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« La critique idiote de M. Dupin » : Réflexions et Observations sur L’Esprit des lois de Claude Dupin

Catherine VOLPILHAC-AUGER

École normale supérieure de Lyon (université de Lyon), IHRIM (UMR CNRS 5317)

On me parlait de la critique idiote de M. Dupin, fermier général, de L’Esprit des lois ; je dis : je ne dispute jamais contre les fermiers généraux quand il est question d’argent ni quand il est question d’esprit.

(Montesquieu, Pensées, n° 2239)

L’Esprit des lois est publié à Genève en novembre 1748 ; seuls quelques exemplaires parviennent alors à Paris, où l’ouvrage n’est réellement diffusé qu’à partir de la fin de janvier 1749, quand paraît une « réimpression » parisienne hâtivement copiée sur l’originale. Le succès est immédiat, fulgurant, mais aussi la réprobation : dans les salons on murmure, et bientôt on écrit contre L’Esprit des lois. Parmi les tout premiers critiques figure Claude Dupin, fermier général qui semble assez ouvert aux idées nouvelles pour être annoncé en 1751 comme un des futurs collaborateurs de l’Encyclopédie (ce qui ne se réalisera pas), et dont l’épouse reçoit dans son salon la meilleure société. Montesquieu, qui préfère rester en Bordelais pour attendre que l’ouvrage fasse son chemin, est bientôt informé par ses amis parisiens que Dupin prépare contre lui une véritable charge ; on sait maintenant qu’il s’agit des Réflexions sur quelques parties d’un livre intitulé « De l’esprit des loix » (que j’appellerai désormais Réflexions), dont Montesquieu annonce lui-même avec dédain le 23 juillet 1749 la publication prochaine1. Mais leur diffusion reste entourée de mystère : on n’en parle qu’à mots couverts avant leur impression (sans jamais en énoncer le titre), et guère après.

Les Réflexions reparaissent dans une version augmentée, sous le titre d’Observations sur un livre intitulé « De l’esprit des lois » (désormais désignées comme Observations)2 ; l’ouvrage, toujours anonyme, est bien attesté, mais cette fois il est sans lieu, sans nom, sans date – aussi les bibliographies ou les catalogues, qui parfois le confondent avec le précédent, présentent-ils de fortes variations sur ce point. Voilà qui mérite une enquête approfondie, non seulement pour l’amour de la bibliographie, mais aussi parce que ces ouvrages, autour desquels gravitent quelques personnalités majeures des Lumières (Voltaire, Rousseau), témoignent des enjeux considérables de la lutte philosophique au mitan du siècle3.

Naissance d’un mythe

Un premier témoignage est fourni par l’abbé Ottaviano Guasco, très proche ami de Montesquieu et premier éditeur de sa correspondance en 1767 avec les Lettres familières du président de Montesquieu à divers amis d’Italie. À la lettre du 23 juillet 1749 qui évoque les Réflexions il ajoute cette note :

Ce fermier général fit ensuite imprimer à ses frais une critique presque aussi étendue que L’Esprit des lois, qu’il distribua à ses connaissances, à condition de ne point la prêter. On ne manqua cependant pas de faire tomber un exemplaire de cette critique entre les mains de M. de Montesquieu, et dès qu’il eût parcouru quelques parties de cette rhapsodie, il dit qu’il ne valait pas la peine de lire le reste, se reposant sur le public. En effet la mauvaise foi qu’on découvrit dans les citations des passages mutilés à dessein de rendre l’auteur de L’Esprit des lois odieux au gouvernement, ainsi que les mauvais raisonnements, l’indignèrent au point que M. Dupin crut devoir retirer les exemplaires distribués, sous prétexte d’en faire une nouvelle édition, pour corriger des fautes qui s’étaient glissées, mais cette nouvelle édition ne parut jamais4.

On a ici un étonnant mélange d’approximations, d’erreurs et d’informations sûres qui doit être décrypté : l’ouvrage de Dupin, volumineux mais non démesuré (456 et 468 pages in-octavo)5, fut mort-né, mais il est loin d’avoir le venin que lui suppose Guasco, et surtout d’avoir connu la réprobation générale, tant il est resté confidentiel. Plus intéressante, l’évocation de l’exemplaire tombé « entre les mains de M. de Montesquieu », pourtant si improbable : le fonds manuscrit de La Brède a révélé que Montesquieu avait effectivement fait copier un chapitre des Réflexions consacré au commerce6. Enfin on peut expliquer que Guasco ignore la « nouvelle édition » : après avoir séjourné en Angleterre en 1750, devenu chanoine de Tournai en 1751 il ne réside plus guère en France – les Observations, mieux connues que les Réflexions mais restées confidentielles comme on va le voir, ont pu lui échapper.

Dès 1751, la Bibliothèque annuelle et universelle donnait bien le titre exact des Réflexions, ainsi que toutes les précisions nécessaires (« Paris, Benjamin Serpentin, in-8°, 2 volumes », et bien sûr l’année qui figure sur la page de titre), mais non l’identité de l’auteur, qui avait « retiré tous les exemplaires »7. Ce périodique bibliographique sérieux, porté par Nicolas Burtin et l’abbé Ladvocat, est le premier à affirmer, comme le fera Guasco, qu’on a affaire à une édition fantôme, irrémédiablement perdue, voire oubliée – mais il sera lui-même oublié. Ainsi que l’a remarqué Robert Shackleton, en 1756 La France littéraire (à laquelle collabore l’abbé de La Porte) attribue à Dupin une « Réfutation du livre de L’Esprit des lois en ce qui concerne le commerce et les finances », 1749, 3 vol. in-12 »8 ; ce que l’on retrouve en 1769 dans la nouvelle édition de la Bibliothèque historique de la France dite du P. Lelong9. La confusion semble complète, et durable.

Voltaire connaissait les Observations, qu’il a lues et annotées, comme en témoigne son exemplaire10 ; à la fin de l’Avant-propos de son Commentaire sur « L’Esprit des lois », daté de 1778 (en fait, 1777), il évoque sous le titre d’« Observations sur L’Esprit des lois » dont il a « tiré des instructions » « trois petits volumes » rédigés par « une société de savants, nourris dans la connaissance des affaires et des hommes » et imprimés en « vingt-quatre exemplaires » ; malgré l’inexactitude du titre11, les initiés pouvaient reconnaître cet ouvrage de Dupin, qui affirmait en tête de ses deux ouvrages ne pas avoir travaillé seul. Mais des Réflexions, nulle trace, que ce soit dans le Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares en 1791, le Dictionnaire des ouvrages anonymes ou pseudonymes de Barbier en 1806, le Dictionnaire […] des principaux livres […] supprimés ou censurés de Peignot la même année, le Manuel du libraire et de l’amateur de livres de Brunet en 181012.

