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La Bibliothèque enfantine francophone d’Hochelaga (1925-1945)

Marie-Hélène GRIVEL

Maître de Conférences en Histoire et civilisations, membre associée du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Depuis la fin du premier conflit mondial, les élites canadiennes-françaises investissent le domaine de l’enfance, et particulièrement en ce qui a trait au secteur du livre. Si les bibliothèques scolaires sont l’objet de nombreux articles, la nécessité d’une littérature spécifique voit le jour au début des années 1920, avec comme solution la création de revues telles L’Oiseau bleu (1921), L’Abeille (1925) ou encore La Ruche écolière (1927). Le succès des romans-feuilletons incite les éditeurs à se saisir du phénomène, d’autant que l’État provincial les y invite en promulguant la Loi Choquette qui crée un marché protégé au sein du circuit scolaire obligeant les écoles à se fournir en ouvrages nationaux pour 50 % de leurs achats (1926). La naissance d’un corpus national légitime à la fois la littérature de jeunesse et l’existence de son public. Dans les discours, cette prise de conscience prend la forme d’une volonté d’encadrer les lectures, afin de détourner les jeunes âmes des loisirs modernes, dangereux et « dénationalisateurs1 », que sont les magazines et le cinéma américains. De plus, les revues édifiantes et les livres ne demeurent accessibles qu’aux enfants scolarisés voire fortunés, quand les moins aisés se retrouvent avec pour seule lecture le journal de leurs parents. Pourtant la production de livres pour la jeunesse se multiplie, et la création de lieux d’éducation postscolaire devient urgente. Car, comme nous allons le voir, bien qu’il existe des bibliothèques publiques, elles sont rares, quant aux scolaires (semi-publiques), elles sont pauvres. Dans les années 1930, certains pédagogues vont aussi plus loin, s’inquiétant des temps de loisirs hors de l’école, laissant les élèves se tourner vers les publications jugées malsaines qui risquent d’en faire de « mauvais lecteurs ». D’autres, « des personnes dévouées, soucieuses de faire aimer la lecture aux enfants2 », commencent à se poser la question des « enfants nécessiteux » qui, poussés en dehors de la maison par leurs pères au chômage, sont livrés à la rue. Naît alors d’une initiative privée la première bibliothèque entièrement consacrée aux enfants francophones. Nous verrons dans cette deuxième partie la vie et l’organisation de cet établissement. Enfin, considéré par les élites comme un vecteur de culture dans son foyer, l’enfant affirme son rôle, non seulement de passeur idéologique auprès de ses parents, mais également celui de la relève à qui il faut transmettre l’amour et la connaissance de son pays. C’est ici que la bibliothèque, garante de la nouvelle génération, se pare d’un enjeu patriotique et culturel à caractère pancanadien. Cette expérience, dont l’évolution s’accompagne de la professionnalisation du personnel, s’installe dans la durée et influence même la création de sections spéciales dans divers bibliothèques municipales de la Province.

LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES ET SEMI-PUBLIQUES

Avant toute chose, il faut garder à l’esprit que le secteur de la lecture publique canadien ne peut relever d’une politique nationale globale. Le découpage administratif en dix provinces, regroupées en deux territoires unis en fédération, ne facilite pas l’homogénéité d’un potentiel réseau de bibliothèques. L’éducation tout comme les municipalités relèvent de chaque gouvernement provincial. Ce qui signifie, entre autres, que les bibliothèques scolaires (collégiales et universitaires) sont financées et organisées par les autorités de la province concernée, et qu’il n’est pas possible de développer un système national de formation ou de nomination des fonctionnaires d’État. Dans la Province de Québec, il existe deux systèmes de bibliothèques susceptibles de s’adresser aux enfants : la paroissiale et la scolaire. Toutefois, comme nous allons le voir, ces deux types d’établissements, publics et semi-publics, connaissent des difficultés lorsqu’il s’agit d’attirer les jeunes lecteurs et de les intéresser à la lecture.

Les bibliothèques paroissiales du Canada-français sont chapeautées par l’Église qui s’est équipée, depuis 1843, d’un réseau de lectures dans chaque diocèse. Dès 1844, et ce à l’initiative de Mgr Bourget (1799-1885), le nouvel évêque de Montréal, ce système s’appuie sur celui de « l’Œuvre des Bons Livres » – modèle né à Bordeaux en 1820. Au XXe siècle, il s’accroît particulièrement en milieu rural, tout en restant très présent dans les villes de Québec et de Montréal. Ce réseau urbain éprouve des difficultés dans les années 1920, concurrencé par les établissements laïcs et les nouveaux médias. L’entrée dans l’ère industrielle crée une masse de lecteurs bien plus importante qu’au siècle précédent, et le système paroissial semble ne pas pouvoir y résister. Toutefois, à la suite du rapport de la Commission Ridington, les autorités prennent conscience que dans la Province, ce type de bibliothèques est le seul à maintenir la lecture publique3. Ainsi, des fonds sont distribués pour que subsistent ces établissements. En 1925, le Canada-français en compte 230, et leur nombre ne cesse d’augmenter pour atteindre, en 1933, le chiffre de 275 établissements. Le réseau reprend donc de la vigueur au milieu des années 1930 mais leurs dépenses en matière de livres ne s’élèvent qu’à 50 $ par an. En 1937, elles sont au nombre de 322 et, l’année suivante, il en existe 333 cumulant 318 913 volumes4. Autant dire que les clercs, qui ont fait du livre et de la lecture l’un de leur principal apostolat, dominent le champ de la lecture publique. Il semble toutefois que les bibliothèques paroissiales, du milieu des années 1930 à la Seconde Guerre mondiale, soient principalement à caractère rural. Elles sont soutenues par les autorités religieuses qui n’hésitent pas à en ouvrir de nouvelles dès que des projets laïcs voient le jour. Il s’agit pour les clercs de garder le contrôle sur ce qui est diffusé au sein de la population. Pour justifier l’implantation ou le développement de nouveaux établissements, et capter les lecteurs, le roman fait son entrée sur les rayonnages. Les bibliothécaires osent de plus en plus la diversification des genres, d’autant qu’ils disposent de livres nationaux tout public conformément à la doxa. Il est important pour les prescripteurs de s’inscrire dans la modernité s’ils veulent conserver leur mainmise sur la société. En termes d’équipement de lecture publique, le constat est accablant pour la Province. Une étude menée par la ville de Manchester (New-Hampshire) fait grand bruit dans les pages du Canada5. Elle fait état du peu de bibliothèques dans la Province, le journaliste affirmant « que les bibliothèques du Québec fournissent un livre par dix habitants, alors que le New-Hampshire offre à chacun de ses habitants plus de trois livres ». Toutefois le rapporteur souligne l’importance du réseau des bibliothèques paroissiales comme unique maillage solide pour la lecture publique.

