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Albert Demangeon, 
un géographe chez Armand Colin

Jean-Yves MOLLIER

Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

En regardant attentivement la liste des 157 notices consacrées à Albert Demangeon dans le Catalogue général de la BnF, on s’aperçoit que si Armand Colin fut bien l’éditeur de ses livres les plus importants, la maison Hachette et d’autres éditeurs scolaires se partagèrent équitablement le reste de sa production. La Librairie de l’enseignement, de 1933 à 1935, puis Hachette et l’éditeur Camille Sauty, de 1935 à 1938, ont en effet mis en vente les manuels à destination de l’enseignement secondaire rédigés ou dirigés par l’universitaire dans cette période. Avant 1930 en revanche, Albert Demangeon est resté fidèle à une maison qui l’avait précocement accueilli, dès 1898, avait publié sa thèse de géographie en 1905, et lui avait accordé une confiance dont témoignent tant la correspondance de Max Leclerc que celle de Henri Bourrelier, son associé de 1900 à 19261, et l’éditeur de plusieurs de ses œuvres, sous son propre label, en 1934-1937. Dans son étude consacrée à Albert Demangeon2, Denis Wolff confirme le côté un peu gyrovague du savant qui confia également sa thèse complémentaire à la Société nouvelle de librairie et d’édition, la librairie Georges Bellais qu’avait lancée Charles Péguy, et plusieurs autres ouvrages aux maisons d’édition Denoël, Hermann, Payot, Picard ainsi qu’à quelques autres officines établies en province.

Loin d’être particulier à Albert Demangeon, cet itinéraire correspond à celui de la plupart des universitaires assez faiblement dotés en capital social et culturel. De ce point de vue, le passage par l’École normale supérieure s’est révélé déterminant et a largement compensé l’absence de réseau familial originel. Pur produit d’un système scolaire méritocratique cher à la Troisième République, Albert Demangeon devait trouver chez Armand Colin une maison vouée, dès sa naissance en 1872, à la transmission et à l’expansion d’un idéal républicain militant dont témoignent la participation du fondateur à l’Alliance française aux côtés de Pierre Foncin, un de ses auteurs vedettes3, en 1883, et ses appels à défendre Alfred Dreyfus dont Armand Colin fut un fervent soutien au plus fort de l’ébranlement nationaliste, en 1898-18994. Comme on le verra, les échanges épistolaires des années 1898-1905, relatifs à la participation du professeur au périodique intitulé Le Volume, sous-titré Journal des instituteurs, des institutrices et de la famille, font apparaître un historien et un géographe très engagé au service de l’idéal républicain. Encouragé, en 1905-1906, par le directeur du journal, Jules Payot, à prendre la place d’Ernest Lavisse, et à devenir son successeur, tant comme rédacteur d’une Histoire de France destinée à l’école primaire que comme auteur d’un Cours de morale, que Pierre Laloi, le double de Lavisse, avait en quelque sorte préfiguré, Albert Demangeon déclinera pourtant cette invitation qui eût modifié sa trajectoire. Non sans avoir hésité cependant, il se maintiendra sur le seul terrain de la géographie qu’il avait préférée à l’histoire en suivant la voie de son maître, Paul Vidal de la Blache qui signait Vidal-Lablache, un patronyme beaucoup moins aristocratique que son nom de famille, ses cartes murales vendues à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires par Armand Colin5.

Engagé en août 1898 par le directeur du Volume pour rédiger des Travaux scolaires d’histoire et des Travaux scolaires de géographie destinés aux enfants du primaire, Albert Demangeon, alors professeur de lycée, se voit expliquer que, puisqu’il existe trois niveaux dans le premier degré – élémentaire, moyen et supérieur – il lui faudra prévoir des documents et des leçons correspondant aux divers échelons de l’enseignement primaire6. Agrégé de philosophie en 1888, docteur ès-lettres en 1895, inspecteur d’académie de 1895 à 1902 puis recteur, de 1902 à 19227, Jules Payot était considéré comme un auteur suffisamment sulfureux pour que l’Index romain ait maintenu son interdit sur deux de ses livres, sanctionnés en mars 1903, jusqu’à sa dernière édition publiée en 19488. Très oublié aujourd’hui, mais alors considéré comme un pédagogue aussi important que Ferdinand Buisson à qui il avait souhaité succéder en Sorbonne9, Jules Payot avait publié L’éducation de la démocratie chez Armand Colin en 1895 mais c’est surtout L’éducation de la volonté, paru chez Alcan l’année précédente, et trente-deux fois réédité avant sa mort, qui lui assura la notoriété qui accompagna sa carrière. Son éditeur scolaire principal publia également son Cours de morale, qui obtint, de 1904 à 1940, les faveurs des instituteurs et des institutrices à qui il était destiné. Un autre de ses ouvrages, Les idées de Monsieur Bourru (délégué cantonal), mis en vente en 1904, rassembla ses articles pratiques publiés régulièrement dans son périodique et lui valut le soutien des milieux auxquels il prodiguait ses conseils.

