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Une enquête appuyée sur les travaux d’Henri-Jean Martin : le livre d’éducation au xviiie siècle

Emmanuelle CHAPRON

Aix-Marseille Université, CNRS, UMR 7303 Telemme, Aix-en-Provence

Dans un mémoire adressé au lieutenant général de police La Reynie à la fin des années 1660 ou au début des années 1670, l’imprimeur parisien Antoine Vitré dresse le tableau des difficultés auxquelles sont confrontés les imprimeurs de son temps1. Évoquant la piètre qualité du papier, « qui ne vaut plus rien » et obligera bientôt d’avoir recours aux papetiers étrangers, il rappelle ce qui fait le « pain quotidien des libraires de France » : les livres à l’usage de l’Église et des ecclésiastiques d’une part, et ceux qui servent « aux escoliers, aux régens & à tous ceux qui font profession des lettres » d’autre part. De ce pain, les historiens ont peu goûté. Depuis la contribution pionnière de Dominique Julia à l’Histoire de l’édition française, en 1984, qui constitue l’unique synthèse disponible à ce jour, l’histoire du livre scolaire et pédagogique a échappé à l’histoire du livre pour s’inscrire de manière privilégiée dans deux autres champs d’études : d’une part l’histoire de la construction des disciplines scolaires, attentive à l’élaboration d’un discours didactique et aux pratiques pédagogiques articulées au livre, et d’autre part l’étude de la « nouvelle » littérature de jeunesse, autour de quelques figures emblématiques – Jeanne Leprince de Beaumont et ses Magasins, Louise d’Épinay pour les Conversations d’Émilie, Stéphanie de Genlis – et de genres narratifs particuliers, comme le théâtre ou le dialogue pédagogiques2. Les obstacles à une étude globale de cette production ont été énoncés par Alain Choppin : « les ouvrages auxquels les chercheurs accordent aujourd’hui un statut peu ou prou scolaire n’ont longtemps pas été perçus par les contemporains comme faisant partie d’un ensemble cohérent »3. Sans forcer le trait et prêter à cette production scolaire une cohérence qu’elle n’acquerra qu’après les réformes du xixe siècle, on peut toutefois montrer que les livres destinés aux différents espaces éducatifs constituaient, sous l’Ancien Régime, une « catégorie de la pratique », un ou des ensembles bien reconnaissables par les acteurs, des auteurs aux lecteurs en passant par les libraires et les institutions pédagogiques. Cet « ordre des livres » repose sur un ensemble de dispositifs matériels et intellectuels, règlements et programmes scolaires, outillage législatif et argumentatif des gens du livre, catalogues de libraires, mais aussi nouvelles figures d’auteur (comme l’« ami des enfants »), titulatures et mises en forme typographiques qui traduisent l’émergence de l’idée que les ouvrages lus par les enfants devaient être adressés aux enfants4. En allant des magasins des libraires à la présentation de la page imprimée, les occasions sont multiples de se confronter à l’immense matériau rassemblé par Henri-Jean Martin et à ses propositions méthodologiques, de telle sorte que la recherche s’appuie en de nombreux points sur ces « pierres d’attente » posées par l’historien, pour reprendre l’expression utilisée par Roger Chartier dans sa préface à Livre, pouvoirs et société5.

Comment peut-on encore compter les livres ?

Le premier aspect de la question pourrait se formuler ainsi : comment avoir une idée générale de la production imprimée en France à l’usage des écoles, des collèges et des lectures domestiques de la jeunesse, de son évolution quantitative et de sa distribution géographique ? Comment, plus de cinquante ans après Livre, pouvoirs et société, peut-on encore compter les livres ? La méthode mise en œuvre par Martin pour étudier la production parisienne du xviie siècle est connue. L’historien part des fonds de la Bibliothèque nationale dont il estime qu’ils peuvent être tenus, « dans une certaine mesure, pour représentatifs de la production conservée »6. En deux coupes chronologiques (1643-1645 et 1699-1701), il met à l’épreuve cette représentativité en confrontant ce premier corpus aux collections d’autres bibliothèques (la Bibliothèque Sainte-Geneviève, la Bibliothèque Mazarine, les bibliothèques municipales de Troyes et de Lyon, pour ne citer que les principales) et à différentes séries documentaires, celles des registres liés au contrôle de la production imprimée (registres de la Chancellerie, de la Communauté des libraires et imprimeurs de Paris, du dépôt légal) et des procès-verbaux des enquêtes de 1644 et 1700. Les écarts, inévitables, entre ces différentes pesées sont expliqués de manière à en relativiser l’importance. Ainsi, si une partie des privilèges sollicités ne trouve pas de contrepartie matérielle dans les collections de la Bibliothèque nationale, c’est que ces privilèges ont pu ne pas avoir donné lieu à une impression, ou que cette impression a pu se faire en province. De même, bien des ouvrages mentionnés comme étant « sous presse » dans les enquêtes de 1644 (Paris) et 1700-1701 (ensemble du royaume) sont aujourd’hui introuvables dans les bibliothèques : mais ce sont le plus souvent de petits livrets religieux ou scolaires, thèses, feuilles de classe et de dévotion, livres d’heures et d’église, dont la description est trop incomplète pour permettre leur identification, qui ont sans doute été détruits par l’usage, et dont la plupart ne comptent d’ailleurs probablement pas les 48 pages retenues par Martin comme limite inférieure de son corpus. De ceux-là, dit l’historien, « nous n’en avons pas tenu compte »7. Il faut prendre l’expression au pied de la lettre : ne pas en tenir compte, c’est ne pas les compter, tout en les réintégrant dans l’analyse par une autre voie, celle de l’étude des inventaires après décès des libraires, comme celui de Samuel Thiboust en 1635, de Jean Libert en 1638 ou d’autres, qui font de Livre, pouvoirs et société une lecture indispensable pour comprendre l’économie du livre de classe à Paris au xviie siècle8.

