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L’œuvre « Doré » du bibliophile Jacob

Magali CHARREIRE

Université Paul Valéry Montpellier 3, CRISES EA 4424, F34000, Montpellier, France

« Le livre étant devenu un bijou, il suffit de le mettre dans un écrin1 ». À la fin des années 1870, Édouard Rouveyre (1849-1930) emprunte à Paul Lacroix cette remarque témoignant de l’évolution du goût des bibliophiles au xixe siècle. En 1874, Paul Lacroix démontre déjà dans la préface du catalogue de la vente de la bibliothèque d’Amédée Rigaud (1819-1874)2, combien le livre redevient d’or au cours du siècle grâce à un renversement du goût bibliophilique qui rend désormais hommage aux livres illustrés de l’Ancien Régime. La thèse développée en filigrane par l’écrivain est celle de la résurrection des beaux livres qui, après avoir été bannis par la République, voient leur lustre redoré grâce à la place désormais faite aux images. Au livre de luxe, synonyme de noblesse et de raffinement, est ici associée l’iconographie dont le pouvoir est pourtant loin d’avoir été ignoré dans la première moitié du siècle, en particulier par Lacroix lui-même. Ce bibliophile réputé, conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal à partir de 1855, est également, depuis la Monarchie de Juillet, un romancier-historien qui cherche à conférer une plus-value à des éditions populaires au moyen de l’image, participant ainsi à la fabrication d’un panthéon populaire iconographique.

Fort d’une érudition et d’une culture bibliophilique considérables, Paul Lacroix développe depuis ses premiers travaux un double discours sur le livre oscillant entre conservatisme et innovation, incarné dans sa devise « Livres nouveaux, livres vielz et antiques. Estienne Dolet ». On y retrouve une affiliation au discours ambigu des bibliophiles qui s’exprime dans la seconde moitié du xixe siècle3. Côté bibliophilie, Paul Lacroix valorise la bibliothèque de travail fondée sur la pratique d’une « bibliophilie rétrospective tournée vers l’histoire4 ». Les exemplaires rares d’éditions ou de textes oubliés ont à ses yeux une valeur bien supérieure à l’état d’une reliure ou à la qualité d’un papier, en vertu de leur statut de conservatoire du passé. Cette défense et illustration de la bibliothèque de travail est étroitement liée à l’image publicitaire de l’écrivain-bibliophile, élaborée autour de son pseudonyme du bibliophile Jacob5. Avec cette supercherie du poussiéreux bibliophile centenaire, il est supposé être imperméable aux innovations d’un monde contemporain maudit, source d’affadissement du rapport aristocratique au beau livre en vigueur « au bon vieux temps6 », celui d’un âge d’or de la Renaissance. Pourtant dès la première moitié du siècle Paul Lacroix témoigne a contrario, dans sa propre pratique éditoriale, d’un sens affûté des enjeux esthétiques et économiques de la librairie romantique en mutation. Il fait preuve en particulier d’une conscience précoce de la place croissante de l’image, plébiscitée dès les années 1830 par un public qui bénéficie progressivement de la « révolution du prix du livre7 ». Au fait des rouages de la librairie, l’écrivain négocie le tournant de 1835 qui signe un avant et un après pour les livres illustrés : l’image, de rare devient commune8. Paul Lacroix cherche à extraire le livre de ce statut d’objet commun qui le guette, non sans lui assigner celui d’objet de consommation. Avec les vignettes romantiques illustrant ses éditions successives de récits historiques, il dote ces dernières d’un luxe conféré par la richesse d’une iconographie romantique dont l’exemple emblématique est sa collaboration pionnière avec le jeune Gustave Doré (1832-1883) au début des années 1850. Entre éditions populaires redorées et vignettes signées par Gustave Doré, l’enjeu réside pour l’écrivain dans la capacité de conférer un lustre, voire un luxe aristocratique, à des éditions initialement dites populaires. Cette stratégie en fait l’un des pourvoyeurs d’une galerie iconographique du romantisme, à la croisée entre deux arts mineurs, littérature populaire et gravure ou lithographie, au fil de romans en éditions populaires ensuite servies par sa collaboration avec Gustave Doré.

LES ROMANS ILLUSTRÉS DE PAUL LACROIX (ANNÉES 1830-1840)

Abolir la frontière texte-image

En 1833, Paul Lacroix dédie la préface de son recueil Quand j’étais jeune, souvenirs d’un vieux au sculpteur Jean Duseigneur (1808-1866), chef de file du Petit Cénacle de 1829 à 1832. L’écrivain y défend une conception de l’art envisagé comme un tout, reflet de son activité déployée au sein des réseaux d’une génération romantique née sous l’Empire entre 1806 et 1815. Cette « troisième génération » romantique partage, selon Anthony Glinoër, le désir de se singulariser par rapport à ses prédécesseurs9. La préface de Paul Lacroix fait ainsi office de manifeste esthétique, qui traduit l’influence d’un rapport étroit à l’image conçu comme la porte d’entrée dans un Moyen Âge « fantastique, héroïque et romanesque10 », source d’un amour partagé par l’écrivain et le sculpteur. Le désir de faire surgir une image est consubstantiel aux textes romanesques de l’écrivain qui brigue le statut de Walter Scott français. Et si, plus largement, l’histoire romancée doit revivre, portée par une historiographie très active dès la Restauration, c’est grâce au pittoresque – ce qui mérite d’être peint11 – popularisé par Walter Scott (1771-1832). Dès 1829, l’écrivain témoigne ainsi d’une large influence picturale dans sa première publication à succès, les Soirées de Walter Scott à Paris12. D’une part le recueil s’ouvre sur un dessin d’Eugène Sue (1804-1857) représentant le personnage fictif du bibliophile Jacob, pseudonyme indéfectible de l’écrivain imaginé pour l’occasion. D’autre part, ses nouvelles historiques déroulent une fresque visuelle vouée à faire revivre l’esprit d’un Moyen Âge sombre et intriguant, aux clair-obscur inspirés par les ambiances des maîtres hollandais. S’y dégage l’influence des vignettes empruntant à la « culture visuelle du Moyen Âge et des origines de l’imprimerie13 » dont Nicolas Wanlin a montré la réception chez Aloysius Bertrand (1807-1841). Les contemporains du bibliophile soulignent l’aspect pictural de ses romans imprégnés d’un esprit « couleur locale » voué à ressusciter l’esprit des temps populaires d’une histoire oubliée14. Avec ce projet Paul Lacroix a défini l’ossature d’un cycle de « romans-histoire » inauguré au début des années 1830 : Les Deux fous, histoire du temps de François ier, 1524 (1830), Le Roi des ribauds, histoire du temps de Louis xii (1831), La Danse macabre, histoire fantastique du quinzième siècle (1832) et Les Francs-taupins, histoire du temps de Charles vii, 1440 (1834).