En revanche dès 1806, Peignot comme Barbier évoquent les Observations. De ces trois volumes in-octavo, « Paris, Guérin et Delatour, 1752 ou 1753 », il n’existerait « qu’environ 12 exemplaires » selon Barbier ; chez Peignot, « cinq ou six » ont échappé à la destruction réclamée par des amis de Montesquieu et sa famille13 – on en déduit que c’est après sa mort (février 1755). En 1810, arguant d’une « note de l’imprimeur Delatour », Brunet les contredit tous deux : la date serait « 1757-1758 », pour un tirage de cinq cents exemplaires dont une trentaine aurait été distribuée avant que Dupin ne fît détruire les autres (ce dont aucune cause n’est donné)14. Se contenterait-il de reproduire la notice du catalogue des livres de Louis-François Delatour, vendus à sa mort par les frères Tilliard et Mérigot en 1808 ? On y trouve toutes ces précisions, sauf le tirage, et ce qu’il n’indique pas : le nom de deux collaborateurs, les pères Berthier et Plesse15. Il s’agit donc de deux sources différentes ; mais l’origine est la même, les archives Delatour, qu’on n’a aucune raison de mettre en doute.

Il faut en fait attendre la deuxième édition du Dictionnaire de Barbier, dont les tomes II et III paraissent en 1823 et 1824, pour que les deux titres soient reproduits sinon correctement, du moins de manière à être distingués, avec mention du nombre de volumes et de l’adresse bibliographique (ou de son absence) qui les différencient16. Selon Barbier les Réflexions « para[issen]t avoir été imprimé[es] par Guérin et de La Tour », comme les Observations pour lesquelles il donne cette fois la même date que Brunet (« 1757 et 1758 »), répétant néanmoins que seule une douzaine d’exemplaires a été conservée – ce qui n’est pas incompatible avec la version de Delatour reprise par Brunet : un demi-siècle et une révolution plus tard, les quelque trente rescapés n’ont pas forcément tous survécu. Mais des Réflexions il affirme ceci :

L’auteur n’en fit tirer que six exemplaires, pour les communiquer à des amis et recevoir leurs observations. Cinq de ses amis rendirent les exemplaires ; mais le marquis d’Argenson garda celui qui lui avait été confié. Les cinq autres ont été détruits par l’auteur même. L’exemplaire du marquis d’Argenson est donc unique17.

Évoquer Antoine René de Voyer (1722-1787), marquis de Paulmy puis d’Argenson (1757), c’est parler de la bibliothèque de l’Arsenal où figure effectivement un exemplaire des Réflexions18 ; aussi Barbier exprime-t-il à la fin de l’article sa gratitude envers l’abbé Grosier (1743 ?-1823), savant jésuite fort ennemi des Philosophes, qui travaillait à l’Arsenal au moins depuis 180919. Mais cet exemplaire est-il unique ? et le libraire caché sous le nom de Benjamin Serpentin est-il bien l’association Guérin-Delatour ?

En 1842, le Manuel du libraire de Brunet tire les enseignements de la notice de Barbier sur les Réflexions tout en corrigeant le nom de l’imprimeur, qui pour lui est Guérin20. Mais surtout il affirme que « M. Boulard, ancien notaire » (ami et exécuteur testamentaire de La Harpe, et grand accumulateur de livres plutôt que véritable bibliophile) en possédait un exemplaire, acheté cent quatre-vingts francs en 1828 par Boulard fils à la mort de son père21. La légende de l’unicum, forgée par Barbier, a donc vécu ; le catalogue de la bibliothèque de Paulmy d’Argenson lui offrait d’ailleurs un démenti, puisque dans une note manuscrite, celui-ci s’y montrait plus prudent : « rien n’est si rare que les exemplaires de cette critique puisqu’on assure qu’il n’en existe que trois dans Paris »22.

Un ouvrage rare

De fait, en 1859, de deux exemplaires survivants on passe à trois, du moins si l’on en croit Du Plessis, un arrière-petit-neveu du fermier général, qui déclare en posséder un exemplaire mais ne s’explique pas sur sa provenance. Bien décidé à défendre l’honneur familial, Du Plessis fournit une notice sur les œuvres de Dupin23 ; il s’appuie notamment sur une lettre passée en vente en 185824 : le 7 mars 1750, Dupin rapporte au père Castel (ami de Montesquieu, ou du moins prétendant l’être), qu’il a fait imprimer huit exemplaires, et les a « tous retirés ». Cela n’est guère compatible avec la présence avérée de l’un d’entre eux chez Paulmy d’Argenson, mais on retiendra surtout la suggestion de Du Plessis : Dupin n’en avait-il pas gardé pour son propre usage ? Toujours selon Du Plessis, il n’en subsistait plus aucun exemplaire dans la famille Dupin – serait-ce, dans cet article de 1859, un moyen de répondre à l’arrière-petite-fille de Claude Dupin, George Sand, qui, dans son Histoire de ma vie publiée en 1855, déclarait avoir « le bonheur » de posséder un exemplaire de cette critique25 ? Sand vante les mérites d’un ouvrage « inférieur par la forme à celui de Montesquieu, mais supérieur dans le fond à beaucoup d’égards », qui « relève toutes les contradictions de L’Esprit des lois, et présente de temps à autre des aperçus beaucoup plus élevés sur la législation et la morale des nations »26. Elle semble en tout cas ignorer qu’il en existe deux versions. Du Plessis, en disant à la fois que Dupin devait en conserver un exemplaire et qu’aucun ne se trouve chez ses descendants, pourrait bien suggérer que le sien, après quelques détours, provient de Dupin lui-même. Pour lui, il resterait en tout cas trois exemplaires des Réflexions, dont deux passés en vente publique : l’exemplaire Boulard et celui qu’il déclare avoir sous les yeux.

La suite de son article est plus hasardeuse. Selon Du Plessis, seul l’imprimeur Guérin était à l’œuvre, Delatour, né en 1727, étant trop jeune pour avoir imprimé les Réflexions, et n’ayant contribué à aucune des publications de Dupin27. On sait maintenant que Delatour fut « reçu libraire le 2 juillet 1745 et imprimeur le 16 nov[embre] 1750 », associé à Jean-Hippolyte Guérin dont il devient le gendre en 175228 ; on verra plus loin les raisons pour lesquelles Du Plessis lui retire toute participation aux Observations, alors que Brunet l’affirmait catégoriquement, d’après le témoignage même de Delatour.

Les informations essentielles que fournissait Du Plessis à propos des Réflexions sont reprises par Brunet, qui y ajoute dans l’édition de 1861 du Manuel du libraire la mention de deux autres exemplaires, dont l’un a atteint un prix respectable (« 120 fr. Coste ; 141 fr. Salmon ») – vendu moins cher que l’exemplaire Boulard dont la rareté était avérée, s’agirait-il de l’exemplaire Du Plessis ? L’autre, relié en veau marbré et dont la rareté n’avait pas été reconnue, aurait été vendu six francs en 180029. On en serait donc alors à quatre exemplaires.

Le dossier des Réflexions se complique encore un peu plus avec une autre lettre de Dupin. Connue partiellement depuis 1878 grâce à Louis Vian30 et aujourd’hui conservée à l’université Columbia (dossier Seligman)31, elle est adressée le 10 juin 1759 à l’abbé de Saint-Cyr, très opposé aux Philosophes et fort influent32. Dupin y déclare qu’immédiatement après la publication de L’Esprit des lois, il jeta « sur le papier la valeur de 3 volumes in-8° », dont il fit imprimer « seulement 8 exemplaires » qu’il jeta finalement au feu, sauf deux qu’il « ne pu[t] parvenir a retirer. » Voilà réaffirmé le tirage initial des Réflexions (dont on ne peut guère espérer avoir d’autre confirmation), et justifiée la survie de deux exemplaires – deux seulement. L’existence de deux, voire trois ou quatre exemplaires en circulation doit-elle être pour autant remise en cause ?

