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Les éditeurs bibliophiles : 
l’amateur comme créateur de livres (1890-1914)

Anne-Christine ROYÈRE

Université de Reims Champagne-Ardenne

Julien SCHUH

Université Paris Nanterre

NdA : Cet article s’inscrit dans la lignée de nos recherches autour du recueil L’Illustration en débat : techniques et valeurs (1861-1931), dir. Anne-Christine Royère et Julien Schuh, Reims, Épure, 2015 (Héritages critiques).

Dans le chapitre final du Métier d’illustrateur, Philippe Kaenel pose l’un des problèmes de l’étude de la production de livres illustrés autour de 1900 : l’importance accordée à quelques grands titres retenus par l’histoire de l’art, tel Parallèlement illustré par Bonnard et paru chez Ambroise Vollard en 1900, efface non seulement la complexité des débats mais aussi la multiplicité des promoteurs du livre de luxe à cette époque, en construisant après-coup une opposition entre éditeurs traditionalistes et modernistes2. Ph. Kaenel, en s’appuyant sur l’analyse des querelles opposant des éditeurs et critiques a priori du même bord, comme Clément-Janin et Conquet, considère qu’on assiste à cette époque à une autonomisation du champ du livre de luxe. C’est précisément cette autonomisation que nous aimerions analyser, en la replaçant plus largement dans le contexte de la production du livre à la fin du xixe siècle, et en nous interrogeant sur le type de valeurs et de panthéon véhiculés par ces pratiques.

La bibliophilie de la fin du siècle est marquée par une forme de pénurie : la dispersion des collections privées et publiques provoquée par la Révolution avait galvanisé le marché au début du xixe siècle. Mais la plupart des ouvrages sont désormais enfermés dans des collections, occasionnant une véritable lassitude des collectionneurs, comme le note Henri Beraldi :

De quoi avait vécu la grande bibliophilie rétrospective ? De l’abondance du livre ancien. Quelle fut la mission de la bibliophilie vénérante ? D’épuiser le livre ancien. De quoi est morte cette bibliophilie ? De l’accomplissement même de sa mission : de la disparition du livre ancien, fixé dans les bibliothèques par cinquante ans de collectionnisme3.

D’où la naissance d’une « bibliophilie nouvelle » qui se concentre sur le « livre moderne » : non seulement sur le livre du xixe siècle, mais aussi sur le livre contemporain, en train de se faire ; mieux, le livre que le collectionneur produit lui-même, selon « la formule de la bibliophilie de 1900, qu’on pourrait écrire : Désormais, si tu veux des livres, fais-les-toi toi-même4 », soit une « bibliophilie créatrice ».

Cette bibliophilie se conçoit comme une forme de patrimoine des pratiques, « sorte de conservatoire de la véritable gravure, des vrais papiers et des tirages délicats, au milieu des procédés, des simili (la maladie similitique !) amenant fatalement à leur suite l’infamie du simili-papier, du papier “couché”, des tirages mécaniques à haute pression5 ».

Qui sont les producteurs de cette nouvelle bibliophilie ? La typologie des éditeurs d’« illustrés modernes6 » semble démontrer une hétérogénéité profonde dans les pratiques. On y trouve des éditeurs professionnels comme Pelletan, des libraires comme Blaizot, des sociétés de bibliophiles, des galeries d’art comme la Librairie de l’art indépendant, des imprimeurs comme Lahure, des revues comme La Plume, des relieurs ; catégories auxquelles il convient d’ajouter les écrivains qui s’autoéditent comme Remy de Gourmont, faisant venir papiers spéciaux et bois exotiques pour imprimer des éditions luxueuses de ses plaquettes sur sa propre presse.

Nous formulons l’hypothèse que, derrière l’apparente diversité de ces éditeurs, un ensemble de pratiques et de valeurs permet d’unifier cette « bibliophilie créatrice ». Celle-ci s’autorise en effet de la figure de l’amateur, dont les bibliophiles, les critiques d’art, certains artisans du livre, mais aussi les éditeurs de livres d’art adoptent la posture7. Ainsi, dès 1896 Bracquemond considère « avec joie le fait nouveau : LE RÔLE DE L’AMATEUR DANS LA CONFECTION DU LIVRE ILLUSTRÉ ». Il ajoute : « Quel est ce rôle ? Décisif : être l’architecte du livre, donner le plan8 ». L’homme de goût, tout particulièrement en matière d’art, se lance ainsi dans des activités éditoriales alors que parallèlement certains éditeurs-imprimeurs se veulent plus que de simples artisans, réclamant une reconnaissance de leur rôle de créateurs aux côtés des auteurs et illustrateurs. Ce sont ainsi les acteurs et les valeurs de la bibliophilie qui croisent ceux de l’édition.

Ces pratiques ont par ailleurs un autre point commun : elles fondent leur action sur le rejet du marché industriel, accusé de produire des livres de piètre qualité mais qui, surtout, obéit à une logique de sectorisation à la fois géographique et éditoriale depuis les années 1840, comme en témoigne le chapitre « Éditeur » des Français peints par eux-mêmes :

Une fois sorti du Palais-Royal, l’éditeur s’est multiplié dans tous les quartiers : dès lors se sont classés les genres et les espèces, selon qu’il appartient à la librairie classique, romantique, politique, religieuse, philosophique, médicale et judiciaire9.

À l’opposé de cette logique de dissémination, les éditeurs-bibliophiles optent pour la concentration en termes de moyens, de structures, mais aussi de réseau, l’amateur s’adressant à son semblable au sein d’une communauté restreinte.

Partageant néanmoins avec l’édition industrielle le marché du livre de luxe, ils ont pour gageure de fonder leur identité et auctorialité éditoriales en s’assurant une visibilité médiatique maximale. C’est cette spectacularisation des productions qui contribue, fondamentalement, à l’autonomisation du champ du livre de luxe.

Pour explorer ces pistes, nous aborderons dans un premier temps la figure de l’amateur architecte du livre, puis la structuration de ce champ et son fonctionnement, et enfin sa médiatisation.

UN NOUVEAU CRÉATEUR : L’AMATEUR ARCHITECTE DU LIVRE

Une bibliophilie à réinventer : la figure de l’amateur

C’est moins la figure du collectionneur, connotée négativement, que celle de l’amateur qui sert à configurer ce champ éditorial. Remy de Gourmont en dresse le portrait lorsqu’il répond à une enquête de la revue Le Rythme, fondée par le poète rouennais Lucien Banville d’Hostel (1877-1956), qui posait la question suivante : « Que faut-il penser de l’élément amateur dans toutes les branches de la production intellectuelle ?10 » :

Qu’est-ce que l’Amateur, en littérature ? Un homme qui n’écrit pas pour vivre, mais seulement parce que cela l’amuse. Voudriez-vous que l’on réservât le mot aux seuls écrivains à la fois riches et sans talent ? Mais ils marquent du moins de la bonne volonté, de l’estime pour ceux dont ils imitent gratuitement l’effort. Songez aussi qu’ils forment la presque totalité du public qui achète les livres, qui s’abonne aux Revues d’art. Sans l’amateur, on ne vendrait aucun livre de luxe, je veux dire de littérature vraie. Il faut, pour l’acheter, l’amateur qui, au moins, fait semblant de comprendre, – et, en somme, ne comprend pas toujours plus mal qu’un autre.

L’amateur, en somme, permet la culture désintéressée des lettres. C’est un élément très favorable. Il est le lien entre le monde qui lit et le monde qui écrit11.

