Henri-Jean Martin et l’histoire du livre de musique
Henri-Jean Martin s’est interrogé sur la catégorie de texte toute particulière que sont les partitions de musique. À maintes reprises, il a posé le problème du statut et de la fonction du musical au sein de son « histoire des moyens sociaux de communication ». Ces enquêtes n’ont cependant pas été menées directement mais à partir de problématiques plus générales auxquelles elles apportent un éclairage spécifique. Elles se trouvent disséminées dans l’ensemble des travaux de Martin et l’analyse des principaux ouvrages et articles permet de dégager la profonde cohérence sous-jacente à ces différentes approches.
Présentons ce questionnement sur la musique tel qu’il a pu se formuler et évoluer chronologiquement au fil des différents jalons de sa production d’historien. Il sera possible ensuite de se demander quelle en fut la réception auprès des musicologues spécialisés dans l’histoire de l’édition musicale.
L’imprimé de musique : une marchandise ?
Dans L’Apparition du livre, Martin a exploité certaines données concrètes tirées du monde de l’édition musicale afin d’illustrer divers mécanismes généraux de la librairie d’Ancien Régime1. On peut les regrouper principalement autour de trois points. Le premier a trait aux caractères typographiques : Martin a brossé l’évolution sociologique de la famille Le Bé en s’attachant plus particulièrement à la figure de Guillaume Ier Le Bé (1525-1598). Ce dernier, tailleur de poinçons, a gravé des caractères musicaux pour les imprimeurs-libraires de musique associés Adrian Le Roy (15..-1598 ?) et Robert Ballard (15..-1588). L’officine de ces associés fut active sous leur direction de 1551 à 15982. Toutefois, si Martin a bien intégré dans son ouvrage des passages sur les caractères typographiques spécifiques comme ceux des alphabets grec, cyrillique ou hébreu, il n’a pas développé la question des caractères de musique proprement dits. La deuxième référence se trouve au quatrième chapitre, « Le livre, cette marchandise » : il aborde la question des différents types de relations que les auteurs pouvaient entretenir avec leurs imprimeurs-libraires, notamment dans le cas d’une diffusion limitée d’imprimés. À partir des archives Plantin-Moretus, il évoque la participation des auteurs au lancement d’une édition par le biais du rachat d’un certain nombre d’exemplaires, et précise que cela était fréquent dans l’édition musicale3. Enfin, dans la seconde partie de l’ouvrage, « Le livre, ce ferment », au chapitre sur la Réforme, la pratique du chant par les psautiers est présentée de façon détaillée. Martin souligne qu’elle était une caractéristique forte dans le monde des Réformés ; il décrit plusieurs modes d’appropriation chantée de ces psautiers par les lecteurs sans toutefois faire mention des imprimeurs qui ont publié cette catégorie d’ouvrages au moyen de la typographie musicale. Et s’il aborde ensuite l’histoire du privilège royal accordé à Antoine Vincent (153. ?-1572 ?) en 1561 pour lancer la vaste entreprise de publication de psautiers avec dix-neuf libraires parisiens associés4, en revanche il n’indique pas que les imprimeurs-libraires de musique Le Roy et Ballard firent partie de cette entreprise, ni qu’ils publièrent à cette occasion un psautier avec de la musique monodique imprimée5.
La place de la musique dans L’Apparition du livre reste donc ponctuelle et limitée. Cela conduit à s’interroger sur la documentation dont disposait Martin à l’époque de la rédaction de son livre ; et il est possible de distinguer trois catégories de sources. Concernant les archives, il a exploité quelques actes notariés qui renvoient au monde de la typographie musicale. Ces documents proviennent de l’étude XXXIII du Minutier central, qui avait été en partie dépouillée et publiée par Ernest Coyecque (1864-1954) entre 1905 et 19296. Martin cite ensuite trois ouvrages sur la typographie musicale. Le premier ne touche que marginalement l’édition de musique car il s’agit de la production imprimée de Christophe Plantin (1520-1589), dont l’officine n’a lancé que 21 éditions de musique : Martin s’appuie sur l’étude de Rooses de 1892 pour les sources d’archives plantiniennes7, alors qu’existait déjà une monographie plus spécifiquement dédiée à la typographie musicale aux Pays-Bas8. Le deuxième est la monographie consacrée aux associés Le Roy et Ballard, imprimeurs du roi et principaux imprimeurs-libraires de musique à Paris à côté de Pierre Attaingnant (1494 ?-1552 ?) et Nicolas Du Chemin ( ?-1576) ; écrite par François Lesure (1923-2001) et Geneviève Thibault (1902-1975), elle venait d’être publiée, en 19559. En troisième lieu, il faut ajouter des travaux sur les caractères typographiques : Robert Granjon (1513-1589) et Guillaume Ier Le Bé sont évoqués à partir des études de Dalbanne et de Howe10 ; Martin n’a donc pas exploité des ouvrages spécifiquement musicologiques sur la typographie musicale, à l’exception de la toute récente parution consacrée aux imprimeurs-libraires Le Roy et Ballard.
