L’espace visuel du livre : bilan et perspectives
L’analyse de l’espace visuel constitué par les pages est-elle un domaine de l’histoire du livre ? La question se pose tant il apparaît que cette approche ne saurait exister par elle-même : elle a perpétuellement besoin d’emprunter des éléments (qu’il s’agisse de don-nées ou de pistes théoriques) à des champs dont les contours et le pro-gramme sont plus évidents, soit à l’intérieur de l’histoire du livre (de la bi-bliographie matérielle à l’histoire de la lecture), soit à l’extérieur (de la psy-cho-linguistique à la poétique). Ce manque d’autonomie la rend fragile, mais la prédispose aussi à l’ouverture : elle montre une grande capacité à évoluer en fonction des questions nouvelles qui surgissent chez les histo-riens. C’est ce que tentera de montrer ce parcours rapide et sélectif.
Un nouveau domaine à l’intersection de plusieurs autres (années 1970-1980)
L’espace visuel du livre était déjà un champ d’étude prometteur au tout début de 1983, quand parut, sous la direction de Hen-ri-Jean Martin et Roger Chartier, le premier tome de l’Histoire de l’édition française. Un chapitre sur ce sujet y avait été confié non pas à un spécia-liste de la typographie, mais à Roger Laufer, professeur de littérature fran-çaise et de sciences de l’information à l’université de Paris VIII1. Laufer comptait parmi ceux qui avaient œuvré pour faire participer pleinement les études littéraires au mouvement de réforme des sciences humaines mis en branle par le struc-turalisme dans la France de l’après-guerre2. Participer à ce mouvement, dans sa perspective, ne signifiait pas renoncer à le critiquer de l’intérieur ou à explorer d’autres pistes. Laufer rejetait, en particulier, l’un des axiomes du structuralisme que certains « nouveaux critiques » avaient adopté, plus ou moins radicalement, dans leur volonté de fonder une « poétique » indépendante de l’histoire littéraire traditionnelle : l’anhistoricité des formes3. Laufer devait, au contraire, défendre opiniâ-trement l’historicité des formes textuelles, en rappelant qu’elles n’existent que grâce à des supports matériels (pages de pierre ou de papier, écrans ou voix humaines), avec lesquels elles partagent une existence en perpétuelle évolution.
Avant de rentrer en France, en 1967, Laufer avait ensei-gné à la Monash University de Melbourne, et s’était familiarisé avec les méthodes mises au point par Ronald McKerrow puis Fredson Bowers pour que la bibliographie réponde avec une rigueur scientifique aux besoins de l’édition des textes anciens. Souhaitant faire connaître ces méthodes aux spécialistes de la littérature française, mais aussi réfléchir sur leurs limites et les moyens de les dépasser, il avait publié, en 1966, dans l’Australian Journal of French Studies, qu’il avait lui-même fondé deux ans plus tôt, un article où il avait traduit par « bibliographie matérielle » l’expression « physical bibliography » que Lloyd Hibbert venait de lancer en critiquant la terminologie utilisée par Bowers et ses pairs4. Wallace Kirsop, collègue de Laufer à la Monash University, avait aussi écrit un article pionnier pour le même numéro5.
Élu à Paris VIII, en 1970, sur une chaire de « sciences de l’information », discipline aux contours encore flous, Laufer appliqua ses idées sur l’historicité des écrits liée à la matérialité de leurs supports à un corpus qui dépassait largement le livre imprimé, même si celui-ci restait au centre de ses travaux. Sous le nom de « textologie », inventé par les formalistes russes, il dessina un horizon de recherches très marqué par l’ouverture disciplinaire. La « textologie », baptisée par Boris Tomachevski en 1928, en-tendait étudier les « conditions générales de l’existence des textes », en associant les savoirs de la philologie aux apports du for-malisme, mais aussi à l’histoire et à la sociologie6. Elle était donc orientée vers la génétique des œuvres, sans oublier la question de leur transmission, et voulait faire intervenir le plus grand nombre possible de paramètres. Dans son Introduction à la textologie (1972), centrée sur les problèmes de l’édition critique, Laufer lui apportait la dimen-sion supplémentaire de la bibliographie matérielle. Sa préface s’achevait symboliquement sur une dédicace conjointe à Tomachevski et à McKer-row7.
Dans les années suivantes, Laufer devait s’intéresser tout particulièrement à la mise en forme des textes par la typographie. Fonda-teur du « Groupe Paragraphe » à Paris VIII8, il voyait dans « l’espace visuel » des livres et de leurs pages le lieu par excellence où étudier, à leur interface de rencontre, les traces laissées par une production artisanale soumise à des contraintes techniques, sociales et économiques, et la marque des auteurs (de leur compétence grammaticale à leurs intentions expressives), et même où entrevoir, comme par reflet, les lecteurs qui avaient feuilleté ces livres. Il voyait aussi, dans l’attention portée à la relation entre la disposition spatiale des éléments d’un texte et le processus cognitif de sa lecture, un moyen de s’associer aux travaux des linguistes pragmaticiens et des psychologues de la cognition ou de la communication visuelle9. En introduisant l’expression d’« énonciation typographique »10, il entendait réunir tous ces éléments. L’énonciation est en effet l’acte de mettre en œuvre le langage dans une situation de communication donnée : se réalisant à travers un « appareil formel », elle dépend à la fois de la position de celui qui parle, du message qu’il veut transmettre, du destinataire auquel il s’adresse, et de tout un contexte social et culturel11.
Rassembler les compétences restait la grande idée de Laufer. En 1982, il se réjouissait de la jonction en cours entre la bibliographie matérielle anglo-saxonne et la méthode historique de l’école des Annales, capable de retrouver, par le travail en archives, les conditions réelles de l’impression et de la circulation des livres – comme l’avait montré dès 1958 L’Apparition du livre de Lu-cien Febvre et Henri-Jean Martin12. Pour son colloque sur La notion de para-graphe, il invita des médiévistes, un linguiste, des philosophes, des psychologues de la cognition, et même un mathématicien, et pour Le texte et son inscription, des spécialistes de l’écrit dans plusieurs aires culturelles, de l’Antiquité à l’âge électronique13.
Lors d’une table ronde organisée à la Bibliothèque natio-nale en 1979, Laufer posait la question « La bibliographie maté-rielle : pour quoi faire ? », et plaidait pour que cette dis-cipline, au lieu de rester purement instrumentale, impulse au contraire la recherche sur les textes, avec sa capacité particulière à en montrer la mou-vance, en vue de constituer une « sémiologie historique »14. Il citait à l’appui l’essai de Donald McKenzie, « Printers of the mind », qui attaque les chercheurs enfermés dans le dogme abstrait de la bibliographie matérielle au point d’ignorer la pratique réelle, infiniment diverse, des ateliers15.
Le même McKenzie allait prononcer en 1985 les confé-rences imprimées l’année suivante sous le titre de Bibliography and the sociology of texts. Beaucoup des idées chères à Laufer sur la nécessité d’élargir la notion de texte – tout comme l’horizon des bibliographes – et de mener conjointement l’étude des écrits et celle de leurs supports matériels successifs, y étaient remarquablement articulées et approfondies, même si McKenzie mettait moins l’accent sur l’interprétation littéraire que sur la pos-sibilité de connaître, par l’examen des livres, les pratiques culturelles des sociétés qui les produisent et les lisent16.
