Quelle confiance accorder aux privilèges imprimés dans les livres parisiens du xviie siècle ?
La législation du privilège de librairie est bien établie à Paris au xviie siècle, surtout à partir des années 1630. Le système conforme l’aspect matériel des livres, qui portent presque toujours l’empreinte de la réglementation dès leur page de titre, avec des mentions telles que « Avec Privilège du Roy » ou « Avec permission », et dans le corps de l’ouvrage lui-même avec l’insertion des autorisations et protections accordées. Le règlement du 9 juillet 1618, qui organise la communauté des libraires et imprimeurs de Paris, stipule, dans son article 12, que les libraires « insereront le privilege et permission qui leur sera octroyée, à la fin ou au commencement de chacun exemplaire, le tout à peine de confiscation desdits livres, et autres peines s’il y échet »1. Cette obligation est confirmée par les arrêts du 17 janvier 1645, 6 juillet et 25 octobre 1663. Ce dernier texte, émanant du Conseil d’État, « ordonne de mettre à la fin ou au commencement [des livres] les extraits des privilèges », mais seul l’édit du 21 août 1686 déclare explicitement que les libraires sont « tenus d’insérer à la fin ou au commencement desdits livres, les privilèges, ou extraits des privilèges et des permissions qu’ils auront obtenus »2. Toutefois, le choix indifférent de l’insertion du contenu entier des lettres patentes ou bien d’un simple résumé est déjà pratiqué depuis longtemps dans la librairie parisienne3.
Au milieu du xviie siècle, une seconde contrainte s’ajoute à la première. L’arrêt du 8 avril 1653 « enjoint à tous les libraires et imprimeurs, de mettre entre les mains du syndic, les lettres de privilège qu’ils obtiendront pour l’impression des livres, huit jours après l’obtention d’icelles, pour être inscrites sur le registre de la communauté »4. L’obligation de cet enregistrement est confirmée par un arrêt du 5 août 1653, et les libraires contrevenants peuvent être sanctionnés ; ainsi, une sentence du Châtelet en date du 6 juillet 1658 condamne le libraire Antoine de Sommaville à quarante-huit livres d’amende « pour n’avoir pas fait enregistrer sur le livre de la communauté les privilèges qu’il avait obtenus, et supposé que lesdits privilèges étaient enregistrés »5. Un premier registre des privilèges recense les permissions accordées par le pouvoir royal depuis 16356. Mais ce n’est qu’à partir de 1653 que le registre de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris voit le jour7.
La première obligation, concernant l’insertion, suppose que les bénéficiaires des privilèges transmettent aux ateliers typographiques chargés de les imprimer les informations contenues dans les lettres provenant de la Grande Chancellerie ou bien dans les permissions accordées par d’autres autorités, comme le bailli du Palais ou le lieutenant général de police de Paris (à partir de 1667). Or cette opération est soumise à deux risques qui peuvent se combiner : en amont, une mauvaise transmission de l’information, et en aval les erreurs habituelles qui se produisent en cours d’impression. Comme les données des privilèges imprimées dans les livres servent de référence pour éditer un texte, étudier une œuvre ou un auteur, voire pour mener des enquêtes sur le système du privilège, il n’est pas inutile de s’interroger sur la confiance que l’on peut accorder à ces textes composés dans les ateliers parisiens, et placés en début ou en fin d’ouvrage.
Afin de vérifier l’authenticité des informations données par les privilèges, il suffit tout d’abord de confronter l’autorisation imprimée dans un livre avec les registres de la Grande Chancellerie de France et de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris. On trouve bien des raisons de ne pas s’inquiéter. Dès les premières pages du registre de la Grande Chancellerie, le plus ancien, tout semble normal. Le privilège obtenu le 27 novembre 1635 par Toussaint Quinet pour L’Heureuse Constance de Jean de Rotrou8 est bien retranscrit par l’atelier de Jean et Nicolas de La Coste dans l’édition originale de la pièce, qui donne le texte intégral des lettres de privilège signées par le secrétaire de Monceaux9 (ã3r°-ã4r°). De même pour le privilège qu’obtient Antoine de Sommaville le « dernier Jour d’avril 1636 »10 pour deux autres pièces de Rotrou, Les Menechmes et Hercule mourant ; l’imprimeur Denis Houssaye reprend parfaitement la date « 30 jour d’avril 1636 », ainsi que le nom du secrétaire Chappelain11. Sébastien Cramoisy enregistre un privilège12 donné le 23 avril 1636, signé par Timoléon Victon, pour La Pierre de touche chronologique du père Petau de la Compagnie de Jésus13 ; ces informations sont bien reportées dans l’extrait du privilège de l’édition originale parue en 1636 (ã8v°).
Mais une première bizarrerie retient l’attention. Le privilège enregistré par Antoine de Sommaville pour la tragi-comédie de Pierre Du Ryer, Cleomedon, date du « dernier décembre 1635 »14, alors que l’imprimeur Denis Houssaye compose dans l’édition originale « dernier jour de décembre de l’an de grâce mil six cens trente-six » (ã4r°). Une telle coquille est facilement corrigée et expliquée15 ; comme le compositeur travaille à l’impression du livre en février 1636 (l’achevé est du 21 février), l’année en cours s’impose dans sa tête. En 1637, Denis Houssaye recommence la même erreur en imprimant La Mort de Brute et de Porcie, ou la Vengeance de la mort de Cesar, de Guérin de Bouscal, dont l’achevé est du 23 février 1637, alors que le privilège est daté par erreur du 23 juillet 1637 (ã4r°), au lieu du 23 juillet 1636, comme l’indique bien le registre de la Grande Chancellerie16. Nous voilà prévenus : jour, mois, année, tout peut être déformé par l’étourderie d’un ouvrier. Bien plus, sa manière de travailler entraîne parfois des conséquences dommageables. Le libraire Antoine de Sommaville a en effet confié à l’atelier de Denis Houssaye non seulement l’impression du Cleomedon de Du Ryer, mais aussi celle de la tragi-comédie de Rayssiguier, Les Thuilleries, qui sort dix jours après, le 3 mars 1636. Or, pour rentabiliser son travail de composition, l’imprimeur a pris l’initiative de réutiliser les pages reproduisant intégralement le privilège du Cleomedon lors de l’impression des Thuilleries de Rayssiguier. Il lui a suffi de réserver sur des galées les deux pages du privilège de la première tragi-comédie en ne reprenant, sur la dixième ligne de la première page, que le titre de l’ouvrage : « Livre intitulé, Cleomedon, Trage-Comedie, ce qu’il ne » a été modifié en « Livre intitulé, Les Thuilleries, Trage-Comedie, ce qu’il ne ». Comme l’atelier n’a rien modifié d’autre sur les deux pages, il a reproduit l’erreur de date commise à la fin de la seconde page pour l’attribution du privilège, en mettant « mille six cens trente-six » au lieu de « trente-cinq ». La bévue se trouve ainsi décalquée sur la pièce d’un autre auteur. Le problème, c’est qu’on ne retrouve pas l’enregistrement du privilège pour la tragi-comédie de Rayssiguier dans le livre de la Grande Chancellerie. On peut toujours supposer que Sommaville a obtenu le privilège pour les deux pièces, bien que le registre ne le mentionne pas, mais le mode de fabrication choisi par l’atelier laisse planer un doute sur les dates du second privilège.
Dès les premières pages du livre de la Grande Chancellerie, apparaissent des différences entre l’enregistrement manuscrit et le privilège imprimé. Vion d’Alibray fait enregistrer les lettres de privilège obtenues le « premier mars 1636 »17 pour sa tragédie Le Torrismon du Tasse. Mais l’extrait trouvé dans l’édition originale de la pièce18 date le privilège du « 12 mars 1636 » (g1v°). Qui a raison ? L’absence d’achevé d’imprimer nous prive d’un indice intéressant. Mais c’est encore Denis Houssaye qui se charge de l’impression de cette pièce, dans la foulée des deux autres qui viennent d’être évoquées (Cleomedon, 21 février, Les Thuilleries, 3 mars), si bien que l’on peut se demander si le 12 mars n’est pas en réalité plutôt la date de l’achevé. Dix jours sépareraient chaque achevé d’imprimer. Le « planning » de l’impression chez Denis Houssaye serait semblable à celui des Menechmes de Rotrou (privilège du 30 avril 1636, achevé du 15 mai 1636), ou à celui de La Celimene du même Rotrou (privilège du 30 septembre 1636, achevé du 8 octobre 1636).
