Diffuser des lettres pour contracter des alliances : la communication des rebelles en Flandre et en Brabant au bas Moyen Âge
Jelle HAEMERS
Université de Louvain – KU Leuven
L’en dit que aucuns des subgiés de Flandres et autres qui y font residence envoient secrettement lettres ou messages en Engleterre, a Calais ou en Zellande devers les Anglois et aussi pourroient faire machinacion au contraire et prejudice du seigneur et de ses bienvueillans, si enquiere et face diligence par touttes manieres que pourra le gouverneur enquerir qui ce sont, qui font telz choses et ceulx qu’on en trouverra coulpables qu’il y pourvoie pour en faire hastivement justice, punicion et execucion et autrement, ainsy que mieulx se pourra faire par conseil1.
En 1387, le nouveau gouverneur du comté de Flandre, le futur comte Guillaume ii de Namur, était bien averti. Dans une longue instruction contenant cette citation, la chancellerie du nouveau comte de Flandre, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et fils du roi de France Jean le Bon, faisait savoir à Guillaume comment il devait gouverner le comté. Entre autres, ce « manuel » informait le futur gouverneur sur la manière de faire face aux éventuelles « rebellions qui pe[u]vent estre au païs2 » parce que la Flandre était bien connue pour ses révoltes et les nombreux conflits qu’elle avait connus par le passé. Non seulement des luttes internes parmi les sujets, mais aussi de fortes tensions entre le comte et les grandes villes de sa seigneurie avaient compliqué la gestion du comté avant 1387. Ainsi, quand Philippe le Hardi devint comte de Flandre en 1384 après le décès de son beau-père Louis de Male, il héritait déjà d’un comté en révolte, parce que la plus grande ville de son nouveau territoire, Gand, venait seulement de finir une longue guerre contre le comte3. C’est dans ce cadre qu’il faut situer cette instruction : elle avertissait le remplaçant du nouveau comte (qui était lui-même à Paris pour s’occuper de la régence du roi de France, son frère Charles VI) sur les « dangers » qu’il pouvait rencontrer quand il gouvernerait le comté. Entre autres, les « menues gens » du comté avaient l’habitude de s’assembler « dedans les bonnes villes », et pouvaient faire alliance avec les Anglais4. En effet, au cours des années précédentes, une coalition entre le roi d’Angleterre et les rebelles gantois avait résisté au pouvoir du comte Louis de Male, et il fallait empêcher cette alliance de renaître. Les rédacteurs des lettres secrètes envoyées à Calais aux mains des Anglais, dans le comté de Zélande, ou de l’autre côté de la Manche, devaient être trouvés « par toutes manières » et punis « hastivement ». Cette instruction mettait donc le doigt sur la plaie. Non seulement les rébellions elles-mêmes, mais aussi (et peut-être surtout) la correspondance clandestine, pouvaient fortement ébranler la position du comte. Un gouverneur averti en valait deux.
Ce passage de l’instruction pour Guillaume ii nous révèle que la lettre était le medium par excellence pour faire des alliances entre les rebelles. La médiatisation des révoltes n’a donc pas attendu les « révolutions » de l’imprimé et de la communication des xve et xvie siècles. Quelques historiens, notamment Wolfgang Behringer, ont défendu l’idée qu’une révolution de la communication avait eu lieu vers 1500, c’est-à-dire à l’époque où les souverains créèrent des systèmes postaux efficaces ressemblant à ceux de la période contemporaine5. Leurs travaux montrent comment Louis xi de France et Maximilien ier de Habsbourg rationalisèrent les moyens de communication médiévaux pour que la correspondance puisse être distribuée plus rapidement. Toutefois, s’il est vrai que les services postaux qui ont vu le jour autour de 1500 ont rendu possible la circulation de l’information à plus grande échelle, les médiévistes ont montré qu’il existait aussi des moyens de communication efficaces avant cette période de « modernisation ». Les cours, la noblesse, les villes… disposaient toutes d’importantes lignes de communication bien établies dès le xiiie siècle, et qui leur permettaient d’envoyer des lettres sur de longues distances et à une vitesse beaucoup grande qu’auparavant6. De plus, la focalisation sur la création des routes postales au xvie siècle présente le risque pour l’historien de sous-estimer les autres moyens de communication dont disposaient les gens du Moyen Âge pour médiatiser leurs conflits. Certains sont bien structurés comme les routes postales, d’autres sont plus informels et liés à des pratiques orales, gestuelles, et même littéraires (théâtre populaire, chansons, prêches, etc.). Le caractère informel et oral de ces médias n’empêchait pas au Moyen Âge les informations de se distribuer à grande échelle et avec une forte intensité7.
Cependant, les médiévistes n’ont pas encore étudié l’usage de l’écrit au « niveau subalterne » des citadins constamment en révolte. Dans ce qui suit, de nombreux exemples montreront que, lorsqu’ils se révoltaient, les sujets urbains, en Flandre et dans le duché voisin du Brabant, entretenaient une communication intense avec d’autres acteurs. Cette communication prenait des formes multiples : les mots, les rituels, les lettres et l’envoi de messagers ou de députés permettaient aux insurgés d’informer leurs compatriotes de leurs prises de position vis-à-vis du prince, ou de faire des alliances avec des citadins de même opinion. Ce n’est donc pas seulement à l’intention des Anglais que les rebelles prenaient la plume pour convaincre du bien-fondé de leur révolte, comme l’a montré Sam Cohn. Dans une synthèse fort inspirante, il montre que, dès la fin du xive siècle, les citadins anglais se servaient régulièrement de l’écrit pour faire de la propagande, mais ignore le fait que sur le continent également, on retrouve des écrits provenant des rebelles urbains. Avec vigueur et raison Sam Cohn s’insurge contre les assertions de quelques modernistes, selon lesquels les rébellions médiévales étaient moins organisées et plus spontanées que celles des temps modernes ; mais les données qu’il a rassemblées sur les révoltes dans les Pays-Bas méridionaux ne sont guère suffisantes pour en tirer des conclusions définitives sur l’usage des médias par les rebelles8. L’étude présentée ici montre donc en premier lieu l’importance de la communication écrite pour la réalisation des actions politiques des rebelles dans les villes comme Gand, Bruges, Bruxelles, Anvers, etc. En deuxième lieu, les exemples traités prouvent que les rebelles flamands et brabançons disposaient de beaucoup de moyens pour diffuser leur message, et qu’on a donc sous-estimé l’ampleur et l’intensité de la « communication subversive » dans l’historiographie traditionnelle sur les révoltes.
Certes, il est difficile de retrouver des « lettres rebelles » dans les archives. Pour des raisons évidentes, un certain nombre de documents fut détruit par les autorités après interception, tandis que l’autocensure des insurgés est sans doute responsable de la perte d’une autre partie de cette correspondance. L’exemple unique, mais significatif de Guillaume Rym, un des leaders de la rébellion gantoise contre l’archiduc Maximilien d’Autriche en 1485, est révélateur à cet égard : après son exécution par les autorités, sa mère fut punie d’emprisonnement parce qu’elle avait brûlé « toutes les instructions, lettres, missives en français et en néerlandais » de son fils9. Mais les mentions sur les pratiques de communication d’informations subversives sont nombreuses dans les chroniques, dans les sentences des juges chargés de la condamnation des rebelles et dans les ordonnances urbaines et princières qui tentaient de mettre fin à ces pratiques – l’instruction citée de 1387 en est un bel exemple. Notre étude se focalise sur le bas Moyen Âge (xive-xve siècles), parce que la majorité des révoltes flamandes et brabançonnes eut lieu à cette période, mais elle mentionne aussi quelques exemples antérieurs et postérieurs pour mettre en évidence la continuité du phénomène. Au lieu de montrer l’unicité d’une révolte déterminée ou de chercher la « première lettre » attestée des rebelles flamands ou brabançons, j’ai choisi de montrer que la communication entre les insurgés était un élément structurel de la révolte, dont les modalités variaient selon les objectifs des rebelles et les moyens à leur disposition. Trois points sont développés en détail : 1) la communication orale des rebelles, indispensable pour le déroulement de leur action collective ; 2) le rôle important que jouaient les exilés dans l’échange de l’information subversive ; 3) le poids de la communication écrite, bien attesté dans les Pays-Bas méridionaux dès le début du xive siècle. En développant ces trois aspects, j’aborderai les alliances entre les rebelles qui en résultaient. À plusieurs reprises, les villes de Flandre, du Brabant, ainsi que les seigneuries voisines de Malines et de Liège formèrent des coalitions, parfois scellées par des traités écrits, et qui parfois débouchèrent sur de véritables guerres contre leurs seigneurs respectifs. Évidemment, ces ligues ou alliances faites par les sujets devenaient de plus en plus dangereuses quand elles dépassaient les bornes du pays. L’instruction de 1387 citée plus haut montre déjà que les autorités réalisaient bien l’impact dangereux que pouvait avoir la communication entre les rebelles.