Ces petites productions scolaires étant justement ce qui m’intéressait, j’ai essayé de comparer, comme Martin, la production conservée, décrite dans les répertoires bibliographiques, et les projets d’édition, enregistrés dans les archives de la Librairie. Il faut d’emblée préciser que l’objectif de ce décompte n’était pas de mesurer quoi que ce soit, mais plutôt une manière de poser les problèmes et de réfléchir aux limites des sources utilisables par l’historien lorsqu’il tente d’approcher l’infra-ordinaire du travail des presses, le bruit de fond des alphabets, des petits catéchismes et heures scolaires, des feuilles classiques et des rudiments latins. Dans ce cas, plutôt qu’à des sources qui éclairent réciproquement leurs lacunes, comme c’était le cas dans l’enquête de Martin, l’historien est confronté à une redondance des silences.

La petite production scolaire est d’abord une réalité qui, pour une large part, manque aux registres de la Librairie royale. Cette absence peut s’expliquer par des raisons légitimes. Les alphabets et les auteurs classiques s’impriment sur simple autorisation du juge du lieu lorsqu’ils comportent moins de deux feuilles d’impression, ce qui est souvent le cas. D’autres paraissent sous couvert du privilège général accordé aux évêques pour l’impression des usages de leur diocèse, comme les catéchismes ou les heures scolaires. Les contraventions au système expliquent également les lacunes dans les registres de la Librairie. Les arrêts du Conseil du roi renouvellent constamment les défenses d’imprimer « aucuns livres, même livres d’usages, de classes », sans en avoir obtenu la permission : l’incise est significative de ce que des libraires soustraient à la procédure réglementaire une bonne partie de cette production routinière, tant religieuse que scolaire, dont le réexamen semble inutilement coûteux9. D’autres cas constituent enfin de petits arrangements avec la règle. Certains imprimeurs réutilisent pendant plusieurs décennies des permissions périmées, ou se contentent de décliner pour l’usage scolaire un texte sur lequel ils détiennent déjà une permission ou un privilège. L’imprimeur Jacques Sardine utilise ainsi un privilège obtenu « pour l’impression des heures, intitulé livre de prières à l’usage de Limoges » en le faisant servir « à différentes sortes d’heures et avec a.b.c. », ce qui lui vaut la suspension de son privilège10.

Dressés à partir du dépouillement des catalogues de bibliothèques françaises et étrangères, ainsi que de recherches minutieuses dans les fonds locaux, les répertoires bibliographiques de la production imprimée au xviiie siècle constituent une ressource complémentaire, même si leur utilisation soulève d’autres problèmes. Les productions les plus élémentaires, comme les alphabets et les feuilles classiques, ont subi de fortes destructions d’usage et elles ont rarement été sauvées par les collectionneurs. Ainsi, les silences des sources se cumulent : aucune des productions d’ABC signalées dans l’enquête de 1701 n’apparaît dans les registres de la Librairie, non plus que dans les répertoires bibliographiques. À Tulle, Pierre I Chirac qui annonce avoir imprimé « des petites heures de prières, des alphabes [sic] et des Catons pour les escoliers » se dispense visiblement de toute procédure administrative, et rien de sa production n’a subsisté11.

Prenons pour observatoire seize villes de Flandre, d’Artois et de Picardie12. Dans tout cet espace, le rapport entre les ouvrages pédagogiques aujourd’hui repérables dans les bibliothèques (240 éditions) et les demandes formulées par les imprimeurs à la direction de la Librairie (144 permissions, plus rarement des privilèges) n’est pas disproportionné, mais l’intersection des deux ensembles est mince : seules 43 éditions sont produites à la suite d’une décision de l’administration royale, tandis que 197 autres échappent à l’enregistrement. Le contrôle sur la production des livres n’est cependant pas mené à la légère. Avec le rattachement de Lille à la France, l’administration royale impose ses règles. Localement pourtant, les autorités locales court-circuitent une partie des contrôles, avec un souci marqué de défendre leurs prérogatives. C’est en utilisant leurs privilèges que les évêques font paraître les instruments de l’édification puérile, comme l’Histoire abrégée de l’Ancien Testament et l’Histoire abrégée de la vie de Jésus-Christ imprimées à Boulogne par Charles Battut, ou les Prières et instructions chrétiennes imprimées à Beauvais par Desjardins et à Soissons par Courtois. La province de Flandre est également marquée par une très forte présence jésuite, héritée de la Contre-Réforme catholique et de la période espagnole, dont la production scolaire échappe très largement aux regards de l’administration royale. Aucun des quarante ouvrages qu’on a conservés de l’imprimeur douaisien Jacques-François Willerval, l’imprimeur attitré des collèges de la province gallo-belge, n’apparaît dans les registres royaux. Après une période de fragilisation au moment de l’expulsion de la Compagnie, le voilà imprimeur du collège d’Anchin et c’est alors seulement que sa production devient visible depuis Paris. Mais la majeure partie des impressions n’emprunte pas ces circuits alternatifs et leur absence des registres s’explique par un rapport plus ou moins lâche aux obligations administratives. Beaucoup d’ouvrages sont imprimés sans permission ou sous le couvert d’une permission périmée depuis longtemps : les Instructions de la jeunesse de Gobinet produites par Jean-Baptiste puis Pierre Brovellio à Lille en 1712 et 1762 portent simplement une approbation donnée à Bruxelles en 1688, celle du Livre des enfants imprimé par Florent-Joseph Jacquez en 1755 remonte à 1706. Ce que dit l’écart entre les deux pesées, matérielle et administrative, c’est donc moins la faible représentativité des registres royaux (qui ne fait plus aucun doute pour les historiens) que l’enchevêtrement des autorités locales qui se mêlent d’autoriser l’impression des livres scolaires et les rendent invisibles à l’administration parisienne, magistrats urbains, évêques, jésuites ou académies. Les silences parisiens mettent aussi en évidence la capacité des libraires et imprimeurs à mesurer l’intérêt d’avoir des documents en règle, à rentabiliser dans la longue durée les permissions et les privilèges octroyés, à exploiter de façon systématique les failles des systèmes de surveillance13.