Manifestement, Dupin ne montre pas ici une extrême rigueur : avec « la valeur de 3. volumes in-8 », alors que les Réflexions n’en ont jamais compté que deux, l’approximation est manifeste ; un auteur peut-il oublier en combien de volumes son ouvrage a été imprimé ? Mais Dupin n’imprime ses remarques que « pour les lire avec plus de facilité, et avoir l’avis de [s]es amis » : ce n’est pas un auteur anxieux de voir paraître le fruit de ses veilles. Même approximation sur le nombre des exemplaires subsistants, contredit par les recherches bibliographiques du xixe siècle.

Le démenti le plus formel est même apporté par les exemplaires conservés aujourd’hui. On n’en connaissait qu’un, celui de l’Arsenal ; Robert Shackleton en découvrit en 1980 un autre à Paris, à la bibliothèque de l’Assemblée nationale33 ; j’en ai pour ma part repéré en 2018 un troisième à Tokyo, à l’université Waseda [ill. 1]34. Or ce dernier exemplaire doit être identifié avec l’exemplaire Du Plessis, dont il porte l’ex-libris, ce qui confirme pleinement les dires de celui-ci – sans que l’origine en soit pour autant éclaircie. Si un troisième exemplaire s’est ainsi révélé après avoir circulé souterrainement dans des collections particulières pendant plus d’un siècle, pourquoi pas d’autres encore ? L’ouvrage n’en est pas moins très rare, et il possède des caractéristiques intéressantes : les exemplaires de l’Arsenal et de Waseda (mais non celui de l’Assemblée nationale) portent deux corrections manuscrites, de la même main35.

Dupin est donc peu exact, ce qu’on peut expliquer par l’objet de sa lettre : il cherche des appuis pour une nouvelle édition, et il a tout intérêt à souligner la quasi-disparition des Réflexions ; mais de deux à trois ou quatre, quelle différence ? À dix années de distance, il a surtout un souvenir flou d’un épisode aussi peu glorieux, où ses plus proches amis le dissuadèrent de répandre son travail. Ce n’est pas ici le lieu d’analyser en détail cette critique, effectivement très faible, qui souvent déforme les citations de L’Esprit des lois pour mieux les tourner en ridicule et qui souhaite avant tout défendre les intérêts des possédants et du roi, et de ceux qui le servent en collectant les impôts. Un des aspects le plus remarquables en est l’apologie de l’esclavage, qui est jugé aussi bon pour les esclaves que pour les maîtres36. On peut donc se demander si elle a été réellement lue par les admirateurs de Dupin, à commencer par George Sand. Montesquieu ne pouvait que la juger plus « idiote » que dangereuse, et n’a jamais cherché à y répondre37.

Ill. 1. Claude Dupin, Réflexions sur quelques parties d’un livre intitulé « De l’esprit des loix », Paris, 1749, t. II (Tokyo, Université Waseda, 文庫 22 00255)

Des réflexions aux observations : combien et quand ?

C’est aux Observations qu’il faut s’intéresser maintenant, en commençant par mettre en doute le nombre des exemplaires subsistants, que j’ai déjà évoqué : une douzaine selon Barbier, vingt-quatre selon Voltaire, trente selon le catalogue de vente Delatour, une trentaine selon Brunet (d’après Delatour) : après les avoir distribués à ses amis, Dupin « donna ordre à l’imprimeur de détruire le surplus de l’édition ; ce qui fut rigoureusement exécuté »38. Si trente exemplaires seulement survécurent, on s’explique mal qu’il en soit conservé autant aujourd’hui39 ; de plus l’ouvrage apparaît régulièrement en vente sous reliure du xixe siècle ; Brunet lui-même constate qu’il s’en est retrouvé un lot de neuf dans une seule vente en 183740 : Delatour n’exécuta sans doute pas si rigoureusement que cela l’ordre de Dupin… Le tirage initial fut-il pour autant de cinq cents, comme le prétendait l’imprimeur ? Du Plessis (qui manifestement refuse de nommer Brunet et ne prétend s’appuyer que sur Barbier) le conteste, arguant que Dupin déclare en tête de l’ouvrage destiner celui-ci non au « public », mais à « un certain nombre de personnes dont l’amitié [lui] est chère »41. Un relevé exhaustif des exemplaires subsistants, appuyé sur l’examen des reliures, permettrait sans doute d’aller plus loin en distinguant distribution initiale et vente tardive (et lucrative) ; mais la diffusion n’a pu être importante, puisqu’elle n’est attestée par aucun témoignage imprimé (ou manuscrit) de l’époque permettant de dater l’ouvrage.

Cela a donné lieu, comme on l’a déjà vu, à force hypothèses, ce que reflètent les bibliographies et les catalogues, qui les situent de 1751 à 1757. La question ne relève pas de la seule érudition, puisque si c’est avant février 1755, c’est du vivant de Montesquieu : la démarche de Dupin prend alors un autre sens. Il faut donc passer en revue les différents arguments qui ont été avancés, la démonstration de Shackleton, qui opte pour 1751-1752, étant certainement la plus forte42.

Du Plessis suggérait l’année 1750, « 1751 au plus tard »43, car à ses yeux l’intervalle entre les deux publications ne pouvait être très grand, tant elles se ressemblent – un tel argument ne saurait être retenu : qui peut estimer la capacité de travail d’un auteur ? Il existe en outre des différences patentes entre les deux éditions, puisqu’on passe de deux à trois volumes. Ses autres raisons ne sont pas plus décisives : il suppose que, dans deux lettres non datées, lorsque Montesquieu évoque la critique de Dupin, il désigne les Observations, dans la première lettre fin 1749 ou au commencement de 1750, dans la seconde en 1750. Les manuscrits, révélés en 1914 par l’édition Gébelin-Morize de la correspondance de Montesquieu et interprétés à la lumière de la nouvelle édition des Œuvres complètes, ont montré qu’il se trompait du tout au tout44. La datation de 1750 s’effondre, d’autant plus facilement qu’elle reposait sur l’idée que Montesquieu n’avait pu connaître les Réflexions – on a vu plus haut que c’était faux45.

Son troisième argument ne vaut pas mieux : pour démontrer que Montesquieu a réagi aux Observations, il s’appuie sur le Dictionnaire de Barbier46, qu’il critique pourtant constamment ; celui-ci reproduisait, sans donner sa source, une des anecdotes que le Nouveau dictionnaire historique (dit de Louis Mayeul Chaudon) avait ajoutées, semble-t-il en 1789, à l’article « Montesquieu » :

La meilleure de toutes les critiques, si on en jugeait par l’impression qu’elle fit sur l’auteur, aurait été celle de M. Dupin, fermier général, qui avait une bibliotheque choisie et très nombreuse dont il savait faire usage. Montesquieu alla s’en plaindre à madame la marquise de Pompadour, au moment où il n’y avait que cinq ou six exemplaires de distribués à quelques amis. Madame de Pompadour fit venir M. Dupin et lui dit qu’elle prenait L’Esprit des lois sous sa protection, ainsi que son auteur. Il fallut retirer les exemplaires et brûler toute l’édition47.