LA PAROLE
En juillet 1429, onze habitants de la ville d’Ypres furent punis par les autorités civiles pour leur participation à la révolte des tisserands qui s’était produite dans les derniers jours de l’année précédente. Parmi les insurgés jugés coupables de l’instigation des troubles, figurait un certain Lammin Fabriel qui fut banni du comté de Flandre pour une période de cinquante ans. Un rapport rédigé par les échevins de Tournai, la ville où il s’était réfugié après la révolte, nous en donne la raison. On peut y lire qu’il fut puni parce qu’il « avoit fait le canchon vituperable contre ceulx de la loy d’Ippre qui commenche “Ypre qhi waert een zoet prayel”, etc., et lequelle canchon le femme dudit Karle porta de Tournay à Ypre10 ». Malheureusement, les échevins ne reproduisirent pas le texte de cette chanson honteuse, pour des raisons évidentes, mais le titre « Ypres, vous étiez un jardin d’agrément », laisse présumer que le chanteur avait reproché aux autorités urbaines de n’avoir pas tenté de stopper le déclin économique de la ville. En effet, la détérioration de l’industrie drapière de la ville d’Ypres est bien attestée dans l’historiographie et en 1428, les tisserands protestèrent probablement contre la politique des échevins, jugée responsable de l’aggravation de la situation économique. Ils s’inspiraient de leurs collègues de Tournai où, cette année-là, les gens de métiers s’étaient également révoltés. Quoi qu’il en soit, il est clair que la chanson citée était utilisée comme instrument de mobilisation, « portée » de surcroît d’une ville rebelle à une autre. Marie, l’épouse d’un autre révolté condamné (Charles de Koyeghem), comme nous l’apprend un autre rapport contemporain de cette révolte11, l’avait chantée dans la ville, et le fait que sa sentence mentionne que la chanson avait été transférée de Tournai à Ypres, semble indiquer que Marie avait aussi une version écrite avec elle quand elle s’était déplacée. Dans cette optique, la distinction souvent faite entre la transmission de l’information par la voie écrite d’une part et celle transitant par la voie orale de l’autre devient très mince. Quoi qu’il en soit, la mention de couples chantants se retrouve dans des sources du xvie siècle ; on peut donc présumer que les deux époux yprois qui « portaient » une chanson de Tournai à leur ville natale en 1428 étaient eux-aussi des chantres qui distribuaient des nouvelles dans la société – au contenu nettement subversif cette fois-ci12.
Une autre mesure prise par les autorités urbaines pendant « l’année révolutionnaire » de 1428, cette fois à Lille, montre que les échevins lillois redoutaient fortement ces expressions concrètes de la communication orale des rebelles. En juillet de cette année, en pleine révolte tournaisienne, une ordonnance urbaine interdisait aux habitants de la ville de mettre en scène des pièces de théâtre. De plus, aucune assemblée faite « les uns contre les autres par reverie » n’était permise ; le tumulte ne serait donc pas toléré13. Bien que la ville de Lille n’eût pas vraiment connu soulèvement majeur par le passé, cette ordonnance montre que ses autorités craignaient quand même le pire à l’été 1428. L’insurrection des gens de métiers à Tournai n’inspirait donc pas seulement leurs voisins yprois, puisque l’on peut présumer qu’à Lille aussi, les manouvriers commençaient à se mobiliser. Quoi qu’il en soit, le théâtre et les « jeux de personnages » visés étaient clairement considérés comme des vecteurs de l’information secrète ou subversive, des médias que les autorités civiles devaient donc contrôler étroitement. Les révoltes commencées par des incidents survenus pendant la mise en scène des pièces de théâtre, le déroulement de processions ou de manifestations publiques similaires étaient nombreuses dans l’espace flamand et artésien ; la mesure prise par les autorités lilloises est par conséquent facile à comprendre de leur point de vue14.
Les rumeurs, quant à elles, faisaient aussi de l’information – vraie ou fausse – des motifs de révolte au sein d’une population sous tension. Les histoires qui rapportaient des événements survenus dans d’autres villes en révolte ou même des récits imaginaires sur ce qui se passait ailleurs avaient le pouvoir d’enflammer les passions. À Ypres, un rapport d’une commission instituée à la fin de l’année de 1477 pour l’interrogation des témoins des tumultes du printemps, révèle l’importance de la communication orale pour la mobilisation des rebelles. Un des témoins appelés, le drapier Jean van Houtte, confiait aux enquêteurs qu’il avait entendu qu’un rebelle (nommé François Rikewaert) avait dit dans la chambre des échevins, après qu’elle fût prise par les insurgés : « Nous voulons avoir le bâton en main comme ceux de Gand et de Bruges font15 ». En effet, les corporations de métiers gantois et brugeois avaient déjà occupé le marché central de leur ville respective et emprisonné quelques fonctionnaires publics pendant que les manouvriers yprois commençaient seulement à se mobiliser. Selon notre témoin, les histoires racontées sur la violence employée dans les autres villes flamandes inspiraient donc les Yprois et les poussaient à prendre les armes (ou mieux encore, les bâtons) pour se battre contre leurs gouverneurs. Un autre témoin nous informe que des pourparlers avaient effectivement eu lieu entre un des chef-doyens gantois et un représentant des rebelles yprois à Gand sur le remplacement éventuel des échevins d’Ypres, changement qui est ensuite devenu réalité16. Une telle mention montre l’existence de réseaux de communication orale entre les villes, nourris par l’information que diffusaient les rebelles traversant le pays ou par la transmission de lettres. Ces paroles et récits étaient ensuite rapportés dans les rues étroites et les établissements obscurs de la ville médiévale, apportant la preuve de la riche culture de l’oralité qui y régnait17.
Les propos subversifs et même les histoires – ou légendes – sur la réputation révolutionnaire d’une ville pouvaient aisément passer les frontières des principautés. Ainsi en 1434, des tumultes à Gand (en Flandre) inspirèrent Hennen van der Delft, un manouvrier de Bruxelles (en Brabant), et le poussèrent à crier de « grands, mauvais et horribles mots » à ses propres échevins en disant qu’« il serait mieux qu’on ferait à Bruxelles comme à Gand, et qu’il serait mieux si les hommes [les échevins] auraient dans leurs bières18 ». Plus célèbre encore est le cri populaire « Gand ! » qu’on pouvait entendre en France pendant la Grande Jacquerie, en1358. Son meneur, Etienne Marcel, était bien informé de l’histoire gantoise et en particulier de la victoire que le Gantois Jacques d’Artevelde avait remportée sur les échevins de sa ville natale vingt ans plus tôt. En 1382 encore, des agitateurs à Paris, Rouen et Amiens criaient « Vive Gand ! » pendant leur révolte contre les autorités urbaines, en référence à l’aura mythique de la plus grande ville flamande19. À Paris, un religieux de Saint-Denis rapportait de la sorte les événements : en 1382, « presque tout le peuple de France s’était soulevé et était agité d’une grande fureur et, comme le rapporte la rumeur publique, il était excité par des messagers des Flamands, eux-mêmes travaillés par la peste d’une rébellion semblable, et stimulés aussi par l’exemple des Anglais20 ».
