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Un geste éditorial : la publication de contrefaçons

L’exemple des recueils du poète Claude de Trellon sous la Ligue et sous Henri IV

Audrey DURU

Maître de conférences en littérature française (XVIe siècle). Université de Picardie-Jules Verne, laboratoire Trame (EA 4284)

Les éditions anciennes identifiées comme illicites sont-elles nécessairement un angle mort pour l’étude littéraire ? Par « édition illicite », nous désignons les publications faites au détriment du droit conféré par le privilège de copie, vente et diffusion. Il en résulte un livre contrefait ou « contrefaçon ». Les pratiques associées à l’édition illicite, que nous appellerons également « non autorisée », font entrer le lecteur dans une « zone d’indécision » éditoriale1. En effet, la valeur intrinsèque de la contrefaçon tient tantôt à la reproduction fidèle du livre authentique, tantôt à l’altération qui exploite et amplifie une qualité connue du texte original pour mettre sur le marché un livre nouveau.

Dans la perspective de la réception du texte, notons que la renommée littéraire s’élabore aussi bien à partir des éditions autorisées que des éditions illicites. La diffusion d’un nom d’auteur, de textes attribués et de valeurs littéraires associées s’accomplit autant grâce aux éditions dont le libraire détient le monopole commercial, qu’à partir des fabrications éditoriales issues d’ateliers qui amplifient la diffusion en contestant le monopole. De même que les éditions autorisées ou contrôlées, les contrefaçons participent donc à la formation du renom littéraire en tant qu’opération possible de médiation éditoriale. N’y a-t-il pas un gain critique à envisager le livre contrefait, non sous l’angle juridique ou économique, comme une escroquerie ou usurpation commise par un marchand malhonnête, mais, sous l’angle médiatique, comme un « geste d’édition », c’est-à-dire une nouvelle énonciation du texte2 ? Nous formons l’hypothèse que les contrefaçons participent ainsi de « campagnes de presse » qui incluent l’écrit lettré dans la formation de l’espace public3.

Nous pouvons lire l’œuvre qui circule sous le nom de Trellon à la lumière de cette question. La réputation de ce poète résulte en fait de deux séries de discours indexés sous le seul nom de Trellon, les uns placés sous la responsabilité de l’auteur et susceptibles de révisions lors de rééditions ; les autres concurrents des précédents, relevant de la responsabilité d’un milieu éditorial éclaté aux acteurs souvent anonymes désormais. Des palinodies de Trellon lui-même et de l’usage collectif de ses textes à des fins diverses, il résulte un double brouillage éditorial qui a probablement entravé la fortune posthume du poète.

Trellon, un « mousquetaire pétrarquisant » (Henri Bremond4) ? Nous sommes mieux renseignés sur Gabriel de Trellon, parlementaire toulousain, poète lauréat et membre du jury des jeux floraux, que sur son frère poète soldat. Ce que nous savons de Claude de Trellon (ou Trelon, Terlon) coïncide avec ses publications poétiques5. Son premier recueil paraît à Paris en 1587 et est suivi de quatre autres et d’une multitude de rééditions illicites mises sur le marché à un rythme régulier jusqu’à la décennie 16206. Les stances qui ouvrent Le Cavalier parfait, dernier recueil de Trellon (1597), résument l’éthique chevaleresque que chantent ses vers : l’éloge de la vertu – associant esprit, grâce et valeur – mise au service d’un seigneur et d’une Dame, par l’épée et la plume. Un principe d’analogie entre événements privés et événements publics régit le recueil, comme l’indique le sonnet retenu pour ouvrir Le Cavalier parfait : « Amour assaut mon cœur, et la guerre la France7 ». La renommée poétique de Trellon en son temps paraît inversement proportionnelle à l’oubli ultérieur : au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, il est alors un modèle en poésie. Le nom du catholique Trellon apparaît dans la seconde « bande » de poètes retenus par Agrippa d’Aubigné8. En compagnie de Du Perron, Desportes et Du Bartas, entre autres, Trellon est distingué par d’Aubigné pour ses élégies. En 1601, un poète moins illustre mais bien informé de l’actualité poétique des années 1580-1590, André Mage de Fiefmelin, fixe également pour la postérité le nom de « l’un et l’autre Trelon9 ». L’hommage rendu par ces deux poètes protestants indique que la renommée de Trellon surmonte les divisions confessionnelles et résulte d’un jugement littéraire indifférent aux partis. En 1613, des extraits de Trellon paraissent dans le recueil de lieux communs d’Esprit Aubert, Les Marguerites poetiques, où ils voisinent avec de larges citations de Ronsard et Du Bartas et d’autres poètes contemporains10. Comme l’a étudié Jean-François Courouau, le poète occitan Bertrand Larade imite voire traduit en langue d’oc les poèmes du toulousain Trellon dans sa Margalide gascoue (1604). Colletet confie encore, au sujet de la Muse guerriere de Trellon, parue en 1587 : « Je n’avois pas sept ans que je la savois presque par cœur. » D’après la date de naissance de Colletet, ce souvenir d’enfance devrait donc être situé vers 1605. Enfin, les republications de poèmes choisis dans des recueils collectifs entre 1597 et 1609, répertoriées par Lachèvre11, confirment le succès de librairie. Ces impressions, selon toute vraisemblance, ont participé de l’importante diffusion de poèmes ayant échappé au contrôle du signataire.

Un relevé préalable des rééditions des recueils de Trellon sous la forme de simple copie en infraction au droit du privilège permettra de caractériser suivant le droit du livre du XVIe siècle ce qui correspondrait actuellement à un délit de plagiat. À l’intérieur même de l’ensemble des éditions illicites, nous proposons ensuite de distinguer les éditions qui augmentent la bibliographie de Trellon d’un nouveau titre, dès lors apocryphe, et d’étudier leur usage du texte de Trellon dans l’espace public. Enfin, l’examen des éditions illicites permettra de réinterpréter en parallèle le geste éditorial du poète : la construction de l’œuvre pour la postérité utilise le désaveu de textes falsifiés pour dissimuler une opération éditoriale supplémentaire.

LE DROIT DU LIVRE ET SON AFFIRMATION PENDANT LA LIGUE, D’APRÈS LES RECUEILS DE TRELLON

Les études sur les contrefaçons de livres au XVIe siècle invitent en général à user avec précaution des notions de contrefaçon ou de plagiat pour cette période12. En effet, si cette pratique suscite souvent réprobation, condamnation ou indignation à l’égard de ce qui est perçu par la victime comme un préjudice, elle n’est pas systématiquement taxée d’infraction juridique. Le cas étudié indique le progrès de la pensée d’un droit du livre.

Usages lexicaux et notion de propriété de l’écrit

Le lexique de la contrefaçon sous la plume du poète et celle d’un greffier du parlement de Paris ne nomme pas l’objet du délit. Une infraction est toutefois identifiée sans ambiguïté.

