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Charles Nodier ou la « condition d’origine » 
comme condition d’une histoire littéraire des origines ?

Marine Le BAIL

Université Toulouse-Jean Jaurès, laboratoire PLH, équipe ELH

Qui, parmi les amateurs de livres, n’est pas familier de la satire des milieux bibliophiliques que Charles Nodier nous livre dans Le Bibliomane ? Dans ce court texte, initialement paru dans l’ouvrage collectif du Livre des Cent-et-un1, l’auteur met en scène les mésaventures d’un personnage, Théodore, qui selon l’expression d’Albert Kiès « lui ressemble comme un frère », jusque dans son obsession pour « les reliures en maroquin et la hauteur des marges de ses Elzevirs », qu’il mesure à l’aide d’un « Elzeviromètre2 ». C’est précisément cette convoitise maladive qui va mener l’infortuné Théodore à sa perte, puisque suite à la découverte d’un Virgile issu des presses elzéviriennes en 1676, et dont les marges excèdent celles de son propre exemplaire d’« un tiers de ligne », cet « Elzeviromane » patenté succombe au « typhus des bibliomanes3 ». Or, on ne saurait prendre toute la mesure de la dimension fondamentalement réflexive à l’œuvre dans ce récit sans le lire à la lumière de ce que Jacques-Joseph Techener, éminent libraire et bibliographe, co-fondateur avec Nodier du Bulletin du bibliophile, nous révèle dans sa préface à la Description raisonnée d’une jolie collection de livres. Rappelant que la bibliothèque de Nodier ne comportait aucun exemplaire des œuvres de Virgile, surprenante omission de la part de ce lettré féru de poésie latine, Techener met en cause les impossibles critères d’exigence édictés par son confrère :

[…] notre illustre patron ne voulait avoir que le Virgile des amateurs, le Virgile Elzevir 1636, beau, grand, et, s’il eût été possible, dans sa vieille reliure. Eh bien ! Il n’en a jamais trouvé un exemplaire digne de sa bibliothèque, tel qu’il le rêvait, tel qu’il le connaissait dans quelques cabinets d’amateurs de Paris. Il se serait contenté du Virgile Elzevir de 1676, mais en grand papier, et dans l’attente d’un tel Virgile il n’en achetait pas d’autre4.

Techener invoque ici un triple critère pour définir ce qui devait vraisemblablement constituer, aux yeux de Nodier, l’exemplaire bibliophilique idéal. Le premier tient à l’identité historique de l’ouvrage, ici caractérisé à la fois par son ancienneté et par son affiliation à la prestigieuse maison des Elzevirs5 ; les deux autres exigences invoquées tiennent à l’intégrité matérielle du volume, estimée à la fois au regard de sa reliure, « ancienne » autant que possible, et de l’importance de ses marges, idéalement préservées de la rogne du relieur.

C’est dire que Nodier fait du maintien de l’apparence initiale d’un livre ancien un impératif essentiel. Cette conception historiciste de la bibliophilie, qui trouve son corollaire dans une éthique de la conservation, repose sur un postulat voulant que la valeur d’un exemplaire s’estime à l’aune de sa plus ou moins grande proximité avec un hypothétique état originel, exempt de toute marque de dégradation. C’est à cette seule condition, en effet, que l’amateur se trouve à même de réactiver, par-delà la lente déréliction des années, un certain régime de l’authenticité propre à conférer au livre ancien, à la fois texte et matière, toute sa dimension de relique temporelle. Nodier s’efforce ainsi de renouer avec un certain fantasme de l’origine qui innerve en profondeur sa conception de l’histoire littéraire, essentiellement conçue comme une voie d’accès rétrospective à un âge d’or perdu de la parole et de sa transmission.

Il s’agira donc de montrer en quoi l’histoire littéraire telle que Nodier la conçoit, c’est-à-dire comme le processus de dévoilement d’un certain état natif et naïf de la langue française et de l’expression poétique, trouve un auxiliaire privilégié dans une bibliophilie marquée par le culte de l’authenticité originelle. Cette quête inlassable d’un livre des origines doit par ailleurs être mise en lien avec la conception essentiellement binaire de l’histoire littéraire nodiériste, partagée entre un « avant » objet de toutes les convoitises, et un présent amèrement décevant. C’est pourquoi on pourra se demander, en définitive, si la notion d’origine chez Nodier ne doit pas être pensée comme un programme esthétique, plutôt que comme un critère d’ordre temporel, ce qui nous autorisera à voir dans certaines de ses œuvres autant de manifestes pour une histoire littéraire en acte.

LA QUÊTE DE LA « CONDITION D’ORIGINE » : 
LE LIVRE COMME RELIQUAIRE TEMPOREL

Le goût du livre ancien

On sait, par les témoignages de l’époque, que les années 1830 correspondent à « une véritable révolution du goût en matière de livres rares6 » qui voit les désirs des amateurs se fixer durablement sur les éditions anciennes, principalement des incunables, des éditions princeps, ou d’élégants volumes du Grand siècle. La première explication de cette présence hégémonique du livre ancien tient aux bouleversements entraînés par la rupture révolutionnaire dans le marché du livre rare ; la saisie des bibliothèques aristocratiques et ecclésiastiques, doublée de la disparition provisoire de la clientèle bibliophilique traditionnelle, mène en effet à la mise sur le marché d’une « masse énorme de livres anciens » qui suscitent dans un premier temps « recul et désarroi7 » avant que quelques libraires avisés, à l’instar de Renouard, Merlin ou Techener, s’avisent d’en tirer parti. Paul Lacroix s’est fait l’écho de ce phénomène en déplorant que « le quai de la Ferraille [soit] devenu une foire perpétuelle où des centaines de regrattiers et de vendeurs ignorants [vendent] à l’encan tout ce bric-à-brac qui composait la dépouille de la vieille société française », et que les livres soient « exposés sur le pavé, pêle-mêle, avec de vieilles hardes et de vieux débris mobiliers8 ».