Au xvie siècle également, les actions collectives des gens de métiers gantois en encourageaient d’autres. En 1578, quand une république dite calviniste fut fondée à Arras, on put entendre les cris insurrectionnels « À Gand ! À Gand ! » résonner dans la ville. Dans la capitale de l’Artois, les insurgés mêlaient leur sympathie pour la religion protestante au soutien à la cause gantoise. Les propos les plus exaltés étaient tenus par un aubergiste douaisien qui, en sortant de sa maison, aurait crié (selon un rapport de ses juges rédigé après une révolte violente dans cette ville flamande) : « Mort Dieu ou mort bieu, ilz nous fault ce jour vivre ou morir pour les Gantois21 ». Sans doute des messagers avaient-ils informé les habitants de Douai et d’Arras des événements, mais il est certain que les histoires racontées sur le passé mobilisaient aussi les citoyens. Un récit sur cette révolte arrageoise nous informe par exemple des histoires racontées dans la ville sur la débâcle de 1477, quand le roi de France Louis xi envahit la ville et la fit démolir après avoir brisé la résistance militaire de ses habitants. Presqu’un siècle plus tard, comme le notait leur concitoyen Pontus Payen dans ses mémoires, « meismes les vielles femmes scavent encoires à parler de ce roy, qui at esté de son temps le plus cruel et malicieux que prince chrestien quy ayt régné depuis deux cens ans, le nommant le roy bossu, et en font de beaux longs contes qu’ils ont apprins de leurs devanchiers à leurs enffans, affin de leur faire sucher avecq le laict une haine irréconciliable contre la nation franchoise22 ». Les rumeurs, les récits et les mémoires servaient donc à la diffusion des informations (vraies et déformées) pour inspirer les rebelles qui avaient déjà l’intention de se mettre en mouvement. Les mots passaient les frontières géographiques, mais ensuite aussi les barrières du temps23.
LAMOBILITÉ
Devenu le moyen le plus commode pour calmer les esprits et se débarrasser des têtes brûlées de la révolte, l’exil aidait l’échevinage à maîtriser la ville après les troubles. Mais la réunion des exilés dans une autre principauté, leur retour illégal ou l’arrivée des personae non gratae d’autres villes pouvaient réduire les chances de l’apaisement. Nombreux sont les exemples d’exilés à qui l’on refusa de s’installer ailleurs après qu’ils eurent quitté leur ville natale. On peut retrouver dans les sources des signes qui montrent qu’au milieu du xiiie siècle déjà, des gens de métiers réfugiés s’alliaient contre leurs patrons pendant leur période d’exil. En 1242, les échevins de Malines et d’Anvers s’accordèrent sur le fait que les foulons et les tisserands devenus indésirables dans cette dernière ville ne seraient pas admis à Malines. Sept ans plus tard, les deux villes reconfirmèrent cet accord par la promulgation d’une charte qui interdisait à « ceux qui ont machiné contre les libertés » de venir se fixer dans l’une des deux cités24. Durant ces années, d’importantes grèves des ouvriers du textile se produisirent dans les grandes villes flamandes, brabançonnes et liégeoises contre les chefs des corps de métiers qui étaient étroitement liés aux grandes familles enrichies par le commerce. Attentifs aux problèmes sociaux qui pourraient nuire à leur négoce, ces derniers n’hésitèrent pas à former une grande ligue des villes drapières qui interdit en 1249 l’embauche des tisserands révoltés. L’accord patronal entre Malines et Anvers était donc élargi, et ne comprendrait pas moins de dix villes à la fin ; il fut suivi par des accords du même genre en 1274 et à plusieurs reprises au cours du xive siècle25. À Malines encore, les maîtres foulons promettaient aux échevins en 1361 de ne pas employer dans leur corporation de foulons exilés. Du reste, la lettre officielle qu’ils remettaient en mains propres aux échevins promettait qu’aucun foulon « qui venait d’hors de Malines, ne pouvait prendre une arme avec lui, ni lui en sera donné une26 ». Bref, il semble donc que les manouvriers des différents lieux de révolte aient souvent cherché protection auprès de leurs collègues d’autres villes pendant leur exil.
La présence des exilés ou des réfugiés pouvait bien sûr accroître les tensions existantes. En 1348, des tisserands réfugiés d’Ypres et de Courtrai agitaient leurs collègues gantois en conflit avec leur comte27. Une décennie plus tard, les gens de métiers brugeois et gantois « parlementaient » ensemble alors qu’ils avaient pris les armes contre leurs échevins respectifs28. Ces concertations aboutirent à un mouvement de contestation général en 1360 dans les villes flamandes et brabançonnes, confrontées au même moment aux revendications des gens de métiers en général et notamment des tisserands. À Gand, Bruges, Ypres et Louvain, les tisserands réussirent à obtenir des droits de participation politique et le droit de se réunir sans l’accord préalable des gouverneurs urbains – à Bruxelles, un tumulte similaire se solda par un échec29. Peut-être la présence de Flamands parmi les insurgés florentins en 1378, quand les Ciompi s’armèrent contre les magnats de leur ville, est-elle aussi une expression de cette solidarité ouvrière, à plus longue distance30. Certes, dans ce dernier cas, les Flamands n’ont pas organisé la révolte florentine, mais on peut envisager qu’ils inspirèrent leurs collègues italiens avec des idées ou des récits sur des révoltes réussies en Flandre. Autre fait remarquable de ce genre : en 1495, Juan de Escalante, un marchand cantabrique de Laredo qui avait résidé longtemps à Bruges, menait la révolte des métiers contre les « grands » de sa ville31. Les habitants de Laredo avaient des motifs particuliers de mécontentement à l’égard des autorités urbaines, et le soulèvement général survenu dans la Cantabrie les avait encouragés à se révolter, soit ; mais est-il trop imprudent de suggérer que Juan de Escalante ait pu rapporter en Cantabrie des histoires sur la grande révolte brugeoise terminée en 1490 ? Quoi qu’il en soit, le fait que Giovanni Villani, le grand chroniqueur florentin, rapporta minutieusement les événements des troubles flamands de 1302 à ses concitoyens, montre que les récits liés aux révoltes pouvaient circuler sur de grandes distances32. Dernier exemple : Bart Lambert et Milan Pajic ont montré que beaucoup d’exilés flamands et brabançons ont émigré vers la côte orientale de l’Angleterre (à Colchester par exemple) après leur confrontation au pouvoir dans les années 135033. Doit-on établir un lien entre la présence de ces bannis et la révolte anglaise de 1381 ? Nicholas Brooks a remarqué qu’elle fut très bien organisée dans cette région34, mais l’état des sources ne permettra jamais de vérifier dans quelle mesure les récits transmis par les exilés flamands ou leurs descendants ont pu inspirer leurs concitoyens anglais.