Que l’épisode soit censé une nouvelle fois concerner les Observations, et non les Réflexions, importe moins que son authenticité. Surgissant quarante ans après les faits, l’anecdote apparaît comme dénuée de tout fondement, et jamais aucune preuve n’a pu en être donnée ; elle entre aussi en contradiction avec le mépris dont Montesquieu accable l’ouvrage dans sa correspondance privée et un recueil destiné à son seul usage comme les Pensées. En tout état de cause, rien n’a jamais signalé la protection de la favorite48. En l’empruntant à un ouvrage hostile à la « philosophie », Barbier apportait sa caution à une historiette qu’il faut rapprocher de l’invention, due à Voltaire, d’une fausse édition édulcorée des Lettres persanes destinée à tromper le cardinal de Fleury et à ouvrir au rusé Gascon les portes de l’Académie française, ou à l’histoire édifiante de « Montesquieu bienfaisant » (ou « Montesquieu à Marseille »), qui a connu un beau succès sans avoir le moindre fondement ; or elles sont toutes trois colportées par la même source, cette édition tardive du Nouveau Dictionnaire historique, et souvent reprises sans examen, comme le fait par exemple George Sand dans l’Histoire de ma vie. Ajoutons que Du Plessis voit une preuve supplémentaire de sa datation dans le fait qu’aucun des apologistes de Montesquieu (Risteau, Boulenger de Rivery, La Beaumelle), qui se déchaînent à partir de 1751, n’évoque les Observations : « Ce silence serait inexplicable s’il n’était le résultat d’un accord commandé. »49 Montesquieu aurait donc été à l’origine du complot, ce qui est le signe incontestable qu’il avait parfaitement reconnu la force de la critique de Dupin… On laissera à leur vacuité les démonstrations de Du Plessis.

Néanmoins la date de 1750 a pu retenir l’attention pour d’autres raisons ; en effet la lettre de Dupin au père Castel récemment revenue au jour et déjà évoquée à propos de Du Plessis annonce l’impression prochaine, fin mars 1750, d’une seconde édition des Réflexions, ou plutôt de ce que Dupin appelle « quelques observations sur le livre De l’esprit des lois »50. Cette nouvelle version doit être soumise à deux jésuites, le père Castel et le père de La Tour51, non sans préalables : « quand j’aurai lu cette seconde edition, si je trouve qu’elle puisse vous être présentée […], vous en aurez un des premiers exemplaires. Sinon je jetterai le tout au feu. » Venant huit mois après la première édition (et un mois après la Défense de L’Esprit des lois), elle pouvait encourir les mêmes reproches ; mais a-t-on là vraiment les Observations que nous connaissons ? Cette date, en contradiction formelle avec le témoignage du libraire Delatour (et d’autres arguments qui seront envisagés plus loin), n’est guère soutenue que par cette lettre où apparaissent tant de conditions suspensives. On pourrait certes y ajouter le témoignage de La Condamine en mars 1750, mais il est tout aussi fragile : « On m’a dit que l’auteur des six exemplaires allait faire une nouvelle édition de quatre autres »52. Rien en effet n’indique que l’édition est destinée à paraître à très brève échéance : La Condamine a eu vent d’une nouvelle tentative – la lettre à Castel confirme qu’en mars 1750, Dupin y travaillait –, mais ne dit pas qu’un ouvrage était bel et bien imprimé. On en conclura donc plutôt que la version du printemps 1750 n’a pas franchi l’épreuve de la relecture, ou que les deux jésuites ont dissuadé Dupin d’aller plus loin.

La période du printemps 1751 a pu aussi être retenue, d’après Buffon qui écrit le 24 avril 1751 à l’abbé Le Blanc : « Il paraît une critique aussi amère que mauvaise contre le livre du président de Montesquieu »53. Mais Buffon n’en aurait-il pas su et dit l’origine, ne serait-ce que de manière allusive comme La Condamine ? On ne peut rien fonder sur une allusion aussi vague, sans doute un peu tardive pour que Buffon puisse faire allusion aux Observations sur L’Esprit des lois de La Porte, déjà évoquées, qui portent le millésime de 1751 mais étaient signalées par d’Hémery, inspecteur de la Librairie, dès le 12 novembre 175054. Buffon doit plutôt évoquer L’Esprit des lois quintessencié de l’obscur abbé de Bonnaire, dont d’Hémery signale la publication le 18 mars 175155 : la proximité des dates rend cette identification beaucoup plus probante.

Une lettre du président Hénault de février 1752 n’apporte que des difficultés supplémentaires : « M. Dupin fait aussi courir quelques volumes de son ancienne critique : on dit qu’il s’est fait seconder par un M. Rousseau de Genève et par d’autres […] »56. Hénault paraît très bien renseigné : « Rousseau de Genève », tiré de l’obscurité au début de 1751 par la publication du Discours sur les sciences et les arts couronné par l’académie de Dijon, a été en effet le secrétaire de la belle Mme Dupin ; mais parle-t-il, comme on le dit généralement, d’une nouvelle édition, donc des Observations ? On a cru si longtemps que Dupin n’avait laissé subsister qu’un exemplaire des Réflexions et on a repris si facilement l’hypothèse de Du Plessis selon laquelle les Observations suivaient de près les Réflexions qu’il restait peu de place pour une autre idée : Dupin, tourmenté par le succès croissant de L’Esprit des lois, n’aurait-il pu remettre en circulation des exemplaires rescapés des Réflexions, ou la version à peine remaniée dont il parlait à Castel dès mars 1750 ? Ce ne sont en effet selon Hénault que « quelques volumes de son ancienne critique » ; et s’il s’agissait d’une nouvelle édition, aurait-elle bénéficié de la collaboration de « Rousseau de Genève » ? Rousseau a quitté la maison Dupin en 175157. S’agirait-il d’une édition « fantôme », qui a pu circuler sans même avoir été imprimée, comme celle du printemps 1750 ? Que de fantômes… Il est en tout cas patent, d’après la lettre à Castel et la rumeur colportée par Hénault, qu’en 1750-1752, Dupin cherche à ranimer sa critique.

Robert Shackleton a proposé une hypothèse qui s’efforce de tirer parti de toutes ces observations. Sa démonstration, comme celle de Du Plessis mais avec des arguments différents, part de l’idée que Montesquieu n’a pu connaître les Réflexions, mais seulement les Observations, qui seraient donc parues de son vivant. Comme on l’a vu, il est hors de doute que Montesquieu ait connu les Réflexions ; cela n’interdit pas pour autant aux Observations d’être parues avant 1757-1758, voire avant février 1755 ; mais il reste à le prouver, et il faut des raisons fortes pour aller contre le témoignage de l’imprimeur. Son deuxième argument tient au passage déjà cité de La France littéraire de 1756 où La Porte attribue à Dupin (qu’il connaît) une « Réfutation […] 1749, 3 vol. in-12 »58 : la mention des trois volumes constitue à ses yeux la preuve décisive que les Observations existaient à la fin de 1755, date de l’approbation du périodique. Mais comment se fonder sur une mention où tout est faux (le titre, la date, le format), pour ne retenir que la mention du nombre des volumes, parce que c’est celui des Observations ? Il est clair que La Porte n’a jamais eu l’ouvrage entre les mains ; aurait-il pu confondre un ouvrage récent et un ouvrage datant de 1749 ? On a vu de plus que Dupin lui-même attribuait aux Réflexions (en deux volumes) « la valeur de 3 volumes in-8° ». Dupin a peut-être communiqué un titre générique au journaliste, qui n’avait pas vu davantage les Réflexions, ou qui pouvait encore parler par ouï-dire.