Inversement, une centaine de permissions ou de privilèges ont été délivrés dans cet espace sur la période 1701-1788, sans évidence qu’ils aient été utilisés dans les délais requis. Autant que le précédent, ce nombre questionne la représentativité des registres royaux. S’agissant de petits ouvrages scolaires, on peut faire l’hypothèse qu’ils ont purement et simplement disparu. Mais il faut aussi se couler dans la logique d’un imprimeur pour qui une permission périmée ne perd jamais toute sa valeur et reste toujours bonne à mettre sur une édition, même éloignée dans le temps, en guise de témoignage de bonne foi. Le chiffre invite à essayer de comprendre le sens de la démarche qui consiste à demander, par exemple, une permission royale pour un simple Cicéron de collège. La démarche a en effet un coût qui n’est pas négligeable (autour de 7 l. pour une permission, 36 l. pour un privilège) et elle n’est pas entreprise à la légère. Les gens du livre y recourent à la suite d’arbitrages qui combinent la nature de leur production, les habitudes familiales et celles de l’atelier, la proximité géographique et le caractère plus ou moins accommodant des relais du pouvoir royal, la présence d’autres autorités susceptibles de s’y substituer. Certes, la permission munit le libraire d’un acte destiné à faire foi dans les procédures de vérification (visite de contrôle des ateliers) et dans les procès entre pairs (accusations de contrefaçon). Mais les chiffres pointent vers d’autres usages du privilège, comme le suggère Henri-Jean Martin, qui voit dans certaines demandes de permission « un moyen de se réserver le sujet » ou un investissement rentabilisé dans la longue durée, et pas forcément dans les délais prévus par la loi14.

Des travaux récents ont renouvelé dans cette perspective l’étude des textes des privilèges15. Le privilège peut prendre l’allure d’un quasi-catalogue lorsqu’il s’applique à un ensemble de titres, comme dans l’Histoire abrégée de l’Ancien Testament publiée par Pierre Berton en 1761, dont le privilège énumère une douzaine de titres à l’usage des écoles. Il peut également être utilisé comme un outil publicitaire plus offensif, comme dans le cas du conflit ouvert qui oppose, pour la clientèle des collèges, les libraires parisiens Jean-Joseph Barbou et Jean-Baptiste Brocas au début du xviiie siècle. Le second accuse le premier d’avoir falsifié le privilège de librairie obtenu pour les Principia linguae graecae en 1717 en s’inspirant d’un document plus ancien, octroyé à Simon Bénard en 1679 et portant la mention « des désordres que les différentes impressions apportaient dans les classes du collège des jésuites ». Outre que la manipulation est tout à fait illégale, le remploi du texte vise selon Brocas à « épouvanter les écoliers de ce collège, et par cette clause leur mettre un frein qui les empêchât d’acheter ailleurs que dans sa boutique les livres qui sont à l’usage des classes des Jésuites ». Ce n’est pas un hasard, souligne encore le rival, si le privilège a été « mis au revers du frontispice, afin que les écoliers à l’ouverture du livre ne pussent ignorer qu’il leur était ordonné De par le Roi, les pères jésuites et Barbou, d’acheter malgré qu’ils en eussent aux Cigognes [enseigne des Barbou]tous les livres dont on se sert au collège de Louis-le-Grand »16. Dans ce procès, les libraires postulent que les péritextes sont lus par les écoliers et qu’ils peuvent fonctionner comme un véritable prospectus publicitaire, capable de capter la clientèle ou de l’écarter des boutiques voisines.

Commerce des livres et identités marchandes

Ce dont témoigne cet épisode, c’est que la spécialisation des libraires n’est pas uniquement le résultat d’un arbitrage dans le travail des presses, qu’on pourrait tenter de mesurer à partir des sources comptables et des inventaires après décès. Le choix d’une localisation dans la ville, l’adresse typographique, la confection d’un catalogue particulier sont autant d’investissements de forme qui donnent à voir le lien privilégié avec le monde pédagogique, et facilitent la captation des clientèles. Pour éclairer la place spécifique des usages scolaires dans la construction des identités marchandes, on peut s’appuyer sur le dossier des relations entre les libraires parisiens et les imprimeurs troyens, souvent mentionnées par Martin, à rebours d’une historiographie qui voyait dans la production de colportage troyenne une denrée à destination des seules campagnes17.