Par ailleurs, le second tiers du xixe siècle coïncide avec les débuts de la seconde révolution du livre, qui marque son entrée dans l’ère de la reproduction mécanique et de la diffusion de masse. La décadence matérielle de la librairie contemporaine, perçue comme conséquence inévitable d’un accès élargi à l’imprimé, devient un véritable leitmotiv sous la plume des amateurs de livres, qui condamnent d’une même voix la piètre qualité des volumes issus de presses saisies d’une véritable frénésie de production. Cette révolution médiatique, non contente de donner lieu à un bouleversement quantitatif qui se traduit par l’augmentation exponentielle du nombre d’ouvrages mis en circulation, correspond également et surtout à un profond changement qualitatif – « réduction du format, grisaille d’une typographie resserrée, couvertures illustrées à fonction incitative, abaissement des prix, etc9 » – qui affecte en profondeur l’image même du livre, son statut et le prestige qu’il conservait en tant que vecteur privilégié du savoir et de la connaissance. La prédilection accordée au livre ancien par les collectionneurs apparaît de ce fait comme le corollaire obligé d’une « réaction bibliophilique » qui s’efforce de prendre le contrepied des impératifs de l’édition de masse (quantité, rapidité, efficacité, rentabilité) en voyant dans les traces léguées par un passé prestigieux le seul remède valable à la décadence typographique contemporaine. Et ce n’est pas Nodier qui dira le contraire, lui qui, à travers son personnage Théodore, considère en parlant de la librairie de son temps que c’est « profaner le nom de livres que de le donner à ces guenilles barbouillées de noir qui n’ont presque pas changé de destinée en quittant la hotte aux haillons du chiffonnier10 ».

En définitive, si le livre ancien retient particulièrement l’attention des bibliophiles des années 1830, c’est peut-être parce qu’il échappe au culte de l’éphémère qui saisit les sociétés modernes à un moment où, pour citer Bernard Vouilloux, « la révolution industrielle, en rendant possible la fabrication en série, inonde le marché de produits manufacturés11 », inaugurant du même coup le règne de la marchandise interchangeable et suscitant, par réaction, un élan de désir vers les objets supposément détenteurs d’une forme de rareté ou d’authenticité. Dans cette mesure, le livre ancien partage avec le vieux bibelot le prestige suranné d’une « corporéité non-fonctionnelle » le situant aux antipodes de la logique de consommation immédiate qui s’impose à l’époque. Aux yeux de Francesco Orlando, l’objet ancien se dote dès lors d’une « historicité exemplaire » qui lui permet de faire de son inactualité même un élément de valeur ajoutée : « Le temps consume ou ennoblit, consume et ennoblit ; de fait, une chose peut tout aussi bien être trop usée par le temps pour que celui-ci puisse l’ennoblir que pas assez usée pour être ennoblie par son action12 ».

Les conditions de l’illusion originelle

Dans le vocabulaire bibliophilique, la condition d’un exemplaire est « employée comme un concept générique, un concept de groupe sous lequel on désigne en le déterminant un ensemble de traits spécifiques13 » permettant de classer le volume concerné dans diverses catégories en fonction, notamment, de l’altération plus ou moins importante qu’on aura fait subir à son apparence initiale. Or il importe justement, si l’on souhaite que le livre ancien conserve l’aura que lui confère son lointain ancrage historique, que soit préservée autant que possible sa configuration initiale, ce que nous appellerions volontiers sa « condition d’origine », entendue comme l’ensemble des traits formels permettant de renvoyer à son ancrage historique primitif ou supposé tel. Nodier s’enorgueillit ainsi, dans ses Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, de posséder un exemplaire des œuvres de Nostredame qui joint, au mérite d’être unique, « celui d’une magnifique conservation et d’une condition tout-à-fait curieuse », dont le « brillant éclat de fraîcheur et d’intégrité » semble défier le passage des siècles14. On trouverait un commentaire remarquablement similaire dans la bouche de l’abbé Lowrich, qui, dans Franciscus Columna, ultime nouvelle écrite par Nodier, découvre chez un libraire peu scrupuleux un superbe exemplaire du Songe de Poliphile, dans sa fameuse édition aldine de 1499, avant de s’exclamer à l’intention de son compagnon : « […] le traître qu’il est, et beau, je t’en réponds, comme s’il sortait de la presse15 ».

