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Un Lyonnais pris en flagrant délit d’impression du Contrat social (1762)

Dominique VARRY

Université de Lyon – ENSSIB, Centre Gabriel Naudé (EA 7286)

À la date du 23 septembre 1762, les Mémoires secrets de Bachaumont annonçaient : « On ne cesse de faire des perquisitions du Contrat Social. Un nommé De Ville, Libraire de Lyon, vient d’être arrêté & conduit à Pierre-Encyse. On a trouvé chez lui une édition qu’il faisoit de ce livre1. » L’information est à la fois juste et fausse. Un imprimeur-libraire lyonnais a bien été arrêté en flagrant délit d’impression du Contrat social le 18 août précédent, mais il y a erreur sur la personne. Il ne s’agissait pas d’un des trois frères Deville, qui avaient fait faillite en 1748, mais de Jean-Baptiste Réguilliat2. Cette annonce fut pour nous le point de départ d’une investigation visant à identifier l’impression lyonnaise en cause. Elle devait nous mener à examiner de nombreux exemplaires des éditions pirates de 1762 et 1763 du Contrat social, de Lyon à Genève, en passant par Paris, Cambridge ou Toronto, et à établir que l’édition Réguilliat fut un des jalons importants de l’histoire éditoriale de ce grand texte3. C’est à cette enquête que nous convions le lecteur.

L’édition originale du Contrat social est parue, en format in-octavo, début mars 1762 à Amsterdam chez Marc-Michel Rey4. Elle comporte trois états : deux pages de titre et la présence ou l’absence d’un paragraphe sur le mariage comme contrat civil. Elle fut tirée à 2 500 exemplaires. Six semaines plus tard, Rey effectuait un tirage de 2 500 exemplaires en format in-12 (sans la note sur le mariage), destiné à décourager d’éventuels contrefacteurs. Nous verrons qu’il n’en fut rien.

Le 11 mai 1762, deux balles contenant le Contrat social, expédiées par Rey, via Dunkerque, à ses correspondants parisiens les libraires Desaint et Saillant furent saisies5. Suite à cet épisode, Rousseau écrivait à Rey le 29 mai : « Il est décidé, mon cher Rey, que mon traitté du Contract social ne sauroit être admis ni toléré en France, et les ordres les plus sévères sont donnés pour en empêcher l’entrée […]6. » Sur ces entrefaites, Rey écrivit le 7 juin à Malesherbes, Directeur de la Librairie, pour l’informer qu’outre les deux balles saisies dont il demandait restitution, il n’avait envoyé en France, par la poste, que trois exemplaires de l’ouvrage incriminé7 :

Je vois, Monsieur, par une lettre de Mr. Rousseau du 29 mai dernier que le traité du Contrat social ne saurait être admis ni toléré en France, j’en suis mortifié. Excepté trois exemplaires qui sont passés en France par la poste je n’y ai pas expédié une feuille jusqu’à ce moment, Mr de Luxembourg, vous Monsieur, et Mr Rousseau êtes les seuls qui les ayez. Mes deux balles expédiées à Mr Saillant excepté, ces trois exemplaires sont les seuls qu’il y ait. Je vous prie, Monsieur, que mes deux balles me soient renvoyées par la voie de Rouen qui est la moins dispendieuse […] Rhey.

Le 17 juin, Rey adressait une nouvelle lettre à Malesherbes pour réitérer sa requête de restitution des balles saisies8. Le directeur de la Librairie accéda à sa demande, et les 2 000 exemplaires in-octavo saisis furent renvoyés de Rouen. Au cours du voyage, 700 d’entre eux furent endommagés par l’humidité. Le 19 juin, le Contrat social était brûlé à Genève !

Entre temps avait éclaté l’affaire de l’Émile. L’ouvrage avait été mis en vente à Paris le 27 mai 1762 en quatre volumes in-octavo à l’adresse de La Haye, chez Jean Néaulme. De fait, il avait été imprimé à Paris par Duchesne, avec une permission tacite9. Le 9 juin, le Parlement de Paris condamnait l’Émile et décrétait Rousseau de prise de corps. Prévenu à temps, ce dernier quitta Montmorency pour Yverdon dans la nuit du 8 au 9 juin.

Un mois plus tard, le 7 juillet, les libraires Desaint et Saillant, les agents de Rey à Paris, lui écrivaient de ne pas craindre d’éventuelles éditions pirates françaises, ce en quoi ils s’illusionnaient, et ils ajoutaient : « […] il y a des menaces terribles contre ceux qui oseront l’imprimer ; nous vous avoüons que nous sommes toujours étonnés de ce que vous avés pû penser que cet ouvrage etoit de nature a etre toleré en France […]10. » Le fait est confirmé, le même mois, par une remarque de Grimm dans sa Correspondance littéraire : « On a pris des mesures si justes à la poste que ceux qui l’ont fait venir [Contrat social ] par cette voie en ont été pour leur frais et leurs peines. A moins de l’aller chercher en Hollande et de le faire entrer dans sa poche, il n’est guère trop possible de l’avoir ici […]11. » Cette traque est également attestée par Bachaumont12 :

15 juillet [1762] : « Le Contrat Social se répand peu à peu. On en fait venir par la poste de Hollande. On écrit seulement les noms de ceux à qui sont adressés les exemplaires. »

3 septembre 1762 : « Le Contrat Social se répand insensiblement […]. »

20 septembre 1762 : « On a fait aujourd’hui capture de différentes éditions de livres prohibés. On en a arrêté une du Contrat social venant de Versailles […]. »

23 septembre 1762 : « On ne cesse de faire des perquisitions du Contrat Social. Un nommé De Ville, Libraire de Lyon, vient d’être arrêté & conduit à Pierre-Encyse. On a trouvé chez lui une édition qu’il faisoit de ce livre. »

ENQUÊTES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LES ÉDITIONS PIRATES DE 1762 ET 1763