Les enquêtes menées par le roi de France après une autre grande révolte flamande, celle des paysans et des villes de la côte dans les années 123-1328, nous donnent plus d’informations concrètes sur le rôle des exilés dans son organisation, mais aussi sur la mobilité des rebelles en général. La confession d’un brugeois anonyme, apparemment un des meneurs de la révolte, montre que les contacts entre des gantois exilés et les brugeois étaient réguliers. Dans le rapport français contenant son témoignage, il avouait que deux « baniis de Gant » l’avaient informé qu’il y « avoit mout de l’argent des banniis de Gant pour eaux aidier35 ». Par ailleurs, un de ces bannis (Laurent de Jonchere) avait fourni à notre témoin brugeois neuf « malges de Florenche » (un type d’arme) par un intermédiaire, chapelain de l’église de Saint-Donatien de Bruges (Liévin Utenbroucke). Ce réseau clandestin semble avoir été plus étendu encore, parce que le Brugeois confessait que le chapelain s’était déplacé vers Lille pendant la révolte pour s’y entretenir avec d’autres rebelles et, toujours selon notre témoin anonyme, les meneurs des rebelles avaient « deux secrees amiis en chacune paroche de Flandres ». Il donne l’exemple d’un des habitants de la petite ville de Grammont qui « avoit parlé à aucuns de ses amiis de Audenaerde » pour envahir la dernière place avec des troupes36. Un autre témoignage, cette fois de Brugeois connus par leur nom (Gilles de Winghene et Guidon de Hertsberghe), confirme cette mobilité remarquable en révélant que tous deux avaient été en Ardenbourg pour participer à une coalition armée avec les habitants de ce village portuaire situé au nord de Bruges. Un autre témoin attachait beaucoup d’importance à cette mobilité pour garantir le succès de la révolte : Lamsin de Lene dit qu’il « venoit en le parroche de Ysendike sour l’âtre prêchier, et prêçoit às gens communalment k’il se tenroient bien et fort aveuc le ville de Bruges encontre le roy de France37 ». Bien sûr, ces procédés correspondaient aux pratiques habituelles utilisées à l’époque pour la mobilisation d’une armée, comme l’avait fait la ville de Bruges pendant cette révolte pour vaincre (en vain) les troupes du roi Philippe iv. L’interrogatoire du bourgmestre brugeois, Guillaume De Deken, exécuté à Paris en décembre 1328, révèle par exemple que lui aussi avait voyagé autour de Bruges pour mobiliser des troupes et qu’il avait envoyé des lettres à Ypres pour s’assurer de son soutien militaire. D’ailleurs, la commission interrogatoire du roi de France le considérait coupable d’avoir mis en place une coalition contre le pouvoir royal. Mais Guillaume répliquait à cette accusation qu’il « ne scet que les Flamenz envoiassent onques en Engleterre pour faire aliances38 ». Malgré cette dénégation, le fait que le roi anglais avait déclaré son soutien à la cause flamande, et que le Gantois Jacques d’Artevelde séjourna quelques années plus tard à la cour de Londres pour participer à une grande alliance contre le roi de France, montre que la mobilité des insurgés pouvait aboutir à la formation d’une grande coalition internationale, plongeant la France dans une « Guerre de Cent Ans39 ».
À une échelle plus modeste, on peut aisément identifier une sorte de modèle de communication des villes en révolte. Une fois que des rebelles étaient parvenus à conquérir le pouvoir dans une cité, ils commençaient à envoyer des messagers ou une délégation vers d’autres villes afin de les convaincre de joindre la résistance. Le cas suivant est, sur ce point, tout à fait exemplaire. En mai 1380, les gens de métiers gantois, après avoir chassé leurs adversaires de la ville, envoyèrent une délégation à Ypres pour tenir une grande réunion dans l’église de Saint-Martin (la plus grande église paroissiale de la ville). À cette occasion, les Gantois demandèrent aux Yprois assemblés de les soutenir dans leur lutte militaire contre le comte et le roi de France. Après quoi, l’audience répondit d’un ton assuré, selon le chroniqueur Olivier de Dixmude, « Oui, certes ». Le chroniqueur nous informe aussi du fait qu’un plus petit groupe, qui exprimait une opinion différente, fut chassé de la ville40. De ce point de vue, il est clair que dans une telle situation, l’accès à l’information était une question-clé pour les autorités afin d’éviter une alliance révolutionnaire. Les villes restées loyales au comte envoyaient donc fréquemment des messagers vers les cités agitées pour s’informer de la situation. Par exemple, en avril1324, des envoyés de Bruxelles, Tournai, Saint-Omer et Malines voyagèrent vers Ypres « pour les nouveles des esmeutes et conspirations commenciés à Ypre41 ». Pareillement, au printemps 1477, la ville de Louvain envoya un délégué vers Bruxelles, où les gens de métiers commençaient à s’armer après la défaite du duc Charles à la bataille de Nancy pour « apprendre secrètement comment on a installé un connétable et ce que l’on fait là-bas ». Quelques mois plus tard, une fois la révolte étendue à Louvain, des habitants de cette ville se déplacèrent vers la ville voisine de Tirlemont. Une vaste chaîne de communication se forma ainsi entre les villes brabançonnes en 1477, enflammant le Brabant tout entier42. Certes, la menace pour les autorités urbaines devenait plus concrète et surtout plus effrayante lorsque des troupes d’une ville voisine étaient envoyées vers leur ville. À Bruges, les bourgmestres et fonctionnaires comtaux avaient grand mal à empêcher que les corporations de métiers ne prennent contact avec les troupes gantoises qui s’étaient installées devant leurs portes en mai 1452. En 1302 et en 1436, par contre, les troupes brugeoises ne purent entrer à Gand malgré un effort effréné pour pousser leurs compatriotes à la solidarité interurbaine43. Pour tenir leur ville sous contrôle, les autorités devaient empêcher tout contact entre leurs propres habitants et les rebelles, mais le succès n’était pas toujours garanti – le cas yprois de 1380 le montre bien. En 1452 par contre, les troupes gantoises quittèrent la plaine devant Bruges avec désillusion : « Gand et ami ! », crièrent les Gantois avant de retourner vers leur ville, mais à ce moment, leurs amis étaient difficilement trouvables44…
LES LETTRES
La lettre était le medium par excellence pour nouer de telles alliances. Comme indiqué en introduction, les rebelles n’ont pas attendu une « révolution de la communication » pour répandre le feu révolutionnaire par l’écrit. Une des plus anciennes lettres dont nous disposons est celle qu’ont reçue les tisserands et foulons de Saint-Omer de la part de Pierre le Roi (Pieter de Coninc), le tisserand brugeois qui avait pris la direction de la révolte de mai 1302 dans sa ville natale contre le patriciat urbain. L’affrontement déboucha sur la bataille de Courtrai du 11 juillet 1302, qui vit la défaite des troupes françaises venues soutenir l’élite brugeoise. Dès lors, Pierre le Roi devint le symbole, pour ses contemporains, de la prise du pouvoir par les métiers brugeois45. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la lettre envoyée au printemps 1306 par le héros brugeois aux maîtres des métiers des tisserands et des foulons audomarois pendant leur révolte contre les autorités urbaines. Nous disposons encore d’une traduction de ce document remarquable parce qu’il fut intercepté par les échevins de Saint-Omer puis traduit par ces derniers lors d’un procès intenté contre les leaders de la rébellion, quelques mois après les événements. L’original en néerlandais a disparu, mais le rapport cité nous informe non seulement de son contenu mais aussi de l’usage qu’en firent les différentes parties. Sitôt reçue, les gens de métiers diffusèrent la lettre, sans en informer les échevins, qui en avaient néanmoins entendu parler. Ces derniers demandèrent finalement aux maîtres des métiers d’apporter la lettre à l’hôtel de ville, où elle fut traduite du flamand au français ; c’est cette version française qui figure ci-dessous, issue d’un rouleau de plus de onze mètres datant de 1306, et dans lequel on peut trouver le procès fait par les échevins de Saint-Omer contre les gens de métiers de leur ville pour les punir de leur rébellion46. Dans la lettre, Pierre le Roi invitait ses « kiers amis » à faire alliance avec les autres corps de métiers de Saint-Omer, parce que, ainsi qu’il l’écrivait, « a tout tel demenement et a tele frairie si sauvai jou le vile de Bruges ». Les autorités audomaroises répondirent à cette tentative remarquable d’établir une correspondance entre gens de métiers par l’emprisonnement du valet qui avait apporté la lettre de Bruges et l’organisation d’une grande cérémonie devant l’abbaye Saint-Bertin dans laquelle la totalité de la commune audomaroise fit serment de ne pas s’allier aux Flamands. Néanmoins, les échevins ne purent empêcher qu’une grande alliance émergeât entre les différentes corporations de leur propre ville. Certes, les lettres envoyées par les rebelles audomarois vers d’autres villes artésiennes échouèrent à lancer une grande alliance interurbaine47, mais la révolte déboucha néanmoins sur de grands changements institutionnels qui accordèrent aux métiers une meilleure participation politique à la gestion administrative de la ville.