L’amateur tient à la fois du praticien désintéressé et du connaisseur ; mécène de la création d’avant-garde, il forme le public sans lequel une création en marge de la production culturelle industrielle serait impossible.

On note en réalité un véritable renversement : à la fin du siècle, l’amateur n’est plus un acheteur passif, il devient un créateur actif. Le principe de ce renversement a été exprimé par Beraldi dès 1897, lorsqu’il considère l’émergence de la « bibliophilie créatrice » :

La situation est donc nette : ou ne plus avoir de livres ou les faire.

Les faire, c’est-à-dire, non seulement confectionner des exemplaires exceptionnels, mais aussi provoquer directement la production du livre lui-même, le fabriquer, ou collaborer à son éclosion : introduire, dans la création du livre, la fameuse collaboration de l’industriel ou des artistes qui exécutent, et de l’amateur qui commande12.

Il s’agit en somme de définir une nouvelle forme de relation à la bibliophilie et à la collection, dans laquelle le collectionneur, ne subissant plus les lois du marché, se fait lui-même créateur de valeurs.

On assiste donc à l’émergence de figures de créateurs-critiques et à la fusion des fonctions de production et de réception du livre bibliophilique : l’éditeur se confond avec le collectionneur, soit parce que l’éditeur se présente comme amateur, soit parce que l’amateur devient éditeur.

La fonction architecte

C’est toute la hiérarchie de la création qui est remise en question. On avait déjà vu, à l’époque romantique, les éditeurs devenir les véritables initiateurs du livre : Curmer, Hetzel sélectionnaient illustrateurs, écrivains, graveurs pour mettre en œuvre leurs projets éditoriaux. Mais la nouvelle fonction qui se met en place à cette époque est celle d’architecte du livre : une dimension artistique et créatrice est introduite dans une fonction sinon considérée comme artisanale. De la même manière que la fin de siècle voit apparaître la fonction de metteur en scène au théâtre ou de directeur artistique dans la presse, l’édition de livres de luxe est soumise à la vision d’ensemble d’un maître d’ouvrage qui dirige la production de ses ouvriers. On voit se multiplier les discours de légitimation de ce rôle nouveau joué par l’éditeur, comme chez André Mellerio, dans un article de L’Estampe et l’Affiche consacré à « L’illustration nouvelle » :

À notre avis, cette illustration réclamera le concours d’un autre personnage encore, qui dans l’histoire du livre est resté la plupart du temps très au-dessous de son office – nous voulons dire l’éditeur. Il lui faudra être plus qu’un vulgaire entrepreneur de livres. C’est à lui qu’incombera le rôle de l’architecte, ordonnateur suprême de la décoration de l’édifice qu’il a construit. À l’exemple d’amateurs intelligents, comme M. Paul Gallimard, que nous citions, l’éditeur sera mis en demeure de comprendre et d’apprécier également l’artiste littéraire aussi bien que l’artiste plastique, de saisir leur intime concordance. À lui en outre de surveiller que les lois décoratives de l’illustration soient respectées, d’approprier la typographie, choisir le format et jusqu’au papier. Les besoins nouveaux très complexes donneront une grande importance à cette direction d’où seulement peut découler l’unité d’ensemble13.

Illustration n° 1 : André Mellerio, « L’illustration nouvelle », L’Estampe et l’Affiche, vol. 1, n° 6, 15 août 1897, p. 155.

L’intentionnalité du livre se déplace de l’écrivain et de l’illustrateur vers l’éditeur, qui légitime sa position de surplomb par sa qualité d’amateur éclairé, d’homme de goût. Bracquemond, Clément-Janin, Pelletan défendent ce rôle d’architecte14, pour celui qui est à la fois « critique littéraire », « critique d’art » et éditeur proprement dit :

Le livre est un texte. Cette vérité, qui paraît un axiome, devient moins évidente quand, passant de la théorie à la pratique, l’éditeur doit faire choix de ce texte. À ce moment, tout se complique pour lui, tout s’obscurcit. Il doit tour à tour se faire critique littéraire, pour apprécier l’œuvre qu’il se propose d’éditer, et critique d’art, pour se rendre compte du caractère que devra revêtir l’illustration, et du tempérament de l’artiste qui en sera chargé. Toutes obligations immédiates, concomitantes, sans l’accomplissement desquelles le volume manquerait d’unité15.

Ces éditeurs apparaissent comme des « hommes doubles »16, des « médiateurs » qui articulent industrie et art dans leur rôle de direction.

Ce glissement de l’autorité créatrice vers la figure de l’éditeur déplace également le niveau de réception des livres : il ne s’agit plus de lire un texte ou d’apprécier des illustrations, mais de saisir l’ensemble qu’ils composent en lien avec les choix du papier, de la typographie, de la reliure… La cohérence de l’œuvre est à chercher au niveau du livre matériel.

« DES LIVRES DIGNES DE CE TEMPS17 »

Un ouvrage esthétiquement homogène

Lorsque Raymond Hesse présente Eugène Rodrigues, président des Cent bibliophiles de 1896 à 1928, il décrit un « fervent amateur de beaux-arts » se plaisant tout particulièrement à la « fabrication, l’architecture du livre », relevant chez cet avocat à la Cour de Paris, « l’âme d’un grand éditeur18 ». Lorsque Clément-Janin évoque le travail de Pelletan, il déclare :

Le rôle de l’éditeur doit être prépondérant, comme celui de l’architecte. C’est à lui qu’incombe l’obligation d’extérioriser la signification intime de l’œuvre, comme l’architecte révèle, par son plan, la destination de l’édifice. Il doit connaître les lois du livre, pour que cette extériorisation soit, non seulement adéquate, mais encore belle, car il ne suffit pas de comprendre, il lui faut aussi traduire en beauté19.

Ainsi bibliophile, éditeur et marchand d’art se rapprochent dans le rôle de directeur artistique d’une œuvre collective conçue comme un « objet d’art ». Évoquant cette figure, Octave Uzanne, écrit en effet :

Il a voulu des livres uniques enrichis de dessins originaux, de lettres autographes, d’épreuves avec remarques ; si bien que, sous une reliure de choix, le livre est devenu chez lui un objet d’art, une pièce rare plutôt faite pour la vitrine que pour le rayon de la bibliothèque. – Ce bijou bibliographique, ce bibelot de la folie interfoliée a réclamé jalousement un cadre, un milieu de couleurs et de contrastes artistiques ; solitaire dans sa niche vitrée, il a appelé près de lui en compagnonnage le missel à chasuble d’argent, le drageoir et la miniature […]

Le livre et l’objet d’art sont faits pour compagnonner de concert ; jamais ils ne hurlent de se trouver, ensemble ; qu’ils soient ou non concitoyens ou contemporains, ils s’accordent à merveille en d’exquises natures mortes […]20

Le livre, désormais « considéré comme objet d’art21 », doit voir tous ses éléments concourir à l’homogénéité esthétique. Il entre ainsi dans le champ des arts décoratifs, répondant à l’idéal bourgeois d’esthétisation totale de la vie.