Par son impact (à long terme du moins), le livre de McKenzie devait aider à faire entrer dans les débats la notion du livre maté-riel comme élément central d’un processus complexe de production, fabri-cation, diffusion, circulation et lecture, et donc comme trésor de signes et d’indices à déchiffrer. D’autant qu’en publiant, en 1985, un premier recueil d’articles issus de son séminaire, Pratiques de la lecture17, Roger Chartier montrait que les historiens avaient commencé à in-vestir, avec leurs méthodes et leurs questions propres, le domaine de la lecture et de la réception des textes que les littéraires exploraient en se basant surtout sur l’analyse interne des œuvres18. D’ailleurs, plutôt que de rejeter complète-ment l’idée d’un texte encodé dès son écriture pour prédéterminer des trajets de lecture, selon la démonstration d’Umberto Eco19, Chartier proposait d’inclure dans l’analyse ce que Laufer avait appelé l’« énonciation typogra-phique ». Parallèlement, en particulier en France, l’activité de Roger Laufer et de quelques autres (dont Jeanne Veyrin-Forrer), et le succès assez large de L’histoire de l’édition française commençaient à pousser les littéraires à regarder les pages des livres anciens non seulement pour leur qualité esthétique, mais comme partie intégrante du message des textes, malgré le fort attachement des universitaires pour les éditions critiques tra-ditionnelles. Les publications du Centre de Recherche « Livre & Litté-rature » à l’université de Nanterre en témoignent20.
Ce rappel des origines est un peu long, mais il vise à montrer combien, dès le départ, l’étude de l’espace visuel du livre s’est située au point de rencontre de plusieurs domaines de recherche en his-toire du livre (bibliographie matérielle, histoire de la typographie, histoire culturelle du livre, histoire de la lecture), combien elle a cherché l’interdisciplinarité (par la collaboration avec des historiens, des linguistes, des herméneutes du texte, des psychologues), et combien elle a été mar-quée par des idées fortes, en apparence un peu paradoxales : l’intérêt pour la matérialité des supports des textes augmentait la cons-cience de l’éphémère, du transitoire, de l’accidentel dans la production et la transmission des écrits, et celle de l’absence de barrières entre les catégo-ries et les genres. L’oral, le manuscrit et l’imprimé avaient entre eux des relations de complémentarité et d’échange, tout comme les genres savants et populaires.
La confirmation scientifique (années 1990)
Durant la décennie suivante, la nouvelle approche gagna en crédibilité grâce à des enquêtes approfondies portant sur le livre médié-val, objet dont les spécialistes étaient les mieux préparés à associer l’analyse des supports matériels, des choix graphiques et des contenus textuels, en relation avec les fonctions des écrits et leurs destinataires. Dans ces enquêtes, la question de la page comme espace visuel n’était pas la seule abordée, mais elle jouait un rôle crucial. Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, publié par Jean Vezin et Henri-Jean Martin en 1990, couvre toute l’histoire du livre, de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge, en suivant le développement de ses prin-cipaux genres. Les choix dans la construction des pages, de la ponctuation aux coupures de mots, de la répartition des blancs à celle de l’ornementation, de la longueur des lignes à la présence d’aides au repé-rage, sans oublier le partage de l’espace en zones textuelles au rôle spéci-fique, se trouvent donc rapportés à un contexte historique, à des normes génériques et à des usages précis, ce qui permet de montrer que ces choix, pour l’essentiel, ne sont pas aléatoires21.
L’effort pour découvrir une rationalité des mises en texte, et par là faire de leur étude une approche utile pour les historiens des cultures et de sociétés, était alors poussé encore plus loin par Ezio Ornato et les collègues de son équipe qui, profitant des progrès de l’outil digital appli-qué aux sciences humaines, utilisaient les méthodes de la codicologie quan-titative, dont ils avaient été les pionniers, sur un très large corpus de ma-nuscrits et d’incunables, pour aborder des questions telles que la répartition du noir et du blanc ou les schèmes de mise en page22. Leur perspective était clairement sociologique puisque l’analyse statistique devait montrer le lien entre l’évolution de la facture matérielle du livre et les « variations d’un système interactif de facteurs d’ordre économique, culturel et fonctionnel (lisibilité au sens large) »23.
Durant les mêmes années, Paul Saenger aida beaucoup à donner une légitimité scientifique à l’intérêt pour l’espace visuel des livres avec ses recherches sur le remplacement progressif, à partir du viie siècle, de la scriptio continua par une écriture où les mots sont séparés et les phrases ponctuées, condition nécessaire de la lecture silencieuse. Space Between Words (1997) ne s’intéresse pas à la construction glo-bale des pages mais au trajet du regard le long des lignes24. Cet objet qui peut sembler mi-nuscule a mobilisé une enquête codicologique considérable, pour suivre la diffusion d’une pratique, née à la fois du savoir des scribes et de celui des grammairiens, depuis l’Irlande et l’Angleterre jusqu’aux diverses régions de l’Europe continentale. De plus l’établissement du lien entre fragmentation du texte et accélération du processus de la compréhension (parce que l’étape de l’oralisation devient inutile) s’appuie de façon très précise sur les travaux parallèles de linguistes et de psychologues concernant les implica-tions intellectuelles et culturelles des systèmes graphiques (notamment à partir de comparaisons entre divers pays d’Asie) et les processus cognitifs liés aux mouvements des yeux lors du déchiffrage d’un texte. Ces points avaient été abordés lors du colloque sur la Notion de paragraphe, mais sans que leur application à un questionnement de nature historique soit réellement tentée25. Saenger, quant à lui, tirait de ses observations sur les graphies une réflexion sur les implications du passage à la lecture en silence, aussi bien pour l’évolution de la vie privée en Occident que pour le développement d’une littérature philosophique à l’époque de la scolastique, ou l’apparition d’un public pour des livres en vernaculaire.
Au tournant du siècle, le moment des ambitions : regards sur la page du livre moderne
Le moment était venu de franchir le seuil du Moyen Âge pour appliquer des enquêtes aussi pointues sur l’aspect visuel des livres à des interrogations sur l’écriture et la réception des textes, saisis dans le mouvement de l’histoire. Adrian Armstrong s’intéressait justement, dans Technique and Technology (2000), aux conséquences du dévelop-pement de l’imprimerie sur un groupe de poètes dont l’art était parfaite-ment adapté à la forme physique du livre manuscrit : les Grands Rhé-toriqueurs26. Très axé sur la virtuosité formelle, cet art instituait un jeu entre effets graphiques et so-nores (à travers toutes sortes d’équivoques), et visait souvent à réaliser sur la page une composition visuelle, avec parfois des échanges entre le pictural et le verbal dans des poèmes-rébus. C’était par ces traits, sans avoir besoin de s’expliquer autrement, que le poète manifestait sa conscience d’être un créateur et entrait en connivence avec ses lecteurs – qui se limitaient à de petits groupes partageant avec lui les mêmes codes. Le passage à l’imprimé, qui se prêtait mal aux jeux gra-phiques et où les livres étaient destinés à un public plus large, aux compé-tences indéterminées, allait changer la donne. Le poète, sortant de son dia-logue privilégié avec son mécène et son cercle, devrait user de paratextes pour affirmer son identité et présenter son projet, et prendre conscience des limites de l’expression visuelle sur la page imprimée, comme du risque de déconcerter par des intentions mal comprises. Tout cela ferait partie des facteurs ayant amené la transformation du langage poétique qui aboutit au style marotique. Dans cette enquête, la prise en compte de la visualité de la page (et de la façon dont l’imprimerie « traduit » les modèles manuscrits), constitue donc le centre où se croisent les différents fils d’une démonstration qui fait appel à beaucoup d’autres éléments tirés de la bi-bliographie matérielle et de la poétique historique (c’est-à-dire insérée dans l’histoire sociale).