Ralph Alexander Leigh (1915-1987), Professor of French et fellow du Trinity College de l’université de Cambridge a consacré beaucoup de son temps à Rousseau. Il en a non seulement dirigé l’édition de la correspondance13, mais il l’a collectionné. Ses exemplaires personnels des éditions du Contrat social, que nous avons eu le loisir d’examiner, font partie des huit mille pièces relatives à Rousseau qui constituent aujourd’hui la « Leigh Collection » de la bibliothèque centrale de l’université de Cambridge14. Peu avant sa mort, Leigh a donné à Cambridge les Sandars Lectures in Bibliography 1986-1987 sous le titre « Unsolved problems in the bibliography of Jean-Jacques Rousseau ». Leur texte a été publié de façon posthume par son fils15. Leigh y dénonce la médiocrité des bibliographies francophones. A propos de celle de Dufour16, toujours considérée comme incontournable et toujours citée par les catalogues de ventes, il écrit17 :

The Dufour-Plan bibliography is patchy and unmethodical, is uncertain of its aims and objectives ; it oscillates wildly between minute or trivial detail and vague generalities which do not enable the books discussed to be identified […] Worse still, it contains a number of egregious blunders. Sometimes, the title-page of the first edition of a work of Rousseau’s is correctly reproduced, but the collation given is that of a pirate reprint (Lettre à d’Alembert). In other cases, the genuine first edition is wrongly identified altogether (Lettre à Christophe de Beaumont ; Lettres de la Montagne). This situation is disastrous, since the Dufour-Plan bibliography was regarded from the first as authoritative.

Celle de Sénelier18 ne trouve pas davantage grâce à ses yeux19 :

The more recent Bibliographie générale des œuvres de J.-J. Rousseau of Jean Sénelier (1950) did nothing to improve matters. It is hardly more than scissors-and-paste, containing virtually no original work, and is again full of absurd mistakes, omissions and ‘ghosts’. It is obvious that Sénelier has not handled or even seen most of the books he lists, and has not the faintest inkling of what constitutes a reliable bibliographical description. I believe I am right in saying it does not include a single collation.

Mais surtout, Leigh ne dénombre pas moins de onze éditions pirates du Contrat social datées de 1762, année de l’originale, et deux de 1763, en formats in-octavo ou in-12, toutes sauf une arborant l’adresse de Marc-Michel Rey à Amsterdam. Comme l’écrivait ce dernier à Rousseau le 22 février 1762 : « On ne S’embarrasse pas de ce que vous publiés, il Suffit que ce Soit de vous pour que vous Soyez contre fait sur le Champ dans les villes Suivantes Sans compter celles que j’ignore, Paris, Lyon, Rouen, Avignon, Geneve, Lausanne, Francfort, Hambourg, Londres, Liege […]20. » Pour sa part, Leigh distingue deux groupes d’éditions. Le premier en comporte six qui reprennent le texte de l’originale mais sans la note sur le mariage civil. Les plus proches de l’édition de Rey reproduisent au titre la gravure de la justice debout et seraient, selon Leigh, hollandaises. Rey lui-même signalait, fin août 1762, une édition pirate d’Amsterdam. Deux éditions au moins de ce groupe seraient françaises, une parisienne et une rouennaise.

C’est à ce groupe qu’appartient l’édition in-12 de [2]-VIII-202 pages dont le titre en noir comporte un bois. Un exemplaire en est conservé dans les collections de la bibliothèque municipale de Grenoble21. Cette édition est inconnue à Dufour. Leigh, qui en possédait un exemplaire22 que nous avons examiné, et qui l’a reproduite dans son ouvrage, la considérait comme hollandaise, mais selon son habitude, il n’en avait pas examiné les papiers. Elle présente des filigranes de la généralité de Rouen23 : François Poullain, J. Duval, Michel Foucher, et J. Toussaint du moulin de N. D. de Bondeville à Darnétal. Il s’agit très certainement à nos yeux de l’édition rouennaise de Pierre Machuel dont Bachaumont relate la saisie à Versailles, à la date du 20 septembre 1762. Une autre édition in-12, vraisemblablement rouennaise, comportant 200 pages imprimées sur des papiers « Généralité de Rouen » et « J. Duval 1762 » est parue sous l’adresse de Rey en 176324.

C’est également à ce groupe qu’appartient une édition abusivement considérée comme lyonnaise par Bernard Gagnebin25, vraisemblablement parce qu’il en a trouvé à la Bibliothèque municipale de Lyon un exemplaire qu’il a annoté26. Cet exemplaire, dans lequel ont été collées des notices d’un catalogue de vente de 1913 le présentant comme appartenant à l’édition originale, provient des collections J. Ogliastron et Lacassagne. C’est ce dernier qui en fit don à la bibliothèque de Lyon en 1921. Les cahiers in-octavo de cette édition sont signés, en chiffres arabes, jusqu’au cinquième. La position des signatures en milieu de page ; le fait qu’elles surmontent les notes infra-paginales ; les réclames, abrégées, de page à page, les appels de notes et les notes annoncés par des étoiles ; le papier raisin aux filigranes tronqués ne faisant apparaitre qu’un monogramme « I. S. » non identifié ; l’ornement de la page de titre (une composition de vignettes), sont autant d’éléments qui incitent à penser qu’on n’a pas affaire à une édition française, mais peut-être hollandaise. Pour sa part, Leigh27 ne la considérait pas comme française, et signalait qu’elle comporte au moins trois états… passés totalement inaperçus aux yeux de Dufour et Gagnebin :

[…] It is a small 8°, and exists in three different states, recognisable by different sets of misprints and different ornaments. I have come to the conclusion that although some of the misprints could have been corrected on the press after some copies had been run off, the edition must also have been reprinted as a whole. In one of the states, not only have most of the misprints been corrected, but many of the ornaments are different and differently placed. These three states, the, among them, give us two distinct printings. The Pléiade editors, who seem unaware of these differences and treat the three states as one, suggest that this edition may have been printed in Lyons. Now, it is quite certain that there was an edition printed in Lyons by Réguillat in 1762, but that belongs textually to the next group.

Une septième édition, faisant transition entre les deux groupes, a été reproduite d’après l’état de l’originale qui comprenait la note sur le mariage civil, à laquelle on a rajouté le carton qui la corrigeait. Imprimée sur du papier auvergnat du moulin Sauvade d’Ambert, elle présente donc deux pages 211-212 avec le cancellans et le cancellandum28. Nous connaissons au moins un exemplaire29, présenté dans l’exposition lyonnaise, dans lequel un possesseur ancien inconnu a supprimé le cancellans.

