Du luxe au semi-luxe
Olivier BESSARD-BANQUY
Université Bordeaux-Montaigne, équipe TELEM
Au début du xixe siècle, après les secousses de la Révolution, les amateurs de livres qui ont pu sauver leurs têtes ont au moins une joie ou une maigre consolation qui est de pouvoir faire de merveilleuses emplettes : suite aux nombreuses confiscations dans des conditions opaques des volumes du clergé ou des émigrés, un grand nombre des trésors du passé se retrouvent en vente chez quelques libraires peu scrupuleux, parfois soldés sur les quais. Nodier n’a-t-il pas même trouvé un exemplaire du Songe de Poliphile pour une somme dérisoire dans les boîtes d’un des bouquinistes parisiens1 ? Mais ces joies réelles ont une fin et, au terme de la Restauration, il n’y a semble-t-il plus guère d’espoir de trouver à vil prix des raretés de l’ancien temps (encore que ce soit une rengaine des chineurs que d’évoquer toujours un âge d’or passé où tout a été plus accessible et moins cher ; faut-il en conclure que les manuscrits les plus beaux ont été liquidés pour trois sous il y a bien longtemps aux abords du pont Neuf2 ?)
Malheureusement la production courante de librairie ne paraît pas enchanter les amateurs du xixe siècle, terrifiés par l’ampleur de tout ce qui a pu être détruit ou perdu dans le tourbillon révolutionnaire, car ils ont laissé des lignes acides sur le débraillé des parutions, le peu de charme et d’inventivité des volumes, tout particulièrement sous la Restauration3. Nodier le premier n’a cessé de mener la charge contre les productions courantes de son époque ; en témoignent les pages les plus sévères des débuts du Bibliomane, son texte le plus fameux sur toutes ces questions4. Didier Barrière dans son essai sur le conservateur de l’Arsenal nous rappelle encore que l’auteur du Roi de Bohême n’a pas manqué de dénoncer l’évolution de l’imprimerie et notamment la litho-typographie, car il pressent que c’est toute la beauté du plomb à l’ancienne qui risque de disparaître dans ces évolutions – et force est d’admettre que, comme Uzanne après lui, il n’aura pas eu tout à fait tort… Nodier a aussi dénoncé la folie de la production à partir des années romantiques, « le déluge universel de papier imprimé5 ». Il n’a sans doute pas été le seul mais bien l’un des premiers à évoquer les excès de la production à une époque qui est pourtant celle de Curmer, de Ladvocat, de Renduel, de bien belles années célébrées par Raymond Hesse dans son travail sur Le Livre d’art6. Nodier enfin n’a pas manqué non plus d’ironiser sur les excès de la librairie romantique et notamment cette manie des marges démesurées donnant des volumes très blancs afin d’écouler des livres chers en plusieurs tomes, notamment auprès des cabinets de lecture, objets de toutes les haines de Balzac. Pourtant son propre Roi de Bohême n’échappera pas à cette critique…
LA RECHERCHE D’UNE ALTERNATIVE À L’ÉDITION COURANTE
Nodier n’est pas le seul à se plaindre. Jules Janin est encore plus sévère à l’endroit des livres qui ne sont pas irréprochables et qui, sans être l’apanage de l’époque, sont tout particulièrement produits en plus grand nombre depuis la Monarchie de Juillet7. Plus que le bibliophile Jacob, Janin est l’incarnation de l’amateur extrémiste, celui pour qui la bibliothèque doit être une bibliothèque d’excellence, où seules comptent les éditions originales, si possible possédées par les plus grands qui ont laissé là leurs ex-libris, reliées par les meilleurs des artisans passés et conservées dans un état proche du neuf. Bibliothèque où l’on ne doit trouver que quelques auteurs seulement, dans une sélectivité extrême. Quelques grecs et latins, une Bible, une grammaire, un dictionnaire, quelques-uns des poètes anciens, et des modernes à peine quelques noms, Hugo, et c’est là presque tout. Il ne s’agit plus d’un amour des livres malgré le titre – car on sent l’auteur prêt à brûler généreusement tout ce qui ne lui plaît pas – mais plutôt d’un orgueil de collectionneur démesuré où seule compte l’unicité des pièces rassemblées. Dans cette vision extrémiste le livre idéal est le manuscrit enluminé, tout le reste étant trop vulgaire ou trop commun8. Réaction typique d’un amoureux des lettres dans une période de riposte face à l’essor de la production industrielle dénoncée par Sainte-Beuve9. Janin est proche d’Uzanne par sa moue face à la production courante ; mais le prince des critiques a une vision absolue de la bibliothèque de l’honnête homme qui doit être sans défaut alors qu’Uzanne est dans la curiosité tous azimuts et le véritable amour des livres, y compris sur le peigne ou le manchon, quand ils sont bien faits. Un certain Joseph Aynard n’est souvent pas loin de ces détracteurs du livre moderne :
Pendant trois siècles et demi le livre a presque toujours montré un souci d’art et de décoration. Avec nos habits noirs et nos maisons sans caractère, au xixe siècle est apparu le livre mal imprimé sur de mauvais papiers, tel que même la littérature populaire d’autrefois n’en produisait pas10, le livre d’où toute recherche a disparu et qui au bout de quelques jours de lecture ne sera plus qu’un chiffon de papier taché d’encre. […] Après la Révolution, nous prenons sur le fait, dans l’art du livre, cette étrange décadence des métiers qui, due en partie sans doute au machinisme, en partie à la suppression des corporations, atteignit tout particulièrement une profession qui demande beaucoup de soins et d’attention. On peut encore signaler au xixe siècle de beaux livres, mais le niveau général baisse lamentablement. Tandis que les livres d’autrefois étaient établis comme pour durer éternellement sous leur solide reliure d’éditeur11, il semble que ceux de notre siècle soient faits pour être hâtivement lus, puis disparaître, perdus par leur fragilité intrinsèque12.