La même année, Henri-Jean Martin publiait La nais-sance du livre moderne, pour ouvrir un chantier beaucoup plus ample, tout en gardant la même possibilité d’user de micro-analyses. L’ouvrage portait, selon son avant-titre, sur la Mise en page et mise en texte du livre français du xive au xviie siècle. Comme dans la plupart de ses livres, Martin, en plus de livrer des résultats, y définissait un programme qui appelait un élargissement. Beaucoup de chapitres présentaient les acquis confirmés de longues recherches, dans un style apte à capter l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux livres, sans pour autant être toujours spécia-listes de leur histoire. Ailleurs, l’auteur s’adressait aussi spécialement à la petite communauté savante, dans cet esprit de provocation intellectuelle qui tenait à la fois à son caractère et à sa conviction que le dynamisme de la recherche a besoin d’impulsions : il lançait alors la balle de l’hypothèse au-delà des limites du terrain, pour ébranler les règles du jeu, et voir si par hasard il ne pourrait pas entraîner des compagnons dans l’aventure où il s’engageait.
L’introduction proposait de faire de l’espace visuel du livre un champ de recherche majeur dans une nouvelle phase qui s’ouvrait : maintenant que l’intégration complète de l’histoire du livre dans le « champ des études historiques » (avec une dominante économique et sociale) était acquise, le temps était venu d’explorer de fa-çon plus complète la « spécificité du message livresque »27, dans la situation concur-rentielle qui régnait désormais dans les media. Or l’étude du langage visuel des livres serait l’occasion de tresser ensemble des fils divers : celui de l’histoire économique et sociale du livre, qui restait un pilier, celui de l’étude de la réception des œuvres par des individus ou des groupes, « seule à permettre d’atteindre des phénomènes de psychologie », celui des travaux de bibliographie matérielle orientés de façon à mieux « saisir les proces-sus de création », sans oublier celui que forme « l’immense savoir » accumulé par libraires et bibliophiles28.
Le livre possède par excellence, rappelait Henri-Jean Martin, une capacité à englober la complexité. Il a trois dimensions, tout en étant fait pour être découvert par le contact successif avec des surfaces (la série de ses pages), et il possède une double nature d’objet construit et d’objet lu, ce qui veut dire qu’il est soumis à de multiples conditionnements matériels, techniques et commerciaux, mais qu’il est aussi chargé d’un rôle social, et conçu pour transmettre diverses valeurs symboliques et des effets esthétiques, en plus de multiples informations. Tous ces éléments, qui en-trent dans la composition du « message », doivent avoir laissé leurs traces mêlées dans la « mise en texte » du livre – « mise en texte » entendue comme englobant non seulement la composition visible dans l’espace de la double page, mais aussi l’organisation du livre dans son entier, avec la prise en compte, notamment, des dimensions et proportions de toute sorte, des procédés de fragmenta-tion du texte, de l’insertion d’éléments non textuels, sans oublier tout l’ensemble du péritexte et des aides à la lecture.
La page étant la surface où se conjoignent le visible et le lisible, son étude permettait donc de suivre toute une chaîne reliant le ma-tériel à l’intelligible, avec des indices bien plus nets que ceux sur quoi s’appuie, par exemple, l’interprétation des œuvres d’art. D’autant que la production des livres, abondante, ininterrompue sur des siècles, et préci-sément inscrite dans une topographie assez bien connue, celle du réseau des imprimeurs et des libraires, offrait les conditions nécessaires pour per-cevoir et définir des évolutions.
Cette introduction rassemblait donc des idées émises depuis une trentaine d’années, et des hypothèses dont certaines étaient déjà vérifiées (hommage y était notamment rendu à Paul Saenger), et de tout cela elle faisait un projet puissant et fédérateur. Il s’y exprimait la fer-veur d’un chercheur, pionnier dans l’âme, qui voyait s’ouvrir ces perspec-tives, convaincu que « toute écriture constitue l’image de marque et la représentation symbolique d’une société ou d’un groupe social », dans la mesure où l’aspect visuel des livres traduit « le “climat” même du texte » et la fonction qui lui est assignée29. Dans cette conviction, il disait avoir puisé l’impulsion d’une « aventure personnelle », menée à travers l’exploitation d’une collection considérable d’images des « pages les plus significatives » de livres manuscrits et imprimés français des xive-xviie siècles. Cette relative restriction de champ s’était imposée à l’historien, face à l’impossibilité humaine de mener une enquête plus large, alors qu’il aurait « souhaité étendre [ses] investigations à l’Europe pour une enquête comparatiste »30. La naissance du livre moderne, qui semble contraster, par le cadrage adopté, avec Histoire et pouvoirs de l’écrit, qui le précède, et Aux sources de la civilisation européenne, qui le suit31, n’est pas en recul par rapport aux ambitions de ces ouvrages.
La « logique d’une époque », rappelait en-core son auteur, « est étroitement tributaire des procédures tech-niques utilisées lors de la fixation des raisonnements sur le papyrus, le par-chemin, le papier, et aujourd’hui l’écran »32. Tout le monde était donc concerné, spécia-listes de la matérialité de l’écrit, historiens de la littérature et de la philoso-phie, linguistes, voire anthropologues et théoriciens du processus cognitif de la lecture – le tout sur la longue durée. Martin disait rêver à une grande histoire de la « mise en texte » par le livre en Europe, permet-tant de mieux comprendre ce qui unit et sépare les peuples qui la compo-sent. Histoire menée par des chercheurs ayant à la fois « une tête “philosophique”, de fortes notions de linguistique et de psychologie, mais aussi les connaissances et la sensibilité d’un grand maître-imprimeur ou d’un grand relieur. Ainsi que la plume d’un grand écrivain… »33. Les points de suspension qui suivaient, sans la fermer, cette énumération suggéraient une pointe d’autodérision et la conscience d’avoir un pied dans l’utopie. En contraste, la conduite du projet avait été marquée par le réalisme. Des collaborateurs y avaient été engagés, les uns ponctuellement pour tel ou tel apport d’expert, les autres pour la conception et l’écriture de certains chapitres (Isabelle Diu, Jean-Marc Chatelain, Laurent Pinon et Aude Le Divi-dich) : ils commençaient à donner corps à ce Pic de la Mirandole futur, avec ses multiples têtes, auquel Martin faisait allusion. Mais il s’agissait en-core toujours d’historiens du livre de la Renaissance et de l’âge classique dont les efforts se conjuguaient pour éclairer la même phase de passage, le tournant vers le livre moderne, tel qu’il s’était opéré en France, sous l’effet d’un contexte spécifique – auquel se combinait celui d’un plus large con-texte européen, également pris en compte mais d’un peu plus loin.