Mais quelle est la place des enfants dans ce type d’établissement ? Tous les intervenants dans le débat public (politiques, clercs, journalistes) considèrent que les lieux de lecture publique doivent bénéficier à tous, mais reconnaissent que les existants ne sont pas adaptés aux plus jeunes. L’augmentation des journaux à grand tirage et la multiplication des maisons d’édition – qui « versent en abondance sur le marché des textes imprimés […] qui peuvent tomber sous le regard de lecteurs réputés fragiles (le peuple, les femmes, les enfants)6 » – inquiètent les pédagogues. Pour eux, il est primordial d’intéresser les enfants à la lecture, sous le contrôle d’un maître et ce dès le plus jeune âge. Quant à l’Église, elle suit les directives de l’encyclique Divini Illius Magistri (31 décembre 1929) du pape Pie XI, texte reconnaissant, de façon officielle, le combat mené par Louis Bethléem (1869-1940) dans sa Revue des lectures. Le nombre des abonnements à son journal, ainsi que la présence de tous ses écrits dans les fonds des bibliothèques, font de lui « un authentique maître à penser » dont le livre Romans à lire & romans à proscrire semble être le guide à suivre. Et cela se confirme en 1934, lorsque Blanche Gagnon lance sur le marché le premier livre canadien-français de cotes morales7, dont l’élément majeur est d’introduire des cotes uniquement pour les romans en s’appuyant sur l’âge des lecteurs8. Cette prise en considération intervient avec le développement éditorial de la littérature pour la jeunesse (1923-1936) qui pénètre en masse le circuit scolaire. Malgré cette ouverture, il est bien rare de voir des enfants au sein de ces établissements paroissiaux. Il faut donc se tourner vers le réseau scolaire pour comprendre les enjeux de la lecture encadrée pour les plus petits. Car, bien que nous n’ayons trouvé aucune indication concernant la fréquentation des bibliothèques publiques par les enfants, il semble qu’ils en soient de facto exclus. C’est pourquoi il ne nous paraît pas incongru d’affirmer qu’ils étaient cantonnés aux initiatives développées au sein du circuit scolaire. Intéresser les écoliers à la lecture a toujours été un point important pour les hommes politiques et pour l’institution dominant la société qu’est l’Église. Dès 1867, les pouvoirs publics fournissent massivement en livres les écoliers de la Province, notamment au travers du circuit des livres de récompense. Ces ouvrages, bien que destiné aux enfants, sont partagés par l’ensemble de la famille voire par la totalité de la paroisse à laquelle appartient l’élève méritant9. Avec la fin du premier conflit mondial et la naissance du mouvement nationaliste, les intellectuels, Lionel Groulx (1878-1967) en tête, s’inquiètent de l’avenir de la race canadienne-française et multiplient les articles en faveur de la lecture des enfants10. L’État provincial leur emboîte le pas avec la mise en application de la Loi Choquette et l’augmentation des octrois en direction de l’achat de livres. Ce système de livres de récompense est perçu comme salutaire puisqu’il permet aux écoliers de se constituer une bibliothèque personnelle. Ainsi, le président de la Société des Écrivains Canadiens invite-t-il « tous les éducateurs et tous les commissaires d’école de donner des livres en récompense à nos enfants », soulignant que :

Donner à nos enfants des livres de récompense, à la fin de l’année scolaire, n’est donc pas, chez nous, une tradition vide de sens. C’est au contraire, un devoir impérieux, une obligation à laquelle nous ne pouvons nous dérober sans diminuer nos forces de résistance, sans mettre en danger notre civilisation, sans porter atteinte, en un mot, à l’honneur de notre nom11.

Et l’école ne se résume pas aux livres de prix. Il existe également des bibliothèques scolaires pour satisfaire aux besoins de lecture des enfants. Malheureusement, le Bureau des statistiques révèle en 1924 qu’il n’existe que « 1 655 bibliothèques scolaires (y compris celles des écoles primaires, des collèges classiques et des universités) ». Le rapporteur et bibliothécaire, Georges-Émile Marquis (1878-1960), rectifie ces chiffres pour l’année 1925, en précisant qu’il existe « 2 452 bibliothèques scolaires (y compris celles des universités et collèges) […] avec 2 691 853 volumes12. » Malgré tout, ce qu’il ne relève pas c’est que ces bibliothèques sont généralement des armoires à livres au fonds pauvre et peu renouvelé. Pourtant, comme le souligne Albert Pelletier (1869-1971), éditeur de la revue Les Idées :

Si l’on réussit à élever le niveau intellectuel et moral des écoliers, il est vraisemblable qu’ils gagneront mieux leur vie, qu’ils accéderont plus facilement à l’aisance. Alors ils pourront acheter des livres, ils auront des heures de liberté pour les lire13.

Si ces établissements fonctionnent en autonomie, y compris financière, ils sont tous obligés par l’État à se fournir en ouvrages nationaux lors du passage de la Loi Choquette14. Malgré cela, René Guenette (1897-1954), auteur d’un Essai sur l’éducation15, déplore encore 10 ans plus tard que « les bibliothèques de nos écoles ne sont pas abondamment fournies et aussi éclectiques qu’on le pourrait souhaiter16 ». Et bien que le premier Service des bibliothèques scolaires soit mis en place en 1939 – permettant, par exemple, à la Commission scolaire de Montréal de compter, sur l’ensemble de ses 224 écoles catholiques, 97 828 volumes – il demeure le problème des établissements ruraux, et ce jusqu’aux années 195017. Cette volonté d’enrichir les rayonnages scolaires a pour objectif principal de détourner les enfants des loisirs jugés dangereux. Sur ce point, les pédagogues sont unanimes :

Si nous réussissons à donner à nos élèves le goût de la lecture, puis à transformer ce goût en besoin dont on ne peut plus se passer, à les habituer à une dose quotidienne de lecture, dont l’absence comme la drogue devient intolérable, nous n’aurons pas perdu notre temps et notre enseignement n’aura pas été vain… Nous aurons éveillé nos élèves à un vice, le plus noble qui soit, le plus doux et le plus utile, celui qui comble la vie d’irremplaçables joies18.

Et bien que le nombre de bibliothèques scolaires s’accroisse au fil des années – 3 300 bibliothèques d’écoles primaires en 193819 – les établissements souffrent d’un autre problème, celui de l’absentéisme. Le taux de fréquentation des élèves de 7 à 14 ans, pour l’année 1938-1939, n’est que de neuf et demi pour cent20. De plus, « la Commission des Écoles a trop de peine à assurer l’essentiel de l’enseignement à cause de ses difficultés financières pour songer à doter chaque école de la bibliothèque qu’il faudrait21 ». Certains s’interrogent, craignant que l’on n’apprenne pas à lire aux enfants dans les écoles. Pour eux, il est urgent de multiplier les bibliothèques et de les enrichir « sans cesse de livres nouveaux ou anciens22 ». Autres constats sans appel : la bibliothèque de l’école est fermée en dehors des heures de classe et beaucoup de jeunes quittent ses bancs « avant l’âge de dix-sept ans – et c’est le plus grand nombre23 ». C’est dire que les jeunes âmes sont livrées à elles-mêmes, en proie aux magazines américains et à la presse24. Les discours s’orientent alors vers la nécessité d’ouvrir des bibliothèques dans lesquelles les jeunes adultes pourraient venir parfaire leur éducation et les enfants se confronter aux ouvrages adéquats. C’est ainsi, comme le stipule Hélène Grenier (1900-1992), bibliothécaire et enseignante de l’École des bibliothécaires, que l’idée d’une « éducation postscolaire » devient l’objet de tous les discours, car on considère dorénavant que « l’instruction est l’affaire de toute une vie et que le diplômé de l’Université aussi bien que celui qui quitte l’école primaire à la cinquième ou sixième année, a besoin de continuer à grandir intellectuellement25 ». Et c’est dans les années 1930, que naît l’éducation postscolaire à destination des enfants non-scolarisés ou qui ne pourraient s’offrir de bibliothèques personnelles26. Il est important d’ancrer tous les jeunes dans leur mission de sauvegarde nationale27, et le livre, qui « soustrait les enfants aux multiples dangers de la rue28 », devient l’objet de toutes les attentions. Toutefois, pour intéresser les jeunes des « quartiers populeux », il faut leur trouver un foyer, ce sera une bibliothèque destinée aux enfants. Et c’est sur les idées d’éducation envers les plus démunis, puis d’éducation postscolaire, que le projet d’édifier un lieu de lecture publique pour enfants naît à Montréal dès l’année 1936. Le quartier choisi est un quartier d’Hochelaga, un quartier pauvre et ouvrier de la paroisse de la Nativité. Le curé Henri Deslongchamps (1880-1952), en charge du secteur et membre de la Commission des écoles catholiques de Montréal, avoue que :

ce projet de bibliothèque, qui aurait paru un luxe hier, devient une nécessité aujourd’hui […]. Le temps est, semble-t-il, arrivé de procurer aux jeunes enfants l’aliment intellectuel dont ils ont besoin [par des] publications attrayantes soumises à une censure compétente29.

LA BIBLIOTHÈQUE D’HOCHELAGA, VIE ET ORGANISATION

Si les petits anglophones disposent depuis 1911 de la Bibliothèque de Westmount et de l’« important réseau du Montreal Children’s Library » établi en 192930, les petits francophones ne possèdent aucun établissement à eux. En 1936, une organisation, qui se veut une réplique française de l’institution anglaise, décide de mettre en place une bibliothèque francophone à destination des enfants. Sous la présidence de Jeanne Boyer-Pretty31 est donc créée la première bibliothèque enfantine francophone de la Province. Il s’agit pour tous les participants au projet de faire œuvre de charité en direction des « coureurs de chemins et [de] leur faire tout le bien possible ». Et si l’idée fît d’abord « sourire, [elle] fut semée32 » avec l’aide du mécène Jean Lallemand (1898-1987). Sur ses conseils, la présidente et la bibliothécaire, Gabrielle Labelle, se sont adressées à Henri Deslongchamps pour lui proposer d’accueillir l’établissement. Il décrit ainsi leur rencontre :

Telles des fées, Madame Jeanne Rover Gurth-Pretty [sic] et Mlle Gabrielle Labelle m’apportaient la solution partielle du problème de sauvegarde morale de nos petits enfants dans le projet d’une bibliothèque enfantine33.

Dès son inauguration, le 4 juillet 1937 dans la rue Sainte-Catherine à Montréal34, les principaux objectifs du lieu se dessinent dans les nombreux articles qui lui sont consacrés. Le caractère charitable et social de la bibliothèque ne fait aucun doute, et pour les journalistes elle s’inscrit dans la droite ligne du nationalisme culturel naissant35, Il s’agit donc de suppléer aux déficiences de l’enseignement et, par voie de conséquences, de préparer les citoyens de demain. En ce qui concerne plus particulièrement la sphère éducative, les discours portent sur deux niveaux. Le premier est celui d’encadrer les enfants non scolarisés, car suite à la crise de 1929, qui touche la Province en 1932 :

La maison du chômeur est plus encombrée que jamais depuis que le père y passe ses journées. C’est une raison additionnelle pour pousser les enfants dehors. Or l’atmosphère de la rue et de la venelle, à longue journée, ne leur vaut rien […]. N’est-ce pas une aubaine pour eux que de trouver la bibliothèque des enfants sur leur route36 ?

Quant au second niveau, il s’agit de faire de la bibliothèque « le prolongement de l’école. Elle en est le complément quasi nécessaire37. » Sa mission première est de respecter la doxa et les critères de l’instruction publique, en se suppléant à l’enseignement scolaire, tout en faisant partie intégrante du système éducatif global38. De plus, Henri Deslongchamps avoue que l’établissement lui « procure un moyen de régler le problème de la surveillance des enfants de 7 à 12 ans durant les vacances et les jours de congés39. » Il est primordial de sortir les enfants de « la médiocrité » en mettant à la portée « des âmes non seulement des livres amusants et instructifs, mais surtout des livres qui placeront l’enfant sous l’influence des héros et des saints40. » Quant aux ouvrages suspects, particulièrement les romans policiers (Arsène Lupin, Sherlock Holmes), les livres à dix cents ou les crime comics, ils seront a priori exclus41. Les œuvres offertes sont donc choisies pour leur qualité pédagogique, et en ce qu’elles contribuent, pour reprendre Pierre Bourdieu, à la reproduction d’une certaine culture définie par les autorités. Elles remplissent un rôle d’importance, celui de « ciment social », l’enfant appartenant à un pays, un groupe, une religion. Ainsi, les lieux sont-ils soumis, au même titre que l’école, au principe de confessionnalité, et les locaux sont-ils bénis en juin 1937. Soutenir l’œuvre c’est donc aussi faire œuvre chrétienne puisqu’à la bibliothèque « on ne se soucie pas tant d’attirer les convives que de servir Dieu en se démenant pour procurer aux très jeunes des heures récréatives et saines42 ». La cause de la lecture publique, a fortiori à destination des plus jeunes, devient donc un des axes principaux de la culture et de l’édification de la société de demain43. Si le prêt à domicile n’est instauré qu’en 1938, il est permis dès les débuts d’emmener les ouvrages dans le jardin de l’établissement44. Rapidement la bibliothèque est un succès, attirant « six cents abonnés » ayant à leur disposition « huit cents volumes45 », moyennant un abonnement annuel de cinq sous. Il ne faut que quelques mois pour voir inscrits plus « de neuf cents petits enfants de ce quartier [qui] préfèrent un beau livre aux jeux bruyants, aux dangers de la rue, aux radios sonores. Nos enfants lisent46 ! » En novembre 1937, ce sont plus de 930 livres qui garnissent les rayons, adaptés « aux petits et aux moins petits un [sic] lecture saine, appropriée à leur âge et à l’éveil de leur intelligence47 ». Et ce ne sont pas moins de 1 300 livres qui sont prêtés chaque mois à des enfants de 6 à 13 ans48. Les actions de la bibliothèque poursuivent l’idée d’éducation postscolaire. Toutefois, comme le signale Lucien Desbiens, journaliste au Devoir :

Qu’on n’aille pas s’imaginer qu’une telle bibliothèque, parce qu’elle est réservée aux enfants, peut vivre de l’air du Bon Dieu, des paroles d’encouragement et des sourires sympathiques. Tout comme les grandes bibliothèques, il lui faut un budget convenable pour subsister49.

Relevant d’une initiative privée, l’établissement a recours à un grand nombre d’appels à souscription. Déjà pour sa mise en place, un dîner aux huîtres, organisé le 27 janvier 1937 pour récolter des dons, réunit des éditeurs, comme Albert Lévesque, ainsi que le maire de Montréal, Adhémar Raynault qui, s’il n’a rien financé pour le moment, annonce que « l’œuvre de la bibliothèque pour enfants est une œuvre éminemment utile et, si un jour il devient nécessaire que nous lui aidions, je suis sûr que le conseil municipal s’efforcera de vous offrir encore mieux que son appui moral50 ». Pour financer un tel projet, un autre dîner, qui fait office de première réunion officielle du comité de l’œuvre des « Bibliothèques enfantines » (1er décembre 1937)51, est organisé pour récolter fonds et ouvrages. Un article du Devoir insiste sur le fait que ce projet a « l’approbation […] de tous les citoyens avertis des questions sociales », et qu’il « doit particulièrement tenir à cœur à ceux qui se soucient de l’éducation de l’enfant et des tout-petits52 ». Il précise que Jean Lallemand, membre du comité de direction, « non content de prendre une part active à l’organisation des Bibliothèques enfantines [en assure] les frais de loyer53. » Quelques mois plus tard, la bibliothèque reçoit une aide de 1 000 $ de la mairie, et autant de l’État provincial l’année suivante54. Cet appel aux dons a aussi pour conséquence de faire connaître l’initiative « si bien que la première récolte compta près de mille livres55 ». Et certains ouvrages proviennent des consulats de France et de Belgique, ainsi que « d’une librairie française56 ». Malgré tout, les difficultés budgétaires persistent. L’établissement, victime de son succès, organise encore un dîner pour « récolter une moisson de livres supérieur à la première57 » ; « le produit net de la vente [des] billets sera entièrement consacré à l’achat de livres et à l’entretien » des lieux58. Il lui faudrait réunir 2 000 $ pour qu’il subsiste pendant un an, et 3 000 $ pour établir une succursale. Moins d’un an plus tard, en février 1938, la « Bibliothèque des enfants a en caisse 600 $ pour l’année. Il lui en faudrait 2 000 $59. » Véritablement prise d’assaut par le jeune public, la bibliothèque pourrait inscrire deux fois plus d’enfants, « mais elle n’a pas assez de livres60. » Lors de la première assemblée générale annuelle, en mai 1938, une « causerie de Mlle Hélène Grenier » est retranscrite dans les pages du Devoir. Il est précisé que le maire, Adhémar Raynault (1891-1984), renouvelle la subvention de 1 000 $ pour l’année, ce qui tombe à point puisque l’établissement a déboursé 800 $ pour l’achat de nouveaux ouvrages, les rayons comptant désormais 1 675 volumes pour 911 abonnés. Certains auteurs se sont mobilisés offrant gracieusement leurs ouvrages61. Le chiffre d’abonnés atteint les 150 enfants, qui peuvent venir « tous les jours de classe, entre quatre et cinq heures et trente de l’après-midi62. » Le succès de l’œuvre ne se dément pas et la forte fréquentation accroît les problèmes budgétaires. En avril 1940, Le Canada annonce que « La Bibliothèque des Enfants a besoin d’argent63 », car les abonnés de 7 à 17 ans sont au nombre de 1 230, « alors qu’il était de 1 006 l’an dernier à pareille date ; 34 315 volumes sont en circulation cette année contre 23 700 il y a un an64 ». Fin 1941, les rayons possèdent plus de 3 600 volumes, que les lecteurs peuvent emprunter par deux pour une durée de quinze jours65. Cette même année, la bibliothèque déménage pour poursuivre, dans des locaux plus spacieux, son œuvre dédiée à « l’éducation et à la culture de l’enfance66 ». Sous la direction de Jeanne M. Saint-Pierre, bibliothécaire diplômée, les lieux se veulent plus attrayants : les vitrines, ouvertes sur la rue, se parent de dessins des abonnés, de livres colorés, de fleurs et de papillons. Les enfants viennent y chercher la nourriture de leur âge, et peuvent même y trouver une salle de références qui contient des dictionnaires et encyclopédies67. Deux ans plus tard, la bibliothèque, présidée par Mme Édouard de Bellefeuille Panet, « disposait de 3 600 volumes et comptait un peu plus de mille abonnés dont l’âge varie entre cinq et seize ans68 », pour une « circulation moyenne de 187 [volumes] par jour69 ». En 1944, le nombre de volumes disponible passe à 4 500 titres. De plus Gabrielle Labelle, met en place la liberté du public, la fameuse heure du conte70, ainsi qu’« un système de classification et de prêt basé sur les données modernes de la bibliothéconomie71 ». Entourées de deux assistantes bénévoles étudiantes en bibliographie à l’Université de Montréal72, Laurette Racine et Claire Rinfret, Louise et Gabrielle Labelle, secondées par Jean Lallemand, instaurent les « caisses voyageuses » en mai 1939. Dans un premier temps, ce sont dix garçons qui « transportent à bicyclette des livres73 » dans le quartier ouvrier de Rosemont. Puis, le nombre de dépôts augmente dans la périphérie de Montréal, et ce sont ainsi 9 caisses qui « se promènent […], distribuant plus de 600 volumes échangés tous les deux mois74 ». Ces prémices à la bibliothèque circulante permettent de desservir cinq paroisses montréalaises, puis elles seront 9 en 1941. En 1944, cela permet de faire lire 85 000 volumes dans la Province, et en 1945, de faire circuler les livres plus de 2 000 fois75. Ainsi, en 1947, ce ne sont pas moins de « vingt et un centres : cinq à Montréal et les environs et seize dans la province76 ». Ces caisses sont un succès au point qu’en 1953, sous la direction d’Alice Giroux, la « bonne lecture [est] dans tous les coins de la province ». Ce sont dorénavant « plus d’une centaine de centres, [soit] 3 300 abonnés [qui] reçoivent deux ou trois fois par année une caisse de trente à soixante volumes77 ». Ce qui fait dire à Marcelle Gauvreau que tout « est parfaitement organisé : bibliothèque circulante ; services du catalogue, de reliure, de réparation des livres ; organisation de causeries, etc.78 ». L’ensemble des objectifs d’une telle bibliothèque sont respectés, et ne cessent d’attirer des lecteurs. Toutefois, Hochelaga est bien plus qu’une bibliothèque proposant de saines lectures et venant au secours des enfants nécessiteux, c’est un lieu qui porte intrinsèquement une visée patriotique et culturelle. D’autant que « si l’école, pour une raison ou une autre, manque son effet, ne serait-ce pas aux bibliothèques d’enfants qu’il appartiendrait de combler la lacune79 ? » Ainsi, il s’agit bien plus que d’un simple lieu de lectures dirigées et contrôlées. Sa dimension sociale recèle des aspects politiques et des enjeux pour l’avenir de la Province.

LA BIBLIOTHÈQUE DES ENFANTS, UNE VISÉE CULTURELLE ET PATRIOTIQUE

Pour le donateur, Jean Lallemand (1898-1987), la raison de son investissement est simple : « Nous voulons une jeunesse forte, éveillée, instruite. Donnons-lui les armes pour combattre80 ». Car, quelle que soit l’origine sociale des jeunes lecteurs, une idée maîtresse demeure – dans une époque où lire est encore considéré comme synonyme de « faire » – « que la meilleure manière de sauvegarder l’avenir, c’est de donner une éducation solide aux enfants et que la lecture est encore le moyen le plus efficace de suppléer aux déficiences de l’enseignement81 ». Il faut dire que depuis les années 1920, les discours institutionnels sur la lecture des plus jeunes, sont, comme nous l’avons vu, d’abord tournés vers l’école et ses livres de récompense. Cela est bousculé avec l’émergence des revues spécialisées, et l’entrée des textes chez les éditeurs. Toutefois, lire, oui, mais pas n’importe quoi ni n’importe comment. L’enfance, période pendant laquelle la graine de la réflexivité nationale peut être plantée, est perçue comme l’outil de préservation par excellence. Alors que la lecture scolaire, ou plus rarement paroissiale, se fait sous le contrôle d’un maître d’école, la lecture de loisirs, d’oisiveté ou de vacances, ne possède pas encore de « professeur de lecture ». Cet état de fait soulève le risque de créer de « mauvais lecteurs » qui, par prédilection, se tournent en masse vers les comics books et autres importations « de quatorzième ordre82 » tel le cinéma83. L’évolution discursive s’explique en partie par la prise en considération de la classe populaire, de plus en plus instruite et sollicitée par l’expansion rapide des éditions bon marché. Dès 1925, avec l’adoption de la Loi Choquette, favorisant les auteurs et éditeurs nationaux, les autorités consolident ce que Pierre Bourdieu qualifie de « monopole de la légitimité [des producteurs, ce qui] contribue au renforcement de la légitimité au nom de laquelle [la lutte pour la lecture] est menée84 » et ce, plus particulièrement en direction de la nouvelle génération. Comme le souligne Françoise Lepage, le fonds que va constituer la bibliothèque, « répond au projet éducatif que nourrissaient les élites à l’égard des jeunes générations : leur faire connaître leur histoire et ceux qui l’ont faite, afin qu’elles soient fières et que, partageant cette fierté et ces racines communes, elles sachent former un peuple85 ». Il est important de développer le « cerveau des jeunes, qui souvent, est brûlé par un départ trop rapide vers une littérature qui ne lui convient pas, quand elle n’est pas franchement malsaine86 ». C’est ainsi qu’on leur offre en abondance modèles historiques et moraux en conformité avec le mandat d’autres institutions enseignantes. Un volet économique est également attaché aux lectures de l’enfant, celui de le faire consommer national une fois adulte. Et c’est Albert Pelletier qui énonce :

Ne réussirait-on à inspirer qu’à 10 000 enfants le goût et l’amour de la lecture, le résultat serait beau et produirait plus tard les plus heureux fruits. Si, dans dix ans, les écrivains franco-canadiens disposaient de 10 000 lecteurs de plus ? De dix mille personnes qui, parce qu’elles aiment les livres, travaillent à les répandre, à les faire aimer dans leur famille, dans leur entourage87 ?

C’est donc la figure de l’enfant qui se transforme en enjeu patriotique, en gardien de la mémoire, de la langue et de la Foi. Ainsi, les bibliothèques se doivent-elles d’être « par définition des centres de culture88 ». Le livre est le vecteur le plus plébiscité pour y parvenir. Victor Barbeau (1894-1994), président de la toute jeune Société des Écrivains Canadiens, demande d’ailleurs de « donner des livres [pour] vivifier notre jeunesse, la préparer à sa tâche, la munir d’une âme française, d’un esprit français, la pénétrer de culture française de manière à garder notre pays français89 ». Durcir, ou nourrir la fibre patriotique chez les jeunes individus permet aux autorités « d’atteindre même les chefs de famille qui, trop souvent, hélas ! sont contaminés par des imprimés communistes90 ». Il s’agit bien de lutter contre les influences étrangères en créant des « bastions avancés de notre patrimoine ». Les regards se portent sur l’Allemagne, l’Italie ou l’URSS, qui depuis quelques années ont fait de leur jeunesse un enjeu majeur. Toutefois, si les États totalitaires ont mené à bien « des œuvres de destruction », Henri Deslongchamps précise qu’à Montréal le but est de réussir des œuvres de paix. Et la paix dans la société canadienne-française, alors gouvernée par Maurice Duplessis, passe par une lutte active contre le communisme, l’anarchisme, le socialisme, le marxisme, l’athéisme, et tous les courants allant à l’encontre des doctrines prônées par les autorités en place, et la bibliothèque d’Hochelaga devient l’instrument de ce combat. Il faut :

pouvoir lutter, s’il y a lieu, et à culture égale. On ne saurait former une conscience populaire éclairée si on ne commence d’abord par former les enfants. C’est Lénine qui a dit : « Donnez-moi quatre ans pour enseigner aux enfants et ce que j’aurai semé ne pourra jamais être déraciné. » Ce que les maîtres du communisme ont parfaitement compris pour répandre leur doctrine de destruction, devons-nous donc l’ignorer, nous qui nous opposons à eux de tout notre christianisme91.

Et cette idée se renforce au cours de la Seconde Guerre mondiale : « Tous les gouvernements qui ont voulu bouleverser le monde et s’en assurer la domination se sont attaqués à l’esprit et au cœur de la jeunesse et l’on peut avouer que leur but a été en grande partie atteint92. » Aider la bibliothèque enfantine devient une marque d’engagement politique, puisqu’« envoyer des livres pour enfants ou des souscriptions aux bibliothèques [est] une magnifique occasion […] d’être patriotes autrement qu’en paroles93 ». Il s’agit pour tous de plébisciter la lecture considérée comme « une des conditions principales de l’acquisition de la culture : elle constitue graduellement les réserves de la mémoire […]. De tous les moyens dont l’homme dispose pour se cultiver, il n’en existe pas de plus direct, de plus fécond que la lecture94 ». Pour semer les idéaux de la classe dirigeante, l’équipe de la bibliothèque est constituée de bibliothécaires modernes, souvent formées aux États-Unis ou en France, qui introduisent les méthodes américaines. Elles font également preuve d’initiatives, comme nous l’avons vu avec les « caisses voyageuses » qui permettent de faire circuler les ouvrages auprès des enfants et ce grâce à l’ingéniosité des bibliothécaires de la première heure. Ces nouveaux professeurs de lecture, bien que leur nom soit souvent passé sous silence, font l’objet de nombreux éloges. Anatole Désy, journaliste au Canada, parle de « direction éclairée », confiée « la plupart du temps à des femmes, éducatrices nées » qui effectuent le « choix des lectures […] en raison de l’âge, des dispositions naturelles et des besoins de chaque petit lecteur95 ». Et si au départ elles sont bénévoles, leur métier se transforme rapidement en profession reconnue lorsque la gestion de l’établissement passe aux mains de bibliothécaires diplômées de la toute jeune École des bibliothécaires (1937). Fin 1939, Jean Desforges, journaliste à La Patrie, visite les lieux. Il note que le choix des livres est « scrupuleux », sans toutefois donner d’exemple. Il apprécie le « classement simple et commode : fantaisie, romans, histoire, biographies, hagiographies, livres de science et d’art, un peu de littérature anglaise pour les plus avancés, etc.96 ».

Par ailleurs, il est indéniable que l’établissement tend à devenir un véritable centre de sociabilité urbaine à caractère culturel et d’orientation. Sous la direction de Jeanne Saint-Pierre sont instaurées de nombreuses activités, tels des cours de dessins et de modelages, dirigés par Irène Sénécal (1901-1978) du « Comité de l’Éveil à l’Art » de l’École des Beaux-arts. Plus qu’une simple activité, il s’agit véritablement de « contribuer à l’orientation professionnels des petits abonnés97. » Ainsi des interventions de professionnels – comme celle de Jean-Marie Gauvreau (1903-1970), directeur de l’École du Meuble –, des sorties au Jardin botanique – sous l’égide de Marcelle Gauvreau (1907-1968), directrice de « L’École de l’éveil » –, ou encore des cours de musique et de chants – d’abord « sous la direction de leur bibliothécaire, Mlle Desrochers98 » puis sous celle d’Irène Lapointe –, sont-ils mis en place. De plus, les bibliothécaires ne manquent pas de tenir « les enfants au courant de ce qui se fait pour eux » par des affichettes placées à leur hauteur99. Cette idée d’informer les lecteurs transforme les lieux en une « bonne école où tous les petits errants de la rue vont recueillir une alimentation saine pour leur esprit100 ». Ainsi pense-t-on que :

Ces enfants, en fréquentant la bibliothèque, prennent l’habitude de lire, le goût d’apprendre encore du nouveau ; leur cerveau se meuble de connaissances, les classe, les soupèse. Et plus tard, ce sera autant de jeunes gens, puis d’hommes et de femmes, qui penseront, qui jugeront. Sans vouloir exagérer, car tous ne deviendront pas pour autant des « intellectuels », et compte tenu de leur milieu, plus ou moins propice, comme des capacités de leur esprit, variables à l’extrême, on peut dire que sera née cette curiosité intellectuelle qui nous fait aujourd’hui si cruellement défaut101.

Et cette curiosité intellectuelle tend à un rapprochement entre Canadiens-anglais et Canadien-français. Dans une époque où la notion d’« intérêt public glisse facilement vers celle d’intérêt national102 », la volonté politique et économique de renforcer le pancanadianisme se fait de plus en plus prégnante. Ainsi, sous la pression de la Carnegie Corporation – financeur de nombreux lieux culturels – un accord est conclu entre le réseau anglophone de la Children’s Library et la bibliothèque d’Hochelaga. Si des relations sont en cours depuis 1938 entre les établissements – entente qui « a permis d’emprunter […] une vingtaine de volumes pour répondre à la demande des enfants de langue anglaise » de la bibliothèque francophone103 –, il s’agit dorénavant de diriger ensemble une entité, « comme essai d’une bibliothèque franco-anglaise104 ». Ainsi, la succursale voit-elle le jour le 28 juillet 1941 dans un autre quartier ouvrier, administrée et financée « conjointement par “La Bibliothèque des enfants” et la “Montreal Children’s Library”, avec les fonds qui ont été versés par la “Carnegie Corporation105”«. Au mois de novembre, la bibliothèque de Rosemont dispose de 1 300 ouvrages, consultés par 487 abonnés des deux langues et dont la circulation atteint 6 812 volumes. La bibliothécaire en chef est Marthe Desrochers, assistée par Mlle Racine. Elles reçoivent l’aide et les conseils à la fois de Jeanne Saint-Pierre, de la Bibliothèque d’Hochelaga, et de Donalda Putnam, de la Montreal Children’s Library. Toutefois, au bout de deux ans d’existence, la succursale éprouve des difficultés financières, au point que l’on s’interroge, « fermera-t-on la succursale de Rosemont par manque de fonds106 ? » Un nouvel appel à souscripteurs est lancé, car « ce ne sont pas des milliards ou des millions, qu’il lui faut, mais non, quelques centaines de dollars, c’est une bagatelle par les temps qui courent107… » Des aides affluent, notamment du Club Saint-Laurent Kiwanis et de la ville de Montréal, permettant à l’œuvre de perdurer. À la fin de cette année 1941, Germaine Bernier affirme que « les bibliothèques enfantines sont en plein essor108 ». C’est ainsi que certains établissements municipaux de la Province suivent l’exemple d’Hochelaga en ouvrant à leur tour des plages horaires ou des sections destinées aux enfants. La première d’entre-elles est celle de Montréal, alors dirigée par Léo-Paul Desrosiers (1896-1967), conservateur de l’établissement et directeur de l’École des Bibliothécaires. Alors que la bibliothèque dispose depuis 1916 d’une salle qui devait accueillir les enfants, ce n’est qu’en 1941, que « durant les mois de juillet et d’août, comme les étudiants sont partis, comme les adultes s’éloignent pour les vacances, [que] les enfants [seront] admis109 ». Cela est un succès. Aux dires du directeur, il est plaisant de voir les enfants « entrer en troupeau, courir vers la salle, vers les livres, danser [une] danse du cannibale devant les albums110 ». On y accueille aussi bien les « fillettes bien propres » et les « grands garçons » que les « petits barbouillés qui arrivent tout frais de la rue111 ». Et après cette expérience estivale, la Municipale restera ouverte aux enfants pendant l’année scolaire. Cette section est dirigée par Jeanne Saint-Pierre, issue de la bibliothèque d’Hochelaga. En octobre de cette même année, dans la ville de Trois-Rivières, s’ouvre la « Bibliothèque des jeunes », dirigée par Claire Godbout, alors diplômée de bibliographie et de bibliothéconomie de l’École des bibliothécaires. Son fonds est constitué de pas moins de 2 000 volumes112, pouvant être consultés par les enfants issus d’un milieu pauvre et ouvrier. Ces initiatives sont suivies par « d’autres municipalités [qui] entrèrent dans la ronde en inaugurant à leur tour des locaux réservés aux enfants dans leur bibliothèque publique : Verdun en 1944, Longueuil en 1951 et Outremont en 1954113 ».

CONCLUSION

L’ensemble de ces créations, sous le mandat de Maurice Duplessis, ne doivent pas faire oublier que le Premier ministre de la Province s’oppose « de 1936 à 1939, puis après 1944, […] à toute intervention étatique dans le domaine culturel114 ». Malgré tout, il semble que le volet social et politique soit un atout majeur dans le développement et le maintien de la bibliothèque enfantine. Les arguments en faveur du sauvetage de la jeunesse et de l’avenir de la Nation sont récurrents. Il faut arracher les enfants « à la rue et à son action dissolvante, vagabondage, flâneries et rencontres dangereuses, mauvais exemple, désœuvrement, ennui, etc.115 » Et la bibliothèque remplit ce rôle, faisant d’elle une œuvre salvatrice. Employant des bibliothécaires diplômées, elle a su transmettre l’amour des livres auprès des délaissés des écoles et des librairies. Mieux, en réorientant sa mission en direction du progrès intellectuel, elle a participé au développement de la curiosité intellectuelle, au point que l’on se demande :

Combien [de lecteurs] lui devront d’être devenus des cerveaux actifs ayant acquis la faculté et la facilité de penser et de réfléchir, des esprits déliés des entraves de l’inertie, de l’incuriosité et capables d’orientation vers l’étude d’une science, d’un art ou simplement des problèmes humains, première base de toute culture116.

La bibliothèque devient un outil de « dégrossissement intellectuel117 » qui touche, à l’aide de ses « caisses voyageuses », de nombreux coins de la Province. Son rapprochement avec la Montreal Children’s Library met également l’accent sur son rôle de passeur de culture et d’ouverture aux autres. Par son exemple de véritable lieu de sociabilité urbaine, elle fait des émules auprès de bibliothèques municipales, mais influence très peu les bibliothèques paroissiales ou scolaires. Il faut dire que les pouvoirs publics ne suivent pas. Il faut attendre la mort de Maurice Duplessis (1959) pour qu’un projet de loi sur les bibliothèques publiques soit proposé à l’Assemblée. Dans l’intervalle, la bibliothèque d’Hochelaga fonctionne en tant qu’entité autonome, proposant des « livres d’aujourd’hui […] plus attrayant que celui d’autrefois118. » Pour conclure, et pour paraphraser Joseph-A. Brunet, directeur des bibliothèques scolaires de la Commission des écoles catholiques de Montréal, nous pouvons dire que la bibliothèque a travaillé « à l’avancement culturel » tuant « une fois pour toutes cette légende que chez nous les lettres et la lecture ne sont pas à l’honneur119 ». En cela, elle a rempli les missions qu’elle s’était vue confier dès 1936.

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1 C’est le Père Joseph-Papin Archambault (1880-1966) qui utilise ce terme de « dénationalisateur », à propos du cinéma américain, dans son ouvrage Parents chrétiens, sauvez vos enfants du cinéma meurtrier, publié à l’enseigne de l’Œuvre des tracts (n° 91, 1927).

2 Marguerite Wilson, « La bonne lecture dans tous les coins de la Province », Bulletin des agriculteurs, juin 1953, p. 14.

3 Libraries in Canada. A study of library conditions and needs, réd. Commission of Enquiry, John Ridington, chairman, Toronto ; Chicago, Ryerson ; American Library Association, 1933.

4 Paul Hubert, « Les bibliothèques scolaires à la campagne », Relations, juin 1942, p. 160.

5 M. G., « Bibliothèques et lecteurs », Le Canada, 20 mars 1937, p. 2.

6 Anne-Marie Chartier, « Lire à l’école et lire en bibliothèque : deux modèles contradictoires de la lecture », Cahiers de la recherche en éducation, vol. 3, n° 3, 1996, p. 438.

7 Bibliophile, À travers les beaux livres, Québec, Action sociale limitée, 1934.

8 « I, II, III, selon que l’œuvre est respectivement “pour les jeunes à partir de 15 ans”, “pour la généralité des lecteurs après 18 ans” ou “pour des lecteurs d’un certain âge et d’un jugement bien formé”. », Pierre Hébert, « À Travers les beaux livres », dans Pierre Hébert, Yves Lever, Kenneth Landry, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma, Montréal, Fides, 2006, p. 56.

9 François Landry, Beauchemin et l’édition au Québec. Une culture modèle, 1840-1940, Montréal, Fides, 1997.

10 « Que l’on voit à ne donner dans les écoles que des livres utiles, qui éveillent de nobles pensées et suscitent des sentiments généreux. Qu’à côté des chefs d’œuvre de la littérature française, on ait soin de donner et de multiplier les ouvrages du terroir, ceux qui apprendront aux enfants à mieux connaître, à aimer davantage leur pays. », publicité, L’Action française, mai 1919, p. 3.

11 Victor Barbeau, « Donnons des livres à nos enfants », Le Bien public, 2 juin 1938, p. 6.

12 Denis Saint-Jacques et Lucie Robert (dir.), La Vie littéraire au Québec, t. 6, Le nationaliste, l’individualiste et le marchand, 1919-1933, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 246.

13 Albert Pelletier, Les Idées, 8e vol., juillet-août 1938, p. 99.

14 Ainsi, par exemple, la Commission scolaire catholique de Montréal se procure-t-elle environ 200 000 livres chaque année après l’adoption du texte.

15 René Guenette, Essai sur l’éducation, Montréal, Beauchemin, 1935.

16 Id., « Une méthode d’éducation nationale à l’école primaire », L’Action Nationale, septembre 1935, p. 16.

17 Les « enfants des campagnes commencent et terminent leurs études dans la même école ou la même paroisse, et ceux que la lecture intéresse ont tôt fait de connaître par cœur tous les livres, même les plus ennuyant. », Marguerite Wilson, « La bonne lecture… », art. cit. [note 2], p. 81.

18 Philippe Deschamps, « Lecture et bibliothèque », Enseignement secondaire au Canada, Vol. XIX, n° 2, novembre 1939, p. 128.

19 Paul Hubert, « Les bibliothèques scolaires à la campagne », art. cit. [note 4], p. 160.

20 Ajoutons à cela que le taux d’absence par élève est d’en moyenne 15 % par jour. Chiffres de la Commission des Finances et de la Législation du Comité catholique. Il faut attendre 1943 pour que le gouvernement provincial d’Adélard Godbout promulgue la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire, contraignant les enfants de 6 à 14 ans à fréquenter l’école.

21 Anonyme, « La Bibliothèque des enfants », Le Canada, 26 avril 1940, p. 2.

22 M. G., « Bibliothèques et lecteurs », art. cit. [note 5], p. 2.

23 Ibid, p. 2.

24 Le journal et les revues ne représentent pas « un aliment normal pour leur esprit [celui des enfants], leur imagination et leur cœur. Ils offrent, au contraire, beaucoup de dangers : le superficialisme, un encyclopédisme de surface, la suffisance, dans le domaine intellectuel, la contamination des consciences, et souvent une première atteinte à la candeur et à la pureté, dans le domaine moral. », Anonyme, « Un complément de l’enseignement primaire », L’Ordre nouveau, 20 mars 1940, p. 1.

25 Ibid., p. 304.

26 Hélène Grenier, « La Bibliothèque publique et l’éducation postscolaire », Revue dominicaine, juin 1937.

27 Anne-Marie Chartier et Suzanne Pouliot, « Les discours institutionnels sur la lecture des jeunes », Cahiers de la recherche en éducation, vol. 3, n° 3, 1996, p. 340.

28 Lucile Bourbeau, « La Bibliothèque des enfants », La Bonne Parole, 1937, p. 5.

29 Henri Deslongchamps, « La Bibliothèque enfantine », Le Devoir, 7 mai 1938, p. 2.

30 Réjean Savard et Cynthia Delisle, « Discours sur la lecture et les bibliothèques enfantines au Québec, 1930-1960 », Cahiers de la recherche en éducation, vol. 3, n° 3, 1996, p. 412.

31 À noter que la présidente est souvent évoquée par le nom de Mme Jeanne Rover Gruth-Pretty. Anonyme, « On ouvrira bientôt une bibliothèque pour les enfants », Le Canada, 7 janvier 1937, p. 3. Elle est entourée de Jean Lallemand, Mme Honoré Parent, Gabrielle Geoffrion, Gabrielle Leduc, Simone Lanctôt, Lucette Bourbeau, et Gabrielle Labelle.

32 Lucie des Haies, « À la bibliothèque des petits », Le Devoir, novembre 1937, p. 5.

33 Henri Deslongchamps, « La Bibliothèque enfantine », art. cit. [note 29], p. 2.

34 Lucien D[esbien], « La “Bibliothèque des Enfants”«, Le Devoir, 17 novembre 1937, p. 4.

35 Marie-Hélène Grivel, « La modernité au Canada-français et l’émergence d’un projet social de culture (1919-1936) », Colloque du pôle Nord-Est de l’Institut des Amériques à la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon, 18-20 novembre 2015 (actes à paraître).

36 Louis Dupire, « Pour aider la “biblothèque [sic] des enfants”«, Le Devoir, 5 février 1938, p. 1.

37 Henri Deslongchamps, « La Bibliothèque… », art. cit. [note 29], p. 2.

38 Le rôle des bibliothèques, scolaires et enfantines, est de « subordonner l’éducation et l’enseignement à la psychologie des prédilections enfantines. », Claire Godbout, « Bibliothèques enfantines – Jean qui lit, s’amuse et s’instruit », Le Devoir, 23 avril 1942, p. 5.

39 Anonyme, « La première bibliothèque pour enfants ouvrira bientôt », Le Canada, 14 janvier 1937, p. 5.

40 Henri Deslongchamps, « La Bibliothèque… », art. cit. [note 29], p. 2.

41 Pierre Hébert, « L’effet termites : comment les Crime Comics ont mis fin à la censure cléricale au Québec », dans, Histoires de crimes et sociétés, dir. Véronique Liard, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, (Sociétés), 2011.

42 Lucie des Haies, « À la bibliothèque des petits », art. cit. [note 32], p. 5.

43 Ce rôle dévolu à la bibliothèque pour enfants qui consiste à bâtir la société de demain est une problématique que l’on retrouve également en France. Viviane Ezratty, « Les premières heures des bibliothèques pour enfants », dans Histoire de bibliothèques françaises, t. 4, Les Bibliothèques au XXe siècle (1914-1990), dir. Martine Poulain, Paris, Cercle de la Librairie ; Promodis, 1992.

44 Selon Gabrielle Labelle, les « enfants peuvent sortir un livre à la fois, pour deux semaines ; [taux de sortie] doublé en août (1503) et augmenté jusqu’à 2 793 en mars. Au total, pendant ces neuf mois, nous avons sorti 14 851 volumes. », Hélène Grenier, « La Bibliothèque des enfants », Le Devoir, 12 mai 1938, p. 9.

45 Anonyme, « Le Livre », Le Canada, 4 décembre 1937, p. 2.

46 Henri Deslongchamps, « La Bibliothèque… », art. cit. [note 29], p. 2.

47 Lucien Desbiens, « L’Actualité – La Bibliothèque des Enfants », Le Devoir, 13 novembre 1937, p. 1.

48 Il rajoute que « la Bibliothèque vient de faire une nouvelle recrue dont elle peut être fière. Il s’agit d’un jeune abonné de trois ans et demi. », Ibid., p. 1.

49 Ibid., p. 1.

50 Anonyme, « On s’intéresse aux bibliothèques pour enfants à Montréal », Le Canada, 28 janvier 1937, p. 10.

51 Le 26 janvier 1937, ce ne sont pas moins de cinq cent places qui sont déjà vendues, preuve que la population appuie le projet. Anonyme, « Souper d’huîtres à la bibliothèque enfantine », Le Canada, 26 janvier 1937, p. 6.

52 Lucien Desbiens, « L’Actualité – La Bibliothèque des Enfants », art. cit. [note 47], p. 1.

53 Anonyme, « Bibliothèques enfantines », Le Devoir, 19 janvier 1937, p. 2.

54 Louis Dupire, « Pour aider la “biblothèque [sic] des enfants”«, art. cit. [note 36], p. 1.

55 Lucie des Haies, « À la bibliothèque… », art. cit. [note 32], p. 5.

56 Il est évoqué, sans précision, que « la bibliothèque a reçu d’une librairie française un envoi gracieux de livres qui lui permet d’ajouter dix noms d’enfants à la liste des inscrits. », Louis Dupire, « Pour aider… », art. cit. [note 36], p. 1.

57 Lucie des Haies, « À la bibliothèque… », art. cit. [note 32], p. 5.

58 Lucien D[esbien], « La “Bibliothèque des Enfants”«, art. cit. [note 34], p. 2.

59 Louis Dupire, « Pour aider la “biblothèque [sic] des enfants”«, art. cit. [note 36], p. 1.

60 Ibid., p. 1.

61 C’est notamment le cas de Michelle Le Normand, de l’abbé Victorin Germain, d’Eugène Achard, de Léo-Paul Desrosiers, de Claude Mélançon, de Jean-Marie Gauvreau, de Jean Bruchési ou de Robert Choquette. Hélène Grenier, « La Bibliothèque des enfants », art. cit. [note 44], p. 9.

62 Jean Desforges, « Bibliothèques d’enfants », La Patrie, samedi 6 janvier 1940, p. 10.

63 Anonyme, « La Bibliothèque des Enfants a besoin d’argent », Le Canada, 25 avril 1940, p. 4.

64 Ibid., p. 4.

65 Germaine Bernier, « Les bibliothèques enfantines », Le Devoir, 3 décembre 1941, p. 5.

66 Gabrielle Labelle, « La bibliothèque des enfants », Ordre nouveau, 20 avril 1940, p. 2.

67 Marcelle Gauvreau, « La bibliothèque des enfants », Le Devoir, 5 juillet 1941, p. 12.

68 Louise Mélançon, « L’édition d’enfance et de jeunesse de la décennie quarante chez Fides : un programme de lecture pour la jeunesse canadienne-française », Mémoire présenté pour obtenir la maîtrise ès Arts (Études françaises), Université de Sherbrooke, novembre 1998, p. 30.

69 Gh. L., « La bibliothèque des enfants », L’Action nationale, octobre 1941, p. 163.

70 Germaine Bernier, « Les Bibliothèques enfantines », art. cit. [note 65], p. 5.

71 Jeanne-M. Saint-Pierre, « La bibliothèque des enfants », Relations, décembre 1944, p. 336.

72 Louis Dupire, « Pour aider la “biblothèque [sic] des enfants”«, art. cit. [note 36], p. 1.

73 Ibid., p. 1.

74 Hélène Grenier, « La Bibliothèque des enfants », art. cit. [note 44], p. 9.

75 Jeanne-M. Saint-Pierre, « La bibliothèque des enfants », Bonne Parole, juillet-août 1945, p. 25.

76 Marguerite Wilson, « Les petits parmi les livres », Revue moderne, octobre 1947, p. 91.

77 Marguerite Wilson, « La bonne lecture dans tous les coins de la Province », art. cit. [note 2], p. 68.

78 Marcelle Gauvreau, « La bibliothèque des enfants », art. cit. [note 67], p. 12.

79 Arthur Maheux, Le Canada français, XXVIII (1), septembre 1940, p. 26.

80 Anonyme, « Bibliothèques enfantines », art. cit. [note 53], p. 2.

81 Hélène Grenier, « La Bibliothèque des enfants », art. cit. [note 44], p. 9.

82 Ibid., p. 9.

83 C. Dareau, « Le cinéma et les enfants », L’Action populaire, 23 avril 1936, p. 5.

84 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Le Seuil, (« Points-essais »), 1998, p. 279.

85 Françoise Lepage, « Biographie pour la jeunesse et romans d’aventures au Québec », Cahiers de la recherche au Québec, vol. 3, n° 3, 1996, p. 470.

86 Anonyme, « La première bibliothèque pour enfants ouvrira bientôt », art. cit. [note 39], p. 5.

87 Les Idées, vol. 8, juillet-août 1938, p. 86.

88 Hélène Grenier, « La Bibliothèque publique et l’éducation postscolaire », art. cit. [note 26], p. 311.

89 Victor Barbeau, art. cit. [note 11], p. 6.

90 Lucie des Haies, « À la bibliothèque… », art. cit. [note 32], p. 5. Pour Anatole Désy : « L’influence de la bibliothèque rayonne non seulement sur l’enfant, mais se prolonge au foyer et atteint indirectement les aînés et même les chefs de famille. » Anatole Désy, « L’influence de la lecture sur l’enfant », Le Canada, 22 octobre 1941, p. 2.

91 Hélène Grenier, « La Bibliothèque des enfants », art. cit. [note 44], p. 9.

92 Anatole Désy, « L’influence… », art. cit. [note 90], p. 2.

93 M.-C. F., « La bibliothèque des enfants », La Revue dominicaine, vol. 47, n° 2, décembre 1941, p. 272.

94 Les Idées, vol. 8, juillet-août 1938, p. 86.

95 Anatole Désy, « L’influence… », art. cit. [note 90], p. 2.

96 Jean Desforges, « Bibliothèques d’enfants », art. cit. [note 62], p. 10.

97 Germaine Bernier, « La lecture chez les enfants », Le Devoir, 15 avril 1943, p. 5.

98 Jeanne-M. Saint-Pierre, « Bibliothèque des enfants », art. cit. [note 75], p. 25.

99 Germaine Bernier, « La bibliothèque des enfants et sa cours fleurie », Le Devoir, 3 juillet 1945, p. 5

100 Germaine Bernier, dans Le Devoir, 7 novembre 1942, p. 5.

101 Gh. L., « La bibliothèque des enfants », art. cit. [note 69], p. 164.

102 Raymond Duchesne, « D’intérêt public et d’intérêt privé : l’institutionnalisation de l’enseignement et de la recherche scientifique au Québec (1920-1940) », dans Yvan Lamonde et Esther Trépanier, L’Avènement de la modernité culturelle au Québec, Québec, Éditions de l’IQRC, 2007, p. 194.

103 Ibid., p. 9.

104 Donalda Putnam, « La “Montreal Children’s Library”«, Relations, septembre 1941, p. 245.

105 Anonyme, « Inauguration officielle de la Bibliothèque des enfants à Rosemont », Le Devoir, 29 novembre 1941, p. 5.

106 Anonyme, « La Lecture chez les enfants », Le Devoir, 15 avril 1943, p. 5.

107 Germaine Bernier, « La Bibliothèque des enfants et sa cour fleurie », art. cit. [note 99], p. 5.

108 Germaine Bernier, « Les bibliothèques enfantines », art. cit. [note 65], p. 5.

109 Léo-Paul Desrosiers, « Enfants – Lecture », Le Devoir, 13 septembre 1941, p. 1.

110 Ibid., p. 2.

111 Ibid., p. 1.

112 « Inventaire du patrimoine bâti de la Ville de Trois-Rivières », Ville de Trois-Rivières, Patri-arch, décembre 2010. Voir aussi : Germaine Bernier, « Le rôle des bibliothèques dans la formation intellectuelle des enfants », Le Devoir, 13 novembre 1943, p. 5.

113 Réjean Savard et Cynthia Delisle, « Discours sur la lecture… », art. cit. [note 30], p. 413.

114 Dominique Gazo, « Les Facteurs de développement des bibliothèques publiques québécoises depuis 1959 », Brésil, Universidade Federal de Santa Catarina, (Encontros Bibli), 2009, p. 14.

115 Germaine Bernier, « Bibliothèque pour enfants », Le Devoir, 4 mai 1946, p. 5.

116 Germaine Bernier, « La Bibliothèque des Enfants et sa cour fleurie », art. cit. [note 99], p. 5.

117 Anonyme, « La bibliothèque des enfants », Le Passe-Temps, mai 1947, p. 29.

118 Marguerite Wilson, « La bonne lecture dans tous les coins de la province », art. cit. [note 2], p. 81.

119 « Nous emploierons l’influence que nous pouvons avoir à décider les pouvoirs publics à fonder de nouvelles bibliothèques. En ce faisant, nous travaillerons à l’avancement culturel de notre ville et de notre province, et nous tuerons, une fois pour toutes, cette légende que chez nous les lettres et la lecture ne sont pas à l’honneur. » Joseph-A. Brunet, « L’enfant et le livre », Le Devoir, 30 novembre 1945, p. 10.