Deux modèles semblent avoir cours : celui du livre d’apparat « muséal » et celui du livre médiéval. Dans le premier, le livre est considéré, pour le dire avec Beraldi, comme « un musée de dessins », tournant le dos à une bibliophilie érudite considérée comme datée : « Mais vivre avec une bibliothèque de livres illustrés, c’est vivre dans un musée de dessins, c’est vivre constamment ouvert à la question d’art. Autre contraste avec les bibliophiles précédents, hermétiquement fermés à l’art22. »
Ce goût pour l’image en général et pour l’estampe en particulier s’illustre exemplairement dans le livre de peintre, tout particulièrement lorsqu’il a recours aux techniques traditionnelles de l’estampe : l’eau-forte, la taille-douce, le burin et la lithographie. Mais il peut aussi s’exprimer dans des livres comme La nouvelle Bibliopolis. Voyage d’un novateur au pays des Néo-Icono-Bibliomanes d’Octave Uzanne, dont les « lithographies en couleurs et marges décoratives de H. P. Dillon » placent le texte comme un tableau sur un décor de papier peint.

Quant au modèle du livre médiéval, sa théorisation en France résulte de l’influence des Anglais Walter Crane et William Morris, exposés en 1896 à la galerie de l’Art nouveau de Samuel Bing23. Elle est le fait de Pelletan, largement relayé par Clément-Janin. La Deuxième lettre aux bibliophiles, en affirmant : « un livre est du noir sur du blanc24 », bannit l’usage de la couleur et pose pour principe l’indispensable harmonie de tous les éléments du livre : typographie, ornements, illustration pour laquelle seule la gravure sur bois est tolérée en tant que technique historiquement liée au « commencement de l’imprimerie25 ». Ces choix techniques et formels placent le livre du côté de la décoration, comme l’illustre le néo-traditionnisme d’un Maurice Denis « rêvant d’anciens missels aux encadrements rythmiques, de lettres fastueuses, des premières gravures sur bois… » et proclamant : « … L’illustration c’est la décoration d’un livre !26 »

Cette valorisation généralisée de l’« iconicité » et de la matérialité au détriment du texte a pu inquiéter des écrivains qui voient leur œuvre disparaître derrière l’objet-livre, comme le montrent ironiquement certaines réclames pour un volume de la Bibliothèque artistique et littéraire de La Plume :

La Revue fait un chaleureux appel à tous les camarades pour que cette édition du premier livre de Jacques Renaud ne tombe pas tout entière dans les mains des bibliophiles qui guettent nos publications pour les garder, sans être coupées, dans leur bibliothèque.

Le petit chef-d’œuvre du jeune écrivain demande à être apprécié ; nous promettons d’avance un régal littéraire à ceux qui estiment qu’un livre est fait pour être lu et non pour figurer comme curiosité dans une collection d’objets rares27.

À moins que les auteurs ne choisissent de faire eux-mêmes des objets-livres, tels Alfred Jarry, ou Remy de Gourmont, prenant l’éditeur-architecte comme modèle de créateur28.

« Le livre est un texte29 » : quelle « littérature bibliophilesque30 » ?

Le sort réservé au texte est par ailleurs à mettre en relation avec les reproches fréquents faits aux bibliophiles de ne pas lire les textes qu’ils acquièrent. Sur le mode fictionnel Beraldi écrivait dans Bibliothèque d’un bibliophile (1885) :

Pour lire, je prends des volumes de Charpentier et de Hachette (2 fr. 75). Mais les livres rares ne sont pas des instruments de travail, ce sont des objets de curiosité précieux, faits pour être manipulés modérément et avec précaution, tout comme une porcelaine de Chine31.

L’amateur est davantage un collectionneur qu’un lecteur, ce qui explique que la constitution d’un panthéon littéraire reste secondaire : la bibliophilie créatrice déplace l’intérêt pour le texte qui appartient en propre à la bibliophilie classique vers un intérêt pour le livre en tant qu’objet. Ainsi, le livre d’art en tant que « livre d’amateur fait et destiné à être pieusement conservé en quelque bibliothèque32 » est, davantage que le texte, « objet patrimonial », c’est-à-dire « objet sacré essentiel à la communauté33 » qui a « besoin de lui pour exister » tout comme « il a besoin d’elle pour exister en tant que patrimoine34 ». Ceci explique sans doute les rapports ambivalents noués par les « éditeurs-bibliophiles » avec les textes : ils ne semblent en effet pas avoir de ligne éditoriale précise en la matière. En d’autres termes, ils ont davantage une stratégie de contenant qu’une stratégie de contenu : l’éclectisme du catalogue de Vollard en serait la preuve.

On peut néanmoins dresser une rapide typologie de ces textes édités par les éditeurs-amateurs. Ils optent parfois pour des textes-monuments, c’est-à-dire des classiques de la littérature, ravivant l’image de l’éditeur humaniste, par exemple sous la plume d’un Pelletan, qui explique que sa publication des Ballades de Villon « a donné lieu à d’interminables discussions philologiques35 ». Tel est aussi le parti de la Société des Amis des livres qui « rend hommage à de grands littérateurs en éditant un de leurs ouvrages, illustré d’eaux-fortes ou de burins36 ». Mais c’est aussi le cas d’un Vollard qui édite en 1902 les Pastorales de Longus ou Daphnis et Chloé avec des lithographies originales de Pierre Bonnard.

Le texte peut également être un prétexte, dans le sens où il est rédigé par les bibliophiles en vue de mettre en scène leur savoir-faire. Cette pratique est à rapprocher du développement de ce que certains critiques ont appelé « la littérature bibliophilesque37 », dont Uzanne et Beraldi seraient les principaux représentants. Ainsi pour la Société des Amis des livres, Eugène Paillet et Henri Beraldi firent-ils appel aux membres de la société pour composer le texte de Paris qui crie (1890) afin de permettre à un de ses membres, Pierre Vidal, conservateur-adjoint au département des estampes de la Bibliothèque nationale de placer ses illustrations.

Illustration n° 2 : Joris-Karl Huysmans, À rebours, Deux-cents-vingt gravures sur bois en couleurs de Auguste Lepère, Paris, pour les Cent bibliophiles, 1903.

Enfin, les textes peuvent être des œuvres représentatives d’une certaine forme de goût « moderne » : en choisissant de donner une édition bibliophilique de textes contemporains (Goncourt, Haraucourt), certains éditeurs affichent leur soutien à l’innovation littéraire, qui entre souvent en corrélation avec une défense de l’estampe originale de leur époque. C’est le cas des Cent bibliophiles, dont les choix littéraires (Baudelaire, Huysmans) semblent découler du goût pour des graveurs et illustrateurs contemporains (Félicien Rops, Louis Legrand, Edgar Chahine, Armand Rassenfosse, Auguste Lepère) ; tout comme celui de Daniel-Henry Kahnweiler qui édite des textes de Max Jacob (Saint Matorel, eaux-fortes de Picasso, 1911) ou d’Apollinaire (L’Enchanteur pourrissant, bois de Derain, 1909) en contrepoint des cubistes qu’il expose. Éditer des textes contemporains, parfois inédits, peut ainsi prendre une dimension expérimentale lorsqu’il s’agit d’associer, à la demande du premier, André Gide et Maurice Denis pour Le Voyage d’Urien (1893, Librairie de l’Art indépendant), mais aussi revêtir une dimension plus mercantile. La Société des xx comme la Société du livre d’art adoptent en effet le « principe de réimposition en un format différent de volumes parus en librairie38 » et qui ont obtenu un certain succès. Si l’on en croit Raymond Hesse, cette pratique prend d’ailleurs de l’ampleur après la Grande Guerre :

[…] après la guerre, nous allons voir se développer l’édition de luxe pour des auteurs qui n’avaient pas encore été favorisés jusqu’à ce jour. Un livre a-t-il du succès, l’édition de luxe illustrée succède bientôt à l’édition ordinaire. Les éditeurs, dont le nombre s’est multiplié, attendent que les prix littéraires, les gros tirages, la publicité sous toutes ses formes leur désignent les ouvrages qu’il convient d’illustrer. Pierre Benoît publie l’Atlantide. Et L’Atlantide paraît en édition de luxe chez Albin Michel 39.