Le maintien de bonnes relations avec les corps de métiers des villes voisines au moyen d’une correspondance clandestine semble être une constante dans les révoltes des gens de métiers des Pays-Bas méridionaux et ailleurs. L’alliance politique que les compagnons des cordonniers de Strasbourg conclurent au cours de l’année 1407 avec leurs collègues de près de quarante villes du Rhin Supérieur (Haguenau, Bâle, etc.) en est un bel exemple. L’étude réalisée par Monique Debus Kehr a montré que les compagnons se sont surtout servis de la plume pour former cette alliance48. Cependant, par peur de la répression, beaucoup de ces lettres ont été détruites après réception. C’est ce qu’on observe aussi dans le cas des alliances de même nature dans les Pays-Bas méridionaux, mais il reste néanmoins quelques traces d’une telle correspondance dans les sources. Dans le registre des délibérations du conseil de la ville de Tournai, on trouve des mentions sur le paiement par les doyens des métiers pendant leur révolte de 1423 pour des messagers qui ont porté des lettres « des doyens et soubzdoyens des mestiers d’icelle dite ville, l’un à Bruges, Yppre, Courtray et Lille ». Les registres indiquent que dans ces lettres, les gens de métiers informaient leurs collègues qu’ils s’étaient assemblés en armes49. Apparemment, le contenu de quelques-unes avait été discuté en public pendant les assemblées du commun peuple au grand marché de la ville50.
C’est une pratique remarquable que l’on retrouve ailleurs également. Pendant la révolte gantoise de 1451, en public aussi, les gens de métiers composaient à plusieurs reprises des lettres sur le marché qu’ils avaient occupé. Leur rédaction pouvait susciter de fortes résistances de la part des plus radicaux lorsque le contenu ne les satisfaisait pas : ce fut ainsi le cas quand, en novembre 1451, les gouverneurs des métiers envoyèrent une lettre au comte pour négocier les termes d’un traité de paix éventuel51. C’est à Tournai qu’on retrouve la plus ancienne mention d’une telle correspondance clandestine des gens de métiers. En juillet 1302, une semaine avant la bataille de Courtrai, il fut question de lettres secrètes rédigées par les tisserands tournaisiens, qui s’étaient même fait confectionner un sceau, contre la volonté des autorités urbaines. Les sentences prononcées et enregistrées par celles-ci après qu’elles découvrirent ces documents, mentionnent que les artisans de la draperie (et même leurs femmes) avaient porté ces lettres à leurs confrères lillois et gantois pour trouver de l’aide dans leur lutte pour être reconnus comme corps de métier dans leur ville. Manifestement, les gens de métiers des grandes villes tardomédiévales se servaient des mêmes matériaux avec lesquels les élites essayaient de les gouverner : la plume, les sceaux, et le mot écrit52.
La punition des mutins touchait également les acteurs de l’écriture liée à la révolte : à Ypres en 1477, la répression du soulèvement des gens de métiers contre les gouverneurs urbains inclut, entre autres, la punition d’un homme qualifié de « secrétaire des meutins » dans la liste des rebelles composée par les autorités après la révolte. Celle-ci mentionnait les sanctions infligées et le clerc en question, Maylin de Vos, avait été condamné à payer une amende parce qu’il avait mis « par escript ce qu’ilz [les rebelles] mectoient avant53 ». Le pauvre homme ne fut pas puni sévèrement car il ne faisait que mettre la volonté des autres par écrit, même s’il est évident que c’était, pour les rebelles, un moyen important de médiatisation de la révolte. Le sort de ce pauvre clerc se rapproche de celui de Jacquemar Tonneau après l’émeute de 1413 qui se déroula à Avesnes-sur-Helpe, ville modeste dans la principauté voisine du Hainaut (aujourd’hui en France). La liste des rebelles à punir, composée par les autorités après les événements, décrivait Jacquemar comme la « mémoire » de la révolte parce qu’il avait envoyé des lettres et rédigé des documents pour les chefs du mouvement : « Ledit Jaquemar est celui qui plus scet de toutes les dictes mauvoistiez, car il estoit de touz et faisoit leurs escriptures54 ». Pendant la répression des tumultes, les autorités s’en prenaient donc parfois aux « pianistes », c’est-à-dire les auteurs matériels des « écrits rebelles », bien qu’il n’est pas sûr que les clercs aient vraiment joué un rôle de premier plan au moment du soulèvement.
Instrument de propagande, la correspondance subversive avait un but précis : acquérir des soutiens, mais aussi délégitimer les arguments de l’adversaire. La lettre envoyée par les rebelles gantois aux habitants de Dordrecht en avril 1452 ne laissait aucun doute. Dans leur exposé, les auteurs expliquaient aux Hollandais qu’il fallait faire une alliance « fraternelle et fidèle » contre le duc de Bourgogne (en même temps comte de Flandre et de Hollande) qui, d’après l’argumentation gantoise, voulait imposer ses sujets injustement et avait empêché le cours de la justice dans ses pays55. L’offensive de séduction échoua parce que les villes hollandaises apportèrent leur soutien au comte avec des prêts financiers pour mobiliser une armée contre les Gantois, mais l’histoire apprit aux protagonistes qu’un scénario inversé pouvait aussi se dérouler. Lors d’une autre grande révolte des Gantois contre leur comte, en 1379-1382, on vit les Liégeois, à leur tour, écrire des lettres à Gand pour leur dire combien ils estimaient juste la cause pour laquelle ils combattaient. En outre, ils ravitaillèrent la ville flamande en lui faisant parvenir des centaines de sacs de blé et de farine56. De telles initiatives pouvaient aboutir à la formation de grandes alliances entre différentes villes et de ligues urbaines qui réunissaient armes et ressources pour résister en masse contre le seigneur.
Pour les souverains, un tel scénario était bien sûr à éviter, et c’est la raison pour laquelle ils mettaient tout en œuvre pour empêcher la communication entre les différents foyers de résistance et isoler les rebelles quand cela était nécessaire. Par exemple, en août 1490, Maximilien de Habsbourg envoya une lettre au magistrat d’Ypres pour interdire « aucune communication ou assemblee avec lesdits de Gand et de Bruges », parce que ces deux villes s’étaient alliées contre lui57. À ce moment, Maximilien se voyait confronté à une alliance militaire des deux principales villes flamandes, qui avaient rejoint les rebelles brabançons à Bruxelles et à Louvain sous la direction d’un noble, son ancien lieutenant-général Philippe de Clèves. Comme le prouve une étude détaillée, la campagne militaire de celui-ci contre Maximilien fut accompagnée d’une correspondance intense entre les protagonistes, que leur adversaire pouvait à peine contrôler58. L’existence, antérieure à cette révolte, d’un système de communication sophistiqué entre les villes des Pays-Bas méridionaux, a donc certainement facilité leur mobilisation pendant les troubles. C’est-à-dire qu’en période de paix, les députés des villes se rencontraient régulièrement lors des réunions de leurs représentants, et leurs magistrats correspondaient presque journellement au moyen de messagers59. Une fois que les rebelles réussissaient à mettre la main sur ces réseaux de communication, ils disposaient d’un instrument efficace pour leur mobilisation et leur propagande.
Bien sûr, des évolutions techniques et des changements d’échelle ont amplifié les moyens de communication au début des temps modernes, mais les médias dont disposaient les sujets médiévaux en général, et les rebelles en particulier, étaient déjà multiples : la lettre, le déplacement physique (des exilés et des réfugiés), les gestes et la parole, mais aussi les chansons ainsi que des pièces de théâtre, vraisemblablement, ont été utilisés par les rebelles pour répandre leurs idées auprès des « frères » et « amis » des autres villes. Le recours à ces moyens peut expliquer la facilité avec laquelle les idées subversives se sont répandues, la mobilisation des gens de métiers, et finalement l’apparition de « vagues révolutionnaires » dans les Pays-Bas méridionaux. Depuis longtemps déjà, les médiévistes ont analysé des révoltes à grande échelle survenues en différents lieux (comme celles évoquées dans cet article : 1302-1306, 1358-1360, 1378-1382, etc.) ; la médiatisation des conflits par les principaux acteurs peut expliquer la simultanéité des soulèvements. Bien entendu, les raisons pour lesquelles des sujets se révoltaient étaient bien réelles, dans la mesure où ils s’insurgeaient contre leur seigneur ou leurs échevins pour des raisons locales. Mais l’étincelle qui se transformait en feu révolutionnaire venait souvent d’ailleurs. La communication orale et écrite permettait aux rebelles de médiatiser leurs conflits avec les autorités urbaines qui, elles-mêmes, utilisaient les réseaux de communication existants pour se mobiliser contre leur seigneur lorsque les circonstances l’imposaient. Les alliances se faisaient donc par la communication, élément essentiel de la révolte. L’inquiétude exprimée par le nouveau comte de Flandre en 1387 peut donc être considérée comme un souci permanent des puissants dans l’histoire.