Le point de départ de l’enquête est la série des registres des douanes parisiennes, où sont enregistrés les paquets transmis pour contrôle à la chambre syndicale des libraires et imprimeurs de Paris18. Entre 1697 et 1720, dix individus se déplacent plus de cinq fois à la chambre pour retirer des colis en provenance de Troyes. Si le registre ne précise pas la teneur des envois, le croisement des sources permet d’en identifier un certain nombre comme contenant des alphabets et livrets pieux à l’usage des écoles. Ces produits de faible valeur alimentent des stratégies commerciales assez différentes parmi les libraires de la capitale. Le premier type est celui des boutiques qui servent, dans la capitale, de comptoir de vente aux ateliers troyens. Le cas des Oudot, qui construisent une interdépendance étroite entre l’atelier troyen et la boutique parisienne, est relativement unique. Les imprimeurs troyens, et plus largement champenois, sont nombreux à compter des parents dans la capitale, sans que ce lien de parenté implique forcément – le cas est même plutôt rare – un partenariat commercial. Les inventaires après décès des parisiens Jacques Le Febvre (1713) et Arnoul Seneuze (1720) ne mettent pas en évidence de liens privilégiés avec leurs parents châlonnais et troyens19. Même si la veuve de Nicolas III Oudot déclare vendre également des productions de Rouen, le registre de la douane laisse penser que son beau-frère Jacques II Oudot y rencontrait peu de concurrence. Entre 1696 et 1720, elle reçoit 261 envois de Troyes, contre 31 seulement de Rouen, un de Lyon et un de Langres. Réciproquement, la boutique de la rue de la Vieille-Bouclerie constitue un élément central dans l’économie de l’atelier troyen, dont elle est l’unique débouché parisien. En 1722, la veuve Oudot et sa fille Marie sont les seules débitrices parisiennes signalées parmi les dettes actives de l’inventaire de Jacques Oudot. Elles y figurent pour 7088 l., contre un peu plus de 5200 l. pour l’ensemble des libraires de province20. Souvent identifiée à la littérature de colportage, la veuve Oudot est également un important fournisseur des écoles charitables de la capitale. Son catalogue général précise qu’elle débite des livrets de piété, « et principalement tous ceux qui sont à l’usage des écoles chrétiennes et pour l’éducation des enfants ». De sa boutique émane aussi un catalogue particulier consacré aux « livres à l’usage des écoles », incluant psautiers, heures, civilités, différents types d’alphabets sortis des presses de son beau-frère, ce qui constitue pour l’époque un investissement relativement rare21. En 1716, elle réalise la troisième édition parisienne des Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne à l’usage des écoles de Jean-Baptiste de La Salle, imprimée à Troyes chez Oudot.

Les autres imprimeurs troyens ont leurs débouchés propres dans la capitale. À la différence de la veuve Oudot, forte d’une certaine aisance, la caractéristique commune de ces libraires parisiens est de se situer dans la moitié la moins riche de leur communauté. Jean-Baptiste Musier et François I Rivière, clients des Febvre, figurent même parmi les plus pauvres du métier, si l’on en croit leur niveau d’imposition : 6 l. en 1695 pour le premier (20 l., à la même date, pour la veuve Oudot), 5 l. en 1722 pour le second. C’est donc « par le bas » de la profession que se fait la diffusion des livrets scolaires troyens. Pour beaucoup, la fourniture d’ABC n’est pas dissociable de celle des autres impressions troyennes, et notamment de celle des almanachs, véritable locomotive de ce commerce. Pourtant, l’achat en gros des ABC peut jouer un rôle dans certaines carrières marchandes. Le cas des Rivière, père et fils, est en ce sens intéressant. En 1701, Nicolas Rivière (60 ans) a un étal de livres à la porte Saint-Eustache, quand son fils François I (35 ans), relieur, tient une boutique de librairie rue de la Bûcherie22. Dans la supplique présentée au roi en 1703 pour se faire recevoir comme libraire et régulariser sa situation, le fils expose qu’il exerce depuis une vingtaine d’années la profession « de marchand libraire pour vendre des alphabets, almanachs et petits livres de dévotion qui se débitent communément à la porte des églises les jours de fêtes ». Il fait valoir que son père « n’a pas moyen de tenir boutique, attendu son âge et ses infirmités » et que lui-même, « ayant eu une main estropiée, n’est pas en état de relier »23. Reçu libraire en 1705, il est installé sur le Pont-au-Change en 1708. Si les Rivière comptent effectivement parmi les libraires les plus pauvres de la capitale, l’image d’éclopés gagnant péniblement leur vie sur les ponts et à la porte des églises ne correspond que partiellement à la réalité. Elle n’empêche pas, en tout cas, une tentative de stratégie commerciale appuyée, au moins pour un temps, sur le créneau du livre scolaire, en relation avec le bassin troyen. En 1701, le fils déclare qu’il a « ajetté des alphabet[s] de Troyes et les [a] fait venir a Paris et ont esté visité au bureau de Messieurs les libraires a Paris et vent aussi des heures que je tire de chez Messieurs les libraires et imprimeurs de Paris », le père qu’il « vend des anciens livres, et fait imprimer des alphabets »24. L’année suivante, ce dernier passe des alphabets à une production scolaire un peu plus conséquente, dont il prend l’initiative : il obtient la permission de faire imprimer des Heures de Notre-Dame à partir d’un « in-24 de grosse lettre à l’usage des enfans qui apprennent à lire, imprimé à Troyes, et dont l’office est en latin »25. À partir de 1703, l’affaire familiale gagnant en ampleur, toujours en relation avec Troyes, le matériel scolaire perd en importance face à d’autres types de produits de grande diffusion. Cette année-là, le fils passe un marché d’exclusivité réciproque avec l’imprimeur troyen Jacques Febvre pour différentes sortes de livres : une bonne partie du catalogue de la Bibliothèque bleue s’y retrouve, incluant seulement, du côté scolaire, deux sortes de Civilité françoise (avec et sans quatrains), des fables d’Ésope et une arithmétique26. En 1705, il traite également avec l’imprimeur troyen Adenet pour des almanachs27. Autant de contrats qui expliquent l’importance des flux (47 envois en cinq ans) entre la cité champenoise et la boutique parisienne. En 1708, François Rivière obtient un privilège local pour l’impression des Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne. Rivière choisit son camp, sans doute pour défendre sa clientèle : il dédie l’ouvrage au chantre de l’église métropolitaine de Paris, qui vient de sortir victorieux du conflit avec les écoles charitables de Jean-Baptiste de La Salle.