La démarche qui s’était imposée consistait donc à scruter un domaine limité, à travers des enquêtes différentes, mais homogènes et compatibles dans leurs méthodes et leurs visées, et pour cette raison com-plémentaires, comme des modules capables de s’emboîter. Il semble que cette règle de jeu de construction soit une exigence des études de mise en texte. Comment faire autre-ment, et essayer d’embrasser d’emblée un large champ, quand la considé-ration de chaque page fait déjà surgir une myriade de questions venues de tous les azimuts ? Ces questions se multiplient en proportion des ob-jectifs. Ainsi, certains chapitres de La naissance du livre moderne se risquent à dépasser le plus simple enjeu présenté dans son introduc-tion : la reconnaissance des « styles typographiques », vus comme la « représentation symbolique d’une société ou d’un groupe social »34. Ils entrent, avec encore plus d’assurance que les ouvrages de Paul Saenger et d’Adrian Armstrong précédemment cités, sur le terrain de l’évolution de la langue littéraire, à travers une interrogation sur le rapport entre la rhéto-rique et la poétique des textes, leur portée conceptuelle et leur façon de s’inscrire sur le papier, dans le cadre de la page. C’est tout particulièrement le cas dans la ve partie : « La normalisation de la prose (xve-xviie siècles) », véritable cœur de l’ouvrage car elle explore, à travers plu-sieurs enquêtes convergentes, les raisons de l’installation en France de l’ordre « moderne » du livre, lié à une nouvelle façon de pen-ser, d’écrire et de lire.
Cette partie met tout particulièrement à l’épreuve le jeu subtil entre la focalisation sur le cas français et l’entrée du livre européen dans le champ visuel périphérique. C’est très net si on la compare avec la iiie partie, intitulée « Politique et typo-graphie. Le triomphe de la lettre romaine en France et ses consé-quences », dont la cible est bien plus facilement repérable. Là où « Normalisation de la prose » identifie comme élément clef l’importance croissante des « blancs » dans la mise en page, et l’évolution de leur rôle et de leur statut – un phénomène évident mais dif-fus et marqué de nombreuses irrégularités, « Politique et typogra-phie » s’intéresse à l’équipement des ateliers avec de nouvelles fontes de caractères romains, destinées à démoder les anciennes, un phé-nomène « lourd », dont les implications économiques et l’impact culturel sont calculables et observables, et dont on peut déterminer avec un bon taux de certitude le début et la progression : les travaux de Hendrik Vervliet fournissent pour cela un très solide appui35. De plus, cet exemple du passage au romain permet de mettre en évidence la spécificité du cas français, par rapport au contexte européen, spécificité tenant à la volonté du roi François Ier qui soutint fortement (et financièrement) l’implantation de l’écriture humanistique dans les officines de sa capitale, prélude à une diffu-sion plus générale. La démonstration de Martin, toujours intéressé par le lien entre les formes de l’écrit et le pouvoir politique et ses institutions, est lumineuse.
« La norma-lisation de la prose », quant à elle, n’étudie pas simplement comment le blanc a peu à peu augmenté son emprise sur les pages, mais aussi, et surtout, comment il serait devenu le marqueur le plus sensible de la prise d’autonomie de la parole écrite par rapport à la parole orale (comme l’achèvement du processus de séparation des mots étudié par Saenger). Cela paraît aller de soi. Surtout sous sa forme la plus évidente pour nous, quand il s’associe à l’alinéa, le blanc semble avoir été, quasiment depuis l’origine, le moyen de réaliser des opérations mentales bien plus malaisées quand on dispose seulement du fil continu du discours oral : adminis-trer et organiser des listes, calculer, ranger, tabuler36. Mais Henri-Jean Martin, qui accorde aussi une large place à l’évolution des dispositifs visuels pour les textes aux appareils et aux usages les plus complexes (la Bible au premier chef), recherche aussi une chose plus subtile : la fusion accomplie d’une pensée déroulée en phrases et d’une page que le regard découvre divisée et rythmée par des blancs.
Parler à ce propos d’une prise d’autonomie complète de l’écrit par rapport à l’oral est sans doute en partie trompeur. Selon Martin, dans la mise en texte moderne, « le liseur n’“écoute” plus la parole fixée par l’écrit, il regarde la page et la vue l’emporte sur le son, avec tout ce qu’elle entraîne dans les domaines de la schématisation et de l’abstraction »37. Cette idée se fonde sur une assimilation entre éloquence orale et continuité sans pauses, ce qui est problématique38. De plus, l’apparition des alinéas dans la prose ne marque pas le passage à une pensée visuelle, comme dans le cas de dia-grammes taxinomiques. Il s’agirait plutôt d’un mariage de l’œil et de l’oreille, pour qu’un texte conçu pour toucher un lecteur « sans quali-tés », au sens de « non spécialisé », déploie pleinement ses effets. Sans remettre en question les principales conclusions sur les dif-férences majeures entre lecture à voix haute et en silence, certains travaux de cognitivistes indiquent qu’il n’y a sans doute pas, en tout cas pour les textes continus, de lecture entièrement visuelle, ni entièrement silen-cieuse. Avec l’habileté qui s’installe, la voix murmurante et ânonnante de l’apprenti se transforme en « voix intérieure », plus fluide et plus discrète, et débarrassée de ses hésitations, mais continuant à activer les mêmes zones du cerveau vouées à l’audition et à la phonation39.
Quoi qu’il en soit, dans cette ve partie consacrée à la conquête des blancs, les dispositifs d’intelligence visuelle propres à différents types de livres de savoir sont largement étudiés. Un premier chapitre, « La révolution inconsciente », évoque les nouvelles exigences qui s’affirment à la Renaissance pour le texte savant (méthode, classification, visualisation). On envisage ensuite des éléments moteurs vers l’instauration de nouvelles normes de la mise en page par des approches constituant « trois points de vue strictement complémentaires »40. Il est ainsi question des Bibles (chap. 2) qui posent à la mise en texte des problèmes de divers ordres (re-levant de la philologie, de l’orthodoxie théologique, de l’exigence pasto-rale), puis (au chap. 3) de l’édition des classiques, lieu de compromis entre les exigences contraires portées par l’humanisme : celle du texte nu (débarrassé aussi de ses divisions artificielles), celle de l’apparat critique, celle du dialogue savant qui exige un référencement précis, celle du com-mentaire – les trois dernières exigences pesant pour imposer un système fin et rigoureux de divisions. On s’intéresse enfin (au chap. 5 écrit par Aude Le Dividich) aux livres de cartographie et d’algèbre.
Un seul chapitre affronte la question littéraire – sans d’ailleurs que ce terme soit employé, il est plutôt question de prose pour les « honnêtes gens ». Ce chapitre a un statut privilégié car il donne son titre à la partie entière (celui de « Normalisation de la prose »), et d’autre part, il adopte une démarche particulière. Martin semble avoir voulu y semer les cailloux blancs d’un parcours plutôt que de labourer un terrain. C’est pourquoi, il cesse d’y suivre la méthode observée partout ailleurs : garder le contexte européen dans le champ, ce qui est grandement facilité quand les comparaisons s’exercent à l’intérieur des limites de genres précis.
Tous les exemples envisagés sont français et l’auteur laisse provisoirement de côté leur mise en relation avec des exemples étrangers, ce qui peut sembler paradoxal – notamment quand il s’agit d’un livre de Descartes, évidemment situé dans le champ philosophique euro-péen et publié à Leyde41. D’autre part, des Mémoires de Commynes au Discours de la Mé-thode, en passant par La défense et illustration de la langue fran-çaise de Du Bellay, la République de Bodin, les Essais de Montaigne et Le Prince de Balzac, ils ne relèvent pas du même genre. Leur point commun, c’est de n’avoir pas, ou très peu, besoin des ressources de l’intelligence visuelle. Il s’agit de textes qu’on pourrait dire « vocaux » (même s’ils n’ont jamais eu aucun rapport avec la profération), comme ceux qui s’intitulent volontiers « discours » à la fin du xvie siècle et au début du xviie, sans référence aux genres oratoires, mais pour désigner une parole à la fois libre et suivie sur un sujet. Rappelons ce que disait Descartes à Mersenne :
[…] je ne mets pas Traité de la Methode, mais Discours de la Methode, ce qui est le mesme que Preface ou Ad-vis touchant la Methode, pour monstrer que je n’ay pas dessein de l’enseigner, mais seulement d’en parler42.