ANNEXE:
Fragment du rapport sur les événements parvenus à Saint-Omer au printemps de 1306, décrivant la réception et le contenu de la lettre envoyée par Pierre le Roi aux corporations des métiers audomarois60.
Item, Pieres li Rois de Bruges envoia un valet atout une letre as maistres des mestiers de tisserans et des foulons. Lequele letre il ouvrirent et lurent sans parler a eskevins et as xii jurés por le commun. Eskevins et les xii entendirent du mesage et des letres, il asanlerent a le hale et manderent les maistres pour savoir quel letres il avoient rechut, car il estoient mout a mal aise. Et li maistre i vinrent avoec les devant noumés et pluseur d’autres. Eskevin lor demanderent quel mesage et quel letres il avoient eu de Bruges. Et il disent : « Veschi une letre que Pieres li Rois nous a envoié », et les monstrerent toutes ouvertes ensi k’il les avoient ouvert. On leur dist : « Signeurs, nous nous mervellons mout des letres que vous avés rechut et ouvert sans le seu de nous, et que ch’est a dire qu’il vous envoie ore letres ». Il respondirent : « Pourcoi ne les peust il envoier, il n’i a fors amisteit, et les letres furent envoiés a nous ». Et on leur dist : « Signeur, nous ameriemes mieus k’il n’i eust nules envoiés, car il ont estei contraire au roi et au roiaume ». On prist les letres et les fist on transcrire et translater de Flament en Franchois, dont la teneur s’ensieut :
Nous, Pieres li Rois, chevaliers, amés espesiaus et kiers amis, les capitains des mestiers des tisserans et des foulons en Saint-Omer, et apres a tous cheus qui leur amis sont, salut et loial amistei a tout che que je poroie parfurnir. Chier ami, j’ai entendu ke vous contraire avés dedens vo vile et division. Vos anuis me seroit les pourcoi que je vous pri, sour droite fois, que a vous traiés tous les petis mestiers et leure fachiés hounor et les tenés pour vos freres. Ensi ne vous pora nus nuire. Et a tout tel demenement et a tele frairie si sauvai jou le vile de Bruges. Et est il ensi que vous aucune cose desirés a mi, si le faites savoir par le mesage qui ceste letre aporte, je voel a vous estre a parellies a tout chou que je puis parfurnir, et vous pri que vous ceste mesage rechevés a tel sanblanche que vous vauriés que je le vo recheuse, kier freire. Et je entench que vous parures faites et vous pri que vous a mi et men vallet envoiés de le parure por men argent et pour l’ouneur de vous. Et Dieus soit avoekes vous.
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1 Bert Verwerft, « Een blauwdruk van het Bourgondische beleid in het graafschap Vlaanderen : de regentschapsinstructie van 1387 », Bulletin de la Commission royale d,Histoire, 177, 2011, p. 43.
2 Ibidem, p. 39.
3 Pour le contexte, voir Richard Vaughan, Philip the Bold. The formation of the Burgundian State, Londres, Longmans, 1962, p. 39-58 ; Wim Blockmans et Walter Prevenier, The promised lands. The Low Countries under Burgundian rule, 1369-1530, Philadelphia, UPP, 1999. Sur la tradition des révoltes urbaines en Flandre : Jan Dumolyn et Jelle Haemers, « Patterns of Urban Rebellion in Medieval Flanders », Journal of Medieval History, 31-4, 2005, p. 369-393.
4 « Pour eschever les rebellions qui souvent adviennent au pays, le gouverneur se doit prendre garde des menues gens qui sont assemblees dedans les bonnes villes et que ceulx qui en sont acteurs en soient mis hors ou que, selon sa discrecion, y soit autrement pourveu par conseil des officiers du seigneur et de ses bienvueillans gentilz hommes et autres » (B. Verwerft, « Een blauwdruk… », art. cit., p. 42). Sur « l’anglophilie » des Flamands à cette époque : Marc Haegeman, De anglofilie in het graafschap Vlaanderen tussen 1379 en 1435. Politieke en economische aspecten, Courtrai, UGA, 1988.
5 Wolfgang Behringer, « Communications Revolutions : a Historiographical Concept », German History, 24-3, 2006, p. 333-374 ; Hamish Scott, « Travel and Communication », dans Oxford Handbook of Early Modern European History, 1350-1750, éd. Hamish Scott, Oxford, OUP, 2015, t. I, p. 165-166.
6 Pour les Pays-Bas et l’Empire : Jean-Marie Cauchies, « Messageries et messagers en Hainaut au xve siècle », Le Moyen Âge, 82, 1976, p. 89-123 et 301-341 ; Pierre Monnet, « Courriers et messages : un réseau urbain de communication dans les pays d’Empire à la fin du Moyen Âge », dans Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, éd. Claire Boudreau, Kouky Fianu, Claude Gauvard, Michel Hébert, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 281-306 ; Hannes Lowagie, Met brieven an de wet. Stedelijk briefverkeer in het laatmiddeleeuwse graafschap Vlaanderen, Gand, Academia Press, 2012.
7 John Watts, The Making of Polities. Europe, 1300-1500, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 148-153 ; Jean-Philippe Genet, « The Government of Later Medieval France and England : a Plea for Comparative History », dans Government and Political Life in England and France, c. 1300-c. 1500, éd. Jean-Philippe Genet, Christopher Fletcher, John Watts, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, p. 17.
8 Sam Cohn, « Enigmas of Communication : Jacques, Ciompi, and the English », dans La comunidad medieval como esfera publica, éd. Rafael Oliva Herrer, Vincent Challet, Jan Dumolyn, Maria Carmona Ruiz, Sevilla, SUP, 2014, p. 227-247. Voir aussi son article dans lequel il fulmine contre le soi-disant « caractère primitif » des révoltes médiévales (« The Modernity of Medieval Popular Revolt », History Compass, 10, 2012, p. 731-741) et son impressionnante synthèse sur les révoltes en Angleterre (Popular Protest in Late Medieval English Towns, Cambridge, Cambridge University Press, 2013). Sur le recours à l’écrit par les rebelles anglais, voir aussi Paul Strohm, Hochon’s Arrow. The Social Imagination of Fourteenth-Century Texts, Princeton, PUP, 1992, et Steven Justice, Writing and Rebellion. England in 1381, Berkeley, UCP, 1994.
9 « De instructien, lettren, missiven in walsche ende in vlaemsche » (Hanne Roose, « “Ou vous ne me respondez point, ou je suis devenu sourt”. Willem Rijm in opstand tegen Maximiliaan van Oostenrijk (1482-1492) », Handelingen van de Maatschappij voor Geschiedenis en Oudheidkunde te Gent, 64-1, 2010, p. 162).
10 Isidore Diegerick, « Les drapiers yprois et la conspiration manquée. Épisode de l’histoire d’Ypres (1428-1429) », Annales de la Société d’Émulation de Bruges, 14, 1855-1856, p. 117.
11 Ibidem, p. 121-122.
12 Herman Pleij, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur (1400-1560), Amsterdam, Bert Bakker, 2007, p. 255-9 ; Jan Dumolyn et Jelle Haemers, « Political Poems and Subversive Songs. The Circulation or “Public Poetry” in the Late Medieval Low Countries », Journal of Dutch Literature, 5, 2014, p. 8. Voir aussi Rosa Salzberg et Massimo Rospocher, « Street Singers in Italian Renaissance Urban Culture and communication », Cultural and Social History, 9-1, 2012, p. 9-26.