Uzanne, qui partage globalement ces constats, explique dans La Nouvelle Bibliopolis comment la bibliophilie moderne a, si l’on peut dire, gagné en importance contre les criminels relâchements de l’édition courante. Il glose sur le goût de l’ancien et le traditionalisme aussi bien du monde du livre que des collectionneurs qui ont longtemps été la norme. Il évoque le snobisme qui règne dans ces affaires et moque en passant ceux qui parfois ont aimé collectionner sans jamais lire une ligne. Il salue en revanche la bibliophilie nouvelle, car il est en faveur de l’inventivité, il veut des choses qui soient de leur époque et non dans la reproduction de ce qui a déjà été fait et qui n’a plus de sens. Il est particulièrement sévère avec le livre des débuts du xixe siècle. Aucun effort, aucune recherche pour innover, dit-il. Il parle même d’horreurs sous l’Empire ou la Restauration. Bien sûr y a-t-il eu dans le lot quelques beautés, concède-t-il ; il a des mots plus mesurés pour Eugène Renduel, mais là encore – et paradoxalement – il ne sauve presque rien de l’époque romantique, évoquant à ce propos le fameux « papier de coton » de ces publications sans qualité dont les cotes sont parfois devenues aberrantes, en raison de leur rareté. Ainsi, après avoir fait l’éloge de Renduel, il assure que cela n’a pas de sens de chercher des originales de Victor Hugo et d’on ne sait quel autre artiste de l’époque, tous pourtant publiés par le célèbre éditeur retiré dans le Morvan en fin de vie13. Du moins le rigoureux critique trouve-t-il les cotes de certains de ces livres démesurées ou déplacées. L’opposition avec Raymond Hesse est ici flagrante ; le spécialiste du livre de luxe vante au contraire la beauté des productions de Curmer et de bien d’autres qui sont l’occasion de la redécouverte de la gravure sur bois qu’il préfère à l’eau-forte de toute évidence, avec des artistes comme Tony Johannot, Daumier, Gavarni, parmi tant d’autres… À partir de 1840, les choses changent aux yeux d’Uzanne ; de nouveaux venus innovent. Il cite Fournier, Hetzel, « s’inspirant peut-être à vrai dire de certaines publications du style keepsake des Anglais14 ». Il évoque le célèbre Paul et Virginie de Curmer, différents titres qui méritent d’être recherchés selon lui. Ce mouvement se poursuit de manière intéressante avec Poulet-Malassis, qui à ses yeux pose véritablement « les assises de la bibliophilie contemporaine », sans doute non seulement pour son sens du beau livre qui l’oppose en tout point aux piètres opérations de Michel Lévy mais surtout pour son goût en faveur du xviiie siècle puisqu’il publiera même les fameux Oubliés et Dédaignés de Monselet et qu’il envisagera une petite série de redécouverte des libertins et irréguliers dont Baudelaire se moquera très amicalement, trouvant le choix opéré par Poulet des plus discutables. L’éditeur-imprimeur d’Alençon apporte par ailleurs le plus grand soin aux volumes : il est l’un des premiers à différencier ses tirages sur toutes sortes de papiers et multiplie bandeaux, fleurons et autres culs de lampe sans oublier de faire travailler Félicien Rops pour les frontispices…15 Il fait faillite, comme on sait, mais il a semé une idée « qui ne [tardera] pas à être reprise pour le compte d’Alphonse Lemerre », assure, péremptoire, Octave Uzanne. Jouaust apparaît dans la foulée qui publie tous les chefs-d’œuvre sur beau papier puis, après la guerre de 1870, les Rouveyre et tant d’autres qui publient à tout va, trop à coup sûr, tant et si bien que la crise survient car il eût été inconcevable que le marché pût tout absorber. Ne reste plus que Quantin et quelques autres qui ont travaillé avec goût dans les années 1880 et un peu au-delà16.
De tout cela il n’est pas sorti grand-chose, assure Uzanne, et avec un peu de cabotinage l’auteur de Nos amis les livres va jusqu’à mettre en avant ses propres productions chez Quantin qui, seules presque, trouvent grâce à ses yeux. Heureusement de jeunes amateurs sont arrivés, dit-il encore, qui par leur goût moderne ont su faire évoluer le livre. Le célèbre bibliophile veut des innovations dans tous les domaines, l’illustration notamment, en couleurs : du beau, du neuf, lié au contemporain, et non à l’ancien tant il lui paraît peu possible de réussir à exprimer dans un livre au xixe siècle ce qui relève du Moyen Âge ou d’on ne sait quelle autre époque. Il moque Jouaust pour son manque absolu d’originalité, son sens classique de la page, son manque de courage pour sortir des sentiers battus. « Tout est à faire dans la fabrication même du livre », écrit-il. Le papier doit être réinventé, amélioré, jusqu’à la typographie, car le Didot lui paraît être particulièrement malheureux et pour tout dire illisible. « Qui nous donnera un William Morris ? », demande-t-il. C’est dire si le renouveau elzévirien n’a rien pour lui plaire ; pour lui, il faut aller plus loin, inventer, créer. Chaque époque doit avoir son style, sa typographie, son art du livre. Il en profite pour faire l’éloge des Anglais et des Américains, plus innovants, plus aventureux. L’art du livre est enfin sorti de la routine, dit-il, émerveillé, il s’éveille. Que sera demain ? Il s’interroge sur l’art typographique et, sombre, pronostique : « Il n’est pas trop fantaisiste de prévoir la mise en désuétude de l’invention de Gutenberg. […] Peut-être [sommes-nous] les derniers bibliophiles sous la forme passionnelle du livre imprimé17. »
Ainsi est-ce contre le débraillé de la production courante qu’une autre production raffinée a pu voir le jour et fédérer de richissimes amateurs. Mais ceux qui comme Poulet-Malassis auront eu les faveurs des chineurs restent chers tout en faisant pour l’essentiel de l’édition courante comme les autres, comme Jannet, à des tirages il est vrai assez limités. Et encore faut-il deviner là que ce n’est pas le Poulet-Malassis parisien, éditeur de Baudelaire, qui intéresse Uzanne, mais l’exilé qui depuis Bruxelles bombarde la France de textes légers, à côté de Gay et Doucé ou Kistemaeckers, des éditeurs qui, avant Liseux, explorent tous les aspects possibles de l’édition galante ou badine, pleine de surprises… Lemerre, Jouaust vont plus loin et systématisent les différents tirages sur toutes sortes de papiers, du courant au grand luxe, et, à partir des années 1870, un vrai commerce du rare prend son essor avec d’un côté des tirages systématiques de luxe des éditions courantes et de l’autre une production spécifique emmenée par des groupements de bibliophiles, après les premiers groupements des années 1820, ou par des éditeurs spécialisés comme le seront Pelletan, ou les célèbres Conquet et Carteret. Autant de groupements où d’ailleurs Uzanne pourra jouer un rôle de premier ordre et dont il chroniquera les productions dans ses différents périodiques comme Le Livre, publié grâce aux bons soins de Quantin.
Ces éditeurs pourront-ils se contenter de ressortir sans fin Horace ou Virgile ? Non, car les amateurs de ces textes cherchent des exemplaires des presses aldines ou des Elzevier et ils ont déjà dans leurs bibliothèques les plus beaux des tirages classiques. Ils sont en quête du rare, du raffiné, du croustillant aussi, et c’est ainsi que certains comme Jouaust vont puiser dans les trésors du passé, inconnus, pour complaire à ces amateurs. Liseux fera de même, étant entendu que si c’est vendu cher cela ne peut corrompre les âmes faibles ou sensibles, l’État se montrera donc clément. C’est du moins ce qu’aura cru Liseux avant d’être sévèrement condamné18.
Toute une vogue de la redécouverte du petit chef-d’œuvre traverse l’édition française et se trouve foncièrement liée au luxe et semi-luxe pour plaire à ceux qui ont déjà toute la littérature classique chez eux sur beau papier. C’est là un mouvement d’autant plus vigoureux, auquel participent les Goncourt, très xviiie siècle, qu’il est le pendant de ce qui sera bientôt la dénonciation du « stupide xixe siècle ». Les grands bibliophiles des premières sociétés sont dans une logique conservatoire et deviennent mécaniquement éditeurs pour faire revivre les titres qu’ils ont pu sauver du néant, et, au-delà, donner ce qu’ils aiment et chérissent par-dessus-tout. Daniel Desormeaux le rappelle dans son étude sur la figure du bibliomane : dès après les années chaudes de la Révolution, des bibliophiles se sont coalisés, dont Nodier, pour sauver ou relancer les œuvres martyrisées, détruites, oubliées, dont des volumes de facéties, en nombre dans les catalogues des ventes de Nodier. Ainsi ces groupements de bibliophiles, à commencer par la Société des bibliophiles françois, ont-ils eu pour but de tirer du néant des productions dont il ne reste presque plus d’exemplaires. D’ailleurs sa première publication s’avère être un petit Diderot pour ainsi dire introuvable dont il ne reste alors plus, dit-on, que deux exemplaires connus19. C’est parce que ces conservateurs sont aussi bibliophiles que ces rééditions deviendront luxueuses, mais elles sont rares d’abord, non par leur aspect ou leur fabrication soignée à tirage limité, mais par nature, par leur volonté première de sauver du néant une œuvre quasi morte car indisponible, épuisée, détruite ou inaccessible ; c’est ce souci de servir la création qui, dans un second temps, conduit à en soigner la réalisation, pour complaire dans un même mouvement à ceux qui sont donc aussi des amoureux du livre, pour parler comme François Fertiault20.