Ce rapport à l’image devient rapidement la matrice, voire la signature des romans historiques du bibliophile Jacob, contemporains d’une mutation de la place de l’iconographie initiée dans la presse au début des années 1830, en particulier avec le Magasin pittoresque. Chez les éditeurs de cette revue, Stephen Bann identifie la volonté de « faire du signe graphique un indice direct du réel15 ». Dans les « romans-histoire », texte et image répondent ainsi à une ambition commune : rendre compte d’un passé qui devient réel et donner l’illusion d’une appréhension directe.

C’est en partie en jouant sur une telle place de l’image que Paul Lacroix réussit à convertir ses romans historiques en produits adaptés aux inflexions rapides du monde désormais concurrentiel de la librairie. Dans la mesure où l’écrivain-bibliophile vit du produit de ses romans jusqu’en 185516, il se plie aux nouvelles règles du marché contemporain. Parmi elles, la librairie romantique rebat les cartes en s’emparant de l’illustration du livre. D’Alphonse de Lamartine (1790-1869) à Victor Hugo (1802-1885), ses figures de proue lui font un accueil favorable qui l’engage, selon Frantz Calot, « dans [l’]ère d’un art, mineur sans doute, mais dont la fécondité considérable a donné de petits-chefs d’œuvre du genre17 », transformant le livre en « théâtre miniature18 ». Des vignettes célèbres donnent l’esprit à la lettre, telle Méphistophélès dans les airs dessinée par Eugène Delacroix (1798-1863) pour l’édition du Faust de 1828, ou le frontispice à la cathédrale dessiné par Célestin Nanteuil (1813-1873) pour Notre-Dame de Paris, dans l’édition publiée en 1832 chez Eugène Renduel19. Or, si on souligne déjà, à la mort de Paul Lacroix en 1884, combien sa production romanesque a sombré dans l’oubli, subsiste en revanche la mémoire des illustrations de ses travaux. Champfleury (1821-1889) se demande par exemple dès 1882 si le bibliophile Jacob ne mériterait pas un « chapitre spécial par son culte des images ?20 ».

Réunir des arts mineurs

Dès le début de sa carrière, Paul Lacroix mobilise en effet ses collaborateurs dans les cercles romantiques de Victor Hugo, Charles Nodier (1780-1844) et Jean Duseigneur, où s’imposent les noms d’illustrateurs talentueux tels que les frères Alfred et Tony Johannot (1800-1837 et 1803-1852), Célestin Nanteuil, Jean Gigoux (1806-1894), Achille Devéria (1800-1857) ou Napoléon Thomas (18..-18..). Ces collaborations sont soutenues par le dynamisme novateur de l’« écurie Renduel », éditeur dont Frédéric Barbier montre à quel point cet intermédiaire culturel est lui aussi une parfaite synthèse entre héritage de la librairie d’Ancien Régime et prélude à la librairie industrielle21. Eugène Renduel (1798-1874) mise avec audace sur des auteurs inconnus tout en exploitant le vivier des illustrateurs romantiques, dont Tony Johannot. Paul Lacroix est de son côté l’un de ces jeunes écrivains qui assure le succès du libraire dès 1829 avec les Soirées de Walter Scott à Paris, puis poursuit cette collaboration jusqu’en 1836, peu avant le retrait des affaires d’Eugène Renduel. Il est ainsi peu surprenant de retrouver Tony Johannot illustrant des romans de Paul Lacroix publiés chez Eugène Renduel entre 1831 et 1832. Tony Johannot, déjà célèbre depuis ses illustrations de l’Histoire du Roi de Bohême et de ses sept châteaux (1830) de Charles Nodier22, est un de ceux qui donnent le ton de la mode romantique, gratifiant par exemple la Revue des deux mondes d’un éphémère frontispice vers 183123. Il offre à Paul Lacroix une série de vignettes dont la plus réputée représente le roi des ribauds, placée en regard de la page de titre du roman Le Roi des ribauds, histoire du temps de Louis xii (1831)24. Pour cette composition, le dessinateur a scrupuleusement épousé les détails de la description romanesque du personnage afin d’en mettre en relief les points saillants. Cette collaboration entre Tony Johannot et Paul Lacroix se poursuit chez Louis Janet (1788-1840) avec l’illustration des Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants (1831) publiés en deux volumes in-12. Ces contes sont ornés de deux vignettes de titre signées par Tony Johannot et gravées sur bois par Henri Porret (1800-1867), auxquelles s’ajoutent six lithographies hors texte non signées. Enfin en 1832, Tony Johannot exécute les frontispices de Vertu et tempérament, d’Un divorce et de La Danse macabre, tous trois publiés chez Eugène Renduel au format in-8°25. La vignette de La Danse macabre a contribué à populariser le roman tout en inspirant les caricatures du bibliophile Jacob, par exemple celle insérée dans les Binettes contemporaines26. Cette édition de La Danse macabre illustrée par Tony Johannot est déjà devenue une rareté à la fin du xixe siècle : Paul Lacroix affirme avoir lui-même le plus grand mal à la retrouver en 1881, lorsqu’il souhaite l’envoyer au bibliothécaire de Montpellier à l’occasion du legs de sa bibliothèque à la ville27.

Si a posteriori, en 1858, un contemporain qualifie Eugène Renduel d’« éditeur aristocratique28 », les éditions de Paul Lacroix ne relèvent pas à proprement parler des ouvrages de luxe dans les années 1830. Leur prix de vente chez Eugène Renduel est de 7,5 fr. par volume in-8°, tandis que Louis Janet envisage par exemple de vendre les deux volumes des Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants 8 fr. prix public et 10 fr. avec figures coloriées29. Ce montant, certes quelque peu élevé, est dans la norme de l’époque, d’autant que les illustrations sont onéreuses pour l’éditeur – un illustrateur reçoit entre 50 et 150 fr. environ par unité, en fonction de sa notoriété30. De même, la majorité des tirages, rarement supérieurs à 1000 ou 1200 exemplaires, indiquent que les romans de Paul Lacroix fournissent essentiellement les cabinets de lecture. C’est donc, toutes proportions gardées, à une diffusion « grand public » que sont destinés ces livres véhiculant une imagerie à vocation populaire, entre médiévalisme en vogue et écriture des mœurs. Or c’est précisément ce qui en fait tomber le crédit aux yeux de leurs contempteurs contemporains : l’intrusion des illustrations suscite des réticences, que ce soit sous forme de gravures ou de lithographies, de surcroît concurrentes entre elles31.