Des références au secteur spécialisé de l’édition musicale sont également faites dans Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle mais elles ne sont pas en rapport avec le paradigme central de cet ouvrage11. En effet, un des apports principaux de la thèse réside dans le recours à la statistique bibliographique qui a permis la mise en parallèle d’une histoire socio-économique de la librairie parisienne avec l’évolution des contenus publiés. Or Martin n’a pas intégré à ses statistiques la production imprimée de musique. Cela résulte en partie d’un choix méthodologique. Le Catalogue général des imprimés de la Bibliothèque nationale constitue la source principale retenue pour l’établissement de ces statistiques12 ; Martin opère alors une distinction entre les « livres » et les « pièces » en fonction d’un seuil de 44 pages pour les in-4 et de 40 pages pour les in-folio. Les imprimés se trouvant en-dessous de ces limites sont classés sous la rubrique de pièces et ne sont pas comptabilisés comme unité bibliographique13. L’absence de pièces peut entraîner non seulement la mise à l’écart d’imprimés de musique mais aussi de pièces volantes, libelles et autres plaquettes qui paraissaient en lien avec les actualités de l’époque. Or cette catégorie de publications, généralement composées de quelques feuillets, contenait souvent des chansons sans notation musicale. Le problème de la production conservée est central pour ces occasionnels : il est très difficile de savoir combien de titres ont été publiés à l’époque. À cet égard, l’enquête de mars 1644, réalisée par le syndic et ses adjoints pour connaître les livres que les imprimeurs-libraires mettaient sous presse, signale deux ateliers qui impriment des chansons14. Cependant, Martin n’a pas retenu cette information faute de pouvoir identifier des exemplaires conservés de ces chansons15. Enfin, il cite les registres de privilèges qui contiennent à partir de l’année 1653 de nombreuses permissions d’imprimer octroyées à des compositeurs de musique16. Les registres de livres de privilèges enregistrant les dépôts à la Bibliothèque du roi sont aussi mentionnés17. Ces sources offrent un éclairage sur la production imprimée de musique mais Martin ne les a pas exploitées car elles ne reflètent qu’un aspect trop limité de l’ensemble des publications du xviie siècle18. La mention d’imprimés musicaux est également rare dans les inventaires de bibliothèques. Toutefois, cette absence de données quantitatives n’a pas empêché Martin d’aborder quelques aspects d’ordre sociologique en lien avec les éditions de musique. Il évoque le problème posé aux autorités royales, après l’arrivée au pouvoir de Richelieu (1585-1642), par la recrudescence de vendeurs qui colportaient des libelles, des pamphlets ou des almanachs et qui faisaient équipe avec le monde des chanteurs de chansons satiriques19. Martin signale aussi, à propos des inventaires d’imprimés des catégories sociales plus modestes (noblesse d’épée titulaire de petits offices, marchands ou artisans), la présence d’imprimés en lien avec la musique comme des recueils de cantiques. Enfin, il rappelle que certains témoignages de l’époque insistent sur l’importance de la musique chez des lecteurs autres que le clergé et la robe. Il s’agit ici des jeunes membres de la noblesse d’épée qui devaient posséder quelques rudiments de musique afin de parfaire leur formation de futur courtisan. La pratique d’un instrument est aussi recommandée dans l’éducation des femmes issues de la noblesse ou de la bonne bourgeoisie20.
Martin n’a donc pas pu étudier l’édition musicale sous l’angle d’une histoire sérielle du livre mais il a, cependant, approfondi certaines problématiques déjà abordées dans L’Apparition du livre. Le premier point tourne autour de la question des caractères de musique. Dans son chapitre sur les fondeurs, Martin cite la famille Sanlecque, sans trop insister néanmoins sur leurs fontes musicales21. En revanche, à propos de la collection de caractères de musique de Guillaume II Le Bé (15..-1645), il constate que l’assortiment en caractères musicaux est plus faible que celui des caractères alphabétiques. Il en déduit que Pierre II Ballard (ca 1607-1651), cousin de Guillaume II Le Bé, possédait son propre jeu de caractères, de sorte qu’il pouvait se contenter des notes nécessaires pour « l’impression des livres d’églises »22. Il est fait ici allusion aux éditions de messes polyphoniques in-folio qui ont été une des catégories d’édition les plus prestigieuses des Ballard. Le coût des fontes de musique des Ballard ainsi que l’évaluation du fonds de librairie de ces derniers à partir d’un inventaire notarié de 1639 sont ensuite examinés23. Il apparaît que les évaluations des imprimeurs-libraires de musique restaient relativement modestes par rapport à celles de la plupart des autres grands imprimeurs-libraires parisiens.
Si la dynastie des Ballard est la seule citée par Martin, cela tient bien sûr à la situation de monopole que ces derniers occupaient pour l’édition de musique en France au xviie siècle. Le cas de ces imprimeurs-libraires est plutôt envisagé dans le cadre d’une sociologie sur les grandes familles d’imprimeurs-libraires des éditions générales. Martin établit un lien entre l’adresse de l’officine des Ballard et la place de cette dernière au sein des différents quartiers des gens du livre à Paris. Cela lui sert d’indice quant à la situation des Ballard dans la hiérarchie sociale du monde du livre, et plus particulièrement parmi les grands libraires parisiens (les Ballard étaient implantés près de la rue Saint-Jacques, rue Saint-Jean-de-Beauvais). Il poursuit ensuite par l’étude des biens immobiliers des Ballard, de leurs alliances matrimoniales et des dots24. La question des imprimeurs du roi permet enfin un retour de façon indirecte à la typographie musicale, et complète ce que Lepreux a écrit sur cet office royal pour les Ballard25. Martin souligne en effet que les Ballard, contrairement aux autres imprimeurs du roi, n’ont jamais publié d’actes officiels, lesquels constituaient pourtant une prérogative de cet office et une source de revenus importante26. Enfin, les Ballard sont cités une dernière fois dans l’ouvrage mais à propos de l’histoire de l’édition des Provinciales de Blaise Pascal (1623-1662) et non pour leur spécificité d’imprimeurs-libraires de musique27.
Dans les deux grands ouvrages de 1958 et 1969, le monde de l’édition musicale n’a pas été décrit de façon approfondie. Cependant, par une approche comparée avec les éditions générales et par une attention à certaines données concrètes propres aux éditions de musique, Martin a dégagé certaines lignes de force qui sont centrales pour une histoire économique et sociale de l’imprimé de musique : histoire des fontes musicales, tirage des partitions, rôle des fronts de parenté et du capital familial dans le fonctionnement des officines typographiques de musique.
Quelle fonction sociale de l’imprimé de musique ?
Un tournant s’opère en 1975 avec le grand article sur les cultures orales et écrites, savantes et populaires28, puis en 1988 avec Histoire et pouvoirs de l’écrit29. Ces deux publications se distinguent par un élargissement des perspectives qui touche également l’écrit musical.
Dans le premier Martin envisage l’édition de musique non plus sous l’angle de l’histoire de la production imprimée en tant que telle mais sous celui de sa fonction. Concernant les imprimés de musique, cette approche n’est pas tout à fait nouvelle car cet aspect avait été indirectement traité dans L’Apparition du livre avec la pratique du chant à partir des éditions de psautiers. Ici, ce sont les occasionnels diffusés par le colportage en milieu urbain qui sont surtout étudiés. Martin souligne que ces catégories d’imprimés étaient surtout lues par une clientèle de notables mais que leurs contenus pénétraient des couches sociales plus modestes par le biais non seulement de la conversation mais aussi et surtout de la chanson30. Cette dernière se présente comme un des prolongements de ces imprimés à large diffusion et comme une modalité de leur réception. Le lien créé par la chanson entre édition et culture populaire se retrouve de façon exemplaire avec La Grande Bible des Noëls. Martin considère ce titre comme le plus populaire de toute la collection de la Bibliothèque bleue, estimant que cette publication a été sans doute la plus remise à jour et rééditée. Cet ouvrage a profondément influencé la piété populaire autour de la Nativité car il permettait aux fidèles de s’approprier cette fête par le chant31. De même, la chanson est expressément requise pour la diffusion de textes littéraires parus dans la collection bleue, et qui devaient être chantés sur des airs à la mode32. Pour Martin, la chanson offre un aspect des plus éclairants sur l’origine de la culture populaire et sur les liens entre culture orale et imprimés de littérature à grande diffusion. Ces chansons sans notation musicale témoignent des multiples échanges entre une culture de l’élite et une culture populaire. Martin se range à cet égard du côté des travaux de Patrice Coirault (1875-1959) et d’Henri Davenson, alias Henri-Irénée Marrou (1904-1977) qui a pris ce pseudonyme pour ses études musicologiques sur la chanson populaire et le folklore. Il cite de larges extraits de Davenson à l’appui de ses conclusions33.