Ces différents mouvements – les textes grognons de Jules Janin et de tant d’autres sont là pour nous le rappeler – sont tout à fait parallèles à ce qui traverse la littérature : ce sont les mêmes qui dénoncent la dégradation de l’objet-livre et l’industrialisation des lettres, d’Uzanne à Gide en passant par Claudel. On le voit avec À rebours où des Esseintes soigne ses livres dans le célèbre chapitre xii où seul presque Baudelaire trouve grâce à ses yeux, après n’avoir de même retenu des textes antiques évoqués chapitre iii que ceux de Pétrone ou d’Apulée. À rebours qui sera le grand livre de luxe de l’époque, donné comme on sait par une fameuse société de bibliophiles au début des années 190021.
Quantin excelle dans ce domaine de la redécouverte des textes rares qui peuvent plaire. Il s’agit tout à la fois de servir la cause de la littérature française la plus fine et en même temps de faire montre des talents et des possibilités de l’imprimerie. Il veut élever celle-ci au rang des Beaux-arts, montrer de quoi la technique peut être capable au service du rayonnement des arts et lettres sur le monde, après Jules Claye et aux côtés de Claude Motteroz22. Ces hommes du livre, attentifs aux avancées pratiques, tout en étant de grands amateurs de typographies classiques, veulent établir des ponts entre l’art du livre à l’ancienne et la librairie moderne. Ils rêvent de montrer par l’exemple tout ce que les apports du siècle ont rendu possible et en même temps leur conception de l’édition reste plutôt passéiste pour ne pas dire rétrograde. Ils travaillent pour les amateurs les plus raffinés et n’ont que faire d’aller à la rencontre de la masse des Français nouvellement acquis à la lecture. Ils entendent faire reconnaître l’imprimerie comme un art noble, supérieur à tous les autres, et refusent d’avoir la moindre considération pour tout ce qui fait de même grimacer les futurs fondateurs de la NRF. Toutefois, pour réenchanter le monde de l’imprimerie, pour mettre au service des plus beaux textes les merveilleuses possibilités de l’art du livre, il faut aux côtés de Quantin un homme de lettres, un amateur de textes rares, oubliés, audacieux, un bibliomane aux idées incongrues, unanimement salué, reconnu – cet homme, c’est Octave Uzanne, avec qui l’imprimeur souhaite mener de véritables éditions d’art au même titre que les glorieux anciens, les Estienne, les Elzevier ou les Didot : « L’imprimerie de la rue Saint-Benoît était autrefois un véritable cercle littéraire. Très lettré et très artiste, M. Claye comptait beaucoup d’amis personnels dans le monde de la pensée. Il était très lié à George Sand et avec Balzac et Le Lys dans la vallée a été écrit en partie dans son bureau. » Quantin se plaint qu’avec l’évolution commerciale des choses « les imprimeries d’aujourd’hui tournent de plus en plus à l’usine » pour s’éloigner d’autant de l’époque où l’imprimeur a pu être un maître consulté. Mais il se félicite de la bonne réputation de son imprimerie. « M. Quantin est l’imprimeur attitré de Victor Hugo – et ce n’est pas un mince client ! – M. Renan tient à ce que ses volumes soient confiés à ses correcteurs et c’est lui que Mme Thiers vient de choisir pour l’impression des œuvres parlementaires de l’illustre homme d’État. » Tout ce travail a valu à l’éditeur qui s’en glorifie un rappel de médaille d’or. Quantin invente en quelque sorte un âge d’or sacré de l’imprimerie ; avec Liseux et quelques autres, il se pense en héritier des Estienne, des Plantin, des Elzevier et il les pare en rêve de toutes les qualités des humanistes anciens pour en faire autant d’honnêtes hommes capables de disserter à bâtons rompus avec Érasme, Montaigne ou mille autres savants des plus riches époques du passé23. Sans nul doute dans le lien qui a pu attacher Quantin à Uzanne y a-t-il eu de cette griserie-là. L’imprimeur qui entend s’inscrire dans la suite des plus grandes figures du livre du passé ne peut que s’entendre avec l’auteur qui s’ingénie à donner de lui l’image du bibliophile le plus accompli, le plus pur, le plus savant. Ils se servent mutuellement si l’on peut dire : l’imprimeur a besoin de la caution intellectuelle de l’écrivain ; ce dernier, pour apparaître tel un véritable expert du livre de luxe, doit connaître de l’intérieur l’art et la technique de réalisation des volumes, ce qui ne peut être possible sans le concours de son ami imprimeur-éditeur, l’un des meilleurs professionnels de France à cette époque.
Les livres d’amateurs sont, comme on sait, une des spécialités de la maison, écrit-il enfin. Elle a une bonne partie de sa clientèle parmi les auteurs qui s’impriment eux-mêmes, par satisfaction d’amour propre ou par calcul. Le matériel de la maison en fleurons, culs de lampe et lettres ornées est considérable et il s’augmente tous les ans. En la seule année 1878, M. Quantin a fait dessiner et graver jusqu’à cinq séries d’ornements de styles différents et qui demeurent la propriété particulière de la maison.24
Autrement dit, loin de s’en tenir à une simple activité d’imprimerie qui ronronne, la maison cherche à innover perpétuellement, offrir de nouveaux raffinements, de nouvelles possibilités graphiques, techniques, afin de séduire de nouveaux clients, de lutter contre des concurrents actifs et entreprenants.