Rationaliste, républicain, démocrate, mais également pacifiste, et, bien évidemment, défenseur intransigeant de la laïcité, il fut l’objet d’attaques en règle de la part de l’épiscopat français lors de la deuxième bataille des manuels scolaires10 en 1909. L’Association des Pères de famille, mise sur pied par les évêques les plus antirépublicains du Nord, de Bretagne, de Savoie et d’Ardèche, en fit une de ses bêtes noires. Toutefois, comme l’écrivait Henri Bourrelier à Albert Demangeon, désormais professeur de géographie à l’université de Lille, l’offensive lancée en cette rentrée des classes de 1909 coïncidait surtout « avec un effort colossal de publicité en faveur des livres d’enseignement émanant d’officines cléricales »11. Malgré la mise à l’Index « de la plupart de nos grands classiques […] Foncin, Larive, Lavisse, Guyau »12, ajoutait l’éditeur, le chiffre d’affaires de la librairie Armand Colin avait progressé en septembre-octobre 1909. Il se disait donc confiant dans l’apprentissage de la démocratie par la paysannerie française. S’il avait demandé à Albert Demangeon de lui procurer La Croix du Nord et les tracts catholiques répandus à profusion aux portes des églises13 pour faire interdire la lecture de certains manuels considérés comme anticléricaux, il considérait que la gratuité scolaire était l’argument décisif qui empêcherait l’expansion de l’enseignement catholique, par définition payant et sélectif.

Ayant recruté Albert Demangeon à la veille de la rentrée scolaire de 1898, Jules Payot l’avait mis en garde contre tout prosélytisme brutal et lui avait fixé sa ligne de conduite en rappelant les finalités de leur enseignement14 : « L’histoire doit être l’éducation du citoyen et du républicain de demain »15. Un an plus tard, alors qu’il venait de terminer un livre de morale, il l’encourageait à l’imiter et écrivait : « Il faudra que vous aussi vous fassiez une histoire qui soit une éclatante leçon de morale et d’humanité. Le volume vous faisant connaître, vous aurez un succès assuré et l’indépendance, car dans les masses primaires, il y a un public énorme »16. On voit que le caïman de l’École normale supérieure qu’est devenu Albert Demangeon en 1900 ne lui paraît pas avoir complètement renoncé à se faire historien, ce que confirme amplement la correspondance de son éditeur Henri Bourrelier dans les premières années du xxe siècle. Ainsi, en avril 1906, alors qu’il considère que Lavisse a vieilli et qu’il faut refaire son cours d’histoire de France17, c’est-à-dire l’année préparatoire, ainsi que la première et la deuxième année, soit trois volumes, il lui explique son plan de travail. Il s’agirait en effet de s’associer avec Allard, un inspecteur primaire qui collabore avec lui au journal des instituteurs, car « comme toujours en ces sortes de travaux, nous avons coutume d’attacher un primaire et un auteur […] Le primaire, ce peut être Allard, le collaborateur du Volume qui connaît bien la matière et les desiderata des instituteurs au point de vue pédagogique. L’autre devrait apporter les qualités d’un historien moderne, à tendances démocratiques »18.

Revenant à la charge, deux mois plus tard, il affirmait encore plus nettement son opinion quant au devenir éditorial de son auteur : « Si, pour le public, vous vous considérez comme n’étant plus un historien qualifié, vous restez, pour nous, le juge le plus compétent en matière d’enseignement primaire de l’histoire »19. Sans doute affaibli, Ernest Lavisse avait, semble-t-il, accepté sans difficultés son remplacement par un normalien de la valeur d’Albert Demangeon, et il avait même validé les changements proposés par Allard pour la révision de son cours élémentaire et de son cours moyen, la Première et la Deuxième Année d’histoire de France dans les catalogues de la maison Armand Colin. Ce type d’association entre plusieurs auteurs était courant en matière de rédaction de manuels scolaires et les éditeurs ne se croyaient nullement tenus de mentionner le nom des collaborateurs obscurs sur les couvertures de leurs volumes. Ainsi, chez Hachette par exemple, les divers contrats signés par Émile Littré et les relevés de droits d’auteur prouvent que sa femme et sa fille furent bien des collaborateurs attitrés et rémunérés du Dictionnaire de la langue française20, de même que plusieurs autres lexicologues qui l’aidèrent à terminer sa besogne. Pour autant Louis Hachette aurait jugé parfaitement incongrue la suggestion de faire figurer Madame et Mademoiselle Littré sur la page de faux-titre des volumes du dictionnaire. Chez Armand Colin, ni Max Leclerc, ni Henri Bourrelier n’aurait songé à placer le nom d’Allard à côté de celui du maître de la discipline historique dont il époussetait pourtant les volumes en leur assurant ce côté « primaire » qui séduisait son public21.