Du côté du poète, Trellon13 multiplie les invectives contre les libraires faussaires, « indiscrets et ignorans », « menteurs et impudens » (1595), « traistre » (1597), selon une diatribe relativement topique. Convoquant le lexique moral de l’offense et du tort, le poète provoque celui qui devient un agresseur suivant un code de l’honneur chevaleresque. Toutefois, il dénonce le grief d’une impression faite « sans m’en demander licence » (1595) ou « sans mon consentement », « sans mon sceu » (1597), employant les termes mêmes de son privilège. Ces tours plus originaux signalent l’émergence d’un droit de l’auteur sur le livre. Les livres contrefaits sont récusés par métaphore comme des livres « bastars » (1595) : l’invective ne renvoie pas à une infraction mais au statut juridique de l’enfant illégitime et non reconnu. Le lexique métaphorique introduit en outre une notion comparable à celle de « propriété » intellectuelle actuellement en vigueur : le faussaire a le tort de « vouloir demeurer dans un logis sans la permission du maistre » (1595), le poète revendiquant aussi « ces noms qui n’appartenoi[en]t qu’a moy » (1597), c’est-à-dire les titres de ses recueils. L’expression du poète ne manifeste pas d’intention procédurière, cependant, et elle diffère sur ce point de la pratique du libraire spolié, puisque ce dernier porte sa cause auprès du parlement de Paris. En 1593, la réponse de la cour du parlement, saisie par Abel L’Angelier, n’utilise pas non plus de terme spécifique pour désigner les ouvrages litigieux14. L’infraction est toutefois reconnue et caractérisée comme « contempt et mespris » des privilèges et permissions du libraire.

Les libraires mais aussi le poète protègent donc leurs intérêts matériels et moraux grâce à un véritable droit du livre.

Privilège de libraire et privilège d’auteur

Seuls les ouvrages de Trellon diffusés à Paris par Abel L’Angelier entre 1587 et 159115, puis à Lyon par Thibaud Ancelin entre 1593 et 1605 relèvent de la publication légale. Les officines de L’Angelier et d’Ancelin sont alors d’importants commerces et les deux libraires s’assurent le monopole de leurs publications par l’obtention des privilèges nécessaires16.

Les publications autorisées correspondent aux cinq titres suivants : 1) La Muse guerriere (1587, seconde édition légèrement révisée en 158917), pour laquelle L’Angelier obtient un privilège d’une durée indéfinie le 15 juin 1587 ; 2) Le Premier livre de la flamme d’amour (1591), pour laquelle L’Angelier reçoit un privilège également sans indication d’expiration le 21 novembre 1590 ; 3) L’Hermitage (1593) – qui rassemble la section du même titre parue dans La Muse guerriere fortement révisée et amplifiée, et une partie des tombeaux parus dans Le Premier livre de la flamme d’amour – publié par Ancelin avec un privilège d’impression, vente et diffusion du 28 mai 1593 d’une durée indéfinie ; 4) Les Œuvres parues sous ce titre exact18 (1595) ; 5) Le Cavalier parfait (1597 ; rééditions datées de 1599, 1605, puis, après la mort d’Ancelin, par Pierre Rigaud en 161419). Ces deux derniers ouvrages sont publiés après l’obtention d’un privilège d’auteur délivré le 20 mai ou septembre 159520. Trellon transfère ensuite ce privilège à Ancelin devant notaire, selon le paratexte du Cavalier parfait. Le déplacement des éditions de Paris à Lyon paraît lié au service de Trellon : après la mort de son seigneur en 1588, dédicataire du premier recueil, Trellon passe au service du duc de Nemours, dédicataire du second recueil, gouverneur de Paris puis du Lyonnais. Si les libraires protègent leur intérêt commercial par le privilège, on note qu’à partir de 1595, le poète demande un privilège en son nom propre afin de s’assurer le contrôle de son œuvre. La concurrence avec les éditions illicites l’amène à faire reconnaître en droit la propriété de ses textes et à exercer un contrôle moral sur leur diffusion et leur contenu par ce moyen.

Que ce soit avec l’assentiment tacite probable du poète pour les éditions L’Angelier puis avec sa coopération active pour les éditions Ancelin, les libraires se sont donc entourés de toutes les précautions juridiques nécessaires pour prévenir une diffusion des recueils par des concurrents. Les privilèges étant sans indication de durée, ils paraissent expirer avec le décès de Trellon, à une date non connue de nous, et celui du libraire, Ancelin mourant en 1608. Sans indication de territoire, les privilèges dissuadent du moins les contrefaçons dans la ville même de l’édition officielle.

Des copies en infraction au privilège à Lyon et Rouen

Les rééditions de copies fidèles en infraction au droit du privilège se repèrent suivant la présence ou non de l’extrait du privilège dans le volume. Ces rééditions relèvent de la définition stricte du livre de contrefaçon sous l’Ancien Régime, c’est-à-dire « ouvrage publié sans l’aveu du possesseur du droit de copie dans un territoire où ce droit de copie est protégé21 ». Des poursuites judiciaires ponctuelles, gagnées par le libraire, confirment l’infraction. Nous pouvons préciser les modalités et enjeux de cette « guerre commerciale22 » entre libraires, en distinguant les éditions non autorisées par ville de production : Lyon et Rouen.

La Muse guerriere suscite des répliques à l’identique à Lyon en 1589 dont l’irrégularité est confirmée ultérieurement par la justice. L’adresse d’Antoine Martin semble être fausse, à l’usage unique de ce volume. À une date inconnue, le libraire officiel spolié fait saisir un stock imprimé à Lyon par Pierre Ferdelat, qu’il fait mettre à son nom et à la date de 158923. Le Premier livre de la flamme d’amour est également diffusé en infraction au privilège dès l’année de sa publication, à Lyon (Jean Vayrat ou Veyrat, 1591 et 1592) et à Avignon (Jacques Faure, 1591). Cette réédition comporte un sonnet liminaire nouveau, adressé au dédicataire d’ensemble, le duc de Nemours, alors gouverneur du Lyonnais, qui ne se relève dans aucune édition officielle24. Une protestation adressée par L’Angelier au parlement de Paris contre les pillages lyonnais d’une série de volumes, dans laquelle le titre de la Muse guerriere voisine avec des ouvrages de Vigenère, Du Vair, Pasquier, Montaigne et Bonnefons, conduit le parlement, le 12 novembre 1593, à ordonner la saisie des éditions illicites25. La saisie de l’impression faite par Ferdelat en est peut-être le résultat26.

À Rouen, La Muse guerriere paraît sans autorisation en 1590 à l’enseigne de Joachim Bontemps. Ce volume est suivi de nombreuses republications suivant le texte revu en 1589, qu’il s’agisse de rééditions ou peut-être de nouvelles émissions avec simple substitution de la page de titre (1593, 1595, 1596, 1597, 1598, 1604, 1608, 1619, voire 166427). Il est désormais malaisé de consulter ces éditions, car les livres sont dispersés dans des bibliothèques germaniques et anglo-saxonnes28. Le fait induit à penser que les impressions rouennaises étaient destinées à l’exportation, via les routes maritimes de la Seine et de la Manche. L’exportation diminuait l’exposition au risque de poursuites pour « contempt et mespris » du privilège.

Ces rééditions ne sont pas autorisées mais sont fidèles à la lettre de l’original. Quelques choix matériels diffèrent, afin d’abaisser le coût de production du livre. Les villes de réédition illicite sont des lieux d’édition catholiques et d’insurrection ligueuse.

La contestation du principe du monopole : multiplier les centres de diffusion

Michel Simonin a attiré l’attention sur l’existence de dérogations possibles au cadre réglementaire pendant la période de la Ligue. En effet, les insurrections urbaines perturbent les circuits de diffusion des livres et le principe du monopole empêche l’approvisionnement du marché.

Des volumes de la Muse guerriere imprimés à Tours en 1589, à l’adresse de Jean Richer et Claude de Monstr’œil, sont signalés par Jean Balsamo et Michel Simonin comme étant « probablement des contrefaçons ». Ni extrait du privilège, ni accord connu avec L’Angelier ne permettent en effet d’étayer l’hypothèse d’une édition partagée. On relève toutefois trois coopérations de ce type entre Richer et L’Angelier dans les années 1580 et deux autres en 1599 et 160029. Nous suggérons qu’en 1589, parallèlement à la seconde édition parisienne, L’Angelier aura pu accepter la réimpression quasi simultanée du texte à Tours. Cette impression pourrait entrer dans le cadre des accords passés entre les libraires parisiens délocalisés à Tours sous la Ligue parisienne. La librairie tourangelle sert alors de relais de façon à multiplier les foyers de diffusion royalistes, quitte à négliger peut-être le cadre légal strict par temps de troubles.