Le second groupe comprend six éditions qui, toutes, comportent la note sur le mariage civil et une lettre apocryphe attribuée à Rousseau : la « lettre au seul ami qui lui reste dans le monde ». Trois de ces éditions portent au titre la mention : « Edition sans cartons, à laquelle on a ajouté une lettre de l’Auteur au seul ami qui lui reste dans le monde. » Ces éditions n’auraient pas été imprimées avant la fin juillet 1762. Selon Leigh, c’est parmi elles que se trouverait l’édition Réguilliat… qu’il n’a pourtant pas identifiée. Nous allons montrer que non seulement il avait raison, mais que l’édition lyonnaise de Réguilliat est la première parue de ce groupe, et que les cinq autres s’en sont inspirées.

L’AFFAIRE RÉGUILLIAT

Le 18 août 1762, sur ordre du procureur du roi Christophle de Laffrusse de Seynas, suite à une plainte de l’imprimeur du roi Pierre Valfray relative à une impression non autorisée d’arrêts du parlement, une perquisition à l’imprimerie de Réguilliat permit la découverte de huit exemplaires du Contrat social « encore frais et mouillés ». Le 20 août, le procureur en informait Malesherbes par courrier30 :

Monsieur, Je crois devoir vous informer que dans une visite faite le 18o par mon ordre a la requeste du sieur Valfray Imprimeur du Roy qui se plaignoit qu’on imprimoit, et qu’on vendoit icy publiquement les arrests du parlement du Six aoust, les officiers de police trouverent chés Réguillat libraire et imprimeur huit exemplaires du contract Social encore fraix et mouillés a la fin desquels on a ajouté une lettre de l’autheur au Seul amy qui lui reste : je vous en envoye un exemplaire : cette Saisie, et celle des formes arrêtées par M. Bourgelat, feront une preuve complete contre Réguillat : l’on fera demain les perquisitions les plus éxactes pour découvrir s’il avoit des associés dans cette impression, et si le livre du despotisme oriental s’imprime icy. Vous aurez la bonté de m’envoyer les ordres de Monseigneur le Chancelier […].

Le même jour, l’inspecteur de la librairie à Lyon, Claude Bourgelat, écrivit aussi à Malesherbes, apportant d’autres précisions31 :

Monsieur, Au moment ou la lettre que vous m’aviés fait l’honneur de m’adresser à l’occasion du Contract social partoit de Paris, vous avés du en recevoir une par laquelle je vous informois de la decouverte et de la saisie que j’ay faite chés Reguillat ainsi que de L’envoi de mon procés verbal à M. de La Michodière [l’intendant de Lyon]. Depuis cet evenement et surabondamment au corps du delit qui prouve Trop contre de Misérable imprimeur il est constant 1o qu’il a offert ce livre en change à J. M. Bruysset, il y a Trois Semaines, et qu’il luy en apporta un exemplaire dans lequel on Trouve de plus que dans les autres editions une Note peu orthodoxe Et peu edifiante et une lettre contenant les adieux de Jean Jacques aux hommes qui Termine l’ouvrage et qu’on attribüe a M. de Klinglin, 2o que le dit Reguillat en a fait vendre nombre d’exemplaires icy au prix de 6#, 3o que la police en Saisit hier Neuf chés lui qui venoit d’être apportés par la Nommée Armand femme qui les a Broché. D’aprés ce que vous me faites L’Honneur de m’écrire aujourd’huy, je crois le coupable peu a Son aise. Heureusement que l’exemple Tombera Sur un mauvais Sujet de Tous points Et le mal alors n’est pas grand […]

Ces différents courriers nous informent donc que le 18 août 1762, Réguilliat procédait à un retirage d’une édition parue au moins trois semaines auparavant, soit fin juillet, qu’il vendait 6 livres. Il l’avait proposée en change à son confrère Jean-Marie Bruyset32, protégé de l’inspecteur Bourgelat. Bruyset, qui avait décliné l’offre, mais n’avait pas dénoncé Réguilliat, avait publié l’Émile sous permission tacite33. L’édition Réguilliat comportait la fameuse note sur le mariage, que Rousseau avait fait retirer de l’édition originale en cours d’impression, ainsi qu’une « Lettre de Rousseau au seul ami qui lui reste dans le monde », sur laquelle nous reviendrons.

Le 25 août, Malesherbes prévenait Bourgelat qu’il avait saisi le Lieutenant général de police de Paris du cas Réguilliat34. Sur ces entrefaites, l’imprimeur-libraire fut incarcéré, ainsi que Bourgelat en informait Malesherbes le 2 septembre suivant35 :

[…] Réguillat est à Pierre-Chaize depuis lundi. La punition est légère et le conduira à en mériter une plus sévère, mais il a une femme et des enfants, et malheureusement les égards que l’on aura pour lui dans cette occasion ne les sauveront pas de la ruine, dont une autre occasion peut-être prochaine les menace […]

Le 5 septembre, Malesherbes écrivait au procureur du roi à Lyon Laffrusse de Seynas36 :

J’ai rendu compte à M. le Chancelier, Monsieur, de la lettre que vous m’avez écrite et du Procès-Verbal dont vous m’avez envoyé copie au sujet de la saisie faite sur Reguilliat. M. le Lieutenant de Police de Paris à qui j’ai communiqué ce que j’avais sur cette affaire m’a dit que vous lui aviez aussi écrit et nous sommes convenu[s] qu’il prendrait des ordres du Roi pour faire arrêter ce particulier et qu’il suivrait ensuite l’affaire de concert avec vous. Je crois qu’en ce qui concerne Reguillat l’affaire finira par un Arrêt du Conseil qui le privera de son Etat. Quant aux autres particuliers qui peuvent être mêlés dans la même affaire j’attends les découvertes ultérieures que vous ferez et Mr le Chancelier vous prie de continuer à lui en faire part. […]

Pour sa part, comme il avait déjà commencé de le faire dans son courrier du 2 septembre, Bourgelat continuait le huit d’essayer d’apitoyer Malesherbes en trouvant des circonstances atténuantes à Réguilliat, ainsi qu’il avait coutume de le faire quand un imprimeur-libraire lyonnais était compromis dans une mauvaise affaire37 :

[…] On m’assure que votre intention et celle de M. le Chancelier est de faire rayer Reguillat du catalogue des libraires. D’autre part, je sais que le parlement aurait envie de poursuivre ce mauvais sujet […] Le même Reguillat est certainement un très coupable personnage et il renouvelle tous les jours ses fautes, mais il a beaucoup de créanciers, une femme… et des enfants. Je crois que cette considération devrait l’emporter […] Entre lui [Réguilliat] et Regnaud38 ils me donnent des peines infinies et ils seraient capables de compromettre les plus honnêtes gens […] Bourgelat.