Une nouvelle étape est franchie avec Histoire et pouvoirs de l’écrit. L’écriture est étudiée sur le temps long afin de cerner sa fonction au sein des sociétés et d’apprécier son influence sur les modes de pensée. Martin ouvre la voie à une histoire des systèmes de communication en plaçant l’imprimé au centre de la culture moderne occidentale. Dans le tableau qu’il présente, il insiste surtout sur les imprimés en général sans faire référence à l’édition musicale. En revanche, il traite de la musique dans le chapitre « Au-delà de l’écrit », à propos de l’apparition des nouveaux médias audiovisuels. Il rappelle dans un premier temps que ces supports qui diffusent de la musique « n’imposent pas à ceux qui y recourent le déchiffrement d’un codage »34. Fort de ce constat, il propose ensuite une synthèse sur l’histoire de la notation musicale des origines à nos jours. Il insiste sur la nouvelle écriture de la musique développée à partir de l’époque carolingienne, qui, parce qu’elle supplée et libère la mémoire auditive, a favorisé un nouveau type de création musicale. « Ce système de notation a provoqué l’apparition de constructions bien plus élaborées que celles que la mémoire peut rendre possibles et permet de critiquer l’œuvre réalisée afin d’améliorer celles à venir »35.
La réflexion d’historien que Martin développe à partir d’une histoire érudite de la notation musicale, et qui répond au projet de la fonction sociale de l’écriture, se fonde principalement sur les travaux musicologiques de trois grands spécialistes de la musique médiévale : Armand Machabey (1886-1966), Michel Huglo (1921-2012), et surtout Jacques Chailley (1910-1999). Vingt ans environ avant Histoire et pouvoirs de l’écrit, Chailley s’était interrogé sur les liens entre notation musicale et composition. Les différents rapports qu’il a dégagés entre ces deux domaines l’ont conduit à distinguer deux périodes quant à la fonction de l’écriture musicale. Pour lui, la renaissance carolingienne et l’invention des neumes au ixe siècle sont effectivement le début d’une nouvelle ère. Elle a rendu possible le développement d’une composition musicale plus complexe dans laquelle le travail de l’écriture procède de façon presque simultanée avec celui de la création musicale36. Cet usage de l’écriture de la musique diffère profondément de celui de l’Antiquité. En s’attachant plus particulièrement à une lecture des traités de musique grecque qui nous sont parvenus, Chailley attribue à la notation musicale une fonction essentiellement d’ordre théorique : « La notation est ici le signe tangible d’une façon toute différente de comprendre la fonction musicale. La musique grecque était une musique savante, et sa notation – surtout celle dite vocale – une opération spéculative. »37. L’essentiel, pour lui, est surtout de mettre en lumière l’opposition entre l’écriture et la pratique de la musique. Cette dernière, dans l’Antiquité, était fondamentalement orale : « Le compositeur n’est pas comme chez nous un assembleur de sons travaillant sur le papier ». Le compositeur était d’abord un improvisateur qui jouait et chantait ce qu’il concevait. Il le mémorisait puis l’interprétait devant des auditeurs qui, à leur tour, le retenaient38. Cette nature orale et mémorielle de la musique de l’Antiquité se retrouve dans l’ultime ouvrage d’Henri-Jean Martin. Dans Aux sources de la civilisation européenne, la question de la fonction de la musique est reprise dans le cadre du projet global de reconstruction de la civilisation orale antérieure à celle de l’écrit39. Dans le chapitre central (« Oralité et littérature »), Martin a cherché à penser l’oralité en elle-même, et non pas de façon négative comme une absence d’écriture. La musique avec ses formules mélodiques et rythmiques est alors présentée comme un des moyens mnémotechniques pour les bardes ou les aèdes qui pouvaient ainsi mémoriser les milliers de vers des épopées antiques. Musique et mémoire sont une des composantes structurelles de la civilisation orale qui a précédé celle de l’écriture40.
Vers une histoire de l’imprimé de musique ?
Après Histoire et pouvoirs de l’écrit, Henri-Jean Martin est revenu de façon précise sur l’imprimé de musique dans un article de synthèse sur l’état des recherches en histoire du livre. Il dresse un bilan global puis appelle de ses vœux une orientation des recherches sur l’imprimé en tant que système de communication dans une perspective comparatiste entre les différentes aires culturelles européennes41. Concernant la bibliographie matérielle, il fait référence aux travaux de McKenzie, et plus particulièrement à La bibliographie et la sociologie des textes42. Martin souligne l’apport essentiel de cet ouvrage qui, suite aux travaux d’autres bibliographes comme notamment ceux de Nicolas Barker ou Roger Laufer, a dépassé le cadre traditionnel de la bibliographie analytique pour orienter cette dernière vers une sociologie des textes. Il faut ici rendre intelligible la structure des supports qui conditionne la réception des textes. Dans le cas des imprimés, il s’agira de dégager la fonction signifiante de la typographie dans la matérialité du livre43. Martin reprend les analyses que Roger Chartier a faites dans la préface à la traduction française de l’ouvrage de McKenzie44. Cette nouvelle conception de la bibliographie analytique a comme autre conséquence de dénouer le lien habituel entre texte discursif et imprimé. Elle rend ainsi possible un élargissement du statut de texte à des systèmes symboliques autres que ceux du langage articulé, et qui ont leur propre fonctionnement sémantique. Martin de citer alors les images, les cartes géographiques et la partition musicale45. Il plaide alors pour le développement d’une histoire des mises en texte sur le temps long et de façon comparée entre les différents pays d’Europe46. Implicitement, Martin ouvre ici des perspectives nouvelles et fructueuses pour l’histoire des manuscrits et imprimés de musique.