Les textes de ce type, après avoir résisté plus longtemps que les autres à la mise en paragraphes, s’y mettent progressivement à la fin de la Renaissance. Il est difficile d’en saisir pleinement les raisons. Martin en donne au moins une très plausible : le souci d’élargir le public en lui offrant des conditions de lecture plus confortables43. Et une constatation s’impose : les lec-teurs du début du xviie siècle n’associent plus aussi clairement les paragraphes à l’idée de didactisme ou de démonstra-tion. Ils ne semblent plus considérer que le passage à la ligne interrompe, ou fige, le mouvement de la pensée et de la parole.
Vers une approche transnationale de l’espace visuel du livre ?
En 2004, dans le volume d’entretiens réalisé avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob, Martin s’avouait déçu du peu de réaction à ses propositions, notamment du côté des littéraires. Les pistes ouvertes par lui touchant la poétique des textes et leur réception ne lui semblaient guère explorées : chacun « laboure son terrain sans regarder au-delà de sa clôture »44. Il se montrait trop pessimiste ou trop impa-tient. En effet, la situation évoluait réellement, à la fois grâce à la diffusion de ses idées, comme de celles de Roger Chartier et d’autres observateurs de la matérialité des textes, et sous l’effet de la montée en puissance des numérisations de livres anciens et de manuscrits. De plus, la vague angoisse de voir les pages de papier arriver à la fin de leur histoire, remplacées dans leurs fonctions vives par les écrans, créait un climat d’intérêt et de sollici-tude. Dans le cadre des conférences de la Chaire du Louvre, Anthony Graf-ton a été invité en 2012 à donner une série de leçons sur les métamor-phoses de la page : l’exercice du décryptage de l’espace visuel qui s’offre quand on ouvre un livre se trouvait consacré dans le temple de l’histoire de l’art45.
Sans forcément lancer de nouvelles hypothèses, ni même continuer à expérimenter celles de La naissance du livre moderne, les littéraires intègrent de plus en plus souvent à leurs analyses, et de plus en plus étroitement, la description des mises en texte successives des œuvres. Les questions rhétoriques du rythme, du découpage et des pauses du discours sont abordées en relation avec une compréhension historique de l’évolution de la ponctuation et des normes typographiques – pour l’étude des Essais de Montaigne en particulier. En témoignent les âpres discussions suscitées par l’édition d’André Tournon, basée sur l’Exemplaire de Bordeaux (exemplaire de l’édition de 1588 annoté de la main de l’auteur), qui s’efforçait de restituer le système original de segmentation du texte mis au point par Montaigne à la fin de sa vie en allant jusqu’à inventer un nouveau signe de ponctuation, puis par le choix, dans deux entreprises éditoriales plus récentes, de l’édition posthume de 1595 comme texte de référence, en rupture avec une tradition déjà presque centenaire46. La question de la fragmentation du texte et de sa ponctuation, essentielle pour la définition du fameux style « coupé »47, faisait partie des points les plus sensibles, et le débat voyait s’affronter des spécialistes voulant avant tout mettre au jour la poétique personnelle de Montaigne et ses intentions d’écriture (point de vue excellemment défen-du par André Tournon), et d’autres qui accordaient de l’importance à la vie du texte dans l’histoire et aux différents visages typographiques qu’il avait présentés à ses lecteurs (Jean Céard, Jean Balsamo et d’autres)48.
La mise en livre des textes littéraires est de mieux en mieux explorée, notamment pour la poésie du xive au xviie siècle qui a été étudiée sous cet angle depuis la fin des années 198049. L’Atelier xvie siècle, animé à la Sorbonne par Mireille Huchon, à la fois historienne de la langue française à la Renaissance et très attentive aux relations entre poétique et effets de mise en texte, a été une pépinière pour de jeunes chercheurs qui reprennent la notion d’énonciation typographique (ou édito-riale) pour voir autrement la genèse des œuvres, l’évolution des genres et des formes, ou celle de la pratique des auteurs et de leur conscience d’eux-mêmes. Le livre de Guillaume Berthon sur Marot, celui d’Anne Ré-ach-Ngô sur l’émergence et le développement du récit sentimental en français en donnent de brillants exemples50. Hors de France, on observe le même phéno-mène. L’université de Dublin offre un programme de master en « Textual and visual studies » (sur les xxe et xxie siècles), des publications significatives enrichissent régulièrement ce do-maine51, et les historiens du livre, sur les traces d’Henri-Jean Martin, n’hésitent pas à s’emparer de ques-tions auparavant réservées aux spécialistes des textes : Nicolas Bar-ker qui, dans Visible voices, regarde, sur cinq millénaires, comment la poésie s’est inscrite sur différents supports matériels, ouvre ce faisant une fascinante réflexion sur la composition des poèmes et leur lecture52.
Les historiens des sciences et des savoirs, de leur côté, étaient prédisposés à s’intéresser à l’aspect concret des livres par la place croissante, dans leur discipline, de la prise en compte de la culture matérielle et des pratiques. Leur intérêt pour les images scientifiques les a amenés à se demander comment les pages d’un livre peuvent constituer un instrument pour apprendre et comprendre53. L’un des premiers dans cette voie a été Ian Maclean qui a montré comment juristes et médecins usaient de procédés graphiques spécifiques, adaptés à leurs traditions et usages profession-nels54.
Parmi tous ces travaux, certains se limitent à une aire géographique déterminée, tandis que d’autres franchissent les frontières, Visible voices de Nicolas Barker couvrant l’empan maximal. Cela suffit-il pour qu’on puisse affirmer que l’étude de l’espace visuel des textes a pris, comme l’ensemble de l’histoire du livre, ce tournant vers une approche transnationale qui a pro-duit un intérêt croissant pour les circulations des livres et les transferts cul-turels qui les ont accompagnées55 ?
Assurément, de plus en plus de données sont réunies pour y parvenir, en particulier grâce aux études sur l’évolution de la mise en texte d’ouvrages ayant connu une carrière internationale sur la longue du-rée, ce qui permet d’effectuer des comparaisons sur des bases solides. Le corpus médiéval en est particulièrement riche, qu’il s’agisse des romans vernaculaires ou des livres de savoir, la palme revenant bien évidemment à la Bible qui a beaucoup servi à fonder la légitimité de la description des mises en texte et à mettre au point ses méthodes, et qui reste un vaste terrain d’exploration56. Les médié-vistes sont de longue date accoutumés à analyser les manuscrits à la fois en fonction de leur contexte local de production et à l’échelle d’un environne-ment qui dépasse les limites de l’Europe : Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, cité plus haut, le montre clairement. L’intérêt pour l’espace visuel du livre a été, on l’a vu, marqué dès l’origine par le sens du transitoire et de la mobilité. Cette approche est donc parfaitement apte à s’allier aux recherches sur les circulations et les transferts.
En 2012, l’exposition sur l’Imitatio Christi, organi-sée à la Bibliothèque Mazarine, en collaboration avec la BnF et la Biblio-thèque Sainte-Geneviève, était axée sur la question de la diffusion euro-péenne de l’ouvrage, et a permis d’étudier l’évolution de sa mise en page comme un processus dynamique d’innovations, de reprises et d’adaptations, où les différents centres d’impression, surtout aux Pays-Bas, en Italie et en France, ont joué un rôle57.