Antoine de Sommaville obtient le même jour un privilège pour quatre pièces, deux de Benserade, La Mort d’Achille et Iphis et Iante, et deux de La Calprenède, La Mort de Mitridate et La Bradamante. Les lettres sont datées du « dernier jour de septembre 1636 »19. Cette date se retrouve bien dans les éditions originales : La Mort d’Achille, achevée par Denis Houssaye le 30 octobre 1636 ; La Mort de Mitridate, achevée d’imprimer par Jean Bessin le 16 novembre 1636 ; Iphis et Iante achevé le 30 novembre dans l’atelier d’Antoine Estienne. En revanche, l’extrait du privilège imprimé dans La Bradamante, tragi-comédie achevée par Jean Bessin le 20 février 1637, indique non pas la date d’obtention du 30 septembre 1636 mais celle du 7 février 1637, ce qui est manifestement une erreur. Comme la quatrième pièce est imprimée bien après les trois autres, il est possible que l’information ait été perdue et restituée de manière fantaisiste quoique vraisemblable20. Ce type d’erreur se retrouve aussi pour des pièces achevées en même temps ; Cardin Besongne prend un privilège le 17 juillet 1645 pour La Mort de Chrispe de Tristan et pour Ataxerce de Jean Magnon21 ; la première tragédie, achevée d’imprimer par Jean Bessin le 20 juillet 1645, reproduit parfaitement la date, tandis que la seconde, sortie des presses de Guillaume Sassier le même jour, indique un privilège du 11 juillet.
En 1637, Toussaint Quinet sollicite des privilèges pour trois pièces d’Urbain Chevreau. Trois enregistrements différents sur le livre de la Grande Chancellerie donnent les dates des lettres patentes22 : 14 juillet 1637 pour La Lucresse romaine, 21 août 1637 pour L’Advocat duppé, 16 octobre 1637 pour La Suitte et le mariage du Cid. Les pièces ont été mises sous presse au fur et à mesure. La tragédie La Lucresse est sortie le 30 juillet 1637 de l’atelier de Denis Houssaye, la comédie L’Advocat dupé le 30 septembre 1637 des presses de Claude Prud’homme, et la tragi-comédie La Suitte et le mariage du Cid le 31 octobre 1637 de chez Nicolas Gasse. Toutes ces dates sont bien reprises dans les éditions originales, sauf sur la dernière qui donne un privilège du 31 juillet 1637 au lieu du 16 octobre 1637. Impossible de savoir où Nicolas Gasse a pêché cette information erronée. L’imprimeur est trop connu pour son manque de soin habituel pour qu’il soit nécessaire d’aller chercher plus loin. En revanche, il est moins probable que Nicolas Gasse se soit trompé sur la date de l’achevé, quinze jours après le privilège, comme pour La Lucresse. De plus, la tragi-comédie de Chevreau entrait en concurrence directe avec celle de Desfontaines, La Vraye Suitte du Cid, publiée par Sommaville grâce à un privilège obtenu le 23 octobre 1637. Enfin, la date de 1638, affichée en page de titre, est cohérente par rapport à l’impression tardive du livre au dernier trimestre 1637, nécessitant le rafraîchissement de l’édition. L’erreur commise sur la date du privilège par Nicolas Gasse dans l’édition originale de la tragi-comédie de Chevreau est ensuite reportée dans la deuxième édition (1638), ainsi que dans la troisième (1646).
Le typographe ne doit pas toujours être blâmé, car parfois il compose une date laissée en blanc sur le registre de la Grande Chancellerie. C’est le cas du privilège obtenu par Antoine de Sommaville pour une pièce de Desfontaines, Eurimedon : « par lettres du… may 1637 »23. Dans l’édition originale, l’imprimeur Antoine Coulon compose la date du 30 mai 1637, tout à fait plausible, puisque l’enregistrement figure entre celui d’un privilège du 9 mai et un autre du 5 juin. Il arrive également que les imprimés révèlent le nom du secrétaire qui manque sur le registre. Quand le même Sommaville enregistre un privilège daté du 11 mars 1647, valable pour cinq pièces de théâtre, le nom du secrétaire n’est pas mentionné24 ; mais les éditions originales des cinq pièces, qui reprennent toutes la bonne date, sont unanimes sur la durée du privilège, ainsi que sur son signataire, Le Brun25, alors même que quatre imprimeurs différents sont sollicités par le libraire pour mettre au jour les comédies. Enfin, le greffier peut se montrer laconique ; c’est le cas d’un privilège du 6 janvier 1645 pris par Augustin Courbé pour « un livre intitulé Paraphrase sur les institutions de Justinian et deux pieces de theatre »26 qui ne sont pas nommées, mais qui pourraient correspondre d’une part à la comédie Les Innocents coupables de Brosse, et d’autre part à la tragédie Berenice de Pierre Du Ryer27 ; d’ailleurs les imprimeurs sont tout aussi laconiques, puisque le très bref extrait du privilège de la comédie de Brosse ne mentionne que le bénéficiaire et le signataire, et que l’édition originale de la tragi-comédie de Du Ryer ne contient aucun privilège ou extrait imprimé.
Les dates des privilèges communs à plusieurs livres doivent être reprises dans tous les imprimés, même si les auteurs, les années de publication et les imprimeurs diffèrent. Il en va ainsi pour le privilège du 31 mars 164628, obtenu par Cardin Besongne pour le roman La Cleopatre de La Calprenède (publié à partir de 1646), et trois comédies du sieur d’Ouville, Les Morts vivants (imprimée par Jean Bessin en 1646), Jodelet astrologue (Jean Bessin, 1646) et Aymer sans sçavoir qui (imprimé par Antoine Coulon en 1647). Mais l’application scrupuleuse n’est pas toujours au rendez-vous. Le 17 septembre 164629, Toussaint Quinet obtient un privilège pour cinq pièces de théâtre : Les Trois Dorotées, ou le Jodelet souffleté de Paul Scarron, La Coifeuse à la mode d’Ouville, La Sophronie de Montfleury, La Mort de Cyrus ou la Vengeance de Romiris de Magnon, enfin La Mort de Valentinian et d’Isidore de Gillet de La Tessonerie. Les pièces de Magnon et de Montfleury n’ont pas vu le jour, contrairement à celles de Scarron et d’Ouville, dont les éditions originales, publiées en 1647, reprennent bien la date du privilège. En revanche, la tragédie de Gillet, achevée seulement le 27 mai 1648 dans l’atelier de François Noël, donne un privilège du 9 novembre 1648, date forcément erronée puisque postérieure à l’impression ; en outre la durée donnée est de sept années, alors que les deux autres pièces indiquent cinq ans. De toute évidence, la publication tardive du livre, associée sans doute au manque de vigilance de l’atelier, induit en erreur le lecteur du privilège. Quand le même imprimeur passe sous ses presses deux pièces différentes, dont le privilège est commun, il peut doubler une erreur : ainsi, La Mort de Roxane d’un certain I. M. S., et la Semiramis de Gilbert, sont publiées par Augustin Courbé grâce à un même privilège du 6 mai 164730. Mais l’atelier de Charles I Chénault, imprime la date du 13 mai 1647 sur l’édition originale de la première tragédie (achevée le 25 avril 1648), ainsi que dans l’édition originale de la seconde (achevée le 1er juin 1647). Il arrive que chaque pièce reçoive sa propre date, bien que leur privilège soit identique ; les lettres obtenues par Toussaint Quinet le 27 février 164231 valent aussi bien pour Clarice ou l’Amour constant de Jean Rotrou, Le Triomphe des cinq passions et La Comedie de Francion, toutes deux de Gillet ; seul l’imprimeur Michel Blageart compose la bonne date pour le privilège du Triomphe, tandis que Denis Houssaye met la date du 28 février 1642 dans Clarice, et Nicolas Gasse celle du 17 février 1642 dans La Comedie de Francion. Pour un seul privilège, trois dates différentes, avec un glissement par proximité du 27 au 28, et un autre par saut d’une dizaine du 27 au 1732. Les bévues s’expliquent parfois assez facilement par effet de contamination typographique. Hermenigilde, tragédie de La Calprenède et Roxelane, tragi-comédie de Desmares bénéficient du même privilège, acquis par Antoine de Sommaville le 6 février 164333. Si l’édition originale de la tragédie, achevée le 10 septembre 1643 par Antoine Coulon, reproduit bien la date du 6 février 1643, celle la tragi-comédie, passée sous les presses de Jérémie Bouillerot, propose le 16 mars 1643, soit la même date que cet atelier choisit aussi pour indiquer son achevé d’imprimer. Il est probable que l’achevé a « déteint » sur le privilège.