Les deux derniers arguments de Shackleton, fondés sur les lettres de La Condamine et Hénault, loin de se renforcer, se détruisent mutuellement : La Condamine a eu vent d’une nouvelle édition en mars 1750, Hénault presque deux ans plus tard – encore doit-on en douter, puisque comme on l’a vu, il s’agit de l’« ancienne critique ». Shackleton essayait de resserrer cet écart en supposant que l’ouvrage restait à imprimer en mars 1750, et qu’il l’était déjà en février 1752, et qu’il datait donc de la fin de 1751 ou du début de 1752 ; mais il est clair encore une fois qu’il ne s’agit que de rumeurs et qu’aucun des deux n’a vu les Observations imprimées. On s’en tiendra donc à l’idée, appuyée sur la lettre à Castel, que Dupin a remis l’ouvrage sur le métier à partir de 1750, et que la nouvelle en a transpiré. Mais la date des Observations ne peut en aucun cas en être déduite.

La tradition qui s’est imposée depuis Brunet, sur le témoignage de Delatour, reste la plus vraisemblable. Certes l’imprimeur a été pris en défaut, mais s’il avait un intérêt évident à cacher qu’il n’avait pas détruit tous les exemplaires, il n’en avait aucun à inventer, cinquante ans plus tard, une date d’impression – à ce détail près qu’on peut se demander si cette double date (« 1757-1758 ») correspond vraiment à la publication successive des trois tomes ou s’il s’agit d’une approximation de l’imprimeur ; une impression à la charnière des deux années donnerait un (léger) argument en faveur d’un tirage en nombre. Dupin aurait en tout cas attendu la mort de Montesquieu en 1755 pour envisager une nouvelle publication, huit ans après la première. Mais cela ne contredit-il pas son acharnement des années 1750-1752 ? La difficulté est manifeste.

Nouveaux documents, nouvelles conclusions

La clé de l’affaire est livrée par le Répertoire alphabétique des registres de librairie (demandes et autorisations), où figurent les Observations, en date du 28 mars 175459 – ce qui dément toutes les hypothèses leur assignant une date antérieure. Ainsi c’est du vivant de Montesquieu, alors même que celui-ci est en pleine gloire et que les éditions de son œuvre se multiplient à travers l’Europe, que Dupin a voulu de nouveau croiser le fer avec lui. La demande est présentée par le libraire Guérin, d’après le Registre des privilèges et permissions simples de la Librairie, et l’ouvrage est alors « distribué » au censeur Salmon le 4 avril 175460.

On ne saurait rien de la décision finale si n’avaient été découverts les papiers Dupin conservés dans le dossier Seligman de l’université de Columbia61. Parmi ceux-ci, l’avis favorable de Salmon, en date du 6 novembre 175462. Cette date, relativement tardive (il a fallu sept mois au censeur pour rendre son avis – cela serait-il le signe de quelque difficulté ?), donne sans doute la clé de l’affaire : car si le libraire, averti à la fin de 1754 de cette issue favorable, a tardé, ne serait-ce que de quelques jours, à mettre en fabrication les Observations, la mort de Montesquieu le 10 février 1755, en faisant de l’auteur de L’Esprit des lois une sorte de héros national, pourrait bien avoir repoussé à une période plus propice un ouvrage aussi virulent et surtout malveillant.

Il faut donc retenir le printemps 1754 comme date certaine d’achèvement d’une nouvelle version et considérer que l’ouvrage a attendu encore quelques années (1757-1758) pour être imprimé – mais non publié : car cette fois encore personne n’en parle, pas même d’Hémery, ni les périodiques qui auraient pu s’y intéresser, depuis le Journal économique jusqu’aux Lettres critiques ou analyse et réfutation de divers écrits modernes contre la religion. La gêne qui avait entouré les Réflexions n’avait guère de raisons de se dissiper avec les Observations, qui en étoffent l’argumentation sans en effacer les défauts.

Mais l’histoire n’est pas finie – grâce au dossier Seligman, qui contient une version amplifiée des Observations imprimées, ainsi que l’a parfaitement vu Pauline Kra, qui consacre l’essentiel de son article à la description de cette nouvelle mouture. On y trouve également quatre lettres, dont une seule, déjà mentionnée, était connue, mais partiellement63. La première (« De Paris ») semble être la copie d’une lettre fictive constituant une introduction aux Observations de Dupin, où est évoqué à titre d’échantillon le chapitre xvi du premier volume64 ; celui-ci a donc dû être envoyé en même temps que la lettre (non conservée) à laquelle répond la deuxième lettre de ce corpus, du 19 mai 1759, de Giry de Saint-Cyr à l’abbé d’Olivet (qui a donc servi d’intermédiaire), connu lui aussi pour être fort peu ouvert aux idées nouvelles65 ; d’Olivet a dû transmettre lui-même cette réponse, tout à fait favorable, à Dupin. La troisième lettre est adressée par Dupin directement à Saint-Cyr le 10 juin 1759 – un extrait, signalé ci-dessus, en avait été révélé par Louis Vian en 187866. Elle révèle la pleine mesure des ambitions de Dupin, qui souhaite manifestement obtenir le soutien de la Cour, et du parti dévot, contre la « philosophie nouvelle » ; peu lui importe manifestement de s’aventurer sur des terrains (politique ou religieux) qui ne sont pas les siens, mais que l’abbé de Saint-Cyr privilégie : il cherche désormais à échapper à l’obscurité dans laquelle sa critique a été tenue, et envoie pour cela un extrait plus important, ou plutôt « quelques cahiers, qui ne sont pas meme au net » – autrement dit les « Observations (1759) ».

La quatrième lettre exprime cependant les nettes réticences de l’abbé de Saint-Cyr : si « excellente » que soit la critique, « il y a cependant quelques points sur lesquels [il] ne pense pas tout a fait comme [lui] » ; Saint-Cyr tient donc à faire savoir d’emblée à Dupin qu’il ne lui apportera pas un soutien inconditionnel. S’est-il rendu compte de la faiblesse d’une critique aussi hétéroclite et maladroite ? N’aurait-il pas préféré un argumentaire plus solide, sur des sujets qui lui tiennent plus à cœur que le commerce, auquel une grande partie de l’ouvrage est consacré ? La piste s’arrête là, du moins pour le moment. Dupin s’est-il découragé à la suite d’un échange dont il avait soigneusement conservé les pièces ? Le « secret » que Mme Dupin exige manifestement de Voltaire moins de dix-huit mois plus tard en lui communiquant, à sa demande, un exemplaire de la fameuse critique67 n’est sans doute pas sans lien avec cet ultime affront, venu du camp même que Dupin prétendait défendre.

