du bois dans son état premier.

6 Ce feuillet manque dans certains exemplaires. Sans doute a-t-il été jugé superflu lors de la réunion des deux volumes sous une même reliure.

7 H. MONCEAUX (Les Le Rouge…, op. cit.) date cette édition de 1496, ce qui est peu vraisemblable au vu de la présentation de sa page de titre ; le catalogue de la médiathèque du Mans indique « après 1500 » ; le Manuel du libraire de Brunet, et à sa suite G. Bechtel (Catalogue des gothiques…, op. cit.), datent « c.1525 » une édition non localisée qui pourrait ressembler à celle-ci.

8 Pour plus de précisions sur les imprimeurs troyens cités, voir Georges LEPREUX, Gallia typographica. Provinces de Champagne et de Barrois, Paris, H. Champion, 1911. Pour une description plus détaillée de certaines des éditions consultées, voir Alfred MORIN, Catalogue descriptif de la Bibliothèque bleue de Troyes, Genève, Droz, 1974.

9 Ce bois intègre sans doute l’atelier Oudot à la faveur du mariage, en cette même année 1641, de Nicolas (II) avec Marie Moreau, fille ou nièce supposée de Noël Moreau. On notera, de plus, que cette édition de la Danse macabre est à l’adresse « rue Notre-Dame, à l’enseigne du Coq », qui était celle de Noël Moreau, et non à celle des Oudot, « rue Notre-Dame, à l’enseigne du Chapon d’or couronné » que Nicolas (II) Oudot reprendra bientôt.

10 Un exemplaire est conservé à la New York Public Library, Spencer Coll. French 1672.

11 Troyes, Bbl 699.

12 Mazarine A 12633.

13 A. MORIN, Catalogue descriptif…, op. cit., n° 315.

14 En p. 67 (Science salutaire…) et en p. 126 (Phisionomie).

15 Recueil dit Album Baudot, Médiathèque de Troyes, Cl. pl° 19520.

16 Louis VARLOT, Illustration de l’ancienne imprimerie troyenne, Troyes, Varlot Père, 1850.