Paul Lacroix est ainsi de ceux qui, loin de mépriser les genres mineurs, y voit au contraire l’occasion de développer une collaboration entre le texte et l’image, alliant esthétique romantique et calcul marchand. L’image est une plus-value digne de transformer un livre rapidement écrit ou publié d’abord en feuilletons, en ouvrage de marque. En janvier 1838, l’écrivain sollicite sans succès la collaboration du libraire Léon Curmer (1801-1870), icône de la librairie romantique illustrée qui deviendra célèbre pour son édition illustrée de Paul et Virginie parue cette même année32. Mais quatre ans plus tard, le rapport s’inverse lorsque Paul Lacroix est chargé de vendre les dessins originaux qui ont fourni les éditions de Léon Curmer, grevé par des difficultés financières consécutives à l’investissement engagé pour l’édition de Paul et Virginie33. Cette vente se déroule le 14 décembre 1842 dans les salons de l’Alliance des Arts, société destinée à la vente de tableaux, livres anciens et manuscrits, fondée la même année par l’écrivain avec le collectionneur et critique d’art Théophile Thoré (1807-1869). Le Bulletin de l’Alliance des Arts du 10 décembre 1842, rédigé par Paul Lacroix, renferme une description de la collection Curmer. Destinée aux « femmes du monde » amatrices d’albums et aux « bibliophiles qui ajoutent des dessins originaux à leurs livres34 », elle est composée d’œuvres de Tony Johannot, Paul Gavarni (1804-1866), Ernest Meissonnier (1815-1891), Eugène Lami (1800-1890), Grandville (1803-1847) et Hippolyte Pauquet (1797-1871). Dans un numéro précédent du Bulletin de l’Alliance des Arts, Paul Lacroix défendait déjà l’intérêt de l’entreprise iconographique de Léon Curmer pour l’amateur d’art et le bibliophile, car elle a popularisé « le goût des belles gravures en France, et en nous affranchissant du tribut que nous étions forcés de payer aux artistes de l’Angleterre35 ». Son discours prend ici le contre-pied des voix qui dénoncent un commerce du luxe au rabais visé par ces éditions illustrées, dont Philippe Kaenel évoque la teneur du réquisitoire : en 1839, Jules Janin (1804-1874) méprise Léon Curmer qualifié de « libraire de luxe à la portée de tout le monde36 », tandis que L’Artiste déplorait déjà en 1832 la place déchue du livre de luxe, désormais « à la portée de la bourgeoisie37 ».

Le temps des rééditions : faire du beau avec un nom fashionable

Le plaidoyer de Paul Lacroix masque peut-être également un certain opportunisme. La fin des années 1830 et son lot de rééditions viennent en effet au secours d’un écrivain dont la réputation s’étiole. La part dévolue à l’iconographie y est accrue, au point de consacrer une seconde fois les romans du bibliophile, non sans témoigner de son expérience entrepreneuriale. Il est par exemple en mesure de prodiguer ses conseils à Armand Dutacq (1810-1856) qui envisage d’éditer une Bible complète illustrée, entreprise vouée à l’échec selon Paul Lacroix. Sa démonstration repose sur le contre-exemple du succès de la Bible abrégée éditée par Léon Curmer en 1835, succès fondé selon lui sur un équilibre rentable entre coût des gravures et bénéfices de diffusion de l’ouvrage, destiné moins à une lecture exhaustive qu’au statut de Bible populaire éducative38. Paul Lacroix oriente en ce sens l’édition de ses textes associés à un genre mineur vers des éditions plus richement illustrées qui leur confèrent une place intermédiaire, détournant, de concert avec les éditeurs, des romans populaires vers des livres de semi-luxe. La Revue de Paris annonce en 1837 une édition illustrée des romans historiques de Paul Lacroix qui se « poursuit avec activité chez Delloye et Lecou »39 et doit être inaugurée par une réédition des Deux fous, histoire du temps de François ier (1830) ornée de gravures sur acier. Ce projet se solde en 1838 par la publication sommaire d’un recueil de quatre des plus célèbres romans historiques du bibliophile réunis dans les Romans relatifs à l’histoire de France aux xve et xvie siècles40. Si une réédition des Deux fous, histoire de temps de François Ier (1830) a bien vu le jour en 1837 chez Delloye et Lecou41, dans quelle mesure a-t-elle été accompagnée de vignettes ? Cette édition illustrée, pourtant bien répertoriée à plusieurs reprises, reste en effet à ce jour introuvable. La Bibliographie des ouvrages illustrés du xixe siècle de Jules Brivois recense cette édition augmentée de « 12 planches gravées sur acier par Mauduit d’après Napoléon Thomas42 » publiée à 12 fr. en deux volumes. De même en 1840, Victor Lecou (18..-18..) promet à Paul Lacroix l’envoi de « 160 exemplaires des Deux Fous avec et sans gravures43 », suggérant que l’édition a bel et bien existé. En revanche, Georges Vicaire dans son Manuel de l’amateur de livres du xixe siècle, assure n’avoir pu en consulter d’exemplaire, pas plus qu’il n’a trouvé ces gravures annoncées dans la Bibliographie de la France du 2 décembre 183744. On peut simplement émettre l’hypothèse d’un tirage très limité. C’est donc en l’état dans une réédition ultérieure du texte en 1845 chez Pierre Paulin Martinon qu’il faut chercher ces douze gravures dessinées par Napoléon Thomas et réalisées par Ferdinand45, insérées dans un volume grand in-8° jésus vendu 10 fr.46. Paul Lacroix y met en scène, entre autres, les amours de François ier avec Diane de Poitiers, ce thème révélant des illustrations de belle facture dont certaines ne sont pas sans rappeler l’iconographie romantique de Diane de Poitiers et des maîtresses de François ier, dans laquelle le dessinateur a peut-être puisé47.

Dans le même esprit, Paul Lacroix collabore avec Raymond Pornin, éditeur installé à Tours, spécialisé dans l’édition de livres pour enfants. En 1843, il sollicite l’écrivain au titre de sa réputation afin d’alimenter son projet de Gymnase moral48, collection à vocation éducative qu’il lui présente comme une réunion d’ouvrages à « but moral, religieux et [qui] ne contiennent que de nobles sentiments49 ». Raymond Pornin entreprend ainsi, dans ce cadre, la réédition illustrée des Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants sous le titre des Récits historiques à la jeunesse parus en 184450, l’un des plus importants tirages répertoriés de l’auteur avec 1500 exemplaires51. L’éditeur a pour ambition de « donner de la nouveauté à un ouvrage au moyen de jolies illustrations52 », soit des lithographies, le tout en portant un soin attentif à la qualité de l’ouvrage (papier, typographie). Il lui délègue une partie de la responsabilité éditoriale y compris en matière d’iconographie, misant sur le solide réseau artistique de l’écrivain comme l’atteste le contrat signé entre eux :

M. Lacroix s’engage à diriger gratuitement la confection et le tirage des lithographies, en faisant profiter MM. Pornin et Cie des remises de prix qui lui seront faites eu égard à ses rapports avec les artistes, sans que les prix à leur accorder puissent excéder cent francs par lithographie pour la propriété des livres et la conservation des lithographies53.