Il apparaît ainsi qu’en l’espace de dix ans, Dupin a consacré beaucoup de temps et d’énergie à ce qu’il faut bien appeler une cause perdue, des Réflexions de 1749 aux Observations de 1757-1758, laborieusement venues au jour après les tentatives avortées de 1750 puis de 1751-1752, avant de mourir finalement en 1759 avec la version vainement augmentée du dossier Seligman. Loin d’apparaître comme le champion méconnu des adversaires de Montesquieu, il a été désavoué par tous ceux à qui il a soumis ses travaux en vue d’une publication. L’Esprit des lois n’était pas inattaquable, et sans doute pourrait-on tirer parti des critiques du financier quand elles sont purement factuelles, et quand il ne prétend pas d’un trait de plume renverser un système conceptuel qui lui échappe, ou railler lourdement une écriture qu’il ne saurait égaler ; mais son ambition, sans doute exacerbée par les compliments d’un Voltaire68, était excessive. Son œuvre n’offrait pas sans raison une énigme bibliographique, et même plusieurs ; mais au-delà se révèlent les combats des Lumières, ou plutôt les jeux complexes d’alliances et de renversements qui accompagnent la « philosophie nouvelle » au xviiie siècle.

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1 Montesquieu, Œuvres complètes, Lyon, ENS Éditions ; Paris, Classiques Garnier, t. XX, 2020, Correspondance III, lettre 780 (l’annexe 18 développe l’analyse des Réflexions et d’autres points, seulement évoqués ou résumés ici).

2 Pour une description bibliographique rapide, voir Robert Shackleton, « Montesquieu, Dupin and the early writings of Rousseau », dans Reappraisals of Rousseau : Studies in Honour of R. A. Leigh, Manchester, Manchester University Press, 1980, p. 236.

3 L’ouvrage de Dupin a parfois retenu l’attention de la critique (voir par exemple Corrado Rosso, « Montesquieu et Dupin (un éreintement avorté) », dans Id., Montesquieu moraliste, Saint-Médard-en-Jalles, Ducros, 1971, p. 283-316), mais la question proprement bibliographique n’a pas été reprise depuis Robert Shackleton. Parmi les jugements les plus justes sur Dupin, on retiendra celui d’Ély Carcassonne, Montesquieu et le problème de la constitution française au xviiie siècle, Paris, PUF, 1927, p. 129-136.

4 S.l. [Florence, ] s.n., lettre 38 (lettre 795 de l’édition citée ci-dessus note 1).

5 Selon Shackleton (ci-dessus note 2), le mot ensuite au début de la note signifie que Guasco parle ici des Observations, plus développées, qui auraient donc été connues de Montesquieu, ce qui lui permet d’en préciser la date (avant sa mort, en février 1755, et en fait selon lui en 1751, d’après d’autres témoignages que l’on évoquera plus loin). Or ce mot s’explique par la note précédente de Guasco, qui évoque une critique de l’abbé de La Porte, poussé par Dupin, « qui commencoit à escarmoucher par des troupes légéres envoyées en avant » (souligné par moi). Voir aussi la note suivante.

6 Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 2506/16. Le texte copié par ce document, « Du commerce », est celui des Réflexions (t. II, chap. i), dont diffère considérablement le texte des Observations (t. III, chap. xxvi), ce qui achève de détruire l’argument de R. Shackleton déjà évoqué.

7 Bibliothèque annuelle et universelle, 1752, t. II, art. II, « Droit civil », « Jurisprudence », « Année 1749 », p. 60. À la même page, L’Esprit des lois, tout aussi anonyme, est explicitement attribué à Montesquieu.

8 La France littéraire ou les beaux arts, 1756, p. 79, cité par R. Shackleton, « Montesquieu, Dupin… », art. cit., p. 240 (notice reproduite les années suivantes : Paris, Duchesne, catalogue par titres, 1758, p. 164).

9 Paris, t. II, p. 760, no 27075.

10 Bibliothèque nationale de Russie, Bibliothèque de Voltaire, cote 4-216 : voir Voltaire, ses livres et lectures, Ferney-Voltaire, 2018, C18, et Corpus des notes marginales de Voltaire, Berlin, Akademie-Verlag, t. III, 1985, p. 304-309. Je développe cette question dans « L’union sacrée ? Voltaire, Rousseau, Berthier, Dupin contre L’Esprit des lois », à paraître.

11 Observations sur L’Esprit des lois, ou l’art de lire ce livre est le titre d’une republication en 118 pages de critiques de l’abbé de La Porte, sous l’adresse de Pierre Mortier à Amsterdam, en 1751 ; une confusion était aussi possible avec les pédantes Observations sur le livre de l’Esprit des lois de Crevier (Paris, Desaint et Saillant, 1764), pour lesquelles Voltaire n’avait que mépris.

12 Paris, respectivement : Cailleau et Tutot ; Imprimerie bibliographique ; Renouard ; Brunet.

13 Peignot, t. I, 1806, p. 120 ; Barbier, t. II, p. 136, no 5042. Selon Peignot, l’ouvrage apparaîtrait par erreur sous le nom de La Porte dans le catalogue de la vente La Vallière ; l’erreur est possible, mais non prouvée (Paris, Nyon, IIe partie, t. I, 1784, p. 372, no 2177).

14 Tome II, p. 209.

15 Tome I, p. 13, no 57 (le nombre d’exemplaires subsistants serait de trente). Ce document avait été repéré et utilisé par R. Shackleton.

16 Tome II, 1823, p. 490 pour les Observations (no 13 053) ; t. III, 1824, p. 175-176 pour les Réflexions (no 15 931). Barbier signale les erreurs de ses prédécesseurs, tout en ajoutant entre parenthèses la formule de La France littéraire, « en ce qui concerne le commerce et les finances », ce qui en constitue une autre.

17 Ibid., p. 176 (les italiques sont de Barbier).

18 Réserve 8-J-35/1 et 2 (désormais accessible sur Gallica).

19 Voir la notice d’Hervé Guénot dans le Dictionnaire des journalistes, dir. Jean Sgard, en ligne : http ://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr [consulté le 31 octobre 2018].

20 Quérard, dans La France littéraire (Paris, Firmin Didot, 1828, t. II, p. 694-695), ne fait guère que recopier Barbier, contribuant à renforcer ses affirmations sans preuve, non sans ajouter des erreurs (p. 703, il confond Mme Dupin et sa bru, épouse de Dupin de Chenonceaux).

21 J.-Ch. Brunet, Manuel […], Paris, Silvestre, 1842, t. II, p. 151. Voir la vente du 19 mai au 26 juillet 1828 : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Mr A. M. H. Boulard, notaire honoraire à Paris, Paris, L. F. A. Gaudefroy et J. A. Bleuet, 1828, no 1826, p. 133.

22 Arsenal, Ms 6281, p. 81.

23 A. G. du Plessis, « Notice biographique, historique et littéraire sur Claude Dupin, fermier général », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 14e série, mai 1859, p. 307-336. Le premier ouvrage de Dupin, les Œconomiques, y sont aussi envisagées.

24 Cette lettre est repassée sur le marché en 2017 ; le propriétaire actuel nous a aimablement permis d’y accéder : nous la publions dans le volume de Correspondance signalé ci-dessus [note 1], ce qui permet de corriger l’affirmation de Du Plessis selon laquelle Dupin déclarait en avoir gardé deux exemplaires : cela n’apparaît pas dans cette lettre.

25 Paris, s. n., 1855, t. I, p. 65, note 1.

26 Ibid. On ne trouve pas trace de Dupin dans le Catalogue de la bibliothèque de Mme George Sand et de M. Maurice Sand, Paris, Librairie des amateurs, 1890.