Parmi les caractéristiques formelles régulièrement invoquées pour justifier cette impression d’abolition de la distance temporelle, on peut citer, sans exhaustivité, la présence d’une reliure contemporaine du corps de l’ouvrage, le maintien de grandes marges non rognées, ou même, dans certains cas, l’absence de coupure des cahiers, signe d’une absence de consultation qui conforte l’illusion d’un livre conservé dans toute la fraîcheur de ses premières heures. Lorsque l’ensemble de ces critères sont réunis, le collectionneur peut alors se laisser gagner par la réconfortante certitude de tenir un morceau de passé authentique, dont la remarquable permanence visuelle agit comme une négation du passage du temps. Se pose néanmoins d’emblée la question d’un éventuel conflit entre le désir de préserver la condition d’origine d’un exemplaire et la nécessité de le soumettre à certains processus de restauration, en particulier en cas de traces d’humidité, de rousseurs, etc. La solution peut alors passer par le recours à l’imitation et au pastiche historiques, opération dévolue à quelques artisans suffisamment talentueux pour se glisser dans les habits de leurs prestigieux devanciers afin d’en reproduire le style ou la manière. C’est en particulier le cas dans le domaine de la reliure, qui se trouve pris au cours des années 1830 d’une véritable frénésie de copie, au grand dam d’un Henri Beraldi qui dénoncera plus tard le manque d’inventivité résultant de cette tendance à « s’inspirer, à se rapprocher des anciens et beaux modèles de décor », au risque de « tomber dans la copie16 ». Un tel parti pris engage une conception organiciste de l’objet-livre, dont chaque partie est supposée renvoyer à une même identité historique et esthétique, et ce indépendamment de son époque de confection : les filets courbes à la Grolier, les dentelles à la Derome, les plaques « rocaille » souvent copiées dans les années 1830 viennent ainsi rejoindre des images déjà constituées dans l’imaginaire collectif des amateurs, et conforter du même coup un sentiment d’ancienneté qui importe en réalité davantage que l’âge réel du volume concerné, et ce même si c’est au détriment de sa cohérence historique.

Or, s’il est un bibliophile emblématique de cette vogue historicisante, c’est bien Charles Nodier, comme l’atteste la véritable légende née autour de la fameuse reliure à compartiments exécutée par le relieur Thouvenin pour un exemplaire des Fanfares et Courvées abbadesques des Roule-Bontemps de la Haute et Basse Coquaigne […], recueil en prose et en vers « des plus singuliers, des plus bizarres », publié en 161317. La note qui accompagne la description bibliographique de ce volume dans le catalogue de la bibliothèque mise en vente par Nodier au début de l’année 1830, donne une idée de la qualité du travail effectué par l’artisan relieur :

La reliûre (sic) du vol., dans le genre de Grollier, est un véritable chef-d’œuvre de l’habile Thouvenin ; il est recouvert, pour sa conservation, d’une enveloppe doublée de soie, et renfermé ainsi dans un étui sous la forme d’un in-8, avec un joli dos à nerfs18.

Le succès de ce pastiche est tel, on le sait, qu’on désignera par la suite sous le nom de « reliure à la fanfare » ce type de décor employé par les relieurs des xvie et xviie siècles. Dans le même temps, les noms de Nodier et Thouvenin se trouvèrent durablement associés à cette vogue du pastiche dans le domaine de la reliure, ce qui valut au pauvre artisan cette mordante épitaphe du féroce Beraldi : « Et Thouvenin-Fanfare, à coup de copies, entrait tout vivant dans un rayonnement d’apothéose, lorsqu’il mourut, le 3 janvier 183419 ».

Toutefois, la quête inlassable de cette miraculeuse condition d’origine se heurte d’emblée à un double écueil, celui d’une pétrification de l’objet-livre fétichisé sous sa forme supposément première, mais aussi celui d’une reconstitution historiciste pour le moins hasardeuse. Dans les deux cas, l’objectif invoqué, à savoir la préservation ou la remise au jour de l’identité temporelle d’un exemplaire, risque fort au contraire d’en faire un objet foncièrement a-temporel, partagé entre un passé désespérément inaccessible et un présent qui le constitue précisément en objet inactuel, donc désirable. Car l’illusion d’originéité favorisée par les pratiques bibliophiliques en cours dans les années 1830 et particulièrement prégnante chez Nodier, ne prend tout son sens que mise en lien avec une conception du temps fondée sur l’idéal d’un avant inlassablement rêvé et recomposé.

LIVRE DES ORIGINES, LITTÉRATURE DES ORIGINES : LA LOGIQUE RÉGRESSIVE DE L’HISTOIRE LITTÉRAIRE NODIÉRISTE

La malédiction de l’écrit et de sa multiplication

La conception nodiériste de l’histoire littéraire témoigne en effet d’une appréhension fondamentalement dichotomique de la temporalité, organisée en diptyque autour d’une césure centrale qui coïncide avec la fin d’un âge d’or de la langue et de l’expression. À rebours d’une conception téléologique de l’histoire qui verrait en ce début de xixe siècle l’aboutissement logique d’un mouvement de progrès perpétuel, ce bibliophile nostalgique défend au contraire une vision que l’on pourrait qualifier de décadentiste ou de « déperditionniste », et dont Anne-Marie Roux résume les principales orientations à l’occasion d’un article consacré au mythe nodiériste de l’âge d’or. Elle souligne ainsi la prégnance, dans les textes de Nodier, d’un paradigme d’opposition organisé entre « [l’]avant et [l’]après [de] la rupture qui oppose l’Âge d’or des peuples naissants à la longue décadence des peuples civilisés qui agonisent au début du xixe siècle20 ». Le désir d’originéité de Charles Nodier, dont on a vu qu’il informait en profondeur ses choix bibliophiliques, doit donc s’inscrire dans cet effort inlassablement répété pour renouer, au-delà d’un moment de rupture dont les contours sont encore à déterminer, avec un en-deçà de la modernité et de tous ses apanages – vitesse, progrès, culte de la science, positivisme, etc.