La dernière modalité d’entrée des livrets scolaires troyens dans la capitale se fait, non plus par le bas de la hiérarchie des libraires, mais par son côté. Il s’agit des relations qu’entretiennent les imprimeurs troyens avec la communauté des merciers, « marchands de tout, faiseurs de rien » selon l’expression de Savary Des Bruslons. Parmi les quelque deux mille merciers qui peuplent la capitale au tournant du xviiie siècle, plusieurs figurent sur les registres de la douane comme destinataires de livres scolaires troyens : Jean-Baptiste Chaillou, Edme Deschamps qui retire en 1696 « une ballette remplie d’alphabets et almanacqs » de Troyes, ou Jacques Charité qui reçoit huit paquets entre 1702 et 170728. Ces envois sont des nœuds de discorde qui contribuent à envenimer les relations entre la communauté des merciers et celle des libraires et imprimeurs parisiens. Les merciers se réfèrent en effet à des statuts de 1613 qui les autorisent à vendre « heures, psautiers, catéchismes et autres livres de prières », quand les libraires en appellent à un arrêt du parlement de Paris de 1676 qui restreint cette liberté aux seuls almanachs et alphabets. Avant que l’arrêt du Conseil de 1730 ne fixe durablement les termes de leur compétence aux almanachs et livres de prières de moins de deux feuilles d’impression, les conflits d’interprétation de la législation engendrent des pratiques illégales larvées. De fait, les envois d’ABC des libraires troyens vers les merciers parisiens sont autant une réalité commerciale qu’une couverture pour des échanges à la légalité controversée. Gilles Deschamps est ainsi condamné en 1664 pour avoir dissimulé six douzaines de manuels de dévotion dans une « manne d’almanachs marquée ABC » venue de Rouen. C’est également ce qui arrive à Charité en janvier 1707, auquel on retient « 36 douzaines d’heures de N. Dame dites longuettes » trouvées dans une balle venue de Troyes29.

Le commerce des livrets scolaires troyens fait donc coexister des acteurs aux stratégies dissemblables. Véritable vitrine pour la veuve Oudot, il n’est qu’une étape dans une trajectoire ascendante pour les Rivière, tandis qu’il sert bien souvent, chez les merciers, de marchandise-écran. L’analyse des relations entre Troyes et Paris met également en évidence la manière dont une unique source d’approvisionnement vient abonder des filières légales autant que des formes plus ou moins contestées de commerce de librairie, comme celles des merciers ou des relieurs qui se mêlent de vendre des livres.

Comment classer les livres ? des catégories de contenu aux catégories d’usage

Comme le montre le cas des catalogues de la veuve Oudot, c’est le classement des livres qui contribue à l’identifier comme libraire des écoles. Le catalogue participe à l’éventail des dispositifs à travers lesquels auteurs et libraires adressent leurs livres à un public scolaire ou juvénile. Ce classement des livres, par le public projeté, ne répond pas à la même logique que celui qui organise les livres par matière, dans les catalogues ou les inventaires de bibliothèque. Il correspond à une autre clé de l’ordre des livres, celle de l’usage, que l’on peut aborder de deux manières. D’un côté, les libraires aménagent dans les catalogues la catégorie des usages, d’abord religieux (« livres à l’usage de la communauté des ursulines », par exemple), puis scolaires à partir du début du xviiie siècle (« livres à l’usage des écoles », « livres à l’usage des collèges et des pensions »). La place particulière de ces ensembles, généralement situés en fin de catalogue, signale qu’il s’agit une catégorie commerciale, plus qu’intellectuelle30. D’un autre côté, on voit apparaître au xviiie siècle des titulatures « à l’usage de » ou « pour servir à » : phénomène relativement nouveau au xviiie siècle, le syntagme devient courant dans les titres au xixe siècle, avant de passer de mode au xxe siècle. Ce genre de titulature est indicateur d’une nouvelle conception des marchés du livre, qui désigne son lectorat, mais aussi d’une évolution du rôle du livre dans les interactions pédagogiques : le Livre à l’usage des écoles du diocèse d’Amiens où sont contenues les principales actions de la Vie de Notre Seigneur Jésus Christ pour estre enseigné après le catéchisme (Amiens, Caron-Hubault, 1708), dont l’usage est imposé par l’évêque d’Amiens aux écoles de son diocèse, se présente d’abord comme un « livre » à manipuler et à lire ensemble, à un certain moment du cursus scolaire, et pas comme une histoire sainte infantilisée.