Ainsi, les « livres dignes de ce temps » tendent-ils au maximum à l’unicité, cherchant à se rapprocher de la singularité de l’œuvre d’art en multipliant les procédés d’individualisation des livres (numérotation des exemplaires, beaux papiers, tirages réduits, paraphes des auteurs, truffage de manuscrits et de fumés), ce que constate avec ironie Louis Morin en 1900 :

Aujourd’hui tout le monde fait des livres d’amateurs, et de beaux livres (ce qui ne veut pas dire qu’ils soient tous réussis) : les éditeurs, les libraires, les imprimeurs, et même, et surtout, les amateurs. Peut-être verrons-nous bientôt le livre fait par l’auteur et vendu à si petit nombre que ce sera presque un ouvrage original qui sortira de ses mains40.

FONCTIONNEMENT DU CHAMP

Le rôle de l’amateur dans la production bibliophilique passe en outre par la création de diverses structures, des institutions en devenir, destinées à diffuser la vision de l’amateur en réunissant autour de lui une communauté de bibliophiles.

Modèles de financement : associations, souscription et vente, sociétés à capital

Pour pouvoir produire ces livres, les éditeurs bibliophiles ne s’adressent pas un public indifférencié qu’ils espèrent conquérir. La plupart de leurs productions sont financées en amont. Alors que les éditeurs des époques précédentes utilisaient un capital financier préexistant, des prêts, ou choisissaient de vendre par livraisons afin de répartir sur le temps les coûts de production, la particularité de ces éditions artistiques est de reposer presque exclusivement sur un public captif qui a déjà payé. Depuis les éditions hors commerce jusqu’aux souscriptions, on trouve toujours en arrière-plan l’amateur comme source de financement.

Le premier exemple qui vient à l’esprit est évidemment celui des sociétés bibliophiliques dont le fonctionnement annule le clivage entre producteur et récepteur, en vertu de la pratique de l’autoédition et du fonctionnement communautaire, qui unit des membres choisis, soudés par le partage d’intérêts et d’idéaux. Ces élites, qui rassemblent à la fois des gens de robe, des industriels, des nobles et des intellectuels imitant une sociabilité de salon, se conçoivent d’abord comme des cercles avant de se constituer sur le modèle des sociétés. En déposant des « statuts et un règlement », elles se dotent d’un bureau ou comité (président, trésorier, secrétaire), qui définit le montant du droit d’entrée, de la cotisation annuelle et de tout autre versement contribuant au financement des ouvrages et à la vie de société, instaurant un système de sociabilité sous forme de réunions périodiques et de banquets annuels. Tel est le parcours de la Société des Amis des livres, conçue comme un cercle de bibliophiles en 1874 et qui dépose ses statuts en 1880. Ainsi des Statuts et règlement suivis de la Liste, Noms et Adresses des membres fondateurs des Bibliophiles contemporains d’Octave Uzanne :

Cette société a pour but :

1° D’établir entre ses membres, tant au moyen de réunions que par voie de correspondance, un échange d’idées, un centre commun pour l’étude des recherches, combinaisons, découvertes et procédés artistiques nouveaux les plus propres à produire dans l’Art du Livre de luxe le plus haut degré possible de perfection41.

Les productions des sociétés de bibliophiles sont hors commerce, ce qui augmente leur valeur ; mais un certain nombre d’exemplaires sont parfois destinés à la vente. Leur modèle est celui de l’entreprise privée en réseau (cabarets, théâtres, petites revues, galeries…) qui crée son propre marché avec ses propres lois (statuts et règlement), ses propres valeurs (en corrélation avec le rejet du livre industriel et des techniques plébiscitées), ses modes de financement (droits d’entrée, souscription) et a une sociabilité propre. Néanmoins, elles ne fonctionnent pas en autarcie et entretiennent des rapports étroits avec les éditeurs. Ainsi, Adolphe Bordes, trésorier du Livre Contemporain, « favorisa l’effort de Pelletan, le soutint, moralement et matériellement42 ».

Les éditeurs-imprimeurs, s’ils dépendent de la vente de leurs ouvrages, s’appuient également sur la vente anticipée aux amateurs, en particulier par le biais de la souscription. Pelletan, dans sa Première lettre aux bibliophiles, positionne son activité éditoriale en fonction des éditions bibliophiliques. Il répond aux Amis des livres et plus généralement aux critiques venus visiter l’exposition qu’il a donnée dans sa galerie :

En entreprenant l’édition d’art, j’avais un double but : satisfaire les bibliophiles ; ensuite augmenter leur nombre, en atteignant le public instruit, mais de fortune moyenne […] Pour arriver au public que je voulais conquérir, il ne fallait pas lui proposer les exemplaires uniques sur grand papier que se réservent les seuls bibliophiles. Le prix de cinquante à soixante francs m’avait paru répondre à cette nécessité.

Mais tout se lie. Des exemplaires à cinquante francs ne pouvaient couvrir les frais qu’à la condition d’être en nombre suffisant, et cette considération fixa le chiffre du tirage43.

Il s’agit d’élargir la communauté bibliophilique à un public plus large tout en garantissant sa cohérence, d’augmenter ainsi le nombre d’amateurs et les sources de financement. Le programme développé dans Le Livre, qui sert également de catalogue aux éditions d’Art d’Édouard Pelletan, repose ainsi entièrement sur l’achat anticipé par les bibliophiles, à qui sont réservés gratuitement les exemplaires du catalogue.

Enfin, on trouve de petites sociétés d’actionnaires, fondées autour de revues d’avant-garde. Willa Silverman, dans son analyse de la nouvelle bibliophilie autour de la figure d’Uzanne, décrit ces associations bibliophiliques comme des « para-éditeurs » ; elle les rapproche des publications des petites revues d’avant-garde de l’époque, tout en considérant que leur activité est plutôt parallèle qu’identique44, car ni les générations ni les classes sociales de ces producteurs ne sont les mêmes : les éditeurs bibliophiles viennent de lignées de mécènes, tandis que les éditeurs des petites revues seraient des bohèmes sans le sou.

En réalité, les réseaux se croisent, et les collaborateurs des revues d’avant-garde sont liés aux bibliophiles ; Remy de Gourmont fréquente ainsi Uzanne et Pierre Dauze de La Revue Biblio-Iconographique. Surtout, les petites revues se transforment rapidement en sociétés d’actionnaires afin de lever des fonds pour éditer des ouvrages de luxe en se tournant vers les mêmes amateurs. L’imprimé qu’elles valorisent, c’est d’abord la revue en elle-même, considérée comme un objet de collection. La Revue indépendante de novembre 1886 (n° 1 de la nouvelle série) publie ainsi la liste de fondateurs-patrons qui paient 100 francs pour avoir des exemplaires de luxe de chaque livraison. Comme dans le cas des Sociétés bibliophiliques, il s’agit de lier des amateurs autour d’un goût commun afin de financer la production. De la même manière, la revue La Plume de Léon Deschamps lève des fonds par vente d’actions, en décrivant ses différentes entreprises, en particulier la création d’une collection d’ouvrages de luxe, la « Bibliothèque artistique et littéraire ». Le 15 décembre 1893, un encart en couverture de la revue affirme le rôle des bibliophiles dans son succès :

La Société anonyme LA PLUME a été constituée le 14 janvier 1892, par statuts reçus chez Me Colleau, notaire à Paris, avec le but de donner à la revue toute l’extension nécessaire et de lui assurer l’existence, de publier une série de livres d’art, d’organiser des Expositions, etc. etc. Le capital, 40,000 fr., divisé en 400 actions de Cent francs chacune, a été souscrit aussitôt. MM. les bibliophiles n’ont donc rien à craindre de notre part : solde d’ouvrages publiés à prix élevés, interruption de la collection, etc. La Société ne réimprime jamais ses éditions, pas même les numéros de la revue épuisés, cela afin de maintenir les prix de vente. C’est ainsi que Dédicaces de Paul Verlaine, vaut actuellement 15 fr. l’exemplaire publié à 3 fr.