Une chose est sûre : l’édition, si elle correspond pour lui à une vraie passion, une vraie volonté de montrer de quoi sa belle entreprise est capable, est conçue comme un défi, un moyen de faire éclater l’excellence de la structure. Elle doit séduire les amateurs mais aussi faire venir à l’imprimerie des clients potentiels. Elle est une vitrine, une activité commerciale à fonction publicitaire – la preuve par l’exemple de tout ce dont la maison est capable. Le livre d’Albert Quantin lui-même sur les origines de l’imprimerie est d’ailleurs envoyé « à tous ses confrères en imprimerie et en édition, comme hommage de bienvenue25 ». Un article de presse de la fin des années 1870 le remarque : « Les plus belles productions de la librairie moderne sont sorties et sortent encore de la vieille et célèbre imprimerie de la rue Saint-Benoît. Mais en passant des mains de Jules Claye à celles de M. Quantin, cette maison a commencé à éditer pour son propre compte des ouvrages qu’elle se contentait autrefois d’imprimer pour le compte des autres26. »
Il est bien difficile de dater les vrais débuts de la maison mais ils semblent indissolublement liés à l’entrée en fonction d’Albert Quantin et à la rencontre déterminante, au cœur des années 1870, avec Octave Uzanne qui a déjà travaillé avec Édouard Rouveyre et Damase Jouaust. D’ailleurs, l’une des premières séries lancées semble avoir été celle des « Petits conteurs du xviiie siècle ». « Elle donnait comme la quintessence du bel esprit de cette époque et faisait revivre toute une littérature romancière dont les œuvres étaient devenues introuvables, lit-on dans une note interne. La forme gracieuse de ces volumes rappelait à s’y méprendre celle des plus élégantes éditions de ce temps où l’unique but était de charmer27 ». La collection est dirigée par Octave Uzanne. Des exemplaires courants sont proposés sur Hollande, au format in-8 anglais, pour 10 francs pièce, mais les exemplaires sur Chine, au nombre de 20, ceux sur Whatman blanc et ceux sur Whatman bleuté, 30 et 50 exemplaires respectivement, sont vendus 25 francs. Parmi tous les volumes de Crébillon, Voisenon, Caylus, Cazotte, Godard d’Aucour, Boufflers, figurent quelques ouvrages de parfaits inconnus qui n’ont alors pas été réédités : Augustin de Moncrif, le baron de Besenval, Nicolas Fromaget28. Octave Uzanne semble prendre un malin plaisir à extraire des caves de l’oubli les plus délicats ou les plus discrets des esprits raffinés du temps passé, pour le plus grand plaisir du dernier des Goncourt sans nul doute, mais ces volumes sont-ils pour autant de francs succès de librairie ? Une sorte de snobisme du texte rare, inconnu, introuvable, semble s’emparer des cerveaux de la maison Quantin au moment même où nombre d’auteurs sombrent dans un hermétisme fin de siècle par opposition aux travers de la librairie grand public…
Après la série sur les conteurs, des « documents sur les mœurs du xviiie siècle » sont publiés, un volume qui a pour titre La Chronique scandaleuse, un autre Anecdotes sur la comtesse du Barry, ou encore La Gazette de Cythère, Mœurs secrètes du xviiie siècle… Les volumes sur Hollande sont maintenant proposés pour 20 francs pièce, les exemplaires sur Chine pour 50 francs29. Des papiers inédits du duc de Saint-Simon sont également offerts au public avec une introduction d’Édouard Drumont. « Pendant qu’il poursuivait les collections élégantes dont nous avons parlé […], et en même temps aussi que ses grands ouvrages sur les maîtres de l’art, M. Quantin produisait pour les amateurs nombre de belles éditions qui caractérisent une époque de la librairie brillante et qui sont appelées à atteindre des prix très élevés dans les catalogues et l’avenir30. » La maison est engagée dans une sorte de course vers l’excellence et cherche à briller par des prouesses inégalées. Elle veut s’imposer comme une maison à l’avant-garde technique au service du bon goût français. Elle s’ingénie aussi à passer pour désintéressée, plus tentée d’enrichir le patrimoine des hautes œuvres indépassables qu’acharnée à essayer de dégager des profits de quelques affaires qui semblent effectivement pensées pour de rares happy few, à une époque où déjà Uzanne prophétise la mort du livre31. C’est d’ailleurs là un des sublimes paradoxes en cette affaire ; peu d’époques ont semblé plus riches, plus belles, d’éditeurs et d’imprimeurs rivalisant d’idées et d’audaces pour faire éclater l’art tonitruant du très beau livre à la française – ils ont d’ailleurs formé comme une petite équipe sinon d’amis du moins de proches, tous installés dans la proximité les uns des autres, Liseux, Quantin, Jouaust, Lemerre, Pelletan, Borel…32 – et peu d’époques ont ressenti avec autant d’intensité la mort sûre et prochaine du livre.
Ces éditeurs de qualité – remarquons-le en passant – sont tous pour le moins polissons : Liseux défend la littérature érotique, Quantin les facéties galantes, Crès a pour devise sur son ex-libris « un sein de femme et tout va bien… », la Revue blanche donne la traduction pour le moins épicée des Mille et une nuits du célèbre Dr Mardrus, Rachilde et de Gourmont confient au Mercure quelques-unes de leurs publications les plus osées33. Ce sont des éditeurs libres, des figures de la Troisième République en lutte contre les rigueurs passées et les enfers de l’obscurantisme. Dans la nouvelle libération des publications, réaffirmée depuis le début des années 1880, ces aventuriers du beau livre voient une invitation à se faire peut-être plus téméraires. Et il faut dire que la masse de tout ce qui est à faire découvrir ou redécouvrir est encore vaste. Liseux se dédie à la littérature de l’amour sous toutes ses formes, Quantin aux textes badins, ou galants. En ce sens Pauvert et Tchou pourront être perçus comme les très lointains et brillants héritiers de ces artistes du livre qui ont mêlé le goût de la typographie aux joies de la chair et de la bonne humeur. Les mâchoires de la censure se desserrent, les nouveaux aventuriers du livre se sentent plus libres de s’engager sur des terrains encore mouvants. À la fois par bravade et par intérêt pour la littérature de mœurs anciennes – car aucun ne se lance dans la publication lubrique contemporaine qui les fait grimacer ; le célèbre Érotin, alias Fuckwell, ou encore Tap-Tap34, sera publié par de petites maisons en marge du Paris des lettres. C’est dans tous les domaines de l’art et de la culture que ces beaux esprits veulent frapper, séduire, innover. Hélas, les difficultés de la maison Quantin dans les années suivantes vont mettre un terme à cette très belle aventure…35
On le voit, du début du siècle aux années de la Troisième République, tout a changé ; il s’agissait de sauver de l’oubli ce qui avait été détruit ou menacé dans le feu de la Révolution, il s’agit tout à rebours, désormais, sans mauvais jeu de mot, d’imposer ce qui mérite l’attention, extrait du passé, contre la fausse monnaie de la surproduction contemporaine brouillonne, creuse ou convenue ; le très beau risquait de disparaître des mémoires faute d’exemplaire disponible, il risque aujourd’hui tout au contraire d’être étouffé sous l’amas de nouveautés sans intérêt.
Certains sont sévères contre cette mode du petit chef-d’œuvre redécouvert, dont Victor Diancourt par exemple qui demande si ce qui est oublié ne le mérite pas, abandonné par les gens de goût qui ont trié avec intelligence l’essentiel du très secondaire. L’homme politique, maire de Reims, amateur d’art et bibliophile, moque le goût des curiosa, le culte de l’ouvrage introuvable :
La plupart des livres rares ne sont tels que par le dédain du public, qui en a laissé périr les exemplaires, et par celui de la postérité, qui ne se soucie pas de les ressusciter dans une édition nouvelle. […] Tel est particulièrement le cas de ces facéties si rarement facétieuses qui se débitaient jadis dans les carrefours ; ces feuilles volantes qu’on vendait deux sous sur le Pont-Neuf se couvrent aujourd’hui de maroquin et atteignent, sous le nom de plaquettes, des prix extravagants36.
L’ESSOR DU MARCHÉ DU SEMI-LUXE
Est-ce la crise des années 1880-1890 qui vient mettre un terme à la première époque du grand luxe ? Est-ce la démocratisation du livre qui fait apparaître du très beau de moins en moins cher ? C’est en tout cas Georges Crès avec ses « Maîtres du livre » qui inaugure dans les années 1900 ce que l’on peut appeler le semi-luxe, modèle hybride qui reprend à son compte certains des codes propres au livre de luxe – tirages limités, papiers de qualité, soin apporté à l’ornementation et à la typographie – tout en tâchant de les adapter à un public plus large que celui visé par les sociétés de bibliophile et leurs publications tirées en général à moins de 200 exemplaires. Outre Georges Crès, il faut citer François Bernouard que Raymond Hesse37 présente comme un acteur d’importance dans cette même opération, mais plus tardivement puisqu’il se lance en 1909 alors que Crès est déjà établi à cette date s’il n’a pas encore rencontré de francs succès. Et force est aussi d’admettre que l’homme à la rose travaille dans un genre quelque peu exubérant, sous l’influence de l’art nouveau, bien plus que Crès qui est un traditionnaliste de stricte obédience, dans le plus grand respect de la distinction typographique, ce qui lui vaut l’amitié et le respect de la plupart des auteurs du Mercure ou de la NRF qu’il publie généreusement38, aux côtés de Gallimard qui dans sa première période donne de très beaux volumes sur vergé. Il s’agit pour l’essentiel de nouveautés, alors que Crès donne de beaux textes anciens, impérissables, à une période où il n’y a guère que les Classiques Garnier pour donner les œuvres traditionnelles avec un bon appareil critique, des volumes très utiles que Bernard Grasset durant la Grande Guerre voudra aller vendre aux poilus sur le front pour les distraire entre deux canonnades, des volumes qui, pour l’heure, ne connaissent pas encore les honneurs du vergé comme les frères Garnier les proposeront avec leur série « Selecta » dans l’entre-deux-guerres seulement, à la remorque des autres éditeurs de luxe et de semi-luxe dont les années 1920 seront les années de triomphe.