Henri-Jean Martin est revenu à plusieurs reprises sur la question de ces pages de titre qui lui semblent constituer, par leur dimension publicitaire, le « premier élément du rapport moderne au livre », comme il le souligne encore dans les entretiens avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob : « Le livre étant une marchandise, il est précédé par une publicité. La page de titre, c’est avant tout la publicité d’un livre »31. En ce sens, il faut étudier l’intitulation comme une publication, c’est-à-dire comme une action révélatrice de certains rapports de pouvoir (entre l’auteur et le libraire, par exemple) et comme une action créditée d’une certaine efficacité (celle de faire connaître et vendre l’ouvrage, avant tout). Cette efficacité n’est pas uniquement économique, elle est aussi intellectuelle : le pouvoir d’un titre est de réussir à imposer de nouveaux syntagmes, comme le montre l’exemple des « amis », depuis l’Ami des hommes de Mirabeau (1756), ou de « la fabrique de », plus près de nous. Les intitulations fonctionnent comme un laboratoire de formules, d’autant plus efficaces qu’un titre, comme le rappelle Martin, doit être par nature accrocheur. Le titre des livres constitue en effet un de ces éléments de langage qui circulent dans la société, sous le regard de tous. Les livres sont exposés dans les librairies, étalés dans les rues, avec leur page de faux-titre bien visible ; les titres sont reproduits sur les affiches, dans la presse. Sous une forme ou sous une autre, le titre participe donc de ces écritures exposées qui saturent l’espace visuel des villes de l’Ancien Régime.

Ces titulatures adressées marquent l’émergence de l’idée selon laquelle les enfants doivent manipuler des objets faits pour eux. Cet ensemble n’a pas encore acquis l’épaisseur d’une catégorie bibliographique, mais il constitue un produit éditorial bien reconnaissable depuis sa page de titre. Un des auteurs, Perrault, évoque « la multitude des ouvrages élémentaires, ou soi-disant tels, c’est-à-dire de ceux qui ont été intitulés pour les enfants »32. Ces ouvrages constituent donc une catégorie flottante, identifiable quoique « sans murs ». Il ne faut malgré tout pas surestimer l’impératif d’infantilisation de ces supports, comme en témoigne la persistance des adresses « mixtes », qui juxtaposent l’usage de la jeunesse et celui d’autres catégories de lecteurs. Ces accolages sont une pratique courante dans la librairie européenne. Ils ne dérivent pas simplement du souci commercial de ménager des marchés conséquents pour l’ouvrage. La mention des publics adultes, accolés aux publics enfantins, renvoie à certaines constructions disciplinaires (comme pour la grammaire française, historiquement d’abord destinée aux étrangers) et à l’importance de l’autodidaxie des jeunes gens et des adultes dans les sociétés d’Ancien Régime. La pluralité des lectorats visés reflète aussi une grande tolérance sociale à l’égard de l’indifférenciation des supports. La possibilité, pour tout un chacun, de tirer bénéfice de lectures explicitement adressées à des enfants, fait partie du pacte de lecture de ces ouvrages ; c’est la position contraire qui doit être justifiée. En 1754, le maître de pension Jean-Pierre Bridault publie des Mœurs et coutumes des Romains, pour lesquelles il assume le choix d’un public restreint : « Ce n’est point la République des Lettres que j’ai prétendu enrichir […] mon dessein n’est donc que de contribuer à l’éducation des jeunes gens ». Or cette intention ne semble pas avoir été comprise. Les comptes rendus publiés dans le Journal des savants et dans le Journal de Trévoux soulignent tous deux que l’auteur a négligé d’indiquer ses sources dans la marge : « Cette attention paraît superflue à l’égard des jeunes gens qui se contentent de tout ; mais il n’en est pas ainsi du public ». La remarque témoigne de la résistance à l’idée d’un abrégé pour les enfants qui ne serait pas également un outil de rattrapage (pour les jeunes adultes) et de remémoration (pour les savants).

Ce développement conduit à un dernier point, qui concerne « l’histoire morphologique des dispositifs de la lecture », c’est-à-dire à ce que produit, à l’intérieur du livre et au cœur du texte imprimé, la pensée d’une différence de l’enfance33. On prendra le cas des petits classiques latins, production routinière de mauvaise réputation au xviiie siècle, moins étudiés que les petites grammaires latines34. Dans La naissance du livre moderne, Martin explique comment Guillaume Fichet et Jean Heynlin adoptent à la fin du xve siècle « ces divisions (qu’on nomme chapitres) [qui] donnent certainement à l’ouvrage une grande clarté au point d’en rendre la lecture facile, même aux enfants »35. Entre le respect de la tradition « monobloc » des textes classiques et la lisibilité de la page imprimée, les imprimeurs parisiens ont choisi la seconde : dès l’âge de l’humanisme, ils s’adaptent aux attentes des écoliers français, moins familiers de la langue latine que leurs homologues italiens, ou plus marqués par les exigences de clarté de la scolastique. Un siècle plus tard, les milieux philologiques stabilisent la division des textes classiques en paragraphes numérotés : Casaubon établit une numérotation de référence pour Suétone en 1595, Grüter pour les œuvres de Tite-Live et de Cicéron dans les premières décennies du xviie siècle36. Mais contrairement à la division en chapitres, ces innovations philologiques passent plus lentement dans l’édition classique à destination des collèges. Dans les éditions scolaires des discours de Cicéron imprimées au début du xviiie siècle, les titres soulignent cet aspect (numeris et capitibus distincti), parfois comme s’il était nouveau37. Dans la préface à son édition de la Conjuratio Catilinæ de Salluste en 1711, l’imprimeur parisien Jean-Baptiste Brocas signale qu’il a pris le parti de diviser le texte par chapitres et par sections (opus nunc primum in capita seu sectiones distributum), afin d’en faciliter la lecture aux jeunes gens38. En réalité, la nouveauté vient d’un découpage plus menu que dans les éditions érudites classiques, adapté à l’idée que les libraires se font des capacités de concentration des élèves. Dans les éditions classiques réalisées par le régent Denis Gaullyer, dans les années 1720, le texte est chiffré « de dix lignes en dix lignes environ. C’est la leçon ordinaire qu’on donne à apprendre dans les basses classes ». L’édition Barbou des Commentaires de César (1re édition repérée : 1763) signale que « les articles sont ici plus multipliés que dans les éditions ordinaires ; nous en avons usé ainsi pour la commodité des jeunes gens, qui n’aiment pas à voir cinq à six pages sans repos et sans alinéa ». La scolarisation du texte par l’ajout de métadescripteurs nouveaux prend acte de la familiarité déclinante des collégiens avec le latin et de la transformation du statut du livre de classe, qui n’est plus seulement un livre dans lequel on lit, mais un livre dans lequel on travaille.