Il est maintenant temps de présenter le prisonnier de Pierre-Scize. Jean-Baptiste Réguilliat est né à Lyon le 7 février 1727, et fut baptisé le 9 à l’église Saint-Nizier39. Il était le fils de Christophe Réguilliat, imprimeur-libraire, et d’Étiennette Roland. De son union avec Jeanne Desverney lui naquirent deux fils et deux filles entre 1755 et 1760. Il commença d’exercer en 1756, d’abord rue Raisin et place Confort, puis place Louis-le-grand (actuelle place Bellecour). Il fut adjoint de la chambre syndicale de 1756 à 1761. En, 1763, il faisait rouler quatre presses, et l’inspecteur Bourgelat le signalait dans son rapport à Sartine40 comme un imprimeur de mauvaise réputation : « [atelier où] se fabrique sans cesse une quantité de mauvais livres en tous genres, dont la capitale et les provinces se trouvent quelquefois inondées et les magazins cachés recèlent tous les ouvrages des ténèbres. […] ».

Emprisonné un temps en 1762 à propos de cette affaire, il échappa momentanément à la destitution dont il était menacé. En 1764, il ouvrit un cabinet de lecture, un des premiers après celui ouvert en 1759 par Geoffroy Regnault. Ces deux cabinets de lecture furent rachetés par Pierre Cellier, en 1764 pour celui de Regnault, en 1769 pour celui de Réguilliat. Il fut finalement destitué le 21 janvier 1767 et condamné à 300 livres d’amende par un arrêt du Conseil d’État41 pour avoir diffusé, en état de récidive, des « livres contraires à la Religion, à l’Etat et aux bonnes mœurs », sans qu’on ait plus de précision. Il est très vraisemblable qu’on lui a alors fait payer l’affaire du Contrat social. L’arrêt lui fut signifié le 7 février 1767. Il n’en continua pas moins son commerce de librairie en se servant de sa mère, la « veuve Réguilliat » comme prête-nom. A partir de 1770, il travailla en lien avec la Société typographique de Neuchâtel42. C’est d’ailleurs par les archives de cette dernière que nous apprenons son décès43. Dans une lettre du 27 novembre 177144, il annonçait avoir été malade lors d’un séjour à Paris, qu’il avait quitté le 18 pour arriver à Lyon le 23, toujours souffrant. Il mourut le 1er décembre 1771, « âgé d’environ 45 ans », et fut enterré le lendemain dans le cimetière de la paroisse Saint-Martin d’Ainay45. Sa mère continua quelques années encore le commerce de librairie.

Le récit de la destitution de Réguilliat que son confrère Jean-Marie I Bruyset fit au policier parisien Joseph d’Hémery éclaire l’événement et les stratégies alors mises en œuvre par Réguilliat et Regnault pour limiter les dégâts et disposer de la place ainsi libérée46 :

Mon fils m’a chargé, Mon cher ami de vous faire passer deux exemplaires de l’arrêt du Conseil qui destitue Reguillat de la qualité d’imprimeur-libraire et qui luy defend de faire aucun commerce de librairie, Vous le trouverez cy joint, cet arret a fait par sa forme crier toute notre ville, car quand au fond tout le monde est convenu que le sujet ne méritoit pas un meilleur sort : au surplus il n’en a paru ni affecté ni inquiet car le jour même qu’il fut affiché qui étoit un dimanche il affecta de paroître aux messes les plus fréquentées et aux promenades publiques avec un visage aussi serein et aussi riant que si ce jour avait été le plus beau de sa vie ; quant à son commerce et à son état ils n’en ont nullement souffert, il n’y a que ses créanciers qui en pourront être la victime. Cet arret fut affiché positivement la veille d’une vente à l’amiable qu’il avoit indiquée pendant 15 jours, on l’a lui a laissé faire le magasin et les portes ouvertes par commisération ; tout le monde s’est persuadé que par rapport à cet arret et a la nécessité ou il étoit de quitter les livres s’y donneroient a vil prix, en conséquence il a vendu prodigieusement et a fait un argent immense ; dans cet intervalle le fils de Regnault s’est présenté pour être reçu libraire, Comme on avait des preuves d’une société entre le père et Reguillat et qu’on soupçonnoit qu’il ne se faisait recevoir que pour donner a ce dernier la facilité de travailler sous son nom, on luy éleva quelques difficultés pour avoir le tems d’en écrire a Monsieur de Sartine, pendant ce temps Reguillat qui ne voyait presque plus sa mère qui s’était retirée, qui n’était plus inscrite sur la matricule de la communauté et qui n’en payoit pas les charges a cherché a se reconcilier avec elle et aujourd’huy il travaille sous son nom sans que son commerce en aît souffert un seul instant ; tout ce que j’ay ouï dire est que cet arret luy sert de prétexte pour s’arranger avec ses créanciers […].