Mais malgré le concours de Paul Gavarni et de Tony Johannot, les vingt lithographies hors texte donnent du fil à retordre à l’éditeur qui déplore le manque de sérieux d’un troisième illustrateur, Jean Gigoux, soupçonné de s’être joué d’eux en confiant le travail à ses élèves. En résulte, outre des images jugées médiocres, une composition typographique approximative responsable de marges inégales entourant les vignettes pleine page : pour l’éditeur cet ouvrage bâclé est pourvu de lithographies de piètre qualité qui le dévaluent. On peut se demander ici si l’éditeur ne fait pas preuve d’une relative mauvaise foi afin de réduire le coût de ces illustrations. Il avait en effet d’abord envisagé de recycler, à cette fin, les bois d’un ouvrage paru peu avant sous ses presses en 1840-1844 : La Loire historique, pittoresque et biographique, de Georges Touchard-Lafosse (1780-1847), avant d’y renoncer, conscient de ce choix inapproprié, du reste probablement contesté par Paul Lacroix54. Puis il tente de négocier une remise auprès du dessinateur arguant de la médiocrité du travail effectué par Jean Gigoux. Et ce alors même que Lacroix s’est attaché les services de l’un des plus célèbres lithographes depuis son illustration de l’Histoire de Gil Blas de Santillane en 1835, édition qui assura sa fortune et celle de son éditeur Alexandre Paulin (1792-1859). Ce recueil des Récits historiques à la jeunesse trouve pourtant place dans l’inventaire des ouvrages illustrés de choix dressé par Léopold Carteret (1873-1948)55, et reste prisé aujourd’hui pour ses vignettes aux signatures célèbres, ses lettrines et ses bandeaux.

Malgré ses écueils, cette entreprise de réédition montre que les textes de Paul Lacroix donnent l’occasion de faire du beau avec du fashionable, ou du moins avec un nom fashionable, celui du bibliophile Jacob. C’est en suivant le mouvement des éditions populaires illustrées, accéléré par la « révolution Charpentier » qui favorise depuis 1838 la circulation sur le marché d’éditions au format in-18 vendues à bas coût56, que Paul Lacroix recycle ensuite sa production romanesque. Il offre ainsi à une édition populaire une série de vignettes inaugurant la carrière de Gustave Doré à l’aube des années 1850.

PAUL LACROIX ET GUSTAVE DORÉ : LE PARI 
D’UNE COLLABORATION

Le patronage du bibliophile Jacob

À partir de 1849, Joseph Bry (1822-1864) réédite les récits romanesques de Paul Lacroix parus entre 1830 et 1848. Le nom de cet éditeur est attaché aux pionniers du roman à quatre sous, qui développent le format des éditions populaires illustrées. Afin d’être proposées à un public qui devait se contenter jusque-là de consulter les ouvrages dans les cabinets de lecture, en raison de leur prix onéreux, ces éditions sont vendues en livraisons à bas coût, soit 20 centimes par livraison. Dès 1849, Joseph Bry, qui est encore un républicain convaincu, souhaite le concours de Paul Lacroix à la collection des Veillées littéraires illustrées. Elle est défendue par l’éditeur comme une mission politique d’éducation populaire dotée d’un « certain luxe typographique », vouée à instruire et à moraliser le « peuple des classes déshéritées » : « il faut faire lire leurs chefs-d’œuvre dans la chaumière du paysan, dans la mansarde de l’ouvrier comme ils sont recherchés dans les boudoirs et les salons57. » Le roman des Deux Fous par exemple est publié dans le premier volume des Veillées littéraires illustrées. Le concours de Paul Lacroix se prolonge ensuite à travers son appui efficace pour l’obtention du brevet dont l’éditeur était en peine58, en 1853, ce qui lui vaut une reconnaissance sans faille de l’éditeur qui prête désormais allégeance au nouveau régime59. Joseph Bry avait déjà engagé la publication de l’ensemble des romans de son protecteur sous la forme d’une collection : après une première édition intitulée Œuvres illustrées du bibliophile Jacob en 1851-1852, une seconde, renommée Chroniques nationales, nouvelle histoire de France mise en romans, racontée à tout le monde et en nouvelles historiques, est publiée en 1853. Cette compilation d’une soixantaine de romans et nouvelles de l’écrivain dresse une fresque de l’histoire de France romancée du Moyen Âge jusqu’à la Restauration. Ces romans parus initialement dans la presse et/ou en volumes sont alors augmentés de nombreuses illustrations. Quand, à l’instar de Joseph Bry, des éditeurs tels que Pierre-Jules Hetzel (1814-1886) ou Gustave Havard (18..-18..) s’emparent du capital de romans d’auteurs réputés pour en publier des éditions illustrées, au début des années 1850, ils bénéficient du concours des plus célèbres illustrateurs romantiques : les élégants frontispices qui ont fait la réputation de Célestin Nanteuil ornent les œuvres illustrées de Victor Hugo et de Balzac, tandis qu’un frontispice de Tony Johannot ouvre celles de George Sand. Quant à Paul Lacroix, il se distingue en s’attachant les services de Gustave Doré, tout jeune dessinateur faisant ses premières armes comme caricaturiste dans la presse. Le débutant y côtoie entre autres Auguste Hadamar (1823-1886), Édouard Frère (1819-1886), Étienne Bocourt (1821-vers 1905), Charles Mettais (18..-18..)60 et Célestin Nanteuil, à l’origine du frontispice dont la couleur historique convient à cette collection. C’est donc bien au bibliophile Jacob que revient le patronage de Gustave Doré à qui il met le pied à l’étrier, probablement à la faveur de sa relation intime avec la mère de l’illustrateur61. Il emploie le fils et s’arroge le destin de l’artiste en prétendant lui avoir conseillé d’abandonner la peinture au bénéfice du dessin – allégation difficile à vérifier62. Une soixantaine d’illustrations signées par Gustave Doré sont réparties entre quinze romans et nouvelles du bibliophile Jacob, réunis dans les 5 volumes de ces livraisons brochées63. Les romans La Chambre des poisons, Histoire du temps de Louis xiv. 1712 et Vertu et tempérament, Histoire du temps de la Restauration. 1818-1820-1832 sont les plus richement pourvus en vignettes signées par Gustave Doré. Grâce à cette contribution aux « romans-histoire » du bibliophile, les illustrations de Gustave Doré, selon Henri Bouchot en 1891, « marquent le point de départ de toute notre époque contemporaine64 » en matière de gravure sur bois.