Si Henri Bourrelier avait essayé de convaincre Albert Demangeon de s’associer avec cet inspecteur de l’enseignement primaire, A. Allard, dont aucun des manuels scolaires figurant au Catalogue général de la BnF ne précise le prénom complet, c’est que c’est à lui qu’il s’était adressé, à la rentrée des classes de 1902, pour rédiger les « Travaux scolaires d’histoire » que Demangeon donnait à la revue Le Volume depuis trois ans. Quand on regarde attentivement les livraisons de cet hebdomadaire paraissant tous les samedis à l’intention des instituteurs, des institutrices et des familles, on constate en effet que celui qui s’est voulu géographe, et en a fait sa profession, avait pourtant accepté de rédiger trois cours complets d’histoire, publiés entre le mois d’octobre 1899 et le mois de juin 1902. Paraissant une fois par mois, étalés en général sur huit pages – payés 5 francs la page (soit 20 euros actuels) – ces « Travaux scolaires d’histoire » étaient beaucoup plus longs que les « Travaux scolaires de géographie » – 4 pages – qu’Albert Demangeon confia au Volume, d’octobre 1899 à juin 190422, et qu’il abandonna à Charles Rolland23 au moment où la rédaction de sa thèse exigeait toute son attention. Outre ces 27 chroniques d’histoire qui constituent, on l’a dit, trois cours complets d’histoire, des origines de la Gaule à la France contemporaine, le collaborateur du Volume rédigea aussi des devoirs de vacances, en histoire comme en géographie, en ces années 1899-1904 où il était officiellement répétiteur à Normale Sup’24.

Si cette longue participation d’un professeur agrégé d’histoire, par ailleurs « caïman » rue d’Ulm, peut étonner aujourd’hui, c’est que la coupure entre les trois ordres d’enseignement s’est approfondie après la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale. Avant 1914, et conformément aux vœux de l’université impériale mise en place par Napoléon ier, ce que l’on appelait « l’Université » incluait la totalité des maîtres qui enseignaient en collège et en lycée comme ceux qui étaient passés par les écoles normales d’instituteurs25. Un professeur agrégé pouvait d’ailleurs être chargé des premières divisions, les classes de 8e et de 7e – nos CM1-CM2 – avant que la séparation des trois degrés ne fasse, tardivement, passer ces deux premières années du lycée sous la coupe de l’enseignement primaire26. Les « petits » lycées Henri iv ou Louis-le-Grand à Paris disent encore quelque chose de cette époque où l’instituteur appartenait bien à la grande famille des universitaires et où un normalien comme Charles Péguy mettait toute son énergie à recruter dans ce milieu les abonnés idéal-typiques de ses Cahiers de la Quinzaine. Demangeon ne s’était donc nullement détourné de son aire en acceptant de rédiger un cours complet d’histoire et un autre de géographie à destination des maîtres du cours « élémentaire », du cours « moyen » et du cours « supérieur » du premier degré. Il avait suivi sur cette voie Pierre Foncin, un de ses maîtres avec qui il siégera au jury d’agrégation d’histoire-géographie, en 1905 et 1906, et l’auteur de manuels Armand Colin réputés, Ernest Lavisse, Paul Vidal de la Blache, et tous ces universitaires qui avaient conscience de remplir une mission civique en se livrant à ces travaux.

Denis Wolff a souligné, à juste titre, la volonté de rupture avec l’histoire fortement exprimée par Albert Demangeon dans sa lettre aux lecteurs du Volume d’octobre 1903 intitulée « Géographie. Notre programme. Un divorce en perspective »27. Désireux d’arracher sa discipline à son alliance avec une science qui la maintenait en tutelle, le rédacteur demandait à Jules Payot une indépendance qu’il obtenait aussitôt, les « Travaux scolaires d’histoire » et ceux de « géographie » étant désormais publiés à une semaine d’intervalle dans son périodique. Concurrent direct du Manuel Général de l’instruction primaire mis en vente par la Librairie Hachette, et du Journal des instituteurs publié par Paul Dupont, Le Volume tranchait sur les autres revues pédagogiques par sa volonté d’apporter au corps enseignant du primaire une authentique culture de type universitaire. Les articles de fond alternaient avec des « chroniques de la semaine », des « chroniques d’hygiène et de médecine », des « chroniques scientifiques », et des « variétés » ou encore des « nouvelles » publiées par les écrivains les plus réputés. Manifestement, les ambitions intellectuelles étaient fortes, et le style imprimé à cet hebdomadaire professionnel le rapprochait des magazines culturels les plus exigeants.

On comprend alors pourquoi l’exposé théorique d’Albert Demangeon en faveur d’une discipline qu’il entendait moderniser, arracher à son passé de source auxiliaire de l’histoire, et ériger en discipline appartenant à la famille des sciences exactes, fut publié dans Le Volume plutôt que dans les Annales de géographie auxquelles il participait depuis de longues années. S’il voulait convaincre des vertus de la géographie, de sa spécificité et de sa parenté avec les sciences naturelles – nous dirions les « sciences de la vie et de la terre » – Albert Demangeon devait s’adresser à ceux qui étaient les plus nombreux dans l’enseignement de la géographie, les instituteurs, et non les professeurs de lycées dont le nombre avait baissé après 1900. Les progrès de l’enseignement primaire supérieur et celui, parallèle, des cours complémentaires, s’étaient effectués au détriment du secondaire28, étendant ainsi considérablement le périmètre d’action des hussards noirs de la République et de leurs collègues du primaire, plus de cent mille enseignants si on y ajoute les très nombreux maîtres qui n’étaient pas passés par les ENI. Très conscient de ces changements qui ont échappé à la plupart des historiens et aux sociologues qui, au début des années 1960, s’interrogeaient sur l’apparente stagnation des effectifs de l’enseignement secondaire français, Jules Payot avait conféré à son périodique une évidente vocation à étendre la culture des maîtres du premier degré bien au-delà des frontières que leur avaient fixées Guizot, Duruy, ou même Jules Ferry. Puisqu’ils enseignaient du cours préparatoire à l’équivalent de notre classe de 3e, qu’ils préparaient même aux concours d’entrée dans les Écoles normales d’instituteurs et certaines grandes écoles29, ils devaient avoir à cœur de se perfectionner en permanence. La lecture des journaux professionnels, et celle du Volume en particulier, devait leur permettre d’acquérir cette culture que l’on croyait encore réservée aux professeurs agrégés de l’Université avant 1870, ce qui explique la longue collaboration d’un savant réputé comme Albert Demangeon à cet hebdomadaire, et son choix d’y exposer ses positions théoriques les plus radicales.