LE MYSTÈRE DE LA « LETTRE AU SEUL AMI »

Comme l’a fait remarquer Leigh, six éditions comportent une lettre apocryphe de Rousseau au « Seul Ami qui lui reste dans le Monde ». Cette prétendue lettre est signée : « J. J. Rousseau jusqu’à ce jour homme civilisé, & Citoyen de Geneve, mais à present Orang-Outang. Donnée la… année de mon âge, à l’entrée de la Forêt noire, qui est au pied du Mont-Jura près des Alpes ». Une note indique, à propos d’Orang-Outang : « c’est-à-dire, Habitants des Bois ». Dans un opuscule de 196247, l’universitaire toulousain André Lebois tente de démontrer par l’analyse stylistique que Rousseau a bien écrit la Lettre au seul ami, lors d’une crise de démence. Il étudie pour ce faire une édition in-12 du Contrat social de 1763 à l’adresse de Genève chez Marc-Michel Bousquet, qu’il considère à tort comme la première à avoir publié cette lettre. Son texte, qui semble ignorer la possibilité du pastiche, illustre la méconnaissance souveraine de la bibliographie matérielle par les universitaires français du temps. Dans ses Supercheries littéraires dévoilées, Quérard attribue cette lettre à Pierre Firmin de la Croix (1732 ? -1786) avocat au Parlement de Toulouse et membre de l’Académie des Jeux floraux48. Cette attribution incertaine s’explique par le fait que cet auteur était celui d’une autre lettre apocryphe de Rousseau : Lettre de Jean-Jacques Rousseau de Genève à M. de Montillet, archevêque d’Auch, 1764. Le compte rendu du 20 août 176249 de Bourgelat à Malesherbes de la perquisition opérée le 18 chez Réguilliat attribue la « Lettre au seul Ami » à « M. de Klinglin ». Leigh, éditeur de ce texte, connaissait ce fait, mais il ignorait que Réguilliat et Klinglin se connaissaient, ce que nous savons aujourd’hui. En effet, le 10 août 1761, François Christophle Honoré de Klinglin déposait plainte à Lyon pour diffamation contre un de ses anciens co-détenus de Pierre-Scize, Jean-Louis-Claude Taupin Dorval50, qui venait de faire paraître anonymement et sous la fausse adresse de Gibraltar une Epître à Mlle de C… par M. D… Qui n’est d’aucune Académie… Un passage de ce texte énonçait : « Cet air lui va certe aussi bien […] Qu’à Kl… (c) celui d’honnête homme […] », et une note infra-paginale identifiait facilement la personne visée : « Ancien Sous-Exacteur, Concussionnaire de certaine grande Ville, que ses Ayeux ont vendue à la France ». Soupçonné d’avoir imprimé ce texte, puis mis hors de cause, Jean-Baptiste Réguilliat fut interrogé dans cette affaire, et sa signature apparaît avec celles des autres protagonistes sur la brochure saisie qui figure encore au dossier51. Contrairement à ce qu’affirme le Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne52, François Christophle Honoré de Klinglin, ancien prisonnier d’état à Pierre-Scize, n’y est pas mort en 1756. En 1762, il vivait à Lyon, libre et exilé, travaillant à la réhabilitation de son père, qu’il obtint du Parlement de Grenoble en 1763. Il est en tout cas avéré que Klinglin et Réguilliat se connaissaient. Il est plausible que tous deux aient collaboré à l’édition de la Lettre au seul Ami. L’attribution, par Bourgelat, de la responsabilité de ce texte à Klinglin, le fait que celui-ci et Réguilliat se soient fréquentés dans le milieu du livre prohibé lyonnais avant 1762, nous incitent à conclure que, courant juillet-août 1762, Réguilliat fut le premier à éditer cette lettre apocryphe. Rousseau n’en aurait pas eu connaissance avant janvier 1763. Le 8 janvier, il protestait : « On a fourré sous mon nom, dans une édition contrefaite du Contrat social, une lettre à laquelle je n’ai aucune part et que je n’ai même jamais vue. » Marc-Michel Rey a publié cette dénégation dans la Gazette d’Amsterdam du 25 janvier 176353. Dans un courrier daté de Dijon le 3 août 1762, qui constitue la première allusion connue à la lettre apocryphe, Bénigne Le Gouz de Gerland s’adressait à un Rousseau, qui ne dut pas comprendre, en lui disant « Quel domage monsieur, qu’un être pensant comme vous et qu’un aussi beau genie, veuile [sic] abandonner la société pour vous livrer aux bestes […] Revenés donc mon cher ouranoutang et soyés persuadé que les hommes ne Sont pas plus méchants qu’autrefois […]54 ». A cette date, une édition clandestine du Contrat social comportant cette lettre, c’est-à-dire l’édition Réguilliat, circulait et avait déjà pu être acquise par un dijonnais. Les cinq autres éditions qui reprennent la lettre apocryphe, avec la note sur le mariage, doivent donc être considérées comme reproduisant ou dérivant de l’édition lyonnaise. Celle-ci constitue bien un jalon important de l’histoire éditoriale de ce texte.

DÉVOILEMENT DE L’ÉDITION LYONNAISE

Parmi les six éditions de 1762 appartenant au second groupe, celle qui fut imprimée à Lyon par Réguilliat est pour nous celle que Dufour recense sous le numéro 138, et Sénelier sous le numéro 560. L’exemplaire de la Bibliothèque nationale de France est réputé manquant55. La page de titre de cette édition est reproduite par Leigh56. Elle se présente de la manière suivante :

DU CONTRAT / SOCIAL ; / OU / PRINCIPES / DU DROIT / POLITIQUE. / Par J. J. Rousseau, Citoyen / de Geneve. / [filet maigre 60 mm] / [filet maigre 17 mm] Fœderis æquas / Dicamus leges. / Æneid. XI. / [filet maigre 60 mm] / Edition Sans Cartons, à laquelle on a ajoûté / une Lettre de l’Auteur au seul Ami qui lui / reste dans le monde. / [vignette double] / A AMSTERDAM, / Chez Marc-Michel Rey. / [réglet gras / réglet maigre 63 mm] / M. DCC. LXII.

Il s’agit d’un in-12 à feuilleton dehors, dont seule la première moitié des cahiers est signée aux deux-tiers de la page, et qui présente des réclames de cahier à cahier, pratiques françaises. Celles-ci sont confortées par l’usage de la double capitalisation, qui consiste à mettre en capitales les deux premiers mots de chaque paragraphe, lorsque le premier mot ne comporte qu’une seule syllabe.

Sa pagination est en milieu de haut de page, et se présente de manière assez surprenante et maniérée : une vignette, une parenthèse fermante, une parenthèse ouvrante, le numéro de page, une parenthèse fermante, une parenthèse ouvrante, la même vignette. Leigh, qui emploie à son sujet l’expression « fussy pagination », y voit une preuve de l’origine allemande de cette édition. Pour nous, il ne s’agit vraisemblablement que d’un subterfuge destiné à égarer les limiers de police.

Sa description est la suivante :

Collation : VIII-376 p.

Relevé de signatures : a4 A-Gg8-4 Hh8 [$2$4$2$4 arab.sign.]

Contenu : [i] titre, [ii] blanc, [iii] Avertissement, iv-viii Table, [1]-52 Principes du droit politique. Livre premier, 53-134 Principes du droit politique. Livre second, 135-258 Principes du droit politique. Livre troisième, 259-360 Principes du droit politique. Livre quatrième, 361-376 Lettre de J. J. Rousseau de Genève.

Empreinte : s.jà n-ia s.i- hoc’ (3) M. DCC. LXII.

Le matériel ornemental est limité à quelques compositions de vignettes très communes à l’époque, dont une variante des ornements de l’imprimeur lyonnais Louis Buisson répertoriés sous les références bui048 et bui048-1 par la base Fleuron57, ainsi que des vignettes utilisées dans les bandeaux de Jean-Baptiste Réguilliat reg002 et reg009 de la même base. Les papiers sont en revanche plus diserts. Ils livrent des filigranes de P. Artaud au moulin d’Escalon d’Ambert, de Pierre Favier au moulin de Ribeyre d’Ambert, de Montgolfier à Annonay, mais surtout des contremarques « Beaujolois » et « A. Chalard » de Villefranche. Beaucoup moins répandus que les papiers d’Auvergne et du Vivarais, ceux du Beaujolais trahissent une utilisation plus locale qui nous ramène à Lyon. C’est cet élément qui nous parait déterminant pour attribuer à Réguilliat cette édition pirate manifestement française.

Une autre édition de 1762, présente une page de titre qui ressemble beaucoup à celle que nous venons de décrire. Répertoriée par Dufour sous le numéro 137 et par Sénelier sous le numéro 559, son titre est également reproduit par Leigh58. Nous en avons examiné les exemplaires conservés à la Bibliothèque de Genève, et à la bibliothèque de l’université de Cambridge (Leigh collection)59. Sa page de titre se présente de la façon suivante :

DU CONTRAT / SOCIAL ; / OU / PRINCIPES / DU DROIT / POLITIQUE. / Par J. J. ROUSSEAU, Citoyen / de Geneve. / [filet maigre 65 mm] / [filet maigre 17 mm] Fœderis æquas / Dicamus leges. / Æneid. XI. / [filet maigre 65 mm] / Edition sans Cartons, à laquelle on a ajouté / une Lettre de l’Auteur au seul Ami qui lui / reste dans le monde. / [vignette double] / A AMSTERDAM, / Chez MARC-MICHEL REY. / [réglet gras / réglet maigre 63 mm] / M. DCC. LXII.

Cette édition, plus mince que la précédente et imprimée semble-t-il plus hâtivement, se présente ainsi :

Collation : VIII-216 p. Pagination entre parenthèses en milieu de haut de page. On relève les erreurs suivantes : 45 pour 145 ; 150 pour 159 ; 104 pour 204 ; 108 et 109 pour 208 et 209.

Relevé de signatures : a4 A-S8-4 [$2$4$2 arab. sign.]

Empreinte : s.te geil uie- sora (3) M. DCC. LXII.

L’ouvrage présente des réclames avec ponctuation de cahier à cahier. Le mot « tous » au bas du dernier verso du cahier I n’est pas, comme on pourrait le croire, une réclame, mais appartient au texte. La « lettre au seul ami » couvre les pages 207-216.

Le format in-12 à feuilleton dehors, les cahiers signés jusqu’à la moitié et aux deux tiers de la page, les réclames de cahier à cahier sont autant d’éléments qui trahissent une facture française. Cependant, seul le premier mot de chaque chapitre, y compris lorsqu’il ne comporte que deux lettres, est imprimé en capitales.

Le matériel ornemental se limite à un bandeau, non identifié, répété aux pages 1, 30, 79 et 149. Le motif à brindilles de la page de titre, plus fruste, que dans l’édition que nous considérons comme lyonnaise, est utilisé en cul de lampe aux pages 35, 38, 53, 60, 78 et 157. Les polices de caractères des deux éditions sont différentes. Les exemplaires examinés révèlent des papiers P. Favier d’Ambert, Pierre II Montgolfier du moulin de Vidalon-le-Haut à Annonay et des contremarques « En Dauphiné », « ABLACON60 » et « P fleur de lys BRULAT » d’un moulin de la Drôme.

La page de titre présente quelques différences par rapport à celle de l’édition précédente : l’utilisation d’un « s » long minuscule dans l’expression « Edition sans Cartons », l’absence d’accent circonflexe sur « ajouté », et l’utilisation d’un réglet très court (17 mm) devant « Fœderis ».

Cette édition, vraisemblablement imprimée dans le sud-est de la France ou en Suisse romande conserve, pour le moment, son mystère.

On l’aura compris, l’histoire de la publication du Contrat social est complexe, rendue encore plus embrouillée par la douzaine d’éditions pirates des années 1762-1763 arborant presque toutes l’adresse de Marc-Michel Rey. C’est le mérite de Ralph Leigh d’avoir mis en évidence les deux groupes d’éditions pirates, et d’avoir compris que l’édition Réguilliat se trouvait dans le second. Nous pouvons aujourd’hui affirmer qu’elle constitue même la première de ce second groupe, celle dont toutes les éditions ayant reproduit la lettre apocryphe dérivent. Nous pouvons également démentir Quérard et restituer la paternité de cette lettre à François Christophle Honoré de Klinglin. La première édition imprimée clandestinement à Lyon en juillet 1762 a donc été diffusée et a circulé. Elle constitue un jalon important de l’histoire éditoriale de ce texte. Elle est aujourd’hui présente dans les bibliothèques comme sur le marché d’antiquariat. Elle est, selon nous, celle signalée par Dufour sous le numéro 138, un in-douze de 376 pages dont certaines feuilles furent imprimées sur un papier du Beaujolais. Nous ignorons, en revanche, ce qu’il est advenu du retirage en cours début août lors d’une descente de police fortuite qui aboutit à l’arrestation de Réguilliat. Certains exemplaires ont-ils pu être mis sur le marché ? Nous ne saurions le dire. Nous croyons avoir, au cours de notre investigation, dévoilé deux éditions rouennaises et restitué une édition hollandaise que d’aucuns ont cru lyonnaise. Si cette enquête avait été publiée en anglais, nous aurions pu, en réponse à Ralph Leigh, l’intituler « Solved problems in the bibliography of Jean-Jacques Rousseau »… Mais il reste encore bien des mystères à lever, à commencer par celui qui entoure l’identité de l’édition dont la page de titre semble copier celle que nous attribuons à Réguilliat. Le dossier n’est donc pas refermé. Nous laisserons le dernier mot à Rousseau qui écrivait de Môtiers à Rey le 8 octobre 1762 : « […] Je suis vraiment peiné de tous les désagrémens, faux fraix, et contrefaçons qui peuvent vous rendre onereux le Contrat social. Je voudrois bien que vous y trouvassiez vôtre compte ; cet ouvrage fait assez de bruit, ce me semble, pour que malgré des éditions contrefaites, les vôtres ne restent pas à vôtre charge ; je le desire de tout mon cœur. Nos Montagnes sont déjà couvertes de neige. J’ai froid, je suis triste, je pisse mal ; à cela près tout va passablement vû la situation […]61. »

Illustration n° 1 : Édition pirate de Rouen [Machuel ? ]. BM Grenoble F 17895 (photo BM Grenoble).

Illustration n° 2 : Édition pirate de Rouen (collection et photo de l’auteur).

Illustration n° 3 : Édition pirate probablement hollandaise, considérée à tort comme lyonnaise par Gagnebin, BM Lyon, Rés. 427698 (photo BM Lyon).

Illustration n° 4 : Édition pirate lyonnaise de Réguilliat (collection et photo de l’auteur).

Illustration n° 5 : Contremarque « Beaujolois » dans l’édition Réguilliat (collection et photo de l’auteur).

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1 Louis Petit de Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un observateur… Tome Premier, A Londres : chez John Adamson, 1780, p. 128-129.

2 Nous utilisons l’orthographe Réguilliat, ainsi que Jean-Baptiste Réguilliat et plusieurs membres de sa famille signaient. Son patronyme est souvent orthographié Réguillat dans les documents du temps et postérieurs.

3 Ce dossier a donné lieu à un article : « Jean-Baptiste Réguilliat, imprimeur-libraire lyonnais destitué en 1767 », publié dans La Lettre clandestine, n° 12, 2003, p. 201-218, ainsi qu’à une communication intitulée « Investigations autour du Contrat social de Rousseau publié par l’imprimeur-libraire lyonnais Réguilliat (1762) / Ricerche sul Contratto sociale di Rousseau edito dal tipografo-libraio lionese Réguilliat (1762) » au colloque La Tipografia e la sua Variante / The Printing Press and its Variants, Florence, Istituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, Palazzo Strozzi, 10-12 décembre 2004. Il a également fait l’objet d’une conférence « Une édition clandestine du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau publiée à Lyon en 1762 » à la Société historique de Lyon le 17 janvier 2011, dont un résumé est disponible sur le « Blog Rousseau » de l’ARALD : http://rousseau.arald.org/?post/2011/02/23/Une-%C3%A9dition-clandestine-du-Contrat-social (consulté le 16 juin 2016). Ses résultats, et certains des exemplaires examinés, ont été présentés dans l’exposition « Jean-Jacques Rousseau entre Rhône et Alpes » organisée par la Bibliothèque municipale de Lyon du 3 avril au 30 juin 2012 : https://www.bm-lyon.fr/expo/12/rousseau/ (consulté le 16 juin 2016).

4 Dominique Varry, « Une collaboration à distance : Jean-Jacques Rousseau et Marc-Michel Rey », dans L’Ecrivain et l’imprimeur, dir. Alain Riffaud, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 217-230.

5 BnF, ms. n.a.f. 3344 pièce 252.

6 Ralph Alexander Leigh, Correspondance complète de Jean-Jacques Rousseau, Oxford, Voltaire Foundation, 1965-1992, 52 volumes, tome X, p. 306, n° 1809.

7 BnF, ms. n.a.f. 3344 pièce 253.

8 Ibid.

9 Comme dans le cas du Contrat social, Duchesne imprima un second tirage in-12, lui aussi destiné à dissuader les contrefacteurs.

10 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, op. cit., tome XI, p. 237, n° 1965.

11 Friedrich Melchior Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique… tome V, Paris, Garnier frères, 1878, p. 116.

12 Cf. supra note 1.

13 Cf. supra note 6.

14 http://www.lib.cam.ac.uk/deptserv/rarebooks/leigh.html (consulté le 16 juin 2016).

15 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems in the bibliography of J.-J. Rousseau… edited by J. T. A. Leigh, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.

16 Théophile Dufour, Recherches bibliographiques sur les œuvres imprimées de J.-J. Rousseau, Paris, L. Giraud-Badin, 1925, 2 vol.

17 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems…, op. cit., p. 17.

18 Jean Sénelier, Bibliographie générale des œuvres de J.-J. Rousseau, Paris, PUF, 1950.

19 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems…, op. cit., p. 17.

20 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, op. cit., tome X, p. 114, n° 1689.

21 Bibliothèque municipale de Grenoble : F 17895.

22 Cambridge University Library : Leigh.d.3.75. Page de titre reproduite dans Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems…, op. cit., p. 55.

23 Raymond Gaudriault, Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, CNRS Éditions et J. Telford, 1995.

24 Collection de l’auteur. Elle a été présentée lors de l’exposition lyonnaise de 2012. Page de titre reproduite dans Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems…, op. cit., p. 56.

25 Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes tome 3 Du Contrat social. Écrits politiques. Édition publiée sous la direction de Bernard Gagnebin et Marcel Raymond…, Paris, Gallimard, 1964, (La Pléiade), p. 1870, n° 5. Dufour n° 134.

26 Bibliothèque municipale de Lyon [désormais BM Lyon] : Rés. 427698 : [1-1bl.]-IV-202 p. A-N8 [$5 arab. sign.]. Cet exemplaire a été présenté lors de l’exposition lyonnaise de 2012.

27 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems…, op. cit., p. 52-58. Page de titre reproduite p. 57

28 Paris, Bibliothèque Sainte Geneviève : delta 64647 RES (P2). Dufour n° 136.

29 Collection de l’auteur.

30 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, tome XII, p. 227, n° 2099.

31 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, tome XII, p. 225, n° 2098.

32 Dominique Varry, « Une famille de libraires lyonnais turbulents : les Bruyset », La Lettre clandestine, n° 11, 2002, p. 105-127.

33 Après accord avec Duchesne, qui avait publié l’Émile sous la fausse adresse de Jean Néaulme, Bruyset obtint une permission tacite, et annonça son édition par une lettre circulaire tirée à 300 exemplaires. De fait, Bruyset a effectué trois impressions de l’Émile datées de 1762. L’une à l’adresse de Leipsick chez les héritiers de M. G. Weidmann et Reich (McEachern 3B), les deux autres à l’adresse d’Amsterdam chez Jean Néaulme (McEachern 3A et 5). Jo-Ann E. McEachern, Bibliography of the writings of Jean Jacques Rousseau to 1800. Volume 2 : Émile ou de l’éducation, Oxford, Voltaire Foundation, 1989.

34 BnF, ms. n.a.f. 3344 pièce 258.

35 BnF, ms. fr. 22 073, p. 125.

36 BnF, ms. n.a.f. 3344, pièce 259.

37 BnF, ms. n.a.f. 3344, pièces 260 et 261.

38 Il s’agit de Geoffroy Regnault, né en 1710, libraire en 1743, et reçu imprimeur en 1757. Longtemps considéré comme un imprimeur de seconde zone et de mauvaise réputation, il se révèle aujourd’hui comme un grand imprimeur lyonnais publiant les auteurs des Lumières sous adresses fictives. On lui doit par exemple six éditions d’Helvétius, sept éditions de l’Histoire des deux Indes de Raynal, et l’impression lyonnaise de l’édition encadrée de Voltaire de 1775 en quarante volumes. Dominique Varry, « L’édition encadrée des Œuvres de Voltaire (1775) : une collaboration entre imprimeurs-libraires genevois et lyonnais ? », dans Voltaire et le livre, Textes réunis par François Bessire et Françoise Tilkin, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du 18e siècle, 2009, p. 107-116.

39 Arch. mun. Lyon, 1 GG 74, f° 18 r°.

40 BnF, ms. fr. 22128, fos 291-302. Léon Moulé, « Rapport de Cl. Bourgelat sur le commerce de la librairie et de l’imprimerie à Lyon en 1763 », Revue d’histoire de Lyon, 1914, tome XIII, p. 51-65.

41 BM Lyon, 118588 et 111902, Arrêt du Conseil d’État du Roi, qui condamne le nommé Réguillat… du 21 janvier 1767, À Lyon, de l’imprimerie de P. Valfray, imprimeur du roi, 1767, 3 p.

42 Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, STN, manuscrit 1204, f. 245-277, 22 pièces d’octobre 1770 au 21 novembre 1773. Dominique Varry, « Les échanges Lyon-Société typographique de Neuchâtel », dans Le Rayonnement d’une maison d’édition dans l’Europe des Lumières : la Société typographique de Neuchâtel 1769-1789… Textes publiés par Robert Darnton et Michel Schlup, avec la collaboration de Jacques Rychner…, Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, Hauterive, Éditions Gilles Attinger, 2005, p. 491-518.

43 Ibid., f. 254, lettre à Fauche du 28 février 1772.

44 Ibid., f. 252-253, 27 novembre 1771.

45 Arch. mun. Lyon, 1 GG 379 (1771, n° 164).

46 BnF, ms. fr. 22098, pièce 68, fos 178-179, 3 mars 1767.

47 André Lebois, « Autour du Contrat social : faut-il rendre à Rousseau la Lettre au seul Ami ? », Archives des lettres modernes : études de critique et d’histoire littéraire, n° 45, Paris, Minard, octobre 1962, 32 p.

48 Joseph-Marie Quérard, Les supercheries littéraires dévoilées, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, tome 3, col. 459.

49 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, op. cit., tome XII, p. 225, n° 2098.

50 Dominique Varry, « De la Bastille à Bellecour : une “canaille littéraire”, Taupin Dorval », dans Le Livre et l’historien. Etudes offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, réunies par Frédéric Barbier, Annie Parent-Charon, François Dupuigrenet Desroussilles, Claude Jolly, Dominique Varry, Genève, Droz, 1997, p. 571-582.

51 Arch. dép. Rhône, BP 3276.

52 Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, Strasbourg, Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace, 1993, fascicule 21, p. 2007.

53 Théophile Dufour, Recherches bibliographiques sur les œuvres imprimées de J. J. Rousseau… op. cit., tome 1, p. 136.

54 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, op. cit., tome XII, p. 148-149, n° 2057.

55 BnF : *E 1926 (absence constatée après récolement) ; Arsenal : 8-J-276. Nous avons travaillé à partir d’un exemplaire que nous avons acquis dans le commerce et sur ceux de Cambridge et Genève.

56 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems… op. cit., p. 60. Cambridge University Library : Leigh.d.3.83. et Leigh.d.3.84.

57 http://dbserv1-bcu.unil.ch/ornements/scripts/Info.html.

58 Ralph Alexander Leigh, Unsolved problems… op. cit., p. 61.

59 Bibliothèque de Genève : Df 812 ; Cambridge University Library : Leigh.d.3.82.

60 Aujourd’hui, commune de Mirabel-et-Blacons (Drôme).

61 Ralph Alexander Leigh, Correspondance…, op. cit., tome XIII, p. 182-184, n° 2219.