Si cette édition populaire est souvent éclipsée par leur collaboration suivante – l’édition des œuvres de Rabelais –, c’est probablement en raison de la qualité relative du tirage qui explique le jugement sévère d’H. Bouchot sur ces planches « mal interprétées, médiocrement tirées, sans mise en train préalable, produis[ant] à l’œil une succession de taches déplorables65 ». En revanche, Paul Lacroix possédait les fumés de ces illustrations qu’il envisageait de léguer à la ville de Montpellier, mais son exécuteur testamentaire a dû juger bon de les conserver car ils sont conservés à la Bibliothèque nationale de France. Ils livrent un aperçu de la mise en image du texte du bibliophile qui, manifestement convaincu du talent du dessinateur, poursuit la collaboration. À nouveau chez Joseph Bry, il dirige rapidement, en 1854, une édition des œuvres de Rabelais (1494 ?-1503) exclusivement illustrée par Gustave Doré, dont le succès est retentissant.

Éditions populaires ou éditions de luxe ?

L’écrivain exploite ici une de ses grandes obsessions littéraires qui avait constitué son premier centre d’intérêt avec une édition pionnière des œuvres de Rabelais, publiée dès 1825 chez Jehenne. Cette nouvelle édition de 1854 est publiée en sept livraisons vendues 1 fr. 10, à l’exception de la dernière vendue 1 fr. 50. Se distingue un exemplaire sur Chine avec envoi de Gustave Doré mentionné lors de la vente Armand Dutacq en 192566.

Avec le frontispice de cet ouvrage, Gustave Doré rend hommage à son bienfaiteur en l’insérant dans une galerie d’écrivains aux noms consacrés : Michel de Montaigne (1553-1592), Molière (1622-1673) et Alain-René Lesage (1668-1747). Paul Lacroix y est représenté avec l’un de ses premiers succès à la main, Les Francs-taupins, histoire du temps de Charles vii, 1440 (1834).

Illustration n° 1 : Gustave Doré, frontispice pour les Œuvres de François Rabelais, éd. Paul Lacroix, Paris, Bry, 1854 (BnF, RES-Y2-776).

L’édition renferme ensuite quatorze planches hors texte de gravures pleine page, et quatre-vingt-neuf vignettes dans le texte, gravées sur bois par Noël-Eugène Sotain (1816-1874). Lacroix réussit ainsi à redorer le blason de la gravure dans une édition populaire, grâce aux illustrations de son protégé. La presse se fait l’écho de cette réussite, tel Le Mousquetaire, journal de M. Alexandre Dumas. Le numéro du 8 juillet 1854 loue le prestige conféré à cette interprétation de Rabelais grâce aux dessins de Gustave Doré : « On a exhibé à tous les salons bien des mètres carrés de peintures historiques et héroïques qui ne valent pas une seule de ces gravures sur bois intercalées dans cette édition populaire67 ». Parmi les vignettes commentées dans ce long compte rendu, la représentation de Panurge rendant visite à la sibylle est l’objet d’un éloge particulier : « Le dessin que nous vous présentons est un simple petit chef-d’œuvre. Je vous recommande le chat et la pie, deux bêtes dignes de Rembrandt68. » Le succès de Gustave Doré, hissé au rang des grands maîtres, supplante par la même occasion le nom de Paul Lacroix.

Illustration n° 2 : Gustave Doré, « Hâ ! Pour manoir déifique et seigneurial il n’est que le plancher des vaches ! Cette vague nous emportera, Dieu servateur ! ». Illustration pour les Œuvres de François Rabelais, éd. Paul Lacroix, Paris, Bry, 1854, planche insérée entre les pages 226 et 227 (BnF, RES-Y2-776).

La collaboration entre Paul Lacroix et Gustave Doré se prolonge enfin en 1856 avec la publication chez Michel Lévy (1821-1875) de la Légende du Juif errant, opuscule de dix-neuf pages grand in-folio constitué d’un poème en musique écrit par Pierre Dupont (1821-1870), illustré par douze planches hors texte de Gustave Doré succédant au texte. Dans le prolongement des illustrations précédentes de Rabelais, l’écrivain et le dessinateur ont parié ici sur la gravure sur bois tirée en pleine page. La préface est l’occasion pour Lacroix de mettre à profit ses connaissances sur l’art de l’imprimerie, dont témoigne son Histoire de l’imprimerie et des arts et professions qui se rattachent à la typographie publiée peu avant en 1852 chez Seré, en collaboration avec Alphonse Duchesne (1825-1870) et Ferdinand Seré (1818-1855). Il défend dans cette préface l’originalité du dessin de Gustave Doré qui ressuscite selon lui l’esprit des grands maîtres du xvie siècle tels Lucas Cranach ou Albrecht Dürer. Paul Lacroix a compris en quoi Gustave Doré redonnait du lustre à la gravure sur bois à « contre-courant69 », en misant sur des ouvrages de semi-luxe. Le bibliophile associe également cette production iconographique à une véritable « révolution de l’imagerie populaire », à vocation didactique : il s’agit de « compléter l’éducation morale du peuple, en lui donnant l’intelligence des belles choses et le sentiment de l’art70 ». Cette dernière allégation est pourtant ambiguë. En effet si l’imagerie élaborée par Gustave Doré exploite la veine populaire d’une légende qui, depuis Le Juif errant d’Eugène Sue en 1844-1845, connaît un succès fulgurant, le prix de l’ouvrage n’en reste pas moins éloigné des éditions bon marché en raison du coût de fabrication de ses gravures in-folio. Vendu 12 fr. broché ou 15 fr. cartonné, il allie ainsi à la vogue de l’imagerie populaire un ouvrage aux luxueuses illustrations, tout en se révélant la matrice du « projet d’illustration in-folio de tous les grands classiques de la littérature que Doré se donne alors, un projet qui provoquera des réactions tant d’admiration que de rejet71 ». Paul Lacroix partage ici l’analyse de Gustave Doré, à moins que l’idée n’ait été suggérée par le bibliophile lui-même à l’artiste, lorsque ce dernier énonçait : « dans tous les temps où un art ou une industrie tombe, il reste toujours une centaine de personnes qui protestent contre ce déluge de choses communes, et prêtes à payer ce qu’elle vaut la première œuvre soignée qui se présente72. »