C’est que des amateurs raffinés, en plus grand nombre, comme Gide et ses amis, ne sont pas tant des amateurs de raretés que de livres en très bon état, riches pour l’esprit. Ce ne sont pas des collectionneurs enfiévrés mais de gros lecteurs qui ont le respect du texte et de l’objet. Ce n’est pas parce qu’ils sont aisés qu’ils sont prêts à payer inconsidérément pour un livre. Ils veulent du beau, de l’utile, à des prix accessibles, et sont sans esprit d’exclusive. Aux conservateurs de l’ancien temps, désireux de sauver la part la plus fine de la culture menacée, ont succédé de beaux esprits portés par une religion des lettres et de l’art du livre à la française, ouverts aux productions les plus variées. Ceux qui sont plutôt tournés du côté du luxe sont les bibliophiles les plus purs et aussi ceux qu’Uzanne appelle les « biblioscopes » et dont se moquera Grasset, les m’as-tu-vu de l’imprimé, si l’on peut dire, ou pire, les spéculateurs qui jouent au livre comme à la bourse. Les bibliomanes, quant à eux, sont plutôt en quête des textes qui leur plaisent, en bon état, bien édités, sans nulle volonté de se limiter en rien. Ainsi peut-on comprendre que Gaston Gallimard ne se dise pas bibliophile alors que sa collection personnelle est l’une des plus riches qui soit. Il ira même jusqu’à acheter un exemplaire de luxe de Du côté de chez Swann chez Grasset, mais parce que c’est Proust et non parce que c’est un volume rare sur beau papier. Il veut avoir auprès de lui toutes les productions, soignées, des mêmes auteurs qu’il porte dans son cœur. Cette nouvelle génération de lecteurs issus de familles enrichies depuis le xixe siècle, qui petit à petit a appris à aimer la lecture et au-delà à valoriser le livre, au tournant des xixe et xxe siècles se prend de passion pour de beaux volumes et, après la Première Guerre, se met à les collectionner en nombre. Objet chic, le livre en impose à une époque de grand snobisme. Le semi-luxe s’étoffe alors et va du très classique au très aventureux, du texte consacré à la production d’avant-garde, à destination de tous ces nouveaux publics qui comme chez Proust veulent être dans le vent et suivre la mode39. La figure ancienne du bibliophile érudit, sage collectionneur raffiné, saisi par la fièvre du rare, laisse place au bibliomane impénitent, au bibliotoqué qui accumule ou qui amasse. Léo Larguier évoque ces mutations dans ses très belles histoires pour bibliophiles40.
À l’opposé de la nouvelle fièvre qui s’empare du livre courant se développe dans les années 1920 toute une vogue des livres de luxe et de semi-luxe pour en faire un commerce actif et prospère :
La guerre apprit à lire aux Français. Cinq années se sont passées à attendre : les uns attendaient de partir, d’être relevés ou d’être tués, les autres attendaient le retour des premiers. On lisait pour tromper le temps, La Vie parisienne, les livres de guerre et les romans tristement gais. Ce que l’avant et l’arrière ont pu absorber de contes libertins et de descriptions de tranchées […] dépasse l’imagination. Le jour de la paix une multitude avait pris l’habitude de lire. La demande de papier imprimé, immédiatement, dépassa l’offre. Or le nombre de faiseurs de livres n’avait pas augmenté dans la même proportion que celui des amateurs de lecture, les nouveaux noms, nés de la guerre, remplaçant tout juste les tués de la corporation41.
Le papier ordinaire, à la fin de la guerre, se dégrade à grands pas et les nouveaux amateurs de beaux textes se sentent mécaniquement poussés à faire l’emplette de volumes soignés, tantôt sur alfa, tantôt sur Hollande ou vergé. Après la guerre, la vie reprend ses droits et nombreux sont ceux qui veulent profiter des joies de l’époque. Comme le raconte Maurice Sachs dans Le Sabbat, non seulement certains ont fait fortune pendant la guerre mais, comme tout est à reconstruire ensuite, le pays tourne à plein régime et attire de nombreux étrangers. L’argent facile gagné par toutes ces personnes nouvellement aisées les transforme pour une bonne part en collectionneurs dans une ambiance de communion autour des arts42. « Il est certain que, depuis la guerre, le public s’est porté avec un extraordinaire enthousiasme vers les ouvrages à tirage limité », lit-on dans L’Intermédiaire des éditeurs… :
[…] enrichis sans doute par les affaires, et soucieux de paraître intellectuellement à la hauteur de leur fortune, un grand nombre de gens qui, peu d’années plus tôt, ne goûtaient pour toute littérature que les romans feuilletons des quotidiens ont souhaité posséder une bibliothèque. Comme ils avaient de l’argent, ils voulurent de beaux livres ; et peu à peu, la mode s’emparant de cette manie, tout le public qui lit ne voulut plus acheter d’ouvrages qui ne fussent imprimés sur Japon et ornés de bois ou de planches en couleurs43.
Un des grands spécialistes du luxe, Raymond Hesse, ne dit pas autre chose :
De nouveaux riches veulent meubler leurs bibliothèques et décorer leurs appartements. Il est de bon ton d’avoir une bibliothèque […]. Ils [sont] la clientèle désignée des nouveaux éditeurs. C’est à leurs dépens que ceux-ci [font] leur éducation artistique. […] Le nombre de lecteurs a augmenté. Le désir d’avoir des papiers de choix, de belles impressions a augmenté également. Le luxe du livre n’est qu’un élément de ce désir effréné de luxe qui saisit la société et qui se manifeste dans le moindre bibelot, dans le linge, dans le vêtement, dans le mobilier. L’Europe, après avoir été agonisante, reprend goût à la vie. On veut prendre le plaisir sous toutes ses formes. Un beau livre est une forme de plaisir. Le luxe est contagieux. Chacun veut imiter son voisin. Le nombre de bibliophiles s’accroît de jour en jour44.
Pas moins de 8 500 volumes sont répertoriés dans la Bibliographie des livres de luxe de 1900 à 1928 de Raymond Mahé, à des prix allant de 10 à 10 000 francs ; pour l’essentiel, des livres publiés après-guerre, au cœur des années 1920.