Cet article marque une évolution pour l’histoire des imprimés de musique. En effet, le premier apport de L’Apparition du livre se manifestait par le modèle d’une histoire sociale de l’imprimé pour aboutir à une histoire des mentalités. Martin a posé les bases d’une histoire du support écrit qui se veut totale en articulant ensemble les conditions techniques et économiques de la fabrication des imprimés, la sociologie des gens du livre, les problématiques de mise en livre et de réception comme également celles liées aux contenus47. L’imprimé musical a pu donc bénéficier du tournant décisif de L’Apparition du livre au même titre que tout autre imprimé puisque le livre y est devenu un objet dont l’histoire est possible. L’étude des manuscrits et imprimés de musique trouve toute sa pertinence bien que Martin ait abordé le musical sans pleinement traiter le sujet.
Pourtant, il faut rappeler que, dès 1958, Henri-Jean Martin a été confronté à la question des textes non alphabétiques avec le cas des illustrations. Ces dernières font, dans L’Apparition du livre, l’objet d’un chapitre qui a été ensuite le point de départ d’une longue réflexion menée sur plusieurs décennies. La question des illustrations devait même constituer un troisième tome pour la thèse48. L’apport sur cette question est fondamental et il exemplifie le type d’enquête possible sur des textes non-alphabétiques.
Le paradigme d’une histoire globale du livre a permis d’établir que l’image et le texte ne pouvaient plus être considérés comme deux domaines totalement indépendants. L’image, au sein d’un imprimé, n’est pas une entité isolée mais se trouve au contraire liée par tout un réseau de significations avec le texte49. Cette enquête se poursuit dans La naissance du livre moderne50. Conformément au programme de 1990, présenté dans l’article « Pour une histoire comparative du livre : quelques points de vue », la recherche s’est alors élargie à d’autres langages non alphabétiques comme les cartes géographiques et la notation mathématique51. Martin montre en particulier que l’histoire et l’évolution de la mise en livre dans les imprimés de ces textes non fondés sur le langage articulé, ont contribué à renforcer l’autonomie d’une lecture visuelle sur une lecture orale : « Désormais […] le liseur “n’écoute” plus la parole fixée par l’écrit, il regarde la page et la vue l’emporte sur le son »52. Mais là encore, l’enquête sur les rapports entre oral et écrit comme celle aussi sur la mise en livre des partitions n’est pas menée pour la musique dans La naissance du livre moderne.
Les travaux sur la musique avec sa notation spécifique, amorcés en particulier dans Histoire et pouvoirs de l’écrit, et l’extension du paradigme de la catégorie de texte suite aux travaux de McKenzie, ont cependant ouvert de nouvelles possibilités de recherches sur l’imprimé de musique.
De cette histoire des moyens sociaux de communication, qui est partie d’une approche socio-économique de l’édition, à celle des usages de l’écriture et de leur influence sur les sociétés pour se poursuivre ensuite vers l’histoire de leur support matériel, Martin aura à chaque fois ouvert des perspectives pour les éditions de musique. Il revient maintenant d’apprécier comment ces idées-forces du fondateur de la discipline d’histoire du livre en France ont pu être reçues par les spécialistes de l’édition musicale.
L’histoire de l’édition de musique avant l’apparition du livre
La musicologie est le domaine privilégié pour l’étude sur l’édition musicale. La naissance de cette discipline en tant que science historique est récente. Elle s’est véritablement affirmée comme telle à partir du xixe siècle. Les travaux de Guido Adler (1855-1941), d’August-Wilhelm Ambros (1816-1876)53 ou de François-Joseph Fétis (1784-1871)54 sont reconnus comme fondateurs de la musicologie historique. Ils ont tout de suite été suivis d’études plus spécifiques sur la typographie et l’édition musicales. Ces travaux sur les imprimés de musique ont été principalement l’œuvre de bibliothécaires. À Vienne, Anton Schmid (1787-1857), conservateur à la Bibliothèque impériale, publie une première histoire sur les origines de l’édition musicale55. En France, Jean-Baptiste Weckerlin (1821-1910), conservateur à la Bibliothèque du Conservatoire, fait paraître une étude sur le même sujet quelques années plus tard56.
Parallèlement à ces publications, paraissent des bibliographies spécialisées sur les imprimés de musique. La principale est celle de Robert Eitner (1832-1910) qui a fondé la Gesellschaft für Musikforschung à Berlin, et qui a rédigé la première grande bibliographie musicale57. Eitner a recensé l’ensemble de la production de musique imprimée européenne du xvie au xviiie siècles qu’il lui a été possible de collecter. Sa bibliographie supplée à la dispersion des bibliographies musicales qui, depuis Conrad Gesner (1516-1565), se trouvaient principalement disséminées dans des bibliographies générales58, des inventaires, des catalogues de vente ou des catalogues des foires (Lyon, Francfort, Leipzig…)59. Ces bibliographies rétrospectives sur les imprimés de musique ont été aussi menées par des libraires-érudits de la fin du xixe siècle. Pour le cas de la France, la bibliographie des imprimeurs-libraires parisiens par Philippe Renouard (1862-1934), contemporaine de celle de la production imprimée lyonnaise d’Henri-Louis et Julien Baudrier, inclut le premier recensement exhaustif des éditions parisiennes de musique de la Renaissance60. Le modèle de notice bibliographique de Renouard, combinant sources archivistiques, description du matériel typographique et bibliographie proprement dite des imprimés, reste toujours en vigueur à ce jour pour les bibliographies musicales. Les monographies des imprimeurs-libraires parisiens Le Roy et Ballard et de Nicolas Du Chemin, parues respectivement en 1955 et 1956, s’inscrivent pleinement dans ce modèle61.
En parallèle à l’histoire des procédés d’impression et à ces entreprises bibliographiques, la recherche sur les éditions de musique s’est aussi portée sur leur encadrement juridique. La question des privilèges d’impression a été explorée principalement par Michel Brenet (1858-1918), pseudonyme de Marie Bobillier qui fut une des premières musicologues françaises62.
Ainsi, avant 1958, il apparaît que l’histoire des imprimés de musique a suivi une trajectoire analogue à celle de l’histoire des imprimés généraux. Elle a été principalement le fait de savants alliant souvent une activité de musiciens, de conservateurs de fonds musicaux ou de « libraires érudits »63.