L’enrichissement progressif d’une partie de ces éditions, auxquelles les éditeurs ajoutent des notes, une traduction française, des renvois grammaticaux, des numéros qui restituent les mots dans l’ordre de la phrase française, etc., pose des questions qui sont celles de La naissance du livre moderne. La première concerne les opérations cognitives liées à la manipulation de ces ouvrages. On sait que la prise de notes contribue à structurer la pensée, à mémoriser autrement, voire à penser autrement. Le fait que cet effort soit désormais pris en charge par l’appareil typographique a sans doute contribué à faire évoluer non seulement les conditions du travail collégien (qui a moins à écrire – et c’est vrai aussi pour les grands collégiens de philosophie), mais aussi les modalités de l’assimilation des connaissances. La chose est d’autant plus notable que cette évolution va de pair avec la lente disparition des feuilles classiques, remplacées par des petits volumes sur lesquels il est désormais plus difficile d’écrire, ce qui entraîne la dissociation entre la manipulation du texte imprimé et l’exercice de la prise de notes. La seconde remarque rejoint celle que Christian Jacob faisait à Henri-Jean Martin au sujet des « communautés textuelles » constituées par leur familiarité avec une certaine morphologie du livre39. De fait, apprendre le latin dans la seconde moitié du xviiie siècle suppose d’avoir appris à se servir d’ouvrages qui, par la profusion confuse des métadescripteurs, sont devenus difficilement lisibles pour le reste de la population.

Si les pratiques pédagogiques des maîtres, des précepteurs et des parents semblent souvent dissoudre la catégorie des livres scolaires, celle-ci retrouve un peu de robustesse lorsqu’on la considère du côté des imprimeurs et des librairies. Omniprésents, quoique de faible valeur, les livres à l’usage des écoles et des collèges offrent alors un riche terrain d’enquête sur le monde de la librairie d’Ancien Régime. De cette double « filière », scolaire et classique, on peut suivre les hiérarchies de la production (de l’imprimeur famélique au libraire privilégié des collèges), les circuits commerciaux, les innovations typographiques et les stratégies publicitaires. En cette matière comme dans d’autres, les pistes ouvertes par les travaux d’Henri-Jean Martin ne demandent qu’à être suivies.

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1 BnF, ms. fr. 21747, f. 14 (sans date, mais entre 1667 et 1674).

2 Dominique Julia, « Livres de classe et usages pédagogiques », dans Histoire de l’édition française, dir. R. Chartier et H.-J. Martin (dir.), t. 2, Le livre triomphant, 1660-1830 [1984], Paris, Fayard, Cercle de la Librairie, 1990. Sur la littérature de jeunesse, Marie Leprince de Beaumont. De l’éducation des filles à La Belle et la Bête, éd. Jeanne Chiron et Catriona Seth, Paris, Classiques Garnier, 2013. L’œuvre de Madame d’Épinay, écrivain-philosophe des Lumières, éd. Jacques Domenech, Paris, L’Harmattan, 2010. Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Madame de Genlis et le théâtre d’éducation au xviiie siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 1997. Sur la construction des disciplines, André Chervel, Histoire de l’enseignement du français du xviie au xxe siècle, Paris, Retz, 2006, et Annie Bruter, L’histoire enseignée au Grand Siècle. Naissance d’une pédagogie, Paris, Belin, 1997.

3 Alain Choppin, « Le manuel scolaire, une fausse évidence historique », Histoire de l’éducation, 117, 2008, p. 7-56.

4 L’expression est utilisée dans le sens que lui donne R. Chartier, L’ordre des livres : lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre xive et xviiie siècle, Aix-en-Provence, Alinéa, 1992. On propose ici certains aspects d’un travail en cours de publication, Emmanuelle Chapron, La librairie des enfants. Livres d’école et littérature de jeunesse en France au xviie siècle, à paraître en 2021 (Oxford University Studies in the Enlightenment).

5 R. Chartier, « Préface », dans H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701) [1969], Genève, Droz, 1999, p. xx.

6 Ibid., p. 68.

7 Ibid., p. 80.

8 Ibid., p. 299, 326.

9 BnF, ms. fr. 22067, pièce 180.

10 BnF, ms. fr. 22 071, pièce 205, f. 518, « Arrêt contradictoire… », 16 juillet 1703.

11 BnF, ms. fr. 22127, f. 391.

12 La zone correspond à celle qui est traitée dans Albert Labarre, Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au xviiie siècle. Tomes VI-XII. Artois, Flandre, Picardie. I-VII. Abbeville, Aire-sur-la-Lys, Amiens, Armentières ; Arras ; Bailleul, Beauvais, Bergues, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Calais, Cambrais, Compiègne ; Douai ; Dunkerque, Laon, Maubeuge, Noyon, Péronne, Saint-Omer, Saint-Quentin, Senlis, Soissons, Tourcoing ; Valenciennes ; Lille I (1701-1740), Lille II (1741-1770) et Lille III (1771-1789), Baden-Baden, Bouxwiller, V. Koerner, 1997-2000. Frédéric Barbier, « L’économie du livre dans le Nord de la France au siècle des Lumières », dans Livre et lumières dans les Pays-Bas français de la Contre-Réforme à la Révolution, Valenciennes, Cercle archéologique et historique de Valenciennes, 1987, p. 97-118.