Or, et ce n’est pas la moindre contradiction d’un auteur qui cultivait volontiers le goût du paradoxe, cet amoureux des livres qu’est Nodier fait justement coïncider la fin de cet âge d’or avec l’apparition de l’écriture et des procédés permettant de la reproduire mécaniquement, c’est-à-dire l’imprimerie à caractères mobiles, qui vient à ses yeux sonner le glas d’une longue période d’essor de l’oralité. En ce temps bienheureux où le signe écrit n’avait pas encore imposé son encombrante médiation entre les mots et les choses, Nodier considère en effet que l’expression verbale devait découler directement et nécessairement des perceptions du locuteur. On retrouve ici l’essentiel de ses théories linguistiques, principalement exposées dans son Dictionnaire raisonné des onomatopées françoises (1828) et ses Notions élémentaires de linguistique (1834), théories fondées, ainsi que le rappelle Luca Nobile, sur le primat du rôle de l’imitation dans le processus d’acquisition du langage, l’articulation phonétique étant censée par exemple, sous sa forme la plus brute, « imiter directement les bruits de la nature, par exemple les cris des animaux, donnant lieu aux onomatopées21 ». En vertu d’un « principe mimétique universel22 », l’homme, à l’image des animaux, aurait commencé à émettre des sons en adéquation avec ses sensations, avant de parvenir, toujours selon ce même procédé imitatif, à un degré supplémentaire d’abstraction, sans pour autant renoncer au rapport fusionnel entre le mot et son référent. Nodier décrit ce principe de la « langue organique », pivot de toute sa théorie du langage, dans ses Notions élémentaires de linguistique :

C’est là ce que j’appelle la langue organique, celle qui s’est articulée sur ses instruments, et qui s’est appliquée par une opération naturelle à toutes les acquisitions, à toutes les formes de la pensée, en procédant à son état primitif par l’instinct d’imitation, à son état figuré par l’allusion et la similitude, à mesure que des sensations nouvelles venaient se grouper autour des premières sensations23.

Or, Nodier ne tarde pas à opérer un glissement significatif entre langue « organique » et langue « poétique », en invoquant la force d’imagination contenue dans le rapport essentiellement métaphorique qui se noue entre perception et expression. Dans cette perspective, langue native rime avec poésie naïve, et son étude traduit chez Nodier la nostalgie d’un état antérieur de l’expression humaine, marqué par le libre exercice de l’imagination et étranger au poison de l’écrit, aggravé par la reproduction mécanique qu’en permet l’imprimerie. « Bibliophobe24 » autant que « bibliophile », Nodier voit d’après Jacques-Rémi Dahan dans cette invention « l’inéluctable conséquence de la catastrophe primordiale que fut l’invention de l’écriture, cette dernière ayant mis un terme à l’âge d’or de la pensée et de la poésie pour précipiter l’humanité dans l’âge de la matière », ce qui fait nécessairement du livre un « signe de décadence25 ».

La bibliothèque des origines

C’est peut-être toutefois précisément des livres que peut provenir le salut : si la lettre typographiée, prise dans un système de reproduction mécanique, tue l’esprit, elle peut aussi le vivifier et en assurer la transmission, pourvu qu’elle trouve à s’incarner à travers un support adéquat. Or, la bibliophilie, conçue comme la traque patiente des quelques rares témoins subsistants de l’enfance de notre langue, traces d’un temps où le dialogue entre la voix et l’écrit était encore envisageable, représente en définitive la seule voie d’accès possible à ce passé rêvé. Se trouvent ainsi logiquement valorisés les volumes issus des premiers temps de l’imprimerie, qui entretiennent encore une proximité visuelle forte avec le modèle du manuscrit médiéval. Un imprimeur comme Alde Manuce, qui rompit pourtant avec cette tradition manuscrite pour développer de nouveaux paramètres de mise en page spécifiquement humanistes, recueille également les suffrages de Nodier, qui salue en lui l’inventeur de « la lettre aldine, à cause de son nom, ou italique, à cause de son pays », ce caractère qui réussit la gageure, par sa forme inclinée, « de transposer, dans la typographie, le caractère vulgaire de l’écriture, dessiné et gravé d’après les calligraphes les plus habiles […]26 ». Permettant la fusion miraculeuse de la main et du caractère typographique, les éditions aldines apparaissent comme la preuve par excellence qu’une pratique créatrice de l’imprimerie reste possible, et que l’on peut imaginer une conciliation entre la reproduction technique et l’impulsion originale de la pensée.

Un tel parti pris engage une conception de l’histoire littéraire fonctionnant doublement à rebours, à la fois en termes chronologiques et axiologiques. Pour ce qui est de la représentation des différentes époques des lettres françaises, Nodier réduit la place des éditions postérieures au Grand siècle à la portion congrue, car cette époque, si elle représente à ses yeux un moment de plein épanouissement de la langue française, s’apparente également à un chant du cygne, prélude à son progressif appauvrissement sous l’effet d’une rationalité desséchante. Il n’est donc guère surprenant que des auteurs tels que Rousseau, Diderot ou encore Marivaux, brillent par leur absence chez « cet homme qui a [pourtant] eu 20 ans en 180027 », comme s’en étonne Albert Kiès. À l’inverse, les premiers temps de la geste nationale constituent l’horizon auquel tend l’histoire littéraire voulue par Nodier, une histoire conçue avant tout comme une voie de « rétrogadation » à destination de l’enfance de la création verbale :

[…] l’Âge d’or sera français ou ne sera pas… Il s’incarne désormais pour Nodier dans le Moyen Âge, les débuts de la monarchie française et de la langue romane, l’épanouissement du christianisme, de la chevalerie et de l’amour courtois, de la poésie des trouvères et des troubadours28.