L’histoire de l’édition de musique à partir de 1958
En 1958, année de la publication de L’Apparition du livre, la recherche musicologique en France se caractérise par un ancrage institutionnel relativement faible. En effet, ce n’est qu’en 1942 que le Département de la musique a été créé à la Bibliothèque nationale. Une chaire est ouverte à l’École pratique des Hautes Études en 1950, et il faut attendre 1969 pour qu’une réelle reconnaissance de l’enseignement et de la recherche en musicologie se fasse à l’Université. Lors de la publication du premier livre d’Henri-Jean Martin, le foyer de recherche le plus actif en musicologie se trouve au Département de la Musique de la Bibliothèque nationale. Il se signale par un intense travail de recension et de catalogage des sources musicales. L’installation, en 1953, du secrétariat du Répertoire international des sources musicales (RISM) témoigne de cette vitalité. Ce secrétariat coordonne l’organisation internationale chargée de répertorier de manière exhaustive les sources musicales du monde entier.
Il faut ici mentionner le rôle essentiel tenu par François Lesure, archiviste paléographe (promotion 1950), qui fut directeur du Département de la musique de 1970 à 1988. En plus de ses travaux sur la bibliographie musicale, sur la musique de la Renaissance et sur Claude Debussy, Lesure a mené tout au long de sa carrière une réflexion sur les finalités de la science musicologique en tant que « fille de l’histoire ». En 1961, alors conservateur au Département de la musique et membre du Secrétariat du RISM, il publie un article de synthèse sur l’état de la musicologie intitulé « Pour une sociologie historique des faits musicaux »64. Il y souligne d’abord le manque de problématiques dans de nombreux travaux musicologiques65. Il reprend la critique de Lucien Febvre qui fustigeait l’absence de « vigueur théorique » dans certaines recherches historiques et applique ce cas à la musicologie66. Cette faiblesse des paradigmes de la recherche serait une des causes de l’absence de la musique dans les grandes collections historiques comme par exemple L’Évolution de l’humanité : « Faut-il voir […] dans cette absence de problématique, la cause de la faible répercussion de nos études sur les recherches d’histoire de la civilisation ? »67. Fort de ce constat, Lesure en appelle à la constitution d’une sociologie de la musique qui ne se développe pas en fonction d’une théorie générale mais à partir de programmes de recherches limitées. Ce principe de travaux à caractère monographique rattache la musicologie à l’esprit de l’école des Annales qui privilégie une démarche historique volontiers appuyée sur une problématique spécifique à chaque étude. Lesure souligne qu’il faut, pour développer une sociologie des faits musicaux, établir des problématiques qui soient propres à la musique : « Ce qui est important dans ces types d’enquêtes, c’est encore une fois de rechercher des conclusions qui soient spécifiques, d’aboutir à des découpages qui ne soient pas subordonnés aux notions provisoires acquises par la science sociale sur lesquelles on chercherait à calquer ensuite celles de l’art »68.
Parmi les différents programmes d’étude qu’il présente, Lesure expose sa conception d’une sociologie de l’édition de musique tout en faisant explicitement référence à L’Apparition du livre69. Il s’agit avant tout d’écrire une histoire économique et sociale de l’édition musicale en approfondissant la question du commerce, du financement des éditions de musique, des liens entre imprimeurs-libraires et compositeurs, et enfin du tirage70. Cette lecture comporte de fortes similitudes avec celle de Charles Samaran (1879-1982) qui avait fait en 1958 le compte-rendu de l’ouvrage de Febvre et Martin dans le Journal des savants71. En effet, l’un et l’autre relèvent les mêmes apports essentiels de L’Apparition du livre72. Lesure dresse enfin une chronologie propre à l’histoire de l’édition musicale en France. Pour lui, il n’est possible de parler de marchés commerciaux des imprimés de musique qu’à partir de 1700 avec des réseaux de vente et de prospections d’œuvres nouvelles : « C’est à dater de ce temps que la musique imprimée devient réellement une marchandise »73. Lesure insiste sur le primat d’une approche socio-économique de la librairie musicale mais il est en revanche plus réservé quant au rôle et à l’influence de l’imprimerie musicale dans la vie artistique : « Il ne semble pas que l’apparition du livre ait modifié dans de notables proportions les conditions générales de la vie musicale »74. De fait, il ne reprend pas la question des changements que les imprimés ont apportés au sein de la société, et que Febvre et Martin résumaient par la métaphore du « ferment » dans L’Apparition du livre.
La réception de L’Apparition du livre dans la recherche musicologique sur l’édition musicale a bien eu lieu, et cela trois ans après sa parution. Elle a pu avoir une large répercussion puisque cet article de François Lesure est la version écrite d’une communication faite en 1961 lors du VIIIe Congrès international de musicologie à New York, soit un an avant la traduction en anglais de L’Apparition du livre75.
Toutefois, la prépondérance de ce paradigme s’est d’autant plus facilement imposée qu’une grande majorité des travaux sur l’histoire des imprimés de musique est restée souvent dépendante du travail bibliographique et de l’établissement des sources avec leur dépouillement. Les monographies sur les imprimeurs-libraires de musique constituent un axe majeur dans les travaux sur les imprimés de musique entre 1969 et 2006. On y trouve de substantielles introductions d’ordre socio-économique qui, par maints aspects, s’inscrivent dans le sillage des chapitres de L’Apparition du livre, tels « Le livre, cette marchandise », « Le petit monde du livre » ou « Le commerce du livre ». En témoignent en 1969, la parution de la bibliographie des éditions de musique de l’imprimeur lyonnais Jacques Moderne (149.-156.) par Samuel Pogue76 et celle consacrée à Pierre Attaingnant par Daniel Heartz77. À partir de cette date, de nombreuses monographies sont publiées qui couvrent l’ensemble des imprimeurs-libraires européens de musique des xviie-xviiie siècles. Citons notamment, pour l’Italie, celle de Mary-Sellers Lewis consacrée à Antonio Gardano78. Pour les Pays-Bas, Henri Vanhulst fait paraître la bibliographie de Pierre Phalèse (ca 1510-1575)79. En 2003, Laurent Guillo publie la bibliographie des Ballard au xviie siècle, ce qui permet une suite à celle des Ballard du xvie siècle par Lesure et Thibault80. Trois ans plus tard, Stanley Boorman livre au public sa grande monographie sur Ottaviano Petrucci (1466-1539)81.