Le livre de luxe existe depuis longtemps déjà ; cependant, jusqu’ici, la production a été sage et conventionnelle, limitée, composée des plus belles œuvres consacrées, issues des temps passés. Désormais, non seulement la gamme des papiers s’ouvre et se diversifie, mais les écrits publiés sont contemporains, parfois dans le ton de l’époque, parfois plus téméraires comme ceux qui retiennent l’attention de Daniel-Henry Kahnweiler. Tout a changé. Jusqu’à la guerre, les réalisations ont globalement été pensées pour les amateurs raffinés comme Gide et ses amis et tous ceux qui se piquent de vouloir le meilleur sous la forme la plus aboutie. La maison Quantin, quelques années durant, aux côtés de Pelletan et quelques autres, a produit les livres les plus beaux. La production générale a mécaniquement perdu en qualité en augmentant son débit et la masse de nouveaux lecteurs exigeants a crû, de sorte qu’il a bien fallu produire une nouvelle série de livres de petit luxe ou de semi-luxe pour complaire à ces nouveaux lecteurs qui, sans se ruiner, veulent pouvoir conserver des œuvres de qualité joliment éditées. Ainsi sont nés les « Maîtres du livre » de Georges Crès, la première de ces séries, si abondamment imitée dans les Années folles.
André Dinar, autrement dit André Delpeuch, s’en explique dans une petite étude des années 1930. Cet ancien de la maison Ollendorff, grand connaisseur de l’écrit et de ses arcanes, rappelle qu’à la fin du siècle le livre à 3,50 francs s’est trop souvent montré au public sous la forme la plus misérable, justifiant les vociférations d’un Gide ou d’un Claudel contre les horreurs de l’imprimerie moderne. « Toute la production de cette époque favorisée s’avère d’une présentation assez pitoyable. Les volumes [d’alors] n’offraient aucune grâce : impression grise ou crasseuse, papiers qui furent miteux en leur jeunesse et qui, avec le temps, devenaient jaunes, piqués, friables ». Heureusement, vers 1910, assure Dinar, « l’apparition des papiers d’alfa [a apporté] une amélioration que l’on apprécie ». Mélangé à d’autres pâtes – car rares sont ceux qui ont produit de purs papiers à partir de cette seule fibre originaire d’Algérie –, l’alfa a donné des choses intéressantes45. « De là l’origine du papier bouffant qui a remplacé très heureusement les lamentables papiers qu’on employait avant cette petite rénovation dans la technique du livre. » Faut-il croire que les éditeurs aient eu quelque scrupule de publier si mal des textes qui méritaient mieux ? « La réussite des éditions illustrées à 0,95 franc [a] déclenché contre le 3,50 francs [sic] une offensive menaçante. » De là, selon l’auteur, le soin qu’ont dû prendre les producteurs de publications courantes pour en maintenir la vente et leur redonner du lustre face au petit livre pas cher. Dès le début du siècle, le livre ne peut s’en sortir que par la qualité, surtout face aux hebdomadaires qui fleurissent en ces belles années.
Si un volume se présente mal, pourquoi veut-on que les gens qui veulent lire déboursent douze ou quinze francs alors que, pour une dépense moins importante, ils trouveront un aliment plus abondant et d’égale qualité ? […] Le talent abonde et les éditeurs ont montré assez de perspicacité pour le découvrir. Mais l’ont-ils servi avec tous les moyens désirables ? Ont-ils toujours mis la fabrication à la disposition du talent ?
Et l’ancien éditeur d’évoquer la publicité qui proclame partout le talent : « Mais a-t-on prévu la réaction de l’honnête homme, peut-être ébranlé, devant ce soi-disant chef-d’œuvre qui, en fait, s’offre en robe aussi piètre ? » L’analyste rappelle qu’un beau livre bien imprimé pousse à l’achat impulsif :
On a montré trop tendance à ne considérer la bibliophilie que comme un régal de mandarin. Il y a aussi des bibliophiles qui ne sont pas attirés par les éditions somptueusement établies, mais qui au lieu d’acheter de temps à autre un livre très cher préféreraient accroître plus fréquemment leur bibliothèque d’unités peu coûteuses et cependant d’une présentation honorable.
Cette clientèle a été rebutée par une production trop relâchée :
Le malaise de la librairie provient en grande partie de cette erreur fondamentale. On a cru qu’avec le tam-tam de la publicité on arriverait à vendre des livres fabriqués à la diable. On a économisé sur le budget de la fabrication et on n’a pas lésiné sur le budget de la réclame. Il faut évidemment faire l’inverse et cesser de sacrifier la fabrication. Pour que le public revienne au livre, il faut qu’on lui propose quelque chose qui soit vraiment un livre, et non un méchant bouquin mal imprimé sur un papier de camelote46.
Pour que chacun puisse y trouver son compte, la gamme des papiers utilisés à tous les prix a dû être étendue ; aux côtés des volumes les plus nobles, toute une série de papiers intermédiaires a dû apparaître, papiers de lin, papiers de chanvre ou papiers dits de Madagascar ; tous les éditeurs sont prêts à tout tenter dans cette période d’euphorie, chacun tâtonne dans son coin pour essayer de respecter la très rigoureuse échelle des valeurs entre ces différents papiers que les bibliophiles les plus sévères expertisent à la loupe. Lemerre, éditeur soigneux, est l’un des premiers à donner tout un ensemble de tirages de luxe de ses volumes et à étager la hiérarchie des papiers, « du vélin au chine par le hollande et le whatman, avant que, vers 1875, le japon ne prenne au sommet de la pyramide la place d’honneur47 ». Certains livres de semi-luxe comme ceux de la maison Grasset et ses « Cahiers verts » compteront plusieurs milliers de volumes sur des papiers très différents et vendus à des prix étagés de sorte qu’il y en ait un pour chaque lecteur, quelles que soient sa bourse et sa culture du livre, sans compter l’édition courante, désormais sacrifiée, édition par défaut, si l’on peut dire, de la dernière des qualités. De sorte qu’il faut savoir gré aux bibliophiles de ce souci des belles choses.
C’est grâce à eux que la conservation de toute la production intellectuelle contemporaine sera assurée dans les générations à venir. Les autres volumes imprimés sur papier de bois tomberont rapidement en poussière, prophétise Raymond Hesse dès les années 1920. Sans doute la perte de beaucoup d’œuvres dans le flot d’imprimés qui submerge le marché ne [sera] pas en soi tellement regrettable, mais il suffit de quelques grands noms pour rendre grâce une fois de plus à la prévoyance et à la philanthropie inconsciente des collectionneurs48.
Ce qui est nouveau, c’est que le livre est devenu un objet tout à fait usuel que les amateurs sont encouragés à collectionner ; ce n’est que le moins riche ou le plus négligent des lecteurs qui se contente de l’édition courante dont les bibliophiles ne cessent plus de dire le plus grand mal. Les fous des livres, dès lors que la fréquentation des textes leur semble d’importance, entrent dans une logique d’expertise des volumes et de soin accordé aux papiers qui les conduit à fréquenter les librairies qui ouvrent par dizaines, notamment celle de Denoël dans le viie arrondissement, qui vendent de belles éditions raffinées. L’Ami du lettré, publication de la maison Crès puis de la maison Grasset, qui chaque année donne un almanach des événements importants de la vie littéraire, répertorie toutes les belles librairies où trouver les plus beaux ou les meilleurs livres, à la NRF, boulevard Raspail, chez Crès, boulevard Saint-Germain, chez Adrienne Monnier, rue de l’Odéon, chez Hilsum et son Sans Pareil, chez Delamain, face au Palais-Royal :
Chaque quartier se voit doter de nouvelles boutiques aux rayons garnis de livres multicolores. D’aucuns s’établissent libraires par amour du livre, d’autres plus prosaïquement par l’attrait qu’offre à leurs yeux un bénéfice assuré par une remise, […] sans risque puisque garanti par cette merveilleuse combinaison du retour des invendus qui n’existe guère que dans ce métier. Et c’est ainsi qu’on voit devenir libraires des marchands de tabac, des musiciens, des cuisiniers, des acteurs, des professeurs, des avocats, des médecins, commerçants changeant simplement de profession, ou lettrés prêts à se dévouer à la cause d’une chapelle ou d’une école49.