13 « Que aucuns publie ne face publier, joue ne face jouer jeux de personnages sur kars ne aultrement ne face assemblee de belle ou grande compaignie pour donner ou gaignier pris ne aultrement en quelque maniere ne a quelque jeu que ce soit et ne facent assemblee les uns contre les autres par reverie ne aultrement, mais se tiengne chacun a sa coyeté sans faire noise ne remoux », Georges Espinas, Les origines du droit d’association dans les villes de l’Artois et de la Flandre française jusqu’au début du xvie siècle, Lille, Raoust, 1942, t. II, p. 383. La situation lilloise et la révolte mentionnée sont étudiées en détail par Patrick Lantschner, « Voices of the People in a City without Revolts : Lille in the Later Middle Ages », dans The Voices of the People in Late Medieval Europe. Communication and Popular Politics, éd. Jan Dumolyn, Jelle Haemers, Rafa Oliva Herrer, Vincent Challet, Turnhout, Brepols, 2014, p. 73-88 ; et son The logic of political conflict in medieval cities. Italy and the Southern Low Countries, 1370-1440, Oxford, OUP, 2015, p. 152-168.
14 Voir quelques exemples mentionnés dans Carol Symes, A Comon Stage. Theatre and Public Life in Medieval Arras, Ithaca, Cornell University Press, 2007 ; Hannah Skoda, Medieval Violence : Physical Brutality in Northern France, 1270-1330, Oxford, OUP, 2013, p. 164-169 ; Elodie Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication symbolique dans les anciens Pays-Bas bourguignons, Turnhout, Brepols, 2004, passim.
15 « Wij willen den stoc in dhand hebben ghelyc die van Ghend ende die van Brugghe doen », Jean Justice, « La répression à Ypres après la révolte de 1477. Documents faisant suite à l’“épisode de l’histoire d’Ypres sous le règne de Marie de Bourgogne” », Annales de la Société d’Émulation de Bruges, 41, 1891, p. 28). Sur les événements : Jelle Haemers, For the Common Good. State Power and Urban Revolts in the Reign of Mary of Burgundy, 1477-1482, Turnhout, Brepols, 2009, p. 256-261.
16 J. Justice, « La répression à Ypres… », art. cit. [note 15], p. 37.
17 Étudiée en détail pour la Flandre par Jan Dumolyn et Jelle Haemers, « A Bad Chicken was Brooding. Subversive Speech in Late Medieval Flanders », Past and Present, 214-1, 2012, p. 45-86.
18 « Seggende dat men hier in der stad soude moeten maken also ment te Ghent gemaekt heeft ende in der lieden kisten gaen » (Archives de la ville de Bruxelles, Wit correctieboeck, n° 16, f° 39r).
19 Raf Verbruggen, Geweld in Vlaanderen. Macht en onderdrukking in de Vlaamse steden tijdens de veertiende eeuw, Bruges, Vandewiele, 2005, p. 79; Christian de MÉrindol, « Mouvements sociaux et troubles politiques à la fin du Moyen Âge. Essai sur la symbolique des villes », dans Violence et contestation au moyen âge, CTHS, Paris, Éditions du CTHS, 1990, p. 277 ; David Nicholas, The van Arteveldes of Ghent. The Varieties of Vendetta and the Hero in History, Ithaca, Cornell University Press, 1988, p. 177.
20 Cité par Michel Mollat et Philippe Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi. Les révolutions populaires en Europe aux xive et xve siècles, Paris, Calmann-Lévy, 1970, p. 179-180 ; d’après la Chronique du religieux de Saint-Denys, éd. Louis-François Bellaguet, Paris, Crapelet, 1839, t. i, p. 132. Voir aussi Gisela Naegle, « Gouvernants ou gouvernés ? Villes et royauté à la fin du Moyen Âge (France-Empire médiéval) », dans Libertés et citoyenneté urbaines du Moyen Âge à nos jours, éd. Michel Pauly et Alexander Lee, Trèves, CLUDEM, 2015, p. 138.
21 Frédéric Duquenne, « Des “républiques calvinistes” avortées ? La contestation des échevinages à Douai et Arras en 1577 et 1578 », dans Des villes en révolte. Les « républiques urbaines » aux Pays-Bas et en France pendant la deuxième moitié du xvie siècle, éd. Monique Weiss, Turnhout, Brepols, 2010, p. 62.
22 Ibidem, p. 61 ; d’après Pontus Payen, Mémoires, éd. Alexandre Henne, Bruxelles, Société Historique, 1861, t. ii, p. 75-76. Sur l’histoire infortunée d’Arras, rebaptisée « Franchise » par Louis xi en 1477 : Gisela Naegle, « Les châtiments de Toulouse et d’Arras : comparaison des deux villes rebelles au xve siècle », dans Le châtiment des villes dans les espaces méditerranéens (Antiquité, Moyen Âge, Epoque moderne), éd. Patrick Gilli et Jean-Pierre Guilhembet, Turnhout, Brepols, 2012, p. 359-372.
23 Voir un aperçu général sur l’usage de la « mémoire sociale » dans les révoltes gantoises : Jelle Haemers, « Social Memory and Rebellion in Fifteenth-Century Ghent », Social History, 36-4, 2011, p. 443-463.
24 « Quidquam machinari contra libertatem eamdem ». Les deux accords dans Henry Joossen, « Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière à Malines (des origines à 1384) », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 99, 1935, p. 394-396 (citation p. 396). Voir aussi Jelle Haemers, « Ad Petitionem Burgensium. Petitions and Peaceful Resistance of Craftsmen in Flanders and Mechelen (13th-16th centuries) », dans Los grupos populares en la ciudad medieval Europea, éd. Jesus Solorzano Telechea, Béatrice Bolumburu Arizaga, Jelle Haemers, Logrono, La Rioja, 2014, p. 383.
25 Il s’agit d’Anvers, Bruxelles, Diest, Léau, Huy, Louvain, Maastricht, Nivelles, Saint-Trond et Tirlemont ; Gand rejoignit la ligue de 1249en 1253. Un accord similaire fut conclu entre Louvain et Saint-Trond en 1305 et entre cette dernière et Maastricht en 1326 (Jean-Léon Charles, La ville de Saint-Trond au Moyen Âge. Des origines à la fin du xive siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1965, p. 234). En 1383, des tisserands de Louvain exilés furent accueillis par la ville de Saint-Trond (ibidem, p. 169). L’accord de 1274 est édité par Georges Espinas et Henri Pirenne, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, Bruxelles, Kiessling et Imbreghts, 1909, t. ii, p. 380-381.
26 « Dat gheenre volre, die van buten comt te Meghlen vollen, en zal wapene met hem moghen bringhen noch te Meghlen ghecrighen » (Joossen, « Recueil des documents… », art. cit. [note 24], p. 449).
27 « Ouod audierant illos de Ypris et de aliis villis consocios suos graviter esse punitos et correctos », d’après Gilles Le Muisit, cité par Julius Vuylsteke, « De goede disendach, 13 januari 1349 », Annales du Cercle Historique et Archéologiques de Gand, 1, 1894, p. 24.
28 « Toutes les corporations des métiers de Gand » (al den neringhen van Ghent) et « tous les doyens de toutes les corporations de Bruges » (alle dekenen van allen neringhen in Brucghe) étaient présents sur ces « parlementen » (Jacques Mertens, « Woelingen te Brugge tussen 1359 en 1361 », dans Album Carlos Wyffels, Bruxelles, Archives, 1987, p. 328).
29 R. Verbruggen, Geweldin Vlaanderen…, op. cit. [note 19], p. 78.
30 Richard Trexler, « Follow the Flag : the Ciompi Revolt Seen from the Streets », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 46-2, 1984, p. 366.
31 Jesus Solorzano Telechea, « The Politics of the Urban Commons in Northern Atlantic Spain in the Later Middle Ages », Urban History, 41-2, 2014, p. 198.
32 Ce fait est discuté par Samuel Cohn, Popular Protest in Late Medieval Europe, Manchester, MUP, 2004, p. 27-30.
33 Bart Lambert et Milan Pajic, « Drapery in Exile : Edward iii, Colchester and the Flemings, 1351-1367 », History. The Journal of the Historical Association, 99-338, 2014, p. 733-753.