La production imprimée au moyen de la gravure, autre spécificité importante de l’édition musicale, s’est développée à partir des années 1660, et a entraîné une mutation profonde dans la librairie musicale. En 1976, Anik Devriès-Lesure fait paraître un travail de synthèse sur la musique gravée82. Si cet ouvrage propose également une approche globale pour l’histoire de cette catégorie d’imprimé, il s’inscrit aussi dans un axe de recherche qui s’est nettement développé à cette période. En effet, la question du commerce des livres de musique a été analysée de façon approfondie, en particulier pour le xviiie siècle. La monographie de 1969 de François Lesure sur Estienne Roger (1665 ?-1722 ?) en témoigne83. Roger avait créé une maison d’édition musicale à forte structure commerciale et diffusait sa production auprès de marchés qui n’avaient pas accès à la musique imprimée. Il a développé un système publicitaire par la publication de catalogues dans des ouvrages non musicaux qui indiquaient le nom de ses dépositaires dans les différentes villes d’Europe. Avec cette publication sur Roger, à une période où l’essentiel des recherches portait sur les officines d’imprimeurs-libraires, Lesure a anticipé sur l’importance de la question des réseaux de diffusion. D’ailleurs, en 2005 paraît le catalogue des annonces des éditions musicales dans la presse parisienne par Anik Devriès-Lesure84. Cet ouvrage, consacré au commerce et à la diffusion de la musique en France au xviiie siècle, se révèle une source d’information très riche sur les pratiques éditoriales comme le financement des éditions par le biais des souscriptions.
Le paradigme d’une histoire socio-économique de l’imprimé telle que Martin en a proposé le modèle dans ses premiers travaux est donc resté prédominant dans l’histoire des imprimés de musique. À cet égard, nombre d’ouvrages sur l’édition musicale font référence à L’Apparition du livre, à Livre, pouvoirs et société au xviie siècle ou encore à l’article de 1952 sur l’édition parisienne85.
À partir des années 1990, alors que les entreprises bibliographiques continuent de paraître, une nouvelle orientation se fait jour dans les travaux sur l’édition musicale. Quatre nouveaux axes de recherches peuvent être identifiés, qui tous visent à un dépassement de la seule histoire sociale et économique.
Le premier axe va dans le sens d’une approche culturelle de la musique à partir de l’histoire de l’édition. Il a été principalement entrepris par des spécialistes de l’édition de musique anglo-saxons qui se sont concentrés sur l’Italie de la Renaissance. Les études de Ian Fenlon et Jane A. Bernstein sont un exemple de cette approche spécifique86. Fenlon s’est interrogé sur les liens qu’il est possible de tisser entre les réalités économiques de l’édition musicale et les changements de la culture musicale en Italie au début du xvie siècle. Ces recherches sur le rôle de l’imprimé de musique donnent souvent lieu à une confrontation avec l’ouvrage d’Elizabeth Eisenstein87.
Le deuxième axe se rattache à la problématique de la fonction de l’écrit, avec la question des rapports entre notation musicale et mémoire pour les compositeurs de musique polyphonique de la Renaissance. Jessie-Ann Owens a montré, à partir d’analyses de brouillons de compositeurs de cette époque, comment ces derniers écrivaient leur musique vocale88. L’absence de partition qui présente en superposition chaque partie vocale était compensée par une forme de mémoire musicale qui, elle-même, s’aidait des parties séparées écrites pour chaque voix afin de composer le contrepoint. Cet usage de l’écrit supposait de la part des musiciens un rapport à la notation de la musique totalement différent de celui d’aujourd’hui. Cette étude sur l’histoire de l’imprimé de musique fait ici explicitement référence à la traduction anglaise d’Histoire et pouvoirs de l’écrit89.
Le troisième axe tourne autour de la réception des imprimés de musique à partir des éditions de chansons polyphoniques publiées au xvie siècle. Kate Van Orden a approfondi cet aspect dans deux ouvrages récents90. La mise en page et toutes les informations que la matérialité des supports de ces éditions de chanson peuvent révéler sur leur appropriation, sont exploitées afin de retrouver le type de lectorat que ces partitions induisent. L’ensemble de ses travaux musicologiques se réfèrent à Henri-Jean Martin mais aussi à Roger Chartier, Donald Francis Mc Kenzie et Robert Darnton.
L’histoire des mises en page et mises en livre des partitions constitue le dernier axe actuel de recherche sur l’histoire des manuscrits et imprimés de musique. Il a été montré plus haut que cette catégorie de texte n’avait pas été étudiée par Henri-Jean Martin dans La naissance du livre moderne. En 2007, Catherine Massip a traité cette question dans son Histoire du livre de musique91. Cette histoire de la mise en page et de la mise en livre de la notation musicale est écrite à partir des collections de la Bibliothèque nationale de France, sur le temps long de la production manuscrite et imprimée européenne. Elle s’articule autour de diverses problématiques musicales parmi lesquelles les manuscrits autographes, considérés à la fois comme des sources mais aussi comme des témoignages sur les habitus de composition des musiciens.
Henri-Jean Martin s’est interrogé tout au long de ses travaux d’histoire du livre sur la place et la fonction de la musique au sein de la culture de l’imprimé. Les réponses de l’historien ont été souvent partielles ou ponctuelles mais n’en ont pas moins revêtu une dimension programmatique. Les musicologues spécialistes de l’édition musicale avec leurs problématiques propres se sont peu ou prou inscrits dans le sillage de cette histoire du livre. L’impulsion de François Lesure aura été sans doute déterminante. Ce dernier soulignait l’absence de chapitre consacré à l’édition de musique au sein des quatre grands volumes de L’histoire de l’édition française (1983-1986)92. Il en attribuait la cause à l’état encore insuffisamment avancé des études en ce domaine pour l’époque classique. Il notait aussi l’absence de recherches fondamentales pour le xixe siècle93. Il ne pouvait pas être envisagé dans le cadre de la présente contribution de présenter un bilan bibliographique complet des nombreux travaux parus aujourd’hui sur l’histoire de l’édition et des collections musicales. Gageons que, pour l’Ancien Régime typographique, suffisamment de données soient maintenant réunies pour une synthèse sur l’histoire de l’édition française de musique au sein de la production européenne.
____________
1 Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’Apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958, 3e éd., 1999 avec postface de Frédéric Barbier.
2 Ibid., p. 56.
3 Ibid., p. 235.
4 Ibid., p. 438.
5 Pseaumes de David mis en rime françoise par Clément Marot et Théodore de Bèze…, Paris, Adrian Le Roy et Robert Ballard pour Anthoine Vincent, 1562.
6 Ernest Coyecque, Recueil d’actes notariés relatifs à l’histoire de Paris et de ses environs au xvie siècle, Paris, Imprimerie nationale, Édouard Champion, 1905-1923.