Tous ces chineurs sont des curieux, des amateurs de raretés, des bibliophiles qui, comme le raconte Uzanne dans sa Physiologie des quais, aiment à discuter avec les libraires qui leur parlent de leurs trouvailles. C’est le goût du rare, de l’inattendu, goût de ce qui est interdit, inconnu, truculent, qui les gouverne et qui les conduit à s’intéresser aux « oubliés » et aux « dédaignés » pour parler comme Charles Monselet50, aux irréguliers ou aux libertins pour parler comme Émile Henriot51.
À partir du xxe siècle, cette mode du texte libertin, du volume curieux reflue quelque peu. Non qu’il n’y ait plus de texte à révéler, ou ressortir, Malraux fait encore republier les confessions de Jean-Jacques Bouchard à la NRF, mais la vogue des volumes de Gay et Doucé, de Kistemaeckers, de Liseux est passée ; Apollinaire a tout fait publier ou republier dans sa série des « Maîtres de l’amour », et les amateurs de semi-luxe sont peut-être plus moutonniers, moins dans une quête des curiosa ou des bizarreries du passé que d’une bibliothèque chic, à la mode, qui en impose, surtout dans l’entre-deux-guerres où toute la production de semi-luxe se trouve être davantage liée aux gloires du moment, avec des volumes de Valéry, de Louÿs, de Colette qui partent fort. Une production dont le chiqué est dénoncé par Raymond Hesse52.
Les fameux biblioscopes dont parle Uzanne, ces collectionneurs-gogos de la Belle Époque et des Années folles qui investissent massivement dans la production de luxe ou de semi-luxe, suivent la mode plus qu’autre chose. Les amateurs de curiosa, de textes inattendus, semblent avoir été davantage des initiés, des lettrés, des savants qui, comme Uzanne, Liseux ou Apollinaire sinon Malraux, ont pu connaître la réputation sulfureuse de tel ou tel auteur quasiment inconnu du grand public. Dans sa thèse, Anne Urbain montre bien qu’il existe tout un monde de petits producteurs plus ou moins cachés de textes galants sur beau papier dont le plus fameux reste Maurice Duflou pour cette période53. Cette production n’aura jamais cessé mais après Liseux, globalement, tous les plus grands textes anciens, dans cette veine, auront été republiés ; la relance ou la redécouverte d’autres textes ou d’autres auteurs pourront se faire de moins en moins par le rare ou le raffiné chez Losfeld ou Pauvert, par exemple, qui relanceront Xavier Forneret ou Georges Darien, sur beau papier, certes, mais dans des éditions que l’on ne pourra plus dire de luxe. C’est que ces opérations n’auront plus pour but de séduire quelques bibliophiles érudits mais bien un public plus large, ce que réussira un Pauvert avec Darien, bientôt adapté au cinéma…
Des débuts du livre industriel jusqu’au cœur du xxe siècle, une pléiade de professionnels de talent réagissent, par amour du beau livre, comme Pelletan, comme Quantin, ayant senti qu’avaient germé, au cœur de la société, un public, des publics au porte-monnaie plus ou moins garni, disposés à faire l’emplette des plus belles productions de l’imprimerie française, pour autant qu’elles fussent à la fois faites pour durer et qu’elles eussent une valeur accrue en cas de revente comme ce sera souvent le cas durant la Seconde Guerre mondiale. « Ce livre est établi avec les mêmes soins que s’il devait être vendu trois ou quatre fois plus cher, écrit ainsi Pelletan d’un de ses volumes vendu 20 francs. Mais on ne doit pas faire de l’art seulement pour les fortunés de ce monde, et il faut penser aussi à ceux qui n’ont point de galerie ou de bibliothèque d’amateur et qui pourtant aiment et comprennent le beau54. »
Ce mouvement aura souvent pu correspondre avec la redécouverte d’auteurs oubliés, raffinés, souvent galants, méconnus parce qu’interdits, ou sulfureux, et cette production, de Liseux à Pauvert, se sera faite contre la loi et ses rigueurs, contre la censure et sa logique. Les surréalistes d’ailleurs se seront autant intéressés au libertinage qu’à tous les autres textes étranges, oubliés, ceux du romantisme noir et des poètes maudits, explorateurs des profondeurs de l’être et ce n’est pas un hasard si Alexandrian, qui sera le chroniqueur qui manquait à la littérature érotique, aura d’abord été un surréaliste de stricte obédience, proche de Breton, fin connaisseur de tous les auteurs on ne peut plus galants55 – et après Pascal Pia n’est-il pas pour ainsi dire le seul à être allé en « enfer » lire presque tous les titres interdits56 ?
Tout cela suppose une foi en la permanence de la littérature qui manquera aux publics après 1945 quand l’explosion de la production dans une logique de marché de plus en plus nette rendra improbable l’espoir d’acheter tout ce qui mérite attention, et l’idée que tant de choses périssables produites en trop grande quantité selon une logique de la mode puissent avoir quelque valeur à la revente. Qui pour acheter Minou Drouet sur Chine ou Japon ? Seuls Minuit et quelques autres continueront de tirer – à très peu d’exemplaires – leurs volumes de tête sur hollande ou vergé. Quant au semi-luxe, dans le domaine des lettres, il ne restera plus guère que la célèbre « Pléiade », jadis presque démocratique, devenue de plus en plus chère au fil des ans57, de plus en plus tournée vers le monde des professionnels de la culture, professeurs de lettres en tête, cadeaux parfaits pour anniversaires ou Noël, dernier rejeton d’une longue lignée d’objets uniques, désormais seul symbole d’un rapport au livre maniaque. De fait, quand « La Pléiade » renonce à réimprimer Blaise de Monluc ou Paul-Louis Courier, n’est-ce pas le signe que l’auteur est définitivement mort et enterré, perdu comme jadis dans les flammes de l’enfer révolutionnaire ? Chacun sait bien que, quand la NRF mettra un terme à cette opération, nous serons tous fondés à y voir le signe d’un changement d’époque, définitif : personne n’est pressé d’en être là.
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1 Voir Didier Barrière, Nodier l’homme du livre. Le rôle de la bibliophilie dans la littérature, Bassac, Plein Chant, 1989.
2 Il est vrai que déjà dans son Philobiblon Richard de Bury parle des quais de Paris comme d’un paradis pour le bibliophile… (voir l’édition qu’en ont donné à Paris les Éditions du Rocher dans la série « Anatolia » en 2001 et tout particulièrement les p. 73 et suiv.).
3 Voir ce qu’en dit Octave Uzanne dans La Nouvelle Bibliopolis, Voyage d’un novateur au pays des néo-icono-bibliomanes, Paris, Henri Floury, 1897.
4 Charles Nodier, L’Amateur de livres, éd. Jean-Luc Steinmetz, Bègles, Le Castor astral, 1993, p. 32-33.
5 Didier Barrière, Nodier…, op. cit., p. 62.
6 Voir Raymond Hesse, Le Livre d’art du xixe siècle à nos jours, Paris, La Renaissance du livre, 1927.
7 Jules Janin, L’Amour des livres, Paris, J. Miard, 1866.
8 Sophie Cassagnes-Brouquet, La Passion du livre au Moyen Âge, Rennes, Ouest France, 2003.
9 Voir son célèbre texte « De la littérature industrielle », Revue des deux Mondes, 1839, p. 675-691.
10 L’auteur, qui de toute évidence n’a pu eu entre les mains des volumes de la « Bibliothèque bleue », est peut-être guidé ici par un soupçon de mauvaise foi.