Le « planning » de l’impression éclaire aussi certaines erreurs commises par les ateliers. En 1645, quatre pièces sont publiées par Toussaint Quinet sous un même privilège daté du 25 avril34 : Jodelet ou le Me valet de Scarron, L’Art de regner ou le Sage Gouverneur de Gillet, Le Jugement equitable de Charles le Hardy d’André Mareschal, et La Dame suivante d’Ouville. Le libraire fait paraître presque en même temps la comédie de Scarron, achevée chez Antoine Coulon le 26 mai, la tragédie de Mareschal sortie des presses de Michel Blageart le 27 mai, puis la tragi-comédie de Gillet, mise au jour le 28 mai par Nicolas Gasse. En revanche, La Dame suivante n’est achevée par Jean Bessin que le 8 août 1645. Or l’extrait du privilège qui figure dans l’édition originale de cette comédie fixe par erreur la date du privilège au 25 juillet 1645, au lieu du 25 avril, date qui figure aussi bien sur le registre de la Grande Chancellerie que dans les éditions originales des trois autres pièces. L’impression estivale de la comédie, plus de deux mois après les autres, a sans doute favorisé cette coquille, qui rapproche le privilège de l’achevé tout en préservant le même quantième. Dans d’autres cas de figure, tenter de comprendre les distorsions de dates s’avère néanmoins plus difficile. Le même Toussaint Quinet obtient le 3 juillet 164335 un privilège pour deux pièces de Desfontaines, Le Martyre de St Eustache et Alcidiane ou les Quatre Rivaux. La première est confiée aux presses de Jean Bessin qui achève le travail le 20 juillet, la seconde à celles de Nicolas Gasse qui termine le sien le 18 septembre. Or les extraits des privilèges imprimés, reprenant bien tous deux le nom du secrétaire « du pille »36, ainsi que le partage du privilège entre Toussaint Quinet et Nicolas de Sercy, fixent mal le privilège des pièces au 13 janvier 1643. La proximité des mots « janvier/juillet » pourrait expliquer la bévue, de même que le voisinage des chiffres « 3/13 », mais il est curieux que la fausse date se retrouve dans deux ateliers différents à deux mois de distance. Il faut plutôt admettre une mauvaise transmission de l’information de la part du libraire. Six mois de décalage dans les dates sont de nature à fausser la chronologie des pièces et de leur représentation sur le théâtre. Les écarts sont parfois importants. Le privilège obtenu par Antoine de Sommaville pour la tragédie de Guérin de Bouscal, La Mort d’Agis, est d’abord enregistré avec des lettres du 8 avril 1641, avant d’être à nouveau inscrit sur le livre de la Grande Chancellerie, en même temps que Le Fils desadvoüé et Le Gouvernement de Sanche Pansa du même auteur, ainsi qu’Andromire de Scudéry, avec des lettres signées par Antoine Le Brun en date du 3 mai 1641. Andromire sort des presses dès le 28 mai 1641 ; Le Fils desadvoüé est achevé le 17 octobre 1641, alors que Le Gouvernement de Sanche Pansa n’est imprimé que le 13 septembre 1642, avant La Mort d’Agis, le 13 octobre 1642. Toutes les éditions originales indiquent bien un privilège du 3 mai 1641, sauf La Mort d’Agis, que l’atelier de Michel Brunet décale par étourderie d’une année, au 3 mai 1642. Celui qui ne prendrait en considération que cette dernière tragédie pourrait lourdement se tromper sur la chronologie de la pièce.
On se demande parfois si les libraires fournissent les bonnes informations aux imprimeurs. La date du 3 mai 1641 se retrouve en effet par erreur sur une autre pièce publiée par Sommaville, Phalante de La Calprenède, dont les lettres de privilège remontent en fait au 6 novembre 164037. Ces dernières valaient aussi pour le roman de Scudéry, Ibrahim ou l’Illustre Bassa, et Cammane, la tragédie de La Caze, dont les éditions originales reportent d’ailleurs la date exacte de leur privilège.
La labilité des dates ne cesse pas d’étonner. Typhon ou la Gigantomachie de Scarron est enregistré par Toussaint Quinet avec des « lettres du 22 decembre 1643 »38. Mais Antoine Coulon imprime l’édition originale in-quarto du poème burlesque, en composant sur deux feuillets le privilège, qui se termine ainsi : « Donné à Paris, le vingtième jour de decembre, l’an de grace mil six cens quarante-trois » (4B4v°). Plus étonnant, dans la seconde édition in-quarto, sortie des presses d’Arnoul II Cotinet le 18 décembre 1647, on lit, au début de l’extrait du privilège : « donné à Paris le 21 jour de decembre 1643. » (L4v°). Certes, il n’y a que deux jours de différence, mais il faut bien avouer que les données des imprimés sont peu sûres et fort instables. Les dates ne varient pas seulement d’une édition à l’autre, mais aussi d’un exemplaire à l’autre pour une même édition. L’exemple le plus connu est celui de l’édition originale du Cid de Corneille, dont certains exemplaires portent la date du 23 mars 1637, quand d’autres proposent celle du 24 mars 1637. Mais la variation peut être de plus grande ampleur. La tragi-comédie Le Jugement de Paris, et le ravissement d’Helene, éditée par Toussaint Quinet en 1639, signale un privilège du 3 mai 1639 au lieu du 13 mai 163939 (glissement d’une dizaine à l’autre), et, selon les exemplaires, un achevé du 5 mai ou bien du 5 juin 163940. Ne pas connaître la bonne date du privilège laisserait planer le doute, alors que posséder l’information permet de soutenir que l’achevé est plutôt du 5 juin, puisque, normalement, l’impression ne peut pas être antérieure à l’obtention du privilège. L’atelier aura donc corrigé le mois en cours d’impression.
Ce genre de modification portant sur l’achevé d’imprimer vient quelquefois ajouter de la confusion à une situation déjà chaotique. L’édition originale de la tragi-comédie Edouard de La Calprenède, publiée par Augustin Courbé en 1640, porte en effet, suivant les exemplaires, un achevé du 6 avril ou bien du 10 mai41. Cette hésitation est doublée d’une discordance de date sur le privilège : le registre de la Grande Chancellerie de France le fixe au 21 février 163942, tandis que l’imprimé sorti des presses d’Arnoul Cotinet en 1640 mentionne le 23 février 163943. Cependant le privilège d’Edouard, obtenu par Courbé, vaut pour deux autres pièces, Le Capitan ou le Milles Gloriosus de Plaute, et La Mort des enfans d’Herodes ou Suite de Mariane de La Calprenède, qui sont confiées, dès 1639, respectivement à Michel Brunet et à Nicolas Gasse. Or les éditions originales de ces titres donnent toutes deux des dates différentes pour le privilège : 20 février 1639 pour la comédie de Plaute, et 15 mai 1639 pour la tragédie de La Calprenède. Les dates varient donc en fonction des imprimeurs, chacun ayant choisi la sienne, différente de celle portée sur le registre manuscrit. Toutefois, à cette apparente anarchie s’oppose une récurrence cohérente. En effet, la date du 23 février 1639, figurant sur l’édition originale d’Edouard, se retrouve dans d’autres tragi-comédies que le libraire Augustin Courbé a confiées en 1640 aux soins de l’imprimeur Arnoul Cotinet : L’Illustre Corsaire et Le Roland furieux de Mairet. Pourtant, le privilège commun à ces deux dernières pièces est daté du 16 avril 1639 sur le registre de la Grande Chancellerie44. Ainsi, sous les presses d’Arnoul Cotinet, les trois pièces, couvertes par deux privilèges différents, se retrouvent néanmoins regroupées sous un même privilège imaginaire. L’examen archéologique des trois éditions originales fournit très vite l’explication. L’atelier d’Arnoul Cotinet, rue des Carmes, n’a employé qu’une seule composition typographique pour les deux feuillets du privilège, qui ont ensuite été insérés dans les trois tragi-comédies. Comme le libraire bénéficiaire, le secrétaire signataire et la durée du privilège étaient identiques, il n’y avait qu’à intervenir de manière limitée sur la ligne où étaient composés les titres des pièces, et celle de l’achevé. L’efficacité a donc primé sur toute autre considération, si bien qu’il n’est plus possible de se fier aux dates figurant sur les imprimés, pas même celles des achevés, qui ont fait l’objet de corrections sous presse dans Edouard, et qui semblent bien éloignées les unes des autres ; les deux tragi-comédies de Mairet auraient été achevées le 20 février, tandis que celle de La Calprenède aurait été terminée en avril ou mai, soit deux ou trois mois après, ce qui supposerait que les compositions typographiques des deux pages de privilège auraient été conservées sur une galée tout ce temps-là. Le doute s’impose, d’autant que les deux achevés trouvés dans Edouard (6 avril 1640, 10 mai 1640) paraissent interférer avec les dates du privilège des pièces de Mairet (16 avril 1639) et d’une autre tragi-comédie dont s’est chargé Arnoul Cotinet en 1640, la troisième édition de L’Amour tirannique de Georges de Scudéry, dont l’édition originale indique un privilège du 10 mai 1639.