Très apprécié par Henri Bourrelier, le cogérant de la librairie Armand Colin jusqu’en 1926, Albert Demangeon s’était vu confier, fin mai 1902, la direction d’un Dictionnaire de géographie qui ne devait paraître qu’en 1907 et susciter d’ailleurs sa colère, en 1906, en raison du retard apporté par sa maison d’édition à la publication de cette œuvre à laquelle il accordait une très grande importance. Le contrat, signé le 31 mai 1902, lui accordait 1 500 F pour la direction de l’entreprise, auxquels s’ajoutèrent 2 127,65 F pour la rédaction de ses articles, selon le relevé de droits d’auteur du 2 mars 190730 qui révèle un autre détail important. En effet, alors que l’impression des thèses de doctorat était une obligation imposée par l’université, Albert Demangeon avait dû se plier à cette exigence et faire imprimer, à ses frais, les 120 exemplaires exigés par l’université de Paris, tant pour sa thèse principale de doctorat, La plaine picarde : Picardie, Artois, Cambrésis, Beauvaisis. Étude de géographie sur les plaines de la craie du nord de la France, que pour sa thèse complémentaire, Les sources de la géographie aux Archives nationales, toutes les deux publiées en 1905. Les documents conservés à la Bibliothèque Mazarine permettent de savoir qu’il lui en avait coûté 1 019,55 F pour le premier dépôt et 408,75 F pour le second31 – soit l’équivalent de 5 000 euros actuels. Si l’impétrant avait fait imprimer 240 autres exemplaires, dont 10 sur papier Hollande, soit 360 exemplaires de sa thèse secondaire, il avait fait tirer seulement 200 copies de la thèse principale chez Armand Colin32. En effet, bénéficiant d’une véritable édition grand public, intitulée plus sobrement La Picardie et les régions voisines, selon la décision de Max Leclerc qui veillait sur le sort de ce livre33, Albert Demangeon était assuré d’une publicité maximale pour le lancement d’un ouvrage qui devait véritablement asseoir sa réputation de savant dominant sa discipline34.

Dans ses échanges avec les deux associés-gérants de la maison Armand Colin, Henri Bourrelier et Max Leclerc, Albert Demangeon apparaît de plus en plus, après 1902, comme désireux de s’affirmer en tant que géographe plutôt que comme historien, nous l’avons vu. Alors qu’il songeait, à la fin de la rédaction de sa thèse, à s’attaquer à d’autres pays, l’Angleterre et la Belgique notamment, le géographe se voit suggérer par Max Leclerc de réaliser d’autres monographies des régions françaises, ce à quoi il se résoudra en partie, tout en ne renonçant jamais à son intention d’étudier la terre et les hommes des pays voisins de la France. L’empire britannique, publié chez Armand Colin, attendra 1923 pour paraître, mais, dès 1908, Paul Vidal de la Blache lui avait confié la rédaction des deux premiers volumes de sa Géographie universelle, qui ne seront publiés qu’en 1927, après le décès de Vidal de la Blache, le premier sous le titre Les îles britanniques, le second sous l’indication Belgique, Pays-Bas, Luxembourg. On sait par ailleurs qu’Albert Demangeon reprit à sa charge les deux volumes initialement confiés à Lucien Gallois et consacrés à la France, qui paraîtront après sa propre mort, en 1946 et 1948. La France économique formera le tome VI/1 de la Géographie universelle et La France humaine le tome VI/2. La correspondance conservée avec ses éditeurs permet de dater du mois d’octobre 1908 la signature du contrat liant Paul Vidal de la Blache et l’ensemble des collaborateurs de la Géographie universelle avec les éditions Armand Colin.