Denis Pallier30 a signalé la dérogation au monopole octroyée pour Lyon sous la Ligue. Le 17 avril 1590, la sénéchaussée de Lyon est saisie du problème de l’arrêt de l’acheminement des livres depuis Paris et de la demande de livres « principalement de ceux qui sont spirituels, de devotion, concernant la religion catholique, apostolicque et romaine ». Elle ordonne alors que le Lyonnais Jean Pillehotte imprime de tels livres « parisiens », en dépit du privilège. Les libraires lyonnais étendent ensuite le domaine concerné et brisent le monopole des libraires parisiens. En 1593, en période d’apaisement relatif, le parlement de Paris juge abusive l’extension de l’autorisation : comme nous l’avons vu, le parlement donne satisfaction à L’Angelier en rappelant la validité de son privilège, c’est-à-dire son monopole sur La Muse guerriere.

Sous la Ligue, le droit du livre reste donc fragile et les libraires concurrents contestent le principe du monopole, non seulement par intérêt marchand mais aussi afin d’amplifier la diffusion des ouvrages. Le cas considéré confirme qu’au moment de l’apaisement des troubles, vers 1593, le parlement de Paris s’emploie en revanche à faire respecter le droit des libraires de sa propre ville.

Les éditions illicites sous la forme de copies non autorisées restituent donc le texte original en cherchant un compromis entre la fidélité littérale et l’économie de moyens. Les conséquences sur l’œuvre poétique restent donc faibles, à la différence de ce qui se passe avec le second type d’éditions illicites, qui procurent une composition inédite.

LES RECUEILS APOCRYPHES ATTRIBUÉS À TRELLON, ENTRE CONSÉCRATION LITTÉRAIRE ET USAGE POLÉMIQUE DE L’ŒUVRE

L’efficacité des poursuites entreprises par L’Angelier autour de 1593 est cependant toute relative, puisqu’à partir de cette date certaines éditions illicites de poèmes de Trellon prennent des formes plus inventives, donnant lieu à une véritable « poétique de la contrefaçon31 ». La seconde opération de publication au mépris du système du privilège produit des éditions contrefaites ou contrefaçons en un sens précis : des recueils qui refondent les ouvrages contrôlés par le poète, par amplification ou par abréviation, ainsi que par recomposition d’ensemble, hors accord et contrôle par le poète ou tout éditeur autorisé. En proposant un recueil inédit, ces éditions contrefaites camouflent l’infraction de façon à émousser les poursuites pour violation du privilège. Elles comprennent un travail de mise en livre qui modifie la portée conférée à la diffusion du texte.

La fabrication d’un libelle à l’aide de « stances » de Trellon : « Sur les causes des mouvemens arrivez à Lyon », Lyon, 1593

Un premier titre nous paraît illustrer l’usage que le milieu éditorial fait des vers du poète à des fins de formation de l’opinion publique. Cependant, nous ne pouvons déterminer avec certitude s’il s’agit d’un geste de publication par un tiers qui se propose d’être fidèle à une prise de position du poète, ou de la fiction, à l’insu du poète, d’un tel geste de publication délégué. En l’absence de désaveu, ces « Stances » incitent à penser que, jusqu’à la fin de 1593 et avant les Œuvres poetiques de 1594, Trellon a pu tolérer voire susciter une diffusion hors privilège.

Les Stances extraites des œuvres du sieur de Trelon paraissent à Lyon, en 1593, sans nom de libraire32. Ces stances accompagnent un factum en prose qui relate l’insurrection urbaine ayant abouti le 18 septembre 1593 à l’emprisonnement du gouverneur de Lyon, le duc de Nemours, par les consuls de la ville. Ce libelle sous forme de lettres dénonce les menées de Nemours, qui, sous couvert de l’adhésion de la ville à la Ligue, a tenté d’instaurer une principauté en rupture avec le corps du royaume. Le factum se termine sur la réitération de l’adhésion de Lyon à la Ligue et de sa fidélité au lieutenant Mayenne.

Ces Stances recouvrent en réalité un sonnet et des strophes parus quelques mois plus tôt à Lyon dans le volume autorisé de L’Hermitage (privilège du 28 mai)33. Dans L’Hermitage, les « Stances en forme de Preceptes ou Instructions utiles et necessaires à un chacun34 » introduisent un recueil de maximes morales mises en vers. Cette collection de soixante-quinze sizains participe d’une vogue de l’épigramme moral mis en liste (Quatrains de Pibrac, Favre, Matthieu, notamment). La republication avec le libelle d’un texte abrégé transforme cependant l’énonciation édifiante en lui conférant un sens contextuel. Par le titre de circonstance : « Stances […] sur le desordre des humeurs et actions d’un Prince mal conseillé, qu’il [le poète] dit estre à la veille de son malheur », elles deviennent un commentaire en forme d’« apophétie » sur le comportement de Nemours. La suppression de trente-deux strophes efface les marques d’une énonciation poétique personnelle qui ancre la leçon morale dans l’expérience du combat spirituel à travers la pénitence (strophes 1-12 et finale, par exemple). Elle évacue des conseils moraux peu en accord avec l’èthos politique du Prince (« Honore tes parens… », str. 23). Les traces de l’intertextualité psalmique et dévote tendent ainsi à être effacées, de sorte que l’expression du conseil politique prédomine. Une mention finale en prose désigne Trellon à la troisième personne et inscrit la diction de ces stances dans un récit déjà présenté dans L’Hermitage : « L’Autheur s’en alla à Laurette, et à son retour trouva ses presages vrais, et son maistre en prison » (p. 12). L’èthos dévot du poète ligueur sert la légitimation de l’éviction du gouverneur de Lyon. Par la mention du pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette, Trellon lui-même est disculpé de toute participation à l’insurrection.

Les Stances extraites des œuvres du sieur de Trellon laissent supposer la délégation du travail éditorial à un tiers. Le regard du poète sur le libelle ne peut être exclu : la publication devient pour lui une façon de ménager ses intérêts dans la mutation des rapports de force au sein de la Ligue lyonnaise. Le travail éditorial met en avant la voix poétique de Trellon et en fait un porte-parole qui ménage la personne de Nemours tout en récusant ses prétentions tyranniques et sécessionnistes. Le poème édifiant devient un poème politique justifiant le coup de force de la municipalité au nom même de la Ligue.

La consécration littéraire par le recueil d’œuvres complètes : Les Œuvres poetiques, Lyon, 1594

Les Œuvres poetiques du sieur de Trellon imprimées à Lyon pour un libraire de Tournon, Claude Michel, et datées de 1594 sont exemplaires de l’ambiguïté des contrefaçons. En effet, bien que cette opération éditoriale dégrade en partie le texte de Trellon, elle en est une lecture en guise d’hommage et en relance la diffusion au profit d’un public élargi.