On retrouve le rôle des riches amateurs dans le financement de livres d’art, par le biais d’une société anonyme. Le financement est également assuré par la souscription. Les petites revues deviennent ainsi des maisons d’édition, qui partagent les mêmes valeurs que celles des « amateurs » des Sociétés bibliophiliques et des éditeurs-imprimeurs.

Des modèles de communautés

Ce mode de financement par le biais des « amateurs » est possible uniquement par le renforcement du fonctionnement communautaire du monde de la bibliophilie : en se posant eux-mêmes en amateurs, en appelant aux valeurs partagées par un groupe, en multipliant les signes de distinction, il s’agit pour les promoteurs de ces entreprises bibliophiliques de construire une culture partagée. La notion de « Bibliopolis » d’Uzanne suggère une élite formant une communauté idéale autour du livre45.

Derrière les modèles financiers, on trouve ainsi des modèles symboliques qui tendent à renforcer l’autonomie de ce champ en cours d’émancipation. Le fonctionnement en sociétés (de vrais nobles ou de grands bourgeois) renvoie aux salons et cercles de l’aristocratie, à une forme d’élitisme qui passe par tout un ensemble de signes distinctifs et d’événements ritualisés (cercle fermé, jetons de présence aux banquets, menus illustrés…) et une forme d’amateurisme anti-dogmatique qu’on repère bien chez Uzanne46.

Illustration n° 3 : Octave Uzanne, La nouvelle Bibliopolis : voyage d’un novateur au pays des néo-icono-bibliomanes, lithographies en couleurs et marges décoratives de H. P. Dillon, Paris, H. Floury, 1897.

L’annonce du premier volume publié par la Bibliothèque artistique et littéraire de La Plume, Dédicaces de Verlaine, montre que c’est le public des amateurs qui est visé :

Le nom des souscripteurs et le n° du tirage accordé seront publiés dans la revue, à moins d’avis contraire.

Tous les amoureux d’art se feront un devoir de contribuer au soulagement de l’infortune de l’un des nôtres, du plus grand artiste de cette fin de siècle, du cher maitre que notre admiration voudrait voir ailleurs que dans un hospice47 !

Le but est de mettre en scène la souscription, de publier les noms pour donner l’impression aux collectionneurs de participer à l’acte de création, d’appartenir à un cercle privilégié, une communauté qui se démarque du public anonyme des livres industriels. L’utilisation des modèles privés des cercles, salons, clubs, le financement par tirage nominatif à petit nombre, permettent de valoriser les clients potentiels et de les réunir dans une communauté de goûts. L’élitisme des créateurs (qui se considèrent comme une forme de noblesse intellectuelle) rejoint l’élitisme véritable de leur public, formé de membres de la noblesse et de la haute bourgeoisie.

On assiste ainsi à la consolidation d’une véritable communauté internationale, cosmopolite, soudée autour d’un certain nombre de valeurs qui sont en réalité celles de la haute bourgeoisie, qui donne le ton dans les affaires de goût par sa supériorité économique. Et la multiplicité des affrontements entre ces amateurs ne doit pas masquer leur accord profond autour des valeurs dignes d’être discutées : si le choix de l’eau-forte ou de la gravure sur bois, de la typographie ou du fac-similé, de l’illustrateur ou du peintre forment des objets de dispute, c’est par consensus sur des valeurs communes fondées sur l’opposition au livre industriel et à son public indifférencié. Autrement dit, la question de la distinction est centrale dans ces pratiques.

SYSTÈME MÉDIATIQUE

Ces entreprises existent grâce à la médiatisation de leurs leaders : ils utilisent un capital de visibilité pour trouver des financements ou diffuser leurs productions, en utilisant leurs noms ou celui de leurs revues comme des marques. La mise en réseau est un outil pour ces créateurs en marge des systèmes de production et de diffusion industriels, la médiatisation leur permettant de toucher un public de niche.

Les revues

La fin du xixe siècle est l’époque des revues, en particulier des « petites revues » littéraires et artistiques qui mettent en relation artistes et écrivains et mettent en scène les débats esthétiques qui agitent le monde du livre48. Aux titres déjà anciens vient s’ajouter une multitude de publications destinées à promouvoir les points de vue de certains groupes.

Les éditeurs-imprimeurs et les éditeurs-bibliophiles créent des revues destinées à promouvoir leurs idées sur le livre de luxe. Octave Uzanne fonde Le Livre puis Le Livre moderne, qui publient des comptes rendus de la fondation de ses sociétés bibliophiliques à côté de chroniques de l’actualité des publications d’art, ce qui lui permet d’affirmer un certain nombre de valeurs et de se mettre en scène. L’Almanach du bibliophile, L’Estampe et l’affiche défendent les productions de Pelletan sous la plume de Clément-Janin49. Ces revues elles-mêmes ont des tirages numérotés sur divers papiers. Les éditeurs et les sociétés de bibliophiles créent ainsi leur propre réseau relationnel et médiatique : ils ont leurs librairies attitrées et leurs revues qui évoquent les publications, mais relatent aussi les événements liés à la vie de la société dans une logique de « bruit médiatique ». La revue diffuse les théories, les critiques, les annonces, dans un système cohérent et entièrement concentré.

À côté des revues bibliophiliques strictement dédiées à l’art du livre, les « petites revues » des symbolistes apparaissent également comme des lieux de réflexion et de diffusion de modèles du livre et de pratique de la bibliophilie. Le Mercure de France, l’une des petites revues les plus connues, ou encore La Plume, publient des « Petites Tribunes des Collectionneurs » constituées de listes de livres ou de revues à vendre ou recherchés par leurs lecteurs.

Des revues nées autour de l’année 1890, comme La Revue blanche, La Plume, Le Livre d’art, ou L’Ermitage, intègrent des estampes à collectionner. Lorsqu’une revue trouve le succès, elle devient souvent le centre d’un véritable réseau d’entreprises interconnectées : La Plume, constituée en société, explique à ses actionnaires dans ses couvertures la manière dont elle structure ses activités, mêlant soirées littéraires, galeries d’exposition, collection d’estampes, banquets et surtout une collection de livres, la « Bibliothèque artistique et littéraire50 ». Celle-ci, d’abord publiée sous le seul patronage de La Plume, intègre ensuite celui d’Art et Critique et des Annales Gauloises (La Plume, 1er juin 1890) puis du Mercure de France et de « toute la presse des jeunes » (La Plume, 15 juillet 1890), puis de L’Ermitage (1er mars 1892). On repère des croisements entre revues de bibliophiles et revues d’avant-garde ; Octave Uzanne dirige ainsi en 1891 un numéro de La Plume consacré au livre moderne.