Entre-temps, Albert Demangeon avait dû renoncer à une idée qui lui était chère : éditer au 103, boulevard Saint-Michel, dans cette immense ruche qui faisait concurrence à la Librairie Hachette du boulevard Saint-Germain, un cours complet de géographie à l’intention des élèves du premier degré. Si l’on regarde attentivement la correspondance conservée, celle des éditeurs mais non celle du géographe35, on s’aperçoit en effet qu’à la veille de la Première Guerre mondiale Max Leclerc et Henri Bourrelier ont renoncé à sa proposition en raison d’un désaccord de fond qui en dit long sur la rédaction des manuels scolaires à cette époque. Refusant de lui laisser profiter de cette opportunité pour exposer « les dernières théories pédagogiques ou les travaux de recherche les plus récents », les deux cogérants de cette maison d’édition qui dominait alors l’enseignement élémentaire en France lui écrivaient : « Nous pensons que le rôle du géographe de carrière doit presque se réduire à une révision, à une vérification des éléments apportés par les divers collaborateurs, l’éditeur demeurant l’architecte de l’édifice »36. On voit s’exprimer ici, de façon très crue, une conception qui était alors majoritaire chez les éditeurs scolaires les plus en vue, Armand Colin, Fernand Nathan, Charles Delagrave, Alexandre Hatier, Henry Vuibert et, bien entendu, la Librairie Hachette. Fernand Nathan l’avait dit avec encore davantage de fermeté aux historiens qui rédigeaient ses livres de classe : même s’ils l’avaient convaincu, à titre personnel, que Charlemagne était imberbe, jamais il ne mettrait sous presse une gravure ou une vignette représentant autrement le personnage que comme le légendaire « empereur à la barbe fleurie »37. Dans cette division du travail entre universitaires et instituteurs, chercheurs voués à dépoussiérer leurs disciplines, et pédagogues travaillant dans les classes, au plus près des réalités les plus prosaïques, pour ne pas dire les plus triviales, se lit la difficulté à concilier des exigences parfois contradictoires. Toutefois, plus que d’un divorce entre des conceptions opposées, on voit qu’il s’agit avant tout d’un interdit, édicté pas les éditeurs les plus engagés dans la vente de manuels scolaires à grande échelle, à la descente des découvertes scientifiques les plus récentes vers les élèves du primaire et du secondaire.

Pour mieux comprendre le point de vue de Max Leclerc et celui de Henri Bourrelier, il faut se souvenir qu’Armand Colin, le fondateur de l’entreprise, avait vendu 50 millions de manuels scolaires entre 1873 et 1889, dont 12 millions de Grammaire de Larive et Fleury, 11 millions de Cours de géographie de Pierre Foncin, 6 millions d’Arithmétique de Pierre Leysenne et 5 millions d’Histoire de France de Lavisse, dans cette période de décollage de sa société38. Ayant appliqué, on l’a vu, aux manuels de Lavisse son principe fondamental selon lequel l’éditeur est la tête pensante d’un manuel scolaire, son « architecte », et les instituteurs, les hommes de terrain, les expérimentateurs, les ouvriers les plus qualifiés pour apporter et prédisposer les matériaux de l’édifice, il souhaitait qu’Albert Demangeon limitât son intervention à une révision rigoureuse des ouvrages. Relecteur plutôt qu’auteur, il aurait pu obtenir cette faveur dont Ernest Lavisse avait encore apporté une preuve éclatante en octobre-novembre 1912 quand la dernière édition de son Cours moyen, la Première Année d’histoire de France, avait soulevé l’enthousiasme du corps enseignant. « Les instituteurs sont lyriques, avait écrit Henri Bourrelier. Il faudrait trouver le secret et l’appliquer à la géographie. C’est la grâce que je vous souhaite »39. Comme le savant vidalien ne l’entendait pas ainsi et défendait le droit, pour un universitaire républicain, de faire passer aussitôt dans ses livres les découvertes qu’il venait de faire, leurs relations s’estompèrent et ne reprirent, après 1918, que pour la sortie des deux premiers volumes de la Géographie universelle, précédés de la publication de L’empire britannique en 1923.

D’une certaine manière, si l’on considère que la réunion par la maison Armand Colin de la quinzaine de gros articles qui composent le volume intitulé Problèmes de géographie humaine publiés posthumes, en 1942, sont bien l’hommage que l’éditeur entendait rendre à un de ses auteurs vedettes, il faut oublier la publication de ses livres et se reporter aux 100 à 150 articles donnés aux Annales de géographie, la revue scientifique à laquelle il avait collaboré avec constance pendant toute sa vie. C’est sans doute là, chez Armand Colin, qu’Albert Demangeon s’était exprimé en toute liberté et en déployant toutes les facettes de son talent de géographe vidalien fermement attaché à la modernisation de sa discipline. Comme il avait été également l’artisan du rattachement de la revue de Marc Bloch et Lucien Febvre, les Annales, à la maison du boulevard Saint-Michel40, il avait amplement justifié l’hommage que Jacques Leclerc lui rendit, fin juillet 1940, lors de son décès. Le petit-fils d’Armand Colin écrivait en effet à sa veuve : « La science géographique perd en votre mari l’un de ses membres les plus éminents et sa perte sera cruellement ressentie par tous. Notre maison perd en lui un ami et un collaborateur de toujours : Annales de géographie, collection A. Colin, Géographie universelle, que d’œuvres auxquelles il a participé et travaillé avec mon père puis moi depuis tant d’années ! Il laisse un vide immense parmi nous »41.