Comme cette affaire, déjà bien compliquée, tourne au casse-tête, il est nécessaire de présenter l’ensemble des données pour comprendre la situation (tableau 1).
Tableau 1
Privilège Grande Chancellerie | Privilège imprimé | Durée imprimée | Achevé d’imprimer | Imprimeur | |
Le Capitan Plaute | 21 février 1639 | 20 février 1639 | 7 ans | 1er mars 1639 | Michel Brunet |
Panthée Tristan | Ø | 23 février 1639 | 7 ans | 10 mai 1639 | Michel Brunet |
Mort des enfans d’Hérode La Calprenède | 21 février 1639 | 15 mai 1639 | 7 ans | 2 juillet 1639 | Nicolas Gasse |
Edouard La Calprenède | 21 février 1639 | 23 février 1639 | 7 ans | 6 avril 1640 10 mai 1640 | Arnoul Cotinet |
L’Illustre Corsaire Mairet | 16 avril 1639 | 23 février 1639 | 7 ans | 20 février 1640 | Arnoul Cotinet |
Le Roland furieux Mairet | 16 avril 1639 | 23 février 1639 | 7 ans | 20 février 1640 | Arnoul Cotinet |
L’Amour tirannique 3e éd. Scudéry | Ø | 3e éd. : 23 février 1639 (E.O : 10 mai 1639) (2e éd. : 10 mai 1639) | 7 ans | 2 février 1639 (E.O. : 2 juillet 1640) (2e éd. : 15 juillet 1639) | Arnoul Cotinet (E.O : Michel Brunet) (2e éd. : Arnould Cotinet) |
Apologie du théâtre Scudéry | 16 avril 1639 | 20 février 1639 | 10 ans | 10 mai 1639 | Nicolas Gasse |
Le Solyman Mairet | 16 avril 1639 | 20 février 1639 | 10 ans | 1er juin 1639 | Nicolas Gasse |
La Cythérée Gomberville | 16 avril 1639 | 10 mai 1639 | 7 ans | 10 octobre 1640 | J. et N. de La Coste |
En 1640, l’atelier de la rue des Carmes a donc été chargé par Augustin Courbé de l’impression de quatre pièces de trois auteurs différents, Edouard, Le Roland furieux, L’Illustre Corsaire, L’Amour tirannique. L’édition originale in-quarto de cette quatrième tragi-comédie, signée par Scudéry, est sortie le 2 juillet 1639 des presses de Michel Brunet, suivie le 15 juillet 1639 par une seconde édition en petit format, confiée à Arnoul Cotinet. L’année suivante, c’est encore Arnoul Cotinet qui doit composer une troisième édition de la tragi-comédie de Scudéry. L’atelier établit son « planning » de façon à grouper l’impression des quatre pièces et à rentabiliser le travail de composition ; c’est pourquoi les deux pages de privilège trouvées dans L’Amour tirannique sont parfaitement identiques à celles contenues dans les trois autres tragi-comédies, puisqu’elles relèvent toutes d’une même et unique composition typographique. Une fois encore, l’atelier d’Arnoul Cotinet n’a eu qu’à modifier le titre de la pièce et à intervenir sur les dates du privilège et de l’achevé. Mais l’opération a viré au pataquès. L’ouvrier a composé un improbable achevé du 2 février 1639. S’il avait voulu reproduire l’achevé de la première édition, comme cela se faisait régulièrement, il aurait repris la date du 2 juillet 1639. S’il avait voulu donner l’achèvement de la troisième édition, il aurait indiqué le 2 ou le 20 février 1640. Mais le résultat de sa maladroite manipulation mélange les différentes options. L’ouvrier devait également reporter la date du privilège figurant dans l’édition originale de la tragi-comédie de Scudéry, soit le 10 mai 1639. Mais il a oublié d’accomplir cette tâche, si bien que la troisième édition de L’Amour tirannique signale un faux privilège du 23 février 1639, qui se rapporte en fait au privilège des trois autres pièces, qui lui-même est en réalité du 21 février 1639 selon le registre de la Grande Chancellerie. Difficile de brouiller davantage les pistes45 !
Toutefois, le brouillard est plus dense encore qu’il n’y paraît. Comme le privilège de la tragi-comédie de Scudéry n’apparaît pas sur le registre de la Grande Chancellerie, la date du 10 mai 1639, figurant dans l’édition originale de cette pièce, devient sujette à caution. Il n’est pas impossible que cette pièce ait été plutôt incluse dans les lettres du 16 avril 1639, mais oubliée lors de l’enregistrement. En effet, un autre livre de Scudéry figure bien dans le lot, L’Apologie du theatre, publiée par Augustin Courbé, et sortie des presses de Nicolas Gasse le 10 mai 1639, date composée dans l’extrait du privilège (N2v°). Mais l’atelier indique que le privilège de L’Apologie est du 20 février 1639 et non du 16 avril. Or la même date inexacte du 20 février se retrouve dans l’édition originale du Grand et Dernier Solyman ou la Mort de Mustapha de Mairet, pièce qui figure aussi dans la liste des ouvrages couverts par le privilège du 16 avril. Qui plus est, Nicolas Gasse indique que le privilège vaut pour dix années, au lieu de sept, durée trouvée dans les autres ouvrages appartenant au même privilège. Là encore, l’imprimeur a dupliqué les faux chiffres sur les deux livres qu’il devait imprimer, le second ayant été achevé après L’Apologie, le 1er juin 1639. Un dernier ouvrage a été enregistré pour le privilège du 16 avril, 1639, La Cytherée, roman de Gomberville. L’édition originale, à l’adresse d’Augustin Courbé, est mise au jour le 10 octobre 1640 par les soins des imprimeurs Jean et Nicolas de La Coste, rue Saint-Hilaire. Cette fois, le privilège n’est pas daté du 20 février (comme dans L’Apologie et Le Solyman), ni du 16 avril (comme le note le registre), mais du 10 mai 1639, date qui, décidément, revient souvent, en particulier pour fixer l’achevé d’imprimer de la tragédie Panthée, de Tristan L’Hermite. Cette dernière pièce, publiée par Augustin Courbé, est également sortie des presses de Michel Brunet, qui a imprimé Le Capitan. Le privilège de Panthée n’est pas enregistré, mais l’imprimeur indique la date du 23 février 1639 sur les pages du privilège qu’il imprime (N4r°-v°), pages qui sont calibrées exactement comme celles qui portent le privilège de l’édition originale de L’Amour tirannique, imprimé aussi par Michel Brunet, dans lequel figure encore une fois la date du 10 mai 1639 (P4r°-v°).
Dans ce cas d’une particulière complexité, tout se conjugue pour installer la confusion : des informations mal transmises par le libraire ou confondues par les imprimeurs, d’éventuels oublis sur le registre de la Grande Chancellerie, des coquilles dupliquées par un même atelier, des erreurs de manipulation commises par les compositeurs, une méthode de fabrication permettant à un imprimeur d’insérer une composition strictement identique dans des livres qui ne relèvent pas des mêmes lettres patentes.