Un projet est actuellement mené au Max Planck Institut für Wissenschaftsgeschichte de Berlin sur le Traité de la sphère de Johannes de Sacrobosco, pour appliquer à la circulation de cet ouvrage les méthodes de l’analyse des réseaux sociaux58. Ce manuel de cosmologie du xiiie siècle a eu plus de 300 édi-tions dans toute l’Europe entre le xve et le xviie siècle, avec le maintien d’une aptitude au renouvellement, non seulement dans le texte, mais dans l’illustration, la mise en page et la mise en livre. Au cours de cette diffusion, le trajet de l’innovation n’a pas été linéaire et l’initiative est passée de ville en ville : de Venise à Paris, puis à Ingolstadt et Wittenberg, avant un re-tour à Paris, et des déplacements à Lyon, Cologne et Anvers. Les innova-teurs effectuaient des croisements entre des modèles aux origines géogra-phiques différentes, et les adaptaient en fonction de leur horizon commer-cial59. Cette forme de ferti-lisation croisée, de tresse d’influences et d’apports venus de lieux différents pourrait s’observer dans le cas de bien d’autres types de livres.
Pour aller dans cette direction, un apport très significatif devrait venir des travaux sur le rôle des traductions dans le commerce du livre60. Dans un récent ou-vrage d’Anne Coldiron, Printers without Borders: Translation and Textua-lity in the Renaissance, l’articulation entre cet axe de recherche et celui de l’espace visuel du livre est remarquablement réalisée, montrant l’association étroite des traducteurs et des imprimeurs pour faire circuler les textes entre différentes aires culturelles, avec un mélange d’emprunts et d’adaptations qui touchait la mise en livre et la mise en page autant que les textes61. Frédéric Barbier se situe dans la même perspective quand il suit l’histoire des transformations de la Nef des fous62.
On peut passer de l’échelle des œuvres à celle des genres. Par exemple, il vaudrait sans doute la peine de mener une large enquête sur l’édition romanesque qui, en Europe, s’est particulièrement développée grâce aux traductions et aux adaptations. Des travaux ont été faits sur des secteurs particuliers de ce domaine63. On rêve d’un grand remembrement, permettant d’étudier les mises en texte sur un très vaste corpus, avec une attention portée à la double logique des traditions typographiques et des traditions littéraires qui peuvent tantôt se croiser, tantôt rester parallèles ou même s’écarter, selon la façon dont les éditeurs se figurent l’attente de leurs clients64.
Dans La naissance du livre moderne, à la fin du chapitre sur la « Normalisation de la prose », Henri-Jean Martin s’interrogeait sur la résistance du roman du xviie siècle à une mise en texte aérée par des blancs (autres que ceux des marges), et sur sa persistance à dérouler l’histoire sur de longues séries de pages peu denses, et de moyen format, mais dépourvues de repère et de respiration. Il avançait une hypothèse dont on est libre de ne pas se satisfaire : la faible éducation des lec-trices, encore malhabiles à lire silencieusement65. Mais il laissait le dossier ouvert, pour inviter à poursuivre les investigations, en vue de mieux cerner les relations entre format, densité typographique et blancs séparateurs, en lien avec la ques-tion de la lecture de certains types de textes par certains types de lec-teurs.
L’étude de l’espace visuel du livre est sans doute vouée à chercher perpétuellement un équilibre difficile et à vivre avec ses para-doxes. Qu’attendre d’autre d’un domaine de recherche qui s’appuie sur l’examen de documents matériels, mais où les interprétations doivent inté-grer autant de variables, et autant d’inconnues, et qui doit s’aider des idées et des résultats d’autres domaines et disciplines pour déboucher sur quoi que ce soit d’intéressant ? Sa position instable et dépendante est un facteur d’ouverture, et son aptitude à s’associer aux nouveaux courants de recherche assure son dynamisme. Elle y gagne aussi d’échapper au dogma-tisme : au lieu d’engranger les certitudes acquises, elle est toujours poussée à les remettre en question en agrandissant son champ d’investigation.
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1 Roger Laufer, « L’espace visuel du livre ancien », dans Histoire de l’édition française. I. Le livre conquérant. Du Moyen Âge au début du xviie siècle, dir. H.-J. Martin et R. Chartier, Paris, Promodis, 1982, p. 479-500. Voir aussi Id., « Les espaces du livre », dans Histoire de l’édition française. II. Le livre triomphant 1660-1830, Paris, Promodis, 1984, p. 128-139.
2 Pour un aperçu d’ensemble, voir François Dosse, Histoire du structuralisme, Paris, La Découverte, 1991-1992, 2 vol. ; Johannes Angermuller, Le champ de la théorie. Essor et déclin du structuralisme en France, Hermann, Paris, 2013.
3 Dès 1966, Gérard Genette développe l’idée, lancée par Paul Valéry, du langage comme réserve intemporelle de formes : « Une création neuve n’est ordinairement que la rencontre fortuite d’une case vide (s’il en reste) dans le tableau des formes », G. Genette, Figures I, Paris, Le Seuil, 1966, p. 263. Un peu plus tard, il nuance beaucoup sa position : l’« apparent refus de l’histoire » de la critique formelle, n’est « qu’une mise entre parenthèses provisoire, une suspension méthodique », G. Genette, « Poétique et histoire », dans Figures III, Paris, Le Seuil, 1972, p. 13. La poétique, telle qu’il la définit en 1999, est cependant encore « l’analyse des traits (plus ou moins) permanents du fait littéraire », Figures IV, Paris, Le Seuil, 1999, p. 13.
4 Roger Laufer, « Pour une description scientifique du livre en tant qu’objet matériel », Australian Journal of French Studies, 3-3, 1966, p. 252-272 ; Lloyd Hibbert, « Physical and reference bibliography », The Library, s. V, 20, 1965, p. 124-134 ; Fredson Bowers, Principles of Bibliographical Description, Princeton, Princeton University Press, 1949.
5 Wallace Kirsop, « Vers une collaboration de la bibliographie matérielle et de la critique textuelle », Australian Journal of French Studies, 3-3, 1966, p. 227-251.
6 Voir La textologie russe, éd. André Mikhailov et Daniel Ferrer, Paris, CNRS édition, 2007. Cette anthologie contient notamment les textes fondateurs de Boris Tomachevski, Nikolaj Piksanov et Boris Eikhenbaum. L’expression citée est de Roger Laufer, Introduction à la textologie : vérification, établissement, édition des textes, Paris, Larousse, 1972, p. 5.
7 R. Laufer, Introduction à la textologie, op. cit. [note 6], p. 10.
8 Ce Groupe, à l’origine de l’actuel Laboratoire Paragraphe de Paris VIII, co-organisa quatre colloques devenus historiques : La bibliographie matérielle, éd. Roger Laufer et Jacques Petit, Paris, Éditions du CNRS, 1983 ; La notion de paragraphe, éd. R. Laufer, Paris, Éditions du CNRS, 1985 ; Le texte en mouvement, éd. R. Laufer, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1987 ; Le texte et son inscription, éd. R. Laufer, Paris, Éditions du CNRS, 1989.
9 Une voie explorée à la suite des travaux de William Ivins et Rudolf Arnheim (qui s’intéressaient aux images plutôt qu’aux textes imprimés). Voir notamment William M. Ivins, Print and Visual Communication, Cambridge, Harvard University Press, 1953 ; Rudolf Arnheim, Visual Thinking, Berkeley, University of California Press, 1969.