Le xvie siècle n’est pas en reste, Nodier éprouvant une tendresse toute particulière pour cette période de foisonnement philologique et pour certains de ses auteurs les plus emblématiques. À ce titre, il s’inscrit dans la droite ligne de la revalorisation de la Renaissance qui s’opère dans les années 1830 dans les rangs romantiques, le siècle de François ier et de Charles Quint apparaissant aux yeux de la nouvelle génération de littérateurs comme « un âge de l’orgie qui fait rêver, une période dans laquelle on désire se projeter29 », et cela d’autant plus que sa réputation volontiers sulfureuse tranche avec le morne embourgeoisement de la monarchie de Juillet30. Nodier appelle ainsi de ses vœux, dans plusieurs articles, la réimpression des écrivains du xvie siècle, parmi lesquels on trouve sans surprise Rabelais, mais également des personnalités moins centrales comme Jacques Amyot31, tandis que les représentants de la Pléiade, Ronsard en tête, font l’objet d’un jugement beaucoup plus sévère en raison, précisément, de la tournure antiquisante qu’ils contribuèrent à donner à la langue française en altérant son génie originel.

Dans le même temps, les œuvres ou les auteurs consacrés par la tradition institutionnelle ou académique se trouvent systématiquement, sinon délaissés, du moins sous-représentés dans la bibliothèque nodiériste, dont les rayons se montrent autrement plus accueillants pour des facéties en tout genre, que leur rareté et leur singularité seules semblent signaler à l’attention de l’amateur. À travers les critères de sélection présidant à l’établissement de ses collections, Nodier subvertit donc les valeurs d’universalité et de clarté généralement invoquées pour définir un auteur comme digne d’admiration, ce qui l’amène à privilégier un panthéon littéraire décentré. Ce bouleversement des hiérarchies communes trouve néanmoins sa justification dans la proximité plus importante entretenue par ces raretés en apparence insignifiantes – petites plaquettes, almanachs, traités de tous ordres, divagations ésotériques, livrets en « patois » – avec le génie originel de la langue. Jean Viardot l’exprima admirablement dans ces quelques lignes :

[…] au plus caché d’une de ces petites raretés, si menacées de disparition, un lecteur doué des antennes adéquates pourrait, l’attisant de sa ferveur, ranimer la braise mourante de l’unique flambeau par le moyen duquel nous conservons chance de découvrir la très souterraine galerie conduisant au paradis perdu, au pays de la langue des origines, fondamental et unique souci de Nodier. Certaines, beaucoup de ces petites raretés, sauvées par Nodier […], le furent pour cette unique raison : il y avait détecté quelque chose, ô ! paradoxe, « que les livres ne disent point32 ».

Le livre se trouve ainsi à même, sous certaines conditions, de devenir l’agent paradoxal de préservation de ce qu’il avait lui-même tué : le langage des origines. En s’adonnant à la patiente collecte de ces témoins de l’enfance de notre littérature et en s’efforçant, soit par leur conservation, soit par leur restauration raisonnée, d’en donner à voir la « condition d’origine », Nodier adopte de fait une posture de passeur. Il se fait fort de revivifier la lettre morte de cette langue perdue qui dort, ignorée, entre les pages jaunies des vieux livres, grâce à l’action dynamique de son regard de collectionneur, mais aussi et surtout grâce au pouvoir transfigurateur de sa parole d’écrivain.

DE L’ORIGINEL À L’ORIGINAL, 
UNE HISTOIRE LITTÉRAIRE EN ACTE

Faire entendre la voix du passé au cœur de la modernité

Alain Vaillant a bien montré en quoi l’histoire littéraire, si elle ne possède pas d’existence officielle en tant que discipline autonome avant la fin du xixe siècle, n’en existe pas moins au stade de « protohistoire littéraire33 » au tournant des xviiie et xixe siècles. Dès cette époque se mettent en effet en place les présupposés méthodologiques et notionnels qui, en ce moment de crise des représentations de la littérature, vont contribuer à imposer le paradigme du canon comme fondement d’une histoire littéraire nationale. Or, ainsi que le souligne Mireille Macé, le canon a pour particularité de reposer sur des phénomènes d’exclusion conscients et de rapports de force directement liés à la mise en place de critères d’authentification ayant vocation à distinguer les « bons textes » du tout-venant de la production écrite. Autrement dit, c’est par ce qu’il refuse, davantage encore que par ce qu’il admet, que le canon participe à l’élaboration d’une histoire littéraire discriminante, selon une logique de distinction binaire entre les « grands », qui font l’objet d’un culte mémoriel, et les « petits », relégués dans les limbes du souvenir collectif34. L’oubli devient ainsi l’indissociable envers de l’histoire littéraire, un répertoire invisible qui ne vaut plus que par la comparaison implicite et systématiquement défavorable qu’il autorise avec les « grands » auteurs.

Or, Nodier, en vertu de tout ce qui a été dit précédemment, ne saurait s’accommoder d’un panthéon récusant ce qui revêt précisément, à ses yeux, le plus d’importance : les vestiges livresques permettant de reconstituer les balbutiements d’une langue pleinement poétique, encore intouchée par les ravages de l’esprit positiviste. C’est pourquoi il est possible de déceler chez Nodier, aussi bien dans sa bibliothèque de collection que dans certains pans de son œuvre, les grandes lignes d’un canon littéraire inversé qui, pour ne pas faire l’objet d’une théorisation explicite, n’en est pas moins omniprésent. Précisons d’emblée qu’il ne s’agit en aucun cas, dans le cas de Nodier du moins, d’un anti-canon, dans le sens où il ne conteste pas les fondements du système évaluatif général, mais en inverse plutôt les conclusions. Ainsi, ce n’est pas en dépit de leur caractère marginal, isolé, irrégulier, ou même de leur piètre valeur littéraire, que certains auteurs mineurs trouvent au sein de la bibliothèque nodiériste un espace de réhabilitation. Cette absence de reconnaissance fait au contraire l’objet d’une forme de revendication en tant que marque d’une élection négative, en vertu de l’éloignement manifesté vis-à-vis des critères esthétiques privilégiés par une modernité dévoyée.

La Bibliographie des fous et de quelques livres excentriques publiée en 183535 est à cet égard particulièrement représentative du renversement axiologique que Nodier fait subir au canon littéraire institutionnel. Dans un texte liminaire non dénué de provocation, il assume toute la dimension paradoxale de son entreprise en associant sous la même dénomination d’« excentrique » folie biographique et folie littéraire : « Les livres excentriques, dont je parlerai fort superficiellement dans ces pages dont le cadre est extrêmement circonscrit, ce sont les livres qui ont été composés par des fous, du droit commun qu’ont tous les hommes d’écrire et d’imprimer36 ». Or, si le langage de la folie retient particulièrement l’attention de Nodier, c’est parce qu’il est susceptible d’échapper à la commode et trompeuse dichotomie entre imagination et raison en partie responsable, à ses yeux, de l’épuisement de la création poétique contemporaine. La promotion d’une littérature « folle » prend ainsi tout son sens par l’opposition qu’elle manifeste à l’égard de l’atrophie du sentiment du mystère propre aux temps modernes, triste apanage d’une époque coupée de ses origines. Il n’est donc pas étonnant que Nodier estime, dans les pages de ses Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, qu’une bibliographie des fous pourrait constituer non seulement « une mine […] féconde à exploiter pour l’histoire littéraire », mais aussi « la plus grande masse relative d’idées raisonnables37 ». Dans cette perspective, la dimension originelle d’un texte ne doit plus être pensée sur le seul plan de la chronologie, mais bien comme une catégorie esthétique à part entière : c’est à ce titre qu’il serait légitime de voir pour finir dans certaines œuvres de Nodier de véritables manifestes pour une histoire littéraire originale.

L’espace de l’écriture, laboratoire pour une histoire littéraire originale

Dans l’ouvrage collectif essentiel consacré à la délicate question d’une « histoire littéraire des écrivains », Antoine Compagnon met en avant l’importance de cette pratique historienne qui se développe en marge et même en opposition avec son pendant institutionnel et officiel, donnant lieu à une histoire « rivale, parallèle, alternative, sans doute moins visible, moins systématique, moins institutionnelle, car plus discontinue, plus capricieuse, plus personnelle38 ». Faisant son miel de sources documentaires traditionnellement délaissées car se situant en marge de la hiérarchie des genres (articles nécrologiques, récits de visite, entretiens, mémoires), l’étude de cette histoire littéraire qui ne dit pas forcément son nom pourrait bien trouver en la personne de Charles Nodier un exemple de choix. Professant à l’égard du néo-classicisme de sa jeunesse une méfiance qui n’a d’égal que le scepticisme grandissant qu’il éprouve vis-à-vis du romantisme hugolien, Nodier n’en appelle pas moins, dans un certain nombre d’articles comme à travers son œuvre, à une refondation de la création littéraire via l’action vivifiante de l’imagination. Désireux, on l’a vu, de remettre au jour les vestiges premiers de la langue et de l’expression, il s’interroge également sur les conditions d’élaboration d’une écriture qui ancrerait l’originel, entendu comme plein accomplissement poétique du discours, au cœur de la création littéraire contemporaine.

Le long article qu’il consacre en 1830 à la littérature fantastique, notion qui déborde largement chez lui le sens strictement générique que nous serions tentés de lui donner, apparaît à cet égard comme particulièrement éclairant : Nodier y définit en effet le fantastique comme une réaction au sentiment de manque creusé par la marche d’un progrès qui s’emploie à faire disparaître d’un monde uniformisé la moindre trace de mystère et, partant, de poésie : « L’apparition des fables recommence au moment où finit l’empire de ces vérités réelles ou convenues qui prête un reste d’âme au mécanisme usé de la civilisation39 », écrit-il. Aussi le fantastique nodiériste s’affirme-t-il avant tout comme un principe poétique à part entière, un « effort (volontaire, magique) de ré-enchantement du monde40 » permettant au sujet de retrouver sa place dans un monde déserté par le divin. Comment, dès lors, ne pas penser à un ouvrage comme L’Histoire du roi de Bohême41, ce livre impossible, ce « récit excentrique42 », et ne pas y voir un manifeste contre la logique de fonctionnalité et de rentabilité qui gouverne aussi bien la création littéraire que le champ de la librairie au début des années 1830 ? Avec cet anti-roman incarné sous la forme d’un objet bibliophilique singulier et déconcertant, qui « fit sensation par la nouveauté de son illustration et de sa mise en page43 », Nodier renoue avec le fantasme du manuscrit unique et impossible à reproduire, avec le rêve d’un « joyau étrange et inimitable44 » propre à réintroduire toute la fécondité poétique de l’originel et de l’original dans le paysage désespérément morne de la modernité. En ce sens, c’est bien à une histoire littéraire en acte qu’il nous invite à travers ce livre qui échappe à toutes les tentatives de catégorisation, une histoire fondée sur la contestation de l’idée même d’un canon littéraire univoque.

Il importe toutefois, pour finir, de nuancer notre propos : en effet, si Nodier, représentant par excellence de cette « école du désenchantement » qui se distingue du romantisme conquérant par son scepticisme inquiet, aspire à une refondation du langage poétique, à travers une histoire littéraire qui procéderait par dévoilement régressif afin de mettre au jour les ultimes et fragiles témoins du « ministère de la vérité et de la civilisation essentielle45 » des origines, il n’en fait pas moins preuve d’une amère lucidité quant à la réelle portée de son entreprise. Dans quelle mesure croyait-il au pouvoir de reliquaire temporel contenu dans les vestiges des premiers temps de l’imprimerie, et à quel point faisait-il confiance à sa propre voix pour se faire le relais de ce langage oublié ? Jacques-Rémi Dahan tranche dans un sens plutôt pessimiste, considérant que les efforts de Nodier « ne [peuvent] pourtant constituer qu’un palliatif individuel », et « moins un remède qu’un cautère46 », impuissant à remonter jusqu’aux racines du mal et à la crise du signe. Il est vrai que l’ironie et l’autodérision omniprésentes, en particulier, dans un ouvrage comme l’Histoire du roi de Bohême, texte de la déconstruction généralisée du langage et de sa signification, pourraient inciter à abonder dans ce sens.

Cette réserve prudente et nécessaire ne remet toutefois pas en cause la fécondité poétique incontestable de cette « bibliophilie des origines » qui affleure en maints endroits de l’œuvre nodiériste ; le retour à l’idée d’origine, perçue moins comme un objet fixe qu’il s’agirait de révéler que comme un programme esthétique autant qu’une dynamique de création, va de pair avec l’élaboration d’une histoire littéraire alternative en acte, qui inclut la question du support et de l’objet-livre au cœur même de sa réflexion sur les textes.

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1 Texte initialement paru dans Le Livre des Cent-et-un, t. 1, p. 87-108, chez l’éditeur Ladvocat, en 1831.

2 Albert Kiès, « La bibliothèque de Nodier », dans Colloque du deuxième centenaire ; Besançon – Mai 1980, Paris, les Belles-Lettres, 1980 (Annales littéraires de l’Université de Besançon), p. 227.

3 Charles Nodier, Le Bibliomane, dans L’Amateur de livres, éd. de Jean-Luc Steinmetz, Bègles, Le Castor Astral, 1993 (Les Inattendus), p. 42.

4 Jacques-Joseph Techener, préface à la Description raisonnée d’une jolie collection de livres de Charles Nodier, Paris, Techener, 1844, p. ii. Nous soulignons.

5 Voir les importantes pages que Charles Nodier consacre aux éditions elzéviriennes dans ses Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, ou Variétés littéraires et philosophiques, Paris, Crapelet, 1829.

6 Jean Viardot, « Les nouvelles bibliophilies », dans Histoire de l’édition française, t. iii : Le Temps des éditeurs. Du romantisme à la Belle Époque, dir. Roger Chartier et Henri-Jean Martin, Paris, Fayard, 1990, p. 383.

7 Ibid.

8 Paul Lacroix [le bibliophile Jacob], « Le commerce des livres anciens », dans Miscellanées bibliographiques publiés par Édouard Rouveyre, Paris, É. Rouveyre, 1879, p. 71.

9 Pascal Durand et Anthony Glinoër, Naissance de l’éditeur : l’édition à l’âge romantique, Paris ; Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2005 (Réflexions faites), p. 81.

10 Charles Nodier, Le Bibliomane, op. cit. [note 3], p. 33.

11 Bernard Vouilloux, « À travers la culture visuelle du xixe siècle », Le Magasin du xixe siècle / Les Choses, n° 2, dir. José-Luis Diaz, Paris, Champ Vallon, 2012, p. 69.

12 Francesco Orlando, Les Objets désuets dans l’imagination littéraire : ruines, reliques, raretés, rebuts, lieux inhabités et trésors cachés, Paris, éd. Classiques Garnier, 2010, p. 31.

13 Jean Viardot (art. cit., [note 6], p. 387) invoque comme exemple ce que l’on appelle la « condition Vandérem », du nom du bibliophile Fernand Vandérem (1864-1939) qui contribua à l’imposer au début du xxe siècle, en réaction aux excès du siècle précédent et à l’habitude prise par de nombreux collectionneurs de laver et encoller leurs exemplaires avant de les (r)habiller avec une reliure moderne. On parle ainsi de « condition Vandérem » lorsqu’un volume, et en particulier une édition originale, a conservé son revêtement d’époque, même modeste ou défraîchi.

14 Charles Nodier, Mélanges…, op. cit. [note 5], p. 78.

15 Id., Franciscus Columna [1844], Paris, Le Promeneur, 2004 (Le cabinet des lettrés), p. 17. Nous soulignons.

16 Henri Beraldi, La Reliure du xixe siècle, première partie, Paris, L. Conquet, 1895, p. 108.

17 Ce volume, présenté comme fort rare et curieux, fait l’objet d’une description bibliographique détaillée au n° 596 du catalogue établi en vue de la vente d’une partie de la bibliothèque de Nodier, alors désireux de doter sa fille, en 1829 : « Les Fanfares et Courvées abbadesques des Roule-Bontemps de la haute et basse coquaigne et dépendances, par J. P. A. Chambery, P. Dufour, 1613, in-8, fig., mar. bleu, à riches compartimens (sic), doubl. de mar. r., avec dent., tr. dorée et ciselée ». Catalogue des livres curieux, rares et précieux, plusieurs sur peau de vélin […], composant la bibliothèque de M. Charles Nodier, homme de lettres […], Paris, J.-S. Merlin, 1829, p. 86.

18 Ibid.

19 Henri Beraldi, La Reliure…, op. cit. [note 16], p. 114.

20 Anne-Marie Roux, « Nodier et l’âge d’or. La quête de l’origine », Littérature. Le Signe et son double, n° 25, 1977, p. 103.

21 Luca Nobile, « Charles Nodier et la linguistique des origines », dans Cahiers d’études nodiéristes. Nodier et la langue, la langue de Nodier, dir. Virginie Tellier, Paris, Du Murmure, 2014, p. 29-64.

22 Henri Meschonnic, « La nature dans la voix », dans Charles Nodier, Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises, éd. Jean-François Jeandillou, Genève, Droz, 2008, p. 27.

23 Charles Nodier, Notions élémentaires de linguistique ou Histoire abrégée de la parole et de l’écriture pour servir d’introduction à l’alphabet, à la grammaire et au dictionnaire, éd. Jean-François Jeandillou, Genève, Droz, 2005.

24 Voir à ce sujet l’ensemble de textes choisis et présentés par Didier Barrière sous la forme d’un recueil intitulé Critiques de l’imprimerie par le Docteur Néophobus, Paris, Éditions des Cendres, 1989.

25 Jacques-Rémi Dahan, « Nodier et la mort du livre », dans Visages de Charles Nodier, Paris, PUPS, 2008, p. 20.

26 Charles Nodier, « De l’alphabet typographique », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 2e série, n° 9, septembre 1836, p. 292.

27 Albert Kiès, art. cit. [note 2], p. 228.

28 Anne-Marie Roux, art. cit. [note 20], p. 109.

29 Daniel Maira, Renaissance romantique. Mise en fiction du xvie siècle (1814-1848), Genève, Droz, 2018, p. 328-329.

30 Voir, à ce sujet, les actes du colloque « Le xixe siècle lecteur du xvie siècle », co-organisé par Jean-Charles Monferran et Hélène Védrine, Strasbourg, 22-24 mars 2018, à paraître aux éditions Garnier classique.

31 On pourra consulter à ce sujet la très utile anthologie établie par Jacques-Rémi Dahan : Études sur le seizième siècle et sur quelques auteurs rares ou singuliers du dix-septième siècle, par Charles Nodier, Bassac, éd. Plein Chant, 2005.

32 Jean Viardot, art. cit. [note 13], p. 396.

33 L’expression est employée par Alain Vaillant dans le titre du troisième chapitre de son Histoire littéraire, Paris, A. Colin, 2010.

34 Mireille Macé, « Situations, attitudes », dans L’Histoire littéraire des écrivains, dir. Jean-Louis Jeannelle, Vincent Debaene, Marielle Macé et Michel Murat, Paris, PUPS, 2013, p. 67.

35 Charles Nodier, Bibliographie des fous…, op. cit. [note 3]. Texte initialement publié en deux fois dans le Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1ère série, n° 21, 29 octobre 1835, p. 17-28, et 2e série, n° 23, 21 novembre 1835, p. 29-40.

36 Ibid., p. 64.

37 Charles Nodier, Mélanges tirés d’une petite bibliothèque…, op. cit. [note 14], p. 248.

38 Antoine Compagnon, « L’autre histoire littéraire », dans L’Histoire littéraire des écrivains, op. cit. [note 33], p. 8.

39 Charles Nodier, « Du fantastique en littérature », Contes fantastiques [1830], Paris, G. Charpentier, 1882, p. 10.

40 Didier Philippot, La Texture imaginaire du réel. Essai sur l’ontologie romantique : roman et nouvelle aux marges du réel, dossier d’HDR, vol. 3, « Les marges fantastiques du réel », septembre 2015, p. 70-71.

41 Charles Nodier, L’Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, Paris, N. Delangle, 1830. Les vignettes sur bois, gravées par Porret d’après Tony Johannot, qui parsèment le texte et dialoguent en permanence avec lui, ont d’emblée été perçues comme étant d’une saisissante modernité, quitte à en déconcerter plus d’un.

42 Daniel Sangsue, Le Récit excentrique : Gautier, de Maistre, Nerval, Nodier, Paris, J. Corti, 1987.

43 Rémi Blachon, La Gravure sur bois au xixe siècle : l’âge du bois debout, Paris, éd. de l’Amateur, 2001, p. 75.

44 Simon Jeune, « Le Roi de Bohême et ses sept châteaux : livre-objet et livre-ferment », dans Charles Nodier : colloque du bicentenaire…, op. cit. [note 2], p. 210.

45 Paul Bénichou, Romantismes français II : Les Mages romantiques – L’École du désenchantement, Paris, Gallimard, 2004, p. 1521.

46 Jacques-Rémi Dahan, « Nodier et la mort du livre », art. cit., note [25], p. 20.