De 1653 jusqu’en 1664, le registre de la Grande Chancellerie de France est complété par celui de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris, sur lequel il devient obligatoire d’inscrire les privilèges royaux46. La comparaison des données imprimées avec celles qui figurent dans les deux manuscrits montre que les dates mentionnées dans les éditions originales ne correspondent pas toujours à celles des deux registres. Dans ce cas, il devient clair que l’erreur provient de l’atelier typographique. La Comedie sans comedie de Philippe Quinault, publiée par Guillaume de Luyne en 1657, signale un privilège obtenu le 16 juin 1657, tandis que les deux manuscrits le fixent au 26 juin47 ; exemple déjà mentionné d’un saut d’une dizaine à l’autre. Cependant, ce privilège vaut aussi pour une autre pièce48, Le Campagnard, dont l’édition originale repousse par erreur le privilège au 27 juin 1657. L’édition originale d’Amalasonte de Quinault se réfère à un privilège du 7 mars 1658, alors que les deux registres notent le 11 mars. Les dates d’enregistrement peuvent également fluctuer. Le 10 février 1659, Guillaume de Luyne obtient des lettres pour deux pièces de Thomas Corneille, La Mort de l’empereur Commode et Berenice, puis une pièce de Pierre Corneille, Œdipe, enfin deux pièces de Quinault, Le Mariage de Cambise et La Mort de Cyrus. Le 12 mars 1659, le privilège est enregistré sur le livre de la chambre syndicale. Pourtant, les éditions originales des pièces des frères Corneille, imprimées à Rouen par Laurent II Maurry49, datent l’enregistrement du 11 mars, celles des pièces de Quinault, imprimées à Paris par plusieurs ateliers, le datent du 9 mars. Quelquefois, la modification des dates d’enregistrement semble relever de la manipulation. Le Festin de pierre ou le Fils criminel, du sieur de Villiers, bénéficie d’un privilège du 30 septembre 1659, que le libraire Charles de Sercy enregistre le 8 octobre 1659. Mais l’édition originale, achevée d’imprimer par Claude Blageart le 4 octobre, avance l’enregistrement au 3 octobre, évitant ainsi que celui-ci n’intervienne après l’impression, ce qui était interdit. Lorsque l’enregistrement est trop tardif, il est toujours possible de le signaler sans le dater, comme dans l’édition originale de L’Heure du berger de Claude Le Petit, achevée d’imprimer à Paris le 24 novembre 1661, à partir d’un privilège du 18 novembre, qui n’a été enregistré par le libraire Antoine II Robinot que le 10 décembre 166250. Des imprimeurs peuvent se montrer évasifs, comme Denis II Thierry dans Les Fables nouvelles, et autres poësies de M. de La Fontaine, dont il termine l’impression le 12 mars 1671 ; à cette date, l’imprimeur-libraire sait pertinemment que le privilège, obtenu le mois précédent, n’est pas encore enregistré sur le livre de la communauté des libraires, si bien qu’il indique « Mars 1671 », sans plus de précision, en espérant que l’enregistrement aura lieu avant la fin du mois ; mais son associé Claude Barbin ne se déplace à la chambre syndicale que le 11 avril suivant51. De telles pratiques ne protègent toutefois pas d’une condamnation. Jean Ribou l’apprend à ses dépens, après avoir enregistré trop tardivement le privilège des Diversitez galantes, livre édité grâce à un privilège du 14 septembre 1663, qui n’est porté à la chambre syndicale que le 18 février 1664, bien après l’achevé d’imprimer du 7 décembre 1663. Le libraire est alors condamné à huit livres d’amende52. Dans un premier temps, l’enregistrement sur le livre de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris devait s’effectuer dans un délai de huit jours après l’obtention des lettres de privilège53. Puis, à partir de 1665, le délai est porté à trois mois, et il est précisé que l’impression doit commencer dans les six mois54. Mais il faut bien avouer que le règlement n’est pas toujours respecté. Le privilège de la tragédie Attila de Pierre Corneille, daté du 26 novembre 1666, n’est enregistré que le 7 mars 166755, tandis que la pièce n’est achevée d’imprimer par Jean-Baptiste Coignard que le 20 novembre 1667. Certains écarts surprennent davantage encore. L’édition originale d’Andromaque de Jean Racine indique un privilège du 28 décembre 1667, laissant en blanc la date de l’enregistrement. Et pour cause, puisque les lettres ne sont enregistrées par l’auteur et le libraire Claude Barbin qu’un an et demi plus tard, le 28 juillet 166956 ! Rien n’explique ce délai anormal, ni le manque apparent de poursuites. L’absence d’achevé d’imprimer dans l’édition originale n’aide pas à résoudre l’énigme, pas plus que l’existence d’exemplaires composites, mélangeant des feuilles de la première impression datée de 1668 à celles imprimées en 1673 pour la seconde édition, qui voit le jour en vertu d’un nouveau privilège en date du 2 mars 167357. Les erreurs peuvent être non seulement le fruit de l’étourderie mais aussi du calcul frauduleux, dès l’amont, comme la réglementation en vient à le reconnaître, en dénonçant les imprimeurs-libraires qui ne présentent « aux examinateurs que quelques parties des ouvrages pour se soustraire à l’exactitude des examens », ou qui n’impriment « que des extraits tronqués et infidèles des lettres de permission qui leur ont été accordée »58. Les abus concernent aussi l’enregistrement sur le livre de la communauté des libraires.
Le Roy ayant été informé que dans plusieurs lettres portant permission ou privilège d’imprimer, graver, ou vendre divers ouvrages dans le royaume, quelques particuliers entreprennent de faire glisser certaines clauses qui fournissent la matière de plusieurs contestations, et surtout par rapport au nombre d’années portées par lesdites lettres : que plusieurs affectent de ne faire enregistrer lesdites lettres sur le registre de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris, que par extraits souvent tronqués et défectueux, qui induisent en erreur ceux qui vont consulter lesdits registres : que d’autres faisant secrètement diverses cessions des droits acquis par lesdites lettres, ne cherchent qu’à jeter de l’obscurité et du trouble dans une matière où il ne saurait régner trop de bonne foi et de droiture59.
Quelquefois, les deux registres ne sont pas de trop pour révéler le peu de scrupule des imprimeurs vis-à-vis des informations contenues dans le privilège. En 1661-1662, huit comédies de Dorimond60 paraissent en vertu du même privilège, que l’auteur transporte au « sieur Gabriel Quinet et associés »61. Les données mal reportées varient d’une comédie à l’autre, et à l’intérieur d’un même atelier (tableau 2).
Tableau 2
Privilège Grande Chancellerie ms. fr. 16754, fol. 85v° | Privilège Chambre syndicale ms. fr. 21945, fol. 8v° | Privilège imprimé | Achevé d’imprimer | Imprimeur | |
L’Inconstance punie | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 26 mars 1661 | 22 avril 1661 | Christophe Journel |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Enregistré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Ribou + Quinet | |||
L’Amant de sa femme | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 26 mars 1661 | 2 juin 1661 | Christophe Journel |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Registré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Ribou + Quinet |
La Femme industrieuse | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 26 mars 1661 | Ø | Christophe Journel |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Registré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Ribou | |||
L’Escole des cocus | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 12 avril 1661 | 6 août 1661 | Christophe Journel |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Registré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Quinet + Ribou | |||
La Rosélie | Ø | Ø | Durée de 7 ans Daté du 12 avril 1661 | 28 août 1661 | Christophe Journel |
Registré le Ø Transport à Ribou + Quinet | |||||
La Comédie de la comédie et les amours de Trapolin | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 26 mars 1661 | 22 janvier 1662 | Christophe Journel |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Registré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Ribou + Quinet | |||
Le Festin de pierre 2e édition avec nouveau privilège | Daté du 21 avril 1661 | Durée de 7 ans Daté du Ø avril 1661 | Durée de 5 ans Daté du 12 avril 1661 | Ø | Claude Calleville |
Transport de Dorimond à Quinet et associés | Registré le 18 août 1661 | Registré le Ø Transport à Ribou + Quinet |
Il arrive que des erreurs soient corrigées d’une édition à l’autre, comme c’est le cas pour Les Délices de la poésie galante, d’abord publiée en 1663 par Jean Ribou avec un privilège d’une durée inexacte de cinq années, corrigé ensuite avec une durée de neuf années sur l’édition originale de la seconde partie publiée par le même libraire en 1664, aussi bien que sur la seconde édition de la première partie en 1666.