7 Max Rooses, Christophe Plantin, Anvers, J. Maes, 1892.
8 Jean-Auguste Stellfeld, Bibliographie des éditions musicales plantiniennes, Bruxelles, 1949.
9 F. Lesure et G. Thibault Bibliographie des éditions d’Adrian Le Roy et Robert Ballard (1551-1598), Paris, Heugel, 1955 (Publications de la Société française de musicologie), sér. II, n° 9 ; supplément dans Revue de musicologie XL, 1957, p. 166-172.
10 Claude Dalbanne, « Robert Granjon, imprimeur de musique », Gutenberg-Jahrbuch, XIV, 1939 ; E. Howe, « The Le Bé family », Signature, VIII, 1938.
11 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701), Paris, Genève, Droz, 1969, 2 vol., rééd., 1999, avec une préface de Roger Chartier.
12 Ibid., p. 66-68.
13 Ibid., p. 69.
14 Georges Lepreux, « Une enquête sur l’imprimerie de Paris de 1644 », Le Bibliographe moderne, 1910, p. 5-36.
15 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris…, op. cit. [note 11], p. 81.
16 BnF, Mss Fr. 21944-21971. Voir H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris…, op. cit. [note 11], p. 62. Pour le dépouillement des privilèges octroyés pour des éditions musicales, voir Michel Brenet, « La librairie musicale en France de 1653 à 1790, d’après les registres de privilèges », Sammelbände der Internationalen Musikgesellschaft, 1906-1907, VIII, Leipzig, 1907, p. 401-466. Pour la correspondance entre ces privilèges et la production conservée, voir O. Grellety Bosviel, « Les registres de livres de privilège de la Bibliothèque du roi : une étape dans l’histoire administrative des imprimés de musique au xviiie siècle », dans Aux origines des collections musicales de la Bibliothèque nationale de France, dir. Laurence Decobert et Denis Herlin Turnhout, Brepols, à paraître.
17 BnF, AR 34 et AR 35.
18 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris…, op. cit. [note 11], p. 64.
19 Ibid., p. 465.
20 Ibid., p. 539 et p. 547.
21 Ibid., p. 702.
22 Ibid., p. 364.
23 Arch. nat., Min. centr., XLIX, 469, nov-déc. 1639. H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris…, op. cit. [note 11], p. 367-368.
24 Ibid., p. 397 et p. 405.
25 G. Lepreux, Gallia typographica ou répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France depuis les origines de l’imprimerie jusqu’à la Révolution, Paris, H. Champion, 1909-1914, 7 vol., Livre d’or des imprimeurs du Roi, série parisienne, t. I, p. 38.
26 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris…, op. cit. [note 11], p. 454-455.
27 Ibid., p. 589-590.
28 H.-J. Martin, « Culture écrite et culture orale, culture savante et culture populaire », Journal des savants, 1975, p. 225-284. Réédition dans Le Livre français sous l’Ancien Régime, Paris, Promodis, 1987.
29 H.-J. Martin, Histoire et pouvoirs de l’écrit, Paris, Perrin, 1988. Rééd. avec la collaboration de Bruno Delmas, Paris, Albin Michel, 1996.
30 H.-J. Martin, « Culture écrite et culture orale, culture savante et culture populaire »…, art. cit. [note 28], p. 159.
31 Ibid., p. 164.
32 Ibid., p. 168.
33 Ibid., p. 182-183.
34 H.-J. Martin, Histoire et pouvoirs de l’écrit…, op. cit. [note 29], p. 444.
35 Ibid., p. 447.
36 J. Chailley, La musique et le signe, Lausanne, Les Éditions Rencontre, 1967, p. 21-108.
37 Ibid., p. 16-17. Voir aussi Annie Bellis, Les musiciens de l’Antiquité, Paris, Hachette, 1999, p. 158-159.
38 J. Chailley, La musique et le signe…, op. cit. [note 36], p. 11.
39 H.-J. Martin, Aux sources de la civilisation européenne, Paris, Albin Michel, 2008.
40 Ibid., p. 795-797.
41 Henri-Jean Martin, « Pour une histoire comparative du livre : quelques points de vue », dans Histoire du livre : nouvelles orientations. Actes du colloque de Göttingen, 1990, dir. H. E. Bödeker, Paris, Imec ; Maison des Sciences de l’Homme, 1995, p. 417-432.
42 Donald Francis McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, préf. de Roger Chartier, trad. de l’anglais par Marc Amfreville, Paris, Cercle de la Librairie, 1991.
43 Ibid., p. 36-38.
44 Ibid., p. 6-8.
45 H.-J. Martin, « Pour une histoire comparative du livre… », art. cit. [note 41], p. 425.
46 Ibid., p. 426.
47 Frédéric Barbier, « 1958, Henri-Jean Martin et l’invention de la “nouvelle histoire du livre” », dans Cinquante ans d’histoire du livre de L’Apparition du livre (1958) à 2008. Bilan et projets, éd. Frédéric Barbier et Istvan Monok, Budapest, Országos Széchényi Könyvtár, 2009, p. 18-19.
48 H.-J. Martin, Les métamorphoses du livre, Paris, Albin Michel, 2004, p. 140.
49 Concernant l’apport de L’Apparition du livre sur ce point, voir Michel Melot, « Histoire du livre et histoire de l’image : Henri-Jean Martin précurseur », dans 50 ans d’histoire du livre : 1958-2008, dir. Dominique Varry, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2014, p. 110-111.
50 Jean-Marc Chatelain et Laurent Pinon, « Genre et fonction de l’illustration au xvie siècle », dans La naissance du livre moderne (xive-xviie siècles). Mise en page et mise en texte du livre français, dir. H.-J. Martin, Paris, Cercle de la Librairie, 2000, p. 236-271.
51 Aude Le Dividich, « La libération de l’œil de la schématisation géographique à la symbolique mathématique », dans La naissance du livre moderne…, op. cit., p. 328-347.
52 H.-J. Martin, La naissance du livre moderne…, op. cit. [note 50], p. 271.
53 August-Wilhelm Ambros, Geschichte der Musik, Leipzig, 1862-1878.
54 François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Paris, 1835-1844.
55 Anton Schmid, Ottaviano dei Petrucci da Fossombrone, der erste Erfinder der Musiknotendrucker mit beweglichen metalltypen, und seine Nachfolger in sechzehnten Jarhunderte. Vienne, P. Rohrmann, 1845.