Toutes ces revues sont les vitrines d’un système médiatique, économique et esthétique fondé sur un public (l’amateur) et un type de publication (l’objet bibliophilique). Le caractère cosmopolite de cette clientèle explique que leur réseau s’étende aux revues d’art décoratif internationales. Les revues comme L’Art décoratif, The Studio, Pan sont diffusées en France, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas ; on y retrouve des réclames pour La Plume et ses productions, mêlant français, italien, allemand…

Diffuser le livre d’art : de la librairie à l’exposition

L’exposition constitue également un important moyen de diffusion du « livre d’art ». Elle peut en effet être considérée comme une ritualisation de leur monstration, mais aussi, en tant que média, comme un dispositif social, permettant la mise en relation des amateurs producteurs et récepteurs, générant un certain nombre de pratiques sociales tant en amont qu’en aval (les comptes rendus, les prises de position) et construisant en définitive un « espace social défini par les relations sociales qui s’y nouent ; les jeux entre acteurs qui s’y déroulent ; les discours sociaux […] qui s’y produisent et y circulent ; les façons de percevoir et de penser qui s’y négocient ; les organisations qui sont mobilisées, qui s’y créent et y fonctionnent51 ».

Pour illustrer cette idée, nous prendrons l’exemple de l’Exposition internationale du livre moderne à l’Art nouveau, qui s’est tenue à Paris en mai 1896 à l’hôtel de Siegfried Bing (anciennement baptisé L’Art japonais), l’année même où Édouard Pelletan ouvre sa galerie-maison d’édition, les Éditions d’Art Édouard Pelletan 52. Ces deux faits concordants soulignent l’autonomie qu’est en train d’acquérir le livre en tant qu’objet artistique et technique. Il souligne aussi les liens entre amateurs et éditeurs puisqu’énonçant ses préceptes en matière typographique, Pelletan se positionne par rapport à ce qu’il a vu chez Bing 53. Avant cette date en effet, le livre bibliophilique ne connaît, en termes de diffusion, que les librairies, auxquelles sont affiliés les bibliophiles (Francisque Lefrançois est le libraire de la Société des bibliophiles françois, Jouaust celui des Amis des livres, les Bibliophiles contemporains ont établi une liste de libraires-souscripteurs agrées), et les ventes ; s’il s’expose aux Salons, c’est dans les sections dédiées à la reliure et à la gravure.

L’exposition à l’Art nouveau constitue donc une première, et ce à plus d’un titre. Tout d’abord, elle expose exclusivement le « livre moderne, sans nulle échappée sur le terrain rétrospectif » en présentant des « publications créées pendant la seconde moitié du xixe siècle54 ». L’orientation moderniste de l’exposition se donne également à voir dans la composition de son comité d’organisation, qui réunit les sociétés de bibliophiles françaises et étrangères récemment fondées et toutes tournées vers l’édition de livres de luxe illustrés : les Amis des livres (1874), les Bibliophiles contemporains (1889), les Cent bibliophiles (1895), la toute récente société des Bibliophiles indépendants (1896) et le Grolier Club, société bibliophilique new-yorkaise fondée en 1884. Aux côtés de ce consortium d’amateurs se trouvent aussi une association professionnelle, le Cercle de la librairie, des graveurs-imprimeurs (Gillot et Lepère), des collectionneurs et critiques d’art (Ph. Gille, Jules Meier-Graefe, G. Mourey), des éditeurs, mais aussi des institutions publiques françaises et leurs représentants (musée du Luxembourg, Bibliothèque nationale, Institut de France).

Par ailleurs, l’exposition vise a priori à se démarquer de l’Exposition Internationale du Livre et des industries du Papier qui s’est tenue à l’initiative du Cercle de la librairie en 1894 au Palais de l’industrie55 et qui faisait une large place à l’historiographie du livre, comme le souligne un rédacteur anonyme, qui est probablement Pierre Dauze :

Le Cercle de la Librairie a pu tenir des assises intéressantes et centraliser dans des expositions tout ce qui touche le livre et l’industrie du livre. Il a songé d’abord à ses membres, sacrifiant un peu, a-t-on cru, l’artiste, son collaborateur et l’amateur, acheteur du livre, dont il n’est, lui, que le « fabricant » industriel56.

Mettre au premier plan la triade constituée par « l’artiste, son collaborateur et l’amateur » et évincer ainsi « l’entrepreneur de livres », tel est le programme de l’exposition à l’Art nouveau. Néanmoins, la présence au comité d’organisation du commissaire de l’exposition de 1894 (Lucien Layus) suggère que les « amateurs » ont bénéficié de l’appui des professionnels de la puissante association fondée en 1847, qui a déjà à son actif plusieurs expositions dont une Exposition du livre en 1880, et une exposition de l’œuvre de Gustave Doré en 1883.

La composition du comité organisateur de l’Exposition internationale du livre moderne à l’Art nouveau souligne donc les liens entre les institutions publiques et les associations privées, réunies autour d’une communauté d’intérêts dont l’exposition est le lieu d’interaction. C’est ce dont semblaient également témoigner les différentes sections de l’exposition telle qu’elle avait été initialement conçue : « Les Livres d’impression d’Art illustrés ou non […] ; Publications spéciales pour amateurs ; Éditions du commerce présentant un caractère artistique absolu57 ». On pourrait faire l’hypothèse, en l’absence de documentation relative à l’exposition, qu’il s’agissait par là de mettre en valeur l’association des différents circuits de conception et de diffusion du livre de luxe : les éditions d’art, les sociétés bibliophiliques et les éditeurs industriels producteurs de livres de luxe. Au lieu de cela, l’exposition comprendra finalement cinq sections : « Le livre », « Les éléments du livre », « Les ornements du livre », « Le vêtement du livre », « L’installation du livre », ce qui contribue à mettre au premier plan l’objet dans sa matérialité.

Par ailleurs le classement des livres accorde la primauté aux procédés de reproduction du texte et des images (gravure sur bois, lithographie, eau-forte, pointe-sèche, taille-douce, gaufrage et procédés mécaniques) et relègue en fin de sommaire les livres non illustrés, très nettement minoritaires. Les autres sections, recentrées autour du « livre » ne masquent pas, à l’examen, la diversité des imprimés exposés : plusieurs revues (Revue Blanche, Gazette des beaux-arts, Harper’s Bazar), un catalogue d’exposition bibliophilique, un almanach gravé par Beltrand, un solfège de Claude Terrasse illustré par Pierre Bonnard, des estampes, sans compter les nombreux dessins originaux et aquarelles, de même que les « manuscrits », placés dans la section « éléments du livre » aux côtés du papier, comme s’ils témoignaient davantage de la fabrique du livre que de celle de l’œuvre. Les exposants sont également très variés : éditeurs d’art, imprimeurs-éditeurs, éditeurs industriels (Hachette, Mame…), revues, sociétés de graveurs, collectionneurs… Ce qui rassemble finalement ces objets disparates, c’est l’amateur lui-même, dont le nom est mentionné en marge gauche, avant même celui de l’objet exposé. Car ce qui se donne à voir, ici, c’est autant le livre que la communauté qui en permet l’existence. Le suggère la facture même du catalogue de l’exposition, composé par Vallotton et imprimé par Lahure pour l’Art nouveau : avec sa bichromie, ses vignettes animalières (chat, hibou, cygne), il contribue autant à mettre en spectacle l’entreprise et ses promoteurs qu’il se constitue en un objet d’art exposant sa propre esthétique.