Quelquefois, les deux registres semblent se contredire. En 1662, Du Bosc de Montandré publie deux ouvrages. Le premier est intitulé Portrait historique, généalogique et politique de l’auguste maison d’Austriche (Paris, Arnoul Cotinet, 1662, in-4°), le second Suite historique des ducs de Basse Lorraine (Paris, Nicolas Boisset, 1662, in-4°). Les deux éditions originales se réfèrent à un privilège de dix ans, signé Le Gros, daté du 30 janvier 1662. À la date du 10 mars 1662, ce privilège est effectivement enregistré sur le livre de la communauté des libraires de Paris62. En revanche, la Grande Chancellerie inscrit ce privilège à la date du 21 décembre 166163. En réalité, la contradiction n’est qu’apparente, car il ne faut pas oublier de regarder les mentions marginales du registre de la chancellerie. Or, sous la date du 21 décembre 1661, figurent cinq privilèges différents. Seuls trois d’entre eux ont reçu la mention marginale « scellé », signifiant que le chancelier avait validé les lettres patentes en faisant apposer le sceau royal le jour de l’audience. En revanche, ce n’est pas le cas du privilège des deux ouvrages de Montandré, qui a dû attendre une autre audience, un mois plus tard, pour être scellé. Le Portrait historique est paru à nouveau chez Étienne Loyson à la date de 1663, avec un achevé d’imprimer du 9 septembre 166264 ; la nouvelle impression de l’extrait du privilège indique par erreur la date du 20 janvier 1662, coquille habituelle par glissement d’une dizaine à l’autre. Bévue corrigée par la nouvelle édition d’Étienne Loyson, parue le 9 mars 1669 au format in-douze, qui, elle, date bien le privilège du 30 janvier 1662. À l’audience du 21 décembre 1661, un autre privilège n’a pas été scellé, celui de Donneau de Visé pour un livre intitulé « Les succès de l’indiscrétion et les nouvellistes pièces en prose ». L’ouvrage, publié sous le titre Nouvelles nouvelles, n’est paru que le 9 février 1663, avec un privilège daté du 28 février 1662. Le livre de la chambre syndicale ne mentionne pas l’enregistrement de ces lettres patentes, mais le parcours des Nouvelles nouvelles paraît similaire à celui des deux livres de Montandré. Le privilège n’a pas été scellé à l’audience du 21 décembre 1661, mais à une date ultérieure, qui pourrait être celle du 28 février 166265.
Le registre de la chambre syndicale révèle parfois des identités que le privilège imprimé s’emploie à masquer. Ainsi, La Médaille curieuse où sont gravez deux écueils redoutables à tous les jeunes cœurs, publiée par Pierre Le Monnier en 1672, ne donne qu’une suite d’initiales au bénéficiaire du privilège, « M. L. C. D. V. » (ã4r°), tandis que le manuscrit note en marge le nom du chevalier de Bussières66. Même cas de figure avec le roman La Comtesse de Candale, attribué dans le privilège imprimé au « Sieur B. D. L. » (ã4r°), tandis que le livre de la communauté identifie clairement Claude Boyer comme l’acquéreur du privilège67. Autre révélation sur l’auteur de La Loterie d’amour (1661), dont le privilège est attribué à un mystérieux « F. D. C. E. S. D. G. » (ã4v°), qui le transporte à Jean Ribou ; l’enregistrement inscrit en marge « sieur de Cheminé »68 ou « Sr Chemynais »69, secrétaire du duc de La Vrillière, si bien qu’on peut traduire, François De Cheminays, Ecuyer, Sieur De Godonville70. Le nom exact du « Sieur de *** », signalé dans l’extrait du privilège des Entretiens galans (X4v°), paru chez Jean Ribou en 1681, est celui du sieur de Saluas, comme le révèle le registre71, qui livre également la durée du privilège ainsi que la date de son enregistrement, informations non imprimées sur le livre. Autre exemple de « Sieur *** » dans l’extrait du privilège du Flatteur, comédie publiée par Claude Barbin en 1697, dont l’auteur bénéficiaire, Jean-Baptiste Rousseau, figure sur le registre72. Le nom de Nicolas Pradon, bien attesté par le livre de la chambre syndicale73, est remplacé par trois étoiles dans l’extrait du privilège du Commerce galant, ou Lettres tendres et galantes de la jeune Iris, et de Timandre, publié en 1682 par Jean Ribou. D’autres noms que ceux des auteurs peuvent être dissimulés dans les privilèges imprimés ; dans quelques comédies de Dancourt, publiées en 1697 par Pierre Ribou74, on lit : « Il est permis à ***** Marchand Libraire à Paris, de faire imprimer le Recueil des Comedies du Sieur Dancourt ». Cet escamotage est lié à la reprise de la librairie du quai des Augustins par Pierre Ribou, qui succède, dans la seconde boutique après la porte du couvent, à Thomas Guillain, lequel a obtenu en son nom le dit privilège le 8 août 1695 pour 5 ans75 ; Pierre Ribou, reçu maître le 17 août 1697, exploite le fonds de la librairie, après que Thomas Guillain a publié son dernier livre le 11 août 169776.
Les noms des secrétaires du Roi, signataires des lettres de privilège, sont parfois déformés par les imprimés. Dans l’édition originale de Cinna (1643), apparaît le nom « clier », erreur reproduite par d’autres ateliers dans la deuxième (1643) comme dans la troisième édition (1646) de la tragédie de Pierre Corneille ; il s’agit en fait de Nicolas-Édouard Olier, secrétaire du Roi depuis le 28 janvier 1632, qui a exercé sa fonction jusqu’en 167077 ; il a signé aussi bien le privilège de Sophonisbe de Corneille (1663) que celui d’Astrate de Quinault (1665). En 1642, l’extrait du privilège du Sac de Carthage, de Jean Puget de La Serre, égratigne le nom du secrétaire du Roi, Charles Ceberet78, devenu « cebert » (ã4r°). Celui de Valentin Conrart est parfois réduit en « conrat »79. Le secrétaire Pierre Eon est appelé « leon » dans Le Prince retably de Guérin de Bouscal80. Dans l’édition originale de La Mort d’Agrippine, de Cyrano de Bergerac, l’imprimeur Claude Blageart compose « galonge’ », alors qu’il s’agit de Guillaume Gallonye, dont le véritable patronyme est rétabli par le même imprimeur dès la deuxième édition de la pièce en 1656, puis dans la troisième en 166181. L’atelier n’est pas plus vigilant en 1682, en imprimant l’extrait du privilège de la tragédie Cleopatre de Jean de La Chapelle : il transforme le nom de Pierre Du Gono, secrétaire du Roi depuis le 6 juin 168182, en « de gone ». Il faut avouer qu’à la chambre syndicale on ne devait pas bien connaître ce nouveau secrétaire, dont le nom est déformé en « Hugone » les premières fois qu’il est consigné sur le registre, à partir du 13 décembre 168183, avant de devenir « Dugone » en juin 1682, puis « Dugono » à partir de juillet 168284. Cependant, la coquille devient évidente lorsque l’imprimeur Christophe Journel transforme le nom de Pierre Du Gono en « dugour », dans le privilège de la tragédie Andronic, de Campistron, publiée par Thomas Guillain en 1685 (ã8r°)85. De même, le nom du secrétaire Maurice Egrot86 est défiguré en « ergal » dans l’édition originale de Bellérophon, tragédie de Philippe Quinault publiée par Guillaume de Luyne en 1671 (ã4r°), et pourtant imprimée par les bons soins de Jean-Baptiste Coignard. Le nom « jaquel », composé en 1658 dans l’extrait du privilège du Feint Alcibiade du même Quinault, ne correspond à aucun secrétaire du Roi ; il s’agit sans doute d’Henri Justel87. L’erreur est copiée par le Grenoblois Philippe Charvys, qui contrefait la pièce la même année, ainsi que par le Rouennais Laurent Maurry qui imprime la seconde édition de la pièce en 1661. Il arrive que ni l’imprimé ni le registre n’orthographient correctement le nom du secrétaire88, et que, parfois, il soit difficile de retrouver son identité89.
Signalons un dernier cas où la vigilance de l’imprimeur est prise en défaut. Le 18 mars 1681, Jean de La Chapelle fait enregistrer à la chambre syndicale un privilège attribué en même temps à son roman Marie d’Anjou, reyne de Mayorque et à sa tragédie Zaïde90. Or, dans l’édition originale du roman, l’extrait du privilège, imprimé par Claude Audinet, fusionne par erreur les deux titres pourtant distincts, tout en se référant à la tragédie, bien que ce soit le roman qui soit publié : « Il est permis au sieur I. C. B. de faire imprimer une tragédie intitulée Zaide et la Reine de Mayorque »91. Pourtant, le même imprimeur n’avait pas commis une telle erreur dans l’édition originale de la tragédie, imprimée quelques mois plus tôt, en mars 1681. Décidément, l’impression des privilèges est bien aléatoire.
L’inadvertance est trop courante pour oublier toute prudence. L’extrait du privilège est quelquefois un piège. Il vaut mieux vérifier chacune des données, car noms et dates peuvent fluctuer entre les registres et les imprimés. Relever les erreurs pour être scrupuleux ne suffit pourtant pas, car les défauts sont toujours éclairants. La mauvaise transmission comme la piètre impression renseignent sur les méthodes et les pratiques en usage à Paris au xviie siècle. De la chancellerie aux presses qui impriment, en passant par la chambre syndicale, la manipulation comme la négligence peuvent modifier les données des plus belles lettres patentes. De toutes les façons, le livre demeure un objet, qui passe d’une main à l’autre, sous le sceau de la faille ou bien des circonstances.