10 R. Laufer, « L’esprit de la lettre. D’une lecture matérielle des livres », Le Débat, 1982-5, p. 146-159. L’expression apparaît dans la conclusion.
11 Voir Émile Benveniste, « L’appareil formel de l’énonciation », dans Problèmes de linguistique générale, II, Paris, Gallimard, 1974, p. 79-88. L’idée de Laufer a eu une postérité dans la notion d’« énonciation éditoriale », voir notamment Marie-Ève Thérenty, « Poétique historique du support et énonciation éditoriale : la case feuilleton au xixe siècle », Communication et langage, 166, 2010, p. 3-19.
12 R. Laufer, « L’esprit de la lettre », art. cit. [note 10].
13 Références données supra note 8.
14 R. Laufer, « La bibliographie matérielle : pourquoi faire », dans La bibliographie matérielle, op. cit. [note 8], p. 24.
15 Ibid., p. 17-18. Réf. à Donald F. McKenzie, « Printers of the mind : Some notes on bibliographical theories and printing-house practices », Studies in Bibliography, 22, 1969, p. 1-75, repris dans Id., Making meaning : « Printers of the mind » and other essays, éd. Peter D. McDonald et Michael F. Suarez, Amherst ; Boston, University of Massachusetts Press, 2002, p. 13-85.
16 D. F. McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes [1re éd. : Bibliography and the sociology of texts, Londres, The British Library, 1986], trad. Marc Amfreville, préf. Roger Chartier, Paris, Cercle de la librairie, 1991.
17 Pratiques de la lecture, éd. R. Chartier, Paris, Rivages, 1985 ; bientôt suivi par Les usages de l’imprimé xv-xixe siècle, éd. R. Chartier, Paris, Fayard, 1987, et par R. Chartier, Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987.
18 Les travaux de l’école de Constance paraissent dans les années 1970. Voir Hans Robert Jauss, Ästhetische Erfahrung und literarische Hermeneutik, Munich, Fink, 1977 [Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, préface de Jean Starobinski, Paris, Gallimard, 1978] ; Wolfgang Iser, Der Akt des Lesens : Theorie ästhetischer Wirkung, Munich, Fink, 1976 [L’acte de lecture Théorie de l’effet esthétique, trad. Evelyne Sznycer, Bruxelles, Mardaga, 1985].
19 Umberto Eco, Lector in fabula : la cooperazione interpretativa nei testi narrativi, Milan, Bompiani, 1979 [Lector in fabula Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. Myriam Bouzaher, Paris, Grasset, 1979].
20 Citons notamment La présentation du livre, éd. Emmanuèle Baumgartner et Nicole Boulestreau, Littérales, 2, 1987 ; Livre et littérature : l’espace optique du livre, éd. eaed., Littérales, 3, 1988.
21 Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, éd. H.-J. Martin et J. Vezin, Paris, Promodis, 1990.
22 La face cachée du livre médiéval. L’histoire du livre vue par Ezio Ornato et ses collègues, Rome, Viella, 1997. Voir notamment quatre articles écrits collectivement par Carla Bozzolo, Dominique Coq, Denis Muzerelle et Ezio Ornato : « L’artisan médiéval et la page : Peut-on déceler des procédés géométriques de mise en page ? », p. 447-456 ; « Noir et blanc. Premiers résultats d’une enquête sur la mise en page dans le livre médiéval », p. 473-508 ; « Page savante, page vulgaire : étude comparative de la mise en page des livres en latin et en français, écrits ou imprimés en France au XVe siècle », p. 509-517 ; « La lisibilité dans les manuscrits et les imprimés de la fin du Moyen Âge. Préliminaires d’une recherche », p. 521-554.
23 C. Bozzolo et E. Ornato, « Vers une approche “sociologique” du livre médiéval », Gazette du livre médiéval, 1, 1982, p. 7-9, ici p. 8. Pour un exposé de la méthode, E. Ornato, « La codicologie quantitative, outil privilégié de l’histoire du livre médiéval », Historia instituciones documentos, 18, 1991, p. 375-402, repris dans La face cachée, op. cit. [note 22], p. 41-65.
24 P. Saenger, Space Between Words: The Origins of Silent Reading, Stanford, CA, Stanford University, 1997.
25 Voir notamment Danièle Dubois et Willemien Visser, « La réalité psychologique du paragraphe », dans La Notion de paragraphe, op. cit. [note 8], p. 109-119. Paul Saenger, parmi bien d’autres travaux, se réfère à ceux d’Insup Taylor et David Olson, et à ceux qui mesurent combien l’œil doit prendre d’avance en cas de lecture oralisée ou silencieuse, par exemple, The Eye-Voice Span, éd. Ann Buckler-Addis et Harry Levin, Cambridge, MA, MIT Press, 1979 ; Dennis F. Fischer, « Spatial factors in reading and search : the case for space », dans Eye movement and psychological processes, éd. R.A. Monty et J.W. Senders, Hillsdale, Lawrence Erlbaum, 1976, p. 417-427.
26 Adrian Armstrong, Technique and Technology: Script, Print, and Poetics in France, 1470-1550, Oxford, Clarendon Press, 2000.
27 Henri-Jean Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français. La naissance du livre moderne, Paris, Cercle de la Librairie, 2000. L’introduction, curieusement vu le sujet de l’ouvrage, n’est pas paginée mais occupe ce qui correspond aux p. vi-viii et 1 (sic), l’expression citée est p. vi.
28 Ibid.
29 Ibid., p. vii.
30 Ibid.
31 H.-J. Martin, avec la collab. de Bruno Delmas, Histoire et pouvoirs de l’écrit, Paris, Perrin, 1988 ; H.-J. Martin, Aux sources de la civilisation européenne, Paris, Albin Michel, 2008 (posthume).
32 H.-J. Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français, op. cit. [note 27], p. viii.
33 Ibid.
34 Ibid., p. vii.
35 Hendrik Désiré Louis Vervliet, The palaeotypography of the French Renaissance. Selected papers on sixteenth-century typefaces, Leyde, Brill, 2008, 2 vol. ; Id., French Renaissance printing types : a conspectus, New Castle, Del., Oak Knoll Press, 2010.
36 Sur la présence de listes dans les écrits les plus anciens, comme les tablettes sumériennes de la fin du quatrième millénaire, voir notamment Jack Goody, La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, trad. Jean Bazin et Alban Bensa, Paris, Éd. de Minuit, 1979 [1re éd. en anglais, 1977], p. 140-196.
37 H.-J. Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français, op. cit. [note 27], p. 271.
38 Sur cette question, voir I. Pantin, « Mise en page, mise en texte et construction du sens dans le livre moderne. Où placer l’articulation entre l’histoire intellectuelle et celle de la disposition typographique ? », Mélanges de l’École française de Rome, 120-2, 2008 [= 2009], p. 343-361.
39 Voir Marcella Perrone-Bertolotti, Jan Kujala, Philippe Kahane, Jean-Philippe Lachaux et al., « How silent is silent reading? Intracerebral evidence for top-down activation of temporal voice areas during reading », Journal of Neuroscience, 32 (49), 5 décembre 2012, p. 17554-17562, en ligne : DOI: https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.2982-12.2012
40 H.-J. Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français, op. cit. [note 27], p. 270.
41 I. Pantin, art. cit. [note 37].
42 R. Descartes, Œuvres, éd. Charles Adam et Paul Tannery, I, Paris, Le Cerf, 1897, p. 349 (lettre de mars 1637). La traduction pour l’édition latine (Amsterdam, Louis Elzevier, 1644) est Dissertatio de methodo : même choix que pour la Dissertatio cum nuncio sidereo de Kepler (1610), petit ouvrage conçu comme une conversation avec Galilée sur les découvertes télescopiques, et non comme un traité.