Enfin la dernière section de l’exposition, « L’installation du livre », comme le suggèrent les projets et croquis de bibliothèques de René Lalique et la table-bibliothèque en bois d’olivier exécutée par Van de Velde, fait du livre un objet décoratif, destiné à être montré dans un espace privé, inclus dans un système esthétique généralisé, celui de l’Art nouveau naissant, faisant de la maison un espace d’exposition, prenant le « salon » bourgeois comme modèle de spectacle pour la marchandise. Ainsi, la Maison de l’Art nouveau, inaugurée en 1895 a-t-elle déjà présenté une « exposition permanente et internationale de toutes les productions artistiques sans distinction de catégories » ; son catalogue assimile le livre aux « objets utiles », aux côtés des sculpture, peinture, dessin et gravure, arts du décor et mobilier58, et il présente des imprimés qui seront exposés en 1896.

Revues et expositions constituent indéniablement un dispositif de légitimation médiatique au même titre que le système marchand-critique qui se met en place à la même époque pour le monde de l’art.

Camille Mauclair résume bien les différents aspects de la production de livres de luxe autour de 1900 : « Les conditions historiques de l’art actuel ont conduit ses zélateurs, devant l’obstruction générale des salons et des librairies, à vivre selon le système des petites expositions, des revues spéciales, des sociétés de bibliophiles, des tirages restreints, à ne s’adresser qu’à l’élite et à ne compter que sur elle59 ». Il faut donc souligner pour finir le caractère médiatique de cette « bibliophilie créatrice ». La libéralisation de la presse, qui a permis l’essor des périodiques, a également servi le développement de toute une série d’entreprises artistiques privées, fondées sur une concentration des moyens dans les mains d’« hommes doubles », des amateurs devenus créateurs ou des éditeurs se posant en artistes, qui réunissent par leur présence médiatique des communautés de collectionneurs pour financer et diffuser de nouvelles formes de livres. Cette réunion autour de personnalités médiatiques, de communautés liées par les mêmes valeurs, est une caractéristique essentielle de la modernité, que l’on retrouve au-delà du monde du livre : l’historien de la culture Jerrold Seigel a appelé « réseaux de moyens » ces entreprises privées, rendues possibles par les nouvelles formes de communication de l’époque60. Le phénomène de la « bibliophilie créatrice » doit être rapproché d’autres sociétés fondées en marge des institutions publiques pour promouvoir une culture alternative : les théâtres « à côté61 » (affichant leur indépendance par rapport aux théâtres subventionnés), les galeries d’art spécialisées dans les peintres écartés des salons officiels, les « petites revues62 »… autant de pratiques qui s’approprient les outils médiatiques du tournant du siècle pour fonder leur propre marché autour de la figure de l’amateur.

Après la Première Guerre mondiale, Raymond Hesse observe une transformation de ces cercles :

Aussi après la guerre la bibliophilie prend une forme corporative. On se groupe sous l’égide de la bibliophilie entre collègues d’une même profession (papetiers, industriels du meuble, gens de justice, médecins, littérateurs), entre habitants d’une même ville, d’une même région (Cercle lyonnais, Cercle parisien, Bibliophiles du Nord, de Nice, Société normande, etc.), entre élèves ayant appartenus à une même école (Centrale, Polytechnique), entre camarades d’un même cercle (Cornet, Automobile-Club, Aéro-Club), entre personnes du même sexe (Les Cent unes, Cent femmes amies des livres63).

Les liens de sociabilités bibliophiliques, qui assuraient l’unité de cette communauté d’amateurs, se muent en liens corporatifs ou locaux ; le livre n’est plus qu’un prétexte, et les expérimentations dans le domaine bibliophilique, qui étaient portées par les débats de ces cercles de collectionneurs, sont abandonnées au profit de pratiques plus traditionnelles, avec un retour au classicisme typographique et iconographique. C’en est fini du système de la « bibliophilie créatrice », qui liait éditeurs-bibliophiles, amateurs et médias.

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2 Philippe Kaenel, Le métier d’illustrateur, 1830-1880, Genève, Droz, 2005, p. 509-514.

3 Henri Beraldi, « La Bibliophilie créatrice », Revue Biblio-iconographique, 1ère année, 3e série, n° 3, mars 1897, p. 117 (l’article se poursuit des n° 3 à 6, de mars à juin 1897, p. 115-120, 167-173, 235-242 et 296-303).

4 Ibid., p. 168.

5 Ibid., p. 240.

6 Pascal Fulacher, Six siècles d’art du livre. De l’incunable au livre d’artiste, Paris, Citadelles & Mazenot ; Maison des Lettres et manuscrits, 2012.

7 Willa Z. Silverman, « Artist and Amateur in the Creation of Fin-de-Siècle Illustrated Books », dans The New Bibliopolis. French Book Collectors and the Culture of Print. 1880-1914, Toronto, University of Toronto Press, 2008, trad. fr. à paraître dans Les Architectes du livre, dir. A.-C. Royère et J. Schuh, Paris, Cabinet Chaptal.

8 Raymond Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles en France de 1820 à 1930, t. i, préf. d’Henri Beraldi, Paris, Giraud-Badin, 1929, p. xv. Beraldi rapporte ici les propos de Felix Bracquemond dans Trois Livres.

9 Les Français peints par eux-mêmes, encyclopédie morale du xixe siècle, t. 4, Paris, Léon Curmer, 1840-1842, p. 329.

10 Remy de Gourmont, lettre à Banville d’Hostel, mai 1911, dans Correspondance. Suppléments, réunie, préfacée et annotée par Vincent Gogibu, Paris, Éditions du Sandre, 2015, p. 112.

11 La question est posée dans le n° ii-iii du 10 mars 1911 ; la réponse de Gourmont est publiée dans le n° v, mai-juin 1911, p. [2].

12 Henri Beraldi, « La Bibliophilie créatrice », art. cit. [note 3], p. 169.

13 André Mellerio, « L’illustration nouvelle », L’Estampe et l’Affiche, vol. 1, n° 6, 15 août 1897, p. 159.

14 Philippe Kaenel, Le métier d’illustrateur…, op. cit., p. 533-537. Eugène Paillet, dans l’annuaire de la Société des Amis des livres, qualifie ainsi les « joies nouvelles de la fabrication du livre à figures » : « Choisir l’illustrateur, surveiller les détails, indiquer les sujets, juger les dessins, les faire rectifier ou même recommencer, choisir l’imprimeur, les caractères, le format la mise en pages, le papier » (R. Hesse, Histoire des sociétés de bibliophilie.., op. cit., t. i, p. x). De même Ambroise Vollard dans ses Souvenirs d’un marchand de tableaux écrit : « Il est plus difficile d’établir un livre que de construire tout un quartier, voire des villes entières, New York, Chicago ou Philadelphie !… Réfléchissez qu’il faut obtenir qu’auteur, illustrateur, fabricant de papier, préparateur d’encre, imprimeur, graveur, éditeur, que sais-je encore, ne fasse en quelque sorte qu’un. Et à chaque livre nouveau, c’est à recommencer ; c’est toujours la même communion qu’il faut obtenir, la même fusion à réaliser » (cité par François Chapon, Le Peintre et le livre, Paris, Flammarion, 1987, p. 52).

15 Édouard Pelletan, Deuxième lettre aux bibliophiles : du texte et du caractère typographique, Paris, É. Pelletan, 1896, p. 8-9.