13 De manière comparable à ce que l’on trouve décrit pour d’autres secteurs d’activité : voir Fraude, contrefaçon et contrebande de l’Antiquité à nos jours, dir. Gérard Béaur, Hubert Bonin et Claire Lemercier, Genève, Droz, 2006.

14 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société…, op. cit. [note 5], p. 80.

15 Voir l’article de Nicolas Schapira dans ce même dossier et, du même, « Le monde dans le livre, le livre dans le monde : au-delà du paratexte. Sur le privilège de librairie dans la France du xviie siècle », Histoire et civilisation du livre, 6, 2010, p. 79-96.

16 Mémoire pour le sieur Jean-Baptiste Brocas, libraire à Paris. Contre le sieur Jean Barbou, aussi libraire à Paris [Paris, 1713], 66 p. (BnF, ms. fr. 22072, pièce 44).

17 H.-J. Martin, « Culture écrite et culture orale, culture savante et culture populaire dans la France d’Ancien Régime », Journal des savants, 1975, p. 225-282.

18 BnF, ms. fr. 21897-21926, exploités pour la période 1697-1720. La source a aussi été exploitée par J.-D. Mellot, L’édition rouennaise et ses marchés (vers 1600-vers 1730). Dynamisme provincial et centralisme parisien, Paris, École des chartes, 1998, p. 380-384, 610-628.

19 AN, Minutier central, Et/I/253, 24 octobre 1713 et Et/XXXIV/415, 19 novembre 1720.

20 AD Aube, 2 E 11/53, fol. 28v°. Sur le réseau commercial d’Oudot, Robert Mandrou, De la culture populaire aux xviie et xviiie siècles [1964], Paris, Imago, 1985. H.-J. Martin, « Culture écrite et culture orale… », art. cit. [note 17].

21 Catalogue des livres qui se vendent en la boutique de la veuve de Nicolas Oudot, libraire, rue de la Harpe, vis-à-vis la rue du Foin, à côté de la rue des Deux Portes, à l’Image de Notre-Dame, à Paris, s.l. [1722-1723].

22 BnF, ms. fr. 22065, f. 104-105.

23 AN, V6 791, séance du 22 février 1703.

24 BnF, NAF 400, f. 246-247.

25 BnF, ms. fr. 21939, article 863. Il obtient une permission simple de 4 ans le 5 décembre 1702.

26 AN, MC, et/XVII/485, Mémoire des sortes que Jacques Febvre, imprimeur et marchand-libraire à Troyes doit imprimer pour le sieur François Rivière, marchand libraire à Paris, 29 janvier 1703. Sur ces relations, H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle…, op. cit. [note 4], p. 957.

27 BnF, ms. fr. 21931, p. 366.

28 BnF, ms. fr. 21930, f. 53.

29 BnF, ms. 22081, f. 296, sentence du 3 septembre 1664 et ms. fr. 21931, Estat des livres arrestez dans les visites faites par les syndic & adjoints, p. 54.

30 E. Chapron, « Catégories de l’entendement éditorial et ordre des livres. Les livres d’éducation dans les catalogues de libraires du xviiie siècle », dans L’Annonce faite au lecteur. La circulation de l’information sur les livres en Europe (16e-18e siècles), dir. Annie Charon, Sabine Juratic et Isabelle Pantin, Louvain, Presses universitaires, 2016, p. 243-265.

31 H.-J. Martin, Les métamorphoses du livre. Entretiens avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob, Paris, Albin Michel, 2004, p. 270.

32 Perrault, Abrégé d’histoire naturelle pour l’instruction de la jeunesse, Strasbourg, Amand Koenig ; Paris, Barrois jeune, 1786, p. 12.

33 H.-J. Martin, Les métamorphoses du livre…, op. cit. [note 31], p. 238 ; l’expression est de J.-M. Chatelain.

34 Jean Hébrard, « L’évolution de l’espace graphique d’un manuel scolaire : le Despautère de 1512 à 1759 », Langue française, 59, 1983, p. 68-87.

35 Lettre de Fichet à Heynlin, 7 mars 1472, en tête du De officiis de Cicéron, citée par H.-J. Martin, La naissance du livre moderne, xive-xviie siècle, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2000, p. 128.

36 Voir l’utile mise au point de Frédéric Saby, « Du texte au livre » dans La collection ad usum Delphini. L’Antiquité au miroir du Grand Siècle, éd. Catherine Volpilhac-Auger, Grenoble, ELLUG, 2000, p. 136-147.

37 Selectæ Marci Tullii Ciceronis orationes, numeris distinctæ, ad usum scholarum, Beauvais, Courtois, 1703. M. Tullii Ciceronis libri rhetorici numeris capitibusque distincti, et brevibus argumentis capita illustrati, Paris, Brocas, 1704. Selecta M. T. Ciceronis opera, numeris et capitibus ad usum scholarum distincta, Paris, Nyon, 1711.

38 C. Sallustii Crispi Conjuratio Catilinae et Bellum Jugurthum. Opus nunc primum in capita seu sectiones distributum, Paris, J. B. Brocas, 1711.

39 H.-J. Martin, Les métamorphoses du livre…, op. cit. [note 31], p. 246.