27 A. G. du Plessis, « Notice biographique… », art. cit., p. 319.

28 francois_delatour.

29 Paris, Didot Frères, t. II, 1861, p. 892-893. Voir le catalogue de la vente du libraire Mérigot, 15 décembre 1800, no 439. Son existence est certaine : il figure aux côtés des Observations (no 438), ce qui exclut toute confusion entre les deux ouvrages.

30 Louis Vian, Histoire de Montesquieu : sa vie et ses œuvres, Paris, Didier, 1878, p. 361.

31 J’évoque plus loin ce dossier.

32 Odet Joseph Giry de Saint-Cyr, ancien sous-précepteur du Dauphin, est resté très proche de son élève, qui partage ses idées. Il est aussi connu pour avoir écrit contre les Philosophes le satirique Catéchisme [des] Cacouacs (1757).

33 Cote : BA’’’36 (voir l’article signalé ci-dessus note 2).

34 Tokyo (cote :文庫22 00255). Je remercie vivement Yoichi Sumi d’avoir vérifié pour moi au préalable cet exemplaire et d’avoir remonté le fil de sa provenance : il appartenait à la collection, riche de près de dix mille titres, du baron Giuseppe Corvaja (1785-1860), un industriel qui s’intéressait à l’économie politique ; l’ouvrage entra ensuite dans la bibliothèque de Michel Bernstein (1906-2003), qui fut acquise en 1988 par l’université Waseda au titre de « trésor commémoratif » pour célébrer l’ouverture de sa nouvelle bibliothèque. Des « documents historiques relatifs à la Révolution française » de la collection Bernstein avaient été acquis en 1977 par l’Université Senshū de Tokyo (voir https ://data.bnf.fr/fr/15872652/bernstein__michel__1906-2003__--_bibliotheque/ ). Je dois à Yuji Sakakura et Kazuki Tsuji, de l’université Waseda, d’avoir pu consulter moi-même l’exemplaire ainsi que quelques-unes des pièces les plus remarquables de cette collection.

35 Voir t. I p. 240 (correspondant à L’Esprit des lois, II, 4) : « françoise » a été biffé : t. II p. 348 (XV, 8) : « et des esclaves les Seigneurs » est biffé et remplacé par « les seigneurs des esclaves ». L’illustration (p. 359) est due à Y. Sakakura.

36 Réflexions, t. II, p. 352, 354 et 356.

37 On peut néanmoins déceler une allusion fort discrète dans un chapitre ajouté dans les éditions posthumes (1757-1758) de L’Esprit des lois : « On entend dire tous les jours qu’il seroit bon que, parmi nous, il y eût des esclaves […] » (XV, 9). Un autre partisan de l’intérêt économique de l’esclavage, Jean-François Melon, ami de Montesquieu, était mort en 1738, et la Théorie des lois civiles de Linguet, dont le chapitre v développe ce principe, n’est publiée qu’en 1767 ; restent parmi les partisans de l’esclavage, Mably, secrétaire du cardinal de Tencin et auteur à succès du Droit public de l’Europe (1746), et Dupin, qui avait tout loisir de développer ses idées dans le salon de son épouse (Montesquieu s’exprime toujours avec une précision rigoureuse ; s’il écrit « on entend dire », il faut le prendre au sens propre).

38 J. Ch. Brunet, Manuel…, op. cit.

39 Une dizaine pour les seules bibliothèques françaises dont le catalogue est facilement accessible : Avignon, Bibliothèque municipale [ci-après BM], 8o 1605 ; Besançon, BM, 226176-226178 ; Bordeaux, BM, P.F. 1370 ; Lyon, BM, Rés390094 ; Paris, Assemblée nationale, BA’’’37 ; Paris, Sénat, ZA002977-002979 ; Paris, BnF : Rés-E*-502 à 504 ; Arsenal, 8-J-36 ; BnF, Département des manuscrits, Rotschild 103 ; Poitiers, Bibliothèque municipale, FD687. Il faut évidemment y ajouter tous les exemplaires figurant dans d’autres bibliothèques françaises et à l’étranger, comme celui de la Biblioteca Nacional de España (R/6146), ou encore celui, en excellent état de conservation, qui figure dans la collection déjà mentionnée de l’université Waseda (non catalogué), sans omettre celui que possédait Voltaire (cf. supra note 10) : soit déjà treize exemplaires. On y ajoutera les exemplaires des universités suivantes : Harvard (Kress Library), Berkeley (Law Library), Columbia (Seligman), London School of Economics, Manchester University, et de l’Académie royale de Belgique à Bruxelles… (là encore, la liste ne se veut pas exhaustive). Il faut aussi compter avec tous ceux qui passent régulièrement en vente : Binoche et Giquello, 10 mars 2017 (reliure Bauzonnet, avec la lettre de Dupin à Castel déjà mentionnée) ; Arenberg Auctions, 26 mai 2018 (« Ex-libris armorié Comte de Jouvenel ») ; Alde, 25 octobre 2018 (reliure demi-veau havane du début du xixe siècle, etc.) Signalons enfin les deux exemplaires de la bibliothèque de La Brède vendus en 1926 (Beaux livres anciens et modernes […] ayant appartenu à Montesquieu […], Paris, Charles Bosse et Francisque Lefrançois, 1926, Première vente, nos 129 et 130, l’un « non rogné », en reliure de veau brun « d’époque romantique », l’autre en reliure d’époque, basane racinée, « dos sans nerfs »). Les Observations ne peuvent plus être considérées comme un livre rare.

40 J. Ch. Brunet, Manuel…, op. cit., t. II, 1861, p. 893.

41 A. G. Du Plessis, « Notice biographique… », art. cit. [note 23], p. 320.

42 C’est celle que reprend manifestement Julie Ladant dans sa thèse soutenue à l’École des chartes en 2000, Le fermier général Claude Dupin (1686-1769) (Positions de thèse en ligne : http ://theses.enc.sorbonne.fr/2000/ladant) : « […] Claude Dupin prépare dans les mois qui suivent une deuxième version de sa critique, plus étoffée et plus mesurée, qui paraît vraisemblablement à la fin de 1751 ou au début de 1752, sous le titre d’Observations sur l’Esprit des lois et sous la forme de trois gros volumes in-octavo. »

43 Ainsi que le fait remarquer Du Plessis, les Observations ne peuvent être antérieures à la Défense de L’Esprit des lois, qu’elles citent au tome III (p. 268, note a). Or la Défense est de février 1750. Le catalogue de nombreuses bibliothèques affiche « [1750-1751] », notamment quand celles-ci disposent de l’édition numérique Thomson Gale (Farmington Hill, Michigan), qui fournit aussi « Guérin » comme nom d’éditeur (sans même le mettre entre crochets) : manifestement, l’information de cet éditeur, propagée par les catalogues de ces bibliothèques qui lui apportent ainsi leur caution, vient de l’article de Du Plessis.

44 Lettres 778 et 795 de la nouvelle édition de la correspondance de Montesquieu (cf. supra note 1), respectivement du 22 juillet 1749 et d’octobre-novembre 1749 (cette dernière date a pu être précisée par Pierre Rétat lors de l’édition de la Défense de L’Esprit des lois : Montesquieu, Œuvres complètes, Lyon, ENS Éditions ; Paris, Classiques Garnier, t. VII, 2010, p. 41).