Jacques Leclerc taisait pudiquement le fait que, pour l’essentiel, les manuels scolaires portant la signature d’Albert Demangeon dans l’entre-deux-guerres ont été publiés par la Librairie Hachette. Rédigés par un autre géographe, Louis François, Robert Mangin, Aimé Perpillou ou André Meynier, les volumes du « Cours Demangeon » constituent un ensemble complet de cours de géographie allant de la classe de 6e à la 1ère et s’adressant tant aux élèves du secondaire qu’à ceux des Cours complémentaires42. Outre ces volumes qui tenaient à cœur au pédagogue soucieux de développer un enseignement adapté à la nouvelle conception de sa discipline, il avait donné à la « Librairie de l’enseignement » puis à son gérant, Camille Sauty, tout un ensemble de volumes portant sur la France, ses régions et ses colonies. Rédigés également en collaboration et constituant un bel ensemble de 26 albums concernant Paris et ses environs, les Alpes, la Provence, le Massif central, les pays de l’Est et ceux de l’Ouest, l’Afrique du Nord, l’AEF, l’AOF, Madagascar, La Réunion, les pays du Levant et l’Indochine, ces œuvres avaient occupé bon nombre de loisirs de l’universitaire et témoignaient de sa volonté de vulgariser ses connaissances en les offrant au public le plus large. On peut ajouter à ces travaux Le déclin de l’Europe, un essai confié d’abord aux lecteurs de L’École et la Vie, le périodique qui avait succédé au Volume, puis publié en volume à la librairie Payot de Paris en 1920, l’Histoire politique et sociale du peuple américain, les trois volumes publiés par la librairie Picard entre 1924 et 1931, Le Rhin, coécrit avec Lucien Febvre en 1931 et repris par Armand Colin en 1935, La maison rurale, parue chez Denoël en 1937, et les Documents pour servir à l’histoire des étrangers dans l’agriculture française, le gros volume publié par Hermann à la veille de la déclaration de guerre en 1939.

Certains de ces titres n’étaient que des directions d’ouvrages ou de collections mais d’autres avaient exigé davantage de temps et ils mettaient tous en relief l’aura qui était désormais celle d’un géographe que l’on ne pouvait guère comparer qu’à Emmanuel de Martonne, son condisciple rue d’Ulm devenu le gendre de Paul Vidal de la Blache. Professeur à l’université de Lille de 1905 à 1911 puis à la Sorbonne de 1911 à sa mort en 1940, il n’avait jamais cessé d’écrire et de publier, ce dont témoignent les trois centaines d’articles et le millier de comptes rendus recensés par Denis Wolff dans sa thèse43. Un des pères de la géographie rurale et un des spécialistes incontestés de l’habitat des paysans, il avait voué sa vie à l’enquête de terrain, indispensable avant toute description digne de son nom. Comme l’écrit Jean-Louis Tissier dans le Dictionnaire des intellectuels français, « penser le monde contemporain dans sa dimension spatiale, repérer des constructions humaines, sociales et politiques, des figures les plus simples comme l’habitat rural, aux plus complexes comme l’Empire britannique, constitue l’apport d’A. Demangeon à la géographie humaine »44. Il n’avait cessé d’écrire et de publier et, au total, son œuvre imprimé en volumes comprend huit livres publiés par A. Colin, quatre par Bourrelier, dix par Hachette, vingt-six par la Librairie de l’enseignement et Camille Sauty, sans compter la dizaine d’autres volumes parus chez Denoël, Hermann, Payot, Picard ou encore Curel, Gougis et Cie et Arrault.

Si certains de ces livres ne peuvent être comptabilisés exactement au même titre que les treize œuvres authentiques qu’a retenues Denis Wolff, qui les distingue des cinq directions d’ouvrages, huit manuels scolaires, huit participations à des ouvrages et encore sept préfaces45, tous rendent compte d’une intense activité de géographe dont nous avons dit qu’elle ne devait pas faire oublier celle de l’historien dévoué à la formation continue des instituteurs. Peu étudiée généralement, passée sous silence parce que considérée comme de peu d’intérêt en raison du fossé qui sépare aujourd’hui les trois ordres de l’enseignement français, cette partie de l’œuvre n’est pas la moins intéressante pour qui veut comprendre pourquoi un brillant normalien de la fin du xixe siècle ne jugeait pas indigne de consacrer une part de son temps à cette tâche. Contemporaine de l’engagement dreyfusard de nombre d’instituteurs et de professeurs46 puis de l’action entreprise au service des universités populaires47, elle ramène aux origines de la librairie Armand Colin, fondée certes pour réaliser les ambitions d’un jeune commis de librairie formé chez Delagrave, mais aussi pour remplir le devoir que s’était fixé un jeune garde national mobilisé en 1870. Celui-ci avait en effet croisé, lors de la guerre franco-prussienne, un autre patriote ayant revêtu l’uniforme, le géographe Pierre Foncin, qui devait devenir un de ses auteurs les plus emblématiques, tout comme Ernest Lavisse, lui aussi garde national et tout autant marqué que ses deux contemporains par la défaite de la France, un traumatisme dont il faudrait beaucoup de temps pour se remettre48.

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1 Daniel Bermond et Caroline Leclerc, Armand Colin. Histoire d’un éditeur de 1870 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2008, p. 93-95.

2 Denis Wolff, Albert Demangeon (1872-1940). De l’école communale à la chaire en Sorbonne, l’itinéraire d’un géographe moderne, thèse de doctorat en géographie, dir. M.C. Robic, université Paris i, 2005, 4 vol., inédite.

3 J.-Y. Mollier, « Le manuel scolaire et la bibliothèque du peuple » [1993], La lecture et ses problèmes à l’époque contemporaine. Essais d’histoire culturelle, Paris, PUF, 2001, p. 51-70.