Ce milieu des années 1850 correspond au moment où Paul Lacroix bénéficie d’un traitement de conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal. Il a désormais le champ libre pour s’adonner pleinement à ses travaux bibliographiques et bibliophiliques, tout en dirigeant de grandes sommes historiques dotées d’illustrations de belle facture. Il avait esquissé ce mouvement avec la publication de son Histoire politique, anecdotique et populaire de Napoléon iii, Empereur des Français, et de la dynastie napoléonienne, publiée en 1853 en quatre volumes chez Dufour, Mulat et Boulanger. Avant tout œuvre de circonstance relevant d’une histoire romancée, cet ouvrage est doté de quarante gravures sur acier pleine page, dessinées en grande majorité par Félix Philippoteaux (1815-1884), dans lesquelles réside son principal intérêt. Le dessinateur s’est informé auprès de Paul Lacroix des détails à apporter à certaines scènes, le baptême de Louis-Napoléon Bonaparte ou la mort de la reine Hortense par exemple, afin de les reproduire avec la plus grande fidélité historique73.

Entre 1871-1880, Lacroix poursuit ce filon de l’alliance entre images et imposantes synthèses historiques à vocation populaire publiées chez Firmin-Didot, restituant les mœurs, institutions, usages et costumes en France, déclinés du Moyen Âge jusqu’au xviiie siècle. Le titre du volume consacré au xviiie siècle, vendu 30 fr.74, annonce par exemple un « ouvrage illustré de 21 chromolithographies et de 350 gravures sur bois d’après Watteau, Vanloo, Rigaud, Boucher, Lancret, J. Vernet, Chardin, Jeaurat, Bouchardon, Saint-Aubin, Eisen, Gravelot, Moreau, Cochin, Wille, Debucourt, etc.75 ». L’écrivain abandonne ainsi les illustrations novatrices qui accompagnaient ses productions romanesques et puise, à titre documentaire, dans le corpus iconographique de l’Ancien Régime. L’image n’en demeure pas moins, pour ce littérateur déjà en voie d’oubli, une véritable héroïne propre à créditer ses travaux historiques d’un luxe affiché par la couverture « grenat foncée illustrée [et] imprimée en or »76 de cette histoire du xviiie siècle.

Ainsi, à la question posée par Champfleury, qui se demande si le bibliophile avait conscience des transformations de la librairie et du goût de ses contemporains77, la réponse est certainement affirmative. Par le jeu de récits historiques au luxe gagé sur la qualité de leurs illustrations, Paul Lacroix, classé parmi les minores de la littérature, a aujourd’hui paradoxalement réussi à conférer une valeur bibliophilique à certaines de ses éditions populaires devenues rares : la seconde édition des Soirées de Walter Scott ou celle du Roi des Ribauds sont peu courantes et se négocient entre 100 et 250 euros, tandis que les éditions Interférences, rééditant en 2010 La Légende du Juif errant illustrée par Gustave Doré, annoncent « un essai devenu introuvable de Paul Lacroix ». C’était probablement l’espoir caressé par le bibliophile de son vivant : dès 1838, lorsqu’il rédige le catalogue de l’imposante bibliothèque de René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844), Paul Lacroix répertorie sa propre collection de « romans-histoire », contes et nouvelles publiés entre 1831 et 1837 qu’il avait offerte au dramaturge. Il se classe lui-même dans la catégorie des « polygraphes » côtoyant Molière, André Chénier et Chateaubriand. Recensée au n° 1708 du catalogue, elle est accompagnée d’une précision de Lacroix qui témoigne d’une volonté de patrimonialisation bibliophilique de son œuvre : « Il n’existe que trois exemplaires de cette collection tirée sur papier extraordinaire : chacun des ouvrages qui la composent porte un envoi de l’auteur à son ami Guilbert de Pixerécourt78 ». On y retrouve, parmi ses ouvrages auquel il a conféré un luxe d’exception, une rare édition des Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants de 1831 avec figures coloriées. Mais malgré les efforts de l’écrivain-bibliophile, cette collection fut retirée par son propriétaire « faute d’enchères79 » et n’a donc manifestement pas suscité l’engouement escompté.

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1 Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, Paris, Librairie Édouard Rouveyre, 1879 [1re éd. 1877], p. 33.

2 Catalogue de beaux livres rares et curieux composant la bibliothèque de feu M. Amédée Rigaud, Paris, Auguste Aubry, Librairie de la société des bibliophiles françois, 1874. Préface de Paul Lacroix, p. v-xiv.

3 Alexandre Page, « Innovations techniques et bibliophilie : le statut paradoxal du livre illustré de luxe dans la seconde moitié du xixe siècle », Revue française d’histoire du livre, 2015, p. 103-124.

4 Marine Le Bail, « Paul Lacroix : quel(s) bibliophile(s) derrière le masque ? », Littératures, 75, 2016, p. 23.

5 À partir de 1829, Paul Lacroix est connu sous son pseudonyme du bibliophile Jacob par lequel il se fait passer pour un vieillard érudit né au xviiie siècle, témoin d’un siècle révolu, et se place conjointement dans la filiation du père Louis Jacob de Saint-Charles, bibliographe réputé du xviie siècle.

6 Thème développé par Paul Lacroix dans la préface du recueil Le Bon vieux temps, suite des Soirées de Walter Scott, I, Paris, Dumont, 1835, p. vj-xxij.

7 Jean-Yves Mollier, Une autre histoire de l’édition française, Paris, La Fabrique éditions, 2015, p. 193-223.

8 Ségolène Le Men, « Book illustration », dans Artistic Relations. Literature and the Visual Arts in Nineteenth-Century France, dir. Peter Collier et Robert Lethbridge, New Haven ; Londres, Yale University Press, 1994, p. 94.

9 Anthony Glinoër, « La difficulté d’être du petit cénacle romantique », dans Rythmes, histoire, littérature, culture, dir. Marie Blaise et Alain Vaillant, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2000, p. 406-407.

10 Paul Lacroix, « À Jehan Duseigneur, sculpteur », Quand j’étais jeune, souvenirs d’un vieux, Paris, Renduel, 1833, t. I, p. 11-12.

11 Vladimir Kapor, Local Colour. A travelling concept, Berne, Peter Lang, 2009 ; Romantisme, n° 157 (« Les couleurs du xixe siècle »), 2012.