34 Nicholas Brooks, « The Organisation and Achievements of the Peasants of Kent and Essex in 1381 », dans Studies in Medieval History Presented to R. H. C. Davis, éd. Henry Mayr-Harting et Robert Moore, Londres, Hambledon, 1985, p. 258.
35 Napoléon De Pauw, « L’enquête de Bruges après la bataille de Cassel, documents inédits publiés », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 68,1899, p. 698. Sur la révolte : William Te Brake, A Plague of Insurrection. Popular Politics and Peasant Revolt in Flanders, 1323-1328, Philadelphia, UPP, 1993.
36 N. De Pauw, « L’enquête de Bruges… », art. cit. [note 35], p. 697.
37 Ibidem, p. 699. Le témoignage continue : « et dist k’il fust bien seurs ke li ville de Bruges et tout le paijs de Flandres de leur alliiés aroient en brief tans soucours dou roy d’Engleterre et dou conte de Hollande et de Zélande, et k’il se vauroient déporter aveuc eaus comme frères ».
38 Henri Stein, « Les conséquences de la bataille de Cassel pour la ville de Bruges et la mort de Guillaume de Deken, son ancien bourgmestre (1328) », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 68, 1899, p. 656.
39 La coalition entre Artevelde et le roi anglais entraîna une correspondance intéressante entre les deux ; quelques lettres ont été conservées, voir Napoléon De Pauw, Cartulaire historique et généalogique des Artevelde, Bruxelles, Hayez, 1920, p. 621-623.
40 « Ja zy ! » (Olivier Van Dixmude, Merkwaerdige gebeurtenissen vooral in Vlaenderen en Brabant en ook in de aengrenzende landstreken van 1377 tot 1443, éd. Jean-Jacques Lambin, Ypres, Lambin, 1835, p. 4). Les faits sont confirmés par une charte comtale qui punissait les Yprois après l’échec de la révolte, voir Espinas et Pirenne, Recueil des documents…, op. cit. [note 25] t. iii, p. 792 : elle condamne la ville parce que « grand multitude de ceux d’Ipre aveuc ceux de Gand, adont venu en le ville d’Ipre » ont attaqué les troupes du comte après.
41 Guillaume Des Marez et Henri de Sagher, Comptes de la ville d’Ypres de 1267 à 1329, Bruxelles, Kiessling et Imbreghts, 1913, t. ii, p. 380.
42 Raymond Van Uytven, « 1477 in Brabant », dans 1477. Het algemene en de gewestelijke privuegiën van Maria van Bourgonaië voor de Nederlanden, éd. Wim Blockmans, Courtrai, UGA, 1985, p. 254 (citation), et Archives générales du Royaume à Bruxelles, Chambres des Comptes, n° 12680, f° 204v-205v sur les rebelles voyageant à Tirlemont.
43 Jelle Haemers, De Gentse opstand (1449-1453). De strijd tussen rivaliserende netwerken om het stedelijke kapitaal, Courtrai, UGA, 2004, p. 302.
44 « Ghendt ende Vriendt », selon un chroniqueur gantois (Kronyk van Vlaenderen van 580 tot 1467, éd. Philippe Blommaert et Constant Serrure, Gand, Vanderhaeghen-Hulin, 1840, t. ii, p. 145).
45 Jan-Frans Verbruggen, « Pierre de Coninck et Jean Breidel, tribuns brugeois au début du xive siècle », Le Moyen Âge, 77, 1970, p. 82.
46 L’histoire est rapportée en détail dans Alain Derville, Histoire de Saint-Omer, Lille, PUL, 1981, p. 64-71 ; le texte est édité dans : Jelle Haemers, « Een brief van Pieter de Coninck aan Sint-Omaars (1306). Over schriftelijke communicatie van opstandelingen in veertiendeeeuws Vlaanderen en Artesië », Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis, 154-1, 2017, p. 28-30. Ci-dessous en annexe figure une partie de cette édition : le rapport se trouve dans les Archives départementales du Pas-de-Calais (Arras), série A, n° 928 (7).
47 Derville, Histoire de Saint-Omer…, op. cit. [note 46], p. 68.
48 Monique Debus Kehr, Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir : Rhin Supérieur – xve siècle, Strasbourg, Société Savante d’Alsace, 2007, p. 330-360.
49 Henri Vandenbroeck, Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai (1431-1476), Tournai, Malo et Levasseur, 1863, t. ii, p. 43.
50 Ibidem, p. 49. Des Tournaisiens exilés étaient très actifs pour faire une coalition contre le roi de France, voir Patrick Lantschner, « Revolts and the Political Order of Cities in the Late Middle Ages », Past and Present, 225-1, 2014, p. 30.
51 J. Haemers, De Gentse opstand…, op. cit. [note 43], p. 221-223.
52 Léo Verriest, Les luttes sociales et le contrat d’apprentissage à Tournai jusqu’en 1424, Bruxelles, Hayez, 1912, p. 10-11. Sur l’usage de l’écrit par les autorités urbaines en Flandre et en Brabant, voir la synthèse par Marc Boone et Jelle Haemers, « Bien commun : gouvernance, discipline et culture politique », dans Faire société au Moyen Âge. Citadins à l’œuvre dans les anciens Pays-Bas (1100-1600), éd. Anne-Laure Van Bruaene, Marc Boone et Bruno Blondé, Paris, Garnier, 2018, sous presse.
53 J. Justice, « La répression à Ypres… », art. cit. [note 15], p. 64.
54 Jules Finot, Une émeute à Avesnes en 1413, Lille, L. Danel, 1895, p. 56.
55 « Broederlic ende ghetrauwelic » (Dagboek van Gent van 1447 tot 1470, met een vervolg van 1477 tot 1515, éd. Victor Fris, Gand, Annoot-Braeckman, 1904, t. ii, p. 104). Voir aussi Michèle Populer, « Le conflit de 1447 à 1453 entre Gand et Philippe le Bon. Propagande et historiographie », Handelingen van de Maatschappij voor Geschiedenis en Oudheidkunde te Gent, 44, 1990, p. 99-123.
56 Fernand Vercauteren, Les luttes sociales à Liège, xiiie et xive siècles, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1943, p. 98 ; Jean Baerten, « De Luikse voedselhulp aan de opstandige Gentenaren (1381-1382). Een verwaarloosd voorbeeld van interstedelijke solidariteit », dans Arbeid in veelvoud. Een huldeboek voor Jan Craeybeckx en Etienne Scholiers, Bruxelles, VUB, 1988, p. 66-73.
57 Louis-Prosper Gachard, « Lettres inédites de Maximilien, duc d’Autriche, roi des Romains et empereur, sur les affaires des Pays-Bas, de 1477 à 1508 », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 19, 1851, p. 247.
58 D’autres villes, par contre, comme Ypres, Anvers et Malines lui sont restées fidèles, mais ce n’est qu’après un grand investissement financier et militaire que Maximilien réussit à vaincre la révolte (Jelle Haemers, « Philippe de Clèves et la Flandre. La position d’un aristocrate au cœur d’une révolte urbaine (1477-1492) », dans Entre la ville, la noblesse et l’État : Philippe de Clèves (1456-1528), homme politique et bibliophile, éd. Jelle Haemers, HannoWijsman, Céline Van Hoorebeeck, Turnhout, Brepols, 2007, p. 21-99). Pour la correspondance, voir Valerie Vrancken, « Opstand en dialoog in laatmiddeleeuws Brabant. Vier documenten uit de Brusselse opstand tegen Maximiliaan van Oostenrijk (1488-1489) », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 181, 2015, p. 209-266.
59 Wim Blockmans, De volksvertegenwoordiging in Vlaanderen in de overgang van Middeleeuwen naar nieuwe tijden (1384-1506), Bruxelles, KVAB, 1978 ; et André Uyttebrouck, Le gouvernement du duché de Brabant à la fin du Moyen Âge (1355-1430), Bruxelles, KVAB, 1975.
60 Archives départementales du Pas-de-Calais (Arras), série A, n° 928 (document 7) – voir note 46.