11 Encore un peu de mauvaise foi ? Les reliures n’ont-elles pas été essentiellement artisanales jusqu’à la fin du xviiie siècle ?
12 Joseph Aynard, L’Amour des livres et la lecture, Lyon, Lardanchet, 1911, p. 27 et 36-37.
13 Adolphe Jullien, Le Romantisme et l’éditeur Renduel, Paris, Charpentier-Fasquelle, 1897.
14 Octave Uzanne, « La bibliophilie moderne, ses origines, ses étapes, ses formes actuelles », La Revue encyclopédique, n° 133, p. 198.
15 Claude Pichois, Auguste Poulet-Malassis, Paris, Fayard, 1996.
16 Voir le chapitre sur la bibliophilie contemporaine dans le volume d’Octave Uzanne, La Nouvelle Bibliopolis…, op. cit., [note 3], p. 3-42.
17 Ibid. Raymond Hesse tout à rebours est sévère contre Quantin et certains des livres d’Uzanne sur le manchon ou l’ombrelle, trop fleuris, trop chargés, trop datés. Il évoque même une éclipse du beau livre de 1866 à 1896 dans son volume sur Le Livre d’art…, op. cit., [note 6], p. 61 et suivantes.
18 Sur Isidore Liseux voir le volume collectif Curieux Curiosa, Tusson, Du Lérot éditeur, 2009, et Paule Adamy, Isidore Liseux : 1835-1894, Bassac, Plein Chant, 2009.
19 Daniel Desormeaux, La Figure du bibliomane : Histoire du livre et stratégie littéraire au xixe siècle, Saint-Genouph, Librairie Nizet, 2001, p. 88-89.
20 François Fertiault, Les Amoureux du livre, Paris, A. Claudin éditeur, 1877.
21 Édition donnée en 1903 « pour les Cent bibliophiles ». L’édition originale du texte a été donnée en 1884 chez Charpentier.
22 Voir le petit texte monographique qui a été consacré à l’imprimeur dans la revue Histoires littéraires, n° 55, à Tusson chez Du Lérot éditeur en juillet-août-septembre 2013 à partir des archives de la maison déposées à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC).
23 Voir sur ce point les déclarations d’Isidore Liseux au sujet des beaux esprits du temps passé, évoquées dans le petit travail paru sur ses activités dans le volume Curieux Curiosa, op. cit.
24 Notice de présentation de la maison, IMEC, fonds Quantin.
25 Note interne, ibid. Voir son volume Les Origines de l’imprimerie et son introduction en Angleterre, Paris, Imprimerie A. Quantin et Cie, 1877.
26 Dossier de presse, IMEC, fonds Quantin.
27 Note interne, ibid.
28 Les notices d’Uzanne sont toutefois bien sages et promeuvent un xviiie siècle quelque peu aseptisé, sans doute assez éloigné de ce que peuvent attendre des lecteurs curieux de l’époque qui trouvent alors dans les volumes de Jules Gay ou d’Isidore Liseux des textes bien plus libres ou bien plus gaillards selon Paule Adamy, Isidore Liseux…, op. cit.
29 Rappelons qu’à cette époque le prix moyen des nouveautés est d’environ 3,50 francs, mais de nombreux éditeurs déjà ont commencé à casser les prix et réussi à proposer des éditions populaires à un franc.
30 Note interne, IMEC, fonds Quantin.
31 Dans sa très célèbre nouvelle La Fin des livres insérée dans les Contes pour les bibliophiles (Paris, ancienne maison Quantin, Librairies imprimeries réunies, 1895).
32 Voir les quelques lignes que Léopold Carteret a dédiées à ces artisans du beau livre dans les différents volumes de son Trésor du bibliophile (Paris, chez l’auteur, 1946-1948). Curieusement ce grand libraire-éditeur-bibliophile ne semble pas avoir cru bon de faire l’éloge appuyé de la maison Quantin, peu célébrée dans ces pages précieuses pour les collectionneurs – est-ce en raison du peu de goût qu’il aura professé pour le renouveau elzévirien ?
33 Notamment dans la série dite des « Libertés françaises » où sont proposées les Nouvelles de Boccace dans une traduction de Mirabeau ou bien un volume de Bussy-Rabutin.
34 De son vrai nom Alphonse Momas, encore dit Le Nismois. Connu pour être le premier auteur de romans pornographiques industriels modernes.
35 Sur tous ces points voir Olivier Bessard-Banquy, La Fabrique du livre : L’Édition littéraire au xxe siècle, Tusson-Bordeaux, Du Lérot éditeur-Presses universitaires de Bordeaux, 2016.
36 Victor Diancourt, Le Goût des livres, Reims, Éditions et presses universitaires de Reims, 2015, p. 10.
37 Raymond Hesse, Le Livre d’art…, op. cit., [note 16].
38 Revue française d’histoire du livre, n° 134, 2013.
39 Olivier Bessard-Banquy, La Fabrique du livre…, op. cit., [note 34], p. 165 et suivantes.
40 Léo Larguier, Petites histoires pour bibliophiles, Paris, Fournier, 1944.
41 Yvonne Périer, Conseils aux bibliophiles, Paris, Émile Hazan, 1930, p. 19-20.
42 Maurice Sachs, Le Sabbat, Souvenirs d’une jeunesse orageuse, Paris, Corrêa, 1946, p. 99 et suiv.
43 L’Intermédiaire des éditeurs, libraires, papetiers et intéressés de la presse et du livre, n° 56, avril 1928.
44 Raymond Hesse, Le Livre d’après-guerre et les sociétés de bibliophiles 1918-1928, Paris, Grasset, 1929, p. 29-30.
45 En fait, les papiers réalisés à partir de pâte d’alfa existent depuis le milieu du xixe siècle (Louis André, Machines à papier, Innovations et transformations de l’industrie papetière en France 1798-1860, Paris, Éditions de l’EHESS, 1996, p. 431-432) ; c’est leur utilisation qui gagne en importance au début du xxe siècle.
46 André Dinar, « Comment se fait un livre : ce qu’est la fabrication », Toute l’édition, n° 377, juin 1937.
47 Antoine Coron, « Livres de luxe », dans Histoire de l’édition française : Le Livre concurrencé 1900- 1950, éd. Roger Chartier et Henri-Jean Martin, Paris, Fayard-Cercle de la librairie, 1991, p. 427.
48 R. Hesse, Le Livre d’après-guerre…, op. cit. [note 43], p. 11.
49 L’Ami du lettré 1926, Paris, Grasset, 1926, p. 400-401.
50 Charles Monselet, Les Oubliés et les Dédaignés, Figures littéraires de la fin du xviiie siècle, Alençon, Poulet-Malassis et de Broise, 1857.
51 Émile Henriot, Les Livres du second rayon, Irréguliers et libertins, Paris, Le Livre, 1925.
52 R. Hesse, Le Livre d’après-guerre…, op. cit., [note 43].
53 Anne Urbain, Sens interdits : l’encadrement des publications érotiques en France des années 1920 aux années 1970, dir. Jean-Yves Mollier, Versailles, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2015.
54 R. Hesse, Le Livre d’art…, op. cit., [note 36], p. 81.
55 Sarane Alexandrian, Histoire de la littérature érotique, Paris, Seghers, 1989.
56 Voir ce que dit Alexandrian de la manière dont il a écrit son maître-livre dans le volume collectif Le Livre érotique, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2010.
57 Alban Cerisier, dans La Bibliothèque de La Pléiade, Travail éditorial et valeur littéraire, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009.