43 H.-J. Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français, op. cit. [note 27], p. 322.
44 H.-J. Martin, Les métamorphoses du livre. Entretiens avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob, Paris, Albin Michel, 2004, p. 278.
45 Anthony Grafton, La page, de l’Antiquité à l’ère du numérique. Histoire, usages, esthétiques, trad. Jean-François Allain, Paris, Hazan, 2012.
46 M. de Montaigne, Les Essais, éd. André Tournon, Paris, Imprimerie nationale, 1998, 3 vol. (cette édition utilise notamment un point en haut, pour remplacer le deux-points quand il a la valeur d’un quasi point-virgule, mais placé entre des éléments reliés ou subordonnés) ; Id., éd. Jean Céard et al., Paris, Le Livre de Poche, 2001 ; Id., éd. Jean Balsamo, Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin, Paris, Gallimard, 2007 (Bibliothèque de la Pléiade).
47 Le terme vient de la recommandation à ses futurs imprimeurs inscrite par Montaigne au verso de la page de titre de l’Exemplaire de Bordeaux : « [C’e]st un langage coupé, qu’il n’y espargne les poincts & lettres majuscules […] ».
48 Parmi les confrontations entre les deux partis, citons Montaigne, les deux visages des Essais, table ronde organisée à la Bibliothèque nationale de France, le 9 février 2002, dont l’enregistrement sonore est disponible sur le site de la BnF : NUMAV-298725.
49 Voir notamment Sylvia Huot, From song to book. The poetics of writing in Old French lyric and lyrical narrative poetry, Ithaca, Cornell University Press, 1987 ; Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « Quand la voix s’est tue : la mise en recueil de la poésie lyrique aux xive et xve siècles », dans La présentation du livre, op. cit. [note 20], p. 313-327 ; Jane H. M. Taylor, The making of poetry. Late-medieval French poetic anthologies, Turnhout, Brepols, 2007 ; Rencontres du vers et de la prose : conscience théorique et mise en page, éd. Catherine Croizy-Naquet et Michelle Szkilnik, Turnhout, Brepols, 2015 ; I. Pantin, « Innovation poétique, innovation typographique, comment penser un synchronisme ? La page du livre de poésie dans la première moitié du xvie siècle », dans Les poètes français de la Renaissance et leurs libraires, éd. Denis Bjaï et François Rouget, Genève, Droz, 2015, p. 55-77 ; Danijela Kambaskovic-Schwartz, « The poem sequence before early modern eyes : printing conventions and notions of the genre, Italy, 1450-1650 », Parergon, 33-1, 2016, p. 113-130.
50 G. Berthon, L’Intention du Poète. Clément Marot « autheur », Paris, Classiques Garnier, 2014 ; A. Réach-Ngô, L’Écriture éditoriale à la Renaissance. Genèse et promotion du récit sentimental français (1530-1560), Genève, Droz, 2013.
51 Parmi les plus récentes et les plus riches, Verbal and visual communication in early English texts, éd. Matti Peikola et al., Turnhout, Brepols, 2017.
52 N. Barker, Visible voices. Translating verse into script and print, 3000 BC–AD 2000, Manchester, Carcanet, 2016.
53 Voir notamment Immagini per conoscere. Dal Rinascimento alla Rivoluzione scientifica, éd. Fabrizio Meroi et Claudio Pogliano, Florence, Olschki, 2001 ; Transmitting knowledge. Words, images, and instruments in early modern Europe, éd. Sachiko Kusukawa et Ian Maclean, Oxford, Oxford University Press, 2006 ; Observing the world through images. Diagrams and figures in the early-modern arts and sciences, éd. Nicholas Jardine et Isla Fay, Leyde, Brill, 2014.
54 Ian Maclean, Interpretation and meaning in the Renaissance. The case of law, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Id., Logic, signs, and nature in the Renaissance. The case of learned medicine, Cambridge, CUP, 2002.
55 Voir notamment Sydney J. Shep, « Books without borders. The transnational turn in book history », dans Books without borders. I. The cross-national dimension in print culture, éd. Robert Fraser et Mary Hammond, Basingstokes, Palgrave MacMillan, 2008, p. 13-37 ; Pour une histoire transnationale du livre, éd. Martin Lyons et Jean-Yves Mollier, Histoire et civilisation du livre, 8, 2012.
56 Citons par exemple le programme de l’IRHT, Glossae.net. Édition électronique des gloses de la Bible latine.
57 Un succès de librairie européen : l’« Imitatio Christi » 1470-1850, dir. Martine Delaveau et Yann Sordet, Paris, Bibliothèque Mazarine et Éditions des Cendres, 2012. Voir notamment Y. Sordet, « Introduction : Le livre des records », p. 23-24.
58 « The Sphere. Knowledge system evolution and the shared scientific identity in Europe », dir. Matteo Valleriani. Voir Matteo Valleriani, « The tracts on the Sphere. Knowledge restructured over a network », dans The structures of practical knowledge, éd. Matteo Valleriani, New York, Springer, 2017, p. 421-473.
59 I. Pantin, « Borrowers and innovators in the printing history of Sacrobosco. The case of the in-octavo tradition », dans De sphaera of Johannes de Sacrobosco in the early modern period, éd. Matteo Valleriani, Bâle, Springer Nature Switzerland, 2020, p. 265-312.
60 Voir notamment Translation and the book trade in early modern Europe, éd. José Maria Pérez Fernandez et Edward Wilson-Lee, Cambridge University Press, 2014 ; Transkulturalität nationaler Räume in Europa (18. bis 19. Jahrhundert). Übersetzungen, Kulturtransfer und Vermittlungsinstanzen / La transculturalité des espaces nationaux en Europe (xviiie-xixe siècles). Traductions, transferts culturels et instances de médiations, éd. Christophe Charle, Hans-Jürgen Lüsebrink, York-Gothart Mix, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2017.
61 Anne E. B. Coldiron, Printers without borders. Translation and textuality in the Renaissance, Cambridge, Cambridge University Press, 2015.
62 Frédéric Barbier, Histoire d’un livre : la Nef des fous, de Sébastien Brant, Paris, Éditions des Cendres, 2018.
63 Par exemple, Anne Réach-Ngô, dans L’Écriture éditoriale à la Renaissance, op. cit. [note 49] s’intéresse à l’influence des romans espagnols et italiens sur la mise en page de leurs traductions en français. Voir aussi Traduire et illustrer le roman au xviiie siècle, éd. Nathalie Ferrand, Oxford, Voltaire Foundation, 2011.
64 Le projet SCRIPTA PSL (Initiative de recherche interdisciplinaire et stratégique de Paris Sciences et Lettres), dirigé par Andreas Stauder puis par Ivan Guermeur, comporte un axe, « Pages – champs visuels pour la lecture », dont l’ambition est de participer à la préparation d’un tel remembrement.
65 « On imagine ces histoires lues à haute voix ou à mi-voix par des femmes formées à la conversation, mais encore peu accoutumées à la lecture », H.-J. Martin et al., Mise en page et mise en texte du livre français, op. cit. [note 27], p. 326.