56 Jean-Baptiste Weckerlin, Histoire de l’impression de la musique, principalement en France jusqu’au xixe siècle, Paris, Société des compositeurs de musique, 1867.
57 Robert Eitner, Biographisch-Bibliographisches Quellen-Lexicon, Leipzig, Breitkopf et Härtel, 1900, rééd. Graz, 1959, 11 vol.
58 Par exemple, voir François Grudé de La Croix du Maine, La Bibliothèque françoise de La Croix du Maine et de Du Verdier…, Rééd. commentée par Rigoley de Juvigny, Paris, Saillant et Nyon, 1772-1773, 6 vol.
59 Par exemple, voir Paulus Bolduanus, Biblioteca philosophica sive Elenchus scriptorum…, Iéna, 1616.
60 Voir Jeanne Veyrin-Forrer, « Les manuscrits de Philippe Renouard », dans Le livre dans l’Europe de la Renaissance, Actes du XXVIIIe colloque international d’Études humanistes de Tours, dir. Pierre Aquilon et H.-J. Martin, avec la collab. de François Dupuigrenet-Desrousilles, Paris, Promodis, 1988, p. 34.
61 François Lesure et Geneviève Thibault, Bibliographie des éditions d’Adrian Le Roy et Robert Ballard (1551-1598)…, op. cit. [note 9]. François Lesure et Geneviève Thibault, « Bibliographie des éditions musicales publiées par Nicolas Du Chemin (1549-1576) », Annales musicologiques, I, 1953, supplément dans Annales musicologiques IV, 1956, p. 251 et Annales musicologiques VI, 1958-1963, p. 403.
62 Michel Brenet, « La librairie musicale en France de 1653 à 1790, d’après les registres de privilèges »…, art. cit. [note 16].
63 Sur cette histoire du livre par des savants, voir F. Barbier, « Postface », dans L. Febvre et H.-J. Martin, L’Apparition du livre…, op. cit. [note 1], p. 539.
64 F. Lesure, « Pour une sociologie historique des faits musicaux », dans Report of the eighth congress of the International Musicological Society, New York ; Cassel, 1961, p 333-346.
65 En 1991 Lesure dressait le même constat, « La recherche musicologique en France depuis 1958 », Acta musicologica, 63, 1991, p. 237.
66 F. Lesure, « Pour une sociologie historique des faits musicaux »…, art. cit. [note 64], p. 333.
67 Ibid., p. 334.
68 Ibid., p. 336.
69 Ibid., p. 342, note 25.
70 Ibid., p. 241-242.
71 Charles Samaran, « Sur quelques problèmes d’histoire du livre », Journal des savants, Avril-Juin 1958, p. 57-72. Sur Samaran et l’histoire de la réception de L’Apparition du livre, voir Frédéric Barbier, « Postface »…, art. cit., p. 570-571.
72 Ch. Samaran, « Sur quelques problèmes… », art. cit., p. 64-69.
73 F. Lesure, « Pour une sociologie historique des faits musicaux »…, art. cit. [note 64], p. 343.
74 Ibid., p. 341.
75 H.-J. Martin, The coming of book. The impact of printing, 1450-1800, trad. David Gerard, Londres, NLB, 1962.
76 Samuel Franklin Pogue, Jacques Moderne, Lyons music printer of the sixteenth century, Genève, Droz, 1969 (Travaux d’Humanisme et Renaissance ; 101). Cet ouvrage a été complété par la production de musique d’autres imprimeurs-libraires lyonnais et genevois du xvie siècle en 1991. Voir Laurent Guillo, Les éditions musicales de la Renaissance lyonnaises, Paris, Klincksieck, 1991.
77 D. Heartz, Pierre Attaingnant, royal printer of music : a historical study and bibliographical catalogue, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1969.
78 M.-S. Lewis, Antonio Gardano : venetian music printer, 1538-1549 : a descriptive bibliography and historical study, New-York ; Londres, Garland, 1988.
79 H. Vanhulst, Catalogue des éditions publiées à Louvain par Pierre Phalèse et ses fils, 1545-1578, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1990.
80 L. Guillo, Pierre Ier Ballard et Robert III Ballard, imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673), Sprimont, Mardaga, 2003.
81 S. Boorman, Ottaviano Petrucci : a catalogue raisonné, Oxford, Oxford University Press, 2006.
82 A. Devriès, Édition et commerce de la musique gravée à Paris dans la première moitié du xviiie siècle : les Boivin, les Leclerc, Genève, Minkoff, 1976.
83 F. Lesure, Éditions musicales publiées par Estienne Roger et Michel-Charles le Cène (Amsterdam, 1696-1743), Paris, Société française de musicologie, 1969.
84 Anik Devriès-Lesure, L’édition musicale dans la presse parisienne au xviiie siècle : catalogue des annonces, Paris, CNRS éditions, 2005.
85 H.-J. Martin, « Quelques aspects de l’édition parisienne au xviie siècle », Annales E. S. C., 1952, p. 303-318.
86 Ian Fenlon, Music print and culture in early sixteenth-century Italy, London, The British Library, 1995. Jane A. Bernstein, Print, culture and music in sixteenth century, New-York ; Oxford, Oxford University Press, 1998. Voir également Sources and the circulation of Renaissance music, éd. Mary Sellers Lewis, Farnham, Ashgate, 2012.
87 Elizabeth L. Eisenstein, The printing press as an agent of change. Communications and cultural transformations in early modern Europe, Cambridge, CUP, 1979. Tel est le cas notamment dans la monographie de M. Boorman sur Petrucci. Voir le dernier chapitre intitulé « Early music printing as an agent of change », dans Ottaviano Petrucci : a catalogue raisonné…, op. cit. [note 81].
88 Jessie Ann Owens, Composers at work. The craft of musical composition, 1450-1600, Oxford, Oxford University Press, 1997.
89 H.-J. Martin, The History and power of writing, trad. angl. de Lydia G. Cochrane, Chicago, University of Chicago Press, 1994.
90 Kate Van Orden, Music, authorship, and the books in the first century of print, Berkeley, University of California Press, 2014 ; ead. Materialities, books, readers, and the chanson in sixteenth-century Europe, New-York, Oxford University Press, 2015.
91 Catherine Massip, Le livre de musique, Paris, BnF, 2007.
92 F. Lesure, « L’édition musicale en France au xviiie siècle. État des questions », dans Le livre et l’historien. Etudes offertes en l’honneur du professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997 (Histoire et civilisation du livre, 24), p. 229.
93 Ibid., p. 234.