45 Cf. supra note 6.

46 Cf. supra note 16.

47 Tome VI, p. 308. En 1779, dans l’édition de Caen, l’anecdote n’apparaît pas ; elle se répand ensuite rapidement. Elle figurait aussi chez Peignot (1806 ; voir ci-dessus notes 12 et 13).

48 Certes L’Esprit des lois apparaît en bonne place et d’une taille respectable, ou plutôt symbolique, en arrière-plan du fameux pastel de Maurice Quentin de La Tour (Musée du Louvre, Département des arts graphiques, no 27 614) ; mais celui-ci n’est achevé et exposé qu’en 1755, après la mort de Montesquieu, quand tout le monde célèbre sa mémoire.

49 A. G. Du Plessis, « Notice biographique… », art. cit. [note 23], p. 322.

50 Cette partie de la lettre, connue alors partiellement, n’était pas citée par Du Plessis et doit donc être considérée comme inédite ; or elle est d’une importance capitale, puisqu’elle constitue le seul argument plaidant en faveur d’une publication des Observations en 1750.

51 Le premier avait été proche de Montesquieu, mais l’accablait alors de courriers aussi affectueux qu’intéressés, alors que le philosophe avait soigneusement pris ses distances (voir Œuvres complètes, t. XIX, Annexe 11) ; le second, recteur du collège Louis-le-Grand, avait fait partie avec Castel de l’équipe qui travailla à la réorganisation des Mémoires de Trévoux (voir Michel Gilot et Jean Sgard, « Le renouvellement des Mémoires de Trévoux en 1734 », Dix-huitième Siècle, n° 8, 1976, p. 205-214). On peut se demander si les deux jésuites savaient la part qu’avait prise à l’ouvrage le père Berthier, rédacteur des Mémoires de Trévoux depuis 1745, et devenu le grand ennemi de Castel.

52 Montesquieu, Œuvres complètes, op. cit. [note 1], t. XX, lettre 821, 3 mars [1750]. Les éditions précédentes donnaient [1751] ; comme R. Shackleton, nous estimons que cette date est impossible : La Condamine, qui évoque la Défense de l’Esprit des lois (février 1750) comme un ouvrage récent, parle de l’affrontement entre les Nouvelles ecclésiastiques et « M. de B. », ce qui a été interprété comme La Beaumelle, auteur de la Suite de la Défense de L’Esprit des lois, parue en mai 1751. Or cet ouvrage n’a pas eu maille à partir avec le périodique janséniste ; d’autre part, outre que le nom de « Labeaumelle » apparaîtrait plutôt sous la lettre L, « M. de B. » désigne en fait Buffon, vivement attaqué par les Nouvelles ecclésiastiques (6 février 1750, p. 21-24).

53 Correspondance inédite de Buffon, à laquelle ont été réunies toutes les lettres publiées jusqu’à ce jour, éd. Henri Nadault de Buffon, Paris, Hachette, 1860, 2 vol., lettre 45 ; L41 dans l’édition en ligne : buffon.cnrs.fr.

54 BnF, Ms. fr. 22156, f. 1v-2r.

55 Ibid., f. 46r : l’ouvrage bénéficie d’une permission tacite, mais « il est aisé d’apercevoir que c’est un janséniste qui en est l’auteur ».

56 Le 13 février [1752] (l’année ne peut être que celle-ci) ; cette lettre doit paraître dans le tome XXI et dernier de la correspondance de Montesquieu.

57 J’évoque, dans l’article à paraître cité ci-dessus note 10, la participation effective de Rousseau aux travaux de Dupin (et non seulement de son épouse) ; mais il s’agit d’une participation mineure et seulement matérielle, pour les Réflexions de 1749 et elles seules.

58 Voir ci-dessus, note 8.

59 BnF, Ms. fr. 21977, f. 109v, no 1 331.

60 BnF, Ms. fr. 21 998, f. 103r, même numéro (cette découverte est due à Edgar Mass et n’avait pas été publiée). Il ne peut s’agir que de l’abbé André Salmon, censeur royal, grand-maître du collège Mazarin en 1755, dont la compétence s’étendait à la théologie (voir Helvétius, Correspondance générale, Toronto, University of Toronto Press, 1984, t. II, lettre 320, note 1 ; voir aussi lettre 322). On peut donc s’interroger sur le choix de ce censeur.

61 Ce dossier, découvert par Cecil Courtney en 2004 (il avait été classé sous le nom de « Montesquiou », ce qui le rendait invisible aux chercheurs), a été présenté par Pauline Kra dans « The Manuscript of Claude Dupin’s Commentary on Montesquieu’s Esprit des lois », dans MLA Commons, 2016, en ligne : http ://dx.doi.org/10.17613/M67S4R ; P. Kra n’aborde pas les aspects éditoriaux évoqués ici, ce qui aurait été de toute manière impossible, puisqu’elle s’en tient à la datation des Observations établie par Shackleton. Je ne saurais trop remercier Gabriel Sabbagh de sa contribution essentielle à mes recherches sur le dossier Seligman.

62 « J’ai lu par l’ordre de monseigneur le chancelier ce manuscrit intitulé : Observations sur l’Esprit des loix, dont il m’a paru que l’impression pouvoit etre permise. À Paris ce 6e 9bre 1754 » (Columbia university, Rare Book and Manuscript Library, Seligman Ms. 1750-51/Dupin).

63 On en trouvera la publication dans l’article cité ci-dessus note 10. Plusieurs de ces lettres ont été publiées en ligne en 2016 par Pauline Kra sur son site personnel (http ://paulinekra.info/research-materials/) sans être commentées ni exploitées. Ma lecture diffère en plusieurs cas de la sienne.

64 Il ne peut s’agir du chapitre xvi des Observations de 1757-1758, qui figure dans la deuxième partie ; d’après la table des chapitres de la version de 1759, que j’appellerai « Observations (1759) » et que reproduit P. Kra dans son article, cela renvoie à l’« Explication du paradoxe des anciens par rapport aux mœurs » (sur L’Esprit des lois, IV, 8), qui apparaît soigneusement copié à la suite de ces lettres. Est ainsi constitué un chapitre entier, alors que dans les Observations, ces remarques n’occupaient que quelques pages (t. I, p. 193-200) ; Dupin a fortement révisé et bardé d’érudition une démonstration qui porte sur un sujet (la fonction de la musique dans l’Antiquité) ni trop technique ni trop brûlant.

65 Il n’avait entretenu que des relations superficielles avec Montesquieu, après s’être opposé à son élection à l’Académie française en 1727, voir C. Volpilhac-Auger, Montesquieu, Paris, Gallimard, 2017 (Folio Biographies, p. 157).

66 Voir ci-dessus, note 30.

67 « Je vous garderai le secret, madame, sur la faveur que vous m’avez faite, et je n’en serai que plus reconnaissant. » (D9559, 19 janvier [1761], Correspondence and Related Documents, éd. Theodor Besterman, dans Œuvres complètes de Voltaire, Oxford, Voltaire Foundation, t. 85-135, 1968-1976 ; également éd. en ligne dans University of Oxford, Electronic Enlightenment : https ://www.e-enlightenment.com).

68 « L’ouvrage me paraît sage et bien fait. J’ai toujours été de l’avis de l’auteur » (ibid.).