16 Christophe Charle, « Le temps des hommes doubles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1992, vol. 39, n° 1, p. 73-85 : « La fin du siècle, du moins en France, marque l’achèvement du système de production culturelle fondée sur la multiplication des intermédiaires écrans entre auteurs et publics. Tous les champs de production culturelle s’alignent sur ce modèle littéraire brièvement esquissé » (p. 79).

17 [Octave Uzanne], « Bloc-notes d’un bibliographe », Le Livre moderne, t. i, n° 5, 10 mai 1890, p. 355.

18 Raymond Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles…, op. cit., t. 1, p. 35.

19 Noël Clément-Janin, « Le Livre. À propos d’une édition d’art de La Prière sur l’Acropole », Gazette des Beaux-Arts, 1er septembre 1900, p. 254.

20 Octave Uzanne, Les Zigzags d’un curieux. Causeries sur l’art des livres et la littérature d’art, Paris, Quantin, 1888, p. 203-204.

21 Edmond Cousturier, « Exposition internationale du livre moderne à l’art nouveau », La Revue blanche, 1er juillet 1896, p. 42-44.

22 Henri Beraldi, art. cit. [notes 3 et 12], p. 235.

23 Luce Abélès, « La Kelmscott Press de William Morris et son influence », dans 1900 [Exposition. Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 14 mars-26 juin 2000], Paris, Réunion des musées nationaux, 2000, p. 74-81.

24 Édouard Pelletan, Deuxième lettre aux bibliophiles…, op. cit. [note 15], p. 13.

25 Babin de Grandmaison, cité dans Édouard Pelletan, Le Livre, suivi du Catalogue illustré des éditions Édouard Pelletan, Paris, É. Pelletan, 1896, p. 7.

26 Pierre Louis [Maurice Denis], « Notes d’art. Définition du néo-traditionnisme », Art et critique, n° 65, 23 août 1890, p. 540-542.

27 La Plume, n° 45, 1er mars 1891.

28 Alfred Jarry, du manuscrit à la typographie, éd. Henri Béhar et Julien Schuh, Paris, SAAJ ; Tusson, Éd. Du Lérot, 2014 ; Hélène Védrine, « Textes solubles dans l’image : les ouvrages de Remy de Gourmont aux éditions du Mercure de France (1892-1913) », La Lecture littéraire, n° 5-6, avril 2002, p. 87-104.

29 Édouard Pelletan, Deuxième lettre aux bibliophiles…, op. cit. [note 24], p. 8.

30 Renée Pingrenon, « La Vénération du livre. La Vénération du livre moderne. Ses expressions pratiques et positives. La littérature bibliophilesque », Revue Biblio-iconographique, février 1904, 11e année, 3e série, p. 85-91.

31 Ibid., p. 88-89.

32 Raymond Hesse, Le Livre d’art du xixe siècle à nos jours, Paris, La Renaissance du livre, 1927, p. 6.

33 André Chastel, « La notion de patrimoine », dans Les Lieux de mémoire, t. i, Paris, Gallimard, 1997, p. 1434.

34 Michel Melot, « Qu’est-ce qu’un objet patrimonial ? », Bulletin des bibliothèques de France, t. 49, n° 5, p. 5.

35 Édouard Pelletan, Deuxième lettre aux bibliophiles…, op. cit. [note 29], p. 6.

36 Raymond Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles…, op. cit. [note 18], t. i, p. 20.

37 Renée Pingrenon, « La vénération… », art. cit. [note 30].

38 R. Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles… op. cit. [note 36], t. i, p. 51, 80-81.

39 id., « Les tendances nouvelles de la bibliophilie », Plaisir de bibliophile, t. 4, 1928, p. 93.

40 Louis Morin, « Bibliographie. Le livre d’art de demain », L’Œuvre et l’Image, n° 1, 1er novembre 1900, p. 3.

41 Société des Bibliophiles contemporains, « Statuts, art. 2 », dans Statuts et règlement suivis de la Liste, Noms et Adresses des membres fondateurs, Paris, Quantin, 1889, p. 5-6.

42 R. Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles…, op. cit. [note 38], t. i, p. 60.

43 Édouard Pelletan, Première lettre aux bibliophiles : post-scriptum au Livre, Paris, éditions Édouard Pelletan, 1896, p. 2.

44 Willa Z. Silverman, The New Bibliopolis…, op. cit. [note 7], p. 107.

45 Ibid., p. 4.

46 Voir l’article de Pierre-Jean Dufief dans ce volume.

47 La Plume, n° 19, 15 janvier 1890, deuxième de couverture.

48 La Belle Époque des revues. 1880-1914, dir. Jacqueline Pluet-Despatin, Michel Leymarie et Jean- Yves Mollier, Paris, IMEC Éditions, 2002.

49 Luce Abélès, « Les revues de l’image et du livre (1890-1897) et l’illustration en question », L’Europe des revues (1880-1920) : estampes, photographies, illustrations, dir. Évanghélia Stead et Helène Védrine, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2008, p. 159-179.

50 Philipp Leu, « From Pen to Feather: The Transformation of La Plume into a Limited Company », Journal of European Periodical Studies, vol. 1, n° 2, 2016, p. 45-64 [en ligne : http://dx.doi/org/10.21825/jeps.v1i2.2651 (page consultée le 20 novembre 2017)].

51 Jean Davallon, « Le musée est-il vraiment un média ? », Publics et Musées, n° 2, 1992, p. 103.

52 Exposition internationale du Livre moderne à l’Art nouveau, Paris, Lahure, 1896. Nous remercions Katia Poletti de la Fondation Vallotton de nous avoir transmis des images de ce catalogue.

53 Voir Édouard Pelletan, Deuxième lettre aux bibliophiles, op. cit. [note 35]. Dans le compte rendu « Le Livre moderne à L’Art nouveau », le critique, probablement Pierre Dauze, qui en est le rédacteur en chef, remarque : « L’année 1896 présente, d’ailleurs, cette particularité heureuse de nous faire assister à des prises d’armes fort intéressantes en l’honneur du livre moderne : maison nouvelle d’édition, société nouvelle de bibliophiles, ayant chacune son programme-manifeste », Revue Biblio-iconographique, n° 29, samedi 2 mai 1896, 3e année, 2e série, tome 1, p. 451.

54 Ibid.

55 Exposition internationale du livre et des industries du papier, Paris, Collectivité du Cercle de la Librairie, 1894.

56 [Pierre Dauze], « Exposition internationale du Livre moderne », Revue Biblio-iconographique, n° 35, samedi 20 juin 1896, 3e année, 2e série, tome 1, p. 546.

57 Id., « Le Livre moderne à L’Art nouveau », art. cit. [note 53], p. 49.

58 Salon de l’art nouveau : premier catalogue, [Galerie Siegfried Bing, 26 décembre 1895-janvier 1896], Paris, impr. de Chamerot et Renouard, 1896.

59 Camille Mauclair, « Les peintres modernes et l’illustration », L’Œuvre et l’Image, 3e année, n° 1, janvier-mars 1902, p. 37-48.

60 Jerrold Seigel, Modernity and Bourgeois Life. Society, Politics, and Culture in England, France and Germany Since 1750, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

61 Adolphe Aderer, Le Théâtre à côté, Paris, Librairies-imprimeries réunies, 1894.

62 Pierre Lachasse, « Revues littéraires d’avant-garde », dans La Belle Époque des revues 1880-1914, op. cit., p. 119-143.

63 Raymond Hesse, Histoire des sociétés de bibliophiles en France de 1820 à 1830. Les sociétés d’après-guerre, t. ii, préf. de Camille Mauclair, Paris, Giraud-Badin, 1931, p. 196-197.