4 Philippe Auriol, Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, Paris, Les Belles Lettres, 2014, 2 vol.

5 J.-Y. Mollier, « Le manuel scolaire… », art. cit., p. 56 : 800 000 cartes murales signées Vidal-Lablache avaient été vendues en 1920.

6 Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, papiers scientifiques, lettres de Jules Payot à Albert Demangeon, 1898-1900.

7 Jean-François Condette, Jules Payot (1859-1940). Éducation de la volonté, morale laïque et liberté. Itinéraire intellectuel et combats pédagogiques au cœur de la iiie République, Berne, Peter Lang, 2012.

8 J.-M. de Bujanda, Index librorum prohibitorum. 1600-1966, Montréal, Médiaspaul ; Genève, Droz, 2002 p. 690. Le décret romain du 5 mars 1903 sanctionne, non pas L’éducation de la volonté, comme l’écrivent à tort les biographes de Jules Payot, mais deux autres livres, Avant d’entrer dans la vie ; aux instituteurs et aux institutrices, conseils et directions pratiques, publié par Armand Colin en 1897, et sa thèse de philosophie intitulée De la croyance, parue chez Alcan en 1896.

9 Emile Durckheim lui fut préféré, ce qui n’a rien d’insultant pour sa candidature.

10 Christian Amalvi, « Les guerres des manuels scolaires autour de l’école primaire en France (1899-1914) », Revue historique, t. cclxii/2, n° 532, oct.-déc. 1979, p. 359-398.

11 H. Bourrelier à A. Demangeon, 12 novembre 1909, Bib. Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, papiers scientifiques, lettres de H. Bourrelier.

12 Ibid., lettre du 16 novembre 1909. Henri Bourrelier fait allusion à l’index français – la lettre des évêques publiée en octobre 1909 condamnant une dizaine de manuels scolaires – et non à l’Index librorum prohibitorum qui ne sanctionna jamais les auteurs scolaires cités ici.

13 Voir aussi André Lanfrey, « L’épiscopat français et l’école de 1902 à 1914 », Revue d’histoire de l’Eglise de France, n° 199/1991, p. 371-384. La condamnation porte sur 14 livres d’histoire, de morale et d’instruction civique rédigés, pour l’histoire, par Aulard et Debidour, Gauthier-Deschamps, Guiot et Mane, Rogié et Despiques, Brossolette, Calvet, Chabert, Siening et Trabuc, et, pour la morale, par Alphonse Aulard, Albert Bayet, Jules Payot, M. et Mme Dès et E. Primaire. Voir également Jacqueline Frayssinet-Dominjon, Les manuels scolaires de l’école libre, Paris, A. Colin, 1969.

14 Payot adopte la conception traditionnelle, réaffirmée par Guizot en 1834, puis par Lavisse dans les instructions officielles de 1890, dite de l’historia magistra vitae, qui considère l’histoire « comme une morale en action » ; cf. Jean Leduc, « L’école des Hussards noirs de la République et des professeurs d’histoire », dans Les lieux de l’histoire, dir. C. Amalvi, Paris, Armand Colin, 2005, p. 303-315.

15 J. Payot à A. Demangeon, 5 septembre 1899, Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon- Perpillou, Papiers scientifiques, lettres Le Volume.

16 Ibid., lettre du 16 octobre 1900.

17 Il est possible, bien que l’éditeur ne le dise pas, que la décision de revoir et de moderniser les trois manuels d’histoire de Lavisse ait été influencée par la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État.

18 Lettre de H. Bourrelier à A. Demangeon du 26 avril 1906, Bibl. Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, papiers scientifiques, lettres de H. Bourrelier. L’expression « à tendances démocratiques » semble confirmer la volonté des éditions Armand Colin de reprendre les manuels d’histoire d’Ernest Lavisse dans un sens plus républicain…

19 Ibid., lettre du 28 juin 1906.

20 J.-Y. Mollier, Louis Hachette (1800-1864). Le fondateur d’un empire, Paris, Fayard, 1999, p. 430-431.

21 Les biographes de Lavisse ne semblent pas avoir repéré ce « nègre » dans l’entourage de Lavisse ; cf. Jean Leduc, Ernest Lavisse : l’histoire au cœur, Paris, Armand Colin, 2016, et Pierre Nora, « Lavisse, instituteur national », dans Les lieux de mémoire, t. 1 : La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 237-289. Interrogée par nos soins, la librairie Armand Colin dit ne pas avoir de dossier au nom d’A. Allard et ne pas le voir figurer dans le dossier « Lavisse ». Seul un minutieux travail de comparaison entre les diverses éditions des trois années d’histoire de France de Lavisse, publiées entre 1874 et 1914, permettrait de mettre en évidence les collaborations et les apports des nègres de l’historien. Les relevés de compte de Lavisse chez Armand Colin seraient également précieux pour connaître ses collaborateurs mais ils ne nous ont pas été communiqués.

22 Nous avons dépouillé l’ensemble des numéros du Volume de 1898 à 1906 et relevé la totalité des articles signés Albert Demangeon.

23 D. Wolff, « Une rupture non consommée », Espaces Temps Les Cahiers, 1998, n° 66-67, p. 80-93.

24 Outre la thèse de D. Wolff, on consultera avec profit Un géographe de plein vent Albert Demangeon (1872-1940), Paris, Bibliothèque Mazarine ; Éditions Des Cendres, 2018, le catalogue de l’exposition présentée à la Bibliothèque Mazarine en 2018.