12 Paul Lacroix, Soirées de Walter Scott à Paris, Paris, Renduel, 1829.

13 Nicolas Wanlin, Aloysius Bertrand. Le sens du pittoresque, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 219.

14 La Revue des Deux Mondes de 1831 évoque, à propos du second volume des Soirées de Walter Scott (1831), le bibliophile Jacob se complaisant dans un Moyen Âge dont « il reproduit parfaitement en effet la vive allure, et jusqu’à la grâce, à la force et à la naïveté du langage. On dirait de bonnes vieilles chroniques retrouvées dans la poussière des bibliothèques », p. 260-261.

15 Stephen Bann, « Entre fac-similé et haute gravure. L’image dans la presse française des années 1830 », Études photographiques, 20, 2007, p. 4-17, p. 14 [en ligne : https://etudesphotographiques. revues.org/924 (page consultée le 25 octobre 2017)].

16 Paul Lacroix bénéficie ensuite de ses appointements de conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal, à partir de 1855.

17 Frantz Calot, « Tony Johannot. Vignettiste romantique », Le Dessin. Revue d’art, d’éducation et d’enseignement, 13 mars 1948, p. 124.

18 Frantz Calot, « Le livre illustré du xixe siècle », dans Le Livre français des origines à la fin du Second Empire, dir. Henry Martin, exposition du pavillon de Marsan, avril 1923, Paris ; Bruxelles, G. van Oest et Cie, 1924, p. 110.

19 Sur la place et le rôle de la vignette romantique, voir Ségolène Le Men, La Cathédrale illustrée de Hugo à Monet. Regard romantique et modernité, Paris, CNRS, 1998.

20 Champfleury, « Croquis romantique. Le Bibliophile Jacob », Le Livre. Revue du monde littéraire. Archives des Écrits de ce temps. Bibliographie rétrospective, troisième année, Paris, 1882, p. 70.

21 Frédéric Barbier, « Eugène Renduel, éditeur de Henrich Heine », Revue germanique internationale, 9, 1998, p. 104.

22 Tony Johannot illustre ensuite pour Victor Hugo la première édition de Notre-Dame de Paris publiée chez Gosselin en 1831.

23 Jean-Marc Hovasse, « Victor Hugo et la Revue des deux mondes », dans La vie romantique. Hommage à Loïc Chotard, dir. André Guyaux et Sophie Maréchal, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 259.

24 Paul Lacroix, Le Roi des ribauds, histoire du temps de Louis xii, Paris, Renduel, 1831.

25 Id., Vertu et tempérament, histoire du temps de la Restauration, 1818-1820-1832, Paris, Renduel, 1832, (frontispice du premier volume gravé par John Andrew, celui du second volume par Henri Porret) ; Un divorce, histoire du temps de l’Empire, 1812-1814, Paris, Renduel, 1832 ; La Danse macabre, histoire fantastique du quinzième siècle, Paris, Renduel, 1832.

26 Commerson, Les Binettes contemporaines, 9, Paris, Havard, 1854-1855, p. 35-45. Un exemplaire illustré d’une autre caricature reprenant ce thème est également conservé à la bibliothèque de l’Arsenal sous la cote GD-49948 (9).

27 Lettre de Paul Lacroix à Léon Gaudin, bibliothécaire à Montpellier, 14 avril 1881 (Médiathèque Émile Zola de Montpellier, ms.-637, liasse xxiii_01, f. 17-18). Paul Lacroix fait état de la cote atteinte par cet exemplaire en vertu de sa rareté : « Ainsi, je cherche, pour ma collection, la 1ère édition de La danse macabre, avec la gravure de Tony Johannot, et je désespère de la trouver, même au plus haut prix ».

28 Émile Chevalet, Les 365. Annuaire de la littérature et des auteurs contemporains par le dernier d’entre eux, Paris, Havard, 1858, p. 87.

29 Lettre de Louis Janet à Paul Lacroix, s.d. [1831] (BnF, Arsenal, ms.-9668 (2)). Cet ouvrage est finalement vendu 10 fr. les deux volumes. Quant à l’édition avec figures coloriées, il en a été tiré trois exemplaires, d’après Georges Vicaire, Manuel de l’amateur de livres du xixe siècle, 1801-1893, iv, Paris, Rouquette, 1900, p. 816.

30 Philippe Kaenel, Le Métier d’illustrateur, 1830-1880, Rodolphe Töpffer, J.J. Granville, Gustave Doré, Genève, Droz, 2005 [1re éd. Messene, 1996], p. 112.

31 Ibid., p. 151-152.

32 Lettre de Léon Curmer à Paul Lacroix, 31 janvier 1838. Léon Curmer décline un projet de publication proposé par Paul Lacroix : « … depuis que j’ai eu l’honneur de vous voir je me suis engagé pour plusieurs affaires qui m’empêchent absolument de songer à aucune autre, je regrette bien de ne pouvoir me mettre en relation d’affaires avec vous surtout pour le projet que vous m’avez indiqué » (BnF, Arsenal, ms.-9623-2501).

33 Louis André, « Papetiers et éditeurs dans la librairie romantique », Revue française d’histoire du livre, 116-117, 2002, p. 15-16.

34 Bulletin de l’Alliance des Arts, 12, 10 décembre 1842, p. 177.

35 Ibid., 3, 25 juillet 1842, p. 48.

36 Philippe Kaenel, Le Métier d’illustrateur…, op. cit., note [30], p. 76.

37 Ibid.

38 Lettre de Paul Lacroix à Armand Dutacq, s.d. : « Curmer avait 500 fr. pour toute fortune ; il en a emprunté 1000, et il a fait une histoire de l’ancien et du nouveau testament (bible de Royaumont) avec des gravures sur bois qui lui coutaient 15 fr. l’une, dessin et taille. Il a si bien réussi que la vente de 18 000 exemplaires a créé sa maison » (BnF, Arsenal, ms.-13425).

39 Revue de Paris, 45, 1837, p. 148.

40 Cet ouvrage publié en 1838 chez Delloye réunit : La Danse macabre, Les Francs-taupins, Le Roi des ribauds et Les Deux fous, tous initialement publiés entre 1830 et 1834 chez Renduel. L’ambitieux projet semble avoir été réduit à une compilation de facture plus économe, sans illustrations.

41 À laquelle succède une réédition du Bon vieux temps, suivi des Soirées de Walter Scott (1423-1465) en 1838.

42 Jules Brivois, Bibliographie des ouvrages illustrés du xixe siècle, principalement des livres à gravures sur bois, Paris, Conquet, 1883, p. 229.

43 Lettre de Victor Lecou à Paul Lacroix, 8 septembre 1840 (BnF, Arsenal, ms.-9668 (I)).

44 George Vicaire, Manuel de l’amateur de livres…, op. cit. [note 29], p. 814.

45 Peu d’éléments sont connus sur ce graveur du xixe siècle, dont quelques planches sont répertoriées dans le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs d’Emmanuel Bénézit, v, Paris, Gründ, 1999, p. 378.