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1 Edit du Roy pour le règlement des imprimeurs et libraires de Paris ; registré en Parlement le 21 Aoust 1686. Avec les authoritez des anciennes ordonnances, statuts, arrests et reglemens, Paris, Denys Thierry, 1687, p. 11. Dans cet ouvrage, il est indiqué par erreur qu’il s’agit de l’article 13 du règlement de 1618.
2 Ibid., p. 11-12. À partir de 1701, obligation est faite d’insérer des « copies entières des permissions » (arrêt du Conseil d’État du Roi, portant règlement pour les libraires imprimeurs, art. 6, 7 septembre 1701).
3 Les contraintes typographiques guident souvent le choix de l’une des deux solutions. Voir Alain Riffaud, « Privilèges imprimés dans le théâtre du xviie siècle », dans Privilèges de librairie en France et en Europe, xvie-xviie siècles, dir. Edwige Keller-Rahbé, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 157-173.
4 Edit du Roy pour le règlement des imprimeurs et libraires de Paris, op. cit., p. 100-101.
5 Ibid, p. 101.
6 Registre du sceau des permissions d’imprimer, listant les privilèges délivrés par la Grande Chancellerie de France : BnF, ms. fr. 16753 (1635-1651), et ms. fr. 16754 (1653-1664).
7 Registre de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris, dénommé aussi registre de la chambre syndicale : BnF, ms. fr. 21944 (1653-1660), ms. fr. 21945 (1660-1673), ms. fr. 21946 (1673-1687), ms. fr. 21947 (1688-1700).
8 BnF, ms. fr. 16753, f. 1v°.
9 Pierre de Monceaux, pourvu le 1er août 1633 de l’office de Conseiller Secrétaire du Roi et Grand Audiencier de France (Abraham Tessereau, Histoire chronologique de la Grande Chancellerie de France, Paris, Pierre Emery, t. I, 1710, p. 382 (désormais : HGCF, t. I, ou HGCF, t. II).
10 BnF, ms. fr. 16753, f. 5v°.
11 César Chappelain, reçu le 26 janvier 1630 (HGCF, t. I, p. 360).
12 BnF, ms. fr. 16753, f. 6r°.
13 Ibid., f. 6r° ; Timoléon Victon est reçu secrétaire du Roi le 28 mai 1632 (HGCF, p. 373).
14 Ibid., f. 2r°.
15 De même quand l’imprimeur se trompe de siècle : l’extrait du privilège du Batard de Navarre, Nouvelles historiques, de Jean de Préchac, publié par Jean Ribou en 1683, indique que l’enregistrement a été effectué le « 29 mai 1583 » (X4v°) au lieu de 1683.
16 BnF, ms. fr. 16753, f. 7v°.
17 BnF, ms. fr. 16753, f. 4r°.
18 Pour sa tragédie, l’auteur a négocié directement avec l’imprimeur Denis Houssaye, puis organisé la vente en faisant imprimer trois pages de titre différentes, la première indiquant le seul lieu de distribution, Paris, la deuxième avec le nom de l’imprimeur, dont l’atelier se trouvait dans le quartier Saint-Hilaire, et la troisième à l’adresse de Pierre Rocolet, libraire au Palais.
19 BnF, ms. fr. 16753, f. 8v°.
20 Même si une pièce est imprimée longtemps après l’obtention du privilège, un imprimeur peut néanmoins redonner avec exactitude la date de ce privilège. Il en va ainsi pour la tragédie Zénobie de l’abbé d’Aubignac, achevée le 12 janvier 1647, avec un privilège daté du 8 janvier 1646, aussi bien sur le registre de la Grande Chancellerie (f. 116) que sur l’édition originale sortie des presses de Jean Bessin (ã4r°).
21 BnF, ms. fr. 16753, f. 101r°
22 BnF, ms. fr. 16753, f. 16v°, f. 17v°, f. 18v°.
23 Ibid., f. 15v°.
24 Ibid., f. 131r°.
25 Antoine Le Brun, secrétaire du Roi depuis le 15 juin 1636 (HGCF, t. I, p. 475).
26 BnF, ms. fr. 16753, f. 101r°.
27 On retrouve l’enregistrement des privilèges de toutes les pièces de théâtre publiées par Augustin Courbé en 1645, sauf celui des pièces de Brosse et Du Ryer, d’où la déduction faite.
28 BnF, ms. fr. 16753, f. 119r°.
29 Ibid., f. 124v°.
30 Ibid., f. 133v°.
31 Ibid., f. 60r°.
32 Ce type d’étourderie traverse tout le siècle. En 1683, l’édition originale de Telephonte, tragédie de Jean de La Chapelle publiée par Jean Ribou, se réfère à un privilège du « neufiéme avril 1683 » (f. F3v°), alors que le registre de la chambre syndicale indique le « 29e avril 1683 » (BnF, ms. fr. 21946, f. 174v°). La graphie de certains mois entraîne aussi régulièrement des coquilles : dans Les Amours de Diane et d’Endimion, tragédie de Gabriel Gilbert publiée par Jean Ribou en 1657, l’imprimeur Claude Audinet indique un privilège en date du 28 mai 1657 (F5v°), alors que l’enregistrement (absent de l’édition) est effectué le 24 mai sur le registre de la Grande Chancellerie, lequel précise que le privilège est du 28 mars 1657 (BnF, ms. fr. 16754, f. 41v°) ; la proximité mars/mai est la cause de la coquille, reprise d’ailleurs dans la seconde édition de la pièce (1661), ainsi que la troisième (1681).
33 BnF, ms. fr. 16753, f. 71r°.
34 Ibid., f. 105r°.
35 Ibid., f. 77v°.
36 Robert Du Pille, secrétaire du Roi depuis le 6 novembre 1633 (HGCF, t. I, p. 382).
37 BnF, ms. fr. 16753, f. 44r°. La tragédie est achevée d’imprimer chez Nicolas II Bessin le 12 novembre 1641.
38 Ibid., f. 86r°.
39 Ibid., f. 33v°.
40 Exemplaire portant la date du 5 juin : BnF, YF-606 (visible sur Gallica). Exemplaires portant la date du 5 mai : Bayerische Staatsbibliothek, Munich, P.o.Gall 145k ; Bibliothèque cantonale et universitaire, Lausanne, AA 6617 Rec (visible sur Google livres).
41 Exemplaire avec la date du 6 avril 1639 : Bayerische Staatsbibliothek, Munich : 4 P.o.gall.91 (visible sur Google livres). Exemplaire avec la date du 10 mai 1639 : BnF, Réserve des livres rares : RES-YF-337 (visible sur Gallica).
42 BnF, ms. fr. 16753, f. 31v°.
43 Gautier de Costes de La Calprenède, Edouard, tragi-comedie, Paris, Augustin Courbé, 1639, O1v°.
44 BnF, ms. fr. 16753, f. 33r°.
45 Des chercheurs ont tenté en vain d’élucider le désordre des dates contenues dans les trois premières éditions de L’Amour tirannique de Scudéry ; j’ai établi la généalogie de ces vaines tentatives et résolu l’énigme dans l’Archéologie du livre français moderne, Genève, Droz, 2011, p. 254-265.
46 Ce nouveau document indique non seulement le bénéficiaire, la date des lettres, le secrétaire signataire, mais aussi la durée du privilège et le jour de son enregistrement. Sur les imprimés, on ajoute le nom du syndic en exercice.
47 Registre de la Grande Chancellerie : BnF, ms.fr. 16754, f. 44r° ; registre de la chambre syndicale : BnF, ms. fr. 21944, f. 171r°.
48 Le registre de la Grande Chancellerie attribue les deux comédies à Quinault alors que Le Campagnard est de Gillet de La Tessonerie, comme le confirme la page de titre de l’édition originale. Il s’agit peut-être d’un oubli.
49 L’imprimeur rouennais a commis une erreur en indiquant, pour La Mort de l’empereur Commode, un achevé du 19 janvier 1659 ; il faut plutôt lire 19 mars 1659, date en deçà de laquelle il n’est pas possible d’aller, ni au-delà, car la contrefaçon grenobloise de la tragédie porte son propre achevé, daté du 29 avril 1659 (Turin, Biblioteca nazionale universitaria, F XIII.109/3, exemplaire visible sur Google livres).
50 BnF, ms. fr. 21945, f. 10v°. Quand l’achevé d’imprimer est antérieur à l’enregistrement, non indiqué dans l’édition, mais attesté par le registre, il est difficile de savoir si l’erreur provient ou non de l’atelier. Lacedemone ancienne et nouvelle de Guillet de Saint-Georges, publié en 1676 par Claude Barbin, Etienne Michallet, Jean Ribou et Pierre Trabouillet, porte un achevé du 4 avril 1676 pour un enregistrement effectué, selon le registre (BnF, ms. fr. 21946, p. 33), le 27 avril 1676 ; soit l’achevé est exact, contrevenant à la réglementation, soit l’imprimeur Jacques II Langlois s’est trompé en indiquant le 4 avril au lieu du 4 mai.
51 Jean de La Fontaine, Fables nouvelles, et autres poësies. De M. de La Fontaine, Paris, Claude Barbin [ou] Denis Thierry, 1671. Le livre de la chambre syndicale date le privilège du 26 février 1671 (BnF, ms. fr. 21945, f. 103r°), alors que l’édition originale indique « en datte du seiziéme jour de février » (ẽ4r°) ; encore un saut de dizaine, décidément bien fréquent.
52 BnF, ms. fr. 21814, f. 248.
53 Arrêts du 8 avril et du 5 août 1653 (Édit du Roy pour le règlement des imprimeurs et libraires de Paris, op. cit., p. 100-101).
54 Arrêt du Conseil privé du 27 février 1665 (Édit du Roy pour le règlement des imprimeurs et libraires de Paris, op. cit., p. 102).
55 BnF, ms. fr. 21945, f. 58v°. L’édition originale de la tragédie, publiée par Guillaume de Luyne, Thomas Jolly et Pierre Billaine, reproduit mal la date de l’enregistrement en composant : « Donné à Paris le 25 jour de novembre 1666 » (G3v°).
56 BnF, ms. fr. 21945, f. 79v° ; le registre fixe le privilège au 21 décembre et non au 28, comme l’indique l’édition originale. Il ne semble pas que les éditeurs scientifiques de Racine aient prêté attention à la date tardive de l’enregistrement du privilège d’Andromaque.
57 Le privilège est daté par erreur du 12 mars dans l’édition originale (nouvel exemple d’un saut de dizaine) ; ce privilège est accordé pour les pièces de Racine dont les privilèges sont expirés, La Thébaïde, Alexandre, Andromaque, Les Plaideurs.
58 Arrêt du Conseil d’État privé du Roi, portant règlement pour les privilèges et permissions pour l’impression des livres, 7 septembre 1701 (Nouveau Recueil des édits, déclarations, lettres patentes, arrêts et règlements de Sa Majesté, Rouen, Jean-Baptiste Besongne fils, 1714, p. 34).
59 Code de la librairie et imprimerie de Paris, ou Conférence du règlement arrêté au Conseil d’Etat du Roy, le 28 Février 1723, Et rendu commun pour tout le Royaume, par arrêt du Conseil d’Etat du 24 Mars 1744, Paris, aux dépens de la Communauté, 1744, titre XV, article CVI, p. 387.
60 L’une des comédies, La Rosélie, a sans doute été oubliée dans la liste figurant sur les deux registres.
61 BnF, ms. fr. 21945, f. 8v°.
62 BnF, ms. fr. 21945, f. 12v°.
63 BnF, ms. fr. 16754, f. 91r°-v°.
64 Avec un titre légèrement modifié : L’Histoire et la politique de l’auguste maison d’Austriche. Il s’agit d’une nouvelle émission, dont la page de titre ainsi que la table ont été réimprimées par Claude Blageart.
65 Toutefois, entre le 16 février 1662 et le 4 mars 1662, on ne trouve nulle trace de l’attribution d’un privilège, sur aucun des deux registres. En 1663, rien non plus entre le 18 février et le 4 mars.
66 BnF, ms. fr. 21945, f. 111r°. Si on peut décrypter « Monsieur Le Chevalier De », il reste difficile de savoir à quoi correspond le V. Serait-ce une coquille pour B ?
67 BnF, ms. fr. 21945, f. 115r°. Il faut peut-être interpréter les initiales ainsi : « Boyer De L’Académie ».
68 BnF, ms. fr. 16754, f. 80v°.
69 BnF, ms. fr. 21945, f. 4r°.
70 Son nom apparaît dans La Première Partie des conférences académiques et oratoires, accompagnées de leurs résolutions […] Par le sieur de Richesource modérateur de l’Académie, Paris, chez l’auteur, 1661 ; de Godonville Cheminays y signe le premier discours consacré à la question proposée par le baron de Cossé : « Si un coup de langue est plus dangereux qu’un coup de lance » (p. 585-589). Il signe également un Portrait de Mademoiselle de La Vrillière, [s. l. n. d,] in-4° (Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 106519).
71 BnF, ms. fr. 21946, p. 123.
72 BnF, ms. fr. 21947, f. 122r°.
73 BnF, ms. fr. 21946, p. 129.
74 Florent Carton, dit Dancourt, Le Charivary, Paris, Pierre Ribou, 1697 (achevé du 2 octobre 1697) ; Id., Le Retour des officiers, Paris, Pierre Ribou, 1698 (achevé du 4 novembre 1697).
75 Privilège enregistré le 1er septembre 1695 sur le livre de la chambre syndicale (BnF, ms. fr. 21947, f. 97v°).
76 Jean-François Regnard, Le Joueur, Paris, Thomas Guillain, 1697.
77 HGCF, t. I, p. 372, 622.
78 Reçu le 16 avril 1637 (HGCF, t. I, p. 311).
79 Georges de Scudéry, Didon, Paris, Augustin Courbé, 1637, ẽ2r° ; Aubignac (François Hédelin, abbé d’), La Pucelle d’Orléans, Paris, François Targa, 1642, ẽ5v° ; Desmarets de Saint-Sorlin, Europe, Paris, Henry Le Gras, 1643, N3v°.
80 Pierre Eon est reçu le 23 janvier 1644 (HGCF, t. I, p. 373). La tragi-comédie, publiée en 1647 par Quinet, Sommaville et Courbé, est imprimée par Jean Bessin ; l’extrait du privilège se trouve en ã4r°.
81 Guillaume Gallonye est reçu le 5 mai 1653 (HGCF, t. I, p. 477). En imprimant l’extrait du privilège de La Mort d’Agrippine, l’atelier s’est également trompé sur la date, donnant le 16 décembre au lieu du 30 décembre 1653 (BnF, ms. fr. 16754, f. 5r° ; ms. fr. 21944, f. 13r°), coquille que Claude Blageart corrige également dans les éditions suivantes.
82 HGCF, t. II, p. 83.
83 BnF, ms. fr. 21946, p. 132, 133, 135, 136, 137, 138, 140, 143.
84 Ibid., p. 143, p. 144.
85 Le nom de Pierre Du Gono est bien attesté par le registre de la chambre syndicale (BnF, ms. fr. 21946, f. 237r°).
86 Maurice Egrot fils, reçu le 26 juillet 1663, après la résignation de son père Maurice Egrot (HGCF, t. I, p. 555). Le nom du secrétaire est bien orthographié sur le registre de la chambre syndicale (BnF, ms. fr. 21945, f. 101r°).
87 Le livre de la chambre syndicale, sur lequel Augustin Courbé enregistre son privilège le 4 juin 1658 (BnF, ms. fr. 21944, f. 179v°), ne signale pas le secrétaire ; mais la proximité Jaquel/Justel et les dates suggèrent de rétablir le nom d’Henri Justel, reçu le 30 mai 1636 (HGFC, t. I, p. 399).
88 Dans la pièce d’Orly de Loriandre, Le Heros tres-chrestien, publiée par Pierre Bienfait en 1669, l’imprimé donne le nom de « vaince », et le registre celui de « Paincé » (BnF, ms. fr. 21945, f. 73v°), alors que le véritable nom est certainement celui de Simon Raincé, reçu le 29 octobre 1659 (HGCF, t. I, p. 492).
89 Le privilège obtenu en janvier 1653 par Pierre Corneille, pour l’édition de son Théâtre, serait signé par un certain « viav » qui n’existe pas, et qui renvoie peut-être à Didier Viart, reçu le 28 mai 1646 (HGCF, t. I, p. 450). Quant au nom « pigray », trouvé dans la tragédie Le Mariage d’Orphée de Charles de Lespine (Paris, Henri Sara, 1623), il ne correspond à aucun secrétaire de l’époque, et on ne voit pas de quelle déformation il résulterait.
90 BnF, ms. fr. 21946, p. 118.
91 Jean de La Chapelle, Marie d’Anjou reine de Mayorque, Paris, Jean Ribou, 1682, tome IV, R5v° ; achevé du 18 octobre 1681.