25 Jacques et Mona Ozouf, La république des instituteurs, Paris, Hautes Études-Gallimard-Le Seuil, 1992, et Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France. 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1970.

26 Il faut attendre le décret du 12 septembre 1925 pour que le personnel enseignant dans les classes primaires des lycées soit recruté parmi les instituteurs, l’arrêté du 11 février 1926 pour que les programmes de ces classes qui vont, désormais, de la 11e – le CP – à la 7e – le CM2 – soient unifiés avec celui des écoles primaires et, enfin, la circulaire du 5 décembre 1932 pour que les classes primaires des établissements secondaires passent sous la coupe de l’inspection primaire ; cf. Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie, Les collèges du peuple : l’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation sous la troisième république, Rennes, PUR, 2011, p. 426.

27 D. Wolff, « Une rupture non consommée », art. cit.

28 J.-P. Briand et J.-M. Chapoulie, Les collèges du peuple…, op. cit. En 1900-1901, les EPS et autres CC enregistrent plus de 36 000 élèves inscrits, auxquels on peut ajouter les 7 000 élèves de l’enseignement technique qui relèvent du ministère du Commerce, soit 43 000 élèves, contre 58 000 dans les lycées. On voit que les maîtres affectés dans le « primaire » mais appartenant, dans la réalité de leur enseignement, à ce que nous considérons comme relevant du second degré, sont presque aussi nombreux que leurs homologues du « secondaire ».

29 Ibid. Loin de se cantonner à la préparation du certificat d’études primaires, les instituteurs entraînent les élèves des cours supérieurs à la préparation du brevet supérieur et même à l’entrée dans certaines écoles d’ingénieurs, ce qui en fait l’équivalent des professeurs de lycées d’aujourd’hui, quoique ce phénomène ait été largement sous-estimé par l’historiographie et ait échappé à la plupart des commentateurs.

30 Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, Papiers scientifiques, lettres de Max Leclerc et archives Dunod-Armand Colin, dossier « Albert Demangeon », contrats des 31 mai 1902 pour le Dictionnaire de géographie et 9 août 1904 pour la thèse de doctorat sur la Picardie.

31 Ibid.

32 Archives Dunod-Armand Colin, dossier « Albert Demangeon », contrat du 9 août 1904 pour La Picardie : l’auteur fait tirer 200 exemplaires à ses frais pour l’impression de sa thèse qui lui seront facturés 1 400 F, mais l’autre édition est bien une édition commerciale, sous un titre légèrement différent, et productrice de droits d’auteur habituels, fixés ici à 10 % du tirage, moins les 10 % dits « de passe ».

33 Ibid. Lettre de Max Leclerc à Albert Demangeon du 3 février 1905.

34 Le fait même que Max Leclerc lui ait accordé cette édition commerciale de sa thèse, sans en avoir lu le manuscrit, confirme la confiance dont jouissait Albert Demangeon dans cette maison d’édition en 1904-1905.

35 Le groupe Dunod-Armand Colin nous a transmis les copies de contrats figurant dans le dossier « Albert Demangeon », mais non la correspondance de l’auteur. Nous remercions particulièrement Alexandrine Ameziane pour les copies de contrats consultés.

36 Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, Papiers scientifiques, lettre d’Henri Bourrelier à Albert Demangeon du 18 février 1914.

37 Isabelle Weiland, Les éditions Fernand Nathan (1881-1919). Une entreprise au service de l’enfant, mémoire de maîtrise d’histoire, dir. J.-Y. Mollier, université Paris X-Nanterre, 1991, 2 vol., et J.-Y. Mollier, La lecture et ses publics…, op. cit., p. 132.

38 Caroline Duroselle, La librairie Armand Colin (1870-1939), DEA d’histoire, dir. J.-Y. Mollier, université Paris X-Nanterre, 1991, et J.-Y. Mollier, La lecture et ses publics…, op. cit., p. 51-56.

39 Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, Papiers scientifiques, lettre de H. Bourrelier à A. Demangeon du 9 novembre 1912.

40 D. Wolff, Albert Demangeon…, op. cit.

41 Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou, Papiers scientifiques, lettre de Jacques Leclerc à Mme Demangeon, 27 juillet 1940.

42 Les couvertures de quatre d’entre eux sont reproduites dans Un géographe de plein vent…, op. cit., p. 52. Les couvertures de couleur rouge ou verte signalent des destinataires différents.

43 D. Wolff, Albert Demangeon…, op. cit.

44 Jean-Louis Tissier, « Albert Demangeon », Dictionnaire des intellectuels français, dir. J. Julliard et M. Winock, rééd. Paris Seuil, 2002, p. 413-414.

45 D. Wolff, Albert Demangeon…, op. cit., t. i.

46 Philippe Oriol, Histoire de l’affaire Dreyfus, Paris, les Belles Lettres, 2014, 2 vol.

47 Lucien Mercier, Les universités populaires. Education populaire et milieu ouvrier, Paris, Éditions ouvrières, 1986.

48 D. Bermond et C. Leclerc, Armand Colin…, op. cit., p. 20-21.