46 Jules Brivois, Bibliographie des ouvrages illustrés…, op. cit., [note 42], p. 229 et George Vicaire, Manuel de l’amateur de livres…, op. cit., p. 815.

47 Thierry Laugée, « Les grandes maîtresses de l’art français », dans L’Invention du passé. Histoires de cœur et d’épée en Europe, 1802-1850, dir. Stephen Bann, [exposit ion, Lyon, Musée des Beaux-Arts, 19 avril-21 juillet 2014], Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2014, p. 67-75.

48 Cécile Boulaire, « Raymond Pornin et le “Gymnase moral d’Éducation” : être éditeur de livres pour enfants à Tours sous Alfred Mame », dans Mame, Deux siècles d’édition pour la jeunesse, dir. Cécile Boulaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 253-261.

49 Lettre de Raymond Pornin à Paul Lacroix, 6 mai 1843 (BnF, Arsenal, ms.-9668 (2)).

50 Les nouvelles sont identiques à une exception près : « La Fève » remplace « La Leçon » dans les Récits historiques à la jeunesse. Paul Lacroix n’ayant certainement pas été en mesure de fournir suffisamment de nouvelles inédites, Raymond Pornin les reporte à un éventuel second volume dans le cas d’un succès du premier. Ce second volume ne verra pas le jour. Voir lettre de Raymond Pornin à Paul Lacroix, 8 août 1843 (BnF, Arsenal, ms. 9668 (2)).

51 Ce tirage de 1500 exemplaires est annoncé dans le contrat éditorial conservé à l’Arsenal (ibid.).

52 Lettre de Raymond Pornin à Paul Lacroix, 24 janvier 1844 (ibid.).

53 Contrat éditorial signé entre R. Pornin et P. Lacroix, juin 1843 (ibid.).

54 Lettre de Raymond Pornin à Paul Lacroix, 5 septembre 1843 (Ibid.).

55 Léopold Carteret, Le Trésor du bibliophile, époque romantique, 1801-1875, livres illustrés du xixe siècle, Paris, Carteret, 1927, p. 351.

56 Jean-Yves Mollier, Une autre histoire de l’édition française…, op. cit. [note 7], p. 198-201.

57 Lettre de Joseph Bry à Paul Lacroix, 11 juillet 1849 (BnF, Arsenal, ms. 9668 (2)).

58 Lettre de Joseph Bry à Paul Lacroix, s.d. : « J’ai mon brevet. Vous faites une famille heureuse. Une famille qui n’oubliera jamais votre nom car elle le considèrera comme son protecteur » (ibid.).

59 Sur la façon dont Paul Lacroix convainc Joseph Bry de se rallier à l’Empire au bénéfice de son entreprise, voir Jean-Yves Mollier, L’Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d’édition, 1880-1920, Paris, Fayard, 1988, p. 164.

60 Charles Mettais est un peintre et illustrateur du xixe siècle, d’après Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres…, op. cit. note [45], ix, p. 53.

61 Hypothèse de Philippe Kaenel, fondée sur le dossier de lettres adressées par Mme Doré à Paul Lacroix, conservé à la bibliothèque de l’Arsenal sous la cote ms. 9623-2238.

62 Blanche Roosevelt, La Vie et les œuvres de Gustave Doré d’après les souvenirs de sa famille, de ses amis et de l’auteur Blanche Roosevelt, Paris, Librairie illustrée, 1887, p. 85-100.

63 La Sœur du Maugrabin, Histoire du temps de Henri iv. 1606 et Vertu et tempérament, Histoire du temps de la Restauration. 1818-1820-1832, (vol. 2) ; La Chambre des poisons, Histoire du temps de Louis xiv. 1712, La Folle d’Orléans, Histoire du temps de Louis xiv. 1693, Le Singe ou la famille de l’athée. 1666 et Un duel sans témoins. 1832, (vol. 3) ; Une Bonne fortune de Racine, Histoire du temps de Louis xiv, Le Ghetto ou le quartier des Juifs. 1760, et Une nuit dans les bois. 1809, (vol. 4) ; Le Bon vieux temps, Le Diable. (1628), Le Guet. 1460, Le Legs. 1478, Le Manuscrit. (1767) et Les Quatre termes, anecdotes du cinquième étage. (1782), (vol. 5).

64 Henri Bouchot, Les Livres à vignettes du xixe siècle. Du classique et du romantique, le livre à vignettes sous Louis-Philippe, sous le Second Empire et de 1870 à 1880, Paris, Rouveyre, 1891, p. 67.

65 Ibid., p. 67.

66 Léopold Carteret (Le Trésor du bibliophile…, op. cit. [note 55], p. 511) précise qu’il s’agit probablement d’un exemplaire unique de cet « ouvrage populaire » très recherché.

67 Le Mousquetaire, journal de M. Alexandre Dumas, 8 juillet 1854, p. 3.

68 Ibid., p. 4.

69 Le terme est de Gustave Doré. Cité dans Philippe Kaenel, « Féérique et macabre : l’art de Gustave Doré », Études de lettres, 3-4, 2011, p. 1 [en ligne : https://edl.revues.org/212 [(page consultée le 28 octobre 2017)].

70 La Légende du Juif errant, compositions et dessins par Gustave Doré, poème avec prologue et épilogue par Pierre Dupont, éd. Paul Lacroix, Paris, Michel Lévy Frères, 1856, p. 6.

71 Philippe Kaenel, « Féérique et macabre… », art. cit. [note 69], p. 3.

72 Ibid., p. 1.

73 Lettre de Félix Philippoteaux à Paul Lacroix, 19 août 1852 (BnF, Arsenal, ms.-9623-2319, f° 2).

74 D’après Georges Vicaire, Manuel de l’amateur de livres…, op. cit. [note 29], p. 852.

75 Paul Lacroix, xviiie siècle. Institutions, usages et costumes, France, 1700-1789, ouvrage illustré de 21 chromolithographies et de 350 gravures sur bois d’après Watteau…, Paris, Firmin-Didot frères, 1875.

76 Georges Vicaire, Manuel de l’amateur de livres…, op. cit. [note 74], p. 852.

77 Champfleury, « Croquis romantique. Le Bibliophile Jacob »…, art. cit. [note 20], p. 66.

78 Charles Nodier et Paul Lacroix, Bibliothèque de M. G. de Pixerécourt, Paris, Crozet et Techener, 1839 [1re éd. 1838], p. 243.

79 Ibid., p. 242. Note autographe, portée dans la marge de l’exemplaire conservé à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich.