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Le commerce du livre à Bruxelles au xvie siècle

Renaud ADAM

Marie Skłodowska-Curie Research fellow – LE STUDIUM, Loire Valley Institute of Advanced Studies ; Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (Université de Tours). Maître de conférences à l’Université de Liège

S’il est un champ qui reste encore largement en friche pour l’histoire de l’économie du livre à Bruxelles, c’est sans conteste celui de la circulation et du commerce des livres au xvie siècle. On est, certes, relativement bien documenté sur la production imprimée, mais très peu d’études ont été consacrées aux contenus et aux origines des livres présents sur les étals des libraires bruxellois1. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle offre aux historiens actuels une vision complètement biaisée de l’état de la culture livresque de cette ville au début de l’époque moderne. On ne peut en effet se contenter d’étudier le catalogue des imprimeurs du cru pour se faire une idée des goûts intellectuels des habitants de Bruxelles. Une telle démarche laisserait certainement apparaître, pour la seconde moitié du xvie siècle, une curiosité immodérée pour les ordonnances et autres placards émis par les autorités centrales.

Même si la place de la capitale du duché de Brabant dans l’industrie du livre du xvie siècle n’est en rien comparable à celle d’Anvers, Bruxelles a toutefois accueilli en ses murs des boutiques capables de répondre aux attentes de la clientèle locale ou de passage. Ainsi, quelque trente libraires sont documentés pour l’ensemble du siècle, dont une dizaine rien que pour l’année 1569, pour une population estimée à quelque 46 000 habitants2. Ce chiffre pourrait certainement être revu à la hausse à la faveur de la découverte de nouvelles archives, car le nom de bon nombre d’entre eux nous est parvenu grâce à leur intervention financière dans une édition ou pour leurs relations commerciales avec Christophe Plantin et ses héritiers. Ces dernières années, la connaissance des acteurs de la librairie à Bruxelles a largement profité des recherches menées en archives par Edmond Roobaert, qui a notamment conduit des investigations au sein de la clientèle des libraires (institutionnelle et privée) et a complété la biographie de l’imprimeur-libraire Michiel van Hamont3.

Notre ambition ici est de profiter des acquis des recherches menées par nos prédécesseurs, complétées par nos propres travaux, pour proposer un exposé synthétique sur le commerce du livre à Bruxelles au xvie siècle, avec une attention particulière pour les acteurs de cette branche économique et la circulation effective des livres.

Les débuts du xvie siècle restent relativement mal documentés. Les informations concernant le marché du livre bruxellois doivent être glanées au gré des découvertes archivistiques ou de l’analyse de corpus de livres. Il convient ainsi de pointer en premier lieu les activités du libraire Willem Houtmaert alias van der Meer, dont la biographie demeure mal connue4. Son nom est mentionné pour la première fois le 18 octobre 1492 lors de sa désignation en tant que tuteur des enfants de sa proche parente (sa sœur ?) Kathlyne van der Meer, peu après le décès du mari de cette dernière, Mathias van der Goes, premier imprimeur d’Anvers. Il réapparaît ensuite, en 1497, en qualité de commanditaire d’un livre d’heures en néerlandais réalisé par l’imprimeur parisien Jean Higman5. Il réside alors à Anvers, à la Vogelhuys, chez l’imprimeur Govaert Bac, le second époux de Kathlyne van der Meer, comme l’indique le colophon de cette impression. L’année suivante, le 20 octobre 1498, Jean Higman imprime pour lui un missel à l’usage du diocèse de Tournai6. Houtmaert quitte ensuite Anvers pour s’établir à Bruxelles où il a notamment pour client Philippe le Beau qui lui achète, en 1499, un missel à l’usage de Rome en prainte et enluminé, destiné à sa chapelle, ainsi que les chroniques de Froissart en papier emprinptez à l’intention de Marguerite d’York, dernière épouse de Charles le Téméraire7. Aucun des deux exemplaires n’a été retrouvé. S’il est impossible de déterminer l’origine du missel, les chroniques de Froissart achetées par Philippe le Beau sont sans aucun doute celles imprimées pour Antoine Vérard avant 14998. La clientèle de Houtmaert compte aussi des membres du clergé local, à l’image de Willem Bouwens, chanoine de Saint-Géry, ou du vicaire général Jacob Anthonis9. De Bruxelles, le libraire passe commande auprès de Wolfgang Hopyl d’une version néerlandaise de la Legenda aurea de Jacques de Voragine, en 1505, d’un bréviaire à l’usage de la collégiale bruxelloise Saint-Gudule ainsi que d’un diurnal à l’usage du diocèse d’Utrecht, en 150610. Il termine sa carrière à Louvain. Sa dernière publication, un office de la Vierge, sort de l’atelier parisien de Jean Philippi en 151311. Houtmaert décède avant le 13 juillet 1515, son épouse étant alors qualifiée de weduwe wijlen Willems Houtmaer tot Loevene geseten dans un acte des échevins d’Anvers12. La période bruxelloise de Houtmaert est riche d’indications non seulement sur l’existence d’un marché du livre de luxe où le souverain se fournissait à l’occasion, mais aussi sur l’étroite connexion entre Bruxelles et Paris, Houtmaert s’y approvisionnant en livres pour ses prestigieux clients et passant commande pour l’impression d’ouvrages liturgiques et hagiographiques. Enfin, premier éditeur des Pays-Bas méridionaux à ne pas avoir exercé le métier d’imprimeur, Willem Houtmaert apparaît comme une figure importante du négoce du livre des anciens Pays-Bas, entretenant un commerce de luxe et prenant à son compte plusieurs éditions exécutées à Paris13.

D’autres libraires bruxellois de la première moitié du xvie siècle se sont également investis dans le champ éditorial, à l’instar d’Hendrik int Kelderken qui a cofinancé en 1518, avec l’imprimeur anversois Michiel Hillen, une Syntaxis de Jean Despautère14. Cette édition devait certainement être destinée à un public fréquentant les écoles latines de la ville ou soucieux de parfaire sa maîtrise du latin15. La page de titre renseigne la boutique du libraire à proximité de l’église Saint-Nicolas, non loin de l’Hôtel des Monnaies, l’actuelle Bourse. Cet Hendrik int Kelderken pourrait être identifié au libraire Hendrick chez qui l’imprimeur anversois Willem Vorsterman avait chargé son confrère bruxellois, Thomas van der Noot, d’aller recueillir le restant d’un crédit encore dû (7 mai 1522)16. Il s’agit d’un bel exemple de l’application du système de la lettre de change dite triangulaire – le débiteur payant sa dette à une tierce personne également en affaires avec le créditeur – alors en vigueur pour les transactions commerciales17. Edmond Roobaert n’exclut pas la possibilité que, derrière les deux patronymes Hendrik int Kelderken et Hendrik de librier, se cache en réalité le libraire Hendrick van Offene(n), actif entre la fin du xve et le début du xvie siècle, libraire officiel de la ville18. Ce Hendrick van Offenen est vraisemblablement lié au libraire Joos van Offen, installé à Anvers mais d’origine bruxelloise, qui fut tuteur des enfants du premier mariage de Kathlyne van der Meer conjointement avec Willem Houtmaert, évoqué précédemment. Au décès de Joos van Offen en septembre 1493, le second mari de Kathlyne van der Meer, l’imprimeur Govaert Bac, est entre autres désigné comme tuteur de ses enfants19. Ces exemples de solidarités familiales illustrent toute la force des liens au sein de la communauté des métiers du livre ainsi que l’existence de connexions importantes entre les marchands du livre bruxellois et anversois.

Thomas van der Noot est assurément l’une des figures les plus intéressantes de l’industrie du livre à Bruxelles du début du xvie siècle20. Fils naturel d’un membre éminent d’une famille patricienne bruxelloise, il est le deuxième imprimeur que cette ville accueillit21. Après une formation tant a Lion Paris comme en aultres villes et citez renommees, comme le précise son premier privilège, et une courte expérience à Anvers, Thomas van der Noot ouvre un atelier typographique à Bruxelles aux alentours de 1508, soit plus de vingt ans après la cessation des activités des Frères de la Vie commune, premiers imprimeurs de la ville (1475-1486)22. Il met un terme à ses activités soit à la fin de l’année 1523, soit au début de l’année suivante. Son catalogue compte une quarantaine de titres et se compose presque exclusivement d’ouvrages en néerlandais. Il en a traduit certains directement du latin, du français, de l’allemand et de l’espagnol, laissant de la sorte deviner une personnalité d’exception pour l’histoire littéraire. Sa production est variée et éclectique : livres de dévotion populaire, ouvrages historiques, poèmes de rhétoriqueurs bruxellois, pièces de circonstance, manuels de pharmacologie, d’obstétrique, de mathématiques et même un traité de cuisine. La clientèle visée par le typographe est clairement locale, en l’occurrence la bourgeoisie de sa ville d’expression néerlandaise. En plus de ses contacts noués à Bruxelles, Thomas van der Noot a gardé des liens avec ses collègues anversois, et plus particulièrement avec Claes de Grave. En effet, les deux imprimeurs ont publié de concert trois ouvrages23 et sont les deux premiers imprimeurs à avoir obtenu un privilège, Grave le 5 janvier 1512 (n. st.), van der Noot sept jours plus tard24. Le typographe bruxellois a également imprimé deux ouvrages pour le compte d’autres libraires : sa propre traduction du Lucero de la vida christiana de Pedro Ximenez de Prexano pour Doen Pieterszoon d’Amsterdam, parue le 20 novembre 1518 sous le titre de Licht der kerstene, ainsi que le Joyeux reveil de le election imperialle de Prinche Charles de Nicaise Ladam pour Antoine Membru de Valenciennes vers 151925. Malgré sa petite taille, la manufacture bruxelloise du livre semble ainsi jouir d’une certaine forme d’attractivité.

Thomas van der Noot est véritablement une personnalité atypique. Son importance dépasse largement le cadre de l’histoire de l’art typographique. Il est en effet le seul imprimeur de sa génération à produire lui-même les traductions des ouvrages qu’il publie. En outre, par ses choix éditoriaux, il nous fournit incontestablement un précieux miroir de la vie intellectuelle au sein de la classe bourgeoise à Bruxelles au début du xvie siècle.

Il importe maintenant de tenter de prendre la mesure réelle de la circulation effective des livres à Bruxelles en ce premier tiers du xvie siècle, ce que l’étude du catalogue de Thomas van der Noot – pourtant riche d’information sur les goûts de la bourgeoisie lettrée de la ville – ne permet que très partiellement. L’étude de la prestigieuse collection de ce grand bibliophile qu’était Fernando Colomb, second fils du célèbre explorateur, nous sera d’une aide précieuse, car il est passé à Bruxelles et avait coutume de consigner par écrit les informations relatives au lieu, à la date et au prix d’achat de ses livres. Ces renseignements, d’une grande richesse, permettent de retracer les voyages du collectionneur et de reconstituer les routes commerciales du livre au début du xvie siècle26.

Fernando Colomb s’embarque pour les anciens Pays-Bas en mai 1520, accompagnant Charles Quint, qui quitte alors l’Espagne pour se rendre à Aix-la-Chapelle et y recevoir la couronne de roi des Romains27. Il arrive à Bruxelles au début du mois de juillet et fait notamment l’acquisition, le 9 de ce mois, de plusieurs œuvres d’Érasme, auquel il voue une véritable admiration : le Novum Testamentum dans l’édition de 1519, le Scarabeus imprimé en 1517, l’Apologia ad Iacobum Fabrum Stapulensem, le Bellum et le Caton, qui datent de la même année, ainsi qu’un index aux Lucubraciunculae réalisé par l’imprimeur Thierry Martens en 1519, également auteur de toutes ces impressions28. Fernando Colomb se procure également un Theodulus exécuté quelques années plus tôt, en 1508, par le même typographe pour le compte de deux libraires londoniens, Judocus Pilgrim et Henricus Jacobi29. Il apparaît ainsi que Thierry Martens, qui était alors basé à Louvain et y travaillait en étroite collaboration avec Érasme, bénéficiait de liens commerciaux solides avec la capitale de son duché30. Le bibliophile espagnol est également entré en possession d’un exemplaire d’une Legenda sanctorum de Jacques de Voragine, sortie le 27 novembre 1517 des presses lyonnaises de Guillaume Huyon et Pierre Paris31.

Voyageur infatigable, Fernando Colomb revient dans les Pays-Bas méridionaux en 1531. Il y séjourne six mois, entre mai et octobre. Selon ses registres, il a fait l’acquisition de 314 livres, dont seulement 44 ont survécu32. Les livres acquis par Colomb au cours de son séjour bruxellois (achats effectués les 16 et 26 août) proviennent d’horizons différents. Sont encore conservés à la Colombina trois livres en provenance de Paris, deux d’Anvers, un de Louvain et un dernier de Cologne33. Les thématiques sont aussi très variées : Veritas fucata seu de licentia poeticae de Juan Luis Vivès, De fuga seculi, d’Ambroise de Milan, Propugnaculum Mariae in antimarianos de Jérôme de Hangest, Livre plaisant pour apprendre a faire et ordonner toutes tabulatures hors le discant attribué à Sebastian Virdung, l’anonyme Die excellente cronike van Brabant, Vlaenderen, Hollant en Zeelant, le Libellus de institutione puerorum de Jean Gerson ainsi que l’In verba Domini supra montem explanatio d’Agacio Guidacerio. Il s’agit presque exclusivement de nouveautés : l’édition la plus récente date de 1531, l’essentiel est de 1529-1530, et la plus ancienne remonte à moins de huit années avant la venue de Ferdinando Colomb à Bruxelles, soit vers 1523/24.

L’examen de la bibliothèque réunie par le fils de Christophe Colomb nous apprend notamment que les étals bruxellois proposaient une production variée (humanisme, histoire, grammaire, religion, musique…), multilingue (latin, néerlandais et français) et issue tant du marché local que de grands centres typographiques voisins (Cologne, Lyon et Paris). Enfin, il convient également de pointer la rapidité de certains échanges internationaux. Ainsi, l’ouvrage d’Agacio Guidacerio, In verba Domini supra montem explanatio, imprimé à Paris par Christian Wechel en 1531, est déjà disponible à Bruxelles à la fin de l’été de la même année.

Les noms du ou des fournisseur(s) de Fernando Colomb ne sont hélas pas connus. S’est-il approvisionné chez Hendrick van Offene (n) ou éventuellement chez Mark Martens, dont les activités sont documentées pour les années 1530-154034 ? L’évocation de ce dernier libraire permet de surcroît de revenir sur la problématique du contrôle du marché du livre par les autorités centrales et sur celle de la circulation d’œuvres réformées à Bruxelles. En effet, Mark Martens dut répondre, le 19 janvier 1536 (n. st), aux accusions du procureur de Brabant lui reprochant d’avoir écoulé des livres prohibés, imprimés à Anvers. Il se défendit en prétextant que les ouvrages incriminés avaient également été mis en vente dans d’autres villes du duché, comme Louvain, Malines ou encore Anvers. Quelques mois plus tard, avec son confrère Jacob van Liesvelt, il comparaît de nouveau devant les autorités judiciaires brabançonnes à propos de la détention d’un privilège les autorisant à imprimer, en langues vernaculaires (français et néerlandais), une bulle du pape Paul III sur le concile de Mantoue35. Leur défense commune reposait sur l’obtention d’un octroi, le 10 juillet 1536, leur permettant de reproduire ce texte. Ces deux affaires n’eurent apparemment pas de suite. Les arguments avancés par les accusés auront certainement su convaincre le procureur du Brabant36. Nous ignorons si Mark Martens avait embrassé le parti réformé. Bruxelles hébergeait alors plusieurs communautés protestantes, influencées notamment par les thèses anabaptistes, qui furent sévèrement réprimées par les autorités37. Les années 1530-1540 correspondent d’ailleurs à un tournant dans la répression, qui n’épargna pas les métiers du livre. Ainsi, Jacob van Liesvelt fut décapité le 28 novembre 1545 à Anvers, accusé d’avoir imprimé des écrits hérétiques38.

La recherche d’ouvrages hérétiques et le contrôle de l’orthodoxie des ouvrages proposés à la vente à Bruxelles sont à l’origine d’une visite surprise, le 16 mars 1569, chez tous les libraires bruxellois, d’inquisiteurs, d’officiers de justice et de théologiens39. Des descentes similaires furent effectuées le même jour sur l’ensemble du territoire encore sous domination espagnole. Ces actions s’inscrivaient dans le programme de répression du soulèvement politico-religieux d’une partie de la population des anciens Pays-Bas contre Philippe II. Elles furent décidées et mises en place par le duc d’Albe, Fernando de Toledo, alors gouverneur général des Pays-Bas et à la tête du Conseil des troubles, un tribunal d’exception actif entre 1567 et 157640. Les émissaires du duc d’Albe ont visité onze libraires à Bruxelles et ont dressé une liste de 75 feuillets reprenant l’ensemble des titres, autorisés et suspects, découverts chez ces marchands. Ce document, envoyé par la suite aux autorités centrales en vue de la préparation de l’Index qui paraîtra chez Plantin en 1570, est aujourd’hui conservé aux Archives générales du Royaume à Bruxelles41. Parmi les noms des libraires mentionnés dans cet inventaire, seulement sept d’entre eux étaient connus par d’autres sources, soit par leurs relations avec Christophe Plantin, soit pour leurs activités d’éditeurs (ils sont identifiés dans le tableau ci-dessous par un astérisque). En raison du caractère parfois très laconique de certaines descriptions, il est très difficile d’avancer des chiffres précis. C’est pourquoi nous avons préféré nous limiter à fournir des estimations dans le tableau ci-dessous. Ces données devront être considérées comme des indicateurs de tendance, permettant d’apprécier la taille des fonds de ces libraires :

LibraireTitres
Joachim de Reulx*ca 300
Johannes vander Hagenca 400
Franciscus Trots*ca 800
Nicolaus Torcy*ca 200
Laurentius vander Broeck*ca 320
Michiel van Hamont*ca 800
Theodoricus Hermansca 400
Ferdinand Liesveltca 400
Peter Goey*ca 500
Jasperus Eyensca 80
Petrus Van Tombe*ca 1 000
Totalca 5 200

Les inventaires dressés à la demande du duc d’Albe constituent assurément une source de premier ordre, un témoignage unique sur la situation du marché du livre à Bruxelles au milieu du xvie siècle. Leur lecture a permis de pointer quelque 5 200 titres en circulation ou, tout du moins, en dépôt chez des libraires bruxellois. L’identification de l’ensemble des publications aurait été trop chronophage pour la présente contribution. C’est pourquoi il a été décidé de se concentrer uniquement sur Michiel van Hamont, retenu en raison de son statut d’imprimeur-juré du roi et de la documentation disponible à son sujet. Ce typographe s’est installé à Bruxelles autour des années 1554, après avoir notamment voyagé en Espagne et s’être formé auprès de Jan Berntszoon à Utrecht42. Il décède en 1585. Sa production n’est toutefois pas très importante, quelques rares livres, une quinzaine. Il s’est en réalité spécialisé dans les écrits officiels, reproduisant au cours de sa carrière plus d’une centaine d’édits et autres ordonnances émanant des autorités centrales. Il était également graveur de lettres et d’estampes.

L’inventaire de son magasin mentionne quelque 800 items, soit un peu plus de 850 œuvres dont une soixantaine considérées comme suspicieuses ou prohibées, parmi lesquelles les textes d’Érasme reviennent le plus souvent. Les descriptions sont sommaires : un court titre complété du nom de l’auteur. On trouve parfois des informations additionnelles, comme le nom de l’imprimeur ou la présence d’illustrations. La lecture de cet inventaire révèle que la boutique de Michiel van Hamont n’était pas spécialisée dans l’une ou l’autre discipline. Son fonds comprend principalement des ouvrages religieux (41 %) et des textes littéraires (36 %). Les disciplines artistiques et scientifiques sont également présentes, mais en plus faible quantité (13 %). L’offre de livres juridiques et philosophiques est, pour sa part, limitée à la portion congrue (4 % chacune). Près de 44 % des œuvres sont rédigées en latin. Les livres néerlandais représentent 36 % du stock. Le français arrive en troisième position avec 95 livres (11 %). Le nombre d’œuvres imprimées dans d’autres langues est minime, mais non négligeable : 34 livres ont été imprimés dans une combinaison de langues (français-néerlandais, latin-néerlandais, latin-grec, français-espagnol, dictionnaire à quatre langues…), 15 en espagnol, 9 en italien, 6 en allemand, 4 en grec ; l’anglais et l’hébreu sont marginaux, avec seulement 1 texte dans chaque langue.

L’inventaire du magasin de Michiel van Hamont révèle aussi des informations sur la fourniture de livres à Bruxelles, grâce aux noms d’imprimeurs ou aux lieux d’éditions mentionnés çà et là dans le document. On découvre ainsi des ouvrages en provenance de toute l’Europe, avec une majorité d’ouvrages issus de centres typographiques du Nord : anciens Pays-Bas (Amsterdam, Anvers, Bruxelles, Cambrai, Delft, Deventer, Gand, Gouda, Harlem, Kampen, Louvain, Utrecht), France (Lyon, Paris, Rouen), terres d’Empire (Augsbourg, Cologne, Dillingen, Dortmund, Francfort, Heidelberg, Ingolstadt, Leipzig, Strasbourg), Italie (Venise), Suisse (Bâle, Genève, Zürich), Espagne (Salamanque), Autriche (Prague) et Pologne (Wroclaw). Il est possible que van Hamont ait directement contacté ses collègues au niveau local, comme cela pourrait être le cas pour les ouvrages imprimés à Anvers ou à Louvain. En revanche, on ne sait pas encore s’il s’est adressé personnellement aux imprimeurs de Cologne, de Zürich ou encore de Paris. Peut-être a-t-il bénéficié d’intermédiaires ? On pense évidemment à Christophe Plantin, dont les archives gardent d’ailleurs la trace de transactions avec l’imprimeur bruxellois43. Il est possible, encore, qu’il se soit rendu en personne à la foire de Francfort.

Van Hamont s’est également investi dans le marché de seconde main. En effet, plus d’une entrée dans l’inventaire de sa boutique semble renvoyer à des livres imprimés avant le début des activités de Hamont. On songe notamment à cet item, Logices adminicula aut. Themst, qui peut correspondre à un ouvrage sorti des presses d’Henri Estienne en 151144. À moins qu’il ne s’agisse, bien évidemment, d’une édition perdue. Hamont, à l’instar de ses confrères, s’est également occupé, à plus d’une reprise, de la liquidation de bibliothèques particulières, alimentant du coup le marché bruxellois du livre de seconde main45. L’instauration d’une république calviniste à Bruxelles, à la fin des années 1570, eut une conséquence inattendue pour la circulation des livres de seconde main46. En effet, à cette occasion, furent dispersées les bibliothèques des collégiales et des églises paroissiales ainsi que celles abritées dans tous les couvents de la ville. Les registres comptables consignant ces ventes et qui courent du 4 octobre 1580 au 6 octobre 1581 nous apprennent que les livres furent vendus au poids, au prix moyen de 11 florins les 100 livres de parchemin et de 3 florins les 100 livres de papier. Deux libraires, François Trots et Pierre Vander Tommen (Van Tombe ?), se disputèrent la majorité des lots47. Un nombre impressionnant de livres se retrouvèrent dans la foulée sur le marché. Malheureusement, les commissaires en charge de ces ventes n’ont pas déployé le même zèle que les envoyés du duc d’Albe une dizaine d’années plus tôt, ne nous permettant pas de prendre la pleine mesure de l’ensemble des livres proposés à la vente. Au siècle suivant, se généralisera la pratique d’imprimer des catalogues de vente en vue des liquidations publiques de bibliothèques privées, offrant de la sorte de précieux indicateurs sur l’état de la culture bruxelloise. Le plus ancien connu est celui décrivant la collection livresque de Charles iii de Croÿ, dont l’inventaire fut réalisé après son décès en 1612 par Rutger Velpius et Hubert i Anthoine et imprimé par les mêmes deux ans plus tard48.

Il reste, avant de terminer, à évoquer la problématique de la place de ces libraires au cœur du tissu urbain. Le nombre de personnes impliquées dans le négoce du livre ne semble pas avoir été assez élevé pour voir naître un quartier spécifiquement dédié au livre. Les adresses bibliographiques et des mentions dans des sources d’archives permettent toutefois de constater qu’il y eut un regroupement au sein de certains quartiers. Ainsi, si l’on prend le cas Thomas van der Noot, la lecture de ses colophons nous apprend qu’il a déménagé son officine à trois reprises. Il s’installe tout d’abord dans la Cortte Ridderstrate, qui relie l’Hôtel des Monnaies à l’église Saint-Nicolas (1508-1510 ?), et s’établit ensuite rue des Pierres (1511), derrière l’Hôtel de Ville, avant d’intégrer, vers 1523/24, le quartier du Waermoesbroeck, près de l’actuelle rue Potagère49. Thomas van der Noot a donc évolué pour l’essentiel de sa vie professionnelle à proximité du centre économique et politique de Bruxelles. Cependant, il est difficile de préciser s’il a rejoint d’autres artisans du livre, les données étant relativement fragmentaires à ce sujet. Willem Houtmaert, par exemple, n’a jamais donné d’autres précisions que wonende te Brussel in Brabant, dans les colophons des livres qu’il a financés. De son côté, Hendrick van Offenen s’était établi circa templum sancti Nicolai, soit à proximité de la première habitation de Thomas van der Noot. Mark Martens officiait, pour sa part, sur la Grand-Place, en face de l’Hôtel de Ville. Les libraires actifs au cours de la seconde moitié du xvie siècle ont eu une démarche similaire à celle de Thomas van der Noot, ouvrant des boutiques au cœur du pouvoir, près du Palais (p. ex. François Trots, Rutger Velpius et Hubert i Anthoine) ou dans les environs de l’Hôtel de Ville (p. ex. Michiel van Hamont, Jan Mommaert et Robrecht Phalesius)50.

Ces artisans du livre ont également pris une part active à la vie culturelle et religieuse de Bruxelles, à l’instar de la personnalité de Thomas van der Noot qui a rejoint la confrérie Notre-Dame des Sept Douleurs avec son épouse et ses enfants en 152151. Cette confrérie, fondée en 1499, fut accueillie au sein de l’église Saint-Géry. Sa création repose sur une initiative de la chambre de rhétorique De Lelie et, plus particulièrement, de deux de ses membres les plus influents : les stadsdichteren et rhétoriciens Jan van Smeken et Jan Pertcheval52. Le succès est immédiat : la première année a enregistré l’inscription de quelque 6 085 personnes, laïques et ecclésiastiques confondus. La présence de membres de la dynastie habsbourgeoise et de la haute aristocratie des anciens Pays-Bas n’est pas étrangère au rayonnement du chapitre bruxellois. Thomas van der Noot était également membre d’une autre confrérie, qui a entretenu des liens très étroits avec celle de Notre-Dame des Sept Douleurs : la confrérie de Saint-Sébastien de Bruxelles. Il a pu y croiser, aux côtés des arbalétriers bruxellois, d’éminents représentants de la vie culturelle de la capitale du duché de Brabant, parmi lesquels on peut pointer Bernard van Orley, peintre de la cour, le célèbre sculpteur Jan Borreman ainsi que Pieter Coeck van Aelst53. On peut également évoquer l’appartenance de Michiel van Hamont à la chambre de rhétorique Corenbloem, pour qui il a imprimé en 1563 un texte célébrant une compétition de rhétoriqueurs qui s’était déroulée à Bruxelles en 156254. Peu après son installation à Bruxelles en 1585, Rutger Velpius devient membre de la Confrérie de la Sainte-Croix de Saint-Jacques-sur-Coudenberg (1586)55. La vie de ces confréries religieuses et autres sociétés d’agrément, ponctuée par de nombreux rituels qui leur sont propres, a permis à ces artisans du livre non seulement de partager une identité commune avec d’autres confrères, mais également d’offrir l’opportunité de pénétrer la société urbaine, de se voir conférer un rôle de notable ainsi qu’une présomption de respectabilité. Il est à noter, enfin, que l’implication des hommes du livre bruxellois s’est limitée aux activités religieuses et culturelles. Aucun d’entre eux ne s’est impliqué dans l’administration de la cité.

Cette incursion au sein du monde des marchands de livres de Bruxelles au xvie siècle aura permis d’offrir une vision plus dynamique de ce milieu que celle qui prévalait jusqu’à présent. La ville apparaît ainsi au cœur de réseaux commerciaux locaux et internationaux, très liée à Anvers et Paris, mais ayant également des connexions avec de nombreux centres typographiques européens, essentiellement français et allemands. À l’image des ouvrages proposés sur les étals de libraires, la clientèle est variée, allant du souverain aux nombreux clercs de la cité en passant par la bourgeoisie lettrée. Le marché de seconde main semble avoir été florissant. Le choc né de la Réforme n’épargna ni les acteurs du livre bruxellois, placés sous la surveillance stricte des autorités en charge de veiller à l’orthodoxie religieuse et politique, ni les bibliothèques religieuses dispersées au cours de l’épisode calviniste. Enfin, l’implication des artisans du livre dans le tissu urbain ne s’est pas limitée à leurs seules activités économiques, mais s’est également étendue aux sphères socioculturelles et religieuses, comme l’a prouvé la présence du nom de certains d’entre eux dans les registres de confréries. Cet exposé synthétique n’est qu’une étape. Il conviendrait de poursuivre les recherches menées en archives, de constituer un vaste corpus d’ouvrages avec des marques d’appartenances bruxelloises et d’analyser plus finement la production de la seconde moitié du xvie siècle avant de se pencher sur le xviie siècle, cette vaste terra incognita de l’économie du livre bruxelloise.

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1 Sur les différents imprimeurs actifs au xvie siècle, voir entre autres : Anne Rouzet, Dictionnaire des imprimeurs, libraires et éditeurs belges des xve et xvie siècles dans les limites géographiques de la Belgique actuelle, Nieuwkoop, De Graaf, 1975, p. 1-2, 87-88, 152-153, 160-161, 230-232 ; Herman Pleij, De wereld volgens Thomas van der Noot, Muideberg, Dick Coutinho, 1982 ; Edmond Roobaert, « Michiel van Hamont. Hellebaardier van de keizer, rederijker en drukker van de koninklijke ordonnanties en plakkaten », dans Miscellanea in memoriam Pierre Cockshaw (1938-2008), éd. Frank Daelemans et Ann Kelders, Bruxelles, Archives et Bibliothèques de Belgique, 2009, p. 465-485 ; Cesar Manrique Figueora, « Los impresores bruselenses y su producción dirigida al mercado hispano, siglos xvi-xvii. El caso de la imprenta del Águila de Oro de Rutger Velpius, Hubert Anthoine-Velpius y la imprenta de los Mommaert », Erebea. Revista de Humanidades y Ciencias Sociales, 2, 2012, p. 205-226 ; Renaud Adam, Vivre et imprimer dans les Pays-Bas méridionaux (des origines à la Réforme), Turnhout, Brepols, 2018, t. 1, p. 225-228 ; II, p. 106-109, 175-178 (sous presse).

2 Anne Rouzet, Dictionnaire des imprimeurs, libraires et éditeurs belges…, op. cit. [note 1], p. 1-2, 20, 25, 27, 30, 75, 87-88, 91, 98-99, 119, 139-140, 152-153, 160-161, 174, 187, 203, 221, 223, 226, 230-232 ; Edmond Roobaert, « De zestiende-eeuwse Brusselse boekhandelaars en hun klanten bij de Brusselse clerus », dans Liber amicorum Raphaël De Smedt, éd. André Tourneux, IV, Louvain, Peeters, 2001, p. 47-70. Le chiffre de la population de Bruxelles au xvie siècle provient de : Alexandre Henne et Alphonse Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles, Bruxelles, Librairie encyclopédique de Perichon, 1845, t. 3, p. 21.

3 « De zestiende-eeuwse Brusselse boekhandelaars… », op. cit. [note 2], p. 47-70 ; « Centrale en gewestelijke besturen en hun aankopen en bestellingen bij boekhandelaars en -drukkers (16de eew) », Archives et bibliothèques de Belgique, 76, 2005, p. 1-66 ; « Michiel van Hamont… », op. cit. [note 1], p. 465-485.

4 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 98-99 ; Renaud Adam, Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], I, p. 102-103, 167, 177-179, 181-185.

5 ISTC ih00431350.

6 ISTC im00727000.

7 Hanno Wijsman, « Philippe le Beau et ses livres : rencontre entre une époque et une personnalité », dans Books in Transition at the Time of Philip the Fair. Manuscripts and Printed Books in the Late Fifteenth and Early Sixteenth Century Low Countries, Turnhout, Brepols, 2010, p. 59-60.

8 ISTC if00322000.

9 Edmond Roobaert, « De zestiende-eeuwse Brusselse boekhandelaars… », art. cit. [note 2], p. 50.

10 USTC 441891, 407295, 436733.

11 USTC 436872.

12 Anvers, Stadsarchief, Schepenregister 147 (1515), fol. 93r.

13 Sur le partage d’édition au début du xvie siècle dans les Pays-Bas méridionaux, voir : Renaud Adam, Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], I, p. 103-104.

14 USTC 437020.

15 Sur l’enseignement à Bruxelles : Vincent Lamy, « Les grandes écoles à Bruxelles depuis les origines jusqu’à l’établissement des Jésuites et des Augustins », Revue de l’Université libre de Bruxelles, 30, 1924-25, p. 50-64.

16 Anvers, Stadsarchief, Schepenregister 162 (1522), f. 244v.

17 Sur ce système : Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1979, t. 2, p. 117-124.

18 Edmond Roobaert, « De zestiende-eeuwse Brusselse boekhandelaars… », art. cit. [note 2], p. 49.

19 Anvers, Stadsarchief, Certificatieboek 2, fol. 200r ; Renaud Adam, « Living and Printing in Antwerp in the Late Fifteenth and Early Sixteenth Centuries : a Social Enquiry », dans Urban Perspectives on Sixteenth-Century Netherlandish Art & Culture, éd. Ethan Matt Kavaler et Anne-Laure Van Bruaene, Turnhout, Brepols, 2018, p. 95-96 ; id., Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], I, p. 183-184.

20 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 160-161 ; Herman Pleij, De wereld volgens Thomas van der Noot…, op. cit. [note 1], passim ; Renaud Adam, Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], I, p. 225-227 ; t. 2, p. 106-109, 175-178.

21 Sa condition de bâtard lui interdisant l’accès à un office public, suite à une ordonnance communale de 1481, pourrait expliquer en partie son orientation professionnelle (Philippe Godding, « Liste chronologique provisoire des ordonnances intéressant le droit privé et pénal de la Ville de Bruxelles (1229-1657) », Publications de la Commission royale des anciennes lois et ordonnances de Belgique, 17, 1953, p. 392).

22 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 66 ; Renaud Adam, Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], II, p. 50-53, 153-154.

23 USTC 436860, 436889, 407305.

24 Sur la problématique du privilège : Renaud Adam, « La contrefaçon dans les anciens Pays-Bas (xve-xviie siècles) », Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, XIII, 2017, p. 23-26 ; id., « The Profession of Printer in the Southern Netherlands before the Reformation. Considerations on Professional, Religious and State Legislations », dans Censorship and Catholic Reform in the Early Modern Low Countries, éd. Wim François, Violet Soen et Dries Vanysacker, Turnhout, Brepols, 2017, p. 19-22.

25 USTC 425613, 72782. Le Joyeux reveil de le election imperialle de Prinche Charles de Nicaise Ladam peut être considéré comme la première contrefaçon des Pays-Bas méridionaux au sens juridique du terme. Voir : Renaud Adam, « La contrefaçon dans les anciens Pays-Bas… », art. cit. [note 24], p. 28-29 ; Katell Lavéant et Malcolm Walsby, « Celebrating, Interpreting, and Spreading News : Nicaise Ladam and Publishing Topical Poetry in the Southern Low Countries (1508-1522) », Quaerendo, 48, 2018, p. 17-38.

26 À sa mort, le 12 juillet 1539, Fernando Colomb laisse dans son hôtel particulier de Séville une bibliothèque riche de plus de 15 300 livres et plaquettes reliés en quelque 12 000 volumes. Cette collection s’est constituée au fil de ses nombreuses pérégrinations en Europe au service de Charles Quint ou pour veiller à la défense de ses propres intérêts. Initialement destinée à son neveu, la bibliothèque est finalement entrée en possession du chapitre cathédral de Séville en 1552 où elle est encore conservée actuellement. Cependant, l’incurie et la négligence de ses gardiens successifs ont entraîné, entre la seconde moitié du xvie et la fin du xixe siècle, la perte d’au moins la moitié du fonds primitif. Réduit à quelque 7 000 titres, l’ensemble n’en reste pas moins exceptionnel tant par la rareté de certaines pièces que par le soin avec lequel Fernando Colomb a traité ses livres. La bibliographie relative à la Colombina est trop abondante pour être présentée en une seule note. On consultera avec profit l’ouvrage suivant : Juan Guillén Torralba, Historia de las Bibliotecas Capitular y Colombina, Séville, Fundación José Manuel Lara, 2006. L’intérêt des notes de Fernando Colomb pour l’étude du marché du livre français a déjà été pointée par : Klaus Wagner, « Le commerce du livre en France au début du xvie siècle d’après les notes manuscrites de Fernando Colomb », Bulletin du Bibliophile, 1992 (2), p. 305-328.

27 Sur les voyages de Colomb : Henry Harrisse, Fernand Colomb, sa vie, ses œuvres. Essai critique, Paris, Librairie Tross, 1872, p. 9-28 ; Guy Beaujouan, « Fernand Colomb et l’Europe intellectuelle de son temps », Journal des savants, 1960 (4), p. 145-159 ; Klaus Wagner, « El itinerario de Hernando Colón según sus anotaciones. Datos para la biografica del bibliófilo sevillano », Archivo Hispalense, 203, 1984, p. 81-99.

28 USTC 400404, 442223, 400368, 403373, 403125, 437056. Seule l’Apologia ad Iacobum Fabrum Stapulensem est encore conservée : Antonio Segura Morera, et alii, Catálogo de los impressos del siglo XVI de la Biblioteca Colombina de Sevilla, Séville, Cabildo de la Santa Metropolitana y Patriarcal Iglesia Catedral de Sevilla, 2001, t. II, n° 667. Les autres ouvrages nous sont connus grâce à un inventaire manuscrit de la bibliothèque qui contient les acquisitions antérieures à 1530. Nous avons travaillé sur le fac-similé : Catalogue of the Library of Ferdinand Columbus. Reproduced in facsimile from the Unique Manuscript in the Columbine Library of Seville by Archer M. Huntington, New York, Hispanic Society of America, 1905, nos 316, 977, 978, 979, 1092, 1093, 1822.

29 USTC 400282.

30 Sur cet imprimeur d’Érasme, lire notre biographie écrite avec Alexandre Vanautgaerden : Thierry Martens et la figure de l’imprimeur humaniste (une nouvelle biographie), Bruxelles, Musée Érasme ; Turnhout, Brepols, 2009.

31 Antonio Segura Morera, et al., Catálogo de los impressos del siglo XVI …, op. cit. [note 28], III, n° 544.

32 Guy Beaujouan, « Fernand Colomb et l’Europe intellectuelle… », art. cit. [note 27], p. 155.

33 Antonio Segura Morera, et al., Catálogo de los impressos del siglo XVI …, op. cit. [note 28], I, n° 203 ; II, n° 420 ; III, nos 90, 175, 197bis, 781 ; V, n° 854.

34 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 139-140.

35 Seul un exemplaire en néerlandais de cette bulle est conservé (USTC 437812). Les tracas judiciaires engendrés par cette publication auraient-ils fait hésiter les deux hommes à se lancer dans l’impression d’une version française de cette bulle ? Le caractère éphémère, par essence, de ce type de publication pourrait aussi expliquer la perte de tous les exemplaires.

36 Sur cette affaire : Prosper Verheyden, « Verhooren van Mark Martens en van Jacob van Liesveldt (1536) », Tijdschrift voor boek- en bibliothekenwezen, 4, 1906, p. 245-261 ; Auguste Vincent, « L’interrogatoire de Marc Martens et Jacques van Liesveldt », Revue des bibliothèques et archives de Belgique, 7, 1909, p. 40-44.

37 Johan Decavele, « Réforme et Contre-réforme », dans Bruxelles. Croissance d’une capitale, dir. Jean Stengers, Anvers, Mercator, 1979, p. 94-95. Des écrits de Luther circulaient déjà en 1521 à Bruxelles. Jan der Kinderen, l’un des personnages-clés des premiers cercles réformés bruxellois, déclara avoir obtenu ces livres par l’entremise du libraire Hendrik, identifié par Johan Decavele à Hendrik Int Kelderken (« De opkomst van het protestantisme te Brussel », Noordgouw. Cultureel Tijdschrift van de Provincie Antwerpen, 19-20, 1979-1983, p. 91). Quelques années plus tard, en 1527, se déroula un procès retentissant avec une soixantaine d’accusés, dont le peintre de la cour Bernard van Orley, auxquels l’on reprochait notamment la possession de livres hérétiques (Alexandre Galand, The Flemish Primitives : The Bernard van Orley Group, Turnhout, Brepols, 2013, p. 67-70).

38 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 128-129.

39 Sur ce qui suit : Renaud Adam, « “Men and Books under Watch” : the Brussels’ Book Market in the Mid-Sixteenth Century through the Inquisitorial Archives », dans Buying and Selling. The Early Book Trade and the International Marketplace, éd. Shanti Graheli, Leyde, Brill, à paraître.

40 Fernand Willocx, Introduction des décrets du Concile de Trente dans les Pays-Bas et dans la Principauté de Liège, Louvain, Librairie universitaire, 1929, p. 140-148 ; Alphonse Verheyden, Le Conseil des Troubles, Flavion-Florennes, Le Phare, 1981.

41 Bruxelles, Archives générales du Royaume, Conseil des troubles, registre 28.

42 Anne Rouzet, Dictionnaire …, op cit. [note 1], p. 87-88 ; Edmond Roobaert, « Michiel van Hamont… », op cit. [note 1], p. 465-485.

43 Marc Lefèvre, « Libraires belges et relations commerciales avec Christophe Plantin et Jean Moretus », De Gulden Passer, 41, 1963, p. 18.

44 Bruxelles, Archives générales du Royaume, Conseil des troubles, registre 28, fol. 31v. Référence de l’édition : USTC 180624.

45 Edmond Roobaert, « De zestiende-eeuwse Brusselse boekhandelaars… », art. cit. [note 2], p. 47-70.

46 Sur cette période : Olivier Cammaert, « L’iconoclasme sous la République calviniste à Bruxelles », dans Des villes en révolte. Les « Républiques urbaines » aux Pays-Bas et en France pendant la deuxième moitié du xvie siècle, dir. Monique Weis, Turnhout, Brepols, 2010, p. 47-52.

47 Louis Galesloot, « La vente publique, à Bruxelles, du mobilier de la cour et de celui des églises et couvents », Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 14, 1872, p. 307-316.

48 Ce document, non repris dans l’ustc, a récemment fait l’objet d’une publication sous la forme d’un fac-similé : Lectures princières et commerce du livre. La bibliothèque de Charles iii de Croÿ et sa mise en vente, éd. Pierre Delsaerdt, Yann Sordet, Paris, Édition des Cendres, 2017, 2 t.

49 Renaud Adam, Vivre et imprimer…, op. cit. [note 1], I, p. 178-179.

50 Une liste des adresses des libraires de Bruxelles est fournie dans : Anne Rouzet, Dictionnaire …, op. cit. [note 1], p. 274.

51 Bruxelles, Archives de la Ville, Ms. 3413, Liber authenticus sacratissimae utriusque sexus christifidelium confraternitatis septem dolorum beatae Mariae virginis nuncupatae, f. 270v. Sur ce manuscrit et sur cette confrérie, dont l’un des premiers chapitres a vu le jour à Anvers en 1492, voir : Pérégrin-Marie Soulier, La confrérie de Notre-Dame des Sept Douleurs dans les Flandres 1491-1519, Bruxelles, Pères Servites de Marie, [1912] ; The Seven Sorrows Confraternity of Brussels. Drama, Ceremony, and Art Patronage (16th-17th Centuries), éd. Emily S. Thelen, Turnhout, Brepols, 2015.

52 Susie Speakman Sutch, « Jan Pertcheval and the Brussels Leliebroeders (1490-1500). The Model of a Conformist Rhetoricians Chamber ? », dans Conformisten en rebellen. Rederijkerscultuur in de Nederlanden (1400-1650), éd. Bart Ramakers, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2003, p. 95-106.

53 Remco Sleiderink, « Sebastiaan en Swa. De zoektocht naar het cultureel erfgoed vande Brusselse handboogschutters », Madoc. Tijdschrift over de Middeleeuwen, 27, 2013, p. 148-149 ; Alexandre Galand, The Flemish Primitives…, op. cit. [note 37], p. 45-46.

54 USTC 402949.

55 Robert Wellens, « Rutger Velpius, Imprimeur brabançon », Le folklore brabançon, 205, 1975, p. 46.