La mention publicitaire en page de titre, annonçant des Œuvres « nouvellement reveuës et corrigées » n’est pas une supercherie complète. Bien que ce ne soit pas par leur auteur, les textes ont été effectivement réédités et le volume adopte certaines conventions des éditions humanistes. La valeur ajoutée de cette édition tient à la constitution d’un volume d’Œuvres complètes. Il s’agit de la première réunion des écrits parus sous le nom de Trellon, dans leur dernier état contrôlé par l’auteur. Dans la première partie de La Muse guerriere, certaines stances ont été pourvues de titre. Ces titres amorcent parfois un commentaire métalittéraire : l’éditeur prépare la lecture des « Stances aux Dames » et désamorce les critiques d’indécence en les titrant « Stances aux Dames, en forme de Paradoxe, Que l’amour gist en inegalité » (f° 52r°). Un poème de combat non titré chez Trellon devient une « Exhortation aux armes, pour animer les courages » (f° 213r°). Suivant une convention typographique à visée didactique, certaines maximes mémorables sont soulignées par des guillemets en début de vers. Enfin, cas unique chez Trellon, une table des titres des poèmes, agencée par genres puis ordre alphabétique, affiche à la clôture du recueil les apprêts éditoriaux d’une facture soignée. La contrefaçon s’accompagne donc de l’investissement d’un capital conséquent pour la fabrication d’un fort volume, ainsi que d’un remaniement éditorial qui s’écarte de la fraude en promouvant une compréhension de l’édition littéraire sans doute adaptée au goût du public lyonnais. C’est ainsi un éditeur non autorisé qui façonne la publication des poèmes de Trellon sur le modèle prestigieux des Œuvres de Ronsard. Le geste éditorial use des codes de la consécration littéraire. Cette reconnaissance de la valeur littéraire est-elle feinte dans un but mercantile et publicitaire, voire pour amadouer le poète, ou bien produit-elle un jugement littéraire authentique ? Par les faits, l’éditeur promeut l’idée que la lecture des recueils rassemblés ajoute un intérêt à la lecture des recueils dispersés et rend davantage justice à la personnalité littéraire du poète.

Cette contrefaçon altère cependant le texte original. Les recueils de Trellon servent en effet de cadre à la publication de vers qui ne sont pas de lui. Cette composition mêle hommage poétique et opportunisme éditorial peu scrupuleux. En fait, la contrefaçon reprend les textes de la Muse guerriere et leur adjoint le Premier livre de la flamme d’amour : le second recueil de Trellon est enchâssé entre les deux premières sections de la « Muse guerriere » et la section de l’« Hermitage ». Mais, au centre du volume, ce Premier livre est lui-même développé par une nouvelle section qui n’est pas de Trellon : l’éditeur anonyme lui adjoint un Second livre de la flamme d’amour. Ce dernier est pourvu d’une épître dédicatoire non signée adressée au duc de Guise, datée du 31 août 1592 à Orléans, indiquant qu’il s’agirait de la première impression. Ce paratexte dit sans ambiguïté que Trellon n’est pas le signataire de ce Second livre. Il figure un second poète soldat, qui se situerait comme Trellon dans la clientèle d’un milieu ligueur. Il justifie la publication par une coïncidence éditoriale : le second poète aurait choisi le même titre que Trellon mais ce dernier l’aurait précédé en publiant son recueil dès 1591. Dans le dispositif de publication retenu, le Second livre devient l’hommage qu’un imitateur « par anticipation » (P. Bayard), double malchanceux du fortuné Trellon, rend à un maître en poésie. La contrefaçon lyonnaise amplifie ainsi les Œuvres de Trellon d’une véritable mouvance poétique.

Cette mise en recueil utilise cependant le renom de Trellon pour diffuser des poèmes d’origine litigieuse. Ce Second livre de la flamme d’amour est en effet lui-même composé de deux sections : « Amours de Coraline » et « Flammes divines et spirituelles, de l’Amour de Dieu et mespris du Monde. Sonnets ». La première a été identifiée par Lachèvre comme la reprise de sonnets des Soupirs amoureux de Béroalde de Verville d’inspiration profane, auxquels s’ajoutent pour un volume équivalent des poèmes encore sans attribution35. Nous ajoutons que les « Flammes divines et spirituelles » reproduisent la série des sonnets et autres poèmes strophiques parus dans la Muse celeste qui suivait les Soupirs amoureux du même Béroalde, réduite à la séquence située entre les sonnets 1 et 19. Le vol des poèmes de Béroalde associé à l’anonymat du signataire de la préface datée de 1592 suscite un poète spectral, qui hante les œuvres complètes authentiques de Trellon. L’hommage est donc aussi le prétexte d’un rembourrage par les vers d’un poète supposé. Pour les concepteurs des Œuvres poetiques, « Trellon » devient une autorité sous laquelle il est possible de diffuser des textes anonymes poétiquement apparentés. Ce milieu éditorial crée un « pseudo-Trellon » et suscite des textes apocryphes.

Le désaveu furieux du poète, l’année suivante, accompagne la publication d’une « contre-contrefaçon » intitulée sobrement Œuvres du sieur de Trellon (1595). En 1597, Claude Michel est condamné à verser une amende à L’Angelier pour contrefaçon : dans son fonds, nous n’identifions pas d’autre publication ayant pu porter atteinte aux intérêts de L’Angelier que celle des Œuvres poetiques36. Le recueil contrefait connaît cependant une certaine fortune éditoriale, avec une réédition partielle sous le titre Premier et second livre de la flamme d’amour de Trellon à Rouen en 1599, apparemment destinée à l’exportation37.

Dans ces contrefaçons, il n’est pas possible de départager les choix qui relèvent d’un intérêt mercantile et des précautions prises pour se prémunir des poursuites pour impression illicite, de ceux qui participent d’un façonnage du livre suivant des valeurs littéraires préexistantes. C’est l’autorité du poète Trellon qui est mise en scène par la diffusion sous la forme de contrefaçon.

L’usage politique des poèmes de Trellon : Le Ligueur repenty et La Muse saincte, Paris, 1596

Si un libraire tente de contourner le droit du privilège en proposant un travail éditorial reposant sur l’amplification, d’autres recourent à l’abréviation. Alors que depuis 1593 les publications autorisées de Trellon sont lyonnaises, les contrefaçons se déplacent à Paris.

En 1596, l’imprimeur libraire Anthoine Du Breuil (ou Du Brueil)38 diffuse deux recueils suspects à l’égard du respect du privilège de son confrère lyonnais : Le Ligueur repenty (sans mention de privilège) et La Muse saincte (privilège indiquant une édition partagée avec Gilles Robinot, daté du 27 novembre 1595)39. Le premier réédite une section et un cycle de sonnets parus dans les Œuvres40. Le second est une contrefaçon qui se pare des apprêts d’une édition autorisée, tout en présentant des négligences préjudiciables au texte et au poète. Le travail d’édition de la Muse saincte use d’un modèle de publication apparemment susceptible de succès commercial : le genre éditorial de la « Muse chrétienne », qui transpose la diction personnelle de l’amour profane à l’amour saint, en assimilant un modèle pénitentiel augustinien. L’obtention d’un privilège pour le recueil, ainsi que la clôture du recueil par un sonnet adressé par Du Breuil au poète Trellon achèvent de construire les apparences d’un recueil autorisé. La délivrance du privilège paraît favorisée par le changement de ville, les poèmes passant de Lyon à Paris, et surtout par la création d’un recueil dont la composition et le titre sont inédits.

Cependant, La Muse saincte peut être compromettante pour Trellon, puisqu’elle lui attribue à tort des poèmes de Béroalde de Verville41. Les responsabilités dans l’usurpation s’éclairent à l’examen de la composition. Pour son anthologie thématique, l’éditeur anonyme de l’atelier de Du Breuil a conservé tous les poèmes de caractère dévot ou militant, apocryphes ou authentiques, qui circulent sous le nom du poète. Il a eu connaissance des Œuvres poetiques lyonnaises : la Muse saincte en est de fait l’abréviation. L’identification de la généalogie éditoriale entre les deux contrefaçons prouve que la fusion des sonnets d’amour chrétien de Béroalde de Verville avec d’autres poèmes de Trellon date de la contrefaçon lyonnaise. Par négligence ou par calcul, l’éditeur parisien de la Muse saincte a fait un découpage erroné en prélevant des poèmes chrétiens à la fois de Trellon et du « pseudo-Trellon ».

L’on ne peut pas complètement exclure que le libraire ait été de bonne foi et ait voulu indiquer une déférence envers Trellon. En effet, une connivence antérieure a pu exister entre le libraire et Trellon, en raison de leur enrôlement commun dans la Ligue. Denis Pallier classe Du Breuil, adhérant de l’Union, parmi « ceux que l’on peut appeler à bon droit les imprimeurs et libraires ligueurs42 » pour Paris et mentionne ultérieurement, pour les années 1596-1597, la publication de pièces anti-ligueuses. En fait, la sélection poétique de Du Breuil fait du nom de Trellon le porte-parole de valeurs politiques, religieuses et esthétiques : à travers les deux imprimés de 1596, le nom du poète soldat Trellon désigne en exemple un « ligueur repenti » qui chante la « Muse sainte ». Le Ligueur repenty expose la palinodie d’un militant qui se rallie au roi légitime suivant les règles dynastiques, en utilisant le modèle pénitentiel du conflit intérieur, du cas de conscience et de la repentance. Ce texte a paru dans une édition contrôlée de Trellon en 1595 mais sa republication illicite, associée au recueil de la Muse saincte, prescrit un dérivatif à l’enrôlement religieux : de la violence armée, se convertir à l’expérience intérieure, par la recherche poétique et le discours dévot et spirituel. Les recueils poétiques contrefaits qui sortent de l’atelier de Du Breuil proposent la trajectoire de Trellon en modèle : ils accompagnent le ralliement des anciens Ligueurs et lui offrent une expression religieuse largement dépolitisée par l’esthétique.

Le lien avec le volume de 1594 violemment désavoué par Trellon indique soit que le poète n’a pas consenti à cette édition, soit qu’il n’a pas collaboré à la fabrication du volume. Cette contrefaçon reste le miroir grossissant de deux valeurs littéraires, l’apparence du contrôle de l’édition par l’auteur ainsi que la publication d’une « Muse chrétienne ». Ces deux valeurs sont susceptibles d’ennoblir l’édition tout en offrant un argument promotionnel.

Ces trois opérations éditoriales, en 1593, 1594 et 1596, confirment que le milieu du livre ne reconnaît nulle propriété du rédacteur sur ses vers. Elles reflètent en revanche différents usages éditoriaux de l’autorité poétique, pour la formation de l’espace public en période d’insurrection ou de pacification, ou pour la promotion d’une poétique.

LA CONCURRENCE ENTRE ÉDITIONS ILLICITES ET ÉDITIONS CONTRÔLÉES MAIS EXPURGÉES

Dans le cas de Trellon, le geste éditorial officiel précède les contrefaçons mais en procède également. Si les deux premiers recueils de Trellon contiennent des poèmes inédits au moment de leur publication, les trois recueils suivants sont des republications qui refondent, révisent, abrègent ou augmentent les recueils antérieurs sous un titre nouveau. À partir de 1593, la mise en recueil devient un chantier pour le poète, sous l’effet de facteurs externes et internes à l’œuvre : la nécessité de conserver le privilège de copie des textes, si contesté et bafoué soit-il ; la nécessité de concurrencer l’offre non légale par des textes contrôlés par l’auteur et portant sa personnalité littéraire ; une suite de palinodies propres à la situation du poète même. De cette façon, les recueils non autorisés et les recueils contrôlés par le poète diffusent des états de l’œuvre de plus en plus divergents.

Contrôler la diffusion de ses vers et l’usage de son nom

En 1595, Trellon, s’estimant lésé ou redoutant sans doute d’être compromis par les contrefaçons, suscite une polémique et porte le litige sur la place publique. Affichant dans ses deux premiers recueils l’indifférence à l’égard du destin imprimé de ses vers devenus marchandise par le livre, il est contraint dans ses recueils ultérieurs d’inclure dans sa propre posture littéraire la dénonciation des lectures et usages qui en sont faits.

Par deux fois, en 1595 et 1597, le poète publie un canon de ses œuvres autorisées : il produit ainsi délibérément des « œuvres non complètes » ou choisies. Le geste éditorial de 1597 répète celui de 1595, en mettant en avant dans l’avis au lecteur la nécessité de dénoncer et concurrencer les éditions illicites. Les deux préfaces développent une satire du monde du livre, dénigrant la cupidité et la malhonnêteté des marchands de livres. Toutefois, dans ces préfaces, la violence polémique ruine la cohérence argumentative, mettant en avant non une logique juridique mais la colère intimidante. La préface de 1595 comporte certains gauchissements, de façon à accroître les griefs. Trellon, se jugeant « accus[é] de larcin », se défend d’avoir volé le Premier livre de la flamme d’amour : l’accusation semble tout imaginaire, car elle n’était ni portée ni suggérée dans la préface du Second livre paru dans les Œuvres poetiques de 1594. De plus, il récuse le titre qui lui est imputé : « Je n’ay jamais baptisé mon livre du nom du premier livre de la Flame d’Amour, [mais] la Flame d’Amour seulement. » La consultation de l’édition autorisée de 1591, incluant l’extrait du privilège accordé à Abel L’Angelier, prend sur ce point la pseudo-défense de Trellon en flagrant délit de falsification. La violence polémique l’emporte sur l’exactitude des faits. Elle paraît conforme à une sorte de fureur, qu’elle soit militaire ou poétique, constitutive de l’èthos du « mousquetaire pétrarquisant » Trellon. Cette mise en scène polémique prévient un malentendu : la publication de ses Œuvres en 1595 ne saurait être lue comme une imitation fade du modèle de Ronsard recueillant ses Œuvres. La réédition acquiert l’urgence d’une réplique à une provocation, Les Œuvres poetiques de 1594, et devient le moyen pour le poète de rétablir son honneur bafoué.

Les deux volumes d’œuvres choisies ne suscitent pas eux-mêmes de répliques pirates, peut-être en partie pour des raisons de coût de production. Pour cette même raison vraisemblablement ils ne se substituent pas, sur le marché du livre, aux éditions illicites de la Muse guerriere dans son état de 1587 ou même des deux Flammes d’amour. Ces œuvres choisies tentent cependant de démoder ces derniers recueils, par la proposition plus désirable d’une offre revue. En fait, le marché du livre non autorisé conserve la mémoire des enrôlements successifs de Trellon, tandis que le poète tente d’atténuer ses palinodies.

Les enrôlements successifs de la plume

Si la contrefaçon est un facteur externe de révision de l’œuvre, les changements de service du poète en constituent un facteur interne. Chez Trellon, le nom d’auteur disparaît en page de titre, au profit du seul nom du dédicataire et de l’affichage de l’appartenance à une clientèle. Les liens vassaliques que Trellon publie varient cependant en fonction des rapports de force au cours de la guerre civile.

Le dédicataire initial, Jacques d’Amboise, comte d’Aubijoux, situe Trellon dans la clientèle de la maison d’Amboise, fidèle aux Valois. Quatre sonnets de La Muse guerriere dédiés à Anne de Joyeuse disent les espoirs que Trellon place dans ce chef de guerre connu pour la violence de sa répression antiprotestante43. Les allégeances vassaliques changent dans le second recueil en 1591 : un sonnet mentionne la mort de Jacques d’Amboise lors de la sanglante bataille de Coutras, le 20 octobre 158744. Le poète se figure au rang des combattants menés par Joyeuse, auquel il quémande un cheval45. Le duc de Joyeuse commande les troupes royalistes mais il est lui-même tué dans la bataille que remporte le protestant Henri de Navarre. Le poète sollicite alors la protection du duc d’Épernon, également chef royaliste opposé à la Ligue sous influence espagnole46, apparemment en vain. Le recueil se clôt sur une section funèbre : plusieurs tombeaux poétiques commémorent notamment le duc de Joyeuse, le comte d’Amboise, ainsi que le duc de Guise47. Les tombeaux développent un discours contradictoire, à la fois polémique et pacifiste, combinant appel à la revanche des catholiques français et exhortation à l’unité nationale.

Toutefois, l’ensemble du second recueil de 1591 indique un enrôlement qui fait prédominer la défense catholique sur le parti du roi et le respect des règles de succession : le dédicataire en est Charles-Emmanuel, duc de Genève et de Nemours, gouverneur ligueur du Lyonnais, puis gouverneur ligueur de Paris pendant le siège (1590). Le ralliement de Trellon à la Ligue est donc postérieur à la mort du roi Henri III et dicté par le refus de voir un protestant accéder au trône. L’absence de dédicace pour les Œuvres de 1595 ne permet pas de conclusion sur la dissolution du lien d’allégeance entre Trellon et Nemours : l’obtention du privilège d’auteur en septembre (selon Les Œuvres) ou en mai (selon Le Cavalier parfait), qui doit précéder de quelques semaines la publication, est contemporaine de la mort du duc de Nemours en août. Les Œuvres comportent la palinodie publique déjà citée, Le Ligueur repenty, sans dédicace. Le dernier recueil du poète (1597) témoigne du passage de Trellon dans la clientèle de la maison des Guises, par la dédicace au nouveau duc : Charles de Lorraine fut chef de la Ligue à partir de 1591 mais est à cette date rallié au roi légitime et apostat Henri IV.

Trellon est donc un poète soldat catholique, d’abord fidèle à Henri III, puis ligueur, et enfin, à partir de 1593 « ligueur repenti », selon ses mots. Une partie des recompositions de l’œuvre correspond ainsi aux services successifs de Trellon, assurés par la plume et par l’épée.

Désaveux et rétractations

En 1595 et en 1597, la justification des republications repose sur deux modalités pathétiques associées : le regret des publications passées, la fureur devant les éditions illicites. Les préfaces48 justifient en fait deux actes de langage conjoints : le désaveu de textes qui ne sont pas du poète et la rétractation de textes authentiques. Si la rétractation porte sur des titres entiers, les révisions et suppressions au fil des éditions autorisées indiquent d’autres repentirs discrets.

En 1595, Trellon met en avant une conversion dévote pour expliquer une pratique d’autocensure : ses œuvres auraient été « corrigées » par ses soins, suite à la promesse faite en confession à Notre-Dame-de-Lorette de « rayer de [s]es escris mille salles discours et l’histoire de Padre Miracle » (f° 2r°). La rétractation de son roman Histoire de Padre Miracle s’accompagne du désaveu de l’édition des Œuvres poetiques de 1594, incluant le Second livre de la flamme d’amour. La préface de 1595 se clôt sur une formule indiquant que seule fait foi désormais la compilation qui suit : « Tous les autres livres que l’on faict courir sous mon nom sont bastars et desadvoüez de moy. » (f° 3r°). En 1597, Trellon renouvelle cette double position d’autocensure. De façon plus inattendue, il désavoue par surcroît Le Ligueur repenty. Il ne s’agit pourtant pas d’un texte apocryphe, puisque le titre apparaissait dans la liste des livres pour lesquels Trellon a obtenu un privilège d’auteur en date du 20 septembre 159549. En fait, Trellon ne nie pas qu’il soit l’auteur du texte mais il en récuse la circulation imprimée et la version éditée. Peut-être a-t-il eu connaissance de la copie illicite faite par Du Breuil en 1596 : dans ce cas, il passe sous silence La Muse saincte, qu’il aurait lieu de désavouer au même titre que les Œuvres poetiques. Aussi, en mettant en ordre ses œuvres pour une édition définitive, le poète ulcéré ne propose-t-il pas seulement une figure de créateur blessé dans son orgueil. Il prend en outre une mesure de prudence, se prémunissant contre les falsifications qui pourraient être apportées aux textes publiés sans son accord : « Au moins tout ce que tu vois est à ma fantasie, non à celle d’autruy. » Dans l’impossibilité de faire cesser les éditions non autorisées, le poète décline donc toute responsabilité et tout grief qui pourraient lui être imputés sous couvert de l’usage de son nom.

Des premiers recueils indépendants au volume de 1595, sous couvert des rétractations, nous relevons des révisions et suppressions que nous classons en trois séries. Contrairement aux dires du poète, elles ne paraissent pas toutes motivées par un souci de bienséance vertueuse. Certes, de menues réécritures atténuent des excès de plume équivoques pour les bonnes mœurs. Par exemple, dans les « Stances du mariage50 » qui relèvent du badinage, en 1595, le « fascheux mariage » du premier vers est remplacé par une cheville neutre (« ça bas le mariage »), moins offensante pour l’institution religieuse51. En second lieu, certaines suppressions et certains ajouts sont partisans. Par exemple, deux sonnets « Au Roy », introduits en 1591 comme ouverture de la série des tombeaux, notamment celui du duc de Joyeuse, sont supprimés dans L’Hermitage puis en 1595. Cet enrôlement auprès du roi Henri III a perdu alors toute actualité. En revanche, l’édition de 1595 introduit le cycle des « Sonnets de l’autheur durant sa prison a Thurin » : le poète rappelle qu’il est au service du duc de Nemours mais, emprisonné dans le duché de Savoie, attaque violemment Savoyards, Lorrains et Espagnols qui s’immiscent dans le conflit français. En troisième lieu, certaines suppressions effacent des hommages poétiques. La Muse guerriere se clôt en effet sur un cycle de cinq sonnets d’éloge poétique. Les destinataires en sont cinq hommes de Lettres : D’Elbène, Desportes, Du Perron, Bertaut et Baïf. Ces allégeances poétiques disparaissent en 1595, car Trellon semble avoir fait le choix de limiter les jeux de la célébration tant métapoétique que courtisane. Il ajoute aussi des poèmes d’amour et en modifie l’agencement, ce qui entretient son statut d’imitateur de Ronsard et de Desportes.

Entre 1595 et 1597, la division quadripartite du recueil reste identique dans l’ensemble, malgré de légers changements de titres. L’Hermitage reste relativement stable, tandis que les trois premières sections résultent de la recomposition des recueils de la Muse guerriere de 1587 et de la Flamme d’amour de 1591. En 1597, quelques suppressions paraissent commandées par la réforme morale d’ensemble : outre les « Stances du mariage », les « stances aux Dames » sont également supprimées52. Certaines disparitions accompagnent la conversion politico-religieuse à la paix civile. Par exemple, l’élégie antiprotestante d’appel au combat, parue dans la Muse guerriere en 1587 et reprise sans changement significatif dans les Œuvres en 1595, est supprimée en 159753. Ce sont des vers tels que « Nous sommes combatans pour Dieu et pour la foy, / Il nous faut tous mourir au service du Roy » (v. 1-2) qui sont effacés, ou encore : « Puis que je l’entreprens je les [les hérétiques] feray mourir. » (fin). De même les sonnets politiques turinois sont démantelés : le cycle disparaît et Trellon ne conserve que les sonnets 9, 11, 13 et 14 du cycle de 1595, repris sans mention distinctive sous les numéros 63, 65-67 des Meslanges de 1597. Les sonnets conservés perdent leur pointe polémique et politique dans cette nouvelle composition. Néanmoins, de façon contradictoire, la recomposition de la troisième section (livre III en 1595, Meslanges en 1597) atténue l’esprit badin de 1595 au profit d’un discours de combat. Les trois premiers sonnets du livre III de 1595 rappellent l’inconstance nécessaire d’un soldat, qui ne saurait s’engager dans les liens du mariage. C’est le quatrième sonnet de 1595 qui ouvre cependant les Meslanges en 1597, par un sonnet maudissant, à la volte, « celuy dont la valeur s’applique / A rompre, à desmolir l’Eglise catholique » (v. 9-10), renouvelant donc l’appel aux armes. En 1597, l’expression de l’éthique du chevalier prévaut sur celle du conflit amoureux ou militaire : « Je suis un grand Poëte », « Je suis pauvre soldat », lit-on dans les sonnets 3 et 6. Quelques sonnets de satire de la cour disparaissent (63 à 66 en 1595, notamment), indiquant que le poète a choisi dans l’ensemble d’écarter les poèmes de style bas.

Ces révisions façonnent pour la postérité une figure d’homme de Lettres combinant reproches colériques et autocensure vertueuse et pénitente. Le Cavalier parfait propose à la postérité un état de l’œuvre qui la situe par rapport à un idéal lettré, en riposte aux usages éditoriaux qui en ont déduit des lectures politiques et polémiques.

Si le libraire use de la procédure pour faire respecter son droit commercial sur les textes, le poète paraît avant tout se préoccuper de l’usage politique, religieux et littéraire de son nom. Faute de pouvoir contrôler les textes qui lui sont attribués et pour des raisons de prudence, il est conduit à publier une anthologie des seuls poèmes pour lesquels il assume la responsabilité d’auteur. De fait, à partir de 1595, l’offre de contrefaçon a l’intérêt de proposer des livres moins volumineux que les publications officielles donc moins onéreux, et de déjouer la censure que le poète exerce au même moment sur ses écrits.

L’« affaire Trellon » est révélatrice de plusieurs aspects de la culture de l’imprimé sous la Ligue. Concurrence des intérêts marchands, contestation du cadre légal de l’édition ne sont pas les seuls enseignements que l’on tire de la rivalité entre le milieu de l’auteur et ses libraires officiels, et le milieu des contrefacteurs. Les contrefaçons participent de la réception et de l’interprétation du texte. L’enrôlement public de Trellon semble avoir été exploité par les libraires afin de politiser davantage ses vers. La défense du parti du roi catholique, puis l’adhésion à la Ligue imprègnent la relation à soi établie dans le discours pétrarquiste. Par prudence peut-être, par palinodie sans doute, par préoccupation poétique assurément, Trellon choisit en revanche de supprimer l’inscription dans l’histoire, les traces des contingences qui ont suscité la diction poétique. La poétisation de l’œuvre paraît chez lui en refuser l’histoire de l’écriture, en gommer les aléas, bref, en bannir les lectures politiques qu’elle prépare pourtant. L’exemple de la fortune des écrits imprimés de Trellon attire l’attention sur la formation d’une conscience du plagiat dans le régime de la librairie, ainsi que sur une définition des Lettres qui tend à protéger les écrits littéraires contre leurs usages médiatiques, polémiques et politiques.

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1 André Tournon, « Les limbes de la contrefaçon », dans Copier et contrefaire à la Renaissance, éd. Pascale Mounier et Colette Nativel, Paris, Champion, 2014, p. 180.

2 Voir L’Acte éditorial. Publier à la Renaissance et aujourd’hui, éd. Brigitte Ouvry-Vial et Anne Réach-Ngô, Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 7-8 : « L’acte éditorial, conçu comme acte médiateur de transmission, aménage, adapte le texte au support de lecture au point d’en déterminer les conditions et les modalités de réception. » ; Brigitte Ouvry-Vial, « L’acte éditorial : vers une théorie du geste », Communication et langages, n° 154, 2007, p. 67-82, ici p. 77 : on peut « considérer l’acte éditorial comme une situation d’énonciation, non pas dissociée mais intégrée au texte et qui se traduit autant dans et par la matérialité visuelle du livre que dans les opérations intellectuelles de son établissement et les éléments paratextuels qui l’accompagnent. » ; Le Discours du livre. Mise en scène du texte et fabrique de l’œuvre sous l’Ancien Régime, éd. Anna Arzoumanov, Anne Réach-Ngô, Trung Tran, Paris, Classiques Garnier, 2011.

3 Au sens que ce mot a chez Jürgen Habermas (L’Espace public, 1962) et à partir de lui, désignant la sphère de publication des idées et opinions privées, constituant un espace symbolique de discussion et formation de l’opinion publique. Voir L’Espace public au Moyen Âge : débats autour de Jürgen Habermas, éd. Patrick Boucheron et Nicolas Offenstadt, Paris, PUF, 2011 ; Thierry Paquot, L’Espace public, Paris, La Découverte, 2e éd. : 2015 (Repères).

4 Cité par Armand Müller, La Poésie religieuse catholique de Marot à Malherbe, Paris, R. Foulon, 1950, p. 214. Voir Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France [1916], éd. François Trémolières, Grenoble, J. Millon, 2006, t. I, p. 292-293.

5 Peu d’études sur Claude de Trellon : Claude-Pierre Goujet, Bibliotheque françoise, t. XIII, Paris, Guérin-Le Mercier, 1752, p. 375-395 ; Tibulle Desbarreaux-Bernard, Étude critique de Guillaume Colletet sur les œuvres de Claude de Trellon, poète toulousain, Toulouse, Montaubin, 1878 ; Gustave Allais, Malherbe et la poésie française à la fin du XVIe siècle (1585-1600) [1892], Genève, Slatkine reprints, 1969, p. 271-274 et 305-315 ; Olivier de Gourcuff, « Claude de Trellon et ses confidences poétiques », Revue de la Renaissance : organe international mensuel des Amis du XVIe siècle et de la Pléiade, t. II, 1902, Genève, Slatkine reprints, 1968, p. 273-280 ; Jean-François Courouau, « Variations toulousaines : Claude de Trellon dans le miroir de Bertrand Larade », dans Le Rayonnement de la civilisation occitane à l’aube d’un nouveau millénaire, 6e Congrès international de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 12-19 sept. 1999, dir. Georg Kremnitz, Barbara Czernilofsky, Peter Cichon, Robert Tanzmeister, Vienne, Ed. Preasens, 2001, p. 661-675. Mentions dans Gisèle Mathieu-Castellani, Les Thèmes amoureux dans la poésie française (1570-1600), Paris, Klincksieck, 1975, et Jacqueline Boucher, Société et mentalités autour de Henri III, Paris, Champion, 2007.

6 Voir la bibliographie des recueils de Trellon établie par Frédéric Lachèvre, Les Recueils collectifs de poésies libres et satiriques publiés depuis 1600 jusqu’à la mort de Théophile (1626), Genève, Slatkine reprints, 1968, p. 356-364. Compléments et localisation des ouvrages jusqu’en 1600 par la base de données Universal Short Title Catalogue, en ligne : http://ustc.ac.uk/ (consultée en juin 2015). Pour les éditions postérieures à 1600, bibliographie complétée par les catalogues de bibliothèque en ligne.

7 Trellon, Le Premier livre de la flamme d’amour, Paris, A. L’Angelier, 1591, livre I, sonnet 10 ; repris dans Le Cavalier parfait, Lyon, Th. Ancelin, 1597, livre I, sonnet 1.

8 Agrippa d’Aubigné, « Lettres touchant quelques poincts de diverses sciences », éd. dans Albineana. Cahiers Agrippa d’Aubigné, 22, 2010, p. 21-31, à paraître dans les Œuvres complètes, t. II, éd. Marie-Madeleine Fragonard, Champion.

9 André Mage de Fiefmelin, Les Œuvres du sieur de Fiefmelin, t. I, Les Meslanges, éd. Julien Gœury, Paris, Champion, 2015, « A la memoire de quelques Poëtes de ce temps », p. 574-575. Sur Gabriel de Trellon : voir Jean-François Courouau, « Variations toulousaines… », art. cit. [note 5], p. 662.

10 Paris, B. Ancelin, 1613. Par ex., rubrique « Estre sans amitié », p. 63b.

11 Frédéric Lachèvre, Bibliographie des recueils collectifs de poésie du XVIe siècle, Paris, Champion, 1922, et Les Recueils collectifs de poésies libres et satiriques…, op. cit. [note 6] : voir les index.

12 Jean-François Gilmont, « Peut-on parler de contrefaçon au XVIe et au début du XVIIe siècle ? La situation de Genève et d’ailleurs », Bulletin du bibliophile, 1, 2006, p. 19-39 ; Michel Simonin, « Les contrefaçons lyonnaises de Montaigne et Ronsard au temps de la Ligue », dans Les Presses grises : la contrefaçon du livre XVIe-XIXe siècles, éd. François Moureau, Paris, Aux amateurs de livres, 1988, p. 139-158.

13 « Au lecteur » : Œuvres, Lyon, Th. Ancelin, 1595, fos 2r°-3r° ; Cavalier parfait, op. cit., 1597, non paginé.

14 Citée par Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, Genève, Droz, 2002, doc. CLXXXV, p. 455-457.

15 Ibid., notices 183 p. 228 ; 217, 218 p. 249 ; 225 p. 252.

16 Voir Michèle Clément, « Les poètes et leurs libraires au prisme du privilège d’auteur au XVIe siècle : la proto-propriété littéraire », dans Les Poètes français de la Renaissance et leurs « libraires », éd. Denis Bjaï, François Rouget, Genève, Droz, 2015, p. 15-54 ; « Demandez-lui le privilège ». Privilèges de librairie en France et en Europe XVIe-XVIIe siècles, dir. Edwige Keller-Rahbé, Paris, Classiques Garnier, 2017.

17 Intégration de la liste d’errata insérée en tête en 1587 et suppression de cette liste.

18 Distinct des Œuvres poetiques de 1594, apocryphes (voir infra).

19 En 1614, pas de privilège dans l’exemplaire consulté.

20 Le privilège des Œuvres indique « septembre », celui du Cavalier parfait, « mai ». Excepté pour les titres, le reste de l’extrait est identique.

21 Philippe Schuwer, « Contrefaçon », dans Dictionnaire encyclopédique du Livre, t. I, Paris, Éd. du Cercle de la Librairie, 2002, p. 633a-635b, ici p. 633. Voir aussi Yves Le Sueur, « Faux », t. II, p. 188a-191b.

22 Michel Simonin, « Les contrefaçons lyonnaises… », art. cit. [note 12], p. 139.

23 Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, op. cit. [note 14] : notice 218.

24 « A Monseigneur le Duc de Nemours », non paginé, au revers de l’épître dédicatoire.

25 Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, op. cit. [note 14], doc. CLXXXV, p. 455-457.

26 On relève également qu’en 1598, L’Angelier conclut un accord amiable avec J. Veyrat pour une contrefaçon du Tasse, après saisie des exemplaires : Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, op. cit. [note 14], doc. CCXL, p. 463. Pas de mention cependant d’un litige au sujet de la Muse guerriere.

27 Frédéric Lachèvre (Les Recueils collectifs de poésies libres et satiriques…, op. cit. [note 6], p. 362) signale également des reprises ultérieures en dehors de Rouen au début du XVIIe siècle : Troyes, N. Oudot, 1616 ; Lyon, J. Du Creux dict Mollard, 1618 ; Lyon, P. Rigaud, 1624.

28 D’après une interrogation des catalogues en ligne, sur les six premières éditions, de 1590 jusqu’en 1599 inclus, seule celle de 1595 est consultable en France. Deux sont numérisées (1596, 1597).

29 Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, op. cit. [note 14] : notices 117, 143, 181, 330, 349, p. 196 et suiv.

30 Denis Pallier, Recherches sur l’imprimerie à Paris pendant la Ligue 1585-1594, Genève-Paris, Droz-Minard, 1975, p. 123-124 ; Michel Simonin, « Les contrefaçons lyonnaises… », art. cit. [note 12], p. 139.

31 Michel Simonin, « Les contrefaçons lyonnaises… », art. cit. [note 12], p. 153.

32 Discours en forme de declaration. Sur les causes des mouvemens arrivez à Lyon […] Ensemble des stances du sieur de Trellon, Lyon, s. n, 1593, pagination distincte.

33 L’Hermitage, sonnet f° 64r° et stances fos 64v°-73v°.

34 Ibid., fos 64v°-73v°.

35 Frédéric Lachèvre, Les Recueils collectifs de poésies libres et satiriques…, op. cit. [note 6], p. 102. Voir François Béroalde de Verville, Les Apprehensions spirituelles, Paris, T. Joüan, 1583. Réédition à l’expiration du privilège : Tours, J. Mettayer, 1593.

36 Livres de Claude Michel dans : Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle, t. VII, Baden-Baden, Librairie V. Koerner, 1971, p. 60-68. Sur la condamnation et le paiement de l’amende, voir Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain, op. cit. [note 14], doc. CCXXVIII et CCXXIX.

37 Deux adresses : Adrian de Launay (par ex., British Library) ou Pierre Calles (Bibliothèque royale du Danemark), non consulté. La notice du catalogue de la Harvard Library, url : http://id.lib.harvard.edu/aleph/007213998/catalog (page consultée le 18.06.2015), permet de penser que le second livre est bien celui que forgent les Œuvres poetiques de 1594.

38 Voir Philippe Renouard, Imprimeurs parisiens, libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d’imprimerie […], Paris, A. Claudin, 1898, p. 105-106 ; sur Robinot, p. 324-325.

39 La Muse saincte des divines inspirations du sieur de Trellon, Paris, pour A. Du Breuil, 1596.

40 Annoncé dès le titre : Les Œuvres du sieur de Trellon […] augmentees du Pelerin, des Amours de Felice, et du Ligueur repenty, Lyon, Th. Ancelin, 1595.

41 Première section : « Flammes divines et spirituelles, de l’amour de Dieu et mespris du Monde. Sonnets ».

42 Denis Pallier, Recherches sur l’imprimerie…, op. cit. [note 30], p. 137.

43 Muse guerriere, 1589, fos 57v°-58v°.

44 Flamme, « A Monseigneur le duc d’Espernon, au retour de Coutras », f° 9v°.

45 Flamme, « A feu Monseigneur le duc de Joyeuse […] durant le voyage de Coutras », f° 10r°-v°.

46 Flamme, f° 10r°.

47 Flamme, fos 96v°-115r°. Hermitage, fos 19r°-37r°.

48 L’avis au lecteur est abrégé dans les rééditions du Cavalier parfait (1599, 1605, 1614). Nous citons le texte de 1597.

49 Voir l’extrait du privilège en tête des Œuvres, 1595.

50 Comparer : Muse guerriere, f° 26v°, et Œuvres, f° 143v°.

51 Voir aussi d’autres révisions v. 28 ; str. 6, v. 31-32 ; str. 7, v. 37-38.

52 Muse guerriere, f° 28r°, et Œuvres, f° 144v°.

53 Muse guerriere, f° 121r°, et Œuvres, f° 160r°.